LES RECOMMANDATIONS
DE LA MISSION D'INFORMATION

Face à la transformation des emplois sous l'effet de l'automatisation et du numérique, à la persistance de poches de pauvreté malgré un système très développé de minima sociaux et à la permanence de phénomènes de trappes à inactivité, la mission commune d'information estime que le revenu de base pourrait présenter une réponse théorique intéressante.

Elle a néanmoins entendu privilégier la voie du réalisme plutôt que celle de l'utopie. À un « grand soir » des minima sociaux ou une révolution immédiate de la relation de notre société au travail et à la création de la richesse - dont personne n'est en mesure de prévoir raisonnablement les effets futurs sur la cohésion sociale et sur l'économie -, elle a donc préféré s'engager dans une démarche des « petits pas ».

Dès lors, la mission a souhaité dégager les orientations qu'un revenu de base « à la française » pourrait suivre à l'avenir, estimant toutefois que les conditions de son introduction dans notre pays ne sont pas réunies à ce jour . En effet, le revenu de base n'a pas fait aujourd'hui la preuve de ses avantages par rapport à d'autres évolutions de notre système social. Or, compte tenu de ses effets systémiques, la mise en place d'un revenu de base en France nécessite au préalable une évaluation qui doit passer, selon la mission, par une expérimentation territoriale.

S'agissant de l'expérimentation qu'elle préconise, la mission recommande :

- qu'elle prenne place, pour une durée de trois ans, sur plusieurs territoires situés dans des départements volontaires ;

- qu'elle soit centrée sur la lutte contre la précarité et l'insertion dans l'emploi, donnant lieu à une évaluation au moyen d'indicateurs définis par un comité scientifique ;

- qu'elle permette de tester et de comparer les effets concrets de plusieurs modalités d'un revenu de base sur plusieurs segments de la société, en particulier les 18-25 ans et les 50-65 ans ;

- qu'elle concerne un nombre de bénéficiaires suffisant pour que les données récoltées soient signifiantes, c'est-à-dire entre 20 000 et 30 000 personnes, ce qui représenterait un coût de l'ordre de 100 à 150 millions d'euros par an, pris en charge par l'État.

Si les résultats de cette expérimentation s'avéraient favorables et qu'un revenu de base devait être envisagé en France dans le futur, la mission estime :

- qu'il devrait avoir pour objectif instituer un « filet de sécurité » sans remettre en cause l'inclusion sociale par l'activité et le travail ;

- que, si exiger une contrepartie à son versement viderait de son sens et de son utilité la notion même de revenu de base, il serait envisageable d'encadrer ou de flécher l'utilisation de ce revenu ;

- que le compte personnel d'activité (CPA) pourrait, le cas échéant, être le réceptacle des sommes ou des droits versés au titre du revenu de base, chaque titulaire bénéficiant alors d'un droit de tirage, tout au long de sa vie, selon des modalités à définir ;

- que, bien qu'inconditionnel dans son principe, le revenu de base n'aurait pas nécessairement vocation à être versé à l'ensemble de la population située sur le territoire français mais pourrait n'être versé qu'aux individus majeurs dont la résidence fiscale se situe en France ;

- que, pour mettre en place un tel revenu de base, dont le montant devrait être au moins égal à celui du revenu de solidarité active (RSA), soit environ 500 euros par mois, il serait au préalable nécessaire de mener à bien une simplification des prestations sociales, notamment par une fusion de certains minima sociaux, allant dans le sens d'une harmonisation et d'une simplification de l'accès au droit ;

- que ce revenu de base n'aurait pas pour vocation de remplacer l'ensemble des transferts sociaux existants et ne devrait se substituer qu'aux prestations qu'il remplacerait avantageusement ;

- que le financement par l'impôt constituerait, à ce jour, l'option la plus réaliste, le principe d'un impôt négatif devant être privilégié à terme mais sa mise en oeuvre restant conditionnée à une vaste réforme du système fiscal.

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