ANNEXE 2 : CONSTITUTION DU GROUPE DE SUIVI AU SEIN DE LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES
Réunion du mercredi 13 juillet 2016
M. Jean Bizet , président . - Vous avez tous reçu la liste des membres de notre commission qui participeront au groupe de suivi sur le retrait du Royaume-Uni et la refondation de l'Union européenne que je vous propose d'entériner. Voici cette liste telle qu'elle ressort des propositions des groupes politiques :
M. Jean BIZET (Les Républicains - Manche)
M. Eric BOCQUET (CRC - Nord)
M. André GATTOLIN (Ecolo - Hauts-de-Seine)
Mme Fabienne KELLER (Les Républicains - Bas-Rhin)
M. Claude KERN (UDI-UC - Bas-Rhin)
M. Didier MARIE (Socialiste et républicain - Seine-Maritime)
Mme Colette MÉLOT (Les Républicains - Seine-et-Marne)
M. Yves POZZO di BORGO (UDI-UC - Paris)
M. Simon SUTOUR (Socialiste et républicain - Gard)
M. Richard YUNG (Socialiste et républicain - Français établis hors de France)
Il en est ainsi décidé.
Feront partie du groupe de suivi au titre de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées :
M. Jean-Pierre RAFFARIN (Les Républicains - Vienne)
M. Jean-Marie BOCKEL (UDI-UC - Haut-Rhin)
M. Christian CAMBON (Les Républicains - Val-de-Marne)
Mme Joëlle GARRIAUD-MAYLAM (Les Républicains - Français établis hors de France)
M. Jacques GAUTIER (Les Républicains - Hauts-de-Seine)
Mme Eliane GIRAUD (Socialiste et républicain - Isère)
M. Jean-Noël GUERINI (RSDE - Bouches-du-Rhône)
Mme Gisèle JOURDA (Socialiste et républicain - Aude)
M. Jean-Pierre MASSERET (Socialiste et républicain- Moselle)
M. Xavier PINTAT (Les Républicains, Gironde).
ANNEXE 3 : EXAMEN EN COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES
M. Jean Bizet , président . - Le groupe de suivi sur le retrait du Royaume-Uni et la refondation de l'Union européenne a adopté hier un rapport sur la refondation de l'Union européenne, qui sera diffusé dans les prochains jours.
L'objectif n'était pas de refaire une analyse détaillée des succès et des échecs de la construction européenne. De précédents travaux l'avaient excellemment fait - en particulier le rapport de notre ancien collègue Pierre Bernard-Reymond. Il s'agissait plus précisément d'élaborer une feuille de route à l'adresse des dirigeants européens, en vue du sommet du 25 mars à Rome.
Pour mettre en lumière nos travaux dans la perspective des réunions de Rome, nous avons souhaité - avec Jean-Pierre Raffarin - organiser le 15 mars une conférence-débat avec les ambassadeurs des 26 autres États membres en poste à Paris. Chacun d'entre vous y sera naturellement convié. Nous y inviterons également des représentants des think-tanks : Fondation Schuman, Fondation Adenauer, Institut Lecanuet, Institut Montaigne, Notre Europe... Nous souhaitons aussi la présence de jeunes, et comptons sur Mmes Mélot et Schillinger pour dire un mot du programme Erasmus. L'ambassadeur d'Allemagne vient me voir en Normandie pour s'informer de notre agriculture à la veille de la renégociation de la PAC. Il a spécifiquement demandé à rencontrer des jeunes en formation agricole.
Nous faisons d'abord plusieurs constats : l'Europe est confrontée à de graves crises internes. Elle est en panne de vision et de leadership . Elle est en outre menacée de dislocation et de fragmentation - certains, outre-Atlantique, y veillent. L'Europe a malheureusement perdu la confiance des citoyens.
Le Brexit est un choc. Il est aussi une opportunité pour donner un nouveau souffle au projet européen. C'est à travers l'Union européenne, et elle seule, que les États européens pourront continuer à exister face aux grandes puissances économiques. C'est aussi en regroupant ses forces que l'Europe pourra préserver son modèle de société et défendre ses valeurs. En particulier, nous devons promouvoir notre Charte des droits fondamentaux face à un M. Poutine, ou à un M. Trump, qui ont leurs propres valeurs, différentes des nôtres.
Forts de ces constats, nous avons retenu trois axes pour le rapport.
