III. DONNER À LA FRANCE LES MOYENS DE MIEUX PESER DANS UN PROCESSUS DE NORMALISATION QUI DOIT RESTER GUIDÉ PAR L'INTÉRÊT GÉNÉRAL

La normalisation, bien qu'émanation des acteurs privés, doit s'efforcer de poursuivre la réalisation d'un intérêt commun, c'est-à-dire refléter un consensus réel de la société, sans favoriser outrageusement certains acteurs ou certaines catégories d'entre eux. Or, des points de vigilance doivent être mis en exergue afin que certaines pratiques ne viennent pas remettre en cause le cercle vertueux assuré par la normalisation .

Les rapports précités de Mme Claude Revel puis de Mme Lydie Évrard ont mis en évidence une prise de conscience générale des besoins d'investir davantage le champ de la normalisation. Le système d'élaboration résultant du décret du 15 juin 2009 a montré ses potentialités. Néanmoins, plus de huit ans après sa mise en place, il doit faire l'objet d'aménagements destinés à renforcer son efficacité et à favoriser son rôle d'intérêt général, ce qui implique de mieux impliquer les acteurs, de renforcer son pilotage et d'investir encore davantage les instances européennes et internationales de normalisation.

A. LES POINTS DE VIGILANCE DU PROCESSUS DE NORMALISATION

1. Mieux s'interroger sur la légitimité à normaliser certaines activités

Ainsi que l'avait noté Mme Claude Revel dans son rapport de décembre 2012 au ministre du commerce extérieur, alors notre collègue Nicole Bricq, se développe un « marché et des professionnels de la norme privée » . Dans ce contexte, il importe que l'activité de normalisation conserve comme objectif premier la réalisation d'un intérêt commun .

À cet égard, le premier écueil à éviter est que la normalisation soit une activité qui « s'auto-alimente », sans répondre aux besoins de la majorité des acteurs de l'économie. C'est ce que plusieurs interlocuteurs ont mentionné, lors des auditions, en utilisant le concept de « sur-normalisation ».

En effet, selon plusieurs personnes entendues par votre rapporteur, certaines normes ou projets de normes ne répondent pas aux besoins du marché ou ont au contraire pour seul objet de créer de nouveaux marchés de services. Ainsi, le « marché appelant la norme » , certaines normes élaborées ne le seraient pas nécessairement en faveur du plus grand nombre des acteurs de l'économie, mais bien plutôt pour ouvrir un nouveau « marché » pour une petite minorité d'entre eux.

Des normes adoptées peuvent ainsi avantager notoirement certains acteurs économiques au détriment d'autres opérateurs, en alourdissant fortement les obligations pesant sur les entreprises. De façon générale, l'activisme à l'ISO de certains acteurs économiques, notamment anglo-saxons, dans le domaine de l'audit, de la comptabilité et de la finance pour faire adopter des normes très favorables au développement de leur propre activité a été unanimement dénoncée au cours des auditions. M. Frank Gambelli, représentant de la CPME, a en particulier évoqué la norme FD X30-024 de juillet 2014 « Guide pour la conduite des missions de vérification telles que prévues à l'art L. 225-102-1 du code de commerce ». Élaborée à la demande notamment des sociétés d'audit et de commissariat aux comptes, cette norme, annulée en novembre 2016, a été fortement contestée par les entreprises, dans la mesure où elle induisait des contraintes particulièrement lourdes en matière de reporting des entreprises, allant au-delà de ce qu'exigent les textes législatifs ou réglementaires.

Dans d'autres cas, la norme est présentée comme tournée presque exclusivement vers la potentialité de voir se développer une activité de certification qui lui serait liée.

