N° 228
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2017-2018
Enregistré à la Présidence du Sénat le 17 janvier 2018 |
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des affaires sociales (1) sur l' enquête de la Cour des comptes relative au rôle des centres hospitaliers universitaires dans l' enseignement supérieur et la recherche médicale ,
Par M. Alain MILON,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : M. Alain Milon , président ; M. Jean-Marie Vanlerenberghe , rapporteur général ; MM. René-Paul Savary, Gérard Dériot, Mme Colette Giudicelli, M. Yves Daudigny, Mmes Michelle Meunier, Élisabeth Doineau, MM. Michel Amiel, Guillaume Arnell, Mme Laurence Cohen, M. Daniel Chasseing , vice-présidents ; M. Michel Forissier, Mmes Pascale Gruny, Corinne Imbert, Corinne Féret, M. Olivier Henno , secrétaires ; M. Stéphane Artano, Mmes Martine Berthet, Christine Bonfanti-Dossat, MM. Bernard Bonne, Jean-Noël Cardoux, Mmes Annie Delmont-Koropoulis, Catherine Deroche, Chantal Deseyne, Nassimah Dindar, Catherine Fournier, Frédérique Gerbaud, M. Bruno Gilles, Mmes Nadine Grelet-Certenais, Jocelyne Guidez, Véronique Guillotin, Victoire Jasmin, M. Bernard Jomier, Mme Florence Lassarade, M. Martin Lévrier, Mmes Marie-Noëlle Lienemann, Monique Lubin, Viviane Malet, Brigitte Micouleau, MM. Jean-Marie Mizzon, Jean-Marie Morisset, Philippe Mouiller, Mmes Frédérique Puissat, Laurence Rossignol, Patricia Schillinger, M. Jean Sol, Mme Claudine Thomas, M. Jean-Louis Tourenne, Mme Sabine Van Heghe, M. Dominique Watrin . |
AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
Le 3 novembre 2016, la commission des affaires sociales du Sénat a demandé à la Cour des comptes de réaliser une enquête sur le rôle des centres hospitaliers universitaires (CHU) dans le système de santé. Le 17 janvier 2018, les commissaires ont pu prendre connaissance du premier volet de cette étude, portant spécifiquement sur le rôle des CHU dans l'enseignement supérieur .
Cette importante enquête intervient dans le contexte d'une réflexion publique globale sur la place du CHU dans notre système de santé, qui tend à s'intensifier à l'approche du soixantième anniversaire de l'ordonnance de 1958 1 ( * ) . Huit ans après les conclusions de la commission Marescaux sur l'avenir des CHU, une mission visant à définir les contours du CHU de demain a ainsi été initiée, en novembre 2017, par les ministres en charge de la santé et de l'enseignement supérieur. Ces différents travaux apporteront un précieux éclairage à la réforme du système de soins, et notamment du financement de l'hôpital, qui vient d'être mise en chantier par le Gouvernement.
Lors de l'audition des rapporteurs de la Cour des comptes, trois séries de constats ont particulièrement attiré l'attention de votre commission des affaires sociales.
• Votre commission a en premier lieu été frappée de constater l'hétérogénéité de la situation de ces établissements , dont il découle que les difficultés rencontrées comme les solutions à y apporter ne peuvent être que multiples. On ne parle pas tout à fait de la même chose, en effet, lorsque l'on évoque les difficultés rencontrées par les hospices civils de Lyon ou celles du CHU de Nîmes.
Hétérogénéité marquante en termes de taille et de moyens , tout d'abord. Si le territoire français compte aujourd'hui 30 CHU, il n'existe en pratique que peu de points de comparaison entre l'AP-HP, qui regroupe 12 groupements hospitaliers et un quart des moyens de l'ensemble des CHU, et les plus petits établissements de nos territoires, y compris ultramarins. La plupart des établissements ont cependant et malheureusement pour point commun de faire face, depuis plusieurs années, à une situation financière dégradée.
