ÉCHANGES AVEC LE PUBLIC À L'ISSUE DE LA PREMIÈRE TABLE RONDE

Antoine KARAM, Sénateur de la Guyane

Je connais les travaux de Monsieur Sabatier, que je salue. Pendant des siècles, la Guyane avait mauvaise réputation. Elle était le cimetière des Européens, puis le bagne, elle a connu la catastrophe de Kourou en 1763. Son image a changé au moment de l'implantation du centre spatial. Rio 92 est concomitant à cette implantation. Je suis signataire du protocole d'accord du 4 juin 1992 posant les bases du Parc amazonien de Guyane en compagnie de Madame Royal, du président du conseil général de l'époque Élie Castor et de Monsieur Le Pensec en présence du Président de la République. La Guyane est devenue un territoire à protéger, car elle est devenue le poumon du monde. Toutefois, le peuple guyanais est déchiré entre une volonté de développement économique pour donner de l'emploi aux 45 % de jeunes actuellement au chômage et la nécessité de protection de l'environnement. La prospection d'hydrocarbures au large de nos côtes est un sujet dont nous débattons avec le ministre de l'environnement.

Comment faire du développement économique en protégeant l'environnement ?

Nous souhaitons donner de l'espérance à un peuple et cesser l'assistanat et les transferts sociaux, qui attirent des populations étrangères. En moins de deux ans, 20 000 réfugiés sont venus de toute l'Amérique du Sud et des Caraïbes. Nous avons besoin de votre éclairage pour trouver une synthèse entre le développement et la protection de l'environnement.

Michel MAGRAS, Président de la Délégation sénatoriale aux outre-mer

Merci pour ce témoignage émouvant. Nous sommes confrontés à la difficulté d'allier le développement et la protection de l'environnement. Nous croyons que cela est possible à condition de ne pas reproduire les erreurs du passé, de poursuivre la recherche et de suivre ceux qui sont là pour nous guider.

Max PIERRE-FANFAN, Écrivain, journaliste et réalisateur

Comment produire autrement ? Les énergies fossiles ont permis l'industrialisation du monde. Comment préserver la biodiversité des outre-mer, qui est liée au climat ?

Un proverbe dit qu'on entend l'arbre qui tombe et pas les milliers d'arbres qui poussent. Est-ce le cas en Guyane ?

Daniel SABATIER, Botaniste, écologue des forêts tropicales, chercheur à l'Institut de recherche pour le développement (IRD), UMR AMAP, Montpellier

Je comprends votre témoignage, monsieur le sénateur. La Guyane pose de nombreux problèmes, mais il me semble qu'il existe une marge de manoeuvre dans le développement d'une gestion durable. Cela requiert des efforts, dont les effets ne seront pas immédiats. Si je prends l'exemple du domaine agricole, l'augmentation de la population, que vous soulignez, entraîne une demande croissante de terres agricoles. Le système de production est principalement basé sur des méthodes agricoles anciennes, qui certes ont fait leurs preuves. Il faudrait cependant conduire une recherche en Guyane sur les systèmes agricoles, pour que l'agriculture soit moins gourmande en terres et préserve mieux la fertilité des sols. Les cultures sont en effet installées sur des espaces déforestés et transformés temporairement en espaces agricoles. Une forêt se reconstitue ensuite. Cette forme de jachère à long terme est très gourmande en territoires forestiers pour un rendement agricole faible. Il faudrait travailler sur la durabilité des systèmes agricoles, le maintien de la fertilité des sols et des systèmes de rotation nécessitant moins d'intrants et de pesticides. Un institut devrait être implanté en Guyane pour travailler sur ces questions de productions agricoles, maintien de la fertilité, réduction de la consommation en énergie et en terres. Nous devons nous donner cette perspective de gestion durable.

Michel MAGRAS, Président de la Délégation sénatoriale aux outre-mer

Merci pour cette préconisation concrète.

Philippe FELDMAN, Chargé de mission biodiversité et ressources biologiques au Cirad

Le projet MOVECLIM était financé par le réseau européen Netbium. Ce projet de coordination de politiques publiques de recherche a été porté par toutes les collectivités d'outre-mer européennes. Il avait pour objectif d'identifier les priorités de recherche en matière de gestion de la biodiversité et de développement durable. Ce sont des projets collaboratifs décidés par l'outre-mer pour l'outre-mer, qui alliaient sans les opposer les questions de conservation, de gestion et de valorisation de la biodiversité pour le développement.

SECONDE TABLE RONDE - LA BIODIVERSITÉ, SENTINELLE ET RESSOURCE FACE AUX CHANGEMENTS CLIMATIQUES

Stéphane GUITET, Ingénieur forestier et référent outre-mer à l'Institut national de l'information géographique et forestière

Propos de présentation par M. Michel Magras, président de la Délégation sénatoriale aux outre-mer

Monsieur Stéphane Guitet, ingénieur forestier de formation et docteur en écosystèmes, a étudié à partir de 2002 le fonctionnement et la gestion de la forêt guyanaise, avant de devenir en 2015 membre du conseil scientifique du Parc amazonien de Guyane. Il vient de rejoindre en 2017 l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN) comme expert forestier référent outre-mer pour l'inventaire forestier et environnemental.

