E. LES CONTRAINTES BUREAUCRATIQUES

Les opérations de maintien de la paix des Nations unies souffrent également de lourdeur bureaucratique notamment dans la mise à disposition de certains équipements, comme les moyens de transports aériens qui sur des théâtres comme la Centrafrique ou le Mali sont indispensables aux opérations militaires. Cette situation vaut essentiellement pour les appareils (aéronefs ou hélicoptères) placés sous la responsabilité directe du département d'appui aux missions (DAM) qui détient ces moyens au sein de sa division logistique et les met à disposition. Ce département relève d'un adjoint du Secrétaire général des Nations unies qui a le même niveau hiérarchique que l'adjoint en charge des OMP. Sur les théâtres d'opérations, il n'est pas rare que des conflits d'usage entre la force militaire et les utilisations par le volet civil de la mission se produisent et que la rationalité économique qui veut que les appareils des Nations unies permettant aussi de transporter des civils, lorsque des places sont disponibles sur les vols de la mission, impose des restrictions opérationnelles (comme l'interdiction de vols de nuit). Cette situation pénalise les opérations militaires. Il serait souhaitable que sur les théâtres d'opérations, une règle de priorité aux demandes du commandement militaire de la force, sous le contrôle du représentant spécial, soit garantie.

F. LES INTERFÉRENCES POLITIQUES

Des interférences politiques peuvent se produire lorsque les forces régionales (par construction) ou des Nations unies comprennent des contingents importants d'États voisins du pays en crise et que des relations particulières préexistent ou sont établies avec des groupes belligérants, parties aux conflits, ou avec des populations installées de part et d'autre de la frontière. Cette situation fait douter de l'impartialité de la force régionale ou internationale dans la conduite de sa mission.

G. L'INSERTION DANS LA POPULATION LOCALE

Enfin, la barrière culturelle et linguistique peut rendre difficile l'intégration de la force dans la population civile et être source d'incompréhension 186 ( * ) . En outre, la discipline au sein de certaines unités n'est pas suffisamment solide pour dissuader certains comportements prédateurs. La prévention des abus sexuels est une préoccupation forte au sein des forces des Nations unies. Des campagnes d'information sont menées. Ces comportements individuels criminels ont pour conséquence une méfiance de la population et des attitudes préventives qui conduisent au cantonnement des unités, ce qui ne leur permet pas de remplir aussi bien leurs missions.

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L'orientation retenue par la France penche très nettement dans le sens d'un modèle coopératif qui consiste à agir sous mandat de l'ONU, comme au Mali et en RCA, mais de façon autonome. Hormis la FINUL au Sud Liban depuis 1978 (opération Daman) et quelques apports ponctuels dans les états-majors, la France ne participe guère aux OMP sous casque bleu. Elle privilégie le modèle coopératif « engagement français sous mandat de l'ONU mais pas sous casque bleu » qui préserve son autonomie. Ce modèle n'est pas non plus sans intérêt pour les Nations unies dans la mesure où la force française dispose de règles d'engagement autonome et prend en charge les actions les plus risquées, en libérant de ce fait l'ONU, les moyens français ne sont pas définis par l'ONU ce qui permet en cours d'opérations des renforcements qui se sont pas possibles à l'ONU compte tenu de ses règles internes ou avec un délai long (rapport du secrétaire général, nouveau mandat du CSNU, conférence de génération de force) incompatible avec la situation sur le terrain, enfin la force française n'est pas incluse dans le budget de l'ONU qui en retire donc une contribution gratuite.

Mais ce modèle suppose une coordination forte et il n'est pas non plus sans inconvénient puisque la complémentarité crée des obligations ne serait-ce que celle d'intervenir au profit de la force des Nations unies ou pour la protéger et qu'il fait dépendre d'une appréciation d'ensemble de la situation, y compris de celle de la capacité de la force des Nations unies d'assurer la sécurité nécessaire à la poursuite de la stabilisation, la décision de mettre fin à l'opération. Ce qui, du reste, pourra se traduire comme cela est envisagé en RCA par une contribution spécifique des forces armées françaises à la MINUSMA (états-majors, unité de renseignement), du coup, sous casque bleu.

Si l'on doit reconnaître les progrès accomplis depuis plusieurs années, tant que le niveau opérationnel de ces forces montre de telles insuffisances, une conception de l'action extérieure qui reposerait par trop sur un passage de relais ou sur une forme de sous-traitance à ces forces internationales pour pallier les manques capacitaires nationaux présente des risques du fait de son caractère aléatoire sur le plan politique comme sur le plan opérationnel. Le principe de l'intervention ne peut être conditionné à cette occurrence.

La France doit pouvoir se donner les moyens de conduire une intervention sans ces apports, ce qui ne signifie pas que, lorsqu'elle en apprécie le bienfondé politique, diplomatique ou opérationnel, elle doive renoncer, bien au contraire, à les rechercher et les faciliter cet appui. Dans cette perspective, elle doit poursuivre son action pour aider ces organisations à progresser par son action au sein du CSNU et en développant son offre de coopération structurelle et opérationnelle.


* 186 Lors de son déplacement en Centrafrique, le groupe de travail a pu constater la relative indifférence et l'absence de contacts entre le contingent du Bangladesh, qui l'escortait à Boali et la population et les élus locaux.

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