B. L'ANTICIPATION DE L'APRÈS-MINORITÉ : ÉDUCATION, INSERTION PROFESSIONNELLE ET RÉGULARISATION
Scolarité et régularisation du mineur non accompagné sont indissociables . En effet, s'il n'est pas obligatoire pour un mineur de détenir un titre de séjour sur le territoire français, cette obligation s'impose strictement au majeur étranger qui, à défaut, peut se trouver visé par une mesure d'expulsion. Or, les services préfectoraux chargés de l'attribution des titres de séjour sont particulièrement attentifs à l'intégration sociale et professionnelle des publics demandeurs de titre.
1. Les carences du suivi éducatif
a) L'entrée dans le parcours scolaire
(1) Le droit à l'éducation
La scolarité des mineurs non-accompagnés est prise en charge par une structure dédiée dans le ressort de chaque académie, le centre académique pour la scolarisation des enfants allophones nouvellement arrivés et des enfants issus de familles itinérantes et de voyageurs (Casnav). Le Casnav rassemble un personnel administratif appartenant à l'inspection académique et les enseignants des classes spécialisées dans l'accueil des élèves étrangers.
Les unités spécialisées Une circulaire du ministère de l'Éducation nationale du 2 octobre 2012 85 ( * ) identifie les structures dédiées à l'accueil des élèves allophones nouvellement arrivés. Il s'agit des unités pédagogiques pour élèves allophones arrivants (Upe2a) . Dans le ressort de l'académie de Paris, elles sont au nombre en 2017 de 52 dans le premier degré et de 78 dans le second degré. Dans celui de l'académie de Lyon, elles étaient en 2014 de 46 dans le premier degré et de 50 dans le second degré. D'après la circulaire, « l'effectif de ces classes ne doit pas dépasser quinze élèves, sauf cas exceptionnel ». Leur objectif premier est « la maîtrise du français enseigné comme langue de scolarisation », l'intégration en classe ordinaire, dans laquelle l'élève est par ailleurs obligatoirement inscrit, devant être assurée le plus souvent possible, notamment pour les disciplines où la maîtrise du français écrit n'est pas fondamentale. Au sein de ses structures pédagogiques dédiées, peuvent être isolées des Upe2a spécialisées dans l'accueil d'élèves pas ou peu scolarisés antérieurement (Upe2a-NSA), voire dans l'accueil d'élèves handicapés. Dans le ressort de Paris, une structure de ce genre a ouvert au lycée Lavoisier, composée de huit élèves et gérée par une professeure contractuelle volontaire. |
La scolarisation des MNA pose plusieurs problèmes, selon l'étape de leur prise en charge sur le territoire national. Les pouvoirs publics doivent tenir compte de plusieurs obligations légales : la scolarité obligatoire des mineurs âgés de moins de 16 ans et les dispositions de l'article L. 111-1 du code de l'éducation selon lesquelles « le droit à l'éducation est garanti à chacun ».
Dans le cas des MNA, les pouvoirs publics ont un arbitrage complexe à rendre. Si l'intégration des jeunes migrants par la scolarisation est souhaitable le plus en amont possible, l'incertitude qui demeure autour de leur âge avant leur évaluation de minorité laisse planer le doute sur la base juridique qui leur est applicable . Lorsqu'un mineur accompagné est manifestement âgé de moins de 16 ans, il fait, selon toute logique, l'objet d'une OPP rendue en urgence, son placement à l'aide sociale à l'enfance et sa scolarité sont immédiatement engagés sans qu'il ne soit besoin d'attendre les résultats de l'évaluation.
(2) Les jeunes en attente d'évaluation
La situation se complique pour les jeunes migrants se prétendant mineurs mais qui se disent âgés de plus de 16 ans. L'obligation scolaire ne s'applique pas à eux, mais ils n'en demeurent pas moins titulaires du droit inconditionnel à l'éducation énoncé par la loi. De plus, scolariser de jeunes migrants dont l'évaluation de minorité n'a pas encore été rendue présente le risque d'intégrer aux classes des personnes potentiellement majeures.
Le Casnav de Paris a par conséquent adopté une ligne dont la légalité est contestée par plusieurs acteurs associatifs : les jeunes migrants en attente d'évaluation âgés de plus de 16 ans ne pourront être scolarisés que s'ils ont fait l'objet d'une OPP . La position retenue, en conditionnant le droit à l'éducation, paraît effectivement aller à l'encontre de la loi, mais recueille tout de même l'indulgence de vos rapporteurs 86 ( * ) . En effet, l'OPP garantit à l'établissement scolaire que le jeune bénéficie d'une mise à l'abri au moins temporaire, nécessaire au bon accomplissement d'un parcours scolaire.