La « sanction » d'une norme qui ne serait pas adaptée au marché peut certes être immédiate : elle se caractérise par le fait que peu d'acteurs économiques décident de se l'appliquer, ce qui peut conduire à terme à sa suppression pure et simple au cours du processus de révision. Toutefois, habilement présentées comme nécessaires aux entreprises et valorisées auprès de leurs clients potentiels comme garantes d'une qualité indispensable, ces normes peuvent rapidement prospérer et s'imposer de facto - au moins pendant un certain temps - au plus grand nombre, qui n'aura alors, compte tenu de la pression commerciale associée au respect de la norme, qu'à accepter d'en supporter les coûts immédiats .

De l'avis de la grande majorité des personnes entendues, et notamment de M. Valéry Laurent, directeur du BNTEC, ainsi que de MM. Franck Gambelli et Jacques Levet, représentant respectivement la CPME et le MEDEF, c'est bien la question de la maîtrise du flux des normes qui est posée.

Il est donc essentiel, dès la proposition tendant à engager un travail sur un nouveau projet de norme - qu'elle intervienne dans un cadre national, européen ou international - de pouvoir évaluer ses incidences économiques ou sociales potentielles sur l'ensemble des acteurs du marché concerné, c'est-à-dire de disposer d'une évaluation préalable suffisante de la légitimité d'une nouvelle norme. Ce constat, déjà formulé par l'Autorité de la concurrence dans son avis du 16 novembre 2015, implique de prêter une attention particulière au lancement d'une procédure d'élaboration d'une nouvelle norme, en imposant notamment :

- une explicitation par les promoteurs d'un projet de norme de son bilan coût/avantage pour le secteur économique concerné ;

- une diffusion préalable la plus large possible, ab initio , de toute proposition d'ouverture de travaux sur une nouvelle norme dans le secteur économique concerné afin de favoriser, dès cette étape, de premières réactions des professionnels susceptibles d'être concernés.

Sur ce point, M. Alain Costes, directeur de la normalisation de l'AFNOR, a rappelé que la procédure d'instruction mise en place à l'AFNOR, 51 ( * ) notamment pour les nouveaux domaines de normalisation, avait bien pour objectif d'assurer une évaluation préalable de la mise en travaux d'une nouvelle norme en constituant un dossier précisant l'objet de la norme, indiquant les entreprises susceptibles d'être intéressées et auxquelles l'information sur la demande de travaux doit être adressée. En pratique, l'instruction de la demande est confiée au CoS référent en fonction du secteur d'activités et du thème stratégique concernés. Il s'agit ainsi de recueillir l'avis des parties intéressées sur la proposition de création d'une nouvelle activité de normalisation et de valider la création ou non d'une commission de normalisation. Pour assurer une représentation équilibrée, le CoS détermine les catégories d'acteurs propres à son périmètre qui sont ensuite validées par le CCPN.

M. Alain Costes a néanmoins souligné la difficulté d'une évaluation qualitative poussée des propositions de nouveaux travaux , relevant qu'elle induit un risque d'« effet retard » préjudiciable à l'élaboration de normes portant sur des produits ou services totalement nouveaux. Peuvent être cités, à cet égard, les exemples des normes sur les conteneurs ou sur le format informatique « mpeg » qui n'auraient peut-être pas été développées à l'époque dans la mesure où elles visaient des process ou des technologies alors totalement innovantes et qu'il n'existait pas de marché pertinent pour analyser leur bien-fondé économique.

S'il reconnaît qu'une évaluation technique préalable peut s'avérer délicate , votre rapporteur estime en revanche que la publicité de tout nouveau projet de travail de normalisation doit bénéficier d'une publicité adéquate et suffisante . Il convient en effet que l'ensemble des acteurs potentiellement intéressés par la norme puisse, le cas échéant, prendre position ab initio sur la légitimité pour la normalisation d'investir un nouveau domaine. Cette publicité ne sera adéquate que si elle permet à des acteurs seulement indirectement concernés par un projet de norme, notamment transversale - ce qui est le cas, par exemple, des entreprises au regard des normes comptables ou d'audit - de prendre position sur la pertinence à normaliser.

