Rapport d'information n° 32 (2016-2017) de M. Vincent CAPO-CANELLAS , fait au nom de la commission des finances, déposé le 12 octobre 2016
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LES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR
SPÉCIAL
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1. Intégrer le transport aérien dans
une véritable politique d'intermodalité sur le territoire
national, promouvoir une concurrence loyale au niveau international
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2. Rattraper le retard pris par la France dans ses
programmes d'investissement en faveur de la modernisation du contrôle de
la navigation aérienne
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3. Assurer une régulation
indépendante et efficace des redevances aéroportuaires et de
l'allocation des créneaux horaires
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4. Maîtriser les dépenses de
sûreté aéroportuaire et dégager des ressources
nouvelles sans pénaliser les compagnies aériennes, dans un
contexte de menace terroriste élevée
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5. Mettre en place une fiscalité plus
favorable aux compagnies aériennes
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a) Une réforme du régime de la taxe
de l'aviation civile qui doit intégralement bénéficier
à l'amélioration de la compétitivité du transport
aérien
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b) La taxe de solidarité, pour être
mieux acceptée par les compagnies aériennes, doit voir ses
excédents bénéficier au secteur du transport aérien
et non être reversés au budget général de
l'État
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c) Alors que les effets du CICE sur la
compétitivité des compagnies aériennes sont encore mal
évalués, le renforcement de la lutte contre le dumping social
paraît devoir être privilégié au détriment de
la mise en place d'exonérations de cotisations sociales du personnel
navigant long courrier
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d) La fiscalité environnementale
plutôt favorable dont bénéficie le transport aérien
doit être préservée
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a) Une réforme du régime de la taxe
de l'aviation civile qui doit intégralement bénéficier
à l'amélioration de la compétitivité du transport
aérien
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1. Intégrer le transport aérien dans
une véritable politique d'intermodalité sur le territoire
national, promouvoir une concurrence loyale au niveau international
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TRAVAUX DE LA COMMISSION : AUDITION POUR
SUITE À DONNER
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ANNEXE : COMMUNICATION DE LA COUR DES COMPTES
À LA COMMISSION DES FINANCES
N° 32
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2016-2017
Enregistré à la Présidence du Sénat le 12 octobre 2016 |
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des finances (1) sur l'enquête de la Cour des comptes relative à l' action de l' État en faveur de la compétitivité du transport aérien ,
Par M. Vincent CAPO-CANELLAS,
Sénateur
(1) Cette commission est composée de : Mme Michèle André , présidente ; M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général ; Mme Marie-France Beaufils, MM. Yvon Collin, Vincent Delahaye, Mmes Fabienne Keller, Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. André Gattolin, Charles Guené, Francis Delattre, Georges Patient, Richard Yung , vice-présidents ; MM. Michel Berson, Philippe Dallier, Dominique de Legge, François Marc , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, François Baroin, Éric Bocquet, Yannick Botrel, Jean-Claude Boulard, Michel Bouvard, Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Carcenac, Jacques Chiron, Serge Dassault, Bernard Delcros, Éric Doligé, Philippe Dominati, Vincent Eblé, Thierry Foucaud, Jacques Genest, Didier Guillaume, Alain Houpert, Jean-François Husson, Roger Karoutchi, Bernard Lalande, Marc Laménie, Nuihau Laurey, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Hervé Marseille, François Patriat, Daniel Raoul, Claude Raynal, Jean-Claude Requier, Maurice Vincent, Jean Pierre Vogel . |
LES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL
Mesdames, Messieurs,
Les compagnies aériennes françaises sont confrontées depuis une quinzaine d'année à la montée en puissance de concurrents redoutables : les compagnies à bas coût ( Easy Jet , Ryan Air ) sur le segment du court et du moyen-courrier en France et en Europe et les compagnies du Golfe persique ( Ethiad , Quatar Airways, Emirates ) sur le long-courrier, en particulier à destination de l'Asie.
Sur les dix dernières années, le trafic de passagers transportés par les compagnies françaises au départ de la France n'a augmenté que de 0,9 % par an en moyenne contre 4,0 % par an pour les compagnies étrangères , si bien que la part du pavillon français est passée de 54,3 % en 2003 à 43,1 % en 2015, provoquant un affaiblissement sans précédent d'un secteur pourtant essentiel de notre économie .
Si ces pertes de parts de marché résultent largement de difficultés propres aux compagnies françaises, dont la structure de coût demeure défavorable par rapport à celles des compagnies européennes comparables, le rapport de novembre 2014 du groupe de travail présidé par notre collègue député Bruno Le Roux sur « la compétitivité du transport aérien français » a également mis en lumière les incohérences de l'action de l'État dans le domaine de l'aviation civile et formulé de nombreuses propositions destinées à redresser la situation.
Soucieuse d'approfondir le travail de réflexion entamé par ce groupe de travail et de pouvoir s'appuyer sur des données chiffrées et des analyses rigoureuses , la commission des finances du Sénat a demandé à la Cour des comptes de réaliser, en application de l'article 58-2° de la loi organique relative aux lois de finances, une enquête sur l'action de l'État en faveur de la compétitivité du transport aérien français , en prenant en compte l'ensemble de ses fonctions : fiscalité, réglementation, régulation, prestations de service ou bien encore actionnariat.
L'enquête de la Cour des comptes analyse ainsi successivement, au long des trois chapitres qui la composent, les différentes modalités de l'action de l'État vis-à-vis du transport aérien .
Dans une brève première partie consacrée aux conditions de développement du secteur aérien , elle s'intéresse à la place qu'occupe le transport aérien en France par rapport aux autres modes de transport et aux difficultés posées par l'émergence des compagnies du Golfe persique .
Elle analyse dans un deuxième temps la façon dont l'État exerce quatre de ses missions de régulation du transport aérien : le contrôle de la navigation aérienne dans le cadre de la mise en place du « Ciel unique européen », la création récente d'une nouvelle autorité de régulation indépendante pour déterminer le niveau des redevances aéroportuaires , la maîtrise des dépenses de sûreté et les modalités d'attribution des créneaux horaires dans les aéroports.
Enfin, la Cour des comptes examine précisément la fiscalité qui pèse sur le transport aérien en France et aborde les enjeux relatifs à l'environnement et aux droits des passagers .
1. Intégrer le transport aérien dans une véritable politique d'intermodalité sur le territoire national, promouvoir une concurrence loyale au niveau international
Dans l'introduction de son enquête, la Cour des comptes rappelle le poids considérable du secteur aérien dans notre économie .
Selon une étude de l'organisation professionnelle Airport Council International Europe , le nombre d'emplois liés au secteur aérien en France représenterait 168 800 emplois directs , 113 100 emplois indirects et 147 500 emplois induits , auxquels il conviendrait d'ajouter plus de 700 000 emplois liés aux secteurs du tourisme, de la restauration ou bien encore de l'hôtellerie, qui dépendent directement de la bonne santé du transport aérien. Au total, c'est donc 1,1 million d'emplois et 4 % du PIB de la France qui seraient directement ou indirectement liés à ce secteur ou bénéficieraient de ses retombées .
En ce qui concerne la place du transport aérien dans la politique des transports en France, la Cour des comptes rappelle la position qu'elle avait exprimée en 2008 1 ( * ) en faveur d'une plus grande cohérence dans le maillage des aéroports sur le territoire . Elle souligne l'importance de garantir une meilleure accessibilité des aéroports en prenant l'exemple du Charles-de-Gaulle-Express , projet indispensable au renforcement de l'attractivité de notre pays qui paraît désormais lancé sur de bons rails.
Elle insiste également, à raison, sur la nécessité de mieux articuler développement de la grande vitesse ferroviaire et transport aérien , afin de favoriser les synergies et d'éviter les situations de concurrence entre ces deux modes de transport .
Au niveau international, la Cour des comptes relève combien l'exclusion du transport aérien du champ de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et le caractère peu opérant du règlement européen de 2004 2 ( * ) concernant la protection contre les subventions et les pratiques tarifaires déloyales de la part de pays tiers, rendent difficile la lutte contre la concurrence déloyale pratiquée par les compagnies du Golfe .
Plus que jamais, les négociations par la Commission européenne d'accords globaux comprenant des clauses de concurrence loyale avec les États du Golfe persique, mais également avec ceux de l'Association des nations du Sud-Est asiatique (ASEAN) ou la Turquie, doivent être appuyées par notre pays .
À plus long terme, ainsi que le préconise le récent rapport de notre commission des affaires européennes intitulé « Concurrence dans le transport aérien : l'indispensable transparence » 3 ( * ) , il sera souhaitable de promouvoir une intégration du transport aérien dans les compétences de l'OMC , afin de bénéficier d'un cadre multilatéral solide et d'organes de règlement des différends à même de trancher les litiges entre les États.
2. Rattraper le retard pris par la France dans ses programmes d'investissement en faveur de la modernisation du contrôle de la navigation aérienne
Le contrôle de la navigation aérienne constitue l'une des principales missions de la Direction générale de l'aviation civile (DGAC) . Il est financé par trois redevances dont s'acquittent les compagnies aériennes : la redevance de route au-dessus du territoire métropolitain, la redevance océanique en outre-mer et la redevance pour services terminaux au départ et à l'arrivée des aéroports au-delà d'un certain seuil d'activité.
Depuis plusieurs années, cette mission connaît des évolutions profondes, notamment sous l'impulsion de l'Union européenne, qui porte le projet de « Ciel unique européen » et son volet technologique « SESAR » (Single European Sky ATM Research) , qui ont pour ambition d'améliorer la sécurité et la ponctualité des vols qui circulent dans l'espace aérien européen tout en réduisant leur impact sur l'environnement et en diminuant le coût du contrôle de la navigation aérienne pour les compagnies .
Dans son enquête, la Cour des comptes déplore que la France ait pris du retard dans ses programmes d'investissements relatifs au Ciel unique , constat qu'elle avait déjà formulé dans un référé adressé au Premier ministre le 20 janvier 2015.
Conséquence de ce retard, la Cour des comptes regrette que la DGAC ne respecte pas les objectifs de réduction des coûts et des redevances demandés par la Commission européenne . Elle relève ainsi que, sur la période 2014-2019, la France prévoit une baisse de - 1,1 % par an en valeur réelle de ses coûts de navigation alors que l'objectif qui lui était fixé par la Commission était de - 3,3 % par an , soit un dépassement des dépenses de 30 millions d'euros par an par rapport à l'objectif européen.
Lors de son audition, Patrick Gandil, directeur général de l'aviation civile, a reconnu le retard pris dans les programmes d'investissement , retard qui s'explique selon lui par l'impact de la crise économique du transport aérien survenu en 2009 , dont l'effet a été très négatif sur les recettes du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » . S'attachant à ne pas augmenter le tarif de ses redevances pour ne pas pénaliser les compagnies aériennes françaises, la DGAC a préféré réduire pour un temps le montant de ses investissements de modernisation , qui ont atteint un niveau plancher de 150 millions d'euros par an sur la période 2009-2011 .
Il a en revanche fait valoir que le niveau des investissements de modernisation était désormais de 250 millions d'euros par an , en ligne avec les prévisions initiales, et que plusieurs nouveaux systèmes avaient fait l'objet de premiers déploiements en 2015 et en 2016 .
Il a également estimé que les objectifs de réduction des coûts et des redevances fixés par l'Union européenne étaient irréalistes et a indiqué que la France, avec le soutien de nombreux autres États membres dont l'Allemagne, poursuivait les négociations avec la Commission afin de faire valoir ses vues .
Il a enfin souligné que le contrôle de la navigation aérienne français était l'un des moins chers des grands pays européens et que le protocole social signé avec les personnels de la DGAC en juin 2016 prévoyait, en échange de contreparties sociales, des efforts de productivité significatifs destinés en particulier à faire face aux périodes de pointes , dans un contexte de hausse générale du trafic aérien en France.
Afin de lui permettre de mieux appréhender les enjeux opérationnels et financiers de ce sujet , qui mobilise l'essentiel des crédits d'investissement du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens », la commission des finances a chargé votre rapporteur spécial de réaliser au premier semestre 2017 un contrôle sur la modernisation du contrôle de la navigation aérienne .
3. Assurer une régulation indépendante et efficace des redevances aéroportuaires et de l'allocation des créneaux horaires
L'usage des infrastructures aéroportuaires par les compagnies aériennes donne lieu au versement de redevances - d'atterrissage, de stationnement et par passager - aux gestionnaires d'aéroports.
Les aéroports étant en position de « quasi-monopole géographique » , pour reprendre la formule de la Cour des comptes, l'évolution de ces redevances fait l'objet d'une régulation par l'État , le cas échéant dans le cadre d'un contrat pluriannuel de régulation économique (CRE) , comme c'est le cas pour les aéroports gérés par le groupe Aéroports de Paris, ainsi que pour les aéroports de Lyon-Saint-Exupéry et de Toulouse-Blagnac. Mais, dans la mesure où l'État est également actionnaire du groupe ADP et de certains aéroports régionaux , il apparaît essentiel que l'impartialité de ses décisions ne puisse faire l'objet de soupçons .
Or, ces dernières années, la conclusion de ces contrats et, de façon plus générale, l'évolution des redevances aéroportuaires , a fait l'objet de vives contestations de la part des compagnies aériennes , qui ont présenté des recours devant la justice administrative dénonçant le manque d'indépendance de la Direction du transport aérien de la Direction générale de l'aviation civile (DGAC) en tant qu'autorité chargée de réguler leur évolution.
Le Conseil d'État leur ayant donné raison 4 ( * ) , l'État a mis en place par un décret du 23 juin 2016 5 ( * ) une nouvelle autorité de supervision indépendante (ASI) , placée auprès du Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD), dont la composition a été annoncée le 10 juillet 2016.
S'il est encore trop tôt pour se prononcer sur l'efficacité de ce nouveau dispositif , votre rapporteur spécial, à l'instar de la Cour des comptes, forme le voeu qu'il puisse rapidement apporter toutes les garanties d'impartialité réclamées par le droit européen et permette enfin d'apaiser les tensions entre compagnies aériennes et gestionnaires d'aéroports sur le sujet délicat des redevances , afin que la filière puisse unir ses forces au lieu d'entretenir des divisions intestines qui nuisent à son image.
En ce qui concerne l'attribution des créneaux horaires sur les aéroports les plus fréquentés, la Cour des comptes émet des réserves sur le dispositif actuel , coordonné par une association regroupant les compagnies et les aéroports concernés, la COHOR .
Elle préconise de réaliser des études sur l'impact de ce système d'allocation des créneaux sur leur utilisation par les compagnies et de le réviser , le cas échéant, afin d'améliorer son efficacité . Elle attire également l'attention de la commission des finances sur l'absence de renouvellement du principal dirigeant de la COHOR depuis 1996 et considère qu'une telle fonction devrait faire l'objet de mandats limités dans le temps .
Votre rapporteur spécial considère que ces propositions de la Cour des comptes visant à moderniser le fonctionnement de cet acteur méconnu mais néanmoins stratégique du transport aérien qu'est la COHOR méritent un approfondissement .
En revanche, il considère que porter de 250 000 à 400 000 le nombre de créneaux de vols annuels de l'aéroport Paris-Orly , ainsi que le suggère la Cour des comptes, risquerait , ainsi que l'a souligné le directeur général de l'aviation civile lors de son audition, de créer des tensions très vives avec les riverains et de nuire à l'acceptabilité d'une plateforme qui fait déjà l'objet de nombreuses contestations. S'il comprend l'intérêt économique d'une telle hypothèse à très long terme, il estime que sa faisabilité environnementale et politique n'est en rien assurée . En outre, votre rapporteur spécial rappelle qu'il existe encore une forte capacité en nombre de mouvements à l'aéroport Paris-Charles-de-Gaulle .
4. Maîtriser les dépenses de sûreté aéroportuaire et dégager des ressources nouvelles sans pénaliser les compagnies aériennes, dans un contexte de menace terroriste élevée
La sûreté et la sécurité des aéroports sont financés par la taxe d'aéroport , assise sur les billets d'avion, recouvrée par la DGAC et reversée aux aéroports pour rembourser les dépenses engagées.
Selon un mécanisme analogue à celui de la taxe de solidarité (voir infra ), la taxe d'aéroport, incluse dans le prix des billets d'avion, tend aujourd'hui à trop pénaliser les compagnies aériennes françaises , qui ne parviennent pas à en répercuter l'intégralité sur les passagers du transport aérien .
En outre, ses recettes actuelles ne parviennent pas à assurer la totalité du financement des dépenses de sûreté et de sécurité des aéroports , dans un contexte de hausse du trafic et de menace terroriste aigüe .
Se pose en particulier le problème des nouveaux investissements nécessaires pour le passage au standard 3 pour la recherche d'explosifs dans les bagages de soute (EDS 3) , qui représente un coût de 600 millions d'euros pour le groupe Aéroports de Paris et de 100 millions d'euros pour les grands aéroports régionaux et qui n'est pas financé à ce jour, ainsi que s'en était inquiété en octobre 2016 votre rapporteur spécial dans son rapport « Pour une sûreté de l'aviation civile efficace et efficiente » 6 ( * ) .
S'appuyant sur « L'étude de parangonnage sur le coût et le financement de la sûreté aéroportuaire » 7 ( * ) réalisée en 2014 par le Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD), la Cour des comptes insiste à juste titre sur la nécessité de contrôler l'efficience des dépenses de sûreté au-delà du simple contrôle de leur éligibilité au remboursement par l'État , en évaluant a priori la pertinence des dépenses entrant dans ce cadre.
S'il partage pleinement cette orientation, votre rapporteur spécial considère qu'elle ne saurait être suffisante pour répondre au double défi de la sécurité des passagers du transport aérien et de la compétitivité des compagnies aériennes , qui n'apparaissent pas en mesure de supporter de nouvelles hausses de la taxe d'aéroport.
C'est pourquoi il estime, ainsi qu'il l'avait préconisé dans son rapport susmentionné, qu'il pourrait être envisagé, à l'issue d'études de faisabilité approfondie , de faire participer les magasins situés dans les aéroports au financement de la sûreté aéroportuaire .
L'activité des magasins d'aéroports bénéfice en effet directement des dépenses de sûreté aéroportuaire , condition sine qua non d'un trafic important dans les aéroports français.
5. Mettre en place une fiscalité plus favorable aux compagnies aériennes
En matière de fiscalité du transport aérien, le rapport de la Cour des comptes permet d'écarter certaines pistes avancées par les acteurs du secteur mais également de valider la pertinence de certaines mesures évoquées ces dernières années pour améliorer la compétitivité du transport aérien.
a) Une réforme du régime de la taxe de l'aviation civile qui doit intégralement bénéficier à l'amélioration de la compétitivité du transport aérien
Conformément aux préconisations du rapport Le Roux, le régime de la taxe de l'aviation civile , qui sert à financer les activités de la DGAC qui ne sont pas couvertes par les redevances de la navigation aérienne, a été profondément modifié par l'article 92 de la loi n° 2014-1655 du 29 décembre 2014 de finances rectificative pour 2015, dans le but d'améliorer l'attractivité des plateformes aéroportuaires parisiennes .
En vertu de cet article, les compagnies aériennes ont été exonérées du paiement de la TAC à 50 % pour les passagers en correspondance à compter du 1 er avril 2015 puis cette exonération a été portée à 100 % à compter du 1 er janvier 2016 . Afin de compenser la perte de recette subie par le BACEA en raison de cette mesure, la quotité de TAC qui lui était affectée est passée de 80,91 % à 85,92 % au 1 er avril 2015 puis à 93,67 % au 1 er janvier 2016 .
Le régime de la TAC a de nouveau été modifié par l'article 42 de la loi n° 2015-1786 de finances rectificative pour 2015, qui a supprimé la quotité de TAC revenant au budget général de l'État (soit 6,33 %) à compter du 1 er janvier 2016 . Depuis cette date, l'intégralité du produit de la TAC est donc affectée au BACEA , ce qui représente une enveloppe de 26 millions d'euros supplémentaires .
Cette mesure, à l'adoption de laquelle votre rapporteur spécial avait contribué, avait un objet très clair : augmenter les recettes du BACEA via la TAC en échange d'une baisse à due concurrence des redevances de navigation aérienne afin d'alléger les coûts des compagnies aériennes .
Or, la Cour des comptes préconisait dans son rapport que les 26 millions d'euros en jeu soient affectés au désendettement du budget annexe , mesure de saine gestion mais qui n'aurait eu aucun effet sur la compétitivité des compagnies et aurait été manifestement contraire à la volonté du législateur .
Alors que le Gouvernement avait dans un premier temps adopté ce point de vue, il s'est par la suite engagé devant l'Assemblée nationale, lors de l'examen du projet de loi de finances rectificative pour 2016, à prévoir par arrêté une diminution (« dé-péréquation ») de la redevance pour services terminaux de la circulation aérienne (RSTCA) à Paris-Charles-de-Gaulle et à Paris-Orly .
Cette mesure, qui est entrée en vigueur au 1 er janvier 2017 8 ( * ) , a permis de baisser la tarification pour les aéroports parisiens de 21,4 % 9 ( * ) tout en maintenant inchangé le tarif de cette redevance pour les autres aéroports . Selon la DGAC, une telle mesure devrait représenter un bénéfice annuel de 14 millions d'euros pour les compagnies françaises .
b) La taxe de solidarité, pour être mieux acceptée par les compagnies aériennes, doit voir ses excédents bénéficier au secteur du transport aérien et non être reversés au budget général de l'État
En ce qui concerne la taxe de solidarité , prélevée sur les billets d'avion au départ et à l'arrivée de la France pour financer le fonds de solidarité pour le développement (FSD) 10 ( * ) , et vivement critiquée par les compagnies aériennes françaises, la Cour des comptes se montre très sévère puisqu'elle évoque « un prélèvement défavorable à la compétitivité du transport aérien ».
A l'appui de son raisonnement, elle écrit que « force est de constater que ce mécanisme de solidarité, sans lien avec le domaine aérien , a perdu de son idéal , que l'exemple de la France n'est pas suivi et conduit à pénaliser le trafic aérien français » et en conclut « qu'il conviendrait dès lors de se réinterroger sur ses objectifs et sa pertinence ».
De fait, selon les dirigeants d'Air France, la compagnie tricolore a prélevé 63 millions d'euros de taxe de solidarité en 2015, soit près du tiers de la recette globale , qui s'est élevée à 220 millions d'euros en 2015.
Un tel constat devrait sans doute conduire les pouvoirs publics à étudier un élargissement de l'assiette de cette taxe , qui pèse pour l'heure uniquement sur les compagnies aériennes. Ainsi que l'a proposé le président-directeur général d'Air France pendant son audition, il pourrait par exemple être envisagé de taxer les TGV empruntant des lignes européennes (Thalys, Eurostar, etc.), qui transportent environ 20 millions de passagers par an .
A minima , votre rapporteur spécial considère, à l'instar de la Cour des comptes, qu'il est anormal que le surplus résultant depuis 2015 de l'écrêtement de la taxe de solidarité 11 ( * ) , soit environ 10 millions d'euros , soit reversé au budget général , alors, comme l'écrit la Cour des comptes, « que les acteurs du secteur qui contestent l'existence même de cette taxe, se plaignent de ne pas avoir d'information sur l'utilisation qui en est faite ».
À l'initiative de nos collègues députés, l'article 65 de la loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016 a prévu que le surplus de taxe de solidarité serait désormais affecté au budget annexe « Contrôle et exploitation aériens » .
S'il aurait été préférable d'ajuster les recettes de la taxe de solidarité aux besoins du fonds de solidarité pour le développement en diminuant ses taux , ainsi que l'avait proposé notre rapporteur général pendant la discussion de cet article au Sénat, la solution retenue par les députés a tout au moins permis que le surplus d'une taxe très contestée par les compagnies aériennes puisse désormais bénéficier au secteur aérien au lieu d'être reversé au budget général.
c) Alors que les effets du CICE sur la compétitivité des compagnies aériennes sont encore mal évalués, le renforcement de la lutte contre le dumping social paraît devoir être privilégié au détriment de la mise en place d'exonérations de cotisations sociales du personnel navigant long courrier
À l'instar d'autres secteurs exposés à la concurrence internationale, le transport aérien français est pénalisé par rapport à ses concurrents par le coût du travail dans notre pays .
Les compagnies aériennes plaident ainsi depuis plusieurs années pour un allègement des cotisations sociales du personnel navigant long-courrier , sur le modèle du régime « shipping » qui soutient l'emploi dans le secteur de la navigation maritime.
Néanmoins, selon la Cour des comptes, un tel dispositif ne manquerait pas d'être considéré comme une « aide d'État » par la Commission européenne et susciterait immanquablement des réclamations de la part d'autres secteurs économiques également exposés à la concurrence internationale.
Sur ce point, la difficile lutte contre le « dumping social » au sein de l'Union européenne paraît devoir être privilégiée et votre rapporteur spécial souscrit entièrement à la proposition de la Cour des comptes d'organiser un contrôle des conditions d'emploi des personnels navigants des compagnies aériennes afin de prévenir et de sanctionner les pratiques déloyales , dont abusent certaines compagnies à bas coût.
Par ailleurs, la Cour des comptes estime a priori que les compagnies aériennes, en raison d'un niveau de rémunération brut moyen aux alentours de trois fois le SMIC , ne bénéficient que modestement de la mise en place du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) 12 ( * ) . Manquant de recul, elle préconise d'inscrire au programme du comité de suivi du CICE l'évaluation ex post de l'impact de ce dispositif sur la compétitivité des transporteurs aériens.
d) La fiscalité environnementale plutôt favorable dont bénéficie le transport aérien doit être préservée
La Cour des comptes rappelle dans son rapport que le transport aérien bénéficie actuellement d'un régime plutôt favorable en matière de fiscalité environnementale , puisque il est exonéré , en vertu de la convention de Chicago 13 ( * ) , de toute taxe sur le kérosène et est exempté , en France, de taxe intérieure sur la consommation des produits énergétiques (TICPE) .
Face aux interrogations que soulèvent parfois ces exonérations, la Cour des comptes relève très justement que leur remise en cause « pourrait aggraver les écarts de compétitivité , avec des possibilités de report de trafic et de stratégies d'éviction, et donc fragiliser la compétitivité du hub de Paris , qui serait privé d'une partie de son alimentation au profit de ses concurrents européens ».
Afin de réduire l'impact du transport aérien sur l'environnement , il convient donc plutôt de poursuivre les efforts de modernisation du secteur (optimisation des trajectoires, moteurs plus économes en énergie, etc.) et de continuer les négociations sur la limitation des émissions de dioxyde de carbone de l'aviation civile dans le cadre de l'Organisation de l'aviation civile internationale (OACI).
En ce qui concerne la taxe sur les nuisances sonores aériennes (TNSA), qui a pour but d'inciter les compagnies aériennes à diminuer le nombre de leurs mouvements (meilleur emport moyen, meilleur taux de remplissage des appareils) et à moderniser leur flotte (en achetant des aéronefs moins bruyants) tout en dégageant des recettes à même de financer l'insonorisation des logements situés à proximité des aéroports dont le trafic est le plus important 14 ( * ) , votre rapporteur spécial partage les interrogations de la Cour des comptes sur la pertinence de son plafonnement 15 ( * ) , en particulier lorsque le plafond est fixé à un niveau très bas, ce qui a conduit en 2016 au reversement d'un excédent au budget général.
Une telle situation peut en effet susciter des critiques , dans la mesure où un récent rapport du Commissariat général à l'environnement et au développement durable (CGEDD) 16 ( * ) a montré que quelque 80 000 logements restent à insonoriser en France , dont 69 000 à proximité des aéroports parisiens , pour lesquels les délais de traitement des demandes d'aide à l'insonorisation se sont fortement dégradés ces dernières années.
Depuis lors, le vote par le Parlement de l'article 69 de la loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016 de finances rectificative pour 2016 a permis de résoudre cette difficulté , puisqu'il a relevé de 47 millions d'euros à 55 millions d'euros le plafonnement de la TNSA , dont les recettes devraient atteindre 48,6 millions d'euros en 2016 . Elles devraient ainsi en 2017 être consacrées dans leur intégralité à l'insonorisation de logements .
TRAVAUX DE LA COMMISSION : AUDITION POUR SUITE À DONNER
Réunie le mercredi 12 octobre 2016, sous la présidence de Mme Michèle André, présidente, la commission des finances a procédé à l'audition pour suite à donner à l'enquête de la Cour des comptes, transmise en application de l'article 58-2° de la LOLF, sur l'action de l'État en faveur de la compétitivité du transport aérien.
Mme Michèle André , présidente . - La commission des finances et la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable sont réunies ce matin pour une audition pour suite à donner à l'enquête de la Cour des comptes, transmise en application de l'article 58-2 de la loi organique relative aux lois de finances, sur l'action de l'État en faveur de la compétitivité du transport aérien.
Lundi dernier, le groupe Aéroports de Paris (ADP), ici représenté, a abaissé sa prévision de croissance du trafic aérien en France pour 2016. Il s'attend désormais à une hausse comprise entre 1 % et 1,5 % par rapport à 2015, contre 2,3 % précédemment.
Ce recul, dans un secteur en forte croissance dans le reste du monde, est dû aux tragiques attentats qui ont frappé notre pays depuis janvier 2015, mais ces difficultés conjoncturelles viennent s'ajouter à d'autres, plus structurelles, que doivent affronter les acteurs du transport aérien français.
Nos compagnies aériennes, et en particulier Air France, représentée aujourd'hui par son président-directeur général, font face à une concurrence exacerbée des compagnies à bas coût en Europe, et à celle des compagnies du golfe Persique, fortement soutenues par leur États d'origine, sur le long-courrier.
Il y a deux ans, notre collègue Bruno Le Roux a réalisé à l'Assemblée nationale un rapport sur ces sujets.
Vincent Capo-Canellas, rapporteur spécial du budget annexe « contrôle et exploitations aériens » (BACEA), a souhaité solliciter l'expertise de la Cour des comptes pour approfondir ce travail.
Pour nous éclairer sur le sujet, sont présents aujourd'hui Évelyne Ratte, présidente de la septième chambre de la Cour des comptes, Patrick Gandil, directeur général de l'aviation civile, Frédéric Gagey, président-directeur général d'Air France et Edward Arkwright, directeur général exécutif du groupe Aéroports de Paris.
À l'issue de nos débats, je demanderai aux membres de la commission des finances leur accord pour publier l'enquête remise par la Cour des comptes.
Je vous rappelle que notre réunion est ouverte à la presse, et retransmise sur le site Internet du Sénat.
M. Hervé Maurey , président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable . - Je voudrais tout d'abord remercier Michèle André d'avoir invité les membres de la commission que je préside à cette audition. Il est vrai que le transport aérien relève du champ de compétences de notre commission et que nous travaillons largement sur ces sujets, avec Nicole Bonnefoy, rapporteure pour avis, et Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes.
Je suis très heureux de retrouver Vincent Capo-Canellas, qui a siégé dans notre commission et qui était déjà alors très impliqué dans tous ces sujets.
C'est une initiative très pertinente qu'a eue la commission des finances en saisissant la Cour de comptes pour qu'elle élabore ce rapport. Je crois pouvoir dire que la question de la compétitivité du transport aérien est un vrai sujet, avec de vrais enjeux.
On sait aujourd'hui que les compagnies aériennes, notamment Air France, sont prises dans une concurrence que son précédent président a qualifiée de « concurrence en tenaille », avec d'une part les compagnies low cost , qui prennent des parts de marché de plus en plus grandes, notamment sur les vols régionaux et d'autre part les compagnies du golfe Persique, qui proposent plutôt des vols haut de gamme, et bénéficient d'une situation géographique favorable mais surtout de conditions économiques privilégiées de la part des États dont ils sont issus.
Toutes les compagnies historiques européennes se sont trouvées en difficulté. Certaines n'ont pas survécu. D'autres sont en cours de regroupement. Face à cette situation, l'État a un rôle à jouer, mais on sait qu'il ne peut agir seul, ces questions devant être traitées au niveau européen. L'État doit donc faire en sorte que Bruxelles prenne ces questions en compte pour défendre nos opérateurs nationaux.
Le secteur des transports aériens doit continuer à se moderniser et à s'adapter aux attentes des passagers. Les infrastructures aéroportuaires doivent être à l'écoute des compagnies, l'État devant faciliter la bonne marche du secteur. Il faut donc que le trio que forment les compagnies, les aéroports et les services de l'État fonctionne bien.
Je ne doute pas que la Cour des comptes, en étudiant de près les éléments financiers du dossier, avec sa capacité bien connue d'évaluer les politiques publiques sous tous leurs aspects, saura nous apporter des éclairages précieux.
Mme Évelyne Ratte, présidente de la septième chambre de la Cour des comptes . - La délégation qui m'accompagne est composée des magistrats et rapporteurs qui ont conduit les travaux d'enquête et de contrôle, et qui sont à votre disposition pour éclairer tel ou tel aspect du sujet et répondre à vos questions. François-Roger Cazala, est président de la section transports de la septième chambre, et contre-rapporteur de ce travail. Olivier Ortiz, est conseiller-maître, responsable du secteur transport aérien à la septième chambre jusqu'à il y a peu et co-rapporteur avec Yanco Bouton sur le sujet qui nous réunit. Enfin, Yanco Bouton, rapporteur extérieur, qui depuis son arrivée à la Cour des comptes a fait de nombreux travaux sur le secteur aérien, notamment sur la direction générale de l'aviation civile, et désormais responsable du secteur aérien.
En accord avec le sénateur Capo-Canellas, le périmètre de l'enquête a été centré sur les différents facteurs de compétitivité sur lesquels les pouvoirs publics peuvent être en mesure d'agir, avec un effet de levier significatif.
Ceci nous a amenés à traiter principalement : des redevances régulées finançant des services rendus, comme les redevances de navigation aérienne ou les redevances aéroportuaires, qui constituent un coût pour les compagnies aériennes ; la sûreté aéroportuaire et son financement par la taxe d'aéroport ; les charges fiscales spécifiques à l'aviation civile - taxe d'aviation civile, fiscalité environnementale, spécificités de TVA - ou finançant des actions étrangères à l'aviation civile, comme la taxe de solidarité sur les billets d'avion ; les normes et pratiques sociales ; les facteurs de réglementation et de régulation, comme les créneaux horaires et les droits des passagers.
Du point de vue de la méthode, le sujet traité a fait l'objet de très nombreux rapports qui ont donné lieu à près de cent cinquante recommandations. Je vous invite à lire l'annexe 16 du rapport, qui dresse la liste de toutes les recommandations émises depuis quelques années, à travers des rapports émanant de différentes instances.
Face à cette profusion, qui elle-même interroge, la Cour des comptes a recentré le sujet sur son domaine de compétences, à savoir l'action de l'État, et a élaboré des recommandations si possible pertinentes, réalistes, et atteignables.
Près d'une centaine d'interlocuteurs ont été rencontrés, afin d'entendre un maximum d'acteurs sur ce sujet, qui nécessitait d'aborder de multiples questions.
En troisième lieu, la dimension européenne et mondiale du sujet nécessitait de pouvoir effectuer des comparaisons internationales. Elles ont été limitées faute de temps à deux pays européens, le Royaume-Uni et l'Allemagne. Les rapporteurs ont également eu des entretiens avec la Commission européenne à Bruxelles, avec des représentants de compagnies aériennes - classiques et à bas coût - et avec des responsables d'aéroports.
Enfin, une précision importante à retenir : l'instruction de la Cour des comptes a été terminée avant les résultats du référendum sur la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne.
Quelle est l'orientation générale du rapport ? Elle est contenue dans le titre, « L'État et la compétitivité du transport aérien » , lui-même accompagné d'un sous-titre : « Un rôle complexe : une stratégie à élaborer ».
La variété des thèmes abordés dans le rapport - politique d'aménagement du territoire, politique des transports, régulation économique, cadre communautaire, réglementation technique, environnementale, sociale, fiscale - met en évidence la multiplicité des leviers de l'État dans le domaine du transport aérien. Mais ces multiples leviers résultent de responsabilités parfois contradictoires et souvent difficiles à concilier.
Cette seule constatation suffit à justifier la nécessité que l'action de l'État soit guidée par une réelle stratégie sectorielle, et non par des décisions issues d'arbitrages au cas par cas et de nature conjoncturelle. Le titre de la communication, que j'ai évoqué, rend compte de ce besoin.
On ne peut manquer de s'interroger sur les raisons pour lesquelles les très nombreuses propositions que j'évoquais précédemment ont été si peu suivies d'effet.
Le rapport est organisé en trois chapitres.
Le chapitre I décrit l'environnement du transport aérien et aborde d'une part les particularités du territoire national et d'autre part le cadre réglementaire international. Il ne comporte pas de recommandation.
La Cour des comptes s'appuie sur ses travaux antérieurs sur la place du transport aérien sur le territoire et ses relations avec les autres modes de transport pour rappeler le manque de cohérence du maillage aéroportuaire - je vous renvoie sur ce point au rapport public annuel qui évoquait le cas des aéroports de Dôle et Dijon - les insuffisances de l'accessibilité des aéroports, le manque de synergie avec la politique de transport ferroviaire, qui sont autant de handicaps pour la compétitivité du transport aérien.
Le transport aérien est par construction soumis à la concurrence internationale et, pourtant, le secteur ne relève pas de l'accord général sur le commerce des services de l'OMC. Les différends avec les États accusés de concurrence déloyale - et principalement les États du golfe Persique, dont les compagnies aériennes et les aéroports connaissent une forte croissance sur le marché du long-courrier - n'ont ainsi pas d'instance devant laquelle ils pourraient être portés.
C'est un point central et décisif sur lequel la Cour des comptes appelle la France à contribuer à faire évoluer un cadre juridique non encore harmonisé au niveau mondial pour établir un droit de la concurrence partagé et une utilisation équilibrée de l'espace aérien, en soutenant, notamment dans un premier temps, l'adoption d'une annexe sur le transport aérien dans les négociations en cours d'un accord multilatéral sur le commerce des services qui concerne vingt-trois membres de l'OMC.
Le chapitre II invite l'État à mieux exercer ses missions de régulation et comporte trois recommandations.
Notre approche se démarque des demandes et recommandations traditionnelles de réduction des charges qui pèsent sur le secteur en pointant les faiblesses de l'État dans l'exercice de ses missions de régulation. C'est le cas en premier lieu des redevances de navigation aérienne. L'évolution globale de ces redevances est régulée au niveau communautaire par la Commission européenne, et les États membres doivent ensuite déterminer les redevances en fonction du coût du service rendu, tout en respectant ce cadre communautaire.
Les actions menant à la mise en place du Ciel unique européen doivent permettre une amélioration de la performance des services de navigation aérienne et une réduction des redevances. Or la France a pris du retard dans son programme d'investissement au titre du Ciel unique européen, maîtrise mal les dépenses de personnel du contrôle aérien, et de ce fait peine à respecter la trajectoire de baisse des redevances.
Des efforts de productivité supplémentaires, nécessaires à la mise en oeuvre du Ciel unique européen, doivent donc être accomplis au sein de la direction générale de l'aviation civile et de son budget annexe. C'est la première recommandation de la Cour des comptes, et elle est essentielle.
Le deuxième sujet concerne les redevances aéroportuaires. Les constats ne donnent pas lieu à recommandation, compte tenu de la réforme intervenue en 2016 sur le dispositif de supervision desdites redevances. On sait que la position de quasi-monopole des grands aéroports impose une régulation indépendante des redevances aéroportuaires demandées par ces aéroports pour les services rendus aux compagnies.
Face aux intérêts divergents des acteurs, et aux intérêts contradictoires de l'État, il apparaît que les conditions de cette régulation, influencée par les jeux d'acteurs, étaient insatisfaisantes. Le Conseil d'État a d'ailleurs annulé en avril 2015 la désignation d'un service de la DGAC comme autorité chargée de cette mission de supervision. Une nouvelle Autorité de supervision indépendante (ASI), rattachée au Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD), sur le modèle de l'autorité environnementale, a été mise en place en juin 2016. La Cour des comptes conclut donc qu'il reste à cette autorité à faire preuve de son efficacité et de sa réelle indépendance.
Les dépenses de sûreté, quant à elles, sont financées par la taxe d'aéroport, et ne cessent d'augmenter compte tenu des exigences croissantes dans ce domaine. La Cour des comptes montre que les modalités de leur prise en charge par la taxe d'aéroport n'incitent pas du tout à la maîtrise des coûts. De plus le mécanisme de péréquation en faveur des petits aéroports est déresponsabilisant pour ces aéroports, par ailleurs trop nombreux.
Il est recommandé à la DGAC de contrôler l'efficience des dépenses de sûreté au-delà du simple contrôle de leur éligibilité au remboursement par l'État, en évaluant leur pertinence. C'est la deuxième recommandation de la Cour des comptes.
La Cour des comptes s'est enfin intéressée à l'attribution des créneaux horaires. Cette attribution, confiée à la Conférence de coordination des horaires (COHOR), peut conduire à une sous-utilisation des créneaux de décollage et d'atterrissage, alors qu'il s'agit d'une ressource rare et stratégique sur certains aéroports. Aucune analyse critique n'a été menée par la DGAC sur le fonctionnement de cette instance qui est toujours présidée par la même personne depuis sa mise en place en 1996.
C'est ainsi que l'aéroport d'Orly se caractérise par un plafonnement à 250 000 créneaux annuels, décidé en 1994, alors que l'aéroport offre une capacité d'environ 400 000 créneaux et que les performances acoustiques des avions ont fortement progressé en vingt ans. Il est donc recommandé de revoir le dispositif de coordination et d'allocation des créneaux. C'est la recommandation numéro trois.
Le chapitre III regroupe les leviers que l'État pourrait mieux utiliser dans le domaine fiscal et réglementaire, avec toutefois des effets inégaux, et comporte cinq recommandations.
Nous avons tout d'abord étudié la taxe d'aviation civile. Deux mesures significatives ont été adoptées ces dernières années, dans un objectif d'amélioration de la compétitivité du transport aérien à la suite du rapport Le Roux : l'exonération de taxe d'aviation civile sur les passagers en correspondance d'une part, d'autre part l'affectation de 100 % de la taxe au budget de l'aviation civile, contre 85,92 % auparavant, le solde étant alors reversé au budget général.
La première mesure, 70 millions d'euros de recettes en moins pour le budget annexe, a profité principalement à Air France. La deuxième, qui représente un manque à gagner pour le budget général, doit, pour remplir son objectif, pouvoir contribuer de façon pérenne à une réduction effective des coûts à la charge des compagnies aériennes : à cet effet, le reliquat de recettes de la taxe, estimé par la DGAC à 26 millions d'euros en 2016, doit être affecté au désendettement du budget de l'aviation civile. C'est l'objet de la recommandation numéro quatre.
La taxe de solidarité est plafonnée à 210 millions d'euros. Un surplus d'environ 10 millions d'euros est reversé au budget général depuis 2015. La Cour des comptes recommande, plutôt que de reverser un surplus au budget général, que le montant de la taxe soit ajusté aux besoins du fonds de solidarité pour le développement que la taxe finance : c'est la recommandation numéro cinq.
Pour ce qui est des charges sociales, le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) bénéficie aux compagnies aériennes et à l'ensemble des entreprises du secteur, mais son impact est difficile à évaluer. La Cour des comptes n'ayant pas été en mesure de le faire, elle recommande que le comité de suivi du CICE se saisisse de cette question. Il s'agit de la recommandation numéro six.