Le Casnav de Paris rappelle par ailleurs que la démarche n'est pas sans risque : en cas d'évaluation de minorité négative, l'OPP cesse de produire ses effets même en cas de recours du jeune, et ce dernier peut se retrouver à devoir poursuivre la scolarité entamée sans solution d'hébergement. Pour ces cas particuliers, le Casnav, en relation avec la mairie de Paris, a mis sur pied un dispositif de 70 places cofinancé d'hébergement de jeunes scolarisés non pris en charge par les services d'aide sociale à l'enfance. Ce dispositif repose sur une mobilisation de centres et de foyers contactés par les établissements scolaires, financée de façon exceptionnelle par les fonds sociaux des lycées . Vos rapporteurs approuvent vivement cette initiative et appellent à ce qu'elle soit davantage déployée sur le territoire national.
Le Défenseur des droits a récemment rappelé son souhait de « parvenir à la scolarisation effective au plus tôt des jeunes gens en attente d'une décision définitive quant à leur demande de protection ». Un objectif aussi ambitieux, qui repose sur l'idée partagée par vos rapporteurs qu'une intégration réussie passe par une scolarisation précoce, peut néanmoins se heurter à la réalité des situations : sans hébergement et sans suivi extra-scolaire, l'école ne semble pas suffisamment armée pour assumer seule l'intégration des publics concernés.
Proposition n° 25 : favoriser des partenariats entre rectorats et conseils départementaux ou régionaux pour mobiliser à titre exceptionnel des ressources permettant l'hébergement des jeunes majeurs. |
(3) Les mineurs évalués
S'agissant des publics âgés de plus de 16 ans évalués mineurs et placés auprès de l'aide sociale à l'enfance, la scolarisation pose des difficultés moins grandes, l'établissement étant assuré de l'hébergement et du suivi social de la personne. Concernant ce public, vos rapporteurs en appellent à un respect plus strict du droit inconditionnel à l'éducation.
Si le Casnav de Paris procède à la scolarisation systématique de tous les mineurs non-accompagnés reconnus comme tels, il semblerait que la pratique soit moins diffusée au niveau national.
Proposition n° 26 : veiller à ce que le droit inconditionnel à l'éducation soit respecté pour tout mineur non accompagné âgé de plus ou moins de 16 ans. |
Il n'en reste pas moins le problème, déjà évoqué et récurrent, de la tutelle . Même si le mineur bénéficie d'une mesure d'assistance éducative, la vacance de la tutelle empêche le chef d'établissement d'assurer sa pleine participation à la vie en milieu scolaire. Ce dernier peut se trouver confronté à des problèmes de santé ou d'autorisation de sortie de l'établissement qui, en l'absence de tutelle, peuvent gravement engager sa responsabilité.
b) La formation
Pour la grande majorité des mineurs non-accompagnés scolarisés et âgés de plus de 16 ans, l'approche de la majorité et l'impératif de régularisation nécessitent que leur formation soit rapidement « professionnalisante ». À cet égard, le Défenseur des droits a rappelé que l'élaboration des parcours scolaires proposés aux MNA par le Casnav devait se faire en coordination étroite avec les services préfectoraux afin que ces derniers permettent bien aux jeunes suivant ces parcours d'être éligibles au titre de séjour.
Le Casnav de Paris affirme pour sa part privilégier l'orientation professionnelle des MNA vers des formations professionnelles en lycée professionnel ou des formations en apprentissage. Afin de faciliter au mieux la demande de titre, vos rapporteurs souhaitent que les liens entre Casnav et services préfectoraux, notamment les directions régionales des entreprises, de la concurrence, du travail et de l'emploi (Direccte), soient renforcées.
Proposition n° 27 : renforcer les partenariats entre Casnav et Direccte afin d'identifier les formations professionnelles et d'apprentissage rendant plus facilement les MNA éligibles au titre de séjour au moment de leur majorité. |
Vos rapporteurs souhaitent néanmoins rappeler que l'inscription dans un parcours court ou professionnalisant ne doit en aucun cas se faire à l'encontre du désir du mineur. Lorsque le bilan scolaire autorise la poursuite d'études longues dans les filières générales, voire supérieures, le choix doit pouvoir lui en être laissé sans qu'il n'obère ses chances de régularisation . En cela, vos rapporteurs préconisent que soient modifiées les conditions énoncées aux articles L. 311-1 et L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (cf. ci-après).