Nous retournons donc en Guyane dont l'immensité forestière recèle plus de la moitié du stock national de biomasse et une richesse exceptionnelle de biodiversité. Monsieur Guitet va nous parler des interactions entre concentration de carbone et biodiversité et, par voie de conséquence, de l'importance de mettre en place un suivi des évolutions forestières.

Je vous remercie pour votre invitation.

Nous aborderons les enjeux et suivis des stocks et flux de carbone en forêt guyanaise dans le cadre des changements globaux.

La forêt guyanaise représente un sixième de la superficie métropolitaine, mais un tiers du patrimoine forestier national français. La Guyane, à elle seule, contient l'équivalent du stock métropolitain de biomasse forestière.

En matière de biodiversité, il existe sur ce territoire trois fois plus d'espèces vivantes et dix fois plus d'espèces d'arbres que sur l'ensemble du territoire métropolitain.

De gauche à droite : Mosaïque LANDSAT réalisée par l'IRD (Emil Cherrington, 2016) ; mosaïque SPOT

Le stock de biomasse est également exceptionnel à l'échelle régionale. La concentration de carbone forestier en Guyane française est en effet très forte (150 à 200 tonnes de carbone à l'hectare). Ce stock massif est lié à un type forestier original dans son environnement régional. Dans les deux tiers nord du territoire, les canopées sont plus denses et régulières, la densité d'arbres à l'hectare est plus importante et les espèces d'arbres sont à bois plus nombreuses et souvent de dimension plus importante que dans le reste de l'Amazonie.

À l'échelle locale, les études des dernières décennies ont permis de spatialiser la biomasse et de mettre en évidence la variation de la distribution géographique des stocks de carbone. En particulier, les plateaux centraux de la Guyane, les hauts reliefs (300 à 800 mètres d'altitude) contiennent davantage de biomasse et des stocks de carbone des sols plus importants jusqu'à une profondeur d'un mètre.

Ces régions fortement concentrées en carbone correspondent à des régions de forte diversité spécifique des arbres et de la flore du sous-bois. Les régions correspondant à des hotspots de biodiversité, donc également à des zones fortement dotées en carbone dans le sol et la biomasse. La corrélation entre ces deux variables est significative.

Ces stocks exceptionnels sont en évolution constante. Des flux importants sont relevés du fait des conséquences directes et indirectes des activités humaines. Il est donc nécessaire de les mesurer, dans le cadre des rapportages internationaux. Ils sont soumis à une baisse programmée. En effet, la Guyane suit une trajectoire de développement démographique et économique qui s'accompagne de déforestation pour produire de l'énergie, créer des surfaces agricoles et installer des infrastructures. Les flux d'émission de CO 2 sont donc importants. Plus des trois quarts des émissions régionales de CO 2 en Guyane proviennent des flux liés à la déforestation. L'exploitation forestière a en outre des effets d'émission de CO 2 liés à la production et à la création d'infrastructures, mais également des effets positifs de puits de carbone en favorisant la régénération et l'accélération de la croissance des peuplements. Ces effets à long terme ne sont cependant pas encore bien mesurés.

Source : IGN-ONF 2015

Des évolutions sont liées aux changements climatiques, dont les effets attendus sont une augmentation des événements violents (sécheresses et événements climatiques - orages et fortes pluies - plus intenses) avec des effets négatifs attendus sur la productivité et la stabilité des peuplements, qui induiront une baisse des stocks de carbone par l'augmentation de la mortalité des arbres. Ce phénomène mesuré en Amazonie centrale n'est cependant pas encore observé en Guyane. La biodiversité jouera un rôle sur la productivité des peuplements et leur stabilité (résilience). Les relations entre biodiversité, stabilité et stock de carbone sont complexes et font l'objet d'études. Les enjeux de connaissance sont donc importants à l'échelle nationale et régionale, ce qui nécessite des moyens en termes de suivi et de recherche.

Assurer un suivi des flux et stocks de carbone nécessite la mise en place de dispositifs d'observation. De nombreuses recherches ont permis de fixer les méthodes à appliquer dans ce domaine, en premier lieu observer les évolutions des surfaces forestières régulièrement à partir de télédétection. La Guyane bénéficie de moyens pour réceptionner et suivre ces images. La mobilisation des nouvelles technologies notamment LIDAR permet de suivre les mouvements de canopée et des biovolumes et leurs dégradations et aggradations. La collecte des données de terrain est également essentielle pour calibrer les outils de suivi et appréhender les stocks dans les parties non visibles (racines, litière, bois morts), qui peuvent représenter un quart des stocks de carbone totaux. Les estimations actuelles laissent présager une forte évolution des stocks et flux dans les années à venir. Pour adapter nos modes de gestion et d'aménagement du territoire, nous avons besoin de savoir si les politiques publiques atteignent les objectifs fixés. Pour cela, il est nécessaire d'institutionnaliser ce suivi pour améliorer la précision de ces estimations, qui sont encore empreintes de grandes incertitudes.

