Seconde séquence
La place des femmes dans les associations.
Comment valoriser leur engagement ?

Animatrice : Corinne Bouchoux, sénatrice de Maine-et-Loire

Intervenantes :

Sophie Rétif, sociologue, auteure de Logiques de genre
dans l'engagement associatif

Claire Hédon,
présidente de ATD Quart Monde France

Alice Clément, vice-présidente en charge des affaires sociales
de la Fédération des associations générales étudiantes (FAGE)

Adeline Gerritsen, vice-présidente
de l'association Organe de sauvetage écologique (OSE)

Marie-Anne Gasnier, chargée du programme « Terre de femmes »
de la Fondation Yves Rocher - Institut de France

INTRODUCTION - SOPHIE RÉTIF, SOCIOLOGUE, AUTEURE DE LOGIQUES DE GENRE DANS L'ENGAGEMENT ASSOCIATIF

Corinne Bouchoux, sénatrice de Maine-et-Loire

Avant de commencer, je souhaite remercier Chantal Jouanno pour toute l'énergie qu'elle met à animer notre délégation, dans la bonne humeur et la sérénité, mais aussi Brigitte Gonthier-Maurin, qui a été présidente de 2011 à 2014, et qui a elle aussi beaucoup oeuvré pour la délégation. Je suis heureuse de voir beaucoup de visages amis parmi nous, dont des sénatrices, des sénateurs et d'anciens membres de notre assemblée.

Nous abordons maintenant une séquence peut-être plus nuancée que la précédente, qui concernait les motivations de l'engagement associatif des femmes. Cette deuxième table ronde sera consacrée à la gouvernance des associations.

La présence dans cette salle d'un public venu très nombreux montre que l'engagement associatif au féminin suscite un véritable intérêt.

Lorsque l'on regarde de près la gouvernance des associations, on observe que la reproduction d'un certain nombre d'inégalités sociales et sexuées joue à plein. La tendance est qu'il y ait aux postes de responsabilité plus d'hommes que de femmes. Les responsables associatifs qui s'expriment dans les médias sont aussi majoritairement des hommes. Est-ce une intuition ? Ce constat est-il confirmé par la recherche ?

Pour répondre à ces questions, je vous propose un panel en deux temps. Dans un premier temps, nous allons entendre Sophie Rétif, docteure en sciences politiques, auteure en 2013 de Logiques de genre dans l'engagement associatif , publié chez Dalloz.

Je tiens moi aussi, comme l'a fait tout à l'heure Chantal Jouanno, à remercier le secrétariat de notre délégation pour son investissement et son implication dans l'organisation du colloque.

Je laisse la parole à Sophie Rétif pour nous éclairer sur cette différence genrée dans la direction des associations.

Sophie Rétif, sociologue, auteure de Logiques de genre dans l'engagement associatif

Mes recherches ont porté sur la place des hommes et des femmes dans les associations. Ce qui m'intéressait, c'était de comprendre pourquoi, encore aujourd'hui, les femmes sont plus engagées dans les associations que dans les partis politiques ou dans les syndicats, et pourquoi elles sont si peu nombreuses aux postes de dirigeants.

D'après les enquêtes de l'Insee de 2011, qui sont parmi les données les plus récentes sur ce sujet, les femmes représentent un tiers des présidents d'association, la moitié des trésoriers et 60 % des secrétaires. Ces chiffres sont extrêmement parlants. On observe une répartition différenciée des hommes et des femmes selon les fonctions (la présidence aux hommes, la fonction de secrétaire aux femmes) et, surtout, un clivage très net pour la fonction de président, même si la proportion de femmes présidentes d'associations augmente au fil des années.

Plus les associations sont de taille importante, moins elles ont de chance d'être présidées par une femme. La tendance est que plus les bénévoles et les salariés sont nombreux, plus le président est un homme âgé.

On sait également que, dans de nombreuses fédérations associatives, les femmes exercent plutôt des responsabilités au niveau local. Les responsabilités nationales sont majoritairement confiées aux hommes. Pendant longtemps, on n'a pas eu conscience de cette inégalité dans l'accès aux responsabilités au sein des associations. Ou alors, on ne voulait pas la voir ! Aujourd'hui, les choses sont différentes : en témoigne le fait que nous en discutions aujourd'hui. Beaucoup d'associations y sont plus attentives qu'hier. À cet égard, les débats sur la parité ont laissé leur empreinte.

Il existe cependant une donnée que les chiffres ne permettent pas de mettre en évidence, alors qu'il s'agit d'une donnée extrêmement importante. C'est ce que j'appelle le turnover , même si le terme n'est pas très élégant. Les femmes accèdent de plus en plus aux responsabilités, mais beaucoup d'entre elles n'y restent pas très longtemps. Souvent, ces femmes exercent un mandat puis laissent leur place à quelqu'un d'autre. Elles peuvent laisser cette responsabilité à une autre femme, auquel cas la proportion de femmes exerçant des responsabilités ne varie pas. Mais ce ne sont pas les mêmes femmes qui occupent des fonctions de responsables, et c'est une question importante. Ce constat est vrai aussi dans les conseils municipaux, où beaucoup de femmes exercent un mandat mais ne se représentent pas.

