EXAMEN EN COMMISSION
M. Alain Milon , président . - Comme vous le savez, le thème retenu par le bureau pour le déplacement annuel de notre commission des affaires sociales était celui de la situation sanitaire dans les outre-mer. Ce choix était motivé par deux éléments. En premier lieu, la lecture du rapport présenté sur ce sujet en 2014 par la Cour des comptes, qui a dressé un constat alarmant, et dont les conclusions ont servi de base à l'élaboration d'une déclinaison ultramarine de la stratégie nationale de santé. En second lieu, la mise en évidence, lors du débat sur la loi de santé, d'enjeux forts et spécifiques aux territoires d'outre-mer, dont nous avons tous pu mesurer le caractère d'urgence.
La première série d'auditions que nous avons menée à Paris - en recevant au Sénat notamment la Cour des comptes, la HAS, l'InVS, la DGOS, et en effectuant un déplacement passionnant à l'Institut Pasteur - nous a confirmés dans l'idée que la situation sanitaire des outre-mer était non seulement mal connue, mais encore très mal prise en compte dans les décisions de politique de santé publique. Je ne citerai à cet égard qu'un seul exemple, dont l'absurdité le rend particulièrement frappant : jusqu'à récemment, le calendrier vaccinal hexagonal, notamment pour le vaccin de la grippe, était appliqué tel quel... dans l'hémisphère Sud, où, comme vous le savez, les saisons sont pourtant inversées.
Nous avons ainsi décidé de nous rendre à La Réunion et à Mayotte, dont les situations respectives nous semblaient bien, a priori, refléter la diversité et le contraste des territoires ultramarins. Nous avons en effet dans l'Océan Indien deux collectivités éloignées de 10 000 km de l'hexagone, et qui doivent faire face à des risques infectieux et environnementaux spécifiques : risques climatiques, qualité des eaux, exposition aux arboviroses (paludisme à Mayotte, chikungunya à La Réunion, peut-être demain l'arrivée du virus zika), présence encore notable de certains agents infectieux presque oubliés sous nos latitudes, telle que la leptospirose à Mayotte. Face à ces défis, nous avons, d'une part, une collectivité au système sanitaire globalement performant, quoiqu'en rattrapage par rapport à l'hexagone ; d'autre part, un département récent, confronté à des difficultés multiples, et dont le très grand retard organisationnel en matière sanitaire apparaît comme un défi très difficile à relever. C'est donc sur ce contraste qu'il nous a paru intéressant de travailler.
S'agissant tout d'abord de La Réunion, notre déplacement sur le terrain ne nous a pas détrompés dans notre première impression. Je dirais même que nous avons été très agréablement surpris par la qualité de l'organisation sanitaire développée sur le terrain, par des acteurs dont l'implication nous a parue tout à fait remarquable. Bien entendu, cette organisation se déploie devant des enjeux sanitaires spécifiques, et une situation globalement plus problématique que dans l'hexagone - je laisse la parole à mes collègues sur ce point.
M. Jean-Louis Tourenne , rapporteur . - Nous avons en effet pu rencontrer des équipes de soignants très engagés, et, plus important encore, qui travaillent en bonne entente. Dès notre premier jour sur place, nous nous sommes successivement rendus au CHU puis au sein de l'établissement privé Clinifutur. Nous avons également pu visiter un service de soins de suite et de réadaptation spécialisé dans la prise en charge de l'obésité, ainsi qu'un centre de dialyse.
Au terme de ces différents rendez-vous, nous avons été frappés par le bon fonctionnement global de la coopération entre le public et le privé, sur l'ensemble de la chaîne de soins. Cette collaboration est, il est vrai, sans doute rendue indispensable par la structuration de l'offre de soins sur l'île, ainsi que par son isolement ; mais aussi par le fait que les établissements privés que nous avons visités, s'ils fonctionnent avec des capitaux privés, ne fonctionnent pas pour autant selon une volonté de recherche effrénée du profit maximum. À cette action des praticiens de la santé s'ajoute celle, tout aussi résolue, de l'ARS, qui intervient sur l'ensemble des sujets : déclinaisons de plans de santé publique spécifiques, lutte anti-vectorielle, etc.
