B. UNE UTILISATION NORMALEMENT FLÉCHÉE PAR LA LOI
Les débats parlementaires ont permis d'enrichir la version proposée initialement par le Gouvernement Ainsi, la rédaction finale définit clairement une destination pour l'usage qui doit être fait du CICE.
Ainsi, le CICE est « un crédit d'impôt ayant pour objet le financement de l'amélioration de leur compétitivité à travers notamment des efforts en matière d'investissement, de recherche, d'innovation, de formation, de recrutement, de prospection de nouveaux marchés, de transition écologique et énergétique et de reconstitution de leur fonds de roulement. »
Le texte de loi est également clair sur les éventuelles utilisations non autorisées . Ainsi, « le crédit d'impôt ne peut ni financer une hausse de la part des bénéfices distribués, ni augmenter les rémunérations des personnes exerçant des fonctions de direction dans l'entreprise. »
C. DES OBLIGATIONS DÉCLARATIVES LIMITÉES, UN SUIVI ILLUSOIRE
Selon l'article 244 quater C du code général des impôts, les entreprises ont un devoir d'information et de transparence sur l'utilisation qu'elles font du CICE : « l'entreprise retrace dans ses comptes annuels l'utilisation du crédit d'impôt conformément aux objectifs mentionnés à la première phrase. Les informations relatives à l'utilisation du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi doivent figurer, sous la forme d'une description littéraire, en annexe du bilan ou dans une note jointe aux comptes. »
Les représentants d'entreprises ont régulièrement mis en avant le caractère illusoire de ce fléchage dans leur démarche quotidienne. Ainsi, les entreprises n'ont pas perçu le CICE comme une aide à suivre et dont l'utilisation doit être anticipée et planifiée.
Les entreprises et leurs représentants sont le plus souvent conscients de l'obligation de produire une déclaration relative à l'utilisation du CICE. Les dirigeants ne sont pas nécessairement au fait du contenu précis de celle-ci, souvent rédigée par la direction financière . Surtout, cette information se révèle souvent très sommaire et peu documentée, rendant le suivi difficile.
D. AU SEIN DU PACTE DE RESPONSABILITÉ, UN SUIVI INEXISTANT DES « ACCORDS D'ENGAGEMENTS » PRÉVUS AU NIVEAU DES BRANCHES
1. Des accords hétérogènes selon les branches
Le Pacte de responsabilité décidé par le Président de la République et engagé par le Gouvernement, et dans lequel le CICE est intégré, prévoit que les branches professionnelles concluent des accords d'engagements sur la mise en oeuvre du Pacte et l'utilisation des sommes dégagées par ce plan. Trois ans après, il s'avère que les conclusions de tels accords sont très hétérogènes selon les branches.
La direction générale du travail retient la typologie présentée dans le tableau suivant, selon des critères relatifs à la négociation et à ses débouchés . Ainsi, seules 18 des 50 branches professionnelles les plus importantes ont abouti, au terme d'une négociation jugée « dense et concrète » , à un accord ou à un relevé de conclusions.
Avancement de la négociation sur le pacte dans les 50 branches suivies, en mai 2016 |
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Niveau d'avancement |
Intitulé de la branche |
Effectifs 2012 (DARES) |
Branches où la négociation a été dense et concrète et a mené à un accord ou à un relevé de conclusions |
Assurances |
199 700 |
Bureaux d'études techniques SYNTEC |
770 900 |
|
Entreprises de propreté et services associés |
363 100 |
|
Industries de carrières et de matériaux |
65 700 |
|
Industrie chimique |
221 900 |
|
Métallurgie |
1 681 300 |
|
Services de l'automobile |
425 800 |
|
Restauration rapide |
150 100 |
|
Industries textiles |
66 300 |
|
Banques |
259 200 |
|
Mutualité |
53 000 |
|
Commerce réparation tracteurs matériel agricole BTP |
79 300 |
|
Travaux Publics |
314 500 |
|
Ameublement - négoce de l'ameublement |
64 800 |
|
Commerces de détail non alimentaire |
103 700 |
|
Restauration de collectivités |
94 900 |
|
Coiffure |
101 400 |
|
Négoce des matériaux de construction |
71 300 |
|
5 086 900 |
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Branches où les discussions ont abouti à un projet de texte |
Bâtiment |
1 108 600 |
Travail temporaire |
546 785 |
|
Télécommunications |
86 800 |
|
Boulangeries pâtisseries artisanales |
127 900 |
|
Transports aériens personnel au sol |
86 700 |
|
Cabinets d'experts comptables |
132 400 |
|
Commerce détail et gros à prédominance alimentaire |
663 700 |
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Prestataires de services secteur tertiaire |
119 700 |
|
Organismes de formation |
73 600 |
|
2 946 185 |
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Branches où la négociation sur le Pacte est déjà engagée ou va être engagée avec des thèmes de négociation identifiés |
Commerce de détail habillement textiles |
69 300 |
Commerces de gros |
328 900 |
|
Sport |
72 200 |
|
Succursales de vente au détail d'habillement |
106 200 |
|
Commerce audiovisuel électronique équipement ménager |
69 500 |
|
Commerce de détail fruits légumes épicerie |
68 600 |
|
Hospitalisation privée |
255 900 |
|
Imprimeries de labeur |
57 500 |
|
Industrie pharmaceutique |
128 400 |
|
Bricolage (vente au détail en libre-service) |
74 000 |
|
Transports routiers |
658 100 |
|
Caoutchouc |
55 300 |
|
Plasturgie |
123 000 |
|
2 066 900 |
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Branches où les partenaires sociaux ont affiché leur volonté de négocier et dont les thèmes de négociation restent à définir |
Commerce articles de sports équipements loisirs |
55 900 |
Commerce de détail papeterie bureau librairie |
61 800 |
|
Hôtels Cafés Restaurants |
593 600 |
|
Immobilier |
143 700 |
|
Prévention et sécurité |
147 700 |
|
Publicité |
75 700 |
|
Gardiens concierges employés d'immeubles |
67 300 |
|
1 145 700 |
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Branches où les partenaires sociaux n'ont pas engagé de démarche |
Cabinets médicaux |
82 300 |
Établissements enseignement privé |
64 300 |
|
Pharmacie d'officine |
117 900 |
|
264 500 |
Source : direction générale du travail
2. Des accords peu connus des entreprises et dont le suivi est inexistant
Les rencontres et auditions menées soulignent que, si les entreprises connaissent bien leur branche de rattachement, elles n'ont souvent pas connaissance de l'existence d'un accord d'engagement , et encore moins de son éventuel contenu. Les branches semblent ainsi peu investies pour la réalisation de ces accords comme pour leur suivi.
Si le Gouvernement réalise un recensement des accords ou de l'avancée des négociations, il n'a en revanche pas été en mesure de fournir des éléments relatifs au suivi des accords, à leur respect et à leur évaluation .