Les acteurs locaux, les collectivités locales, les gestionnaires (Parc amazonien, gestionnaires de réserves, l'ONF) et les organismes de recherche participent actuellement aux efforts de suivi, qui restent encore informels, au rythme des opportunités dans le cadre des appels à projets. Un effort doit être entrepris pour en faire un outil pérenne de développement du territoire guyanais pour que cet immense stock de carbone devienne un atout.

(c) Olivier Tostain

Jean-Jacques POURTEAU, Délégué à l'outre-mer Agence Française pour la Biodiversité

Propos de présentation par M. Michel Magras, président de la Délégation sénatoriale aux outre-mer

Monsieur Jean-Jacques Pourteau est - pour ceux qui ne le connaîtraient pas encore et qui doivent être rares dans cette salle - le délégué pour les outre-mer de l'Agence française pour la biodiversité, et co-organisateur de notre matinée. Je tiens à le remercier pour son engagement, son enthousiasme et son extrême disponibilité qui lui confère un quasi-don d'ubiquité ! Il va nous présenter, en lieu et place de Monsieur Mahé Charles qui assure la supervision du travail de recherche en Polynésie et n'a pu venir jusqu'à Paris, le projet RESCCUE, « Restauration des services écosystémiques et adaptation au changement climatique ». Ce projet, mis en oeuvre par la Communauté du Pacifique et financé par l'Agence française de développement et le Fonds français pour l'environnement mondial, tend à promouvoir une meilleure gestion intégrée terre-mer pour renforcer la résilience des écosystèmes et des populations face aux conséquences du réchauffement climatique.

Je vous remercie de l'accueil que le Sénat nous réserve aujourd'hui.

Je serai le porte-parole de Mahé Charles et de l'équipe de RESCCUE située en Polynésie, dont j'ai pu constater la semaine dernière l'efficacité de l'action sur le terrain. RESCCUE cherche à renforcer la résilience des écosystèmes en intégrant les changements climatiques dans les paramètres à prendre en considération.

Nous vous présentons dans ce film quelques actions conduites par cette équipe. La révision des plans de gestion de l'espace maritime de l'île de Moorea permet de rassembler l'ensemble des acteurs pour améliorer la gouvernance et assurer ainsi une gestion plus pérenne du lagon de cette île, qui possède d'importantes valeurs socioéconomiques et culturelles. Il présente également les pratiques durables agricoles dans le domaine de la culture bio de l'ananas et un travail sur la perliculture, activité majeure de Tahiti, avec une amélioration de la gestion des déchets et une amélioration de la qualité environnementale de cette activité. Des opérations de conservation et de restauration de la biodiversité et un travail de lutte contre l'érosion du littoral sont également conduits.

Un film est projeté.

RESCCUE est un projet opérationnel ayant pour objet de renforcer la résilience des écosystèmes et des sociétés face au changement climatique, qui intervient à Fidji et au Vanuatu, ainsi qu'en Nouvelle Calédonie et en Polynésie française.

Le changement climatique amplifie les menaces sur la biodiversité et les enjeux de développement déjà présents localement. Pour y répondre, le projet cherche à mettre en oeuvre une gestion plus intégrée des différents secteurs d'activité. Il accompagne les acteurs locaux dans la préparation des plans d'action après réalisation d'un diagnostic approfondi. Sur l'île de Moorea, il a accompagné la révision du plan de gestion du lagon pour faire face à l'évolution des usages et à la croissance démographique afin de permettre la mise en place d'une gestion participative plus durable des écosystèmes lagonaires et des activités associées. Dans les deux sites pilotes, il accompagne les communes dans la mise en place de zones de mouillage organisées et écologiques pour développer le tourisme nautique. Il a également diagnostiqué l'évolution du trait de côte afin de mieux comprendre le phénomène d'érosion accrue sur la plage publique. Les actions comprennent la revégétalisation du haut de plage et un rechargement en sable, ainsi qu'une opération de restauration récifale par bouturage de coraux.

Il accompagne également les producteurs d'ananas de Moorea dans la définition d'une démarche plus durable visant à limiter l'érosion dans les champs d'ananas et de favoriser la production en agriculture biologique. Il propose également des mécanismes de financement pour pérenniser ces actions.

Pour les acteurs de la perliculture, il améliore la compréhension de l'interaction entre l'environnement et la perliculture et permet de proposer des solutions de gestion et de valorisation des déchets plastiques issus de la perliculture.

Enfin, il s'associe à la lutte contre les espèces envahissantes dans les sites pilotes et la conservation d'une forêt naturelle. Une pépinière multiusage permet de reproduire des plantes rares menacées et des plantes forestières pour le reboisement. Il favorise en outre la réhabilitation d'habitats pour les oiseaux marins qui jouent un rôle majeur auprès des pêcheurs dans l'identification de bancs de poissons.

Le projet permet le renforcement des actions locales en formant des animateurs pour la conservation et de futurs guides écotouristiques à la reconnaissance et à la conservation de la biodiversité.

Le projet RESCCUE a également pour objet de renforcer les échanges d'expériences avec d'autres sites en Polynésie et à l'échelle régionale.

Audrey LÉOPOLD, Chercheure Institut agronomique néo-calédonien

(Projection d'un film : Léopold, A. (IAC), Cavaloc, Y. (UNC), Ayrault, N. (Adecal-Technopole), Lebegin, S. (IAC)

Propos de présentation par M. Jean-Jacques Pourteau, Délégué à l'outre-mer de l'Agence française pour la biodiversité

Audrey Léopold est titulaire d'une thèse de doctorat en biogéochimie et est chercheure en agroécologie au sein de l'équipe Sol Végétation de l'institut agronomique néo-calédonien. Ses thématiques de recherche concernent l'agroécologie, la fertilité des sols agricoles et les processus de dégradation et de stockage de la matière organique. L'institut agronomique de Nouvelle-Calédonie mène des recherches finalisées en appui au développement rural du pays, centrées autour des enjeux de transformation du monde rural. La biodiversité néo-calédonienne est très riche et fortement endémique. La Nouvelle-Calédonie possède également le plus grand lagon du monde et la deuxième plus grande barrière de corail continue au monde.

Les actions présentées portent sur les systèmes de semis directs sous couverture végétale, qui représentent des systèmes agricoles durables et résilients mettant à profit la biodiversité végétale. Leur productivité dépend cependant des contextes climatiques dans lesquels ils sont installés. La côte ouest de la Nouvelle-Calédonie jouit d'un climat subtropical semi-aride, où les précipitations sont rares et inégalement réparties à l'échelle annuelle. Les systèmes semi-directs sous couverture végétale représentent un véritable atout en matière de préservation de la valorisation de la ressource hydrique. L'Institut agronomique de Nouvelle-Calédonie étudie les potentialités de ce mode de culture en contexte néo-calédonien. Il s'agit d'évaluer les gains de ces systèmes en matière de ressource hydrique, de la culture de rente et les potentialités de l'espace végétal pour répondre au développement exponentiel de la filière céréales. L'Institut travaille également sur les possibilités des plantes endémiques pour l'agriculture et pour la restauration des milieux dégradés.

L'intervention d'Audrey Léopold est projetée.

Ce projet financé par le ministère des Outre-mer, a été réalisé à l'Institut agronomique néo-calédonien (IAC), en partenariat avec l'Adecal-Technopole de Nouvelle-Calédonie et l'Université de la Nouvelle-Calédonie (UNC), et en collaboration avec l'Institut de recherche pour le développement (IRD) et l'Institut national de recherche agronomique (INRA).

L'agriculture mondiale de type intensif et productiviste, dont le travail du sol est un des fondements, a répondu aux objectifs de rendements croissants qu'elle se fixait dans un contexte d'explosion démographique humaine. Ce type d'agriculture a toutefois un coût écologique et environnemental : érosion des terres, perte de matière organique et baisse de la fertilité des sols, eutrophisation des eaux ou encore émission de gaz à effet de serre, en sont quelques exemples. Ces impacts environnementaux engendrent un coût agronomique se traduisant notamment par une stabilisation, voire une baisse des rendements agricoles.

Afin de répondre aux problématiques de production agricole et de préservation des ressources, est né le concept d'agriculture de conservation (AC). Celle-ci s'organise autour de trois grands piliers : un travail minimal du sol, des rotations et associations culturales et une couverture permanente du sol. Le système de semis direct sous couverture végétale (SCV) est certainement le système agricole, issu de ce concept, le plus abouti. Le semis de la culture de rente est effectué sans labour, à travers une couche de paillage issu de la destruction de la biomasse d'une culture intercalaire ou directement au sein d'une culture intercalaire. Les bénéfices des SCV concernent la ressource hydrique, les stocks de matière organique, la biodiversité, mais aussi les charges d'exploitation agricole. In fine , les rendements de ce type de système peuvent être supérieurs à ceux de l'agriculture conventionnelle si les itinéraires techniques sont maîtrisés dans différents contextes pédoclimatiques.

Un contexte pédoclimatique particulier est celui de la Nouvelle-Calédonie. Ce territoire insulaire français, situé dans le Pacifique Sud-ouest est connu pour sa biodiversité et son environnement exceptionnels. Sa climatologie est très hétérogène à l'échelle du territoire, et la courte saison des pluies est favorable au développement de perturbations tropicales pouvant impacter significativement les agro-écosystèmes. En Nouvelle-Calédonie, moins de 10 % de la surface du territoire sont dédiés à l'agriculture, dont 96 % pour l'élevage bovin extensif ; de plus, de fortes disparités existent entre les provinces administratives : la province Sud, qui concentre 75 % de la population, a une agriculture à économie de marché, tandis que les provinces Nord et Îles exercent une agriculture traditionnelle et familiale. L'agriculture en Nouvelle-Calédonie est un secteur en perte de vitesse ; le taux de couverture des besoins alimentaires par l'agriculture locale est faible, induisant une forte dépendance du territoire aux importations. Afin de (re)dynamiser le secteur, plusieurs filières prioritaires ont été définies, notamment la filière céréales. Soucieux de développer des systèmes céréaliers performants, résilients et respectueux de l'environnement, les pouvoirs publics cherchent à développer largement les systèmes SCV en Nouvelle-Calédonie, avec un objectif majeur vis-à-vis de la ressource hydrique.

Le présent projet a été réalisé sur des parcelles expérimentales situées sur la côte ouest de la Grande Terre et exploitées par l'Adecal-Technopole. Les modalités de culture étudiées sont de type conventionnel avec labour, semis direct sous couvert mort de luzerne et semis direct sous couvert vivant de luzerne. Les objectifs du projet consistent à étudier la croissance et le développement de la culture de rente, le maïs, en fonction de la modalité de culture avec une problématique majeure autour de la ressource hydrique. L'impact de la culture sur la physicochimie et la biologie des sols a été étudié ainsi que les cinétiques de dégradation des couverts en fonction de l'espèce végétale utilisée et de son taux d'application. Les premiers résultats sont encourageants : un impact positif des SCV sur les sols a été mis en évidence en matière d'infiltration et de rétention de l'eau, de sensibilité du sol à l'érosion, du stock de matière organique ou encore d'activité microbienne. Cependant, afin que les bénéfices des couverts au regard de de la ressource hydrique soient effectifs sur le court terme, il faut bénéficier d'une biomasse significative de couvert, ce qui peut être un facteur limitant en climat semi-aride. La qualité du couvert, en définissant partiellement les cinétiques de dégradation de la biomasse, apparaît également comme un paramètre important à prendre en compte, suggérant que le type de couvert sélectionné dans un système SCV sera fonction des objectifs agronomiques recherchés. La destruction du couvert est régulièrement réalisée à l'aide d'herbicides. Il est donc nécessaire d'orienter les recherches vers l'utilisation de couverts vivants, ce qui implique de connaître et comprendre les phénomènes d'interactions qui peuvent exister entre les espèces. Dans cette étude, le développement et les rendements de la culture de rente ont ainsi été fortement impactés par la présence de la luzerne vivante. Il s'agira à l'avenir d'étudier les meilleures combinaisons de cultures de rente/types de couvert de façon à optimiser les synergies entre les diverses espèces végétales ; la biodiversité est une richesse pour l'agronomie.

Chloé BOURMAUD, Maîtresse de conférences Biologie des organismes Université de La Réunion

Propos de présentation par M. Michel Magras, Président de la Délégation sénatoriale aux outre-mer

Madame Chloé Bourmaud enseigne la biologie et la physiologie animales à l'Université de La Réunion depuis 1999. Spécialiste de la biologie des organismes marins et de l'écologie des récifs coralliens des bassins océaniques Indien et Pacifique, elle s'intéresse depuis une quinzaine d'années aux hydraires et, plus récemment, a ouvert son champ d'investigation aux méduses, stade pélagique de ces mêmes espèces, en collaboration avec des chercheurs d'Afrique du Sud et de Marseille. Ce matin, elle va nous présenter le projet MEDUSO pour lequel elle a été lauréate de la COP21. Ce projet considère les méduses comme des sentinelles du changement climatique et s'interroge sur les risques en matière sanitaire et pour le secteur du tourisme à La Réunion et à Mayotte face à la fréquence croissante des blooms médusaires.

Ce programme a été financé par le ministère des Outre-mer (MEDUSO) et le laboratoire d'excellence Corail (MEDUSOOI).

Les méduses comprennent notamment les hydrozoaires, les scyphozoaires et les cubozoaires, ces dernières comportant une trentaine d'espèces mortelles pour l'homme.

Les constats sont alarmants : les échouages de méduses sur les côtes se multiplient depuis une dizaine d'années avec des effets désastreux sur la pêche et le tourisme. Cette problématique mondiale est susceptible d'obstruer des circuits d'industries, occasionne des pertes de poissons dans les fermes aquacoles, colmate les filets de pêche et a des impacts sur les activités nautiques de loisir, en particulier à La Réunion et à Mayotte.

Ces organismes ont un cycle de vie qui favorise leur dispersion, dit bentho-pélagique (le polype vit sur le substrat et émet des méduses tout au long de sa vie, qui vivront dans la colonne d'eau et se reproduiront). Ces méduses font partie du plancton et errent donc dans la mer au gré des masses d'eau. Ce facteur favorise leur dispersion. En outre, les méduses peuvent se retrouver notamment dans les eaux de ballast des bateaux, tandis que les polypes s'accrochent à leur coque ( fooling ), aux algues flottantes comme les sargasses et colonisent les récifs artificiels. Toute artificialisation des littoraux entraîne un accroissement des populations de polypes et méduses, organismes pionniers. La surpêche des prédateurs des méduses et le réchauffement des océans favorisent également leur développement. Ces espèces profitent des niches écologiques laissées libres par les autres organismes.

Cette « gélification des océans » alarme les scientifiques.

