B. UNE TENDANCE À LA HAUSSE DE LA CONTRIBUTION DES USAGERS DANS LES AUTRES PAYS EUROPÉENS
Les personnalités qualifiées entendues par votre groupe de travail ont, dans leur grande majorité, indiqué que la suppression de la vignette automobile en 2000 89 ( * ) , puis la suspension, en 2014, de la mise en oeuvre de la taxe nationale sur les véhicules de transport de marchandise - également appelée « écotaxe poids lourds » - semblaient à rebours de la tendance à la hausse de la contribution des usagers observée dans les autres pays européens. Ce décalage est d'autant plus net si l'on considère le transport routier de marchandises et les transports routiers et collectifs des grandes villes.
1. La multiplication des redevances kilométriques poids lourds en Europe
En application de la directive « Eurovignette » dernièrement révisée en 2011 90 ( * ) , neuf pays membres de l'UE ont institué une redevance kilométrique pour les poids lourds, tandis que huit pays ont imposé un droit d'usage ou une « vignette » pour cette même catégorie de véhicules, selon des modalités diverses 91 ( * ) . L'objectif de ce type de contribution est de mieux prendre en compte le coût réel d'usage de l'infrastructure de transport et d'internaliser les externalités négatives, telles que les émissions de gaz à effet de serre liées à la circulation des véhicules lourds. Toutefois, les systèmes et le niveau de la taxation mis en place dans les différents États membres demeurent disparates. Une récente étude de la direction générale du Trésor confirme cette tendance à la hausse des contributions des usagers poids-lourds mais aussi des véhicules légers chez nos voisins européens 92 ( * ) .
En France, depuis la suspension sine die de l'écotaxe, les poids lourds demeurent soumis au péage sur les autoroutes concédées, selon un tarif fonction de leur classe d'émission Euro, en application de la directive Eurovignette transposée. Dans son troisième examen environnemental concernant la France, l'OCDE relève ainsi que « l'abandon de l'écotaxe poids lourds a clairement contredit le principe pollueur-payeur en maintenant une couverture partielle des coûts externes, y compris environnementaux, d'utilisation de l'infrastructure routière » 93 ( * ) .
Prélèvements sur les poids lourds dans l'Union européenne
Redevance kilométrique |
Droits d'usage / vignette |
Autriche |
Danemark |
République tchèque |
Lituanie |
Allemagne |
Luxembourg |
Slovaquie |
Pays-Bas |
Pologne |
Roumanie |
Hongrie |
Bulgarie |
Slovénie |
Suède |
Portugal |
Royaume-Uni |
Belgique |
Source : Commission européenne (2013) et commission des finances du Sénat
En Allemagne , l'introduction d'une tarification kilométrique pour les poids lourds (LKW-Maut) à partir de 2005, a permis d'opérer progressivement une substitution de recettes fiscales par des recettes de péage pour financer les investissements du réseau routier fédéral. En 2014, un peu plus de la moitié des investissements dans les routes fédérales , ont été réalisés à partir des recettes de la LKW-Maut , soit 3,1 milliards d'euros, sur un produit total de 4,4 milliards d'euros, alors même que les impôts représentaient encore 80 % de leurs sources de financement dix ans plus tôt .
À l'avenir, la LKW-Maut doit également permettre d'augmenter les ressources dévolues aux investissements routiers de 5 à 6 milliards d'euros entre 2015 et 2017. Outre l'augmentation de 4 à 5 milliards d'euros prévue pour les années 2014 à 2017 par le contrat de coalition, la LKW-Maut a en effet été élargie à 1 000 kilomètres supplémentaires le 1 er juillet 2015, en vue d'une extension à l'ensemble des routes fédérales à partir de 2018 , ce qui devrait se traduire par une hausse de l'ordre de 2 milliards d'euros par an. Le péage a également été étendu aux véhicules entre 12 et 7,5 tonnes au 1 er octobre 2015, ce qui devrait entraîner 300 millions d'euros de recettes supplémentaires.
