B. DES MINISTRES DU CULTE AUX STATUTS DIVERSIFIÉS
1. L'imamat en France marqué par la dichotomie entre les imams consulaires et les imams « locaux »
Les imams en France présentent certaines caractéristiques sociologiques communes : étrangers pour la plupart (seuls 20 à 30 % auraient la nationalité française), et souvent bénévoles (700 à 800 d'entre eux, soit environ un tiers, seraient rémunérés à temps partiel ou à temps complet) 20 ( * ) . Toutefois, derrière ces éléments communs, votre mission d'information a constaté qu'il existait deux principales catégories d'imams exerçant en France .
a) Les imams détachés : un palliatif qui renforce le poids des pays d'origine
La première catégorie est celle des imams étrangers, financés par les pays étrangers, sous la forme de détachement de fonctionnaires, dans le cadre d'accords bilatéraux .
D'après les informations du ministère de l'Intérieur, trois pays envoient des imams à temps plein en France à ce titre :
• la Turquie (151 imams) 21 ( * ) ;
• l' Algérie (120 imams) ;
• le Maroc (30 imams).
Au total, ce seraient donc 301 imams (sur 2 500 lieux de culte en France) qui sont financés par des États étrangers , le plus souvent les communautés d'origine des mosquées concernées. La France n'est pas le seul pays à recevoir des imams détachés par des États étrangers pour exercer sur son sol. Ainsi, en Allemagne, l'État turc finance environ 970 imams 22 ( * ) .
Ces imams sont admis sur le sol français avec des statuts divers, en particulier comme enseignants dans le cadre de l'enseignement de langue et culture d'origine (ELCO) ou, s'agissant notamment de la Turquie, comme assistants sociaux.
Cette pratique des imams détachés illustre la « double sincérité » du discours officiel sur la nécessité de limiter l'influence des pays d'origine quand, dans le même temps, le ministère de l'Intérieur et le ministère des Affaires étrangères passent des accords avec plusieurs d'entre eux pour leur déléguer la formation des imams devant exercer en France, ou pour faciliter le recrutement - à titre permanent ou temporaire, selon le cas - d'imams étrangers nécessaires pour satisfaire aux besoins en imams des mosquées françaises 23 ( * ) . Vos rapporteurs se sont interrogés sur la nature juridique et la teneur de ces accords et en ont obtenu communication auprès du Quai d'Orsay. Il s'agit, en l'occurrence, de trois déclarations d'intention bilatérales non soumises à l'examen du Parlement (pas d'autorisation parlementaire de ratifier ou d'approuver), encadrant la coopération dans plusieurs domaines en lien avec le culte musulman (formation d'imams, droit d'entrée et de séjour en France d'imams étrangers appelés à officier dans des mosquées françaises, échanges universitaires et culturels, ...) signées par les ministres compétents entre la France et les trois pays concernés (Algérie, Maroc et Turquie). Des comités bilatéraux pilotés par les ministères responsables sont en charge du suivi régulier desdits accords. L'idée directrice qui sous-tend ces conventions est qu'en privilégiant le recrutement d'imans sélectionnés et formés dans ces pays selon des canons stricts, la France sera mieux à même de prévenir certaines dérives, car en contrepartie, les imams étrangers invités dans ce cadre à exercer sur le territoire national sont soumis à un certain nombre d'exigences - en matière d'apprentissage du français, notamment - qui conditionnent l'octroi et le renouvellement de leur visa. Au-delà de dispositions techniques assez classiques, la déclaration d'intention conclue avec l'Algérie va même plus loin, les signataires déclarant souhaiter « accompagner l'émergence en France d'une pratique religieuse musulmane conforme aux valeurs de la République et respectant le principe de la laïcité et de la citoyenneté ». Dans ce secteur, la coopération franco-marocaine est particulièrement développée, comme la mission a pu le constater aussi bien lors des auditions qu'à l'occasion d'un instructif déplacement à Rabat en avril 2016. En vertu d'un protocole d'accord signé entre nos deux pays lors de la visite du Président de la République à Tanger en 2015, le Maroc a ainsi mis en place un programme de formation d'imams français à l'Institut Mohammed VI de Rabat, entièrement pris en charge par le Maroc, tant pour l'enseignement que pour l'hébergement. Parmi les stagiaires, l'Institut accueille 47 étudiants français sélectionnés grâce au réseau des mosquées de France, avec lesquels la délégation sénatoriale a eu des échanges intéressants. Comme l'a précisé l'ambassadeur du Maroc lors de son audition du 23 mars, le ministère marocain des Affaires islamiques alloue en outre une enveloppe budgétaire (6 millions d'euros pour 2016) destinée à la fois au financement de la construction de mosquées, à la rémunération des trente imams marocains délégués pour exercer leur ministère en France et au soutien de certaines mosquées en difficulté financières. Si ces accords de coopération apportent sans doute un appui utile au culte musulman en France , et comportent des garanties quant à la loyauté des imams détachés, ils entretiennent pourtant un certain flou sur la position française. |
M. Thomas Andrieu, alors directeur des libertés publiques et des affaires juridiques du ministère de l'Intérieur, a ainsi indiqué que la présence de ces imams dits « consulaires » représente « un avantage dans un Islam de France qui manque de moyens matériels ». Il a précisé que « l'avantage, outre que ces imams sont rémunérés directement par leur État d'origine , c'est qu'ils sont contrôlés par ces États et aucun de ces imams n'est un relai de la radicalisation ».
