B. DEPUIS 2011 ET LE DÉCLENCHEMENT DE L'OPÉRATION « HARMATTAN » EN LIBYE, UN RYTHME D'INTERVENTION SOUTENU

1. Un nombre croissant d'interventions depuis le début des années 1990

La chute du mur de Berlin en 1989 et la dislocation du bloc soviétique dans les années qui ont suivi, tout en rendant moins probable la perspective d'un conflit sur le sol européen, se sont traduites par la multiplication des zones de crise. Les armées françaises, dont le champ d'intervention se limitait jusque-là pour l'essentiel au territoire national et à l'Afrique, peuvent désormais être projetées sur des théâtres d'opération beaucoup plus nombreux . Dès août 1990 et le début de la première guerre du Golfe, la France est ainsi appelée à intervenir dans le cadre des opérations Daguet puis Salamandre.

Le livre blanc de 1994 prend acte de cette évolution, rappelant qu'« après la disparition de l'antagonisme bipolaire, l'évolution du monde semble hésiter entre une intégration croissante et une déstructuration progressive . Les schémas des relations entre l'Est et l'Ouest ou le Nord et le Sud, hérités de l'après-guerre, ont perdu leur sens. En revanche, l'opposition entre richesse et pauvreté non seulement garde toute sa pertinence, mais menace de prendre un tour de plus en plus aigu, tant les différences entre les niveaux de développement s'accroissent. Les lignes de fracture traversent tous les continents ». Il fixe ainsi notamment pour objectif à la politique de défense française de permettre à la France d'être « en mesure d'assurer sa protection et la défense de ses intérêts dans le monde ».

Au total, depuis les années 1990, l'armée française a été engagée dans plus d'une centaine d'opérations extérieures .

2. Une augmentation de l'intensité et du rythme des OPEX depuis l'opération Harmattan de 2011

Depuis 2011 et le lancement de l'opération Harmattan en Libye, les OPEX se sont multipliées. Elles se distinguent des opérations précédentes par leur caractère simultané, leur forte intensité (plusieurs milliers de militaires sont mobilisés au plus fort de l'opération) et leur durée (à l'exception d'Harmattan, celle-ci est généralement supérieure à un an).

En mars 2016, les opérations Sangaris, Barkhane et Chammal mobilisaient à elles-seules un total de 5 400 militaires.

Carte des principales opérations extérieures au 23 mars 2016

Source : ministère de la défense

a) L'opération Harmattan

Déclenchée sur le fondement de la résolution 1973 de l'ONU votée par le Conseil de sécurité des Nations unies le 17 mars 2011, l'opération Harmattan, partie intégrante de l'opération internationale « Unified Protector », visait à protéger la population civile libyenne contre les attaques des forces dirigées par le colonel Kadhafi. L'engagement des forces armées françaises dans la coalition a permis la réalisation de missions de surveillance maritime de détection, de contrôle aérien, de reconnaissance, de frappes aériennes et de ravitaillement. Elle a pris fin le 31 octobre 2011.

Au total, selon les chiffres du ministère de la défense, l'opération Harmattan a mobilisé jusqu'à 4 200 militaires des trois armées.

b) L'opération Serval

Engagée le 11 janvier 2013 à la demande des autorités maliennes, l'opération Serval poursuivait trois objectifs principaux :

- aider les forces armées maliennes (FAM) à arrêter la progression des groupes terroristes et à les repousser vers le nord du pays , tout en assurant la sécurité des populations civiles ;

- aider le Mali à recouvrer son intégrité territoriale et sa souveraineté ;

- faciliter la mise en oeuvre des décisions internationales en permettant le déploiement rapide de deux missions internationales : la mission internationale de soutien au Mali (MISMA) et la mission de formation de l'armée malienne de l'Union européenne (EUTM).

