II. LA CAPACITÉ D'ADAPTATION DES DÉPARTEMENTS ET DES COMMUNES AUX NOUVELLES CONTINGENCES LOCALES

A. LES DÉPARTEMENTS CONFORTÉS : POUR COMBIEN DE TEMPS ?

1. Un projet de suppression des départements pour des économies imaginaires

Dans l'objectif d'une disparition des conseils départementaux à l'horizon 2021, le projet de loi initial portant nouvelle organisation territoriale de la République proposait un transfert des principales compétences départementales - routes et infrastructures, transports non urbains, y compris scolaires, gestion des collèges et des ports départementaux - aux régions. Il prévoyait aussi, en cas de présence d'une métropole dans un département, un transfert obligatoire à son profit de ces mêmes compétences sur son territoire.

Les débats parlementaires ont mis en exergue la difficulté d'opérer ces transferts, d'autant qu'aucune étude d'impact sérieuse n'a permis d'apprécier les économies espérées de ces transferts, malgré les évaluations fantaisistes de certains membres du Gouvernement de l'époque.

Enfin, les régions comme une grande majorité de présidents d'intercommunalité ne souhaitaient pas exercer les compétences sociales des départements.

Si l'objectif était clair - supprimer les départements - les modalités n'avaient pas été sérieusement étudiées.

Après des débats parfois très vifs, ont été transférés à la région la gestion des transports non urbains, y compris scolaires, ainsi que les ports départementaux. En revanche, les départements ont conservé la gestion des infrastructures routières (excepté sur le territoire des métropoles pour lesquelles le transfert est obligatoire depuis le 1 er janvier 2017) et des collèges.

2. Les départements face au défi des grandes régions et des métropoles

Les évolutions institutionnelles et budgétaires récentes et les relations des départements avec les régions et les métropoles rendent récurrentes la question de leur avenir.

a) Des relations parfois tendues avec les régions

Dans leurs relations avec les régions, les départements peuvent être classés en deux catégories :

- ceux qui souhaitent se désengager des compétences que la loi a désormais confiées aux régions, y compris en matière de développement économique, pour se concentrer sur leurs compétences obligatoires ;

- ceux qui, au contraire, refusent de se désengager d'un certain nombre de leurs anciennes compétences.

L'affirmation des départements face aux grandes régions passe incontestablement par une définition plus précise de leur vocation en matière de solidarité territoriale. L'imprécision des contours de cette compétence est parfois à l'origine de tensions entre élus locaux, notamment départementaux et régionaux, les seconds estimant qu'elle empiète sur leur compétence en matière d'aménagement du territoire.

b) Les métropoles : un danger pour les départements ?

Quant aux métropoles, leur multiplication, évoquée précédemment, soulève la question de la généralisation du modèle lyonnais, avec l'absorption du département par la métropole sur le territoire de cette dernière. Jusqu'à présent, aucun président de métropole n'a souhaité recourir à cette formule. Au contraire, les présidents de métropole contractualisent avec les présidents de conseil départemental pour la mise en oeuvre de projets en faveur des territoires « interstitiels », afin que la richesse attendue de la métropole puisse irriguer les territoires voisins, et participer ainsi à la politique de solidarité territoriale des départements.

Toutefois, il n'est pas certain que la montée en puissance des métropoles, dans les prochaines années, ne s'accompagne pas d'une disparition progressive des départements sur leur territoire, reléguant ces derniers aux territoires ruraux ou « interstitiels », c'est-à-dire exclus ou éloignés de la dynamique des métropoles.

Ce schéma n'est pas une simple fiction : comme vos rapporteurs ont pu le constater à Montpellier, le désaccord entre le président de Montpellier Méditerranée Métropole et celui du conseil départemental de l'Hérault reflète les divergences d'appréciation du rôle de chaque collectivité : selon le premier, le département n'a plus de compétences sur le territoire de la métropole, y compris en matière de compétences partagées (culture, tourisme, sport, éducation populaire et promotion des langues régionales) tandis que le second estime que le département demeure compétent sur l'ensemble du territoire départemental, y compris sur celui de la métropole. Cette querelle pourrait, à l'avenir, se généraliser dès lors que les métropoles auront atteint un « rythme de croisière ».

À l'exception de la métropole de Montpellier, aucune métropole n'a souhaité bénéficier de l'intégralité des compétences départementales permises par la loi. Il pourrait s'agir d'une forme d'attentisme de la part des élus métropolitains, préférant se concentrer dans un premier temps sur l'exercice de leurs compétences obligatoires avant d'envisager, à plus ou moins long terme, un renforcement de leurs missions en assumant celles des départements. Les prochaines années permettront de répondre à cette question.

Néanmoins, vos rapporteurs ne sont pas convaincus par l'opportunité d'une généralisation du modèle lyonnais. Il n'est pas certain qu'il soit adapté à l'ensemble des territoires, en particulier pour ceux comportant une métropole n'ayant pas une envergure européenne. En revanche, pour celles de Lille, Strasbourg, Bordeaux ou Marseille, par exemple, ce modèle pourrait apparaître plus pertinent.

Pour cela, devra être établi, dans les prochaines années, un bilan de l'impact de la création de la métropole lyonnaise tant sur son territoire que sur les territoires périphériques.

Une dernière question altère aujourd'hui les relations entre les métropoles et les départements : le montant et les modalités de compensation des transferts de compétences départementales aux métropoles. Notre ancien collègue, M. Jean-René Lecerf, président du conseil départemental du Nord, a indiqué à vos rapporteurs que la loi Maptam prévoyait une compensation sur la base d'une dotation en fonctionnement, conduisant ainsi les départements à réduire leurs capacités d'autofinancement et d'investissement. La loi NOTRe renvoie à une loi de finances la détermination des modalités des transferts de compétences mais aucun disposition ayant cet objet n'a encore été examinée par le Parlement. Vos rapporteurs formulent le voeu qu'une telle loi puisse permettre un débat parlementaire sur cette délicate question et ainsi apaiser les relations entre collectivités.

3. Les départements : caisse de résonance des projets des territoires

La redynamisation des communes rurales ainsi que des villes petites et moyennes est une compétence qui relève nécessairement des départements. Ils disposent de l'ingénierie territoriale suffisante pour répondre aux besoins des élus de ces territoires.

En effet, malgré l'élargissement des intercommunalités, l'échelle départementale reste pertinente pour la structuration d'une offre d'ingénierie opérationnelle à destination des collectivités situées sur leurs territoires. Beaucoup de départements ont d'ailleurs mis en place des plateformes départementales d'ingénierie qui démontrent leur maturité en matière de coopération technique entre collectivités.

Pour que le département joue pleinement ce rôle, il est nécessaire que sa compétence en matière de solidarité territoriale comprenne clairement la redynamisation des communes rurales ainsi que des villes petites et moyennes. Le conseil départemental est et doit continuer à être la caisse de résonance des préoccupations et des projets des territoires.

Préconisation n° 11 :

Préciser que la « solidarité territoriale » dont sont chargés les départements comprend la redynamisation des communes rurales ainsi que des villes petites et moyennes.

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