AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Alors que l'État et singulièrement l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) a été l'un des moteurs de la construction de l'informatique en France, l'administration se trouve aujourd'hui face à un véritable défi : cloisonnée, elle doit opérer une « révolution culturelle » pour s'adapter aux nouveaux usages induits par le numérique.

En effet, il ne s'agit pas seulement de dématérialiser les procédures, mais tout à la fois de les simplifier, de construire une nouvelle relation avec l'usager et entre administrations, d'améliorer la qualité des services publics - voire d'en inventer de nouveaux, de garantir la sécurité du système d'information de l'État, ou encore de permettre la réutilisation des données dont dispose l'État pour favoriser l'innovation.

Enjeu d'économies mais aussi de modernisation, les outils numériques peuvent améliorer significativement l'efficacité de l'action publique. Pour piloter cette modernisation, la direction interministérielle des systèmes d'information et de communication (DISIC) a été créée en 2011. Une de ses principales missions consiste à apporter une expertise aux ministères dans leurs projets informatiques.

En effet, avec les échecs de projets « phares » comme récemment l'opérateur national de paye (ONP) ou le logiciel unique à vocation interarmées de la solde (Louvois), renforcer cette expertise paraît indispensable pour éviter les gaspillages : le seul coût de l'ONP a ainsi été évalué à 346 millions d'euros par la Cour des comptes.

Après cinq ans d'existence, la DISIC, devenue direction interministérielle du numérique et du système d'information et de communication de l'État (DINSIC) fait désormais partie du paysage administratif français. Ses crédits figurent au programme 129 « Coordination du travail gouvernemental » de la mission « Direction de l'action du Gouvernement ».

Au sein du Secrétariat général pour la modernisation de l'action publique (SGMAP), lui-même rattaché aux services du Premier ministre, la DINSIC, travaillant de concert avec les ministères, doit être le moteur de la transformation de l'action publique grâce au numérique.

PREMIÈRE PARTIE - L'INFORMATIQUE ET LE NUMÉRIQUE : UN ENJEU STRATÉGIQUE POUR L'ACTION PUBLIQUE

I. LES DÉPENSES INFORMATIQUES DANS LA SPHÈRE PUBLIQUE : 10 MILLIARDS D'EUROS PAR AN

Les dépenses relatives aux systèmes d'information et de communication (SIC) dans la sphère publique - comprenant l'État, le secteur social et de la santé, les opérateurs et les collectivités territoriales - sont évaluées à 10 milliards d'euros par an. Elles comprennent les dépenses de personnel mais excluent les dépenses liées aux systèmes d'information militaires (opération et commandement) 1 ( * ) .

Ainsi, chaque année, l'État dépense près de 4 milliards d'euros au titre de ses systèmes d'information et de communication, soit environ 1,5 % du budget général de l'État. La moitié correspond aux dépenses de personnel : 18 000 personnes travaillent dans le domaine des systèmes d'information et de communication (SIC) de l'État.

Il s'agit toutefois d'évaluations, l'État ne disposant pas, à ce jour, d'outil fiable et précis permettant d'identifier ses dépenses informatiques ni d'évaluer l'impact et la valeur de ses investissements informatiques.

Une révolution culturelle ?

« Il n'y pas si longtemps encore, l'informatique était conçue sur papier, orientée pour minimiser les investissements d'innovation, et utilisée comme une ressource statique au service de l'organisation. En particulier, sa valeur était rarement estimée (et donc pilotée) en fonction du potentiel de transformation de l'organisation ou de la chaine de valeur. Cette situation originelle a suscité un portefeuille d'applications fragmentées, avec une dépendance excessive envers les prestataires de services, une opacité croissante des dépenses, et, de ce fait, l'échec retentissant de certains « grands projets informatiques ». (...) Aujourd'hui, la nécessité de pouvoir échanger des informations entre agents publics, de coopérer à la production ou à l'amélioration de ces données, est profondément étrangère aux principes de design des systèmes d'information tout comme aux relations usuelles entre administrations ».

Source : Rapport au Premier ministre sur la gouvernance de la donnée 2015, remis par l'administrateur général des données

Recommandation n° 1 : consolider la connaissance et le suivi des personnels et des dépenses informatiques, afin de pouvoir véritablement les piloter et d'être en mesure d'évaluer l'impact, notamment budgétaire, des projets informatiques menés.

L'informatique a longtemps été conçue pour l'État comme un vecteur d'économies : les projets informatiques de l'État concernaient alors principalement les fonctions dites « support » et permettait l'automatisation et la rationalisation de certaines tâches.

Les innovations permises par le numérique

« Les profonds changements induits par les technologies numériques dans les secteurs marchands sont également à l'oeuvre dans les services publics. C'est une opportunité à saisir pour renforcer l'efficacité des services administratifs, et plus généralement celle des services publics via une double dimension d'innovation de procédé et de produit. L'innovation de procédé permet l'adoption de méthodes de production ou de distribution nouvelles ou considérablement améliorées. L'innovation de produit donne lieu à la création de nouveaux services grâce aux technologies numériques permettant de mettre à profit la contribution de la « multitude », c'est-à-dire le rassemblement, sur des plateformes, d'informations apportées de manière décentralisée par de nombreux utilisateurs, puis d'utiliser ces informations pour offrir de nouvelles formes de services ».

Source : note du conseil d'analyse économique, n° 34, septembre 2016 sur l'administration numérique, par Yann Algan, Maya Bacache et Anne Perrot

Désormais, la « révolution numérique » modifie les modes d'action publique et les services publics : les dépenses informatiques ne doivent plus être conçues uniquement comme un moyen de réaliser des économies, mais aussi d'améliorer la qualité des services publics et d'en proposer de nouveaux.

Lors de la conception d'un projet informatique, toutes ces dimensions doivent être prises en considération, afin de permettre la meilleure prise de décision possible et de construire, le cas échéant, des alternatives.


* 1 « Coût des systèmes d'information des administrations publiques », Secrétariat général pour la modernisation de l'action publique (SGMAP), juillet 2013.

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