Nous avons par ailleurs rencontré l'équipe chargée de la mise en place d'une plateforme innovante pour l'amélioration de la prise en charge des maladies chroniques, qui constituent un enjeu fort pour l'île - nous y reviendrons. Cette plateforme, issue de l'appel à projets national « Territoires de soins numériques », a été constituée sous la forme d'un groupement de coopération sanitaire (GCS) fédérant plusieurs des acteurs majeurs de la santé de l'île : les établissements hospitaliers publics et privés et les médecins libéraux, dans le cadre d'un contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens (CPOM) passé avec l'ARS pour les deux territoires de La Réunion et de Mayotte. Outre cet aspect de coopération entre les acteurs, ce programme, dit Océan Indien Innovation santé (OIIS), présente ceci d'intéressant qu'il expérimente de nouveaux modes de prise en charge des maladies chroniques, passant par un système d'information en ligne. Celui-ci permet à la fois d'apporter de l'information au grand public, aux patients ainsi qu'à l'entourage, de mieux coordonner les parcours de santé, et de faciliter les conditions d'exercice des acteurs de santé ; il est composé de différents niveaux, avec un accès libre et un accès sécurisé selon la nature des informations en cause.
Nous avons ainsi pu constater que les acteurs de terrain développaient, en synergie, des solutions innovantes et souvent originales. La Réunion est, je le souligne, l'une des cinq régions françaises à mettre en place une maison de naissance, dans le cadre de l'expérimentation initiée par notre commission - je vous rappelle qu'une maison de naissance est une structure de proximité visant à une prise en charge peu médicalisée de l'accouchement physiologique, avec l'accompagnement de sages-femmes. Ce constat vaut d'ailleurs pour tous les domaines, et j'en profite pour faire ici une parenthèse sur la question de la potabilisation de l'eau, à laquelle nous avons consacré notre dernière journée de travaux sur place.
Il s'agit d'un problème majeur, quoiqu'on l'imagine mal sous nos latitudes : jusqu'à 35 % des volumes d'eau distribués à La Réunion ne seraient pas potabilisés de manière continue, et 57 % de la population n'aurait pas accès à de l'eau de bonne qualité - ce problème résultant de l'utilisation d'eaux superficielles, que la forte pluviométrie de l'île conduit à charrier des boues provoquant une forte turbidité. Or, pour des communes de petite taille et éclatées entre différents sites comme celle de Salazie (qui nous a très chaleureusement accueillis), il est difficile et peu justifié de mobiliser des budgets suffisants pour la mise en oeuvre de travaux importants. La solution qui a été trouvée, qui consiste en un déploiement de petites unités mobiles de potabilisation sur chacun des différents hameaux qui composent la commune (plutôt que dans la construction d'un grand centre de traitement), nous a semblé à la fois ingénieuse et pragmatique.
Mme Chantal Deseyne , rapporteur . - Pour autant, et malgré la somme des bonnes volontés, tout n'est évidemment pas rose. On constate en premier lieu un déficit de médecins spécialistes libéraux, qui plus est avec un effectif vieillissant. Les équipes du CHU nous ont également fait part d'un manque important de postes de PU/PH, tandis que des investissements importants sont nécessaires à la bonne marche de l'hôpital - un plan de 400 millions d'euros est d'ailleurs prévu. Enfin, la fusion entre les sites Nord et Sud du CHU ne semble toujours pas achevée, notamment sur certaines activités ; il nous a été indiqué à ce titre que la mise en place d'un groupement hospitalier de territoire (GHT) pourrait constituer une réponse. Il existe également des enjeux importants, et à ce stade non résolus, s'agissant de la prise en charge d'une population vieillissante.