Il a toutefois également souligné que « cela présente des inconvénients certains », dont quatre principaux :
• Tout d'abord,
ces imams ne maîtrisent
généralement pas la langue française
.
Ainsi, M. Arnaud Schaumasse, chef du bureau central des cultes, a détaillé devant votre mission d'information que « pour la Turquie et l'Algérie, le niveau A2 en français est exigé à l'arrivée sur notre territoire . Si ces personnes n'ont que le niveau A2, elles doivent suivre une formation linguistique complémentaire pour les amener au niveau B1 ».
S. Exc. M. Hakki Akil, ambassadeur de Turquie en France, a indiqué à votre mission d'information que les « assistants sociaux » turcs devaient, avant d'être envoyés en France, assister à « 400 heures de cours de français et (...) 20 heures de cours sur la civilisation française à l'Institut français de Turquie », l'objectif étant « d'atteindre le niveau A2 en français avant de se rendre en France ». Par ailleurs, ces assistants doivent suivre un cours de langue complémentaire de 300 heures durant une année après leur arrivée en France . En outre, les assistants turcs doivent obtenir dans les deux années suivant leur arrivée en France des diplômes universitaires de formation civique et civile.
• Ensuite, ces imams, qui ont grandi et ont
été éduqués et formés dans un autre pays que
la France,
ne connaissent pas le contexte social et culturel
français
. Il en découle une distance avec les
fidèles, en particulier les plus jeunes, qui sont nés en France,
parlent uniquement le français et sont confrontés à des
problématiques sociales françaises, dont ces imams ne
possèdent pas toutes les clés de compréhension.
• Enfin,
la présence de ces imams
contribue à pérenniser l'influence sur le culte musulman en
France de pays étrangers que, d'un autre côté, on souhaite
atténuer...
À travers l'envoi d'imams fonctionnaires par
ces derniers et leur affectation
via
une organisation de tête en
France (la Grande Mosquée de Paris pour l'Algérie, le
Diyanet
i°leri Türk islam Birligi
[Ditib] pour la Turquie, etc.) aux
mosquées affiliées à leur réseau, ces imams
étrangers participent
au renforcement ou à la
pérennisation de la structuration de la communauté musulmane par
communauté nationale d'origine, en donnant aux fédérations
nationales un levier puissant sur leur réseau de
mosquées
.
• En tout état de cause, les imams détachés en France par les différents « pays d'origine » n'ont a priori créé aucun réseau de communications entre eux. Vos rapporteurs suggèrent que les imams détachés constituent un réseau d'échanges, par exemple par un portail Internet sur lequel ils pourraient débattre et échanger de leurs expériences et de leurs difficultés, sans avoir systématiquement à en référer à leur organisation de tutelle. Ce portail pourrait être l'occasion d'échanger avec d'autres imams exerçant sur le territoire français, et notamment les imams turcs, dont la commission a relevé le relatif isolement.
