N° 684

SÉNAT

SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2016-2017

Enregistré à la Présidence du Sénat le 26 juillet 2017

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur l' Agence nationale de la recherche ( ANR ) et le financement de la recherche sur projets ,

Par M. Michel BERSON,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : Mme Michèle André , présidente ; M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général ; Mme Marie-France Beaufils, MM. Yvon Collin, Vincent Delahaye, Mmes Fabienne Keller, Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. André Gattolin, Charles Guené, Francis Delattre, Georges Patient, Richard Yung , vice-présidents ; MM. Michel Berson, Philippe Dallier, Dominique de Legge, François Marc , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, François Baroin, Éric Bocquet, Yannick Botrel, Jean-Claude Boulard, Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Carcenac, Jacques Chiron, Serge Dassault, Bernard Delcros, Éric Doligé, Philippe Dominati, Vincent Éblé, Thierry Foucaud, Jacques Genest, Didier Guillaume, Alain Houpert, Jean-François Husson, Roger Karoutchi, Bernard Lalande, Marc Laménie, Nuihau Laurey, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Hervé Marseille, Claude Nougein, François Patriat, Daniel Raoul, Claude Raynal, Jean-Claude Requier, Maurice Vincent, Jean Pierre Vogel .

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS ET RECOMMANDATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

Les principales observations

1. Le financement de la recherche sur projets permet de renforcer la compétitivité du système de recherche d'un pays en concentrant les moyens sur les meilleurs projets , en orientant les travaux des chercheurs sur les grands enjeux scientifiques et sociétaux et en favorisant les collaborations entre équipes issues d'institutions différentes .

2. Alors que les autres grands pays de la recherche possèdent depuis longtemps une ou plusieurs agences dédiées au financement de la recherche sur projets , la France a longtemps fait un usage très parcimonieux de ce mode de financement. Prenant conscience de ses vertus et de la nécessité de dynamiser son système de recherche , elle a créé l'Agence nationale de la recherche (ANR) en 2005.

3. L'ANR est un établissement public administratif , placé sous la tutelle du ministère chargé de la recherche , dont la principale mission consiste à organiser des appels à projets compétitifs reposant sur l'évaluation par les pairs . Elle s'est vue confier d'autres missions au cours du temps, en particulier la gestion des crédits relatifs à l'enseignement supérieur et à la recherche des programmes d'investissement d'avenir , au risque d'une certaine forme de dispersion .

4. Tous les ans, l'ANR présente ses appels à projets et ses instruments financiers dans un plan d'action élaboré avec l'ensemble des communautés scientifiques. Mais celui-ci est peu lisible , trop technocratique et souffre d'une absence de concordance parfaite avec la stratégie nationale de recherche , qu'il a pourtant vocation à mettre en oeuvre.

5. Les appels à projets de l'ANR mobilisent, avec succès, des milliers d'experts scientifiques . Dénoncé comme trop chronophage , le dépôt des dossiers à l'ANR a été considérablement allégé en 2014 avec l e passage à une sélection en deux temps , même si beaucoup reste à faire pour rendre la charge administrative que l'ANR impose aux chercheurs vraiment supportable .

6. Alors que l'État avait manifesté une ambition forte en faveur de la recherche sur projets dans les années qui avaient suivi la création de l'ANR en portant ses crédits d'intervention répartis par appels à projets à 650 millions d'euros en 2009, ceux-ci ont par la suite chuté de - 40 % pour atteindre 390 millions d'euros en 2015. Malgré une timide remontée entamée en 2016 et 2017, les moyens de l'ANR demeurent très insuffisants pour l'agence de financement de la recherche d'un pays comme la France.

7. Conséquence hautement problématique de cette attrition des moyens de l'agence, le taux de sélection des projets a plongé , passant de 25,7 % en 2005 à 20,1 % en 2012 avant d'atteindre un point bas à 11 % en 2015. Là encore, ce taux remonte actuellement mais reste très inférieur au taux de 20 %-25 % de sélection jugé raisonnable par les scientifiques du monde entier.

8. D'excellents projets sont donc rejetés , ce qui provoque découragement et défiance chez les chercheurs et remet en cause l'avenir d'une agence qui était pourtant en train de parvenir à acclimater le financement de la recherche sur projets en France.

9. Un décret adopté en 2014 a permis d'améliorer la gouvernance de l'agence , même si celle-ci peut encore gagner en simplicité et en fluidité .

10. L'ANR a enfin conclu avec l'État un contrat d'objectif et de performances à la fin de l'année 2016, qui lui fixe de grands objectifs assortis d'indicateurs destinés à mesurer leur respect .

11. En ce qui concerne ses ressources humaines et son budget de fonctionnement , l'agence est en train de se stabiliser après une période de croissance très rapide .

12. La réforme du règlement financier de l'ANR devrait lui permettre de verser un préciput plus important aux établissements qui hébergent les projets de recherche qu'elle finance , même si les sommes versées demeurent insuffisantes au regard des critères européens .

13. Ses impayés antérieurs à 2010 nuisent à l'image de l'ANR mais font actuellement l'objet d'un plan d'apurement sur quatre ans .

14. Pour répondre aux sévères critiques relatives à sa communication , l'agence déploie actuellement de nombreux efforts pour se montrer plus accessible et plus transparente .

15. L'ANR participe au rayonnement international de la recherche française , via ses collaborations bilatérales et multilatérales avec ses homologues étrangères mais également par ses interventions dans le cadre de l'Espace européen de la recherche .

Les principales recommandations

Recommandation n° 1 : rétablir un indicateur mesurant l'évolution des parts respectives du financement de la recherche sur projets et du financement récurrent des organismes de recherche et des universités .

Recommandation n° 2 : réduire le nombre d'instruments financiers de l'Agence nationale de la recherche pour renforcer la lisibilité de son offre de financement .

Recommandation n° 3 : adopter un plan d'action annuel plus court et plus clair .

Recommandation n° 4 : veiller à ce que le plan d'action annuel soit pleinement conforme aux orientations de la stratégie nationale de recherche (SNR) .

Recommandation n° 5 : doter d'ici trois ans au maximum l'Agence nationale de la recherche de 650 millions d'euros de crédits d'intervention à allouer via les appels à projets compétitifs , ce qui correspond à un total de 850 millions d'euros de crédits d'intervention pour l'agence .

Recommandation n° 6 : continuer à alléger la charge administrative liée au dépôt d'un dossier auprès de l'Agence nationale de la recherche.

Recommandation n° 7 : poursuivre les travaux destinés à doter l'Agence nationale de la recherche d'instruments de mesure de l'impact de ses projets sur la société .

Recommandation n° 8 : supprimer les comités de pilotage scientifique des défis , qui alourdissent inutilement la gouvernance de l'agence.

Recommandation n° 9 : lancer dès à présent une nouvelle évaluation de l'Agence nationale de la recherche par le Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (HCERES) , sans attendre la fin du contrat d'objectifs et de performance 2016-2019, afin que la nouvelle équipe dirigeante dispose d'un état des lieux précis et de propositions techniques directement opérationnelles.

Recommandation n° 10 : mener à bien l'apurement des impayés de l'agence , en particulier pour la période antérieure à 2010.

Recommandation n° 11 : consentir encore un effort pour rapprocher le préciput versé par l'ANR des standards européens .

Recommandation n° 12 : améliorer la transparence de la communication vis-à-vis des chercheurs à tous les stades des appels à projets.

Recommandation n° 13 : adopter une communication institutionnelle plus directe et plus accessible .

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