Premier axe, l'Europe puissance. L'Europe doit se concevoir et agir en tant que puissance. Cela implique de renforcer la défense de l'Europe, d'exploiter pleinement la plus-value européenne dans la lutte contre le terrorisme et pour la sécurité intérieure, de consolider la réponse européenne à la crise migratoire et de mieux défendre les intérêts européens dans les négociations commerciales internationales. Il est par ailleurs indispensable de stabiliser les contours de l'Union en assumant une pause dans l'élargissement.
Deuxième axe, l'Europe compétitive et créatrice d'emplois. L'union fait la force sur le plan économique, l'Europe doit retrouver sa plus-value et inventer des projets nouveaux pour la croissance et l'emploi. Cela passe notamment par un marché unique du numérique et l'union de l'énergie - deux sujets que notre commission considère depuis longtemps comme prioritaires - ainsi que par la levée des obstacles à l'investissement. Il faut aller vers la convergence fiscale. La politique de la concurrence doit par ailleurs être mise au service de la reconquête industrielle, de l'investissement et de l'emploi. Bref, il faut inventer les Airbus de demain ! L'Europe doit parallèlement parachever la gouvernance économique. Nous insistons aussi dans le rapport sur le besoin de renforcer la cohésion européenne. Pour cela, il faut progresser vers la convergence sociale, comme le rappelait hier M. Bocquet, et comme le dossier des travailleurs détachés en souligne l'impérieuse nécessité, moderniser la politique de cohésion. D'ailleurs, au fil du temps, l'Union européenne a révisé sa copie, notamment sur l'idée de pays d'origine, face aux abus qui en étaient faits.
Troisième axe, une Europe lisible et proche. Le projet européen doit être réenchanté à partir de quelques priorités : sécurité, emploi, compétitivité. Cette Europe recentrée doit respecter pleinement la subsidiarité. L'Europe doit réformer son mode de fonctionnement et faire toute sa place au contrôle démocratique, notamment par l'affirmation du rôle des parlements nationaux.
Pour concrétiser ce sursaut européen, le rapport préconise enfin une méthode. Cette nouvelle ambition doit d'abord être portée en priorité par le moteur franco-allemand, qui a malheureusement perdu sa force d'entraînement. Nous demandons une feuille de route franco-allemande tournée vers les enjeux du nouveau siècle tels que la numérisation. Le pragmatisme conduit aussi à encourager le recours aux coopérations renforcées entre les États membres volontaires pour avancer.
L'Union européenne doit enfin redevenir le projet partagé des citoyens européens. Le rapport fait des propositions portant sur des symboles d'appartenance. Nous devons aussi mobiliser les jeunes autour du projet européen. Erasmus est une formidable réussite. Il faut aller plus loin. Nous voulons un Erasmus pour les apprentis. Nous allons en reparler dans un instant.
M. Yves Pozzo di Borgo . - Nous pensions qu'il y aurait un vote en commission, et peut-être même aussi en séance publique. Notre groupe s'est réuni plusieurs fois sur la question, et nous avons des propositions à faire.
Depuis près de vingt ans, l'Union européenne est marquée par une série de crises sans précédent - crises institutionnelles, démocratiques, financières, économiques, migratoires, sécuritaires... Cet enchaînement a affaibli l'Europe, a creusé un fossé entre les citoyens et les dirigeants, et a fait perdre espoir dans le projet européen. 2017 est jalonné d'échéances électorales qui doivent être l'occasion de relancer l'Union européenne, de lui redonner corps. Dans cette perspective, la France a un rôle majeur à jouer et doit représenter un des moteurs essentiels, avec l'Allemagne, pour alimenter le projet européen qui doit permettre de défendre ensemble nos intérêts, nos valeurs et notre mode de vie.
Le rapport « Relancer l'Europe : retrouver l'esprit de Rome », présenté hier, établit un constat pertinent de la situation de l'Union et propose une série de mesures nécessaire à la refondation de l'Europe. Le groupe UDI-UC souhaite soutenir les conclusions de ce rapport, tout en apportant de nouvelles propositions.
Première orientation, un appel à « Défendre un approfondissement choisi de l'espace politique, et ne pas subir un élargissement sans cohérence » .
Nous pensons, d'abord, que le moratoire sur l'élargissement ne peut pas être une fin en soi ; il ne peut être que provisoire pour respecter et retrouver l'esprit originel de la construction européenne.
L'approfondissement des politiques européennes doit s'assumer par cercles concentriques d'intégration. Il y a un besoin de deux niveaux d'intégration différenciés, l'un favorisant uniquement les échanges, l'autre ayant pour ambition de donner aux États le poids et les moyens de ne pas subir les changements mondiaux, mais au contraire de les orienter, de retrouver une souveraineté et un espace politique de développement.
La notion de frontières et de limites de l'Union ne correspond pas à l'ambition pacificatrice du Traité de Rome.
Deuxième orientation, le souhait de « Définir une vraie politique économique et fiscale européenne » .
L'intégration budgétaire, la fiscalité et la dette permettent une solidarité financière. La nécessité de franchir un nouveau cap en matière économique et fiscale implique une meilleure harmonisation des objectifs et des politiques publiques. Pour cela, un gouvernement économique de la zone euro doté d'une réelle légitimité politique pourrait être créé. Interlocuteur quotidien de la Banque centrale européenne en matière de stratégie monétaire, il serait également compétent pour définir la politique industrielle, énergétique et commerciale de la zone.
Il s'agit là tant d'intérêts économiques que de souveraineté. Adopter des politiques industrielles communes, dans de nombreux domaines, tels que le numérique, les nanotechnologies, la transition énergétique, est le meilleur moyen de faire valoir et d'additionner les atouts de nos secteurs d'activité les plus performants en réduisant les coûts. C'est aussi le moyen d'assurer notre indépendance technologique et de développer notre capacité d'exportation. Il en est de même pour notre approvisionnement énergétique et pour la transition des productions.
Nous pourrions, également, agir concrètement pour une harmonisation des législations nationales. En matière fiscale, nous devons mettre en place, à l'image du serpent monétaire, un serpent fiscal définissant les marges au sein desquelles les principaux taux d'imposition nationaux seront susceptibles de fluctuer. L'objectif est de rapprocher en dix ans les niveaux de fiscalité dans des limites acceptables.
Troisième orientation, il faut « Renforcer la légitimité démocratique de l'Union » .
L'association et la reconnaissance des parlements nationaux, voire des citoyens, pour lancer des initiatives, interpeller les représentants et engager des débats, sont nécessaires pour diminuer les critiques contre l'Europe et pour ne plus laisser croire qu'elle ne serait qu'un outil totalement déconnecté des réalités vécues. Aujourd'hui simples gardiens du principe de subsidiarité, les parlements nationaux pourraient, demain, déléguer à une convention restreinte, formée en permanence mais réunie seulement en cas de besoin, le pouvoir de statuer souverainement à la majorité qualifiée sur des mesures économiques et financières, par exemple, lorsqu'elles impliquent une modification de certaines dispositions du TFUE.
La Commission européenne devrait devenir un véritable gouvernement européen, responsable devant le Parlement européen.
La légitimité démocratique implique que les citoyens puissent identifier clairement et, le cas échéant, renverser ceux qui détiennent les responsabilités. Le problème, aujourd'hui, c'est que ce sont les ambassadeurs et les directeurs des services de la Commission européenne qui détiennent le véritable pouvoir ; ils sont remarquables, nous l'avons encore constaté hier en audition, mais on ne dit pas assez qu'ils dirigent l'Europe au lieu des élus.
Quatrième orientation, il faut « Assumer une véritable politique de défense et de sécurité, conjuguée à une réforme de l'accueil des réfugiés » .
Les budgets et les choix stratégiques de défense restent une politique nationale et souveraine, mais des stratégies de mutualisation peuvent être partagées.
Il semble ainsi primordial d'inciter les États membres à atteindre l'objectif commun de dépense en matière de défense à hauteur de 2 % du PIB, tout en permettant à chacun d'exclure une partie des dépenses en matière de défense des critères de Maastricht. L'Allemagne annonce 10 milliards d'euros sur cinq ans, c'est encore loin de rattraper nos efforts et il est normal qu'une partie des dépenses de défense commune, soit décomptées des 3 %.
Concernant l'accueil des réfugiés, la crise migratoire a démontré une incapacité des membres à se mettre d'accord. Il serait souhaitable d'améliorer l'accueil des réfugiés dans l'ensemble des pays de l'Union et revoir les critères de répartition entre les différents pays. À Paris, nous avons mis sur pied une structure d'accueil, mais elle est temporaire. Il faut aller beaucoup plus loin.
Enfin, nous souhaitons favoriser un véritable accompagnement des réfugiés dans les États, en développant une politique ambitieuse en matière de logement, d'éducation et de santé qui permettrait de retrouver l'esprit humaniste qui prévaut en Europe.
Cinquième orientation du rapport, il faut « Négocier la sortie du Royaume-Uni ».
Le Brexit aura des conséquences pour l'ensemble des européens. Le processus de sortie concerne donc directement l'ensemble des États membres et une vigilance exceptionnelle doit y être apportée.
Le prochain Président de la République devra s'engager à suivre et à être force de proposition dans ce mécanisme sans précédent au sein de l'Union. Il revient au Conseil européen de déterminer et de négocier les conditions de sortie du Royaume-Uni. Le Brexit doit se concrétiser dans un calendrier bien défini, et surtout, montrer que le fait d'être en dehors de l'Union européenne, n'implique pas les mêmes relations que le fait d'être un État membre à part entière. Cette négociation sera difficile, mais doit être exemplaire.
M. Jean Bizet , président . - Nous prenons acte de votre communication.
M. Daniel Raoul . - Je ne comprends pas bien cette intervention... Quoi qu'il en soit, avez-vous envisagé l'hypothèse où le Parlement européen émanerait des parlements nationaux ?
M. Yves Pozzo di Borgo . - C'était la règle avant.
M. Daniel Raoul . - Elle éviterait bien des distorsions, du type de celles que l'on a constatées sur le Ceta...
Mme Fabienne Keller . - J'entends les remarques d'Yves Pozzo di Borgo, nous travaillons à trouver des propositions qui donnent du souffle - par exemple le principe d'une année de mobilité dans un autre pays européen pour tous les jeunes Européens. La partie du rapport sur la défense est très intéressante, il faut faire preuve de volontarisme au moment du Brexit, en partenariat avec la Grande-Bretagne.
Je serais prudente dans la communication sur le changement de traité, car nous n'arriverons pas à en changer ; en revanche, nous avons beaucoup progressé sur des outils comme Schengen, sans avoir besoin de changer de traité, cela ouvre bien des champs d'action.
Sur la réforme fiscale, ensuite, nous avons proposé une conférence parlementaire commune aux États membres.
Tous ces éléments seront à présenter, après débat dans notre commission, par exemple lors du moment fort que constituera le 60 ème anniversaire du traité de Rome.
M. Jean Bizet , président . - Effectivement, si une révision des traités est souhaitable, elle n'est guère réaliste...
M. Jean-Yves Leconte . - Je crois qu'il faut dire que l'opposition entre élargissement et approfondissement n'est pas de mise, qu'elle relève du faux débat. D'abord parce que la perspective d'adhésion a représenté et représente un formidable levier de changement pour les pays candidats ; on ne peut leur dire qu'on suspend toute négociation parce que nous sommes en crise, cela reviendrait à leur signifier qu'ils n'apporteraient rien à l'Union, ce serait contre l'idée européenne même. Ensuite, parce que le moratoire n'est pas la solution à la crise que nous traversons : les difficultés que nous connaissons, économiques, de flux migratoires, nous les aurions eues aussi dans l'Europe à Seize...
M. François Marc . - L'audition de M. Pierre Sellal, représentant permanent de la France auprès de l'Union européenne, hier, m'a paru édifiante : sur chacun des sujets dont il a parlé, notre ambassadeur a conclu en disant que l'action dépendrait des moyens dont l'Europe disposerait... C'est donc bien la question reine. Le Brexit se traduira par 10 milliards d'euros de moins sur les 150 milliards du budget européen, comment les remplacera-t-on ? Le groupe Monti réfléchit aux ressources propres, il faut suivre ses travaux de près - surtout que bien des pays paraissent vouloir diminuer et leur participation, et les dépenses européennes...
M. Jean Bizet , président . - C'est vrai qu'on demande toujours plus d'action à l'Europe, sans lui en donner les moyens. Le rapport Monti fait des propositions sur les ressources, sans les quantifier cependant. Je crois qu'il faudrait aller au-delà du 1 % du PIB européen, mais je sais que ce n'est pas la tendance.
L'alternative entre élargissement ou approfondissement est-elle un faux débat ? Il ne faut pas désespérer les peuples, mais pas leur mentir non plus. Dès lors que tout élargissement nécessitera un référendum, nous savons qu'il n'y aura pas d'élargissement prochainement. La réponse est peut-être du côté d'une Europe à plusieurs cercles, selon l'avancée des progrès. Quoi qu'il en soit, le débat sur l'alternative entre le fédéralisme et l'État nation s'est estompé ; l'intégration est nécessaire et il faut tendre la main aux candidats, c'est aussi une question de sécurité européenne.