Prêtres étrangers exerçant leur
ministère en France
Le clergé catholique en France comptait environ 41 000 prêtres au début des années 1960. Ils ne sont plus aujourd'hui qu'environ 15 000, dont la moitié a plus de 75 ans. Avec environ 100 ordinations seulement par an environ, l'Église catholique française n'est plus en mesure d'assurer le renouvellement endogène de son clergé ; elle doit donc faire appel à des prêtres étrangers (d'Afrique et d'Asie, notamment) dont la mise à disposition s'effectue dans les conditions prévues par l'encyclique du Pape Pie XII en date du 21 avril 1957, invitant les évêques à mettre certains de leurs prêtres à la disposition de diocèses d'autres continents. Les prêtres exerçant dans ce cadre sont dits « Prêtres Fidei donum » (FD). Les prêtres étrangers représenteraient actuellement environ 10 % de l'effectif total des prêtres en activité pastorale dans les diocèses de France. Les prêtres FD restent attachés à leur diocèse d'origine et y retournent après leur mission en France. Certains prêtres FD demandent toutefois leur rattachement définitif à leur nouveau diocèse, selon une procédure canonique très codifiée. En général, la mise à disposition donne lieu à une convention de partenariat, signée entre l'évêque d'envoi et l'évêque d'accueil, précisant la mission propre confiée au prêtre FD ; cette convention est contresignée par le prêtre. En outre, elle passe par un acte d'engagement du prêtre concerné, dans lequel il promet de garder un lien stable avec son diocèse d'origine ; cet acte est contresigné par le vicaire épiscopal en charge du clergé et authentifié par le chancelier du diocèse d'origine. Sur le plan pratique, les prêtres étrangers issus d'Afrique ou d'Asie (Inde, Vietnam,...) peuvent rencontrer dans leur ministère en France des problèmes d'adaptation. Le risque de choc culturel est cependant atténué car la formation des prêtres catholiques est partout standardisée et relève de textes pris par l'autorité centrale, qui fixe les programmes d'enseignement des séminaires et des facultés de théologie, ainsi que la procédure de nomination des enseignants : du coup, les prêtres catholiques sont relativement préparés aux réalités des pays étrangers. En outre, la Conférence des évêques de France veille à assurer l'accompagnement à la fois spirituel, matériel et social des prêtres FD. Sous réserve des possibilités concrètes du diocèse d'accueil, il est ainsi préconisé que le nouvel arrivant reste pour une durée de deux à quatre mois aux côtés d'un prêtre autochtone qui l'aidera dans une démarche d'acclimatation. Le prêtre FD sera également intégré pendant trois à quatre mois dans une équipe de vie de trois à cinq prêtres qu'il rencontrera à un rythme régulier (tous les 15 jours pour une ou deux heures) pour échanger sur la vie sociale et sur la vie pastorale dans le pays d'accueil ; dans l'équipe de vie, il est recommandé que figure un autre prêtre FD exerçant dans le diocèse et déjà aguerri par son expérience locale. Il est aussi recommandé d'organiser, au niveau de la Province ecclésiastique ou de la Région apostolique, une session de quatre semaines de formation qui interviendrait au cinquième ou sixième mois de la présence dans le nouveau diocèse et serait axé sur la mentalité, la culture, les us et coutumes, les habitudes alimentaires, l'administration civile, l'organisation de l'État, le licite et le défendu, le prohibé en société, les mouvements associatifs, les diverses thématiques de société, etc. La Conférence des évêques de France a publié en 2012 un « Guide pour l'accueil des prêtres venant d'ailleurs à l'usage des Évêques et de tous les partenaires de cet accueil » disponible sur le site internet de la Mission universelle catholique. Ella a également mis en place une Cellule d'accueil permanente, à la disposition des diocèses et des instituts religieux et partenaire de l'administration de l'État pour les questions concernant l'accueil en France de prêtres, religieuses, religieux et laïcs venant d'autres pays pour une mission pastorale, d'études ou de service interne. Sur le plan administratif, la mise à disposition de prêtres étrangers pour exercer dans les paroisses françaises n'est pas encadrée par une règlementation publique particulière, et est gérée comme n'importe quelle autre demande de visa de long séjour, en fonction des éléments de fait et de droit produits par le demandeur (nationalité, conditions de ressources, régime de protection sociale, etc...). |
b) Des psalmodieurs occasionnels détachés pour la période du Ramadan
Par ailleurs, la France accueille, de façon temporaire, plusieurs dizaines d'imams « psalmodieurs », en provenance du Maroc et d'Algérie, au moment du Ramadan . En réponse à une question orale de votre rapporteur, M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'Intérieur, a indiqué devant le Sénat que « chaque année, nous faisons ainsi venir 299 psalmodieurs ou récitatrices dans le cadre d'accords bilatéraux passés notamment avec le royaume du Maroc et l'Algérie. La liste de ces personnes nous est transmise un mois avant leur arrivée, ce qui permet de procéder au criblage. Ces personnes, qui sont des fonctionnaires des États avec lesquels nous avons signé ces accords, bénéficient d'un visa de court séjour dont l'expiration est fixée au dernier jour du Ramadan » 24 ( * ) . S'agissant du Maroc, S. Exc. M. Chakib Benmoussa, ambassadeur du Royaume du Maroc en France, a indiqué que « en période de ramadan, le Maroc délègue également plus de 220 imams par l'intermédiaire de la fondation Hassan II pour les Marocains résidant à l'étranger ».