2. L'insertion sur le marché du travail
a) Une condition nécessaire à la régularisation
L'âge d'arrivée du MNA sur le territoire français dessine deux droits distincts de la demande de titre de séjour :
- l'article L. 311-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose qu'une carte de séjour temporaire est délivrée de plein droit aux étrangers devenus majeurs à condition qu'ils aient été confiés aux services d'aide sociale à l'enfance avant leurs 16 ans et qu'ils suivent de façon réelle et sérieuse une formation ;
- concernant les mineurs non-accompagnés arrivés en France après l'âge de 16 ans , l'article L. 313-15 du même code dispose que la carte de séjour temporaire peut leur être attribuée à la condition de suivre, toujours de façon réelle et sérieuse mais depuis au moins 6 mois , une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle .
À ces critères s'en ajoute un autre, identique dans les deux cas, relatif à « l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française ».
Il convient de remarquer que le droit au séjour, dont l'étranger dispose dans le premier cas, ne devient qu'une faculté dans le second, laissant vraisemblablement au juge une marge d'appréciation plus large. Par ailleurs, la condition de suivi d'une formation s'accompagne d'une durée minimale de cursus dans le second cas.
Les critères énoncés par ces deux articles posent également comme condition à la délivrance du titre de séjour un examen des relations du jeune avec les personnes de sa famille restées dans son pays d'origine. Les juges ont initialement considéré, à l'appui de ces textes, que l'isolement strict du jeune était un critère sans lequel la demande de titre devait être rejetée. L'évolution de la jurisprudence a modifié cette interprétation 87 ( * ) , faisant du suivi d'une formation professionnelle au moment de la demande 88 ( * ) le critère réellement déterminant de l'admission au séjour .
Vos rapporteurs, favorables à ce qu'une admission au séjour doive nécessairement s'appuyer sur un parcours d'intégration, déplorent que soit parfois interprété trop strictement le caractère professionnel de la formation suivie. Ils considèrent qu'arrivé au terme d'un cursus d'enseignement général, le jeune majeur doit pouvoir faire valoir son désir de poursuivre des études supérieures en appui à sa demande de titre .
Proposition n° 28 : modifier les articles L. 311-1 et L. 313-15 du Ceseda afin que le critère de suivi d'une formation à l'admission au titre de séjour soit élargi aux formations d'enseignement général. |
b) Les contrats « jeune majeur », une ressource raréfiée
(1) Une compétence discrétionnaire du département
L'insertion sur le marché du travail des MNA peut être facilitée par l'attribution de « contrats d'accueil provisoire du jeune majeur », dispositifs de protection sociale mis en place par les conseils départementaux qui peuvent donner lieu au versement d'une allocation et à un accompagnement personnalisé vers l'emploi. Ces dispositifs s'appuient sur l'article L. 222-5 du code de l'action sociale et des familles qui dispose que « peuvent être également pris en charge à titre temporaire [...] les majeurs âgés de moins de vingt-et-un ans qui éprouvent des difficultés d'insertion sociale faute de ressources ou d'un soutien familial suffisants ».
Le « contrat jeune majeur » n'est pas un dispositif réservé aux MNA, bien que ces derniers en remplissent particulièrement les critères. De plus, il n'est pas un élément de la compétence obligatoire du département en matière sociale. Ce dernier est de ce fait libre d'en déterminer le nombre et les conditions d'accès.
Soucieux d'en faire des outils efficaces de l'insertion sociale de leurs bénéficiaires dans un contexte budgétaire contraint, certains départements ont pu être amenés à raffermir les conditions d'éligibilité au contrat « jeune majeur », pénalisant ainsi indirectement les MNA. Ainsi, le département du Val d'Oise, entre autres, a choisi de limiter l'attribution de contrats « jeune majeur » aux mineurs ayant au moins été pris en charge pendant deux ans par l'aide sociale à l'enfance. Ce critère élimine de fait une grande partie des MNA, dont la majorité est arrivée à plus de 16 ans. D'autres départements, comme Paris, ont au contraire fait le choix d'une large attribution de contrats « jeune majeur » à d'anciens MNA : ils ont bénéficié de près de la moitié des 1 150 contrats attribués en 2016.