Cette organisation des soins - globalement performante - intervient par ailleurs dans un territoire caractérisé par un état de santé de la population généralement moins bon que dans l'hexagone, avec une surmortalité générale et prématurée (7 décès sur 10 survenant avant l'âge de 65 ans).
C'est en particulier la question de la mortalité périnatale qui nous a interpellés sur place : elle est non seulement plus élevée que dans l'hexagone, mais encore en augmentation au cours des dernières années. La mortalité maternelle atteint ainsi 26,4 pour 100 000 naissances, soit près de trois fois plus qu'en métropole ; la mortalité infantile est de 7,3 pour 1 000, soit deux fois plus que dans l'hexagone. Selon l'ARS, cette situation résulterait en particulier d'une situation de comorbidité constatée chez les parturientes : en d'autres termes, lorsque des incidents surviennent, ils le font souvent sur des terrains déjà fragilisés du fait d'une obésité, par exemple, ou de diverses maladies chroniques.
Il s'agit là d'ailleurs de la première des problématiques qui se posent à La Réunion, caractérisée par une explosion des maladies chroniques, pour une population en transitions à la fois démographique et épidémiologique. Je ne citerai ici que quelques chiffres particulièrement parlants : plus de 100 000 personnes sont actuellement en ALD sur le territoire réunionnais, avec une incidence qui a augmenté de 30 % en 10 ans ; la prévalence du diabète y atteint le double de celle constatée dans l'hexagone (de l'ordre de 10 %, contre 5 % en métropole) ; le nombre de personnes en dialyse y est près de quatre fois plus important qu'en métropole.
M. Gilbert Barbier , rapporteur . - Un deuxième sujet spécifique à La Réunion est celui de l'alcool. On constate en effet toujours une forte surmortalité résultant des pathologies liées à l'alcool, avec un taux deux fois supérieur à celui constaté en France hexagonale. Si la consommation chronique à risque, et même la consommation quotidienne, y est moindre qu'en métropole, les volumes d'alcool ingérés sont cependant plus importants. Au total, malgré une diminution constatée de l'alcoolisme depuis les années 1970, les problèmes se concentrent sur les populations les plus vulnérables, notamment les jeunes.
Deux problèmes nous ont en particulier été présentés. Le premier est celui de la permanence d'une publicité intensive pour l'alcool, en dépit de la loi Evin, dans un contexte de forte concurrence entre divers alcools forts : rhum (dont les risques sont effacés, dans le cadre publicitaire, au profit d'une connotation de produit local et traditionnel), whisky, bières fortes destinées aux jeunes garçons. Ce n'est d'ailleurs pas le seul sujet sur lequel l'application d'une norme nationale pose problème à La Réunion : il nous a été indiqué que la loi sur la vente d'alcools réfrigérés dans les stations-services n'y a été appliquée que cinq ans plus tard. Le deuxième est celui de la taxation dérogatoire des alcools produits localement, notamment le rhum, qui est ainsi très bon marché - alors que, selon l'OMS, la taxation des boissons alcoolisées constitue l'un des moyens de lutte les plus efficaces contre l'abus d'alcool.
Les problèmes liés à l'alcool connaissent une déclinaison particulièrement problématique à La Réunion avec la forte prévalence du syndrome d'alcoolisation foetale (SAF), sur lequel notre commission avait déjà eu l'occasion de travailler lors de son précédent déplacement sur place, puis sous l'influence déterminée de notre ancienne collègue Anne-Marie Payet. Il semble qu'une prise de conscience du problème soit actuellement en cours au niveau national : un rapport de l'Académie nationale de médecine est paru en mars dernier sur ce sujet, tandis que la Mildeca a prévu la mise en oeuvre d'un programme de prévention et de prise en charge des troubles liés à l'alcoolisation foetale. La Réunion fait partie, avec l'Aquitaine, des deux régions retenues pour son expérimentation, dont les contours nous ont été présentés par l'ARS. Il n'en reste pas moins que, malgré les difficultés liées à sa détection et à son évaluation, La Réunion reste largement touchée par ce trouble, avec 100 à 150 cas par an. Pourtant largement évitable, car dû à la mauvaise information des mères, ce syndrome peut entraîner des conséquences graves - avec notamment des retards de croissance, ou des troubles cognitifs ou comportementaux : l'alcoolisation foetale est ainsi la première cause de handicap non génétique chez l'enfant.
