B. LE RENFORCEMENT DES LIENS ENTRE LES IFRE ET LES ÉTABLISSEMENTS DE RECHERCHE DE LEURS PAYS D'ACCUEIL EST AU CoeUR DE LEUR AVENIR

1. Multiplier les partenariats les plus intégrés possibles avec les institutions étrangères

Chaque Institut français de recherche à l'étranger (IFRE) a vocation à s'intégrer , voire à se fondre de la façon la plus efficace possible dans l'environnement universitaire et scientifique de son pays d'accueil .

Dans cette perspective, le développement de partenariats très étroits avec les établissements de leurs pays d'accueil fait pleinement partie des objectifs assignés aux directeurs des IFRE dans leurs lettres de mission.

Ces partenariats peuvent être limités dans le temps et correspondre à un objet précis .

Ainsi le Centre d'études et de documentations économiques, juridiques et sociales (CEDEJ) du Caire a conclu un accord technique avec la Bibliothèque d'Alexandrie pour numériser ses archives , soit un million de coupures de presse collectées entre 1970 et 2010. Ce projet a permis la création d'un portail en ligne qui met désormais à la disposition du public un fonds documentaire exceptionnel .

Autre exemple, sur le plan scientifique cette fois, des chercheurs de l'Institut français du Proche-Orient (IFPO) ont participé à des projets en sciences humaines et sociales financées par le programme de recherche CEDRE , mis en place par un accord de coopération franco-libanais qui date de 1997.

Mais ces partenariats peuvent, et selon votre rapporteur spécial, doivent, être encore plus ambitieux et avoir vocation à devenir permanents .

Au cours des dernières années plusieurs instituts ont ainsi noué des relations extrêmement fortes avec des institutions de leurs pays d'accueils , au point parfois d'être hébergés dans leurs murs .

Si le cas du Centre Marc-Bloch apparaît comme un aboutissement possible de cette dynamique que votre rapporteur spécial appelle de ses voeux (voir infra ), il n'est pas le seul IFRE à avoir su mettre en place des relations de travail très privilégiées avec des partenaires étrangers .

Grâce à une convention signée le 21 novembre 2014 entre l'Ambassade de France en République Tchèque, le CNRS, l'Université Charles de Prague et l'Académie des sciences de la République Tchèque, le Centre français de recherche en sciences sociales (CEFRES) de Prague est désormais uni avec ces deux partenaires tchèques au sein d'une plateforme franco-tchèque en sciences humaines et sociales baptisée « Plateforme CEFRES » . Depuis décembre 2015, le CEFRES est d'ailleurs installé dans les bâtiments de l'Académie des sciences .

La Maison française d'Oxford constitue un autre exemple d'intégration très réussie d'un IFRE dans un environnement universitaire et scientifique local , puisque celle-ci est hébergée par l'Université d'Oxford , à laquelle elle est étroitement associée.

La Maison franco-japonaise de Tokyo constitue un cas encore plus spécifique, puisque elle possède depuis 1924 parmi ses statuts juridiques celui de fondation privée reconnue d'utilité publique de droit japonais et qu'elle héberge vingt-sept sociétés savantes franco-japonaises .

Dans les trois cas, les partenariats portent sur la mise en place de projets de recherche scientifique communs , sur la formation des jeunes chercheurs locaux , sur l'organisation de colloques ou bien encore de séminaires d'enseignement .

Si les formes que revêtent ces partenariats sont variables, tous présentent les mêmes avantages pour les IFRE : une meilleure insertion sur le terrain , une plus grande influence , davantage de moyens .

Leur développement doit donc être une priorité tant pour leurs directeurs que pour leurs tutelles .

Recommandation n° 9 : développer davantage les partenariats entre les IFRE et les acteurs scientifiques et universitaires locaux .

2. Encourager la mise en place d'établissements multinationaux sur le modèle du Centre Marc-Bloch de Berlin

Le Centre Marc-Bloch (CMB) de Berlin , que votre rapporteur spécial a visité, apparaît à bien des égards comme hors norme au sein du réseau des IFRE , tant par sa taille que par son statut juridique.

Bénéficiant pleinement du caractère unique de la relation franco-allemande qu'il contribue à nourrir en retour, il pourrait représenter le modèle à atteindre pour les autres IFRE , pour peu que le contexte géopolitique dans lequel chacun d'entre eux évolue s'y prête.

