CONCLUSION : PRÉPARER LES FORMES DE L'ENGAGEMENT CIVIQUE DE DEMAIN
Le jour paraît venu, qu'appelait autrefois Jaurès de ses voeux, « où la France [...] prendra au sérieux la vie des réserves 140 ( * ) ». Un horizon nouveau s'est en effet ouvert, en 2015, pour la réserve militaire : la pression de la menace liée au terrorisme djihadiste qui, désormais, a fait la preuve mortelle de sa capacité à frapper directement sur notre territoire, impose de rénover, au bénéfice de l'armée active, un dispositif peu ou prou négligé jusqu'alors, et de le traiter réellement en « partie intégrante » de notre modèle d'armée, comme les Livres blancs sur la défense et la sécurité nationale successifs en ont posé le principe.
Le Gouvernement semble aujourd'hui véritablement engagé dans cette voie. Vos rapporteurs lui en donnent acte, et soutiennent les orientations qui ont été tracées par le ministère de la défense comme les initiatives qui ont d'ores et déjà été prises par les armées. C'est à l'appui des réflexions et démarches en cours qu'entendent venir les propositions formulées, au sein du présent rapport, en faveur d'une « garde nationale » qui, afin de mieux répondre aux crises possibles, s'identifierait avec une réserve militaire renforcée et territorialisée.
Les signataires de ce rapport sont en outre convaincus que, dans le mouvement même de cette réforme avant tout conçue au profit des capacités opérationnelles des armées, ceux qui en seront les premiers acteurs - les réservistes - représenteront un atout cardinal pour la consolidation, aujourd'hui plus nécessaire que jamais depuis la Libération peut-être, de notre Nation . Ces hommes et femmes engagés au service de la défense de notre pays, auquel ils offrent de leur temps et la mobilisation de leurs compétences, sont en effet porteurs d'éminentes et exemplaires valeurs civiques : être militaire « à temps partiel », c'est faire siennes constamment les valeurs du militaire d'active - esprit de sacrifice, discipline, loyauté, solidarité de groupe...
Participant de ces mêmes valeurs, le service national a joué, longtemps, un rôle décisif en faveur de la cohésion nationale, en favorisant le brassage géographique et social. Le « deuil » de cette époque n'est pas facile à faire, sans doute, mais il est nécessaire : outre qu'il est avéré que le service militaire obligatoire, dans sa dernière période d'existence, ne remplissait plus que de façon marginale sa fonction d'intégration civique 141 ( * ) , le rétablissement de la conscription, à le supposer budgétairement et matériellement possible - ce qu'il ne serait pas, suivant la vraisemblance, en l'état de nos finances publiques et des infrastructures de défense -, ne répondrait plus, de toute façon, aux besoins militaires opérationnels actuels. Les armées, en revanche, peuvent pleinement tirer profit de la volonté d'engagement que manifeste, à présent, toute une partie de la jeunesse française ; et la société, en retour, recevra l'entier bénéfice de jeunes gens qui, formés réservistes, devenus professionnels « intermittents » de la défense, se feront à titre permanent d'authentiques hérauts de l'idéal républicain.
Les armées, toutefois, restent, par nature, un outil de défense ; si, à l'image de l'officier moderne que décrivait Lyautey 142 ( * ) , elles peuvent remplir une fonction d'« éducation de la Nation », c'est en accomplissant les tâches qui correspondent à leur vocation fondamentale. Elles prendront donc toute leur part, mais ne pourront prendre que celle qui leur revient, dans l'effort de résilience et de renforcement interne aujourd'hui attendu du pays.
Pour servir plus directement cette cause vitale - renforcer la cohésion nationale, promouvoir l'idéal républicain, essayer de rallier à la collectivité la fraction de sa jeunesse qui s'avère en mal de repères et de valeurs - , d'autres dispositifs existent, sont prévus, ou peuvent être imaginés encore ; divers projets, d'esprit convergent, voient d'ailleurs le jour, déjà, en ce sens. Dans cette perspective, il nous appartient à tous de préparer, pour l'avenir, les nouvelles formes de l'engagement civique : la « garde nationale » souhaitée par vos rapporteurs devrait en constituer, auprès des armées, l'une des plus solides incarnations, mais non la seule.
* 140 Jean Jaurès, L'armée nouvelle , op. cit .
* 141 Nos collègues députés Mariane Dubois et Joaquim Puey établissent ce constat en introduction à leur rapport d'information précité n° 3322 (AN, XIV e législature), « Le service national universel », décembre 2015.
* 142 Cf. Le rôle social de l'officier , 1891 .