Si l'AFNOR est, compte tenu du rôle qui lui est confié par le décret du 16 juin 2009, responsable de la diffusion de cette information préalable, il est important que sa connaissance des entreprises « cibles » soit aussi fine que possible. Pour ce faire, les bureaux de normalisation sectoriels, mais aussi les organisations professionnelles et, le cas échéant, les réseaux consulaires - chambres de commerce et d'industrie, chambres de métiers et de l'artisanat, voire les chambres d'agriculture - doivent également apporter une aide efficace pour mieux cibler les entreprises intéressées.

La direction générale des entreprises a d'ailleurs indiqué à votre rapporteur que l'amélioration tant du processus d'identification des parties susceptibles d'être intéressées par un sujet que des modalités selon lesquelles elles peuvent être associées figurait dans le contrat d'objectifs conclu entre l'AFNOR et l'État pour la période 2016-2018.

Recommandation n° 11 : Faire bénéficier tout nouveau projet de travail de normalisation d'une publicité adéquate et suffisante en favorisant une meilleure connaissance par l'AFNOR des entreprises potentiellement intéressées, grâce aux bureaux de normalisation sectoriels, aux organisations ou syndicats professionnels et, le cas échéant, aux réseaux consulaires.

2. La place des « accords d'ateliers » dans le système de normalisation

La légitimité du processus d'élaboration des normes est d'autant plus incontestable que ce dernier est ouvert . C'est là la garantie que les normes adoptées n'auront pas été imposées par des intérêts extérieurs aux acteurs qu'elles vont effectivement régir.

Or, à cet égard, se pose la question des « accords d'atelier » ou workshops ou consortiums entre grands acteurs économiques, notamment américains, chinois et coréens, qui développent des instruments de « para-normalisation » hors des procédures officielles de normalisation. Ce développement d'une sorte de « normalisation purement privée » , est notamment présent dans le secteur du numérique, par exemple avec le World wide web consortium (W3C) ou l' Advancing Open Standards for the Information Society (Oasis), qui se donnent pour objet de définir des standards pour Internet.

Ces démarches de normalisation privée créent des inquiétudes de la part d'un certain nombre d'acteurs économiques, notamment industriels, en raison de leur caractère moins ouvert et transparent que la normalisation « institutionnelle » menée dans le cadre des organismes de normalisation traditionnels. Souvent constitués par de grands groupes, ces consortia exigent souvent un « ticket d'entrée » très important, de nature à en rendre l'accès difficile pour beaucoup d'acteurs, en particulier les PME.

En outre, ces regroupements sont, le plus souvent, uniquement le fait d'acteurs de l'industrie, sans participation effective d'autres acteurs tels que les organisations non gouvernementales de protection de l'environnement ou de protection des consommateurs, ou de représentants de la puissance publique. Les différents intérêts de la normalisation traditionnelle n'y sont donc pas représentés dans les mêmes conditions. Dès lors, ces « ateliers » peuvent par nature imposer des standards qui avantagent notoirement certains acteurs au détriment d'autres.

Cette crainte est d'autant plus forte aux yeux de plusieurs personnes auditionnées par votre rapporteur que certaines réglementations y renvoient parfois expressément. Tel est le cas, en particulier, de la réglementation relative aux marchés publics. Tant la directive 2014/24/UE du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics que son décret d'application en France 52 ( * ) prévoient ainsi que les spécifications techniques peuvent, le cas échéant, être formulées non pas seulement par des normes stricto sensu , mais aussi par « d'autres référentiels techniques élaborés par les organismes européens de normalisation », ce qui renvoie purement et simplement, selon le Bureau de normalisation des techniques et équipements de la construction, aux accords d'ateliers « abrités » par les organismes européens de normalisation.

Aussi certaines personnes entendues par votre rapporteur ont-elles exprimé le souhait de voir l'activité de ces ateliers encadrée, voire limitée.