À La Réunion, en 2006-2007, un programme de recherche a permis de recenser une soixantaine d'espèces de méduses sur la côte ouest récifale, en huit sites, avec des abondances variées sur l'année. Dix ans après, les programmes de recherche MEDUSO et MEDUSOOI (2016-2017), qui reprennent les mêmes sites et la même technique d'échantillonnage des méduses, ambitionnent d'appréhender les variations spatio-temporelles en termes de diversité spécifique des espèces et d'abondance des populations, dans le contexte de changement climatique et global que nous connaissons.

Après l'analyse des quatre premiers mois d'échantillonnage, aucune modification en termes d'abondance n'a été constatée, mais de nouvelles cuboméduses (non mortelles) ont été identifiées. Lorsque les douze mois de collecte seront analysés, et si les abondances s'avèrent croissantes et problématiques pour le territoire réunionnais, il conviendra de définir la conduite à tenir avec les autorités ad hoc et d'évaluer les mois les plus pertinents pour pérenniser ce suivi laborieux. L'objectif est alors d'intégrer ce suivi dans le panel de mesures récurrentes effectuées dans le cadre de la station d'observation récifale et côtière de l'Observatoire des sciences de l'univers de l'Université de La Réunion, au sein de laquelle plusieurs paramètres biotiques et abiotiques sont relevés.

Nous souhaitons par ailleurs mettre en place une plateforme internet pour favoriser une participation scientifique citoyenne, à l'instar de ce qui se pratique déjà en Italie où de nombreuses affiches proposent à la population de reporter les rencontres sporadiques avec des méduses dans l'eau et les échouages. Une veille sanitaire sera mise en place à La Réunion, notamment pour les physalies (une méduse siphonophore très urticante et récurrente sur nos plages), en collaboration avec la Réserve naturelle marine de La Réunion. Le Parc marin de Mayotte souhaite également participer à ce projet. Nous espérons donc, à court terme, agrandir le réseau d'observation dans le sud-ouest de l'océan Indien.

Paule SALVIN, Maître de conférences en chimie des matériaux L3MA Pôle Martinique - Université des Antilles

Propos de présentation par M. Michel Magras, Président de la Délégation sénatoriale aux outre-mer

Le Docteur Paule Salvin, enseignant-chercheur au Pôle Martinique de l'Université des Antilles, travaille au laboratoire des matériaux et molécules en milieu agressif sur l'application des transferts d'électrons entre microorganismes et matériaux conducteurs. En 2015, elle a été lauréate de l'appel à projets recherche du ministère des outre-mer avec le projet « Recherche de biocatalyseurs naturels issus de l'environnement humide et aquatique de la Martinique dans la perspective d'une production d'énergie renouvelable via la pile à combustible microbienne ». C'est ce projet qu'elle va nous présenter.

Je remercie la Délégation sénatoriale aux outre-mer ainsi que l'Agence française pour la Biodiversité (AFB) pour cette invitation à présenter les travaux de recherche du laboratoire sur des microorganismes électroactifs, qui sont des éléments principaux de fonctionnement d'un dispositif de production d'électricité en continu : la pile à combustible microbienne, futur outil de production d'électricité renouvelable.

Le ministère des Outre-mer nous a financés à l'issue d'un appel d'offres. Le projet a commencé en fin d'année 2016.

Ses principaux objectifs consistent à :

- fournir un catalogue de milieux tropicaux sources de bactéries électroactives ;

- proposer un protocole de détection électrochimique ;

- concevoir les premières piles à combustible microbiennes à partir de ces milieux sources.

La représentation la plus classique est une pile électrochimique à double compartiment avec bioanode et biocathode. Les biofilms riches en microorganismes adhèrent à une surface solide et sont capables d'échanger les électrons issus de leur métabolisme avec cette surface solide conductrice.

Source : Paule SALVIN, L3MA

Le laboratoire mène une approche pluridisciplinaire mêlant la biologie et l'électrochimie, en partenariat avec un laboratoire chargé de la partie biologique du projet. Nous sélectionnons les milieux naturels potentiellement producteurs, nous proposons un dispositif électrochimique pour former ces biofilms, puis les microorganismes sont caractérisés et sélectionnés avant la conception de la pile.

Les milieux sources sélectionnés sont de type mangrove sablo-argileuse ou étang ou mare salée argileuse comportant des sédiments, à pH neutre, sous températures tropicales permettant de fournir des microorganismes adaptés à nos régions avec une salinité élevée idéale pour la conductivité des piles. En outre, le milieu doit être accessible.

Des campagnes de prélèvement ont permis d'obtenir des échantillons, qui sont placés dans des cellules électrochimiques permettant d'avoir une réponse de type anodique ou cathodique par une stimulation électrique. Il convient de savoir comment le microorganisme échange avec le support qui lui est fourni. Dans cinq milieux, une électroactivité d'un des types ou des deux a été révélée. Deux dispositifs de piles à combustible microbiennes ont été conçus. Le dispositif à compartiment unique comporte une bioanode connectée par un circuit électrique externe à une cathode abiotique en platine capable de catalyser la réduction du dioxygène. Le dispositif à double compartiment possède deux bioélectrodes.