Selon le ministère de la défense, jusqu'à 4 500 militaires ont été engagés dans l'opération Serval.

c) L'opération Barkhane

Lancée le 1 er août 2014, l'opération Barkhane a pris le relais de l'opération Serval . Son champ d'intervention est cependant plus large puisqu'il comprend, outre le Mali, la Mauritanie, le Niger, le Tchad (se substituant ainsi à l'opération Épervier déclenchée en 1986) et le Burkina Faso, c'est-à-dire les principaux pays de la bande sahélo-saharienne.

Elle vise à « appuyer les forces armées des pays partenaires de la bande sahélo-saharienne dans leurs actions de lutte contre les groupes armés terroristes et à contribuer à empêcher la reconstitution de sanctuaires terroristes dans la région ».

Selon les chiffres du ministère de la défense, l'opération Barkhane regroupe plus de 3 000 militaires, une vingtaine d'hélicoptères, 200 véhicules de logistique, 200 blindés, six avions de chasse, trois drones et une dizaine d'avions de transport .

d) L'opération Sangaris

Face à la montée des tensions en République centrafricaine entre d'anciens membres de la Séléka (coalition des opposants au président François Bozizé majoritairement musulmane) et les milices chrétiennes « antibalaka », le Conseil de sécurité des Nations unies, par sa résolution 2127 du 5 décembre 2013, constatant que « l'état de la sécurité qui continue de se détériorer en République centrafricaine et se caractérise par l'effondrement total de l'ordre public, l'absence de l'état de droit et des tensions interconfessionnelles, se déclarant en outre profondément préoccupé par les incidences de l'instabilité de ce pays sur la région de l'Afrique centrale et au-delà » et craignant « l'apparition d'une nouvelle logique de violences et de représailles et par le risque qu'elle dégénère en fracture religieuse et ethnique à l'échelle nationale, de nature à se muer en situation incontrôlable et s'accompagner de crimes graves au regard du droit international, en particulier des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité, ce qui aurait des répercussions graves sur le plan régional », a autorisé le déploiement d'une mission internationale de soutien à la Centrafrique sous conduite africaine (MISCA) ainsi que la possibilité pour les forces françaises présentes en République centrafricaine de prendre « toutes mesures nécessaires, temporairement et dans la limite de leurs capacités et dans les zones où elles sont déployées, pour appuyer la MISCA dans l'exécution de son mandat ». Sur le fondement de cette résolution, l'opération Sangaris a été déclenchée dès le 5 décembre 2013.

La MISCA, mise en place le 19 décembre 2013, a été remplacée le 15 septembre 2014 par la Mission intégrée multidimensionnelle de stabilisation des Nations unies en République centrafricaine (MINUSCA) créée par la résolution 2149 du Conseil de sécurité des Nations unies du 10 avril 2014.

Au plus fort de l'opération, 2 500 soldats étaient mobilisés dans l'opération Sangaris. Ce nombre s'est progressivement réduit avant un désengagement progressif et la clôture de l'opération au 31 octobre 2016.

e) L'opération Chammal

À la suite de la progression du groupe terroriste Daech en Irak et en Syrie, le gouvernement irakien a demandé l'appui de la communauté internationale le 25 juin 2014. Sur le fondement de la résolution 2170 du Conseil de sécurité des Nations unies du 15 août 2014, l'opération « Inherent resolve » a été lancée sous l'égide des États-Unis.

L'opération Chammal, qui en constitue le volet français, poursuit quatre objectifs principaux : arrêter la progression de Daech, affaiblir le groupe terroriste en détruisant ses capacités militaires et en désorganisant ses flux logistiques, appuyer la reconquête des territoires et rétablir la sécurité dans la région. Elle repose sur deux piliers :

- une composante aérienne visant à appuyer les troupes irakiennes au sol, à opérer des frappes en Irak comme en Syrie et à mener des missions de renseignement ;

- une composante formation consistant à former les soldats des forces spéciales irakiennes (Iraki Counter Terrorism Service) et à conseiller le commandement des forces irakiennes.

L'opération Chammal, qui mobilise plus de 1 000 militaires, a été pensée dès l'origine comme une opération devant s'inscrire dans la longue durée.

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