CONCLUSION
Au terme de ces analyses, le groupe de travail estime que les interventions militaires sont souvent nécessaires pour mettre un terme à la violence et permettre le traitement de crises graves. La France ne doit pas renoncer à cet instrument lorsqu'il est utilisé en accord avec ses valeurs, dans son intérêt et pour garantir sa sécurité.
Les interventions militaires permettent à la France d'assumer ses responsabilités et d'affermir son influence en tant que membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies. Elles ont des retombées positives en termes économiques et de réputation.
Ces interventions se déroulent dans le cadre défini par les Livres blancs de 2008 et 2013, dans les régions de l'arc de crise, sous mandat des Nations unies ou au titre de la légitime défense. Il s'agit principalement d'opérations de gestion de crises auxquelles les forces armées contribuent par la projection de forces en précurseur puis, après leur déploiement en appui de forces multinationales (Licorne, Serval/Barkhane, Sangaris) en attendant le cas échéant de leur passer le relais ou de passer le relais aux forces locales. A titre complémentaire, certaines opérations sont menées en coalition (Pamir, Harmattan, Chammal) et plus rarement, les forces sont engagées sous casques bleus des Nations unies (Daman/FINUL).
Un contrat opérationnel définit la nature des engagements et le volume des forces que les armées doivent pouvoir engager. Ce contrat est ajusté au format des armées et aux moyens dont elles disposent pour le maintenir. En 2014 et 2015, les forces françaises ont été engagées simultanément sur trois théâtres majeurs et le volume des forces déployées s'est situé au-delà du contrat opérationnel. En outre, les caractéristiques propres de ces théâtres sont particulièrement éprouvantes. Enfin, depuis 2015, les armées sont également engagées sur le territoire national (Sentinelle). Outre la mise en évidence de lacunes capacitaires, ce niveau d'engagement pèse sur la régénération des forces, malgré les efforts de rétablissement en cours de la programmation militaire. Une actualisation du contrat opérationnel, du format et des moyens est donc à rechercher pour retrouver une cohérence du modèle, ce qui suppose d'entamer une remontée en puissance et de tendre vers un objectif de 2 % du PIB en fin de la prochaine loi de programmation militaire, par une approche globale fermement coordonnée.
Ces interventions sur le plan militaire ont été plutôt réussies grâce à une « boucle décisionnelle » performante, reposant sur une préparation et une planification robuste et des forces armées entraînées et combattives. Ces capacités doivent être préservées.
Lors des engagements, les forces armées sont conduites à passer le relais à des forces multinationales qui prennent en charge la phase de stabilisation. Compte tenu des effectifs limités de ses forces, cette articulation permet à la France de les disposer au mieux pour faire face aux menaces et de ne pas immobiliser ces forces trop longtemps sur un théâtre si cela n'est pas nécessaire. Toutefois, ce système ne peut être performant que si les forces multinationales sont suffisamment efficaces et combattives, ce n'est pas toujours le cas. De même, les modalités de formation des forces armées et de sécurité du pays hôte pourraient être améliorées sensiblement.
Pour réussir pleinement, ces interventions à fort effet de levier sur les ressorts des crises doivent impérativement être complétées par une mobilisation des efforts au profit des pays déstabilisés, en voie de déstabilisation ou fragiles selon une approche globale, incluant les processus d'aide à la gouvernance, à la reconstruction des services de l'Etat, y compris les forces de sécurité intérieure ou de défense, et d'aide au développement. La France n'a pas poursuivi suffisamment une réflexion stratégique globale et ne s'est pas donné les moyens d'anticiper, de planifier et de préparer des processus de gestion de crise selon une approche globale, ni de mobiliser les ressources suffisantes. Cette carence peut induire une appréciation limitée de l'effet final recherché, qui justifie les interventions, et ne lui permet pas de contribuer de façon suffisamment efficace à la solution des crises. Elle doit se donner, sur ce registre-là également, les moyens de son ambition, comme elle le fait sur le volet militaire.
Les opérations militaires extérieures représentent un coût pour l'Etat de l'ordre d'un milliard par an en moyenne depuis 2011. Le surcoût pour la défense bénéficie d'un financement interministériel qu'il importe de préserver et d'améliorer car tous les surcoûts ne sont pas inclus dans ce périmètre.
Enfin, la réforme constitutionnelle de 2008 a prévu l'information du Parlement et un pouvoir d'autorisation de la prolongation des opérations au-delà de 4 mois. Certaines opérations s'installent dans la durée, l'exécutif aurait tout intérêt à revenir devant le Parlement pour leur redonner un surcroît de légitimité. Il convient en conséquence d'affermir le contrôle parlementaire en organisant chaque année un débat en séance publique sur les OPEX, ce que prévoit la loi de programmation militaire 2014, mais n'a pas été mis en oeuvre, à ce jour.