Le CMB a été fondé en 1992 , dans le contexte de la réunification allemande , sur décision du ministère de l'Europe et des affaires étrangères et du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche, suite à un avis favorable rendu lors du sommet franco-allemande d'octobre 1990.

Il disposait à l'origine du seul statut administratif d'établissement à autonomie financière (voir supra ). À compter de 1997, il a également accueilli une structure opérationnelle de recherche du CNRS, qui est ensuite devenue une unité de service et de recherche .

Depuis 2007, il est, à l'instar de tous les autres IFRE, régi par les dispositions des deux conventions conclues entre le ministère de l'Europe et des affaires étrangères et le CNRS pour la gestion de ces instituts et son directeur est à la fois le directeur de l'établissement à autonomie financière (EAF) et celui de l'unité de service et de recherche (USR), double poste auquel il est nommé par chacune des deux tutelles pour la partie qui la concerne.

Le Centre Marc-Bloch s'est très vite fondu dans l'environnement universitaire et scientifique berlinois et le ministère fédéral allemand de l'éducation et de la recherche (BMBF) a contribué dès 2001 à son financement : sa participation annuelle était de 455 000 euros en 2013 .

Enfin, en mars 2011, le CMB a signé une convention de coopération , renouvelée en 2016, avec l'Université Humboldt de Berlin qui lui confère le prestigieux statut d'« An-Institut » auprès de cette université , gage d'un partenariat très étroit . Un professeur de l'université Humboldt, nommé directeur de l'« An-Institut », est chargé d'animer la coopération entre l'université et le CMB .

Mais la véritable transformation du CMB , qui est encore loin d'avoir révélé toutes ses potentialités, s'est produite en 2015 lorsque le centre est devenu une institution binationale .

Suite aux recommandations de l'AERES 21 ( * ) et de son homologue allemand, le Wissenschaftsrat , qui avaient tous deux procédé à une évaluation du centre en 2012, ses tutelles ont décidé de le doter d'un troisième statut juridique , celui de gemeinütziger Verein , c'est-à-dire d'association reconnue d'utilité publique de droit allemand . La signature des statuts de ce Verein très symbolique s'est produite au cours du Conseil des ministres franco-allemand qui s'est tenu à Berlin le 31 mars 2015.

Alors qu'il apparaissait jusqu'ici comme trop franco-français, cette transformation a permis de pérenniser le Centre , de garantir son avenir et de consolider sa dimension internationale grâce à une hausse de la participation financière des institutions allemandes , à un plus grand degré d'investissement du BMBF dans son fonctionnement et à un renforcement des effectifs de chercheurs et doctorants allemand , conformément aux orientations qui avaient été formulées par le Wissenschaftsrat .

Le contexte franco-allemand était par nature le plus propice à la création de ce type d'institut de recherche sui generis que constitue désormais le Centre Marc-Bloch et une telle évolution serait impensable dans de très nombreux pays d'implantation des IFRE.

Pour autant, votre rapporteur spécial plaide pour que le modèle du Centre Marc-Bloch devienne un objectif pour chacun des IFRE susceptible de devenir une institution partagée avec le pays d'accueil , pour peu naturellement que celui-ci contribue financièrement à son fonctionnement et garantisse une entière liberté et une absence totale de contrôle politique sur les recherche qui y seront menées .

Recommandation n° 10 : favoriser la création d'instituts français de recherche binationaux sur le modèle du Centre Marc-Bloch de Berlin.

3. Développer les partenariats avec les réseaux d'autres pays, en particulier avec la fondation allemande Max Weber

Ainsi que votre rapporteur spécial l'a exposé supra , l'Allemagne est le seul pays qui possède des réseaux d'établissements de recherche en sciences humaines et sociales qui se rapprochent du réseau des IFRE , en particulier avec les instituts allemands en sciences humaines à l'étranger de la fondation Max Weber .

Dès lors, dans un souci de plus grande efficacité , de mutualisation et pour améliorer la force d'influence des réseaux de nos deux pays , il semblerait pertinent d'envisager de développer entre eux des partenariats très étroits , voire, à moyen terme, de créer des établissements franco-allemands de recherche , qui pourraient préfigurer des établissements européens de recherche en sciences humaines et sociales , à partir des instituts français et allemands qui sont présents dans les mêmes villes, comme Moscou, Beyrouth, Istanbul ou Tokyo.

Recommandation n° 11 : favoriser les partenariats avec la fondation Max Weber , dans une perspective franco-allemande et, à plus long terme, européenne.


* 21 L'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur, devenu en 2013 Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur.

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