Les motifs sont pluriels pour expliquer ce turnover . La difficulté réside dans le fait que ce turnover ne permet pas aux femmes de connaître des trajectoires ascendantes dans les associations. Puisqu'elles quittent assez rapidement les postes de responsable, elles ne « grimpent » pas dans la hiérarchie. Cette donnée contribue à expliquer la persistance du plafond de verre.

Par ailleurs, les femmes sont moins « poly-engagées » que les hommes et davantage ancrées dans le monde associatif, alors que le « poly-engagement » des hommes est valorisé dans les associations, ce qui constitue un atout dans leur parcours et favorise leur accès aux responsabilités. Les femmes expriment également le sentiment d'une prétendue moindre compétence. C'est le signe qu'elles ont intériorisé les stéréotypes de genres : les femmes estiment qu'elles sont moins compétentes, et l'on renvoie aussi vers elles une image de moindre compétence. Aussi se portent-elles moins candidates aux responsabilités.

Autre constat : les femmes se tournent davantage vers les associations car elles ont le sentiment que l'on y attend moins de compétences que dans d'autres organisations (syndicats ou partis politiques). Parfois, les femmes accèdent aux responsabilités car il n'y a pas d'homme candidat. C'est un phénomène que l'on observe régulièrement à l'échelon local en raison de la charge de travail importante que cela représente, pour une gratification assez faible.

Pourtant, les femmes qui exercent des responsabilités dans les associations sont particulièrement diplômées. Le niveau de diplôme joue pour les hommes comme pour les femmes, mais il a une importance plus forte pour les femmes, comme si elles compensaient par leur diplôme le fait d'être des femmes. Or cela pose un vrai problème démocratique. Les responsabilités ne seraient-elles confiées qu'à certaines femmes, diplômées et appartenant aux classes supérieures ?

Certaines femmes, ayant intériorisé les stéréotypes de genres, croient qu'elles desserviraient leur association si elles accédaient aux responsabilités. Elles considèrent qu'une femme présidente renvoie une image moins sérieuse, moins professionnelle ou moins crédible. C'est déplorable, mais cette situation correspond à l'image qu'on leur renvoie.

Ces éléments peuvent expliquer le constat que nous dressons aujourd'hui et cette persistance du plafond de verre, même s'il ne faut pas en conclure que cette persistance doit être imputée aux femmes.

Corinne Bouchoux

Je vous remercie d'avoir si bien posé notre sujet.

Claire Hédon, vous avez pris vos fonctions à la présidence d' ATD Quart Monde France en septembre 2015. Vous êtes à la tête d'une structure qui a été présidée pendant trente ans par Geneviève Anthonioz de Gaulle. Quel défi ! Contrairement à la présidente du Secours Catholique , Véronique Fayet, vous n'êtes donc pas la première femme à exercer cette fonction. Néanmoins, comme nous l'avons évoqué plus tôt, deux tiers des présidents d'associations sont des hommes, et la proportion est encore plus forte dans les associations importantes.

Pouvez-vous nous décrire votre parcours à ATD Quart Monde depuis votre engagement initial, en 1993 ? Quel a été le mode de sélection des gestionnaires et responsables ? Le site d' ATD Quart Monde est assez discret sur la présidence. Vos communications sont essentiellement collectives et utilisent largement le « nous ». Cela fait-il partie de votre ADN ? Est-ce un choix de gouvernance ?

Par ailleurs, votre parcours de journaliste a-t-il joué un rôle dans votre engagement militant ? A-t-il une influence sur la manière dont vous concevez et exercez votre présidence ? Le fait d'être journaliste peut-il constituer une difficulté pour vous ?

Pour terminer, pourrez-vous réagir aux propos tenus lors de la première table ronde ? Comment briser le « plafond de verre » qui existe dans les associations ?

Claire Hédon, présidente d' ATD Quart Monde France

Je vous remercie de m'avoir invitée et de me donner la parole. J'ai toujours plus de mal à parler de moi que de parler du mouvement ATD Quart Monde . Je suis alliée du mouvement depuis vingt-trois ans. J'utilise volontairement le terme « alliée » car je ne suis pas bénévole, mais je suis alliée à une cause commune dans notre association : la lutte contre la pauvreté et je souhaite oeuvrer à l'avènement d'une société plus juste.

J'ai découvert ATD Quart Monde par ma famille, puisque l'une de mes cousines est volontaire permanente. J'ai participé à Bangkok, pendant une semaine, à une bibliothèque de rue permettant d'amener le livre dans des endroits où il n'y en a pas et de donner aux enfants le goût de la lecture. À mon retour à Paris, j'ai rejoint les universités populaires Quart Monde où j'ai passé douze ans ; c'est un lieu où des personnes comme vous et moi travaillent avec des familles qui vivent dans la très grande pauvreté et dont beaucoup sont aux minima sociaux. Ces universités populaires sont un lieu de formation aussi bien pour des gens comme moi que pour des militants Quart Monde qui connaissent la pauvreté. Nous essayons de produire une pensée commune sur des thématiques liées à l'éducation, la culture, l'accès aux droits, le logement, la santé, les politiques de lutte contre la pauvreté.... Lorsque j'ai rejoint ce programme, on passait du franc à l'euro et nous avons donc travaillé sur cette thématique. L'année dernière, je suis retournée dans les universités populaires en tant que présidente et nous y avons travaillé sur la COP 21 et sur l'accueil des réfugiés. De nombreuses thématiques de ces universités sont portées par l'actualité.