Ces psalmodieurs occasionnels, dont le visa est limité à la période du Ramadan, ne sont soumis à aucune exigence de maîtrise du français , « eu égard à la brièveté de leur séjour » selon M. Thomas Campeaux, directeur des libertés publiques et des affaires juridiques du ministère de l'Intérieur.
c) Des imams salariés ou bénévoles
Les mosquées qui n'ont pas la chance de disposer d'un imam rémunéré par un État étranger recrutent leur propre imam . Ce dernier est, dans la plupart des cas, bénévole. À cet égard, Solenne Jouanneau a d'ailleurs montré dans son ouvrage que la fonction était souvent conçue par la majorité de la communauté comme « désintéressée » et qu'un imam qui réclamerait un salaire fixe pourrait, pour des raisons éthiques autant que financières, être mal accueilli par les fidèles.
Il existe cependant des imams rémunérés, soit à plein temps soit à temps partiel. Compte tenu des ressources limitées de la plupart des 2 500 mosquées du territoire français, les revenus versés par les associations cultuelles sont souvent limités : dans son enquête qui se fonde sur les données du ministère de l'Intérieur de 1990 à 1997, Solenne Jouanneau émet l'hypothèse que plus de la moitié des imams (hors imams consulaires) bénéficient d'un traitement inférieur à 6 000 francs par mois, soit moins de 1 000 euros 25 ( * ) .
S'agissant de la sécurité sociale, ces imams peuvent adhérer à la Caisse d'assurance vieillesse, invalidité et maladie des cultes (Cavimac), fondée en 1978 et dont le conseil d'administration comprend un représentant par culte, bien que l'essentiel des affiliés soient des ministres du culte catholique.
Sans qu'un statut unique soit envisagé à ce stade, le président du CFCM a indiqué à votre mission d'information que ce dernier travaillait « sur une charte de l'imam portant des engagements sur le discours auprès des fidèles qui devra respecter les valeurs et les lois de la République et être porteur des valeurs de tolérance de l'Islam ».
Au total, on constate une contradiction importante entre, d'une part, la volonté, partagée par tous les acteurs, d'un renforcement de la formation des imams et, d'autre part, la réalité économique du débouché, qui n'est pas au niveau d'une formation universitaire longue et onéreuse .
2. Les aumôneries : des « accompagnants » religieux du service public
Si la loi du 19 décembre 1905 organise la séparation des Églises et de l'État, son article 2 précise que « pourront toutefois être inscrites auxdits budgets les dépenses relatives à des services d'aumônerie et destinées à assurer le libre exercice des cultes dans les établissements publics tels que lycées, collèges, écoles, hospices, asiles et prisons ». Ainsi, des aumôneries ont été créées (ou maintenues) et subventionnées par l'État, pour trois principaux services publics : l'armée, les prisons et les hôpitaux.
Le culte musulman, qui s'installe en France dans la seconde moitié du vingtième siècle, a accusé un certain retard en matière d'aumôneries , faute d'équipes à même d'assurer ce service et en l'absence de cadre ou de statut organisant cette activité. En effet, si les établissements publics accueillent les aumôniers en vérifiant notamment leur moralité, ils ne sauraient être compétents pour juger de leur aptitude religieuse ou spirituelle. En l'absence d'autorité reconnue pour le faire, les personnes de confession musulmanes de l'armée française, ou présentes dans les hôpitaux ou les prisons ne pouvaient jusqu'à récemment pas disposer d'aumônier de leur culte.
Ce n'est qu'avec la création, en 2005, du Conseil français du culte musulman (CFCM), que les aumôneries musulmanes ont pu être créées , tout en se fondant dans le cadre général antérieur, qui prévoit depuis le décret n°91-115 du 6 février 1991 que les aumôniers sont des contractuels des établissements dans lesquels ils interviennent.