Afin que l'activité de normalisation menée dans le cadre des organes de normalisation « traditionnels » puisse conserver sa place prééminente dans l'élaboration de la soft law applicable aux entreprises à travers le monde, il convient effectivement d'éviter que se développent de façon trop importante, et a fortiori concurrente, les initiatives purement privées des entreprises.

Pour autant, votre rapporteur estime qu'il n'est guère envisageable d'interdire à des entreprises de se regrouper pour réfléchir à l'élaboration de standards. Cela pourrait d'ailleurs s'avérer très contre-productif pour l'innovation elle-même. En revanche, il convient, autant que possible, d'assurer des liens fonctionnels entre cette normalisation « privée » et la normalisation « institutionnelle » .

Ces liens existent d'ores et déjà. Ils s'illustrent, par exemple, par des collaborations entre Oasis et l'ISO ainsi que l'IEC, Oasis apportant une contribution effective aux travaux de comités techniques ou sous-comités relevant de ses domaines d'intervention (par exemple, les sous-comités ISO/IEC JTC 1/SC 34 « Description des documents et langages de traitement » ou ISO/IEC JTC 1/SC 37 « Biométrie »).

Parfois même, les organismes de normalisation « hébergent » des ateliers, voire suscitent des accords d'ateliers élaborés dans le cadre de travaux qui ne sont pas conduits par les organes de normalisation eux-mêmes mais seront ensuite publiés par ces derniers.

Ainsi, le CEN et le Cenelec ont défini une procédure de constitution de workshops , avec la mise en place d'instances de travail totalement séparées des commissions ou groupes de travail de ces organisations. Par ailleurs, la Commission européenne donne parfois mandat à ces organismes européens pour élaborer des accords d'ateliers faisant intervenir un groupe plus restreint et moins ouvert de participants aux travaux. Un exemple en est donné par l'accord d'atelier CEN (AACEN) sur les niveaux de compétence en matière de qualification EOD (NEDEX) dans l'action humanitaire contre les mines, d'octobre 2005.

Les difficultés suscitées par ces méthodes de travail , notamment au CEN, et leurs conséquences ont été parfaitement mises en lumière par la Commission pour la sécurité et santé au travail et la normalisation allemande (KAN - Kommission Arbeitsschutz und Normung ).

LES CRITIQUES DE LA KAN SUR LES ACCORDS D'ATELIERS SOUS L'ÉGIDE DU CEN/CENELEC

« Par principe, tout expert est invité à participer à l'élaboration d'un CWA [accord d'atelier]. Il n'existe toutefois aucune possibilité d'être informé régulièrement sur les nouveaux ateliers (par exemple par le biais du DIN [organisme allemand de normalisation]) ; il faut pour cela se renseigner soi-même constamment en consultant les pages adéquates du site web du CEN.

« Cet état de fait pose d'autres problèmes : « tout » signifie que la participation est également ouverte aux préventeurs originaires de pays non européens, les règles ne prévoyant en effet aucune restriction quant à la composition du cercle des participants .

« C'est ainsi par exemple que l'atelier 53 "Biosafety Professional Competence (BSP)" comptait plusieurs participants originaires des USA, qui se sont employés activement à faire valoir l'aspect de la biosécurité qui, aux États-Unis, constitue un enjeu beaucoup plus important .

« Un autre problème réside dans le fait que la participation entraîne souvent des frais de déplacement élevés. Étant donné que les participants aux séminaires peuvent être originaires de pays non européens, il est possible que des réunions se tiennent en dehors de l'Europe. Dans le cas du WS 55, deux des réunions plénières se sont déroulées à Séoul et à Atlanta, ce qui, de fait, rend une participation européenne plus difficile. Jusqu'à présent, le Guide du CEN/CENELEC concernant les CWA stipule uniquement que la réunion de démarrage doit, dans la mesure du possible, se tenir dans un pays membre du CEN/CENELEC ; il n'existe toutefois aucune règle contraignante à ce sujet.

