B. DES COMPÉTENCES COMMUNALES RÉDUITES
Les communes polynésiennes étaient, jusqu'en 2007, sous la tutelle administrative de l'État, avec un contrôle a priori de leurs décisions.
Ce système a pris fin lorsque le statut de collectivité territoriale de la République à part entière leur a été reconnu par la loi organique du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française.
Si l'exercice de leurs compétences relève désormais du droit commun, le périmètre de ces compétences demeure amoindri par rapport à celles des autres communes françaises, nombre d'entre elles étant exercées par la collectivité de la Polynésie française :
- la compétence de principe de la Polynésie française, affirmée par l'article 13 de la loi organique du 27 février 2004, fait échec à la clause générale de compétence des communes polynésiennes ;
- les communes peuvent se voir déléguer par la Polynésie française certaines compétences limitativement prévues par le statut mais avec l'accord préalable de l'assemblée de la Polynésie française.
Les compétences des communes de la Polynésie française Le I de l'article 43 de la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française prévoit que les communes de la Polynésie française sont compétentes dans les matières suivantes : 1° Police municipale ; 2° Voirie communale ; 3° Cimetières ; 4° Transports communaux ; 5° Constructions, entretien et fonctionnement des écoles de l'enseignement du premier degré ; 6° Distribution d'eau potable, sans préjudice de la possibilité pour la Polynésie française de satisfaire ses propres besoins ; 7° Collecte et traitement des ordures ménagères ; 8° Collecte et traitement des déchets végétaux ; 9° Collecte et traitement des eaux usées. Le II du même article prévoit un mécanisme de délégation de compétence de la Polynésie française vers les communes polynésiennes. Cette délégation a lieu dans les conditions définies par les lois du pays et la réglementation édictée par la Polynésie française. Elle est subordonnée au transfert des moyens nécessaires à l'exercice des compétences. Enfin, elle ne peut intervenir que dans les matières suivantes : 1° Aides et interventions économiques ; 2° Aide sociale ; 3° Urbanisme ; 4° Culture et patrimoine local. À ce jour, compte tenu des conditions posées par la loi organique, aucune délégation de compétence n'a été consentie par la Polynésie française. Saisi par le tribunal administratif de la Polynésie française, à la suite d'une demande présentée par le président de la Polynésie française, le Conseil d'État 12 ( * ) a rappelé que la clause générale de compétence, étendue aux communes de la Polynésie française en 2007, n'avait, conformément à la jurisprudence constitutionnelle, qu'une portée relative. En Polynésie française, cette portée est encore amoindrie par le statut de la collectivité d'outre-mer. Le Conseil d'État en a déduit que la clause générale de compétence ne pouvait donc pas justifier que les communes interviennent dans des domaines de compétence réservés par la loi organique à la Polynésie française, y compris dans les quatre domaines que la Polynésie française pourrait déléguer dans le cadre de l'article 43 du statut. En résumé, « de telles interventions ne peuvent avoir qu'un caractère subsidiaire ». |
Ainsi, les communes de Polynésie française n'exercent pas certaines compétences emblématiques du bloc communal en métropole : urbanisme, action sociale, etc. Au demeurant, l'échéance du transfert des compétences impliquant la mise en place de services publics environnementaux (eau, assainissement, déchets) a été, à nouveau en 2015, repoussée par la loi de 2020 à 2025.
En 2012, notre ancien collègue Christian Cointat résumait ainsi la situation : « les élus municipaux ne peuvent pas toujours exercer les compétences qui sont confiées aux communes qu'ils dirigent, non par mauvaise volonté mais par manque de moyens, les plaçant ainsi dans une situation inextricable. »
Le déplacement effectué par la délégation de votre commission au mois de février dernier permet à vos rapporteurs de corroborer ce constat et de témoigner des difficultés auxquelles les élus locaux sont confrontés pour la gestion des services publics de l'eau, de l'assainissement ou encore de la collecte et du traitement des déchets.
Les moyens limités des communes expliquent leur difficulté à exercer leurs compétences et fondent les réticences de la Polynésie française à leur consentir des transferts supplémentaires. Pourtant, le déplacement de vos rapporteurs dans les communes des différents archipels les ont convaincus que les communes polynésiennes constituaient l'échelle pertinente pour conduire des projets et relancer avec dynamisme le développement des archipels, là où le pays pouvait paraître un niveau d'administration non seulement éloigné mais peu au fait des préoccupations locales. Vus de Papeete, certains projets pourtant indispensables localement peuvent sembler secondaires. L'intervention des administrations situées à Tahiti peut même, dans certains cas, paraître disproportionnée au regard de l'objet circonscrit du projet conduit.
Ces considérations plaident donc pour l'application du principe de subsidiarité et une forme de décentralisation interne du pays vers les communes qui ne doit cependant pas prendre la forme du transfert complet d'un bloc de compétences dont l'exercice par une commune seule se révèlerait impossible. Actuellement, la logique binaire prévue par le statut d'autonomie - soit le pays est compétent, excluant l'intervention de la commune, soit la commune devient compétente, empêchant le pays de s'y intéresser - n'est pas adaptée à une situation où les communes ne revendiquent pas l'exercice total et exclusif de compétences du pays mais une participation à cet exercice.
C'est pourquoi vos rapporteurs estiment qu'une modification de la loi statutaire pourrait permettre aux communes d'exercer, à titre subsidiaire, des compétences transférables du pays sans pour autant que cette compétence leur échoit intégralement ni exclusivement.
Lors de sa rencontre avec vos rapporteurs, le président de la Polynésie française, M. Édouard Fritch, s'est montré ouvert à une telle éventualité, en déclarant qu'il n'était pas opposé à ce que des communes exercent dans un souci de réalisme des compétences théoriquement de la compétence du pays. Soucieux d'assurer la sécurité juridique d'actions actuellement menées par les communes, il souhaite réserver la compensation financière aux cas où la Polynésie française délèguerait la compétence. En cas d'intervention volontaire de la commune, elle prendrait en charge sur son budget le coût de son initiative.
Plusieurs exemples présentés au cours du déplacement de la délégation ont persuadé vos rapporteurs de l'intérêt de cette formule plus souple. Lorsqu'une commune ou un groupement de communes souhaite créer et faire fonctionner un musée, il n'entend en effet pas nécessairement exercer l'ensemble de la compétence culturelle, ce qui aurait pour effet de priver ses habitants du bénéficie des dispositifs culturels proposés par le pays.
De même, comme cela a été indiqué à de multiples occasions à vos rapporteurs, les communes exercent en pratique une aide sociale à l'égard de la population locale la plus défavorisée sans que le pays lui ait transféré légalement cette compétence. Le dispositif suggéré permettrait ainsi d'offrir un cadre légal à une pratique admise de tous.
* 12 Avis n° 390576 du 24 novembre 2015.