•
L'aumônerie militaire a
été créée par l'arrêté du 16 mars
2005, prolongé par la nomination, le 20 juin 2006, de M. Abdelkader Arbi
comme aumônier militaire en chef du culte musulman
. Aujourd'hui,
l'aumônerie musulmane est reconnue aux côtés des
aumôneries catholique, israélite et protestante par
l'arrêté du 15 juin 2012 portant organisation des aumôneries
militaires. Les aumôniers militaires sont
des contractuels de
l'armée, qui occupent un grade
.
D'après M. Abdelkader Arbi, cette aumônerie « a pour missions de soutenir et accompagner les hommes et femmes de la défense et conseiller le commandement militaire, c'est-à-dire non seulement les officiers généraux mais aussi les chefs d'unité, tout au long de la chaîne de commandement ». Elle comporte 38 aumôniers, dont 3 femmes , dans l'aumônerie active, ainsi que 7 aumôniers de réserve.
La spécificité de l'aumônerie militaire musulmane est de s'être organisée de façon hiérarchique et centralisée , en reproduisant la hiérarchie militaire. M. Abdelkader Arbi a ainsi exposé à votre mission d'information son organisation : « on dit souvent qu'il n'y a pas de clergé dans l'Islam. Or, l'armée a réussi à créer ce clergé, car il y a une double tutelle : la tutelle hiérarchique et la tutelle cultuelle, et l'aumônier militaire est soumis à ces deux tutelles. Cela permet à l'autorité cultuelle de pouvoir mettre en place une doctrine claire. En outre, le règlement s'applique également à l'aumônier. Enfin tous les aumôniers militaires sont soumis à la sanction et au blâme. Ils sont notés et lorsque leur travail ne convient pas, il est mis un terme à leur contrat . »
• S'agissant de
l'aumônerie
hospitalière
, M. Abdelhaq Nabaoui a été
nommé aumônier national des hôpitaux en 2008. Compte tenu de
l'organisation des soins dans notre pays, les aumôniers hospitaliers ne
sont pas nommés par une direction centralisée, mais sont
nommés et rémunérés par les
établissements, sur la base de contrats à durée
déterminée
, comme le prévoit la circulaire du 20
décembre 2006
26
(
*
)
.
D'après M. Abdelhaq Nabaoui, environ
50 aumôniers
musulmans sont aujourd'hui salariés à mi-temps
par des hôpitaux
.
•
L'aumônerie
pénitentiaire
a été créée à
travers la
nomination par arrêté du 17 septembre 2006 de
M. Hassan El Alaoui Talibi comme aumônier national des prisons
.
Les aumôniers pénitentiaires sont des
contractuels des
directions interrégionales des services pénitentiaires
.
D'après les données du ministère de la Justice,
198 aumôniers musulmans interviendraient dans les
établissements pénitentiaires
, dont 175 qui seraient
indemnisés à ce titre pour une enveloppe d'environ
920 000 euros en 2015.
De façon générale, les aumôniers ne sont pas des ministres du culte tournés uniquement vers le développement du culte qu'ils représentent. Ils se conçoivent d'abord comme des auxiliaires du service public qu'ils accompagnent et qui les recrutent et rémunèrent . Ainsi, vos rapporteurs relèvent avec intérêt les propos de M. Abdelkader Arbi qui a affirmé qu'il « s'agit de faire des bons militaires et non de bons fidèles musulmans » ; il a également insisté sur le fait qu'« il n'existe pas de communauté musulmane dans les Armées mais une seule communauté militaire ! L'uniforme les rassemble sans esprit de communautarisation ». Dans le même esprit, M. Hassan El Alaoui Talibi a souligné que « l'aumônier apporte sa contribution au bien-être en vue d'une détention humaine et digne. Il contribue à la sécurité et à l'ordre public au sens large ». De la même manière, enfin, M. Abdelhaq Nabaoui a indiqué que « la démarche de l'aumônier doit être cohérente avec la démarche de soin : l'impératif de se soigner passe avant l'impératif religieux ».
De façon générale, les différences entre les aumôniers du culte musulman et les aumôniers des autres cultes, en particulier du culte catholique, sont de deux principaux ordres :
• En raison de sa création récente,
l'aumônerie musulmane est généralement encore en
phase de « rattrapage » du point de vue du recrutement des
aumôniers
. À cet égard, les aumôniers
nationaux ont souligné auprès de votre mission d'information la
difficulté de recruter des profils qui à la fois correspondent
aux critères qu'eux-mêmes se sont fixés (maîtrise du
français, connaissance de la religion et du contexte français,
connaissance des lois de la République et respect de la
laïcité) et qui puissent exercer dans les conditions
d'indemnisation et de statuts qui leur sont permises. Tout retard dans la
validation d'une candidature diffère ce
« rattrapage » et fait prendre le risque que le candidat,
démotivé, ne soit plus disponible.