À l'initiative de notre commission, le principe de l'apposition d'un message sanitaire à l'attention des femmes enceintes sur toutes les unités de conditionnement de boissons alcoolisées avait été adopté dans le cadre de loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées de 2005. Celui-ci prend la forme d'un pictogramme, dont le caractère souvent illisible remet cependant en cause la pertinence : de très petite taille, il est à peine discernable, d'autant plus qu'il apparaît le plus souvent en noir et blanc. Un simple décret serait suffisant pour harmoniser la présentation de cet important message de santé publique, et pour le rendre véritablement identifiant par nos concitoyens.
C'est pourquoi nous avons résolu de poser une question orale sur ce thème à la ministre de la santé, qui sera déposée et portée par notre Président, mais à laquelle je ne doute pas que nous pourrons tous nous associer.
Pour compléter brièvement cette question des addictions, il me semble important d'évoquer la question de l'usage détourné des médicaments. En raison de l'isolement de La Réunion, l'accès aux psychostimulants « classiques » que nous connaissons dans l'hexagone -cocaïne, crack- est très marginal, voire nul. S'est en revanche développé, depuis les années 1970, un recours à certains médicaments psychotropes -et notamment au Rivotril, à l'Artane et au Xanax- qui alimente un trafic local avec Madagascar et l'île Maurice. Le phénomène est d'autant plus difficile à combattre que les jeunes consommateurs masculins associent une valeur mythique et initiatique à l'Artane, connu pour favoriser les passages à l'acte violents, notamment lorsqu'il est utilisé en association avec l'alcool. Se développe par ailleurs l'usage d'une méthamphétamine particulièrement dangereuse, connue sous le nom de « Crystal », et importée de Thaïlande.
Mme Laurence Cohen , rapporteure . - Nous avons enfin consacré une partie de nos travaux sur place à la question de l'offre de soins en matière psychiatrique, dont la situation est particulièrement problématique - ceci en dépit de l'engagement et de l'enthousiasme des équipes que nous avons rencontrées à l'établissement public de santé mentale de La Réunion (EPSMR).
Trois séries de difficultés se cumulent en effet. En premier lieu, les secteurs définis pour la psychiatrie publique apparaissent surdimensionnés, couvrant une population plus de deux fois plus importante qu'en métropole. En deuxième lieu, l'offre publique est largement inférieure aux besoins, avec un taux d'équipement en hospitalisation complète inférieur de moitié à la moyenne hexagonale - alors même que celle-ci est déjà insuffisante, comme vous le savez. Dans le Sud de l'île, le ratio entre l'offre locale et l'offre hexagonale atteint même un rapport de un à six, et le taux d'occupation en hospitalisation à temps plein au CHU Sud est de 100 %. Enfin, l'offre privée est très limitée, et ne suffit pas à répondre aux insuffisances de prise en charge dans le secteur public. En tout état de cause, l'accès aux spécialistes libéraux peut poser problème pour une population globalement plus démunie qu'en métropole : je vous rappelle que le taux de chômage réunionnais avoisine les 27 %, et qu'un Réunionnais sur trois est bénéficiaire de la CMU-C.
Cette situation pose divers problèmes, à la fois en termes d'égalité dans l'accès aux soins, notamment au Sud de l'île, et en termes de qualité des prises en charge, avec une difficulté à assurer le suivi des patients. Il nous a été indiqué qu'en cas de saturation des capacités, il n'y avait aucune autre solution que celle de l'externement arbitraire ! On constate par ailleurs un recours aux soins psychiatriques inférieur de près de 30 % à celui constaté en métropole. Les équipes médicales du CHU nous ont en outre fait part de leur difficulté à engager la démarche qui devrait être celle d'un établissement de pointe, en raison des insuffisances de l'offre de base : il est ainsi très difficile de dégager suffisamment de disponibilité médicale pour l'investissement qui serait nécessaire dans la recherche, l'innovation et l'enseignement. L'absence de moyens, qui vient s'ajouter à celle qui existe dans le médico-social, rend également particulièrement difficile l'engagement d'une démarche de filière avec l'ensemble des acteurs. Enfin, l'EPSMR, qui constitue le principal acteur de la psychiatrie sur le territoire réunionnais, fait face à des difficultés financières qui ne pourront pas se résorber au cours des prochaines années.
Compte tenu de ces observations, il appartiendra à notre commission de veiller à ce que la santé mentale constitue l'un des axes prioritaires de la déclinaison ultramarine de la stratégie nationale de santé, présentée le 25 mai dernier par la ministre de la santé, et de la feuille de route déclinée pour La Réunion.
M. Alain Milon , président . - Quant à la situation épineuse de Mayotte, il me semble que les difficultés rencontrées sont bien illustrées par le fait que les élus de la République n'ont pas même pu s'y rendre. En raison des émeutes qui avaient alors lieu sur place, la préfecture - qui avait, il est vrai, fort à faire dans ces circonstances - nous a en effet très fortement conseillé, la veille du départ, d'annuler notre déplacement. Nous avons cependant pu avoir une approche globale de la situation par un programme complémentaire d'auditions qui nous a été organisé par l'ARS, et qui nous a notamment permis de rencontrer le directeur du centre hospitalier mahorais (CHM).
La première des observations que nous avons pu faire est que la situation sanitaire de Mayotte, particulièrement dégradée, s'inscrit dans un contexte de chaos plus général, et que la première ne pourra trouver de solution sans que le second ne s'améliore. Sans doute ne mesurons-nous pas toujours bien, depuis l'hexagone, à quel point l'immigration massive en provenance des Comores (qui représente 44 % du flux total de l'immigration irrégulière en France) déstabilise profondément la situation mahoraise. L'ensemble des acteurs que nous avons rencontrés, toutes sensibilités politiques confondues, nous ont fait part de leur désarroi face à l'arrivée massive de kwassa-kwassa, ces petites embarcations fragiles en provenance principalement d'Anjouan, à moins de 70 km des côtes mahoraises - et qui charrient avec elles leur flot de drames humains, avec des naufrages réguliers.
Sans porter de jugement sur ce phénomène, force est de constater qu'il place sous une tension quasi insoutenable le système de soins de Mayotte, et notamment son hôpital. Le CHM, qui constitue le principal pilier du système de santé de l'île, est en effet très largement sollicité par un afflux massif de Comoriens en situation irrégulière. Cette situation explique d'ailleurs en partie que le CHM soit le seul établissement hospitalier de France qui ne soit pas passé à la T2A : comme la majorité des actes effectués le sont au bénéfice de personnes qui ne disposent pas de couverture sociale (je rappelle que l'AME et la CMU n'existent pas encore à Mayotte), seul l'ancien système de la dotation globale peut permettre de financer l'établissement. Or, l'évolution annuelle de cette dotation ne permet pas de couvrir l'augmentation très rapide de l'activité de l'hôpital, qui se trouve de ce fait dans une situation de déficit structurel.