Les performances obtenues atteignent 30 milliwatts par mètre carré de surface d'électrode pour une pile à double compartiment et de 150 à 170 milliwatts par mètre carré avec la cathode abiotique. Il existe donc une possibilité de transfert du courant électrique uniquement issu du milieu naturel.

Les prochaines phases seront l'identification des sources bactériennes présentes autour de l'électrode à la fin de l'utilisation de la pile et leur comparaison avec les organismes présents à l'origine.

À l'issue du projet, nous souhaitons poursuivre la production de ces piles. Le concours du laboratoire Ampère de Lyon nous permet d'augmenter la performance de sortie des piles à combustible naturel grâce à une intervention électronique. Une thèse en cours travaille sur le milieu de ces bactéries, afin de les obtenir dans un milieu contrôlé.

Laetitia HÉDOUIN, Chargée de recherche au CNRS - Laboratoire CRIOBE représentée par Antoine PUISAY Doctorant à l'École pratique des Hautes Études

Propos de présentation par M. Michel Magras, Président de la Délégation sénatoriale aux outre-mer

Le Docteur Laetitia Hédouin travaille en Polynésie française au Centre de recherches insulaires et à l'Observatoire de l'environnement (CRIOBE) de Moorea, un des plus éminents laboratoires français pour l'étude des écosystèmes coralliens. Monsieur Antoine Puisay, qui la représente aujourd'hui, est doctorant à l'École pratique des hautes études et s'est intéressé pour sa thèse aux capacités d'acclimatation des coraux et aux méthodes de sélection pour répondre aux défis de la restauration et de la conservation des récifs coralliens dans un contexte de changement climatique. Il est donc parfaitement qualifié pour introduire le documentaire qui va être projeté.

Je suis doctorant au CRIOBE et je travaillerai sur les résultats qui vous seront présentés dans le cadre de ma thèse qui s'achèvera l'année prochaine sur les récifs coralliens et leur capacité de résistance aux changements climatiques, en particulier sur les différents modes de reproduction des coraux.

Un film commenté par Laetitia HÉDOUIN est projeté.

« Les récifs coralliens assurent la protection physique contre les vagues. Ils sont source de revenus et d'alimentation pour les populations locales et contribuent au développement du tourisme.

Le polype est l'unité de base du corail, qui vit en symbiose avec une algue qui lui apporte 90 % de son énergie.

Toutefois, les coraux sont menacés, principalement par le réchauffement climatique. 20 % ont déjà disparu et 50 % sont menacés par le réchauffement de la température pendant plusieurs jours, qui entraîne leur blanchissement et leur mort. Le CRIOBE observe l'évolution des coraux dans le temps et la régénération des massifs coralliens après des événements dramatiques. Les scientifiques du CRIOBE émettent une alerte sur la mortalité des coraux, qui ont pourtant prouvé leur résilience.

Le CRIOBE mène également une action de restauration des zones impactées, notamment par la création de pépinières coralliennes basées sur le bouturage des coraux. Les fragments de coraux coupés permettront de générer de nouveaux individus. Il apparaît que la croissance des coraux varie selon les espèces. Certains individus sont résistants à la température, alors que d'autres y sont sensibles. Une base de données a été créée, dans laquelle chaque individu est référencé.

Le prochain objectif est la création d'une pépinière composée uniquement de coraux résistants, plus aptes à faire face au prochain blanchissement. Les techniques d'élevage de larves sont désormais maîtrisées pour trois espèces d'Acropora et devraient être étendues à d'autres genres coralliens.

La reproduction sexuée peut donc contribuer à résister au changement climatique : les gamètes libérés permettent de générer des croisements entre gamètes de différentes colonies qui seraient plus résistantes à la température. À ce titre, la sélection des colonies génitrices productrices d'ovocytes et de spermatozoïdes joue un rôle majeur dans la résistance des embryons formés. Il convient de comprendre les facteurs qui gouvernent cette résistance et sa transmission à la descendance.

Les coraux sont menacés par l'activité humaine. Certains coraux, individus et croisements sont plus résistants à la hausse des températures. Nous devons comprendre les mécanismes qui gouvernent la résistance à la température de certains individus. Nous devons également tester si l'approche de sélection de « supercoraux » est viable pour restaurer certaines zones dégradées. Toutefois, la science seule ne suffit pas, et les actions de chacun sont nécessaires pour contribuer à préserver cet écosystème. »

Marc JEANNIN, Maître de conférences Laboratoire des sciences de l'ingénieur pour l'environnement (LaSIE) Université de La Rochelle

Propos de présentation par M. Michel Magras, Président de la Délégation sénatoriale aux outre-mer

Pour clore notre éventail de présentations lauréates COP21, Monsieur Marc Jeannin, maître de conférences en physique à l'Université de La Rochelle et expert en corrosion marine, mène différents travaux de recherche en partenariat avec plusieurs grosses entreprises telles Naval Group ou Arcelor Mittal. Il va nous présenter le projet Ecocorail qui étudie un nouveau procédé physico-chimique permettant de lutter contre l'érosion côtière et de remédier à des polluants métalliques présents dans l'eau de mer tels le plomb, le chrome ou encore le nickel, dont les eaux calédoniennes sont chargées.