• Ne s'appuyant pas, contrairement à
l'aumônerie catholique, sur un clergé constitué et,
à ce titre, rémunéré et protégé par
ailleurs,
les aumôneries musulmanes sont davantage en attente
d'un statut qui sécurise leur activité
. Sur ce point,
les attentes sont différentes d'une aumônerie à l'autre.
L'aumônerie militaire n'a pas indiqué de problème particulier de ce point de vue.
L'aumônier national des hôpitaux a, quant à lui, insisté sur la nécessité de recruter et de rémunérer davantage d'aumôniers musulmans, faculté qui est à la main de chaque directeur d'établissement : « les aumôniers sont dans une situation précaire. Ils ne sont en général pas rémunérés. Nous souhaitons qu'ils bénéficient de la même reconnaissance que les aumôniers des autres cultes et j'invite les directeurs des hôpitaux, dans la mesure du possible, à les rémunérer ».
L'aumônier national des prisons, enfin, a davantage insisté sur la nécessité d'une protection sociale et d'une assurance retraite .
Au-delà des attentes respectives exprimées par les différentes aumôneries, vos rapporteurs suggèrent une certaine uniformisation par le haut des statuts des aumôniers musulmans, qui rendrait cette fonction plus attractive et assurerait aux aumôniers pénitentiaires et hospitaliers des conditions d'exercice se rapprochant mutatis mutandis de celles dont jouissent actuellement les aumôniers militaires. Cette uniformisation s'effectuerait sur des bases déjà largement explicitées dans le rapport de la commission d'enquête sur la lutte contre les réseaux djihadistes en France et en Europe, avec notamment : une procédure d'agrément homogène et mieux encadrée, une formation théologique et civique labellisée, un régime de protection sociale mieux défini (en particulier pour le rattachement à la sécurité sociale) et une moindre précarité salariale pour les aumôniers n'exerçant pas d'autre activité rémunérée.
Au total, hormis du point de vue de leur nombre, qui connaît un lent rattrapage, les aumôniers musulmans ne sont pas traités différemment de ceux des autres cultes par l'État. Cependant, les règles communes dans lesquelles ils évoluent, en particulier pour les aumôneries pénitentiaires et hospitalières, ne sont pas adaptées à un encadrement qui, à la différence des autres cultes, ne dispose généralement pas, par ailleurs, d'un statut, d'une rémunération et d'une couverture sociale .
* 20 Rapport Messner
* 21 Ces « assistants sociaux » sont envoyés par la Présidence des affaires religieuses en Turquie pour permettre aux fidèles de la communauté musulmane turque en France d'accomplir leurs devoirs religieux et d'obtenir toutes informations nécessaires auprès du bureau des affaires sociales de l'ambassade de Turquie. D'après les chiffres fournis par l'ambassadeur de Turquie lors de son audition du 23 mars 2016, 207 « assistants sociaux » sont actuellement en poste au sein de ces 260 associations, dont 151 occupent des postes à long terme (des contrats annuels pouvant être prolongés durant quatre ans) et 56 des postes provisoires. D'après l'ambassadeur, une déclaration d'intention signée entre la France et la Turquie le 30 septembre 2010 prévoirait de réduire progressivement le nombre d'assistants sociaux de nationalité turque envoyés en France et de les remplacer par des assistants d'origine turque mais possédant la nationalité française et ayant suivi des études théologiques poussées au sein de l'université turque.
* 22 Welt am Sonntag, 24 avril 2016.
* 23 D'après M. Amine Nejdi, vice-président du Rassemblement des musulmans de France, entendu en audition le 30 mars, « L'une des principales difficultés rencontrées par les musulmans en France est le manque d'imams disposant de compétences suffisantes en matière linguistiques en français et en arabe, théologiques, sociologiques et historiques ».
* 24 Question d'actualité au gouvernement n° 0747G de Mme Nathalie Goulet, publiée au JO Sénat du 12 février 2016.
* 25 Solenne Jouanneau, Les imams en France, pp. 96 et 97. Reconstitution sur la base des revenus déclarés par les imams étrangers sollicitant le renouvellement de leur carte de séjour entre 1990 et 1997.
* 26 Circulaire DHOS/P1 no 2006-538 du 20 décembre 2006 relative aux aumôniers des établissements mentionnés à l'article 2 de la loi no 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière