Audition de M. Christian Eckert, secrétaire d'État chargé du budget (mardi 5 avril 2016)
M. Jean-Noël Cardoux , président . - Nous accueillons cet après-midi M. Christian Eckert, secrétaire d'État chargé du budget, pour faire le point sur l'exécution de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2015.
Les comptes du régime général sont clos depuis le 15 mars ; l'Insee a annoncé les premiers résultats des comptes nationaux des administrations publiques le 25 mars et, dans quelques jours, le Gouvernement présentera le programme de stabilité transmis aux institutions communautaires.
Nous devrions donc avoir une bonne vision d'ensemble de l'état des finances publiques et, en particulier, des finances sociales.
2015 était une année importante. Première année d'application du pacte de responsabilité, elle a marqué un net changement d'orientation du Gouvernement quant à l'approche à retenir en matière de prélèvements obligatoires sur les entreprises. De fait, nous constatons une première inflexion des prélèvements obligatoires, même si ce n'est pas encore la « décrue ». Nous vous en donnons acte.
Comme en 2014, la situation constatée est meilleure que celle prévue par le PLFSS, avec un déficit de 10,7 milliards d'euros en 2015 pour l'ensemble du régime général et du fonds de solidarité vieillesse. Elle bénéficie notamment de « l'effet base » de 2014 dont les résultats ont été meilleurs que prévu par le PLFSS pour 2015. Comme en 2014, l'amélioration se partage entre meilleures recettes, notamment de CSG, et moindres dépenses, notamment sur la gestion des caisses. Comme en 2014, la dette publique continue néanmoins à se creuser, avec une dette nette de 160 milliards d'euros à fin 2015 pour les administrations de sécurité sociale. Comme en 2014, le point noir du déficit reste le Fonds de solidarité vieillesse, dont le déficit s'est à l'inverse creusé d'un milliard d'euros par rapport aux prévisions pour atteindre 3,9 milliards d'euros en 2015, contre 2,9 milliards d'euros prévus. La Mecss se penchera prochainement sur ce sujet, sur le rapport de nos collègues Gérard Roche et Catherine Génisson, dont nous attendons les conclusions avec grand intérêt.
Au-delà de ces remarques, j'aurais une question supplémentaire sur le stock de déficit de l'Acoss. La loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2016 a saturé le plafond de transfert de dette sociale à la Cades, qui avait été relevé en 2011. Envisagez-vous de résorber le déficit de l'Acoss dans les années à venir en augmentant ce plafond de transfert de dette à la Cades dans la prochaine LFSS ?
M. Christian Eckert, secrétaire d'État au budget . - Vous avez pris connaissance des résultats financiers de la sécurité sociale pour l'année 2015 qui ont été présentés par le Gouvernement, le 17 mars 2016, sitôt que les organismes ont arrêté leurs comptes. L'année dernière déjà, dans le cadre du même exercice, le Gouvernement avait présenté des résultats meilleurs que ceux prévus lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Cette année, de nouveau, les résultats que je viens vous présenter s'avèrent nettement meilleurs que les prévisions récentes. Le déficit du régime général s'est réduit en effet à 6,8 milliards d'euros, soit près de 3 milliards de moins que la prévision. En ajoutant le fonds de solidarité vieillesse, le solde est déficitaire de 10,7 milliards d'euros, soit 2 milliards de mieux que ce que nous avions prévu et une réduction de 2,4 milliards du déficit par rapport à l'année précédente. Bien entendu, il ne s'agit que des chiffres du régime général, et non de l'ensemble des régimes, puisque qu'il faut attendre la commission des comptes de la sécurité sociale du mois de juin pour disposer d'une vision complète. Toutefois, comme les années précédentes, ce résultat est probablement proche de ce que sera le résultat final de l'ensemble des régimes. La Cour des comptes devra également rendre son rapport sur les comptes de la sécurité sociale au mois de juin prochain. Je rappelle à cet égard que les comptes des années 2013 et 2014 de toutes les branches ont été certifiés par la Cour, ce qui n'était pas arrivé depuis la création de cette procédure, il y a 10 ans maintenant. De même, nous ne disposons pas encore du résultat définitif de l'objectif national de dépense de l'assurance maladie (Ondam) 2015 même si le résultat des dépenses de la branche maladie du régime général et des branches intégrées nous permet déjà de savoir qu'il sera respecté, ce qui est un résultat très important.
Je voudrais dans un premier temps revenir sur les bons résultats de l'année 2015, qui ont été obtenus par des efforts significatifs de maîtrise de la dépense de chacune des branches de la sécurité sociale.
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2016 adoptée en décembre dernier prévoyait pour l'année 2015 un déficit de 9 milliards d'euros pour le régime général et de 12,8 milliards d'euros en incluant le fonds de solidarité vieillesse. Or, le déficit du régime général est finalement de 6,8 milliards d'euros, tandis que le déficit global en incluant le FSV s'élève à 10,7 milliards d'euros. Pour le régime général de sécurité sociale, c'est le meilleur résultat depuis 2002. Les comptes de chacune des branches s'améliorent.
C'est d'abord le cas pour l'assurance maladie. Le déficit est ramené en dessous de 6 milliards d'euros, soit le même niveau qu'avant la crise économique. Cette amélioration de 700 millions d'euros a été obtenue grâce à une progression contenue des dépenses à 2%, soit l'évolution la plus faible depuis 1998. La maîtrise des dépenses a été réalisée sans porter atteinte aux droits des assurés ni réduire le niveau de couverture. Il n'y a pas eu de remise en cause du niveau de remboursement, ni d'augmentation des franchises ou des participations forfaitaires. Les économies ont été réalisées en obtenant une plus grande efficacité des dépenses de santé, que ce soit en ville ou à l'hôpital: plus grand recours aux médicaments génériques, développement de la chirurgie ambulatoire, utilisation de référentiels pour la durée des arrêts de travail. Je profite d'ailleurs de cette intervention, pour rappeler que les dépenses de santé ne diminuent pas en valeur, mais que leur progression est maîtrisée. Cette progression a été limitée à 2 % en 2015. Pour 2016, le secteur de la santé bénéficiera de près de 3,3 millions d'euros de crédits supplémentaires, soit une progression de l'Ondam d'environ 1,75 %.
S'agissant de la branche famille, le résultat est là aussi évident. Le déficit est divisé par deux en un an et revient à 1,4 milliard d'euros. Là aussi, c'est un résultat qui n'avait plus été vu depuis bien des années, et qui s'explique par nos mesures d'économies.
L'Assemblée nationale a adopté en LFSS pour 2015 la modulation des allocations familiales, qui a permis la réalisation des économies prévues. C'est indéniablement un effort financier pour certains ménages, même s'il s'agit, vu le barème retenu, des plus aisés d'entre eux.
L'amélioration la plus frappante est enfin celle de la branche vieillesse, puisque le solde de la CNAVTS revient, enfin, à un niveau très proche de l'équilibre, soit un déficit de 300 millions d'euros. Ce sont les mesures des réformes des retraites successives qui ont permis cette amélioration. Le recul progressif de l'âge légal de départ, mais aussi les mesures d'économie visant à sous-indexer les prestations versées, décidées en 2014, et l'affectation de prélèvements, notamment les hausses de cotisations salariales et patronales, mises en place en 2012 et 2014, qui constituent un effort équilibré des salariés et des employeurs. En 2015, le résultat s'explique aussi par des dépenses de prestations légèrement moins élevées que prévu.
J'en viens à la situation du fonds de solidarité vieillesse, dont le déficit demeure élevé, à 3,9 milliards d'euros. Je rappelle que le Gouvernement a déjà affecté en 2014 des ressources supplémentaires au fonds, de près de 1,2 milliard d'euros, correspondant au gain lié à la fiscalisation des majorations de pensions, puisque le financement des majorations de pension est une des charges du FSV. Sans cette mesure, contre laquelle l'opposition s'était alors longuement exprimée, le déficit serait plus élevé encore.
Enfin, et c'est un point sur lequel je souhaite insister, nous avons aussi réalisé des économies substantielles sur les frais de gestion des organismes eux-mêmes. Dans le cadre du plan d'économie de 50 milliards d'euros sur trois ans, nous avons prévu de réaliser près de 500 millions d'euros d'économie en 2015.
Les résultats meilleurs que prévu de la sécurité sociale ne sont pas seulement liés à des efforts de réduction des dépenses, mais aussi à une bonne tenue des recettes, et sans mesures de hausses de prélèvement, à l'exception de celle, déjà programmée, des cotisations d'assurance vieillesse. Le contexte est même celui d'une baisse des prélèvements, dans le cadre du pacte de responsabilité, ces baisses de cotisations et contributions sociales étant compensées par l'Etat à la sécurité sociale. Avec une croissance de 1,2 % au final, ainsi qu'une augmentation de l'ordre de 1,6 % de la masse salariale, en légère accélération par rapport à 2014, les recettes des cotisations sociales se sont établies à un niveau très proche de celui prévu.
Par ailleurs, d'autres contributions ont eu un rendement supérieur à celui sur lequel nous avions fondé les prévisions du PLFSS. Il s'agit notamment des prélèvements sociaux sur les revenus du capital, puisque la rémunération des contrats d'assurance vie a finalement été meilleure que ce que nous avions anticipé. D'autres recettes, comme le forfait social ou les contributions sur les actions gratuites, ont également eu globalement des rendements supérieurs à nos prévisions.
Notre politique budgétaire prouve également son efficacité en atteignant ses objectifs. C'est en poursuivant selon la même méthode que nous pouvons continuer de financer nos priorités tout en continuant à réduire le déficit.
En 2015, la maîtrise des dépenses a permis d'atteindre un résultat très significatif : il s'agit du remboursement de la dette sociale accumulée, qui est la mission de la caisse d'amortissement de la dette sociale - la Cades. En effet, en 2015, la Cades a amorti, c'est-à-dire définitivement remboursé, plus de 13 milliards d'euros. Ces remboursements sont permis par l'affectation de la CRDS et d'une partie de la CSG. Autrement dit, la Cades a remboursé nettement plus de dette accumulée que le niveau du déficit courant : l'écart est de 3 milliards d'euros sur le champ du régime général et du FSV au global, et sans forcer le trait, on peut même dire qu'en 2015, le régime général et le FSV ont donc réalisé un excédent de 3 milliards d'euros, qui correspond à la réduction nette de leur endettement. Il faut souligner ce résultat, c'est pourquoi je me répète : en 2015, la dette sociale a diminué en euros sonnants et trébuchants, de plus de 3 milliards d'euros.
Vous avez évoqué, M. le Président, la dette de l'ensemble des régimes sociaux. Je ne parle pour ma part, à ce stade, que de la dette de l'Acoss et de la Cades, c'est-à-dire de la dette des quatre branches du régime de base et du FSV. À cette dette, s'ajoute effectivement la dette de l'Unédic et des régimes de retraite complémentaire. Mais je le répète : la dette sociale dans son périmètre « Acoss+Cades » a diminué de 3 milliards d'euros et c'est une première. Je précise que le transfert de la dette de l'Acoss à la Cades n'y change rien puisque c'est bien le niveau global de dette cumulée de l'Acoss et de la Cades qui diminue.
Ces bons résultats, nous les avons obtenus alors que nous avons baissé massivement les cotisations sociales sur les bas salaires et sur les indépendants ainsi que la C3S, pour un total de 6,5 milliards d'euros. C'est la tranche du Pacte de responsabilité que vous rappelez dans votre propos introductif, monsieur le Président.
Ces baisses de prélèvements ont été compensées à la sécurité sociale. La sécurité sociale n'a donc pas supporté le coût de ces pertes de recettes. C'est en effet le budget de l'État qui a intégralement supporté l'effort financier correspondant. Et pourtant, le déficit de l'État s'est lui aussi réduit en 2015, à 70,5 milliards d'euros, soit le déficit budgétaire le plus faible depuis 2008. À ceux qui nous reprochent de ne pas diminuer le déficit de l'État de façon suffisamment vigoureuse, je rappelle que les allègements de cotisations ont été compensés dans le même temps par le budget de l'État.
Tout en réduisant les déficits, le Gouvernement a poursuivi en 2015 la mise en oeuvre des mesures visant à améliorer l'accès aux droits et aux prestations sociales. Ainsi, la poursuite de la mise en oeuvre du plan pauvreté a permis en 2015 une nouvelle revalorisation de 10 % du complément familial versé aux familles de 3 enfants et plus qui vivent sous le seuil de pauvreté et de 5 % de l'allocation de soutien familial, versée aux familles monoparentales. De même l'expérimentation concernant la garantie contre les impayés de pension alimentaire est généralisée en 2016. Le minimum vieillesse, porté à 800 euros à la fin de l'année 2014, a également conduit à des dépenses plus dynamiques en 2015.
Dans le domaine de la santé et de l'accès aux soins, l'année 2015 a été marquée par la mise en oeuvre de plusieurs mesures : le déploiement des plans autisme et «grand âge», un soutien aux soins de proximité (notamment un renforcement de la permanence des soins), une amélioration de l'accès aux soins des assurés (crédit d'impôt pour les contrats de complémentaire santé « seniors » labellisés, prise en charge à 100 % et confidentielle pour tous les actes relatifs à la contraception pour les mineures), ou encore l'amélioration de la protection sociale maladie des travailleurs indépendants, avec notamment la création du temps partiel thérapeutique et la diminution du délai de carence à 3 jours au lieu de 7.
Il n'est évidemment pas question de relâcher l'effort de redressement des comptes, pas plus cette année que les années précédentes. La démarche budgétaire du Gouvernement ne peut être critiquée ni pour son laxisme, ni pour sa trop grande rigidité. Elle peut encore moins être critiquée qu'elle a désormais fait la preuve, par ses résultats, de ses effets pour réduire le déficit public dans l'ensemble des domaines de l'action publique. La protection sociale participe à cet effort, en demandant des efforts raisonnés et raisonnables à l'ensemble des assurés et des gestionnaires, de manière à assurer la pérennité de notre modèle social. Cette démarche budgétaire sera poursuivie en 2016. Je n'ai pas de doute sur notre capacité, par les mêmes moyens, à respecter l'objectif que nous nous sommes fixé de ramener le déficit de l'année 2016 à 3,3 % du PIB.
Pour reprendre la formule que j'ai déjà utilisée devant votre assemblée : nous nous réjouissons de ces chiffres sans pour autant nous en satisfaire. Il reste à poursuivre le chemin que nous avons tracé pour le retour à l'équilibre.
Jean-Marie Vanlerenberghe . - Je voudrais rassurer le ministre en lui disant que nous ne boudons pas notre plaisir de voir accomplir cet objectif commun de réduction du déficit de la sécurité sociale. Je suis ravi, qu'après une phase d'augmentation des cotisations qui va continuer encore jusqu'en 2017, cette réduction du déficit soit également le fait d'une baisse des dépenses. Nous n'avons cessé de vous faire des propositions pour, si vous permettez cette expression, « attaquer dans le dur » les dépenses en faisant des économies par exemple sur l'assurance maladie. Je pense en particulier à votre décision courageuse de limiter l'augmentation de l'Ondam à 1,75 % en 2016 après l'avoir déjà fait passer de 2,5 % à 2 % en 2015.
Cette amélioration ne nous a d'ailleurs pas surpris cette année. Nous l'avions en effet pressentie lorsqu'à l'occasion du collectif budgétaire de 2015 vous avez augmenté la réduction forfaitaire applicable aux particuliers-employeurs. Quelques semaines auparavant, vous aviez jugé cette proposition inopportune, pour ne pas dire irresponsable, lors de l'examen du PLFSS pour 2015.
À combien estimez-vous en 2016, l'effet de base résultant d'une meilleure exécution pour 2015 ? En d'autres termes, quelle est votre prévision actualisée « régimes de base+FSV » ? J'espère d'ailleurs que le FSV ne va pas devenir un fonds de défaisance comme pourrait le laisser craindre votre décision, prise en 2014 et confirmée dans la LFSS pour 2016, d'élargir ses missions par voie réglementaire. La commission des affaires sociales du Sénat a clairement exprimé son opposition à cette mesure en souhaitant que le contrôle parlementaire sur le FSV puisse continuer à pleinement s'exercer.
Le Gouvernement a annoncé une augmentation de la valeur du point d'indice pour les fonctionnaires. Quelles en seront les conséquences en particulier pour les hôpitaux en année pleine ? Comment sera-t-elle financée ?
Le Gouvernement a également pris un certain nombre de mesures additionnelles au pacte de responsabilité : mesures en faveur des agriculteurs (500 millions d'euros), prolongation du suramortissement des investissements en entreprise... En 2016, les mesures additionnelles ont été financées par un aménagement du calendrier du Pacte. Pouvez-vous nous confirmer le calendrier annoncé pour la suppression de la C3S au 1 er janvier 2017 ?
Enfin, je souhaiterais revenir sur le transfert de dette de l'Acoss à la Cades. L'Acoss empruntait à des taux très faibles voire négatifs alors que la Cades gère la dette à des conditions moins avantageuses. Je repose donc la question du Président Jean-Noël Cardoux, comment comptez-vous traiter le déficit cumulé de l'Acoss ?
M. Christian Eckert. - Concernant un éventuel rebasage des prévisions pour 2016 afin de tenir compte des résultats enregistrés pour 2015, il est trop tôt pour se prononcer, un travail approfondi est en cours.
Les comptes du FSV sont particulièrement sensibles à la conjoncture économique compte tenu de la nature de ses dépenses. Toutefois, les prévisions de croissance sont conformes aux anticipations et sont plutôt favorables.
La hausse du point d'indice aura bien entendu un impact sur les dépenses hospitalières, que l'on estime à 160 millions d'euros cette année et 600 millions en année pleine. Cela représente 0,3 % de l'Ondam, ce qui n'est pas négligeable. Néanmoins, pour mettre les choses en perspective, je vous rappelle que la prise en charge des médicaments contre l'hépatite C nous a coûté 650 millions d'euros. Le surcoût représenté par la hausse du point d'indice ne semble donc pas insurmontable, d'autant que l'inflation devrait être plus faible que prévu et que le coût de l'énergie demeure relativement bas.
Vous n'avez pas mentionné les négociations à venir avec les médecins : c'est là aussi un élément qui pourrait avoir des conséquences sur les dépenses de la branche maladie, en 2017 mais peut être également en 2016.
Concernant les transferts de dette de l'Acoss à la Cades, s'il est vrai que les taux à court terme auxquels se finance l'Acoss sont très faibles voire négatifs, la Cades se finance également à des taux faibles, environ 0,48 % à dix ans, ou via des produits indexés sur l'inflation, qui est aujourd'hui extrêmement faible, de l'ordre de 0,1 % en 2016. Compte tenu de ces éléments, nos prévisions semblent prudentes.
Enfin, s'agissant de la troisième tranche de C3S, le premier Ministre a été clair devant les partenaires sociaux. On constate que la négociation collective au sujet du pacte de responsabilité au sein des branches prend du temps, selon un premier bilan dressé par France Stratégie. Un nouveau bilan devra être fait à l'été ou à l'automne.
Ce sujet devra être abordé, tout comme devra l'être la question de la transformation du Cice en crédit de cotisation.
M. Jean-Pierre Godefroy . - On a connu, au cours des dernières années des bilans plus alarmants et je me réjouis de la trajectoire de redressement des comptes de la sécurité sociale. Pourriez-vous nous donner des éléments concernant le solde et la dette de la branche AT/MP ?
M. Yves Daudigny . - Ces résultats sont une excellente nouvelle. Il faut, comme vous l'avez dit Monsieur le ministre, se réjouir et non s'en satisfaire.
Les mesures de maîtrise de dépenses ont été pertinentes et efficaces, sans augmentation du reste à charge.
La loi de modernisation du système de santé porte en germe des améliorations de l'organisation qui permettent de mieux assurer encore la maîtrise des dépenses. Comment pourrait-on encore améliorer la coopération entre la médecine de ville et l'hôpital, et concrétiser la notion de parcours de soins ?
M. Philippe Mouiller . - Je m'interroge sur les modes de compensation à la sécurité sociale du pacte de responsabilité. Je voudrais évoquer des difficultés liées à la prise en charge du handicap.
Nous constatons sur le terrain un décalage entre le nombre de places prévues et leur mise en oeuvre effective, et donc l'argent consommé. L'annonce de places est-elle budgétée a priori ou attend-on la mise en oeuvre pour les financer ? Le tiers payant généralisé aura-t-il des effets négatifs sur les comptes de la sécurité sociale ?
Mme Patricia Schillinger . - Je remercie le ministre de cet état des comptes. Un sujet particulier à mon département m'intéresse : le cas des frontaliers suisses. Depuis l'année dernière, les frontaliers suisses ont l'obligation, plus précisément depuis le 1 er juin 2015, de cotiser en France à l'assurance maladie. Je m'interrogeais sur l'éventuel bilan que vous auriez pu déjà faire de cette obligation et de son application, notamment en termes de gains ou de pertes, même si vous manquez encore peut-être de visibilité. Le sujet est assez conflictuel avec ces frontaliers, qui peuvent parfois se retrouver en situation de double assurance en Suisse et en France.
M. René-Paul Savary . - La dette sociale diminue effectivement de 3 milliards d'euros, mais son niveau global demeure à 130 milliards d'euros, nous indiquant qu'il reste tout de même un effort considérable à produire pour la résorber. J'aimerais vous interroger sur certaines mesures à venir, également susceptibles d'être concernées par cet effort : le point d'indice, estimé à 600 millions d'euros et la réorganisation des carrières des fonctionnaires, estimée à 4 à 5 milliards d'euros sur l'ensemble des trois fonctions publiques. Quelle part sera imputée sur la fonction publique hospitalière ?
Mme Catherine Deroche . - On ne peut qu'en effet se féliciter d'une situation en amélioration. Néanmoins, ce constat ne doit pas nous empêcher d'anticiper des besoins et des coûts croissants dans les années à venir, notamment ceux liés à une médecine de plus en plus personnalisée ou à des médicaments de plus en plus chers -je pense plus particulièrement au diabète. Dans la loi Santé, beaucoup de grands principes ont été posés en matière de prévention, dont on se rend compte aujourd'hui qu'on n'aura pas les moyens de les appliquer. Les choses ne manqueront pas de coûter de plus en plus cher. Du côté des professions médicales, hormis le dossier du tiers payant, on constate qu'il y a de moins en moins d'installations en médecine libérale, ce qui s'explique peut-être par des revalorisations d'actes inexistantes, avec certains actes complètement sous-cotés.
M. Christian Eckert . - Un certain nombre de vos questions concerne plutôt la partie « dépenses » de la Sécurité sociale, qui relève davantage de la compétence de Mme Marisol Touraine. Ma compétence englobe plutôt la partie « recettes », même si les deux sont parfois liées.
M. Mouiller m'interroge sur le plan autisme : les places créées sont bien budgétées, selon la chronologie du plan. Vous avez raison d'observer des décalages dans la livraison des places, mais ces derniers sont moins dus à une absence de financement qu'à de simples retards d'exécution. À propos du mécanisme de compensation, nous avons compensé en 2015 la baisse de certains prélèvements sociaux -la cotisation famille des employeurs, la C3S et la cotisation des travailleurs indépendants- par un transfert à l'État de la charge des allocations logement.
En effet, les dépenses d'allocation logement étaient partagées entre l'État et la sécurité sociale, selon un principe d'ailleurs peu cohérent ; à compter de 2016 la totalité de ces dépenses seront portées au budget de l'État. On compense donc une baisse de recettes non par un transfert d'autres recettes, mais par une reprise de dépenses. Nous ne nous interdirons pas de recourir de nouveau à cette méthode en 2016 et en 2017, sous la vigilance attentive des commissions des affaires sociales des deux assemblées.
M. Daudigny évoque à juste titre la nécessité de développer la coopération entre la médecine de ville et la médecine hospitalière. Outre la fluidité du parcours des patients, cette coopération présente une opportunité de synergies budgétaires et qualitatives et permettrait d'augmenter la couverture médicale de certains secteurs géographiques, qui présentent des déficits en médecine libérale ou hospitalière. L'outil privilégié est la maison de santé pluri-professionnelle, mais il y a aussi le groupement hospitalier territorial (GHT), qui permettra de mieux structurer l'hôpital autour de plusieurs territoires. Pour aligner les objectifs de l'État et de l'assurance maladie, les ARS devront veiller à la cohérence de ces actions. En effet, ces initiatives améliorent indéniablement la qualité des soins, mais il convient d'éviter la redondance de certains actes médicaux, qui pèsent particulièrement lourd sur les dépenses d'assurance maladie.
Je ne saurais pas répondre très précisément aux remarques de Mme Deroche sur la cotation des actes, qui font l'objet de discussions en cours avec les professionnels, généralistes ou spécialistes. Dans les deux sens, il me semble qu'il faut autant tenir compte de l'augmentation du nombre d'actes, notamment en radiologie, que de l'alourdissement des charges nécessaires dans certaines professions médicales. La cotation de l'acte doit résulter de l'appréciation fine de ces variables, profession par profession. La ministre de la Santé s'est exprimée sur la question de médicaments anti-cancéreux particulièrement chers et de la fameuse « liste en sus ». Certaines nouvelles thérapies peuvent aussi se révéler extrêmement coûteuses, en raison de budgets initiaux considérables, mais doivent tout de même rester abordables pour le patient. Globalement, je pense que la discussion parvient à prendre autant en compte les objectifs de santé que les intérêts économiques.
M. Godefroy m'interroge sur la branche ATMP. Son excédent est de l'ordre de 700 à 800 millions d'euros. Cet excédent, que nous observons pour la deuxième année consécutive, est affecté à la dette de la branche, qui s'établit, à fin 2015, à environ 300 millions d'euros. Ni l'excédent, ni la dette de la branche ATMP ne sont repris par la Cades. Nous prévoyons une résorption de la dette de cette branche en 2016.
M. Savary a soulevé le problème de l'horizon de résorption de la dette sociale. Je répète que, pour la première fois, la dette cumulée Acoss/Cades diminue de 3 milliards d'euros. La dette de la Cades est d'environ 126,6 milliards d'euros à la fin 2015, et anticipée à 136 milliards d'euros à la fin 2016, compte tenu d'un transfert de 23 milliards d'euros de dette Acoss à la Cades.
Mme Schillinger pose le problème des frontaliers suisses. Il ne s'agit pour eux que d'un retour au régime normal. Le bilan dressé entre le 1 er juin 2014 et le 1 er juin 2015 s'élève à 160 000 personnes intégrées au régime général français. Ce bilan est plutôt positif, la convention bilatérale s'est appliquée sans grande difficulté, avec un paiement des cotisations dues aux niveaux prévus. Cependant, il subsiste une difficulté liée au jugement d'un tribunal suisse qui a autorisé une affiliation à l'assurance maladie suisse en estimant qu'en l'espèce le droit d'option entre les deux régimes n'avait pas été exercé au début du contrat de travail. Ce jugement vient quelque peu troubler l'arrangement prévu par la convention bilatérale ; des discussions sont en cours sous l'égide du comité Union européenne-Suisse et il importe de trouver une solution commune et équilibrée pour remédier à ces situations de double affiliation sans remettre en cause l'irrévocabilité du droit d'option.
Une question a été posée sur la mise en oeuvre du dispositif « parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR) au sein de la fonction publique. Il existe une difficulté de quantification, en raison du très grand champ d'application et de la compatibilité avec des règles antérieures. Nous tentons actuellement d'estimer ministère par ministère et fonction publique par fonction publique toutes les conséquences de ce dispositif et nous sommes bien forcés d'observer quelques différences entre ce qui en était estimé lors de son élaboration et ce qui résulte de son application. Les économies espérées ne se réalisent pas toutes selon les ministères. Je rappelle que le principe de ce dispositif était d'augmenter les salaires d'entrée dans certains échelons, et d'allonger la durée des carrières au sein de ces échelons en compensation. Ainsi, le surcoût initial se trouve résorbé par le ralentissement du passage d'un échelon à un autre dans certaines fonctions. Compte tenu de ces difficultés d'appréciation, je ne peux que prendre l'engagement d'apporter ultérieurement une réponse un peu plus précise à M. Savary, concernant la fonction publique hospitalière.
M. René-Paul Savary . - On commence à avoir plusieurs simulations du PPCR sur les collectivités. Une augmentation du point d'indice sur un département de taille moyenne comme le mien est évaluée à 900 000 euros. Le PPCR sur 2 à 3 ans est quant à elle évaluée à 1,6 million d'euros. Il faut donc y être attentif.
M. Christian Eckert. - Le PPCR vient se substituer à des dispositifs précédents, il y a toujours un glissement vieillesse technicité (GVT) positif. Il est donc nécessaire de vérifier si le surcoût observé par les administrations tient bien compte de cette substitution. Nous avons avec certains ministères des discussions sur le coût véritable induit par le PPCR. Je souhaiterais aussi répondre sur le tiers payant et ses conséquences. Le débat sur le tiers payant est maintenant derrière nous. Certains regrettent cette mesure mais il convient maintenant de travailler à sa bonne mise en oeuvre. Si toutes les parties y mettent de la bonne volonté, je ne doute pas que nous puissions résoudre les problèmes techniques qui ont été soulevés, en particulier, la sécurisation des paiements. Il demeure l'interrogation, qui avait été évoquée lors des débats sur la loi « Santé », pour savoir si le tiers payant allait engendrer ou non des actes supplémentaires compte tenu de la facilité de paiement accordée. L'avenir nous apportera des éléments de réponse.
M. Daniel Chasseing . - Si l'on peut se réjouir de la baisse du déficit de la sécurité sociale, il faut rappeler qu'il est le fait de l'effort accompli, d'une part, par les professionnels de santé dont les prix des actes n'ont pas été revalorisés, et d'autre part, par les hôpitaux. Il y a bien sûr l'effort des personnels mais j'observe également des situations financières tendues dans certains hôpitaux en raison de l'absence de revalorisation du prix de journée. Dans les hôpitaux ruraux, ce sont les excédents enregistrés les années passées, par le biais des dotations supplémentaires obtenues grâce au dispositif des zones de revitalisation rurale (ZRR), qui permettent aujourd'hui d'équilibrer les budgets. J'ajoute que la France est en retard dans certains domaines par rapport à d'autres pays, comme par exemple en équipement en IRM. Nous avons donc aussi des besoins d'investissement à considérer.
M. Christian Eckert - Je constate que les professionnels de santé sont parfois soumis à des conditions de pression importante. Concernant le déficit global des hôpitaux, j'ai à cette heure des informations contradictoires : certaines tendances montrent une aggravation de ce déficit, d'autres au contraire une résorption. Je m'engage donc à vous reparler de cette question une fois que les chiffres seront stabilisés de façon à avoir un regard objectif sur la situation, au-delà des impressions ou exemples particuliers que l'on peut avoir ou connaître.
M. Jean-Noël Cardoux , président . - Je vous remercie, monsieur le ministre, pour ces précisions.