Enfin, depuis le 1 er janvier 2016, une redevance pour les voitures particulières (PKW-Maut) est en vigueur, dont les recettes attendues s'élèvent à 500 millions d'euros par an. Selon le ministère des transports allemand, l'objectif de cet élargissement de la participation de l'usager est de garantir davantage d'indépendance par rapport au budget fédéral et ainsi plus de certitude en matière de planification des investissements, dont certains sont particulièrement urgents en raison du vieillissement du réseau. La PKW-Maut fait néanmoins l'objet de controverses en raison de ses coûts de fonctionnement et de sa compatibilité avec le droit de l'UE. Une réduction de la taxation, d'un montant exactement équivalent à celui de la vignette, ayant été introduite pour les seuls véhicules immatriculés en Allemagne, la Commission considère qu'un tel système discrimine les conducteurs des autres États Membres et a ouvert une procédure d'infraction à l'encontre de l'Allemagne. Dans un avis motivé du 28 avril 2016, elle invitait ainsi l'Allemagne à modifier sa législation nationale, faute de quoi elle pourrait saisir la Cour de justice de l'UE.
Sources de financement des investissements
prévus
dans les routes fédérales en
Allemagne
Source : ministère fédéral des transports et des infrastructures numériques de la République fédérale d'Allemagne
2. Le financement des transports franciliens : un modèle en crise ?
Selon le Forum international des transports, entendu par votre groupe de travail, la structure du financement des transports franciliens , partagé entre l'usager, les entreprises et le contribuable national, sous la responsabilité du syndicat des transports d'Île-de-France (Stif), a longtemps été considérée comme un modèle à l'étranger .
La part croissante supportée par les entreprises, à travers le versement transport (3,7 milliards d'euros en 2015) et le remboursement des titres de transport des salariés (865 millions d'euros en 2014), soulève toutefois des questions légitimes concernant la compétitivité des entreprises. En Île-de-France, ces dernières financent environ la moitié des frais de fonctionnement des transports en commun, tandis que les voyageurs en supportent que 30 %, les 20 % étant couverts par d'autres concours publics de l'État et des collectivités territoriales. Ce taux de couverture par les usagers est faible par rapport aux résultats observés dans d'autres capitales européennes (35 % à Bruxelles, 40 % à Amsterdam et 52 % à Londres à la fin des années 2000).
Taux de couverture par les usagers des coûts de
fonctionnement (complet)
des transports collectifs urbains :
comparaison internationale
Source : direction générale du Trésor (d'après « Gestion déléguée de services publics des services publics de transports collectifs urbains. Analyse comparative internationale dans 15 pays. », Contribution des Services économiques, DGTPE, 282 p., mai 2009)
À Londres, le prix des billets de transport en commun ont récemment été augmentés et les efforts de productivité renforcés de telle sorte qu'en 2015 les recettes commerciales du métro ont, pour la première fois, dépassé les coûts d'exploitation. Le gouvernement britannique a toutefois décidé de mettre à contribution les entreprises pour le financement du projet de renouvellement de l'infrastructure du métro, baptisé Crossrail 94 ( * ) , dont 32 % seront financés par une augmentation ponctuelle de la taxe professionnelle locale.
* 89 Loi n° 2000-1352 du 30 décembre 2000de finances pour 2001.
* 90 Directive 2011/76/UE du Parlement européen et du Conseil du 27 septembre 2011 modifiant la directive 1999/62/CE relative à la taxation des poids lourds pour l'utilisation de certaines infrastructures.
* 91 Commission européenne, Ex-post evaluation of Directive 1999/62/EC, as amended, on the charging
of heavy goods vehicles for the use of certain infrastructures, SWD(2013) 1 final, janvier 2013.
* 92 Cf. annexe au rapport du CGEDD précité sur le financement des infrastructures et transport routier, juin 2015.
* 93 OCDE, Examens environnementaux, France, juillet 2016.
* 94 Ce projet représente un coût total de 14,7 milliards de livres sterling, en vue d'augmenter de 10 % la capacité de transport de passagers du métro londonien.