D'autres actions concernent l'éducation des enfants et la santé. ATD Quart monde m'a appris que nous vivons dans un monde très scindé, où certains vivent dans la pauvreté et d'autres ne savent pas ce que cela représente. Pendant douze ans, je me suis formée auprès de militants, sur leurs conditions de vie et sur ce qu'ils souhaitent pour eux-mêmes.

ATD Quart Monde intervient dans différents domaines : le domaine de la culture (bibliothèques de rue, universités populaires) mais aussi dans le domaine du logement, avec un centre d'hébergement à Noisy-le-Grand, et dans le domaine de l'éducation et de la jeunesse, entre autres auprès de jeunes, souvent issus de familles pauvres, qui sortent du système scolaire sans qualifications. Nous agissons aussi dans le domaine du travail avec l'initiative expérimentale « Territoires zéro chômeur de longue durée ».

Après plusieurs années, j'ai intégré le conseil d'administration d' ATD Quart Monde , puis je suis devenue présidente.

Notre gouvernance est très particulière.

Les postes de présidents, de délégués nationaux au niveau de la France et de délégués généraux au niveau international sont identifiés par un groupe relais d'une quinzaine ou vingtaine de personnes représentatives de l'ensemble du mouvement. Ce groupe réfléchit au profil recherché pour le poste et propose quelques noms. Je n'ai donc pas postulé au poste de présidente. Pour tout vous dire, je n'y aurais même pas pensé, ce qui signe que le « plafond de verre » existe aussi dans la tête ! Lorsque ce poste m'a été proposé, j'ai considéré que ma profession de journaliste pouvait représenter un obstacle. Je me suis demandé si je pouvais à la fois être journaliste et engagée à la tête d'un mouvement qui est politique, même s'il n'est pas partisan. En fait, peut-être me demandais-je si j'étais à la hauteur. Pour être honnête, sans doute les questions que je me posais étaient-elles de cet ordre et je n'exclus pas que mon interrogation sur ma profession de journaliste ait été une sorte d'excuse. Je pense que les hommes se posent beaucoup moins cette question de la compétence que nous.

Ce mode de désignation des présidents d' ATD Quart Monde est très agréable, car être pressentie pour occuper ce poste m'a donné d'emblée une légitimité. Je n'ai pas eu à me battre pour être élue mais j'ai été proposée par un groupe de réflexion. Et il est vrai qu'il est plus agréable de démarrer dans ces conditions que d'avoir à lutter. Dans notre mouvement, la présidente ne décide pas seule, les décisions sont prises de manière collégiale. Certes, cette procédure requiert du temps et peut être jugée parfois trop lourde, mais ce mode de gouvernance est vertueux car nous nous enrichissons de la discussion avec les autres et de la confrontation de nos points de vue. De plus, une fois que la décision est prise, elle devient plus facile à faire accepter. L'adhésion devient évidente, puisque la décision a été prise collectivement.

Je suis frappée par votre remarque sur notre site Internet car je n'avais pas remarqué que le président du mouvement n'était pas mis en avant. Cette utilisation du « nous » tient sans doute au fait que la base de notre mouvement réside dans nos militants et dans la collaboration avec les plus pauvres. Nous savons que nos actions ont plus de chances d'être efficaces si nous sommes associés. Nous savons aussi que, dans un tel contexte, la place des femmes est plus naturelle. Notre mouvement se bat beaucoup sur la question de l'accès au droit. Nous avons beaucoup milité pour le revenu minimum d'insertion (RMI), la couverture maladie universelle (CMU), la lutte contre le chômage et le droit au travail.

Je pense aussi que mon engagement à ATD Quart Monde a changé ma façon de travailler en tant que journaliste. Il a changé mon regard et ma façon d'interviewer les personnes. Cette association m'a permis de comprendre que ce n'est pas parce que quelqu'un a du mal à s'exprimer qu'il n'a rien à dire. Aussi, pour préparer mon émission diffusée sur RFI , mon équipe et moi-même pouvons passer deux ou trois heures avec des personnes pour extraire de ces entretiens trois minutes de paroles fortes.

Je n'ai pas eu le sentiment de me battre en tant que femme dans ma profession de journaliste jusqu'à il y a deux ans, quand on nous a demandé de veiller à la parité parmi nos invités. J'ai été consternée de constater que, dans mon émission, les trois quarts de mes invités étaient des hommes. Comme cette émission traite de sujets de santé, j'ai voulu vérifier la part des femmes chefs de service à l'AP-HP. Il s'avère que ce taux est de 9 %, même s'il n'est pas officiel, car l'AP-HP n'a pas souhaité me fournir cette statistique. En 2016, alors que le nombre de femmes médecins est important, seulement 9 % des chefs de service de l'Assistance publique des hôpitaux de Paris sont des femmes !

Ce sujet nous a conduits à vérifier si l'égalité salariale existait au sein de notre antenne, RFI . Nous avons alors constaté l'existence de grandes différences de salaires. Cela m'a consternée, non pas tant de découvrir qu'il existait ces différences que de me dire que je ne savais pas me défendre, alors que j'avais toujours eu l'impression que je n'étais pas discriminée en tant que femme. Cette prise de conscience a été violente. Je pensais ne pas rencontrer ce type de problème mais, en fait, je suis comme tout le monde ...

Corinne Bouchoux

Pour cette deuxième intervention, c'est Alice Clément, vice-présidente en charge des affaires sociales de la FAGE (Fédération des associations générales étudiantes) , qui présentera cette organisation à la place de son président, Alexandre Leroy. Je vais donc vous poser les questions que nous avions préparées à destination d'un président...

La FAGE , Fédération des associations générales étudiantes , regroupe près de 2 000 associations étudiantes et des élu.e.s étudiant.e.s, soit environ 300 000 étudiant.e.s. Cette organisation agit, entre autres objectifs, pour l'amélioration des conditions de vie et d'études des jeunes et anime un certain nombre de projets.

Claire Guichet, que nous avons entendue pendant la première séquence, a été elle-même présidente de la FAGE il y a quelques années, donc on ne peut pas dire que les femmes ne trouvent pas leur place au plus haut niveau de cette structure. Toutefois, selon une étude d'ANIMAFAC de 2013 sur les femmes et le pouvoir dans les associations étudiantes, alors que les bureaux des associations étudiantes sont quasiment paritaires (48 % de femmes et 52 % d'hommes), pour l'accès à la présidence et aux vice-présidences, on ne constate pas en revanche le même équilibre : la présidence est exercée à 61 % par des hommes et les vice-présidents sont des hommes à raison de 57 %, cette inégalité étant d'autant plus importante que la structure est grande et influente. En matière de parité, les jeunes ne feraient-ils pas beaucoup mieux que leurs aînés ?

Ce déséquilibre au sommet est-il toujours valable aujourd'hui dans les associations étudiantes ? Si oui, à quoi est-il imputable ? Comment peut-on y remédier ?

Avez-vous remarqué des comportements sexistes dans les associations étudiantes, qui pourraient dissuader les filles de briguer des responsabilités ?

Selon une étude réalisée en 2010 pour le réseau ANIMAFAC, la question de la formation fait hésiter les filles (à raison de 57 %) à prendre des responsabilités, ce qui n'est pas le cas des garçons qui sont 29 % seulement à se poser cette question. Ce diagnostic est-il selon vous toujours valable actuellement ? Alors que d'habitude on se bouscule pour venir intervenir au Sénat, pouvez-vous nous expliquer également pourquoi Alexandre Leroy vous a laissé sa place aujourd'hui ? Était-ce pour vous mettre en valeur ou parce qu'il n'était pas disponible ?

Alice Clément, vice-présidente en charge des affaires sociales de la FAGE

Bonjour à toutes et à tous, je suis vice-présidente en charge des affaires sociales à la FAGE . Alexandre Leroy m'a demandé d'intervenir à sa place car, dans mes fonctions, je travaille sur la thématique de l'égalité entre hommes et femmes. Au départ, j'ai refusé sa proposition car, justement, je me suis posé la question de ma compétence ! J'ai également été effrayée de prendre la parole devant vous, mais Alexandre m'a poussé à le faire et je l'en remercie maintenant. Notre président est très engagé et se revendique comme féministe. Me laisser la place aujourd'hui était un geste militant.

Des inégalités perdurent dans les associations étudiantes. Ces associations véhiculent les inégalités qui existent en général dans la société française, en ce qui concerne notamment l'accès aux responsabilités ou la prise de parole. Certaines inégalités cependant sont spécifiques au milieu étudiant et universitaire. Nos associations regroupent les étudiants d'une filière. Aussi les filières dont la composition est très genrée peuvent accentuer une représentation inégalitaire des membres de l'association. La vie étudiante connaît aussi son lot de violences sexistes et de harcèlement. Chacun sait que le bizutage existe encore, les soirées étudiantes scandaleuses également. Nous faisons des progrès dans ce domaine au sein de notre réseau et j'en suis fière, mais je concède que ces situations peuvent rebuter quelques femmes de participer. Je suis moi-même étudiante en médecine et je peux témoigner que l'esprit carabin qui y réside ne permet pas nécessairement aux femmes d'avoir confiance. Il peut freiner des volontés, alors que, pourtant, nous sommes aujourd'hui majoritaires dans cette filière...

Au-delà de l'enjeu moral et éthique qui nous pousse à promouvoir l'égalité entre femmes et hommes, il faut rappeler que l'association étudiante est aussi une occasion exceptionnelle de porter un message d'égalité. À une phase de leur vie où les étudiants vont construire leur rapport aux autres et leurs comportements, le militantisme étudiant en faveur de l'égalité peut produire ses effets, à long terme. Les enjeux sont nombreux, notamment puisqu'un engagement étudiant peut être un tremplin vers un engagement politique, favoriser une réorientation vers une autre formation ou une reconversion professionnelle. D'autre part, l'expérience d'engagement étudiant permet également de se construire un réseau et d'acquérir des compétences qui ne sont pas celles que l'on acquiert dans sa formation diplômante. Elle permet enfin de s'épanouir. Pour toutes ces raisons, il est absolument nécessaire de rendre cet environnement égalitaire.

À cette fin, la FAGE travaille sur les stéréotypes de genre et propose aux étudiants de réfléchir aux idées préconçues. Même s'il existe encore des sexistes revendiqués, la grande majorité des personnes reconnaîtra qu'elle est favorable à l'égalité entre hommes et femmes. Pourtant nombreuses sont les personnes à conserver des comportements sexistes car ceux-ci ont été intériorisés, le plus souvent inconsciemment, par le plus grand nombre. Nous-mêmes, nous nous interrogeons sur nos pratiques : allons-nous pousser des militantes à évoluer et à prendre des responsabilités ? Allons-nous plus facilement accepter de répondre à leur réticence par : « si tu ne veux pas y aller, ce n'est pas grave » ? N'allons-nous pas plus facilement les « dispenser » d'expériences éprouvantes mais qui à terme, renforcent et donnent confiance? Cette prise de conscience de nos comportements potentiellement différenciés en fonction du genre de la personne que nous avons en face de nous est essentielle et permet de rechercher des solutions.

Nous estimons, entre autres, que ces solutions passent par la formation. Nous travaillons à l'élaboration d'un kit que nous enverrons à toutes nos associations. Ce kit contiendra des livrets théoriques, expliquant les mécanismes sous-jacents aux inégalités de genre, mais aussi des fiches techniques présentant de nombreux outils qui peuvent être mis en place. Nous souhaitons, par exemple, intégrer des fiches de poste types afin de convaincre les associations de créer les leurs. Celles-ci permettront de décrire clairement les qualités requises pour accéder aux postes à responsabilité et feront prendre conscience aux femmes qu'elles disposent bel et bien des compétences requises.

Pour avancer vers cette égalité, nous avons aussi proposé des réformes statutaires et rendu obligatoire la parité dans nos commissions permanentes. Ces commissions, qui réunissent des membres de notre réseau, experts sur des thématiques précises, sont souvent des « réservoirs » de personnes que l'on recrute ensuite pour occuper des postes à responsabilité.

Je me félicite par ailleurs du fait que nos fédérations lancent désormais de manière autonome des projets sur l'orientation, sur la lutte contre le sexisme. Pour conclure et pour répondre à la question de la table-ronde, je dirais qu'il est important de valoriser l'engagement des femmes puisque la valorisation de certaines femmes permet de créer des modèles pour d'autres, modèles auxquels on s'identifie, facilitant ainsi son propre engagement. C'est donc un des vastes chantiers auxquels nous nous attelons.

Corinne Bouchoux

Je vous remercie.

Comme l'a dit notre présidente tout à l'heure, nous avons souhaité, au cours de ce colloque, mettre en valeur un engagement particulier, au service de l'environnement.

Adeline Gerritsen, vous êtes vice-présidente d' OSE ( Organe de Sauvetage Ecologique ). Cette structure est originale puisque sa mission est de nettoyer les zones polluées et de lutter pour la sauvegarde des sites et des paysages. Votre engagement est donc très concret : vous opérez, par exemple, pour ramasser des déchets le long des berges de la Seine et de ses affluents.

Je souhaite que vous puissiez répondre très librement à nos questions. Je fais ce préambule car je sais qu'il peut être plus difficile pour une femme que pour un homme de prendre la parole. Par expérience, jamais un homme ne m'a dit qu'il était stressé de prendre la parole, alors que beaucoup de femmes, y compris des sénatrices, avouent qu'elles sont parfois un peu émues en certaines circonstances.

Vous avez rejoint OSE en 2004 et en êtes devenue vice-présidente en 2013, le président étant son fondateur. Pouvez-vous nous retracer votre parcours au sein de l'association ?

Le fait d'exercer des responsabilités à OSE a-t-il changé votre quotidien ? Cela s'est-il traduit par une plus lourde charge de travail ? Était-ce plus difficile que vous l'imaginiez ? Enfin, comment vivez-vous les manifestations de gratitude que vous avez pu recevoir ?

On évoque assez rarement, quand on parle des inondations, les actions comme celles que vous menez : c'est tout le travail en aval qui est effectué après la catastrophe.

Adeline Gerritsen, vice-présidente de l'association Organe de sauvetage écologique (OSE)

Je suis très honorée d'être parmi vous aujourd'hui. Je représente l'association OSE qui oeuvre pour la sauvegarde de l'environnement en nettoyant des zones polluées, en Ile-de-France mais aussi dans d'autres régions françaises. Je représente aujourd'hui toutes les bénévoles de notre association, qui sont nombreuses, et qui viennent de tous horizons.

Nous avons beaucoup de bénévoles réfugiés, de personnes en difficulté qui, précisément, habitent ces zones polluées et ces berges où nous intervenons le plus souvent. Ces bénévoles font partie intégrante de notre association depuis 2007. Il n'y a pas que des femmes, mais elles sont nombreuses. Beaucoup sont issues de populations Rom.

J'ai intégré l'association OSE en 2004, car je voulais m'engager sur le terrain. J'avais fait des études de droit de l'environnement mais je n'ai pas eu au départ l'opportunité de trouver un emploi en concordance avec mes qualifications. J'ai donc suivi un autre parcours professionnel. Cependant, grâce à mon engagement associatif, j'ai eu l'occasion de retourner vers mes premières amours, puisque je travaille maintenant dans un service de développement durable.

Après un reportage télévisuel, j'ai eu connaissance de l'action de l'association OSE et j'ai contacté son président fondateur, ayant toujours voulu m'engager sur le terrain. Notre association mène en moyenne une action par mois. Ce sont des opérations de nettoyage de grande envergure avec des partenaires institutionnels qui affrètent des bateaux pour nous permettre de collecter tous les déchets qui s'amoncellent. En une matinée, nous pouvons collecter plus de dix tonnes de déchets, avec une trentaine de bénévoles ! Ceci prouve que collectivement, nous pouvons faire beaucoup.

Très rapidement, j'ai intégré le conseil d'administration de l'association. Son président-fondateur a à coeur de mettre les femmes en valeur. J'ai été conseillère administrative de l'association. S'il a fallu un certain temps avant que je devienne vice-présidente, c'est qu'on ne me l'a pas demandé et que je n'ai pas souhaité l'être. Je souhaitais avant tout agir sur le terrain, et je n'aime pas me mettre en avant.

Du fait de ma formation, et parce que j'étais très motivée, je suis allée au-delà du terrain : je me suis investie dans des recherches juridiques, j'ai assumé des tâches administratives, j'ai recherché des subventions. Cet engagement m'a donc donné beaucoup de travail et a commencé à prendre du temps. La question de la conciliation de ma vie privée et de ma vie associative a commencé à se poser, mais mon engagement me poussait à poursuivre mes démarches.

J'ai eu l'opportunité de postuler à des prix, dont le prix Terres de femmes de la Fondation Yves Rocher qui m'a été décerné en 2012. Je lui en suis fortement reconnaissante car ce genre de récompense légitime l'action. Ramasser des déchets n'est pas forcément une mission gratifiante et la remise de ce trophée a permis de valoriser notre action, l'action de l'association avant tout, mais aussi mon action propre. Après l'obtention de ce prix, il m'a été proposé de devenir vice-présidente et j'ai accepté cette responsabilité sans me poser de questions : ce prix m'a donné confiance en moi et m'a soutenue dans ma prise de fonction. Je m'investis encore davantage dans l'association depuis que je suis vice-présidente.

Comment valoriser un parcours associatif ? Peut-être faudrait-il imaginer une reconnaissance systématique pour nous, les femmes. Pourquoi ne pas accorder une décoration spécifique aux représentants associatifs ou à leurs bénévoles ? Sur le plan professionnel, je pense que nous pouvons valoriser nos compétences associatives dans le domaine de la gestion de projet, de la logistique, de la communication, du secrétariat, etc. La vie associative valorise aussi les compétences comportementales, comme par exemple la capacité à travailler en équipe, sans hiérarchie. Ces compétences peuvent être valorisées en entreprise.

Pour conclure, je suis convaincue que toute femme qui souhaite s'engager doit suivre son envie. Je finirai par une citation de Gandhi : « Soyez le changement que vous voulez voir dans le monde ».

Corinne Bouchoux

J'en viens à notre dernière intervenante, Marie-Anne Gasnier, responsable du programme Terre de Femmes au sein de la Fondation Yves Rocher . Nous abordons maintenant un aspect important de l'engagement associatif des femmes, qui est son indispensable mise en valeur. Le Prix de la Fondation Yves Rocher , précisément, récompense des projets associatifs innovants et valorise le rôle des femmes dans la vie associative. Pensez-vous que ce prix donne confiance aux lauréates ? Y a-t-il un « avant » et un « après » ? Comment les aidez-vous à mieux valoriser leurs actions ou à prendre confiance en elles ?

Depuis que je suis sénatrice, je n'ai pas reçu une seule proposition pour décerner la Légion d'honneur à une femme. Lorsqu'une femme est identifiée, elle décline souvent la proposition, préférant poursuivre son engagement de terrain.

Les femmes doivent-elles apprendre à acquérir de la confiance en elles, réfléchir autrement ? Pour certaines, ces rétributions symboliques sont importantes, pour d'autres, elles le sont moins. Quoi qu'il en soit, ces prix donnent de la visibilité aux engagements associatifs au féminin.

Je vous donne donc la parole pour présenter votre action. Pendant que vous parlerez, nous pourrons voir des images d'une cérémonie de remise de prix et nous verrons que, pour les lauréates, c'est manifestement un grand moment.

[Pendant l'intervention de Marie-Anne Gasnier, est projeté l'enregistrement vidéo, sans le son, de la remise du prix Terre de femmes 2014. ]

Marie-Anne Gasnier, chargée du programme Terre de Femmes de la Fondation Yves Rocher - Institut de France

Le prix Terre de Femmes est remis par la Fondation Yves Rocher , qui est sous l'égide de l' Institut de France , et dont l'objet est de préserver l'environnement et la biodiversité. Il y a quinze ans, la Fondation Yves Rocher - Institut de France a pris conscience que l'égalité des sexes était essentielle pour nos sociétés. Elle a donc créé le prix Terre de femmes pour récompenser les femmes qui agissent pour la protection de l'environnement.

Pourquoi est-il important d'allier l'égalité des sexes et l'environnement ? C'est parce que nous voulons créer un monde plus durable, plus juste, plus harmonieux, pour être plus heureux. Nous sommes fortement animés par cette conviction. Par ailleurs, comme l'a souligné Anne Barre avant moi, les femmes souffrent davantage du changement climatique, mais sont aussi porteuses de solutions dans un esprit positif.

Pourquoi un prix ? Pourquoi une cérémonie ? Il y a quatre dimensions très importantes : ce prix permet tout d'abord aux lauréates de recevoir une dotation financière, car les moyens financiers sont essentiels pour mener des actions. Ce prix permet aussi de mettre en avant des associations et des lauréates. Nous mettons un point d'honneur à valoriser ces dernières non seulement lors des cérémonies de remise de prix, qui sont des moments solennels, mais aussi dans les médias, pour leur donner de la visibilité. En effet, nos lauréates peuvent témoigner dans la presse et dans les magazines pour mettre en avant leurs actions. Grâce au prix, OSE a pu capter de nouveaux soutiens, attirer de nouveaux bénévoles.

Ce prix est aussi une source d'inspiration pour les femmes et les hommes qui ont envie de s'engager et de montrer qu'avec de la volonté, on peut faire changer les choses.

Vous avez parlé de compétences pendant la matinée : notre prix souhaite valoriser des femmes expertes de leur thématique. Nous avons récompensé cette année une femme qui travaille à la préservation d'un lémurien. Ce combat est toute sa vie et nous sommes ravis de la mettre en avant. D'autres femmes n'avaient pas d'expertise particulière avant de s'engager, mais ont souhaité s'investir face à une injustice ou pour défendre une cause. C'est aussi l'envie de faire des choses que nous récompensons. Même si l'on ne détient pas de compétences particulières, il suffit souvent d'être enthousiaste pour avancer. Beaucoup de nos lauréates répondent à ce portrait, comme Adeline Gerritsen, qui n'était pas spécialiste des questions de déchets, mais qui a osé se lancer et qui est aujourd'hui vice-présidente de son association. La mise en avant de ces femmes doit être une source d'inspiration pour d'autres.

Ce prix est également l'occasion de favoriser des rencontres. C'est aussi le plaisir d'être ensemble, de partager un moment d'émotion, de rencontres et d'échanges. Ces actions permettent de créer un réseau de lauréates. Nous avons récompensé 350 femmes en quinze ans, dont plus de soixante-dix en France ! Il est important qu'elles se rencontrent, qu'elles puissent échanger et qu'elles sachent qu'elles ne sont pas seules. Il est aussi important de leur ouvrir notre réseau, même si leurs engagements et leurs projets sont différents. Bien souvent, elles portent leur projet de manière isolée. Grâce à nos jurys, nous pouvons mettre en contact nos lauréates avec des représentants de l' Unesco ou du Comité ONU Femmes - France , par exemple.

Pour terminer, je souhaite leur dire merci. Je le dis avec émotion, car je rencontre des femmes formidables qu'il faut absolument remercier pour ce qu'elles font. Je suis heureuse que la remise de ces prix leur permette de prendre confiance en elles. Ce sont des femmes géniales et il est donc très important qu'elles soient confiantes. En outre, cette confiance peut aussi leur donner envie d'aller plus loin, de faire encore plus ! Dans la situation actuelle, c'est essentiel car nous avons besoin de femmes qui ont envie de s'engager, de personnes positives.

Si ce prix peut donner envie à des femmes de s'engager et d'agir, c'est pour nous le plus important !

Corinne Bouchoux

Pour illustrer ce propos, je vous propose de regarder deux vidéos qui retracent deux témoignages concrets. Nous commençons par Magali Queyranne, qui crée des jardins partagés à Lima au Pérou pour reconnecter l'urbain et la nature. Nous avons choisi ce témoignage car cette jeune femme assimile son engagement associatif à une vocation citoyenne.

[Diffusion de l'interview vidéo de Magali Queyranne :
«
Jardins partagés à Lima ».]

Corinne Bouchoux

Nous allons maintenant entendre notre deuxième témoignage, celui de Mériem Fradj, qui a créé elle aussi des jardins partagés, mais en France, à Valence.

[Diffusion de l'interview vidéo de Meriem Fradj :
«
Jardins partagés à Valence ».]

Corinne Bouchoux

Avant de donner la parole à la salle, je souhaite me tourner de nouveau vers Adeline Gerritsen. Qu'est-ce qui change, grâce à un prix ? Au-delà des moyens que cela permet d'acquérir, est-ce qu'un prix aide à prendre confiance en soi ?

Adeline Gerritsen

Outre la dotation financière, recevoir un prix donne beaucoup de visibilité. Grâce au prix Terre de Femmes de la Fondation Yves Rocher , notre association a pu mieux communiquer sur nos actions. Nous sommes passés à la télévision et j'ai été interviewée par divers magazines. Ce prix m'a aussi permis de parler devant vous aujourd'hui. D'autres opportunités de rendre visibles nos actions devant des publics variés m'ont aussi été offertes.

Cette visibilité est essentielle car le fait de ramasser des déchets n'est pas un acte valorisant en soi. Or ce prix a valorisé notre action et l'a légitimée aussi. La remise de ce prix a également permis une mise en réseau et de belles rencontres. À chaque nouvelle remise de prix, je suis invitée et j'ai ainsi l'opportunité de rencontrer de belles personnes qui forcent le respect. Certaines d'entre elles ont déplacé des montagnes ! Ces rencontres nous permettent de nous découvrir, et aussi de nous enrichir mutuellement.

Corinne Bouchoux

Je voudrais aborder maintenant une autre manière de valoriser l'engagement des femmes, qui est la remise de décoration. Je m'adresse à nos témoins et à la salle.

Personnellement, la remise de décorations n'est pas un acte qui résonne en moi. Je m'adresse cependant aux invitées de la première table ronde : le fait d'avoir reçu une décoration vous a-t-il aidées, outre que recevoir une distinction fait plaisir ? La décoration est-elle selon vous un réel moyen de valoriser l'engagement associatif ?

Gisèle Bourquin, présidente de Femmes au-delà des Mers

Lorsqu'une décoration m'a été proposée, j'ai beaucoup réfléchi. Je ne me suis pas précipitée pour la recevoir, alors que l'autre moitié de l'humanité a tendance à se faire décorer assez vite ! La remise d'une décoration est évidemment un moment agréable, mais il est difficile de savoir dans l'instant quelles pourront être ses conséquences au quotidien. Au fil du temps et souvent à des moments inattendus, l'obtention d'une décoration ou d'un prix permet pourtant de peser. C'est aussi un moyen de crédibiliser notre association. Je suis officier de l'Ordre national du Mérite et j'oublie d'ailleurs souvent de le mentionner. Pour les personnes qui s'engagent avec nous et pour celles que nous sollicitons, ce titre a une résonance, à l'exception peut-être des financeurs. C'est donc avec le temps que l'on se rend compte qu'une décoration a de l'importance.

Damarys Maa Marchand, présidente de la Fédération IFAFE (Initiatives des femmes africaines de France)

Je suis chevalier de la Légion d'honneur. Pour ma part, je ne connaissais pas l'histoire de cette décoration et mon entourage féminin, des femmes françaises pour la plupart, m'avait conseillé de ne pas l'accepter. Pourtant, j'ai accepté cette récompense au nom de tous ceux et de toutes celles qui, malgré tout ce qu'ils ont pu faire pour la collectivité, n'ont pas eu la chance de recevoir une telle distinction. J'ai observé que cette récompense avait permis de nous ouvrir des portes et de rendre plus visible notre organisation. Hier, j'étais à l'Assemblée nationale pour parler du rôle de notre association et de l'accueil des jeunes en stage. Mais je pense que je n'aurais pas été sollicitée si j'avais représenté une association de quartier sans visibilité particulière. C'est aussi parce que nous étions connus que nous avons pu intervenir. C'est donc une forme de reconnaissance. Je souhaite que ces décorations récompensent encore beaucoup de femmes qui s'engagent car ces récompenses donnent aussi du courage !

Corinne Bouchoux

Notre emploi du temps étant très contraint, nous ne pourrons prendre qu'une question avant de laisser la parole à Claire Guichet et Sophie Rétif pour quelques mots de conclusion.

Geneviève Tapie, présidente, Assemblée des femmes - Observatoire régional de la parité

Pour l'Ordre national du Mérite et la Légion d'honneur, nous considérons que l'égale représentation des hommes et des femmes est une condition du pacte républicain. Des femmes se sont battues pour que la parité existe dans l'attribution des ordres nationaux. Je pense notamment à Colette Kreder, ancienne directrice de Polytechnique féminine, qui a obtenu en 2007 la parution d'une circulaire du Président de la République sur cette thématique. J'ai reçu les insignes de chevalier précocement et j'ai d'emblée voulu mettre cette décoration au service des autres. Aujourd'hui encore, systématiquement et inlassablement, nous sollicitons les préfets et nous soumettons des noms de femmes pour que celles-ci soient décorées à parité. À chaque fois qu'une femme est nommée ou promue, cela fait qu'il y a un homme de moins sur la liste officielle... Il faut donc mettre la décoration au service des autres et au service des causes que l'on défend. Si par bonheur, votre récompense est remise par le Président de la République et que votre nom paraît dans la presse, alors vous êtes respectée. Pour autant, rassurez-vous, je ne mets pas ma décoration pour aller nager à la piscine ...

Corinne Bouchoux

Je vous remercie de cette perspective optimiste et pour votre action. Notre matinée d'échanges prend fin et je sais que toutes les femmes engagées ici présentes n'ont pu prendre la parole. Cependant, je pense que le panel de témoins que nous avons constitué témoigne d'une grande diversité, que des solutions existent pour faire bouger les lignes et que les femmes ont de l'énergie à revendre.

Nous faisons partie de la solution à tous les problèmes qui se posent à nos démocraties. Nous n'avons pas pu aborder la question des associations sportives pendant cette matinée. Je souhaite cependant souligner la présence dans cette salle d'Yvonne Le Floch, présidente de l'association Tir sportif Châtenoy le Royal (TSCR) , qui a été invitée ce matin à l'initiative de notre collègue Marie Mercier, sénatrice de la Saône-et-Loire, que je remercie . Vous menez toutes des actions remarquables mais nous n'avons pas eu le temps de tout évoquer dans le délai d'une matinée qui nous était imparti. Je souhaite remercier tout particulièrement toutes les sportives à travers vous.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page