Le département de la Mayenne a fait en matière de contrats « jeune majeur » un choix innovant, dont vos rapporteurs souhaitent qu'il soit diffusé. Chaque contrat donne lieu à un partenariat entre le conseil départemental , qui prend en charge le financement de l'accompagnement vers l'emploi et des dépenses courantes du jeune majeur, et l'État , qui prend en charge le financement du logement. Ce partenariat s'appuie sur la responsabilité de l'État en matière d'hébergement, une fois atteinte la majorité. Ce cofinancement permet d'attribuer un plus grand nombre de contrats.
(2) Une condition insuffisante à la régularisation
Toutefois, le contrat « jeune majeur », selon une jurisprudence récente, n'a « pas pour objet de permettre à [son bénéficiaire] [...] de se voir reconnaître un droit au séjour 89 ( * ) ». Ainsi, aucun jeune majeur ancien MNA ne peut se prévaloir d'un contrat « jeune majeur » au titre de la formation qu'il doit impérativement suivre pour être admis à la régularisation. Cette jurisprudence découle d'une interprétation stricte des textes et d'un refus d'assimiler la formation évoquée par le Ceseda, comprise comme un cursus donnant lieu à la délivrance d'un diplôme professionnel ou d'un certificat d'apprentissage, au contrat « jeune majeur », qui demeure perçu comme un dispositif de protection sociale. Dans la mesure où le contrat « jeune majeur » ne se limite cependant pas au versement d'une allocation, mais comporte bel et bien un volet relatif à l'accompagnement dans l'emploi, cette interprétation peut être discutée.
Vos rapporteurs y voient un paradoxe. En effet, le contrat « jeune majeur » étant un dispositif sur lequel le département exerce une compétence discrétionnaire, son attribution à un jeune majeur anciennement MNA n'a d'autre motif que la volonté d'intégration que montre l'attributaire et le désir du département d'« investir » dans sa réussite . Il s'agit d'une démarche qui, en raison de son caractère subsidiaire, suffit à prouver la confiance portée par les pouvoirs publics au demandeur de titre.
Or, les dispositions du Ceseda font clairement référence, en matière d'admission au séjour, à l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion du demandeur dans la société française, critère que la jurisprudence semble apprécier moins rigoureusement que le suivi d'une formation. Par ailleurs, en refusant l'admission au séjour à un titulaire d'un contrat « jeune majeur » sur ce seul motif, l'autorité préfectorale annihile tout bonnement les efforts -notamment financiers- déployés par le département dans l'intégration d'un jeune majeur étranger. En plus d'interrompre le parcours d'intégration, le refus d'admission présente pour les départements un aléa important susceptible de freiner l'attribution de ces contrats à d'anciens MNA .
Par conséquent, il semblerait judicieux à vos rapporteurs que l'admission d'un jeune majeur isolé à un dispositif de protection sociale subsidiaire financé par le conseil départemental puisse être favorablement considérée à l'appui de sa demande d'admission au séjour.
Proposition n° 29 : intégrer aux critères du droit au séjour énoncés par la loi l'admission à un dispositif de protection sociale subsidiaire, financé par le conseil départemental. |
c) La délivrance de l'autorisation provisoire de travail
(1) Pour les mineurs
Les MNA arrivant sur le territoire national après l'âge de 16 ans doivent fournir, au moment de leur demande de titre de séjour, une preuve du suivi d'une formation professionnelle depuis au moins 6 mois. Ces formations, souvent dispensées dans le cadre des centres de formation des apprentis (CFA), nécessitent que leur soit délivrée par la Direccte une autorisation provisoire de travail 90 ( * ) (APT).
Or, d'après l'article L. 5221-5 du code du travail, « l'autorisation de travail est accordée de droit à l'étranger autorisé à séjourner en France pour la conclusion d'un contrat d'apprentissage ou de professionnalisation à durée déterminée ». Les MNA, du fait de leur minorité, disposent du plein droit de séjour ; l'APT doit donc leur être accordée sans autre condition .
Les pratiques locales remontées à vos rapporteurs qui conditionneraient la délivrance d'APT à des mineurs à la détention d'un titre de séjour, ou au simple enclenchement de procédures de demande, ne sont pas conformes à l'esprit de la loi. Une jurisprudence récente l'a confirmé en qualifiant d'« erreur de droit » le refus d'une APT opposé à un jeune au motif qu'il ne disposait pas de titre de séjour 91 ( * ) . Ces pratiques, en plus d'être illégales, placent le mineur dans la situation kafkaïenne d'avoir à produire un titre de séjour pour suivre une formation professionnelle, elle-même condition nécessaire à l'obtention de ce titre de séjour.
