N° 606
SÉNAT
SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2016-2017
Enregistré à la Présidence du Sénat le 4 juillet 2017 |
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des finances (1) sur les risques financiers liés à la remontée des taux d' intérêt ,
Par M. Serge DASSAULT,
Sénateur
(1) Cette commission est composée de : Mme Michèle André , présidente ; M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général ; Mme Marie-France Beaufils, MM. Yvon Collin, Vincent Delahaye, Mmes Fabienne Keller, Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. André Gattolin, Charles Guené, Francis Delattre, Georges Patient, Richard Yung , vice-présidents ; MM. Michel Berson, Philippe Dallier, Dominique de Legge, François Marc , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, François Baroin, Éric Bocquet, Yannick Botrel, Jean-Claude Boulard, Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Carcenac, Jacques Chiron, Serge Dassault, Bernard Delcros, Éric Doligé, Philippe Dominati, Vincent Éblé, Thierry Foucaud, Jacques Genest, Didier Guillaume, Alain Houpert, Jean-François Husson, Roger Karoutchi, Bernard Lalande, Marc Laménie, Nuihau Laurey, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Hervé Marseille, Claude Nougein, François Patriat, Daniel Raoul, Claude Raynal, Jean-Claude Requier, Maurice Vincent, Jean Pierre Vogel . |
LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL
Les taux d'intérêt sont aujourd'hui très faibles en France, ce qui lui permet de s'endetter à bas coût , sans en sentir immédiatement les conséquences budgétaires. Les taux d'intérêt payés par l'État sur sa dette de court et de long terme ont ainsi diminué de façon quasi continue depuis dix ans. À titre d'illustration, le taux des titres d'État à long terme (10 ans) est passé de 4,07 % en 2007 à 0,88 % en mai 2017, soit une baisse de près de 80 %. Alors que le stock de dette a augmenté de 66 % entre 2008 et 2017 (soit un accroissement de 673 milliards d'euros), la charge de la dette a quant à elle baissé de 8 % (soit de 3,5 milliards d'euros au total) sur la même période. Mais il n'est pas impossible que nous retrouvions des taux d'intérêt élevés rapidement, ce qui pourrait avoir des conséquences dramatiques. Si le taux apparent de 2016 s'était maintenu au niveau de 2010, la charge d'intérêt de la dette souveraine française en 2016 aurait été supérieure de 19 milliards d'euros à son niveau réel ! Au total, la baisse des taux a permis à la France « d'économiser » près de 67 milliards d'euros depuis 2010, mais en continuant à s'endetter. La faiblesse des taux d'intérêt, observée à des degrés divers dans presque tous les pays développés depuis 2010, est liée à des facteurs largement externes à l'action des pouvoirs publics français (politique monétaire accommodante de plusieurs banques centrales, fuite vers la qualité, baisse du cours des matières premières, croissance et inflation atones...). Elle ne peut pas être expliquée par la qualité de la politique budgétaire et fiscale française. Bien au contraire, la France se caractérise par le maintien d'un déficit budgétaire important avec des prélèvements obligatoires extrêmement élevés pour financer une augmentation permanente des dépenses. Ne nous faisons aucune illusion : les taux d'intérêt vont finir par remonter et la hausse pourrait intervenir dans un futur proche. La France ne doit alors pas négliger le risque d'un mouvement de défiance des investisseurs, dont les stratégies sont avant tout opportunistes. Ceux-ci ont déjà, dans le passé, exprimé des inquiétudes, relatives tant à la solidité financière de notre pays qu'à la politique budgétaire et fiscale menée par les gouvernements précédents : la facilité de la dette permet une véritable fuite en avant. La France n'est pas l'émetteur de référence de la zone euro et, comme les épisodes précédents de tensions sur le marché de la dette publique française l'ont démontré, elle se trouvera en première ligne dans le cas d'une nouvelle crise européenne ou nationale. Certes, en cas de remontée des taux, l'effet sur la charge de la dette est partiellement différé dans la mesure où seule la dette émise chaque année (déficit budgétaire et amortissements d'emprunts arrivant à échéance) est touchée par les nouvelles conditions de taux. |
Mais les émissions annuelles de l'État sont loin d'être négligeables : chaque année, la France émet environ 200 milliards d'euros de dette souveraine. Ainsi, une hausse de 3 % des taux d'intérêt entraînerait une augmentation de la charge de la dette de 18 milliards d'euros dès la troisième année suivant le choc. Pour éviter la cessation de paiement, voire la faillite, ces charges nouvelles devront être financées par des économies d'autant plus douloureuses qu'elles auront été repoussées et seront décidées dans l'urgence. Alors que faire ? La seule façon de maîtriser notre dette et les risques qui lui sont liés serait de mener une politique de réduction des dépenses résolues. Mais non pas celle qui conduirait à réduire de nouveau les dotations des collectivités locales, et encore moins à supprimer des impôts locaux, comme cela est déjà envisagé par le gouvernement actuel. Cela déstabiliserait totalement le budget des collectivités territoriales. Si le Gouvernement veut réduire les dépenses publiques, il devra nécessairement redéfinir le périmètre d'action de l'État Providence, dont le financement repose aujourd'hui sur l'emprunt. Il faudra aussi reconstruire un système fiscal plus simple et plus juste, notamment à travers une refonte totale de notre système fiscal sur le revenu à taux progressifs, par la mise en place d'un impôt simplifié à trois taux inspiré de la contribution sociale généralisée (CSG), se rapprochant d'une « flat tax » et payé par l'ensemble des contribuables - alors qu'aujourd'hui, le produit de l'impôt sur le revenu est acquitté par moins de la moitié des ménages français. Ce système permettrait d'augmenter les recettes fiscales car il s'accompagnerait de la suppression d'un certain nombre de niches fiscales, devenues inutiles. Ainsi, en simplifiant et en réduisant l'impôt sur le revenu de tous, l'État pourra enfin disposer de revenus suffisants pour réduire le déficit budgétaire, ce qui permettra de soustraire la France de la menace permanente d'un désastre financier. |