La Cour des comptes constate que la demande des organisations professionnelles de créer un régime social spécifique, à l'image du régime dit du « shipping » dans le secteur maritime, qui serait financé par une contribution sociale sectorielle, n'a pas été retenue par les pouvoirs publics. Elle considère que c'est à juste titre.
L'harmonisation récente des règles s'appliquant aux personnels navigants au sein de l'Union européenne doit permettre d'assainir les pratiques de contournement du droit social par certaines compagnies. Les personnels navigants relèvent à présent du régime de sécurité sociale de leur « base d'affectation », notion qui doit cependant encore être précisée suite à une question préjudicielle en cour d'examen par la Cour de justice de l'Union européenne.
Certaines compagnies à bas coût continuant cependant à pratiquer l'« optimisation sociale », la Cour des comptes recommande d'organiser le contrôle des bases d'affectation, pour prévenir et sanctionner les pratiques déloyales. C'est la recommandation numéro sept.
Enfin, la Cour des comptes constate l'exonération de TVA dont bénéficient les billets des vols internationaux, la possibilité de remboursement pour les achats de biens et services sur ces vols et, a contrario , l'application d'une TVA au taux de 10 % pour les vols nationaux.
Elle prend acte que les demandes d'assujettir à la TVA les activités de contrôle aérien, appuyées par un rapport du CGEDD, ont été écartées par un groupe de travail DGAC-DGFiP, car la mesure est juridiquement trop incertaine, pour des enjeux qui restent marginaux.
La Cour des comptes fait le point sur les externalités environnementales et la simplification réglementaire sans faire de recommandation particulière.
La dernière recommandation du rapport concerne le sujet des droits des passagers, et préconise une harmonisation des règles au plan international.
En conclusion, je souhaite rappeler que l'État intervient dans différents domaines du transport aérien. Il a cependant des objectifs contradictoires liés à ses différents rôles, comme le montrent les faiblesses de la régulation aéroportuaire.
L'action de l'État a besoin d'un fil conducteur, d'une logique d'ensemble, d'une coordination avec d'autres politiques publiques.
La « nouvelle stratégie européenne pour l'aviation civile », adoptée au niveau européen en décembre 2015, semble être le cadre approprié pour se doter d'une stratégie nationale intégrant la préoccupation de la compétitivité, comme le fait d'ailleurs l'Allemagne en ce moment.
Une telle stratégie, si elle peut se révéler utile pour guider et encadrer l'action de l'État dans ce domaine, et si possible la rendre plus cohérente, ne peut résoudre à elle seule le problème. La compétitivité est d'abord et avant tout l'affaire des entreprises aéronautiques elles-mêmes, que ce soit en termes de politique tarifaire, d'investissements, de politique commerciale ou de ressources humaines.
M. Vincent Capo-Canellas , rapporteur spécial . - Quelques mots tout d'abord pour remercier la présidente et le rapporteur général, qui ont accepté que nous demandions à la Cour des comptes de se saisir d'un dossier complexe et techniquement aride, dont le sous-titre illustre bien l'état actuel du dossier et le besoin d'élaborer une stratégie plus affinée qu'aujourd'hui du point de vue des pouvoirs publics.
Je veux également remercier la Cour des comptes pour l'éclairage qu'elle nous apporte et pour ses précieuses analyses, qui fournissent une base sur l'état actuel du sujet.
La présidente de la septième chambre a rappelé l'importance stratégique de ce secteur - 4 % du PIB et 1,1 million d'emplois. Il est donc légitime que nous nous intéressions à sa compétitivité. Il ne faut pas qu'il décroche, car il est vital pour notre économie.
Beaucoup de vos recommandations ne peuvent que soulever une franche approbation, notamment le besoin d'affiner la stratégie. La Cour des comptes constate - je la cite - que « l'État intervient dans le secteur aérien avec des objectifs contradictoires liés à ses multiples rôles, et son action est menée au fil des décisions et arbitrages, apparemment sans logique d'ensemble ni stratégie qui puisse guider son action ». Nous sommes tous d'accord. Comment aboutir à une stratégie plus claire et utile au secteur aérien, à l'emploi et à la compétitivité du pays, dans un contexte où la concurrence est particulièrement forte ?
Vous avez vous-même relevé que l'essentiel des efforts de productivité devait venir des entreprises du secteur aérien - transporteurs, aéroports, DGAC. On ne peut que vous rejoindre dans ce souci d'améliorer la productivité globale. Le secteur en a lui-même conscience.
S'agissant de la question du régulateur, vous avez pris acte de la création de l'ASI, en appelant à ce que ce régulateur fasse la preuve de son indépendance. C'est un secteur qui a sans doute besoin d'un régulateur plus fort.
Quant à l'achèvement du Ciel unique européen, peut-être le directeur général de l'aviation civile pourrait-il nous dire où il en est sur ce point, la Cour des comptes relevant un retard d'investissement ? Je serais curieux d'entendre son point de vue sur ce sujet.
Parmi les points de consensus figure bien évidemment la question de la taxe de solidarité. La Cour des comptes a estimé qu'on pouvait aujourd'hui l'ajuster aux besoins réels. On mesure que la matière n'est pas la plus simple à aborder, mais peut-être cette taxe est-elle victime de son succès. On peut se poser la question de savoir si le transport aérien doit y contribuer seul.
Quant à la COHOR, je n'avais pas connaissance de la pérennité de son responsable. Vingt ans, c'est une durée qui peut paraître un peu longue. Il y a sans doute là un sujet à explorer ensemble pour améliorer l'allocation des créneaux horaires, tout en ayant conscience que la COHOR doit veiller à ce que la compétitivité de la compagnie nationale ne se trouve pas affectée par d'éventuels changements. L'aéronautique est un sujet régalien. La question est de savoir si la France veut conserver une aéronautique et des transporteurs aériens qui rayonnent dans le monde entier.
Concernant la question de la sûreté, je partage ce qu'a dit la Cour des comptes.
J'aurais une nuance en ce qui concerne la fin de l'affectation d'une part de la taxe de l'aviation civile au profit du budget général, que nous avons voté au Sénat et que l'Assemblée nationale a repris. La Cour des comptes invite à consacrer ces 26 millions d'euros au désendettement du BACEA. Ces 26 millions d'euros ne pourraient-ils avoir un effet plus fort sur la compétitivité s'ils étaient directement consacrés à une baisse des redevances, comme la redevance pour services terminaux de la navigation aérienne (RSTCA).
Depuis que le rapport a été rendu, le trafic n'est en effet plus le même, du fait des attentats : la France est désormais une destination moins prisée que par le passé. Ne faut-il pas être plus offensif s'agissant de mesures favorisant la compétitivité directe ?
M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général de la commission des finances . - Je remercie la Cour des comptes pour le travail qu'elle a réalisé. C'est un sujet que je souhaitais voir abordé, tout comme la présidente et Vincent Capo-Canellas, car il se dit beaucoup de choses à cet égard. Il ne s'agit pas de se pencher sur la compétitivité d'une entreprise, mais sur celle, plus globale, du transport aérien en France.
J'avoue que le rapport me laisse sur ma faim. J'ai le sentiment qu'on n'a pas voulu aller jusqu'au bout d'un certain nombre de sujets, pour des raisons sociales. Il s'ensuit des phrases prudentes et édulcorées.
Ma première question porte sur la sûreté. La taxe d'aéroport finance-t-elle exclusivement les missions des sociétés privées de surveillance ? Y a-t-il une quote-part de remboursement des services de la police aux frontières ? L'année dernière, lors du débat sur la loi de finances, le Gouvernement voulait supprimer le financement spécifique affecté au déploiement des postes de passage automatisé rapide des frontières extérieures (PARAFE). Pourtant, cela permet de diminuer des postes physiques et d'améliorer le filtrage. Faire vérifier des passeports à des policiers qui pourraient être affectés à d'autres missions de sûreté n'est guère utile. Lorsqu'on voit les files à l'arrivée de certains avions, on aimerait plus de fluidité et de postes de contrôle automatisés.
Quelle est la position d'ADP et de la DGAC sur ce sujet ?
Je suis également resté sur ma faim en matière de contrôle aérien. Vous avez établi un tableau très éclairant comparant le nombre de contrôleurs aériens aux États-Unis et en France. Vous affirmez prudemment que les dernières discussions avec les organisations syndicales ne vont pas améliorer la productivité. Est-ce une réalité ?
Ma troisième question porte plus spécifiquement sur ADP et sur les temps d'escale dans les aéroports parisiens. Selon les vols, on a le sentiment qu'il existe des traitements différents. On peut avoir soit des passerelles, soit des bus - voire les deux ! Le circuit des passagers est souvent étonnant.
Est-ce exclusivement un problème de nombre de passerelles disponibles, d'investissement ou de coût pour les compagnies qui préfèrent utiliser des bus diesel qui tournent durant des heures, ce qui est étonnant sur le plan du développement durable ?
Enfin, le rapport de la Cour des comptes consacre tout un chapitre aux compagnies aériennes du golfe Persique. Je trouve qu'il ne développe pas assez le sujet des compagnies à bas coût.
Le renforcement des contrôles des bases d'affectation des équipages de ces compagnies est-il la seule solution ? N'existe-t-il pas un problème de fond ?
On peut se poser la question lorsqu'on sait qu'en matière de transport maritime, on a créé une sorte de pavillon de complaisance France-Kerguelen.
Le contrôle suffira-t-il à s'assurer du fait qu'il n'existe pas de dumping social ou que des compagnies peuvent opérer quasiment exclusivement en France en ayant des contrats de droit étranger ?
La présence de nombreux collègues souligne le fait que le sujet est intéressant. Certains sénateurs de province sont confrontés chaque semaine aux problèmes de compétitivité du transport aérien. Leur expérience éclairera donc la lecture du rapport.
Mme Nicole Bonnefoy , rapporteure pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable . - Merci pour l'organisation de cet événement lié à la communication de la Cour des comptes sur son rapport relatif à l'État et à la compétitivité du transport aérien. Je rejoins les remarques faites précédemment par Vincent Capo-Canellas et Albéric de Montgolfier.
Ma première question s'adresse à la Cour des comptes concernant la taxe de solidarité. Ne pourrait-on, comme le préconise le rapport Le Roux, asseoir cette taxe sur une autre assiette, comme par exemple la grande distribution ? Ma deuxième question concerne la DGAC : où en est-on des réflexions à l'échelle européenne en matière d'attribution des droits de trafic aux les compagnies du golfe Persique ? Enfin, on voit cette année se développer des compagnies à bas coût qui proposent des offres de long-courriers avec des tarifs surprenants. Il s'agit là d'une concurrence supplémentaire. Comment le transport aérien va-t-il pouvoir s'adapter à cette nouvelle situation ?
M. Patrick Gandil, directeur-général de l'aviation civile . - Je vais essayer de répondre aux questions précises qui ont été posées et de donner une appréciation plus globale au sujet de la compétitivité.
Une question concerne directement la DGAC, celle du Ciel unique européen. Il s'agit d'une politique complexe, qu'il ne faut pas voir uniquement sous l'angle du contrôle aérien.
Le Ciel unique européen constitue une politique historique en matière d'ouverture du ciel européen et de libre circulation en Europe. Toute compagnie européenne peut effectuer des vols n'importe où en Europe. Cela a permis de développer les compagnies à bas coût, avec des inconvénients mais aussi des avantages, et une mobilité que nous n'avions jamais connue avant le Ciel unique européen.
Le Ciel unique européen comporte également une politique technologique majeure, la Single European Sky ATM Research (SESAR), qui constitue une refonte complète des principes du contrôle aérien. On peut la comparer avantageusement à la politique américaine NextGen.
Il existe également une recherche d'économies et d'amélioration de la ponctualité dans le contrôle aérien - ce qui est d'ailleurs en partie contradictoire.
Je conteste tout d'abord toute comparaison avec les États-Unis : nous ne sommes pas les États-Unis d'Europe, mais une Europe des États, où chaque État tient à conserver un centre de contrôle aérien. Dans un certain nombre de petits États, ces centres sont forcément peu productifs car ils couvrent un espace aérien limité. Ce n'est pas dans les très grands pays qu'il faut aller chercher les économies en la matière. Cela ne signifie pas que l'on ne peut pas en faire un peu, mais tous les centres de contrôle aérien ont bien plus de volume à contrôler et sont très au-dessus de la moyenne en termes de production du système.
Se comparer aux États-Unis tout en se fixant une contrainte pour respecter l'Europe des États - que je ne conteste en rien - conduit à une comparaison impossible. Je ne dis pas qu'il n'existe pas une certaine inefficacité, mais il y a aussi à cela des raisons politiques qui tiennent à des éléments de souveraineté nationale.
Le contrôle aérien n'est pas qu'une prestation de service. Il s'agit également d'une gestion de l'espace civil et militaire, avec des liens importants avec la police du ciel, ce qui explique que chaque État tienne à conserver un certain nombre de leviers en la matière.
Le contrôle aérien français, bien que très dénigré, ne revient pas cher. On est même à peu près le moins cher des pays européens ! Je sais bien que certains textes prétendent que le contrôle britannique est moins cher que celui de la France. Pour vous livrer le fond de ma pensée, il faut choisir un jour spécifique où la parité entre la livre et l'euro est assez favorable pour parvenir à ce calcul !
Pourquoi est-on moins cher ? Ce n'est pas du fait de nos équipements, qui sont effectivement vétustes. Nous sommes en train de les moderniser à un rythme rapide grâce aux autorisations budgétaires que vous nous accordez, soit environ 250 millions d'euros par an, contre 100 millions d'euros par an il y a quelques années.
On a pris du retard en matière d'équipements, et ceci a des conséquences sur la productivité. Je n'entrerai pas dans le débat consistant à évaluer si nos personnels sont plus ou moins productifs qu'ailleurs. Dans le détail, c'est compliqué. Ce qui est sûr, c'est que leur niveau de rémunération est plus faible que celui de tous les pays limitrophes. C'est la principale raison du différentiel de coût au profit de la France.
Il existe certes des protocoles sociaux dans lesquels on discute d'avantages sociaux qui sont, de mon point de vue, meilleurs que dans un certain nombre de pays limitrophes. On discute également de productivité. Le protocole est clair : c'est un protocole « prime contre productivité ». La croissance du trafic aérien est de l'ordre de 3 % par an en France et la croissance des pointes dépasse les 10 %. Nous avons tout juste effacé cette année la crise de 2009-2010 et pu retrouver à peu près le niveau de trafic de 2008.
En revanche, une bonne partie des vingt premiers jours de pointe historique se situe sur 2016. Or, quand les pointes augmentent, si on ne veut pas augmenter l'effectif, la seule solution est d'augmenter la flexibilité du travail. Les personnels n'ont pas le droit de prendre plus de deux semaines de vacances l'été. Il est difficile de réduire encore cette durée. La seule solution consiste donc à jouer sur l'équilibre entre le temps de travail et le temps de repos, mais c'est un équilibre très difficile au regard des questions de sécurité.
C'est ce qu'on a essayé de négocier dans ce protocole, avec un certain succès puisque 72 % des personnels sont représentés par les organisations syndicales qui ont accepté de signer le protocole. Les premiers résultats sont très prometteurs. C'est Reims qui a joué le rôle de centre expérimental cet été. On gagne en capacité à effectif constat, et cela devrait aller dans le bon sens, y compris en matière de régulation européenne.
Pour en revenir aux autres grands sujets, je ne sais pas si l'on peut parler d'une absence totale de politique, sans logique ni stratégie. Cette appréciation me paraît un peu dure, si je pense au temps que j'y consacre.
Cependant, il existe quelques constantes qu'il faut bien prendre en compte. Le droit de l'environnement a été développé il y a longtemps, à peu près au moment de la construction des pistes trois et quatre de Roissy. C'est assez constant et cela représente une valeur positive pour notre pays, qui a réussi, avec toutes les difficultés que vous connaissez, à trouver un certain équilibre entre l'environnement et le transport. Peu de pays européen y sont parvenus. Mais cet équilibre est extrêmement instable.
De ce point de vue, je ne ferai pas miens les propos relatifs à l'aéroport d'Orly. Certes, on pourrait prévoir 400 000 mouvements, mais il s'agit d'un aéroport extrêmement enclavé. Même si les avions sont aujourd'hui moins bruyants, la réceptivité au bruit de la population a changé. Les tensions sont en permanence très fortes autour d'Orly, et il n'est certainement pas dans l'intention de la DGAC - ni du Gouvernement, je crois pouvoir le dire - de changer en quoi que ce soit le nombre de créneau ou les règles de couvre-feu.
Cela n'a rien à voir avec COHOR, qui distribue les créneaux horaires. Cette décision relève de l'État, et donc de la DGAC. Tout est affaire d'équilibre, mais je pense qu'on a intérêt à stabiliser les choses.
Un des autres éléments forts de la politique du transport aérien concerne les questions de supervision de la sécurité et de la sûreté.
Cela représente une part très importante de l'action de l'État, et donne d'assez bons résultats dans les deux domaines. Je peux être démenti demain, mais toutes les barrières de sûreté pour le passage vers les avions ne fonctionnent pas mal en France ni dans la plupart des autres pays développés. Si l'on déplore des attaques dans d'autres secteurs, c'est bien parce que ces barrières sont plutôt efficaces.
Il faut maintenant traiter - et on a commencé à le faire - les zones publiques et les vols entrants. Que se passe-t-il dans les aéroports extérieurs à la France, où le contrôle n'est pas équivalent ? On dispose pour ce faire d'un arsenal législatif nous permettant d'agir en la matière.
Enfin, concernant les zones de conflit, on s'est également doté des moyens de moduler leur survol en fonction des risques.
S'agissant des compagnies du golfe Persique, nous n'avons aucun doute sur le fait que ces compagnies bénéficient d'un certain nombre d'aides d'État que les compagnies vivant dans une économie de marché classique ne peuvent obtenir. Cela crée effectivement une distorsion.
Nous n'avons pas beaucoup de moyens pour lutter contre cette situation. Le premier moyen, ce sont les droits de trafic. Il s'agit d'un accord diplomatique destiné à réguler les conditions réciproques de vol entre deux pays. Cela s'est ensuite compliqué du fait des phénomènes de hub , mais nous disposons d'un arsenal adapté. La politique du Gouvernement est assez ferme en matière de négociations sur les droits de trafic. Cela nous est assez reproché, aussi bien par les compagnies en question que par un certain nombre de villes de province, qui aimeraient bien en bénéficier.
Il ne s'agit pas uniquement de compétitivité, mais également de connectivité. Si nous voulons conserver des liens avec l'Asie du Sud, il faut absolument enrayer la croissance des compagnies du golfe Persique. Nous avons perdu nos liens directs avec la plupart des pays de cette région du monde : il ne reste plus beaucoup de vols directs à destination d'Inde.
L'Allemagne est dans la même situation. Nous avons donc fait front commun pour demander à la Commission européenne de se saisir de ce sujet car nous ne pouvons accepter qu'il soit possible d'aller dans tous les pays, sauf en France et en Allemagne.
Je partage entièrement l'avis de Vincent Capo-Canellas concernant la taxe de solidarité. C'est une question difficile. On ne peut probablement pas la supprimer. En revanche, son assiette peut être étendue, et il n'est pas forcément nécessaire qu'elle concerne uniquement le contrôle aérien.
S'agissant des compagnies à bas coût et du dumping social, on ne sait aujourd'hui que contrôler les bases d'affectation des équipages de ces compagnies, ce que l'on fait au maximum. Il faut créer une politique sociale européenne en la matière. Jusqu'à présent, nous ne disposons pas d'une majorité pour le faire.
M. Frédéric Gagey, président-directeur général d'Air France . - Je voudrais commencer par évoquer les compagnies aériennes françaises qui font face à une équation économique extrêmement complexe. Quasiment tous nos fournisseurs sont des monopoles ou des oligopoles qui ont réalisé par le passé des restructurations importantes - deux constructeurs de gros avions, un ou deux d'avions régionaux, trois gros systèmes de réservation mondiaux, une concentration assez importante du secteur du catering , des monopoles locaux comme les aéroports. Tous nos fournisseurs disposent d'un fort pouvoir de marché.
De l'autre côté, on trouve une régulation européenne et mondiale qui, progressivement, a fait du transport l'industrie de service probablement la plus transparente vis-à-vis de ses consommateurs. Je n'en connais aucune qui fournisse le prix des prestations offertes par l'ensemble des acteurs mondiaux dans les six mois qui viennent.
Dès lors, il ne faut pas s'étonner, compte tenu de l'environnement économique, que cette industrie, depuis sa création, n'ait jamais créé plus de bénéfices que de pertes. Parfois, l'industrie du transport aérien gagne un peu d'argent, mais elle le reperd généralement dans les années qui suivent. Il existe donc un problème qui vient de sa position dans la chaîne de valeurs, qui va des constructeurs d'avions ou de moteurs jusqu'aux passagers.
Malgré cela - et je voudrais leur rendre hommage - toutes les compagnies françaises se sont battues au cours des dernières années, ont engagé des restructurations parfois importantes, souvent avec l'aide de leurs salariés. On pourrait citer le groupe Dubreuil, avec Air Caraïbes, qui a lancé récemment de manière innovante une compagnie à bas coût . Voilà une façon de répondre à la question de la complexité de l'équation économique.
Je citerai bien évidemment Air France, qui entre 2011 et 2015, a fait passer son résultat d'exploitation de moins 600 millions d'euros à plus 500 millions d'euros, au prix de restructurations importantes, avec l'appui de ses salariés et de sa représentation syndicale. En 2016, la compagnie continuera à dégager un bénéfice, même si le drame de la perte d'attractivité de Paris a eu, depuis juin, un impact très négatif sur notre activité.
Les compagnies sont évidemment les principaux acteurs de ce mouvement et de la restauration de la compétitivité du secteur aérien.
Pour ce qui est du rapport de la Cour des comptes, l'exposé de la présidente de la septième chambre me convient. Elle a insisté depuis le début sur les coûts. La compétitivité d'une entreprise repose en effet sur la capacité à maîtriser ses coûts pour être meilleure par rapport à ses concurrents.
Je ne reviens pas sur SESAR, évoqué par Patrick Gandil. Au sujet des nuisances sonores, il nous a indiqué qu'il existait deux impératifs et qu'il était difficile de trancher entre les deux.
En matière de sûreté, le rapport de la Cour des comptes recommande de prendre garde à la dépense, mais je pense qu'il faut également avoir un vrai débat sur son efficacité et sur la meilleure manière de faire en sorte que ce besoin important coûte moins cher. C'est crucial, d'autant que, contrairement à d'autres pays, la contribution des compagnies aériennes aux dépenses de sûreté est très élevée. D'après nos calculs, les compagnies aériennes payent 78 % de la dépense de sûreté, pourcentage bien plus élevé que chez certains de nos concurrents.
Au-delà de cette question, sur laquelle j'attends des réponses plus fermes de la part de la Cour des comptes, on ressent la même hésitation des auteurs du rapport sur la taxe de solidarité. Je ne peux pas non plus me satisfaire d'une réponse consistant à dire qu'on a dépassé le montant qu'on attendait, et qu'on pourrait peut-être baisser légèrement le montant prélevé sur les billets d'avion. Je persiste et je signe : sans remettre en cause l'usage qui est fait de l'argent ainsi collecté, faire porter ce prix en totalité sur les billets d'avion me paraît profondément injustifié. Cela crée une distorsion de concurrence avec le train pour les voyages internationaux, raison pour laquelle nous ne cessons de proposer un élargissement de la taxe de solidarité. Un premier moyen possible serait de l'introduire sur les billets de train à destination de l'étranger - Londres, Genève, Bruxelles, Amsterdam, Barcelone - ce qui permettrait de baisser la contribution du transport aérien.
Taxer le transport aérien dans un but qui n'a rien à voir avec son usage ne me paraît pas rationnel. Nous souhaitons donc, au-delà de l'écrêtement proposé par la Cour des comptes, aller beaucoup plus loin et que soit envisagé rapidement un élargissement de l'assiette de cette taxe.
Je vous rejoins concernant le droit des passagers. Mais je crains qu'il ne s'agisse d'un voeu pieux. On a tenté un certain alignement au niveau européen : on a constaté une hausse systématique des frais pour les compagnies, avec des indemnités pour le passager dépassant largement le prix du billet. Je pense qu'on atteint là des niveaux qui posent problème aux compagnies aériennes.
Parmi les dernières sources de coûts pour les compagnies aériennes figure évidemment les redevances aéroportuaires. Je pense que nous avons fait des erreurs dans les modes de régulation. Je continue à préconiser une caisse unique. Limiter la régulation aéroportuaire à des redevances qui financent et garantissent peu ou prou le rendement du capital sur les investissements liés à l'aviation ainsi que tous les bénéfices commerciaux réalisés est trop favorable aux aéroports par rapport aux compagnies aériennes.
Il faut abaisser les coûts par tous les moyens possibles. Si l'Asie arrive progressivement à rééquilibrer le partage de la valeur entre l'aéroport local et les compagnies aériennes, et si nous progressons sur le dossier de la taxe de solidarité, nous pourrons créer un contexte plus favorable au secteur aérien français, qui en a besoin, même s'il s'est amélioré au cours des dernières années sans bénéficier d'aides.
S'agissant des questions d'environnement, le chapitre sur la concurrence des compagnies du golfe Persique est un peu ambigu. Pour moi, la réponse doit être politique, comme l'a suggéré Patrick Gandil. Nous nous imposons des règles que ne s'imposent pas les compagnies du golfe Persique. Dès lors, pourquoi leur laisser un libre accès au marché européen ?
C'est tout le dialogue qui a été instauré avec la Commission européenne, notamment à l'initiative d'Alain Vidalies. Cela me paraît être la seule solution, car la réponse ne peut être que politique. Pourquoi laisser notre marché ouvert à des gens qui ne respectent pas les mêmes règles que celles que nous nous imposons ? Convenons qu'il est possible pour des États de recapitaliser leurs compagnies aériennes : dans ce cas, on change le paradigme européen et l'on pourra, comme aujourd'hui certaines compagnies du golfe Persique, bénéficier de subsides d'État. Si on a fait un choix différent, il importe de clarifier les conditions de la compétition avec ces compagnies.
S'agissant du dumping et des compagnies à bas coût qui font éclater le cadre social, je rejoins la remarque de Patrick Gandil : se limiter à des contrôles sur quelques bases de compagnies aériennes étrangères en France me paraît une réponse très insuffisante en termes d'orientation. Comment régler l'accès à un marché de compagnies qui basent ou font semblant de baser leurs salariés en France, prétextant que les conditions sociales qui s'imposent à elles ne sont pas les mêmes que celles que nous imposons aux compagnies qui ont des personnels basés en France ?
C'est là tout le débat autour de l'Europe sociale. Je serai bien impuissant à le résoudre aujourd'hui, mais je pense qu'il y a là une question très importante.
Concernant les créneaux horaires et la COHOR, je partage l'avis de Patrick Gandil : la COHOR n'est absolument pas responsable du nombre de créneaux à Orly ou à Roissy.
Pour ce qui est de l'intermodalité, j'ai relevé que le rapport de la Cour des comptes affirme que l'avantage des lignes de TGV était de réduire le budget des délégations de service public pour certaines lignes aériennes. Le sujet me semble bien plus grave : la LGV-Paris-Bordeaux risque, selon les déclarations du président de la SNCF, d'être déficitaire. La valeur des trains qui ont été achetés a déjà été réévaluée à zéro dans le bilan de la SNCF. Toutefois, cette ligne va mettre à mal la ligne aérienne Paris-Bordeaux, sur laquelle Air France réalise quatorze vols quotidiens depuis Orly, et cinq vols depuis Roissy.
Enfin, la question de la politique aéroportuaire est à peine effleurée dans le rapport de la Cour des comptes. Au-delà de la question de la régulation, quel sens donne-t-on à la privatisation d'aéroports comme ceux de Toulouse ou de Nice ? Quelle sera la suite pour Lyon et Strasbourg et, demain, Montpellier ? Est-ce une stratégie de l'État de vouloir privatiser la totalité des aéroports de province ? Quel sens cela a-t-il ? Cela pose question si l'on en juge par la politique aéroportuaire américaine, une loi interdisant que tout profit sorte de l'aéroport. Lorsqu'un aéroport réalise du profit, soit il le réinvestit, soit il contribue à baisser ses coûts d'exploitation. Il n'y a pas de possibilité d'extraire de la valeur à partir d'un aéroport aux États-Unis. C'est là une politique très favorable au transport aérien américain, dont on connaît le succès.
M. Edward Arkwright, directeur général exécutif du groupe Aéroports de Paris . - Merci d'avoir convié ADP à cette audition. Augustin de Romanet, qui a été retenu à l'extérieur, vous prie d'accepter ses excuses. Il aurait été très heureux d'être là.
La stratégie d'un gestionnaire d'infrastructures comme ADP est de mettre sa productivité et tous ses moyens au service de la compétitivité de ses clients et du secteur, mais également de l'attractivité du pays. Un aéroport comme Roissy Charles de Gaulle est d'abord la porte d'entrée de la France. À ce titre, il pèse évidemment sur son attractivité.
Des éléments extrêmement intéressants sont analysés par le rapport de la Cour des comptes, que la présidente de la septième chambre a mis en évidence, notamment la dimension communautaire, qui est de plus en plus forte, en particulier en matière d'enjeux aéroportuaires. Les conditions de régulation aéroportuaire se déplacent à présent au niveau européen : l'Europe considère que le trafic en correspondance - le hub - échappe au monopole et amène des modes de régulation adaptée. C'est un élément qu'il faut prendre en compte.
Le second élément que je retiens du rapport est le fait qu'il met en avant les enjeux de compétitivité et les limites du raisonnement sur l'assiette de certaines taxes, comme la taxe de solidarité.
Nous avons cependant quelques nuances. Certains passages laissent à penser qu'on pourrait oublier que l'État est aussi contributeur à la compétitivité du secteur, notamment pour ce qui est des fonctions régaliennes. Le rapport insiste sur les fonctions de navigation aériennes et sur le rôle de la DGAC. La question du rapporteur général à propos de PARAFE met en évidence qu'il existe d'autres services de l'État qui jouent un rôle majeur dans cette activité, comme la PAF dans le cas du passage aux frontières, par exemple.
Ma deuxième nuance est plus technique : j'appelle votre attention sur le fait que les sources des éléments relatifs à la sûreté ont été contestées par les opérateurs aéroportuaires, et si les méthodologies du CGEDD ne permettent pas de publier les contradictions, je profite de l'occasion qui m'est donnée pour dire que les tableaux auxquels il est fait référence ont donné lieu à des contestations de la part des opérateurs aéroportuaires.
Ma troisième nuance porte sur la concurrence et comporte trois éléments.
S'agissant des outils, nous avons une nuance sur la caisse. La France a fait le choix, en 2010, d'un système de régulation appelé caisse aménagée, qui a pour objectif de révéler les vrais coûts de chacune des activités qui contribuent à l'activité aéroportuaire. Ceci a surtout permis de financer des investissements extrêmement importants. ADP financera 4,6 milliards d'euros d'investissements physiques en Île-de-France entre 2016 et 2020, et a investi 2,6 milliards d'euros entre 2010 et 2015, le tout sans solliciter le contribuable ou des subventions publiques, modes de financement traditionnels des gestionnaires d'infrastructures dans le passé.
Pour ce qui est des instances, tous les acteurs du secteur sont extrêmement attentifs à la manière dont ils travaillent et dialoguent ensemble. Il existe quelques angles morts. Le rapport de la Cour des comptes mentionne notamment celui sur la consultation des usagers en matière de frais de sûreté. C'est un élément sur lequel beaucoup de compagnies et beaucoup de gestionnaires d'infrastructures interpellent la DGAC. Peut-être existe-t-il là un moyen de rapprocher les points de vue sur la question de l'évolution des dépenses de sûreté.
Le second élément de contribution porte sur la question de la sûreté. Je voudrais insister sur ce point. Le contexte met en lumière le fait qu'il s'agit d'un sujet très difficile, sur lequel on peut être tous les jours démenti par une actualité sinistre. Des acteurs se mobilisent tous les jours pour l'éviter. ADP est actionnaire de l'aéroport Atatürk. Treize de nos collaborateurs ont été assassinés dans les attentats de Turquie. Pour certains, il s'agissait d'agents de sûreté. Nous savons donc ce que c'est que de se mobiliser sur ces questions, et c'est d'abord cet angle qui motive l'ensemble des acteurs de cette chaîne.
Deuxième réflexion sur la sûreté : nous cherchons à en diminuer le coût. C'est le cas de tous les acteurs, et même des prestataires. Nous avons ainsi revu, avec la DGAC et les compagnies aériennes, tous les modes de fonctionnement de ceux qui vous inspectent au moment du passage par les postes d'inspection filtrage. Nous allons diminuer les coûts de cette inspection par passager de 10 % entre 2015 et 2019. Cela ne veut pas dire que les dépenses de sûreté vont baisser en général, car il existe des investissements très importants dont nous discutons étroitement avec la DGAC.
Il faut donc avoir, sur le sujet de la sûreté une vision cohérente. On ne peut prendre une décision sans en déterminer le mode de financement. On peut faire des économies d'un côté, mais il faut que la représentation nationale ait bien conscience de certains coûts.
Troisième élément de contribution : le passager a été absent de la discussion jusqu'à maintenant. Selon le gestionnaire d'infrastructures, une stratégie, si elle doit être révisée ou refondée, doit mettre le passager au centre de tout. Cela concerne la sûreté ou la sécurité, mais aussi le prix qui peut être le leur - sous forme de taxe ou de redevance -, la connectivité, l'accessibilité aux gestionnaires d'infrastructures, et bien évidemment la qualité du service dans les infrastructures.
Ceci me permet de répondre aux deux questions évoquées à propos de PARAFE et du taux de contact.
Pour ce qui est de PARAFE, la France est en retard par rapport aux grands gestionnaires d'infrastructures. Des débats extrêmement longs ont eu lieu entre l'État et lesdits gestionnaires pour savoir comment partager le financement de son déploiement. Les débats doivent maintenant cesser, puisque c'est le passager qui en subit les conséquences. ADP déploiera donc un nombre très important de sas PARAFE dans les mois qui viennent et a signé les marchés pour ce faire, sans attendre que les discussions sur le financement soient achevées, de telle sorte que le passager n'en subisse pas les désagréments.
Concernant le taux de contacts, la stratégie est simple : les compagnies comme les aéroports ont intérêt à ce que le maximum de passagers soient au contact. Cela ne signifie pas qu'il faut que le maximum d'avions soient au contact, puisque certains sont plus ou moins remplis.
S'agissant de Roissy Charles de Gaulle, plus de 93 % des avions et de 94 % des passagers sont au contact, et ce taux progresse. À Orly, c'est le cas de 76 % des avions et de 83 % des passagers. Ces taux ont régressé depuis l'année dernière. Pourquoi ? Orly est en travaux. Il faut refaire Orly, alors que le trafic y augmente de 4,5 % par an et que Transavia voit son trafic multiplié dans des proportions très importantes, qui sont très satisfaisantes pour l'ensemble des acteurs. Il faut donc tout refaire, avec un trafic qui augmente de 4,5 % par an.
Nous avons donc décidé, en lien avec les compagnies, de privilégier les avions les plus remplis. Nous mettons en place trois éléments pour répondre à cette problématique : diminuer les trajets en bus, réaliser les investissements pour qu'à partir de 2019-2020 les taux retrouvent ceux de Roissy Charles de Gaulle. Nous avons enfin mis en place des incitations tarifaires pour accompagner les compagnies vers une efficacité croissante de leurs rotations, notamment par des baisses de redevance ou des incitations à la performance.
M. Albéric de Montgolfier , rapporteur général de la commission des finances . - La redevance est telle la même pour le bus et le contact ?
M. Edward Arkwright . - Non. C'est normal : la compagnie supportant le coût du bus, on ne va pas la faire payer deux fois.
L'engagement des équipes d'ADP, notamment au niveau opérationnel, est quotidien. Cette compétitivité réside d'abord dans nos processus opérationnels et dans leur robustesse. Au-delà des nuances, je crois pouvoir dire qu'il y a quotidiennement sur chacune de nos plateformes des relations excellentes avec chacun de nos clients.
M. Éric Doligé . - Ma question s'adresse à la Cour des comptes.
Vous avez dit qu'il existait trop de petits aéroports. Qu'est-ce qui vous a conduit à cette remarque - peut-être justifiée ?
L'une de vos recommandations préconise de délester l'Île-de-France et de mieux répartir le trafic. Vous parliez de Vatry au Nord, et de Pithiviers au Sud, où tout est à faire : à ma connaissance, il doit seulement y avoir un peu de terre et de pelouse. Il existe toutefois des aérodromes mieux aménagés dans le secteur.
Vous évoquez les vols Schengen. Il existe des réglementations et des décisions au niveau de l'État qui sont en perpétuel mouvement. Les petits aéroports attendent en permanence des décisions pour savoir s'ils seront ou non concernés par les vols Schengen, ce qui pose des problèmes pour l'accueil des passagers, voire pour la fermeture d'un certain nombre de mouvements.
Enfin, les avions d'affaires sont soumis à une taxation. Or, dans nos aérodromes locaux, nous constatons que la plupart des avions sont immatriculés soit en Belgique soit aux États-Unis et nous échappent, alors qu'on pourrait toucher des taxes inférieures mais plus nombreuses.
Ne pensez-vous pas qu'il conviendrait d'étudier les conditions dans lesquelles l'aviation d'affaires est taxée ?
M. André Gattolin . - Ma question s'adresse également à la Cour des comptes.
Tout comme le rapporteur général, je reste sur ma faim. Certes, il s'agit d'une commande, mais j'ai l'impression que l'angle choisi, qui est celui de la compétitivité du transport aérien, occulte la question de la complémentarité entre les différents modes de transport, en particulier entre l'avion et le train.
Un vague passage leur est consacré en pages 21 et 22. Il me paraît difficile de considérer les politiques publiques relatives au secteur aérien sans tenir compte des politiques publiques qui concernent le ferroviaire.
Ce sujet est abordé uniquement sous l'angle de la connectivité et de la durée du trajet. Je pense qu'il y a aussi une question de coût. Aujourd'hui, un billet d'avion Paris-Marseille coûte moins que cette même liaison par le train. Cela pose un certain nombre de questions sur le fait de savoir comment on engage l'argent public.
Pensez-vous que l'on puisse vraiment tendre à l'efficacité des politiques publiques de transport si l'on s'interroge seulement sur l'optimisation de la compétitivité du transport aérien ?
M. Marc Laménie . - Ma question s'adresse aussi à la Cour des comptes.
Je rejoins mes collègues au sujet de la concurrence avec le rail. À qui appartient la décision de complémentarité, qui est réellement indispensable ? On raisonne malheureusement trop individuellement par mode de transport, et on ne peut que le regretter.
Par ailleurs, le site de Vatry est effectivement relié au rail, mais les infrastructures ferroviaires sont sous-utilisées. Pourtant, Vatry possède un embranchement avec l'ancienne ligne de fret Châlons-Troyes, sur l'ancien axe Paris-Strasbourg...
M. Philippe Dallier . - Ma question concerne le fameux projet CDG Express, entre la gare de l'Est et l'aéroport Roissy Charles de Gaulle. Le rapport y consacre une demi-page, et la Cour de comptes ne s'avance guère, alors qu'on pourrait écrire un roman sur ce dossier qui remonte à vingt ans !
Je me souviens avoir reçu dans mon bureau, à la mairie des Pavillons-sous-Bois, les gens de la SNCF, qui m'avaient expliqué qu'on allait construire un tunnel de quatorze kilomètres, que tout serait autofinancé par les billets, et que ce serait réalisé en quatre ou cinq ans. On était en 1999 !
Depuis, tout a changé. On nous disait qu'il n'y aurait pas de financement public, pas de garanties d'emprunt, et que tout serait financé par des recettes d'exploitation. La Cour des comptes l'a dit : en fait, on va à nouveau demander à Air France de taxer ses passagers ! Un problème, une taxe : cela continue !
Pourquoi n'êtes-vous pas allé plus loin, madame la présidente, et pourquoi ne demandez-vous pas à l'État de prendre ses responsabilités plutôt que de taxer à nouveau les compagnies aériennes ? Il s'agit d'un projet d'intérêt national, surtout dans l'optique des Jeux Olympiques de 2024.
Enfin, pourrions-nous connaître l'avis d'Air France et d'ADP sur ce point ?
Mme Michèle André , présidente . - C'est un beau sujet, dont nous parlerons sûrement encore dans quelques jours !
M. Antoine Lefèvre . - Je voudrais remercier la présidente Évelyne Ratte, dont on connaît la rigueur et le sens de l'État, pour son rapport.
J'avais, à la suite de mon collègue Dallier, prévu d'évoquer la liaison CDG Express. Vingt-trois ans se seront en effet écoulés depuis le début du projet lorsque la liaison sera mise en service, en 2023. Pensez-vous que la taxe sur les passagers est en mesure d'assurer le financement complet de cette ligne ou faut-il encore craindre un décalage du calendrier, ce qui serait désastreux pour une réalisation essentielle, puisque nous sommes un des rares pays dont la capitale n'est pas reliée directement à son aéroport principal ?
M. Michel Bouvard . - Au regard de la grande qualité du rapport qui nous est livré, j'ai scrupule à émettre un regret : nous continuons à être victime du syndrome de la terre plate, et les aéroports binationaux sont totalement exclus de la lecture qui nous est fournie. Il faut aller dans une note au bas de la page trente-cinq pour trouver mention de la situation de l'aéroport de Bâle-Mulhouse, avec ses cinq millions de passagers. La situation de Genève, quant à elle, est totalement ignorée.
Or, sur les problématiques de transport aérien, en dehors de l'Île-de-France, on ne peut ignorer les zones frontalières. 80 % de la clientèle touristique qui arrive aujourd'hui par avion dans les stations de sports d'hiver du massif alpin viennent de la plateforme aéroportuaire de Genève et non de celle de Lyon, qui connaît d'ailleurs des problèmes d'acheminement très sérieux par le réseau routier. Si on veut avoir une vision complète des choses, il est donc impératif d'évoquer les aéroports binationaux.
En second lieu, je suis de ceux qui militent pour qu'on adopte une logique de redevance pour permettre le financement d'un certain nombre d'infrastructures par ceux qui sont susceptibles de les utiliser, comme la liaison CDG Express. On sait très bien que le budget de l'État n'en aura jamais les moyens. Ces infrastructures ne se feront donc pas et nous connaîtrons à nouveau un retard dans l'équipement du pays, alors que c'est un atout pour notre attractivité.
M. Michel Canevet . - Je souhaite formuler quelques observations, en remerciant la présidente de la septième chambre.
Éric Doligé a rappelé nos propos sur la suppression d'un certain nombre d'aéroports. Vous avez, dans votre rapport, une formule bien plus édulcorée en évoquant la question de la cohérence du maillage aéroportuaire. À combien estimez-vous le nombre de passagers permettant de conserver un aéroport ?
Je n'ai pas non plus trouvé trace dans le rapport de questions relatives à la TVA. C'est un sujet important, dans un contexte où la concurrence internationale est extrêmement forte. Il importe de savoir si les compagnies qui opèrent sur le territoire national règlent ou non la TVA sur les vols. J'ai essayé de m'y intéresser dans le cadre du contrôle parlementaire, mais je n'ai pu obtenir de réponse explicite du Gouvernement à ce sujet.
Avec mon collègue Vincent Delahaye, nous nous sommes également interrogés sur ce que vous avez écrit à la page 56. Vous indiquez : « L'État dispose d'une faible marge de manoeuvre pour agir en matière sociale » , alors même que l'on sait que, dans un contexte hyperconcurrentiel, la question des coûts de production est essentielle pour la compétitivité des entreprises.
On voit bien qu'il existe une nette différence entre les coûts des charges sociales en France et dans le reste de l'Europe. Il importe donc d'agir à cet égard pour que les entreprises puissent être compétitives. On ne peut considérer que l'État n'a pas les moyens d'agir en la matière.
Je voulais évoquer avec le président-directeur général d'Air France, outre la question des coûts, celle de la fiabilité des transports. Je suis moi-même un usager. Hier, le vol que je devais prendre, qui venait de Quimper, a été annulé. Cela arrive très fréquemment. Peut-on améliorer la fiabilité ?
Enfin, s'agissant du contrôle aérien, je suis indigné par les différents mouvements sociaux qui affectent souvent la qualité du service. Je pense qu'il faudrait trouver des solutions pour éviter tout cela.
M. Éric Bocquet . - Je désirerais apporter un commentaire sur un point que vous soulevez, essentiel dans le contexte du transport aérien, concernant la concurrence, notamment déloyale. On connaît les recettes qui ont assuré la réussite de Ryanair, au-delà des contrôles effectués sur les bases d'affectation, qui est un problème juridique - statut d'autoentrepreneurs des pilotes, subventions des collectivités françaises pour obtenir les liaisons sur leur territoire, ce que je peux comprendre, financement par les agents eux-mêmes de leur propre formation de pilote ou de personnel navigant, immatriculation dans des territoires fiscalement paradisiaques et autres.
Tout cela crée les conditions d'une concurrence déloyale qui pose un véritable problème et qui relève de l'échelon européen, ainsi que l'ont souligné plusieurs d'entre nous. Cela me paraît absolument légitime. La question de l'harmonisation sociale reste toujours une idée neuve en Europe et un chantier à ouvrir enfin.
Il existe cependant une sorte de schizophrénie au sein de l'Union européenne, puisque la Cour de justice de l'Union européenne a validé il y a quelque temps la primauté de la libre prestation de service sur la protection du travailleur. On a donc des velléités de réglementation - il faut effectivement réguler, là comme ailleurs - mais cette décision de justice vient affaiblir cette volonté.
M. Jean-Claude Requier . - Je souhaite bon courage au président-directeur général d'Air France pour sauver son entreprise. Je suis en effet très inquiet pour Air France, où les pilotes gagnent 30 % de plus et travaillent 30 % de moins que les autres pilotes européens. Comment faire pour sauver Air France ? Quand je me rends à l'étranger, je suis très content de constater que notre pavillon flotte presque partout dans le monde, mais pour combien de temps encore ?
S'agissant des contrôles aériens, j'ai mal saisi ce qu'a dit Patrick Gandil à propos du coût et les rémunérations. Les contrôleurs aériens sont-ils moins bien payés qu'à l'étranger ?
Par ailleurs, je voudrais apporter mon témoignage à propos de la ligne Paris-Brives, qui, si elle n'est pas essentielle, doit cependant exister : comme pour Quimper, on enregistre beaucoup de retards, et parfois même des annulations.
Enfin, je voudrais dire au directeur exécutif d'ADP que j'utilise souvent les bus. Ces véhicules sont cahoteux et polluants ! On est relégué tout au fond de l'aéroport, le plus loin possible. De nombreux stops jalonnent le trajet, et on est secoué en permanence. Est-il prévu que l'on puisse accéder à pied aux avions ?
M. Francis Delattre . - Le délestage de la région parisienne est un véritable serpent de mer.
On évoque aujourd'hui de nouveaux satellites pour les deux grands aéroports parisiens. En réalité, il y en a trois, et ce depuis vingt ans : Vatry, Châteauroux-Déols - les pistes existent et l'aviation civile pratique régulièrement des essais importants sur les infrastructures - et Beauvais, au Nord, qui se développe à très grande vitesse avec les compagnies à bas coût, et qui comporte des liaisons par bus avec Paris.
Pourquoi ces trois aéroports ne se développent-t-il pas ? En fait, il faudrait que les trois autorités locales qui gèrent ces aéroports confient leurs intérêts à ADP, qui tient tout. C'est un mal français qui existe depuis le gouvernement Raffarin, et rien ne se fait.
Quant à CDG Express, il ne me semble pas avoir rêvé : les gens de la BEI, que nous avons entendus il y a un peu plus de deux ans, nous ont présenté le plan Junker, qui s'élevait à 315 milliards d'euros en nous expliquant que CDG Express constituerait un investissement intéressant. Le montant de ce plan vient de doubler. Il y a quelque chose à faire !
Les touristes empruntent largement nos transports en commun. Nous qui voulons par ailleurs accueillir les futurs jeux Olympiques à Paris, ce devrait être une véritable priorité.
M. Thierry Carcenac . - Madame la présidente de la septième chambre, vous avez limité le périmètre de l'enquête, même si les problèmes d'aménagement du territoire méritent d'être examinés. On voit notamment, pages 20, 21 et 22, que vous renvoyez à des travaux du Conseil supérieur de l'aviation civile sur les territoires, qui ont conduit cette instance à demander au Conseil général de l'égalité des territoires de mener une étude sur le maillage aéroportuaire.
En matière d'aménagement du territoire, il existe des obligations de service. Comment appréciez-vous ces petits aéroports, que vous avez jugés trop nombreux ?
M. Yvon Collin . - Je voudrais remercier Vincent Capo-Canellas de son initiative, ainsi que la Cour des comptes pour ce rapport fort documenté, qui démontre à l'évidence la complexité de ce domaine qu'est le transport aérien. Je puis en témoigner pour avoir été rapporteur du budget de l'aviation civile durant une dizaine d'années.
Je souhaiterais revenir sur un problème récurrent, celui des dépenses de sûreté. Le fait que le transporteur assure 78 % de ces dépenses est effectivement insupportable. Je le faisais observer chaque année, et c'est toujours d'actualité. Quand l'État prendra-t-il à son compte ces dépenses régaliennes qui, indiscutablement, lui reviennent ?
M. Philippe Dominati . - Je voudrais insister, comme un certain nombre de mes collègues, sur la liaison CDG Express. C'est un serpent de mer qui agite les collectivités territoriales - dont la capitale, depuis très longtemps - avec des variations et des études économiques plus ou moins aléatoires, pour desservir des quartiers comme la gare de l'est et le dixième arrondissement de Paris, reconnus internationalement comme quartier d'affaires.
Je voudrais obtenir une réponse claire : Air France, principal utilisateur de la plateforme aéroportuaire, considère-t-il que le fait de taxer 70 % de la clientèle qui n'utilise pas cette liaison améliore sa compétitivité ?
Par ailleurs, les évolutions du capital et l'entrée de partenaires spécialisés comme Vinci ont-ils modifié la vision d'ADP sur cette liaison ?
Concernant la sécurité, en quoi payez-vous plus que d'autres plateformes aéroportuaires en Europe ? Ce peut être un problème en termes de compétitivité et j'aimerais connaître le différentiel que cela représente par rapport à d'autres aéroports européens.
Mme Évelyne Ratte . - Je remercie Vincent Capo-Canellas de ses propos aimables sur la qualité du rapport de la Cour des comptes.
Vous n'êtes pas d'accord avec nous sur l'affectation du surplus de taxe au désendettement du BACEA. C'est une question un peu secondaire.
En réalité, la finalité et l'objectif sont les mêmes, si ce n'est que l'horizon n'est pas tout à fait identique, nous en sommes bien d'accord : soit on affecte ce surplus de taxes immédiatement à une baisse de redevance, et l'effet est immédiat, soit on commence par désendetter le BACEA et améliorer son équilibre financier, ce qui permettra de diminuer les redevances.
J'ai été peinée d'entendre le rapporteur général de la commission des finances dire sa déception au sujet du rapport de la Cour des comptes. Je peux toutefois la comprendre. Je voudrais simplement rappeler que nous n'avons disposé que de peu de temps pour le rédiger. Nous ne pouvons tout faire. Nous exploitons au maximum les travaux que nous avons déjà faits, nous procédons aux enquêtes sur les sujets sur lesquels nous ne sommes pas à jour ou que nous ne connaissons pas vraiment, mais cela reste un exercice difficile.
Vous dites être déçu par ce que nous écrivons à propos des aspects sociaux. Il faut lire notre rapport en creux. Nous affirmons très clairement que nous ne sommes absolument pas favorables à la création de niches sociales supplémentaires. Ce n'est peut-être pas dit de manière aussi directe que vous le souhaitez, ce qui vous fait dire que nous employons une expression édulcorée, mais le message est assez clair sur le fond. Nous avons essayé de nous démarquer dans nos propositions par rapport à tout ce qui a déjà été proposé et qui nous paraît constituer de fausses bonnes idées.
Vous êtes également resté sur votre faim concernant les compagnies du golfe Persique ou les compagnies à bas coût. Ce sont des sujets que nous ne contrôlons pas. Nous ne contrôlons même plus Air France. Dès lors, nous ne sommes pas en mesure de véritablement fonder des constats et d'émettre des recommandations.
Nous en parlons cependant, et ce que nous disons va tout à fait dans le sens du président-directeur général d'Air France : ce sont des décisions politiques qui peuvent éventuellement établir un peu d'ordre en termes de concurrence.
S'agissant de la taxe de solidarité, madame la rapporteure pour avis, notre titre est très clair. Je vous renvoie au sommaire : « La taxe de solidarité est un prélèvement défavorable à la compétitivité du secteur aérien » . La Cour a donc tout dit.
Quelle assiette faut-il rechercher ? Vous avez cité la grande distribution, évoquée dans le rapport Le Roux. C'est une proposition qui a été écartée, mais ce n'est pas à la Cour des comptes d'en décider. Cela relève du pouvoir politique. Nous sommes cependant d'accord quant au constat.
Je vais essayer de répondre aux questions posées par l'ensemble des sénateurs, que je remercie de leurs interventions. Ces questions sont souvent très pertinentes et reflètent bien les enjeux les plus importants du secteur.
Je ne suis pas en mesure de répondre à certains points qui ne sont pas dans notre champ de compétences. Je pense à la question du sénateur Doligé sur l'immatriculation des avions d'affaires. C'est un sujet sur lequel nous n'avons pas travaillé.
C'est en tout cas une question qui se pose. Peut-être faut-il l'adresser à Patrick Gandil.
Il en va de même pour les aéroports binationaux évoqués par le sénateur Bouvard. Nous ne sommes pas compétents pour étudier ce qui se passe à Genève ni même à Bâle-Mulhouse.
Certains sujets sont revenus avec beaucoup d'insistance, comme le CDG Express. Je comprends qu'il soit à l'ordre du jour, une proposition de financement devant figurer dans le projet de loi de finances rectificative qui sera présenté au Parlement. La Cour des comptes ne contrôle pas des projets, mais en principe des situations existantes.
Nous nous autorisons à faire un historique de ce projet d'investissement qui est parlant en lui-même. Le fait que la Cour des comptes décrive par le menu comment tout cela a évolué ou non constitue déjà un constat. Aller au-delà ne relève pas vraiment de nos compétences.
J'ai pris quelques risques en évoquant le sujet du maillage aéroportuaire en allant au-delà de ce qui figure dans le rapport. On dit qu'il faut rechercher la cohérence. On l'a déjà fait dans des rapports antérieurs, notamment en 2008. Le tableau numéro 2, page 20, donne un certain nombre de ratios entre la France, le Royaume-Uni et l'Allemagne. Je suis d'accord avec vous pour dire que la géographie de notre pays n'est pas la même que celle de l'Allemagne.
Quelle est la moyenne de passagers par aéroport ou le nombre d'aéroports par million d'habitants ? Entre 0,45 en France et un en Allemagne, il y a une marge. Quel est le niveau souhaitable ? Je ne crois pas que la Cour des comptes puisse le dire : elle ne dispose ni des experts ni des compétences pour cela.
La question doit être posée - et elle l'est puisque, comme l'a dit le sénateur Carcenac, un travail sur le maillage aéroportuaire est actuellement en cours au sein des services compétents de l'État.
La complémentarité entre l'avion et le rail constitue un sujet important. La Cour des comptes l'a déjà abordé dans d'autres rapports. C'est pourquoi nous avons peut-être été un peu rapides. Lorsqu'on parle de « valoriser les synergies liées à l'intermodalité » , on a dit beaucoup de choses.
Je renvoie à un rapport que nous avons réalisé à propos de l'aéroport de Bordeaux. Notre rapport se devait d'être synthétique et ne nous permettait pas d'analyser finement telle ou telle situation.
M. Patrick Gandil . - S'agissant des aéroports, la question clé de la compétitivité du transport aérien en France passe par l'analyse de nos aéroports par taille.
Paris est un aéroport assez cher par comparaison avec les grands hubs en termes de coûts de toucher, qui représentent l'ensemble des coûts que paye un avion lorsqu'il se pose. Les paramètres de régulation y sont pour quelque chose - choix de rentabilité du capital, simple et double caisse, etc. La sûreté joue un rôle très important et entraîne certainement un différentiel de coûts au détriment de la France, qui n'est cependant pas aussi important que ce qui est dit. Dans la plupart des pays européens, une grosse partie des dépenses de sûreté est payée par le transport aérien, soit directement, par le biais des redevances aéroportuaires, soit du fait d'une taxe dédiée, comme en France.
Dans notre pays, on va très loin dans le paiement des coûts de sûreté. Pour autant, la DGAC est tout à fait hostile à l'idée de financer PARAFE de cette façon. PARAFE n'a rien à voir avec la sûreté au sens antiterroriste du terme : il s'agit de contrôles aux frontières et de faciliter le passage des voyageurs. Les enjeux en matière de lutte antiterroriste sont si importants qu'on est très attentif à ne pas augmenter ce paramètre.
Concernant les petits aéroports de province, l'État a été incapable d'améliorer cette situation - si tant est qu'il faille le faire - quand il en était responsable. Aujourd'hui, on les a décentralisés. Il serait outrancier de ma part de donner des leçons alors que j'ai dirigé les bases aériennes à une époque où on les avait toutes et où on n'a pas été capable de résoudre les problèmes des petits aéroports.
Un aéroport doit-il forcément être rentable ? Ce n'est pas évident. Les gros aéroports commerciaux doivent forcément l'être et être financés par des recettes d'exploitation ainsi mais, quand on descend en gamme, on trouve de petits aéroports avec une seule ligne. Le jour où il n'existera plus d'aéroport à Aurillac, il n'y aura plus non plus de chefs d'entreprise à Aurillac. On a donc besoin de ces aéroports.
On a également besoin d'aérodromes avec des vols sanitaires, des transports d'organes, des vols de plaisance, des services publics. Une route départementale n'est pas rentable en soi. Il y a donc toute une gradation, depuis le petit aéroport qui constitue un service public comme le terrain de football, jusqu'au grand aéroport rentable. Il faut l'analyser dans toute sa complexité en tenant compte de toutes les missions à assurer.
En matière de sûreté, la péréquation de la taxe d'aéroport est un élément de coût important pour les grands aéroports, notamment ADP et les compagnies aériennes, dont Air France. Mais sans elle, il serait impossible de voler sur les petits aéroports. Nous vous proposons d'année en année de réduire cette péréquation et d'augmenter un peu les coûts acquittés par les usagers sur les petits aéroports, tout en restant dans une fourchette raisonnable. C'est un travail d'équilibre.
Nous sommes bon marché sur le contrôle en route et chers sur le contrôle local des tours et des aérodromes, parce qu'on contrôle de petits aéroports sur lesquels les recettes sont très inférieures aux dépenses. On a fermé dix tours de contrôle sur les plus petits aéroports. Il est certain qu'il y a un équilibre à trouver là aussi.
Le seul aéroport véritablement binational est Bâle-Mulhouse. Il a tout un tas de problèmes particuliers en matière de fiscalité et de droit du travail. Nous sommes en train de régler cette situation, avec de grosses difficultés. Il y a quelques années, nous avons essayé de faire payer la taxe d'aviation civile par les compagnies suisses, comme ailleurs. On m'a fait comprendre que cela devait passer par la voie diplomatique. Cette affaire est sur le point d'être résolue - mais elle n'est pas tout à fait finie.
Quant à Genève, il s'agit d'un aéroport suisse sur lequel la France a un strapontin, mais ce n'est pas un établissement public binational. La situation n'est pas tout à fait la même. La concurrence entre Genève et Lyon doit s'apprécier au regard de toutes les responsabilités diplomatiques de la ville de Genève. Elle jouit d'un statut mondial du fait des nombreuses organisations qui y sont installées. Les long-courriers la fréquentent à cause de sa fonction internationale.
M. Michel Bouvard . - Il faut une meilleure complémentarité entre les deux. Lorsqu'il y a des choix à faire sur Lyon, il faut les prendre en compte !
M. Patrick Gandil . - Je suis d'accord avec vous, mais ce n'est pas facile.
Je confirme qu'il existe un grand écart de coût entre les contrôleurs français et les contrôleurs des pays limitrophes - entre 50 et 100 % de plus pour ceux des pays limitrophes. Ces chiffres ont été établis par Eurocontrol, par comparaison entre tous les aéroports.
Les grèves constituent une situation douloureuse, mais le droit de grève existe dans notre pays. Il est plutôt plus limité dans ce secteur que dans d'autres, puisqu'on a un service minimum relativement important, mais le transport aérien s'apparente à une horlogerie fine : la moindre perturbation - grèves, neige, tempêtes de vent - prend rapidement des proportions considérables. Je fais tout pour essayer de les limiter.
Pour ce qui est de la concurrence de Ryanair, beaucoup de choses ont été revues après les derniers jugements de la Commission européenne. On a largement mis fin aux aides dites d'État dans le vocabulaire européen, constituées de subventions des collectivités locales ou des aéroports. Plusieurs interventions de la justice ont eu lieu autour des conditions de travail des personnels basés ou non. Je ne dis pas qu'on a tout réglé - loin s'en faut - mais cela va mieux. D'autre part, il existe encore des contentieux européens qui ne sont pas tous hostiles à la position française sur ce sujet.
Concernant l'immatriculation des avions d'affaires, le coût est de 91 euros quel que soit l'appareil. Ce n'est donc pas ce qui fait fuir un avion d'affaires. Nous avons toutefois un registre de propriété avec obligation de publicité. Tout le monde peut donc savoir par qui tel ou tel avion a été immatriculé. Certains propriétaires désirent rester discrets et ce facteur peut donc être défavorable. Il est bien plus important que les 91 euros.
Une des raisons de s'immatriculer en dehors de notre pays réside dans le coût général des taxes et des charges sociales, pour lesquelles d'autres sont moins chers que nous. C'est de notoriété publique.
M. Éric Doligé . - Ma question portait plutôt sur les coûts de vérification et de contrôle régulier. Les avions, en France, sont bien plus contrôlés que dans les pays étrangers, ce qui induit des coûts de revient bien plus important.
M. Patrick Gandil . - On est tous vérifié de très près par l'Agence de sécurité aérienne. On a donc les mêmes types de contrôles et de coûts. En revanche, dès qu'on sort d'Europe, on n'a pas le même niveau de contrôle de sécurité - que je revendique par ailleurs. Dans un certain nombre de pays, il vaut mieux y regarder à deux fois avant d'emprunter l'avion !
Mme Michèle André , présidente . - Et pas bien loin de chez nous !
M. Frédéric Gagey . - S'agissant des retards ou des annulations de vols, au-delà du cas particulier pour lequel je vous présente mes excuses les plus plates, je vous signale que le taux de réalisation des vols d'une compagnie comme Air France est de 99,7 %, même s'il arrive parfois des incidents dont les causes sont tantôt internes, tantôt externes.
Cet été, il y a eu sur les vols domestiques des problèmes opérationnels spécifiques pendant une période de deux mois. La performance a donc été un peu moindre. Depuis la rentrée, les indicateurs de ponctualité et de fiabilité retrouvent leurs niveaux normaux.
Seconde remarque : les pilotes ne sont pas payés 30 % de plus en travaillant 30 % de moins. Les comparaisons sont parfois complexes et peuvent dépendre du déroulement des carrières. Sur les moyens et les long-courriers, on a une population qui n'est pas la moins chère de l'industrie et qui présente parfois des niveaux de surcoût, information que partagent nos représentants syndicaux, mais on est bien loin d'avoir 60 % d'écart !
Troisième remarque : en matière de taxe de sûreté, la contribution est beaucoup plus massive en France que dans d'autres pays.
Enfin, une taxe destinée à financer le CDG Express améliorerait-elle la compétitivité d'Air France ? Ma réponse est non !
M. Edward Arkwright . - S'agissant du rail, 10 % des passagers qui arrivent à Charles-de-Gaulle hors correspondance empruntent le TGV.
Pour ce qui est des bus, j'ai répondu à propos des travaux à Orly. Par ailleurs, nous sommes en train d'investir pour refaire les différents linéaires, pistes, etc. à Roissy.
Concernant la question de Philippe Dominati sur la sûreté, ADP ne gagne pas un euro sur la sûreté. ADP a des dépenses de sûreté. Par ailleurs, ADP prendra en charge le déploiement de sas PARAFE dans des proportions bien plus importantes que par le passé. Mon propos ne consistait pas à dire que nous avons plus de dépenses de sûreté que les autres, mais de souligner que nous allons avoir collectivement beaucoup de dépenses en matière de sûreté. Il faut donc avoir une vision cohérente de celles-ci. Comme l'a dit Frédéric Gagey, la taxe de sûreté est à un niveau élevé en France par rapport à nos concurrents européens. On ne peut vouloir plus de sûreté et ne pas se poser la question du financement. Il n'y a pas d'intérêt catégoriel dans mon propos.
A-t-on besoin de CDG Express ? La réponse est oui. Selon la Direction générale des routes d'Île-de-France (DiRIF), il faut aujourd'hui quarante minutes pour aller de Paris à Charles-de-Gaule en moyenne. En 2030, ce sera quatre-vingts minutes ! On en a donc besoin pour les Jeux Olympiques. Sans CDC Express, ce ne sera pas facile d'accueillir le CIO en mai prochain.
Est-ce pour autant aisé à réaliser ? La réponse est non. Antoine Veil l'exigeait déjà il y a plus de vingt-cinq ans. Pourquoi ? Il existe d'abord un problème politique : il n'est pas facile de mettre en place un système de transport dédié aux touristes dans une région qui connaît par ailleurs une saturation de ses transports quotidiens. Le Grand Paris et les décisions du Gouvernement en la matière ont permis d'aplanir en partie ce problème et d'avoir un mode de financement et de gestion du projet qui ne provoque pas un effet d'éviction entre cette liaison et les transports quotidiens en Île-de-France.
Ce projet est-il simple à financer ? La réponse est non, en raison de ce que je viens de dire à l'instant : il n'est pas évident de financer 1,4 milliard d'euros d'investissement. Le projet de loi autorisant la mise en concurrence de l'exploitant ferroviaire sera examiné en première lecture par votre assemblée dans quelques jours. Quelle peut-être la ressource affectée ? Le débat se prolonge.
Cette ressource peut-elle venir de la BEI ? On l'aurait tous souhaité, mais la BEI estime que les choses sont compliquées : le cadre d'intervention de la BEI ne lui permet pas d'investir dans ce genre de projet. Cela ne sert donc à rien de prendre des décisions politiques difficiles et de solliciter le Parlement si le système ne peut être financé. C'est pour cela que nous allons nous mobiliser dans les jours qui viennent.
Le projet de loi que vous examinerez présente des éléments extrêmement importants : concession de travaux de gré à gré, création d'un gestionnaire d'infrastructures, mise en concurrence de l'exploitation ferroviaire. Le financement viendra peut-être au moment du collectif budgétaire, ou dans un autre texte.
Les élus d'Île-de-France qui sont autour de la table savent que l'enquête publique qui s'est terminée va amener SNCF Réseau et ADP à prendre des engagements vis-à-vis d'un certain nombre d'élus, notamment de communes traversées par le projet.
ADP a-t-il changé de point de vue ? ADP a changé de point de vue non lorsque son équilibre actionnarial a été modifié en juin 2013, mais lorsqu'Augustin de Romanet a été nommé président-directeur général d'ADP et qu'il a indiqué que c'était la priorité de son mandat.
Mme Michèle André , présidente . - Le mot de la fin appartient à notre rapporteur spécial.
M. Vincent Capo-Canellas , rapporteur spécial . - Merci à tous les contributeurs de leurs interventions dans ce débat, qui a été riche et dont l'intérêt a été soutenu.
Je relève un point très positif : le secteur arrive à parler non d'une même voix, mais de manière harmonieuse, avec des points de différence, mais une volonté globale d'avoir un raisonnement de filière et de secteur.
Je pense que c'est ce qui répond à l'interpellation que nous a livré la Cour des comptes : il faut avoir une stratégie un peu plus concertée entre les différents acteurs, même si certains sujets apparaissent difficiles.
Il faut donc travailler sur la taxe de solidarité. Je retiens aussi que beaucoup de pistes sont techniques et qu'il existe un travail à mener avec la Commission européenne. Peut-être pourrons-nous trouver, avec la présidente de la commission des finances et la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable comment y contribuer.
Certains points, comme l'harmonisation de la concurrence ou le droit social, relèvent du niveau européen.
Il nous faudra également essayer d'aborder des sujets complexes, notamment en ce qui concerne le partage de la chaîne de valeurs, les questions de redevances et de politique aéroportuaire, autant de sujets qui ne sont pas simples mais qui sont devant nous.
Peut-être pourrons-nous trouver les formes pour prolonger ce débat. Je retiens l'intérêt qu'il y a à poser un raisonnement global sur la filière, afin que le pavillon français puisse continuer à flotter dans le ciel étranger, ainsi que le disait Jean-Claude Requier.
Au terme de ce débat, la commission a autorisé la publication de l'enquête de la Cour des comptes et du compte rendu de l'audition en annexe à un rapport d'information de M. Vincent Capo-Canellas.
ANNEXE : COMMUNICATION DE LA COUR DES COMPTES À LA COMMISSION DES FINANCES
Ce document est consultable en format pdf.
* 1 Cour des comptes, Rapport public thématique : Les aéroports français face aux mutations du transport aérien, juillet 2008.
* 2 Règlement (CE) n° 868/2004 du Parlement européen et du Conseil du 21 avril 2004 concernant la protection contre les subventions et les pratiques tarifaires déloyales causant un préjudice aux transporteurs aériens communautaires dans le cadre de la fourniture de services de transport aérien de la part de pays non membres de la Communauté européenne.
* 3 Rapport d'information n° 180 (2015-2016), de MM. Jean Bizet, Éric Bocquet, Claude Kern et Simon Sutour, fait au nom de la commission des affaires européennes, déposé le 19 novembre 2015.
* 4 Décision du Conseil d'État n° 379574 du 29 avril 2015.
* 5 Décret n° 2016-825 du 23 juin 2016.
* 6 Rapport d'information n° 31 (2016-2017) de M. Vincent Capo-Canellas, fait au nom de la commission des finances, déposé le 12 octobre 2016.
* 7 Étude de parangonnage sur le coût et le financement de la sûreté aéroportuaire, Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD), octobre 2014.
* 8 Arrêté du 27 janvier 2017 fixant les taux unitaires des redevances de navigation aérienne et la liste des aérodromes assujettis à la RSTCA-M et à la RSTCA-OM par zone tarifaire terminale à compter du 1er janvier 2017.
* 9 Le taux unitaire de la redevance pour services terminaux de la circulation aérienne métropole (RSTCA-M) pour les aéroports de Paris-Charles-de-Gaulle et de Paris-Orly est passé de 226,19 euros en 2016 à 177,69 euros en 2017 tandis que celui des autres aéroports est passé de 226,19 euros en 2016 à 222,28 euros en 2017.
* 10 Le FSD peut financer, depuis 2013, sept organismes internationaux et est alimenté, outre la taxe de solidarité, par une fraction de la taxe sur les transactions financières (TTF). Les deux principaux bénéficiaires de ce fonds sont aujourd'hui la facilité internationale d'achat de médicaments (UnitAid) et le fonds national de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme.
* 11 L'article 46 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012 instaure un plafonnement de la contribution de solidarité à 210 millions d'euros par an, qui correspond à l'objectif affiché par les pouvoirs publics lors de sa création.
* 12 La Cour estime à 50 millions d'euros par an environ le bénéficie du CICE pour Air France.
* 13 Convention de Chicago relative à l'aviation civile signée le 7 décembre 1944.
* 14 Selon le principe du « pollueur-payeur ».
* 15 Plafonnement prévu par l'article 46 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012, qui a introduit le principe d'un plafonnement des taxes affectées.
* 16 Étude pour une optimisation de l'insonorisation des locaux au voisinage des aéroports, Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD), mai 2014.