Je remercie l'AFB et la Délégation sénatoriale aux outre-mer de m'avoir invité à ce colloque.

Notre travail a commencé en 2014, financé par l'Agence nationale de la recherche (ANR) et le ministère des Outre-mer. L'ANR Ecocorail regroupe plusieurs partenaires dont le laboratoire LaSIE et deux laboratoires de l'Université de Caen et du CNRS, la start-up Géocorail et l'Université ISEA de Nouvelle-Calédonie.

Le contexte est celui de l'érosion côtière et de la pollution. En Europe, l'érosion côtière concerne 20 % des côtes et plus de 70 millions de personnes. Les îles du Pacifique sont également concernées.

La pollution par les éléments métalliques en milieu marin est liée à des activités, des rejets d'eaux usées liés à l'industrie ou à l'urbanisme. Ces polluants ne sont pas biodégradables et sont intégrés dans la chaîne alimentaire en représentant un danger pour la santé.

Les solutions comportent plusieurs types de méthodes. Les méthodes conventionnelles de protection côtière (digues, épis rocheux) et les méthodes de géoconsolidation ou de tubes de sables sont coûteuses et doivent être en permanence consolidées, restaurées et reconstruites. Des méthodes de décontamination existent également, mais elles sont destructives, onéreuses et peu adaptées aux faibles concentrations et ne tiennent pas compte de la forme dissoute des polluants métalliques. Toutes les autres méthodes sont onéreuses et difficilement possibles in situ .

Nous proposons la synthèse d'un matériau durable à partir des éléments naturellement présents dans l'environnement côtier et dans l'eau de mer. Le magnésium et le calcium présents dans l'eau de mer forment un dépôt calcomagnésien qui peut servir de ciment naturel avec les sédiments de plage (coquillages, sable, graviers), le Géocorail (marque déposée). La formation de cet écomatériau est une conséquence de la protection cathodique des aciers en eau de mer actuellement utilisée pour protéger des structures portuaires ou plateformes. On utilise un générateur de courant ou une anode permettant de placer l'acier dans son domaine d'immunité. À la surface de cet acier, se produit alors la réduction de l'oxygène dissous qui conduit à la production d'ions hydroxyles et une augmentation de pH qui favorise la précipitation de l'hydroxyde de magnésium et du carbonate de calcium pour former le dépôt calcomagnésien. Ce dernier est développé sur une grille enfouie dans le sable en milieu marin et fait office à terme de ciment naturel qui précipite et durcit tous les éléments qui se trouvent autour de lui.

Sources de haut en bas : Marc Jeannin - ANR Ecocorail

Ses applications comprennent des techniques de rétention sédimentaire pour éviter le désensablement des plages ou la consolidation des bases des digues qui s'écroulent à cause de l'affouillement.

Des expérimentations ont été conduites. À Belle-Île, une grille a été enfouie et polarisée pendant deux ans puis laissée à l'abandon durant vingt ans. On obtient ainsi un matériau d'apparence proche du ciment avec une porosité et une solidité proches du mortier courant. Ce système permet de préserver l'aspect visuel du site. Le ciment est constitué du dépôt calcomagnésien.

Nous cherchons à comprendre les mécanismes de cette croissance et à l'optimiser en procédant à des expérimentations. Les coquilles d'huître, le sable ou les graviers permettent également d'obtenir des agglomérats calcomagnésiens. L'entreprise a développé un site pilote près de La Rochelle et a obtenu des résultats très prometteurs.

Le piégeage des éléments métalliques est une application développée à Nouméa où les eaux de mer sont polluées en nickel, cobalt ou chrome provenant des industries d'extraction minière. Une étude a été conduite en laboratoire : il a été possible de piéger plus de 51 % du nickel ajouté dans la solution d'eau de mer dans le dépôt. Le plomb est également piégé à hauteur d'environ 23 %. Sur le site d'un laboratoire déporté en bord de mer dans la baie de Nouméa, le dépôt calcomagnésien développé après un mois de polarisation a piégé du nickel, du plomb, mais aussi du chrome, du fer, du cuivre et du zinc. Ce système pourrait être placé en sortie d'usine ou d'affluents pour limiter le largage trop important de métaux lourds dans l'eau de mer.

Ce principe permet donc de contribuer à la décontamination du milieu marin. Cette méthode est ecofriendly et moins onéreuse que des méthodes classiques.

Elle peut également contribuer à la reformation des récifs coralliens en polarisant les grilles de support des coraux. Un système a été déployé dans le port de Wallis pour essayer de capter les polypes et faire croître les coraux. Alimenté en énergie par EDF, ce système le sera à terme par des panneaux solaires. En outre, la scorie minière est un déchet fréquent, que nous captons également pour constituer des systèmes.

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