ANNEXE XV - L'ESPACE PARTICIPATIF DE LA MISSION D'INFORMATION
Souhaitant associer à sa réflexion l'ensemble des citoyens et des membres de la société civile désireux de s'exprimer sur les conditions d'exercice de notre démocratie, la mission d'information a mis en place un espace participatif, accessible à partir de la page Internet du site du Sénat, entre le 8 février et le 31 mars 2017.
L'ouverture de cet espace participatif a été annoncée par un communiqué de presse en date du février 2017 et a fait l'objet de cinq publications sur le compte Twitter du Sénat entre février et mars 2017.
I. PRÉSENTATION DE L'ESPACE PARTICIPATIF
Sur cet espace, les citoyens pouvaient déposer une contribution écrite consacrée à un ou plusieurs des six thèmes suivants :
1. Faut-il renforcer la légitimité de la décision publique dans le cadre de notre démocratie représentative ? Le cas échéant, comment ?
2. Les nouvelles technologies de l'information et de la communication améliorent-elles l'exercice de la démocratie ? Si oui, comment ?
3. Les procédures de démocratie participative existant dans notre pays (conseils de quartier, budgets participatifs, jurys citoyens, sondages participatifs...) sont-elles efficaces et suffisantes ?
4. Comment faciliter la participation des citoyens aux prises de décisions publiques (dispositifs de consultation voire de co-élaboration de la décision publique, développement des referendums...) ?
5. Comment s'assurer de l'aboutissement de projets structurants (infrastructures, développement économique...) sur le territoire français, tout en garantissant à la fois l'accès à l'information et l'expression de chacun ? En particulier, les outils de concertation en vigueur pour la réalisation d'aménagements, d'ouvrages ou de travaux, et notamment les débats publics et les enquêtes publiques, vous paraissent-ils adaptés ?
6. Quelle devrait être la méthode suivie par le Gouvernement et le Parlement lorsqu'ils élaborent un projet de réforme portant sur les relations individuelles et collectives du travail, l'emploi et la formation professionnelle ?
II. UNE BRÈVE ANALYSE DES RÉSULTATS
L'espace participatif a recueilli une centaine de contributions détaillées , signées par environ 90 particuliers, associations ou acteurs institutionnels.
La question n° 4 est celle qui a le plus retenu l'attention des internautes (près d'un quart des réponses), devant la question n° 1. Les autres thématiques ont suscité un nombre équivalent de contributions (une dizaine à chaque fois).
Les présents développements ne se prétendent pas exhaustifs mais, au-delà de la très grande variété des points de vue exprimés et des thèmes dépassant le cadre imparti à la mission d'information, il apparaît que trois thématiques transversales se dégagent dans les contributions reçues.
1. Un désir affirmé d'une plus grande participation des citoyens
De nombreuses contributions se félicitent de l'ouverture de l'espace participatif . Elles témoignent d'un vif désir d'expression et de participation aux débats publics. Elles émanent aussi souvent d'individus ou d'organismes qui semblent avoir un intérêt particulier et ancien pour ces questions. Se sont notamment exprimés des représentants de civic techs françaises et plus largement des personnes exposant les dispositifs dont ils sont les initiateurs ou auxquels ils participent.
Nombre de contributions appellent de leur voeu un « nouveau dialogue » entre les élus et les citoyens, seul moyen selon eux de surmonter la défiance qui existe aujourd'hui. En effet, l'élévation du niveau de formation et d'information des individus oblige à repenser la participation des citoyens , qui doivent s'affirmer aussi dans l'intervalle qui sépare les scrutins. Pour une internaute « les dirigeants ne peuvent plus considérer les citoyens comme ils le faisaient il y a 20 ans. Le peuple est davantage informé. Il y a donc lieu de tenir compte davantage de ses réflexions ».
Les contributeurs se montrent d'ailleurs enthousiastes quant aux fruits de ce nouveau dialogue : « les usagers ont des idées, des compétences et des moyens complémentaires pour organiser et gérer des services publics efficients. Les entrepreneurs et les associations sont force d'innovation pour le développement durable des territoires. Les citoyens sont en mesure d'analyser et de prendre des décisions pour l'intérêt général. Décloisonnons et dialoguons ! ».
De façon plus concrète, un certain nombre de contributeurs s'expriment en faveur de l'extension du droit de pétition et d'un recours plus affirmé aux outils de la démocratie directe. Plusieurs prônent notamment le référendum d'initiative populaire, qui serait déclenché automatiquement à partir d'un seuil de mobilisation des citoyens et en faisant parfois référence au modèle suisse examiné par la mission d'information lors de son déplacement du 16 mars 2017. Certains contributeurs expriment également le souhait de participer à l'élaboration de la loi. D'autres proposent un meilleur contrôle des représentants par les électeurs, notamment par le biais du mandat impératif, du tirage au sort et de procédures de révocation.