Hétérogénéité dans leur organisation et leur fonctionnement en matière de recherche , ensuite. Comme souvent, la qualité des travaux conduits n'est qu'indirectement liée à l'organisation administrative des établissements, et tient davantage aux traditions de coopérations, le cas échéant interpersonnelles, qui se sont nouées au fil du temps avec les universités de rattachement. Ces différences se traduisent par des disparités territoriales importantes s'agissant de la place des enseignants hospitalo-universitaires dans le parcours de formation des étudiants en santé, qui pose la question du rôle de référence des CHU dans les activités de formation et de recherche sur l'ensemble de notre territoire.
• En second lieu, les travaux de la Cour ont permis de faire très clairement apparaître que le triptyque des missions confiées aux CHU - soins, formation, recherche - est dans la pratique largement déformé au profit de l'activité de soins , qui mobilise la majeure partie de leurs ressources humaines, de leurs moyens financiers, mais également de leurs préoccupations.
La combinaison d'une activité de recherche biomédicale de haut niveau avec la dispensation de soins de proximité, y compris au stade de l'accueil des urgences, n'est pas nécessairement la plus performante. Le déclin du rang mondial de la France en matière de recherche biomédicale ne laisse d'ailleurs pas d'inquiéter . Il est en outre intéressant d'observer que les établissements français se distinguent sur ce point de leurs équivalents dans d'autres pays de l'OCDE, notamment en Allemagne ou aux États-Unis, où la mission de chaque catégorie d'établissements hospitaliers apparaît plus circonscrite.
Cette organisation explique en tous cas que les CHU aient fini par constituer aujourd'hui un pivot essentiel de l'offre de soins dans nos territoires , et qu'il apparaît dès lors difficile de remettre profondément en cause leur organisation et leur répartition sans porter atteinte au maillage sanitaire de la population.
Cette situation pose enfin et plus largement la question de la spécificité des CHU au sein de notre paysage sanitaire , alors que certains d'entre eux se voient dans le même temps de plus en plus concurrencés dans leur mission de recherche par d'autres établissements de soins dont ce n'est pourtant pas la vocation première - comme par exemple certains centres de lutte contre le cancer.
• Enfin, deux des pistes d'évolution tracées par la Cour paraissent particulièrement intéressantes dans le contexte de la réforme hospitalière initiée par le Gouvernement.
Les évolutions financières annoncées devront en effet prendre en compte la situation des CHU, dont le mode de financement apparaît doublement inadapté : tandis que la généralisation de la T2A incite à la concentration de leurs missions sur leur activité de soins, les crédits Merri, qui couvrent leurs activités de recherche, se caractérisent à la fois par leur faible lisibilité, leur inadaptation aux missions effectivement conduites et leur dispersion. Dans la lignée des préconisations formulées par la Cour, votre commission souhaite que la reconfiguration du mode de financement des CHU permette de favoriser le développement de grands pôles de recherche capables de rivaliser avec ceux de nos voisins européens, et surtout ceux des pays émergents.
La question se pose enfin de la place et du devenir des CHU dans la formation des praticiens médicaux, alors que l'on assiste à une diversification -bienvenue- des lieux de la formation pratique des étudiants en médecine . Il est en effet nécessaire que celle-ci s'adapte aux nouveaux modes d'exercice de la médecine, et prenne notamment davantage en compte l'exercice libéral de proximité. De ce point de vue, la proposition formulée par la Cour, visant à mieux associer les autres acteurs de la formation en santé, et notamment les médecins libéraux, dans un cadre piloté par les acteurs hospitalo-universitaires, apparaît tout à fait bienvenue.
Au terme de ces travaux, votre commission souhaite donc que l'ensemble de ces constats et propositions puissent venir nourrir les évolutions qui seront prochainement engagées autour de l'hôpital.
* 1 Ordonnance n° 58-1373 du 30 décembre 1958 relative à la création de centres hospitaliers et universitaires, à la réforme de l'enseignement médical et au développement de la recherche médicale.