« S'il est prévu qu'un CWA fasse l'objet d'une phase de commentaires publics, une prise de position peut être émise par les préventeurs. Les participants à l'atelier doivent en prendre connaissance, mais peuvent la rejeter en justifiant leur décision.

« Or, la KAN a constaté que certains des arguments ne relevaient pas d'un raisonnement logique, ou encore que des modifications, bien que convenues, n'étaient pas mises en oeuvre. La personne assurant la présidence de l'atelier décide du moment où le consensus est réalisé parmi ses participants. À ce stade de la procédure, il n'est alors plus possible d'influer sur le document ni d'empêcher sa publication.

« En cas de publication d'un CWA, seuls sont listées dans la préface les organisations (les pays, dans l'ancienne version du guide) qui en ont approuvé la publication. Les organisations qui, bien qu'ayant participé à l'élaboration du document, se sont prononcées contre sa publication ne sont pas mentionnées. Les noms des participants de l'atelier sont enregistrés au secrétariat des ateliers auprès du CEN/CENELEC Management Center (CCMC), mais ils ne sont pas publiés dans le CWA.

« Un autre problème réside dans le fait que, lors de l'examen d'un CWA, il est demandé uniquement aux anciens participants à l'atelier du CEN si le document doit être prolongé de trois ans, s'il doit être transformé en une norme, ou s'il convient de le retirer. Les autres parties prenantes ne peuvent donc influer que difficilement sur cette décision. »

Extraits du Document de position de la KAN sur la manière dont sont traités les aspects relatifs à la sécurité dans les spécifications (octobre 2013).

En outre, des oppositions se font jour parmi les acteurs nationaux de la normalisation à ce que les accords d'ateliers se développent dans certains domaines, compte tenu de la méthode d'élaboration qui y est retenue. C'est le cas, notamment, de la santé et de la sécurité au travail.

Votre rapporteur considère cependant que les accords d'ateliers peuvent être un moyen de faire avancer certaines réflexions techniques et qu' il est de l'intérêt du système de normalisation de ménager un lien avec eux de façon à pouvoir, le moment venu, intégrer les travaux d'élaboration de standards privés dans le cadre plus transparent et ouvert de la normalisation publique.

Le CEN/CENELEC a ainsi mis en place une procédure d'information par les ateliers qu'il abrite au profit des commissions ou groupes de travail qui relèvent des mêmes domaines de compétence afin, le cas échéant, d'être en mesure de prévenir des contrariétés dans leurs travaux.

CEN/CENELEC GUIDE 209 - WORKSHOP AGREEMENTS (NOVEMBRE 2014) (extraits)

« CEN/CENELEC Workshops are designed to meet a market need where an innovative technology has not reached a sufficient degree of stability for the development of a European Standard to be practicable.

« Workshops operate entirely separate from CEN/CENELEC technical bodies responsible for the development of European Standards, but this does not mean there cannot be an interface between them (...). Workshops have short-term tasks which are defined in their project plans. If the project plan envisages the need for long-term activity, it might be more appropriate to refer the task to a CEN/CENELEC technical body and this possibility should be explored before embarking on the task.

(...)

« Workshops can sometimes operate in the same domains as CEN/CENELEC technical bodies, especially if they are linked to research projects. In these cases, the following provisions shall apply :

«
• The Workshop shall report regularly to the relevant CEN/CENELEC technical body, either in person or by correspondence, highlighting the most important issues and any possible conflicts that arise.

«
• The CEN/CENELEC technical body may also request the Workshop Secretariat to provide any specific information it might require and has the right to send one representative to Workshop meetings as an observer, free of charge.

«
• On publication, the CWA shall be submitted to the relevant CEN/CENELEC technical bodies for assessment, with a view to possible transformation into a European Standard or other CEN/CENELEC deliverable.
»

Néanmoins, les organismes de normalisation ne doivent pas entretenir de confusion sur la nature des documents émanant de ces travaux qui, par leur mode d'élaboration, ne revêtent pas le caractère de transparence et de consensus des normes établies dans le cadre du processus « classique » de normalisation. Or, ainsi que l'a relevé M. Franck Gambelli, représentant la CPME, certaines pratiques d'organismes de normalisation peuvent entretenir cette confusion.

Recommandation n° 12 : Renforcer l'intégration des travaux d'ateliers pour favoriser, dès que possible, la mise en place de travaux de normalisation sur la base de ces standards, tout en veillant à éviter toute confusion sur leur statut.

3. Garantir un financement public suffisant de l'activité de normalisation

La question du mode de financement du système de normalisation et des effets pervers qu'il peut occasionner, doit être posée. Dans son rapport, la mission d'évaluation du Conseil supérieur de la construction et de l'efficacité énergétique (CSCEE) a d'ailleurs estimé qu'il devenait « manifeste que le modèle économique de la normalisation doit être revisité, sous l'égide des pouvoirs publics qui lui ont donné une légitimité institutionnelle ». 53 ( * )

En effet, le mode de financement de la normalisation ne doit pas être, par lui-même, une incitation à développer des normes en amont , avec l'objectif sinon principal du moins déterminant, de créer, en aval, une activité lucrative susceptible de financer l'activité de normalisation . Dès lors, c'est avant tout la part adéquate du financement public de la normalisation qui peut garantir toute dérive « commerciale ».

Or, en France, le financement public de la normalisation , qui intervient essentiellement par le biais des subventions budgétaires versées à l'AFNOR à partir du programme 134 du budget de l'Etat, est en diminution drastique et continue depuis 10 ans . De l'ordre de 16,5 millions d'euros en 2009, cette subvention a atteint seulement 8,16 millions d'euros en 2017 .

SUBVENTION ANNUELLE DE L'ÉTAT VERSÉE À L'AFNOR

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Subvention TTC effectivement perçue par AFNOR (après MER) (en millions €)

16,53

16,48

13,34

10,92

10,35

9,74

8,90

8,17

8,16

Subvention (HT)

(en millions €)

14,3

14,3

11,5

9,6

9,1

8,6

7,8

7,1

7,1

Source : Direction générale des entreprises.

Lors de son audition, M. Alain Schmitt, chef du service de la compétitivité, de l'innovation et du développement des entreprises à la direction générale des entreprises, a expliqué que cette diminution était liée à l'état dégradé des finances publiques et à la réduction globale des lignes budgétaires inscrites au programme 134. Il a souligné que le contrat d'objectifs conclu, pour la période 2016-2018, entre l'État et l'AFNOR au titre de sa mission d'intérêt général tirait les conséquences de cette rigueur en fixant des actions visant à assurer une plus grande maîtrise des coûts.

Pour autant, votre rapporteur insiste pour que le financement public de l'activité de normalisation, qui se concrétise notamment par cette subvention, reste à un niveau suffisant.

D'une part, un financement suffisant de la mission d'intérêt général d'AFNOR permettra d'autant mieux à l'État d'asseoir la légitimité de son intervention dans le fonctionnement du système français de normalisation. D'autre part, il est également nécessaire pour prévenir des financements « substitutifs » qui reposeraient sur une « course à la norme » ou une « sur-normalisation » dont le but serait de produire de la norme pour en obtenir la rémunération par la voie de l'activité d'édition puis, dans un second temps, de la certification.

À cet égard, le niveau actuel de la subvention de l'État apparaît comme un plancher à ne pas dépasser. À défaut, le risque est grand de voir le système de normalisation français s'autonomiser de manière complète par rapport aux politiques publiques et à l'intérêt général et s'orienter dans une démarche proprement commerciale.

Recommandation n° 13 : Conserver un financement public suffisant de l'activité de normalisation pour préserver son caractère d'intérêt général.


* 51 Voir supra, pp. 37 et suivantes.

* 52 Décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics.

* 53 Rapport de la mission de réflexion sur la normalisation appliquée au secteur du bâtiment, CSCEE, 12 juillet 2016.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page