Environ un quart des contributeurs plaident en faveur d' un droit d'interpellation des élus locaux. Il est notamment affirmé que « les citoyens devraient aussi, dans le cadre d'assemblées générales, pouvoir soumettre des projets et des propositions qui seraient ensuite débattues et éventuellement soumises au Conseil municipal ».
Enfin, plusieurs expriment leur soutien à l'ouverture des données publiques ( open data ), processus dans lequel ils voient l'amorce de nouvelles relations entre l'État et les citoyens.
2. Une certaine déception vis-à-vis des dispositifs de la démocratie participative
Les citoyens et organismes qui se sont exprimés sur le site de la mission connaissent les instances de la démocratie participative existant principalement au niveau local, notamment les conseils de quartier, les conseils de développement et les conseils citoyens, mais ils les jugent « insuffisantes », dans leur portée comme dans leur fonctionnement.
Beaucoup d'entre eux soulignent l'inutilité des démarches participatives engagées : « les avis exprimés dans les consultations publiques sont trop peu pris en compte voire pas du tout » , note ainsi un contributeur. Ils déplorent le caractère chronophage des réunions organisées, qu'ils mettent en regard des résultats très modestes obtenus. Pour eux, par conséquent, « la démocratie participative actuelle se réduit trop à des gadgets, et à des prises de décisions insignifiantes ou biaisées par le système médiatique ».
Certains contributeurs imputent cette situation aux réticences des élus , qui se méfieraient de la démocratie participative, voire l'instrumentaliseraient à des fins de communication.
D'autres soulignent les faiblesses intrinsèques des procédures participatives , notamment leur succès limité parmi les citoyens, la faible représentativité sociale des participants et l'insuffisante formation technique des citoyens qui s'expriment : « cela aboutit exclusivement à faire décider une infime minorité agissante et non-représentative, dont une grande partie n'est pas documentée, faute de temps, de moyens (même intellectuels), ou d'envie de le faire. Les résultats sont ceux que l'on peut obtenir avec les simples effets d'annonce : d'autres prennent les décisions souvent pré-orientées en s'abritant derrière une consultation en trompe l'oeil. Pourtant l'intention initiale, le "concept", est bon. Mais la pratique... ».
De même, pour cet autre contributeur, qui s'exprime à propos des conseils de développement, « la multiplicité des instances de participation crée un risque de lassitude chez les citoyens par manque d'informations sur le périmètre d'actions et les objectifs de chaque instance ».
Aussi, beaucoup de participants à l'espace participatif réclament un effort d'éducation à la participation . L'un d'eux évoque « une double sensibilisation des élus et des citoyens ». D'autres parlent de « pédagogie » ou de « formation » et en appellent au rôle de l'école.
Dans ce contexte, les propositions qui viseraient à renforcer les conseils participatifs sont parfois attendues avec un certain scepticisme . « Attention à ne pas rajouter des étages participatifs au mille-feuilles des collectivités territoriales », conseille ainsi un internaute.
3. La conscience des limites du numérique, qui peut apporter beaucoup, mais qui ne suffit pas à lui seul à revitaliser la démocratie
Un grand nombre de contributions révèlent une claire conscience du potentiel démocratique des nouveaux outils numériques qui se répandent dans la société. Un internaute note ainsi que « le développement de l'informatique et d'internet a accéléré et amplifié nos capacités d'accès et de partage de l'information, sous toutes ses formes, et offre des possibilités inédites en termes de travail collaboratif et de participation citoyenne aux débats publics, notamment de manière institutionnalisée». Les gains de temps et d'énergie permis par les nouveaux moyens de communication sont également souvent mis en avant.
Beaucoup envisagent donc d'avoir recours à ces outils ou, plus largement, aux civic techs , afin de recueillir l'avis des citoyens , voire de les associer à la décision publique . Une telle évolution correspondrait, selon eux, à un processus de démocratisation de notre régime politique. Pour un contributeur, « un projet simple serait de mettre en place une application gratuite disponible sur smartphone et mise à la disposition de tous les citoyens français à partir de 18 ans. Cette application permettrait aux députés, sénateurs et membres du gouvernement d'inscrire leurs propositions ou projets de loi », qui seraient discutées, voire amendées en ligne par les citoyens.
D'autres estiment que ces outils numériques auraient plus de sens au niveau local : « les projets de la commune pourraient aussi être soumis au vote des citoyens par voie électronique, qui permet de toucher un plus grand nombre de personnes et de les informer des projets pour leur commune ». Ils permettraient, selon eux, de libérer le « pouvoir d'agir » des habitants et contribueraient ainsi au développement économique et social des territoires concernés.
Toutefois, les internautes qui se sont exprimés sur le site de la mission sont aussi conscients des risques du numérique , notamment s'agissant de la cristallisation des opinions et des éventuelles manipulations de l'information.
Certains craignent aussi qu'Internet ne favorise « l 'émergence de minorités agressives ».
Au total, l'impression qui se dégage est celle d'une certaine prudence même si les contributeurs plaident pour une participation plus grande des citoyens à la prise de décision publique.