Alertés par ces témoignages, vos rapporteurs se montreraient favorables à ce que soit réitéré par circulaire auprès de l'ensemble des Direccte du territoire national le droit inconditionnel des MNA à se voir délivrer une APT dans le cadre d'une formation .
Proposition n° 30 : réitérer par circulaire le droit inconditionnel des MNA à se voir délivrer une autorisation provisoire de travail dans le cadre d'une formation. |
(2) Pour les majeurs
La situation se complique lorsque le MNA devient majeur. En effet, l'autorisation provisoire de travail ne peut être d'une durée supérieure à 12 mois renouvelables. La procédure de renouvellement d'une APT, une fois la majorité passée, perd son automaticité puisque le jeune a entre-temps perdu son plein droit au séjour .
Pour le jeune majeur, les Direccte conditionnent la délivrance d'une autorisation de travail à la détention d'un titre de séjour ou d'un récépissé de première demande ou de demande de renouvellement d'un titre de séjour 92 ( * ) . Les problèmes remontés viennent dans ces cas de la longueur de traitement des dossiers déposés en préfecture, et, de façon plus surprenante, du caractère aléatoire de la délivrance des récépissés .
Ces derniers sont dans la plupart des cas délivrés quelques mois après que la demande a été formulée, ce qui oblige les services de l'aide sociale à l'enfance à anticiper la majorité des MNA afin que ces derniers disposent de leur récépissé au moment du renouvellement de leur autorisation de travail. Vos rapporteurs ont pu constater lors de leurs déplacements que les conseils départementaux, à qui il incombe de se rapprocher des services préfectoraux suffisamment en amont de la majorité des MNA qu'ils prennent en charge, anticipent largement les demandes de titres de séjour.
Il convient que la délivrance des récépissés soit diligentée selon des critères objectifs qui ne contreviennent pas à l'égalité des demandeurs .
3. Le cas particulier des demandeurs d'asile
Une mention spéciale doit être faite des mineurs non-accompagnés demandeurs d'asile qui, s'ils n'en représentent qu'une fraction limitée ( 475 cas sur 13 009 en 2016 ), se voient appliquer un droit particulier en matière d'admission au séjour.
Lorsqu'un MNA demande l'asile, il est immédiatement confié à un représentant légal, l'administrateur ad hoc. Quelle que soit l'issue de sa demande, son droit au séjour ne sera pas menacé durant sa minorité. Lorsqu'un jeune majeur isolé demande l'asile, ce dernier peut lui être accordé au titre de la protection garantie par la convention de Genève, auquel cas un titre de séjour lui est délivré pour une durée de dix ans, ou au titre de la protection subsidiaire, auquel cas le titre de séjour ne vaudra que pour un an.
Vos rapporteurs insistent sur la distinction entre admission au séjour et asile . Alors que le second entend, par le statut de réfugié ou la protection subsidiaire, apporter une protection internationale à des personnes persécutées dans leur pays d'origine, la première désigne l'autorisation sous conditions qu'un État accorde à des résidents étrangers à s'établir sur son territoire.
Il est donc fondamental de ne pas confondre les deux et de ne pas user de la demande d'asile comme d'une procédure subsidiaire à la demande de séjour. En revanche, lorsqu'un mineur non accompagné pris en charge par l'aide sociale à l'enfance est susceptible d'acquérir le statut de réfugié, son orientation dans la procédure d'asile doit être faire le plus rapidement possible.
* 85 Circulaire n° 2012-143 du 2 octobre 2012.
* 86 Elle a d'ailleurs été confirmée par une ordonnance récente du tribunal administratif de Paris (ordonnance du 25 novembre 2016, n° 1618861) qui rejette le référé présenté par un jeune évalué majeur mettant en demeure le rectorat de Paris de le scolariser.
* 87 H. HABCHI et J.-S. LAVAL, « L'admission au séjour du jeune majeur étranger « isolé » : un contentieux encore parsemé d'interrogations », La Semaine juridique, t. 50, 2015.
* 88 Le critère du suivi de la formation au moment de la demande est déterminant. Il ne suffit pas au jeune majeur de produire un diplôme obtenu ou une formation suivie antérieurement (Cour administrative d'appel de Paris, 23 mars 2015, Préfecture de police c/ Sokhona, n° 14PA02809).
* 89 Tribunal administratif de Rennes, 13 février 2014, n° 1302321.
* 90 Article R. 5221-3 14° du code du travail.
* 91 Conseil d'État, ordonnance du 15 février 2017, n° 407355.
* 92 Article R. 5221-3 11° du code du travail.