C'est en particulier la maternité qui est soumise à cette tension. Avec 10 000 naissances annuelles, il s'agit de la plus grande maternité d'Europe ; au rythme actuel d'augmentation de l'activité, on pourrait même atteindre 15 000 naissances au cours des prochaines années. Compte tenu de la structure de la patientèle accueillie (60 % des parturientes sont des Comoriennes), les équipes travaillent non seulement selon un rythme particulièrement difficile, mais également dans des conditions de sécurité qui posent question : bien souvent, les patientes accueillies n'ont pas de dossier, et il est difficile voire impossible de reconstituer leurs antécédents médicaux. Il existe par ailleurs à Mayotte des maternités périphériques, qui travaillent dans des conditions bien éloignées de nos standards hexagonaux, avec seulement des sages-femmes et sans la présence de médecins - face aux besoins, il paraît cependant difficile de faire autrement.
La situation financière difficile de l'hôpital est compliquée par une situation critique sur le plan des ressources humaines. En raison des nombreuses difficultés auxquelles fait face l'île, et notamment des problèmes d'insécurité, de logement, et de l'absence de système éducatif adapté aux besoins, le directeur nous a indiqué qu'il lui devenait de plus en plus difficile de recruter des praticiens. L'enjeu financier ne suffit plus, semble-t-il, à assurer l'attractivité de ce territoire : depuis le passage des rémunérations mahoraises dans le droit commun, l'indemnité particulière d'exercice, qui représente une bonification de salaire de 25 %, ne peut être touchée qu'à la condition de passer quatre années sur le territoire mahorais - une durée qui ne semblerait plus envisageable, pour beaucoup de praticiens, dans les circonstances actuelles.
En dépit de ce cumul de difficultés financières, capacitaires et de ressources humaines au CHM, il n'existe pas véritablement d'offre de soins libérale qui pourrait venir soutenir et décharger l'activité hospitalière : seuls quelques praticiens épars, pour certains proches de l'âge de la retraite, exercent en effet dans ce cadre à Mayotte. Le régime spécial de couverture maladie qui existe sur l'île n'encourage pas le développement de cette offre libérale, alors qu'il existe une prise en charge hospitalière à 100 %, y compris pour les consultations.
La situation mahoraise a par ailleurs des répercussions sur l'organisation du système de soins réunionnais. Les équipes de la maternité du CHU nous ont fait part de leur désarroi face à l'afflux de patients en provenance de Mayotte, dans le cadre des évacuations sanitaires : les services de périnatalité et de petite enfance, en particulier, se trouveraient de ce fait saturés. Nous avons cependant senti sur ce point une divergence entre les équipes médicales et le personnel de l'ARS, qui considère que les capacités financières du CHU ne sont pas altérées par la prise en charge de patients mahorais.
Face à ce sombre tableau, que faire ? Il nous a semblé que la réponse allait bien au-delà du champ de compétence de notre commission. A minima, la mise en oeuvre d'un grand plan de développement des Comores semble indispensable - ce que l'AFD fait déjà, avec un financement d'ailleurs conséquent, mais qui ne représente qu'une goutte d'eau dans l'océan des besoins du pays. Il est de toute façon probable que plusieurs années, voire plusieurs décennies, seraient nécessaires avant que les Comores n'atteignent un niveau de développement comparable aux standards sinon hexagonaux, du moins ultramarins. Il nous a d'ailleurs a été indiqué que de grands plans d'investissements sanitaires avaient déjà été menés à terme par d'autres pays, sans que la situation ne s'en trouve vraiment améliorée : la Chine y a ainsi construit un hôpital parfaitement équipé, qui n'a cependant jamais été exploité du fait du manque de moyens des autorités comoriennes pour en assurer le fonctionnement quotidien.
Dans le champ de compétence qui est le nôtre, peut-être pourrions-nous simplement suggérer, d'une part, de clarifier le régime de sécurité sociale en vigueur sur l'île, et notamment d'y étendre la CMU complémentaire, afin de solvabiliser l'offre libérale ; d'autre part, puisqu'une situation exceptionnelle suppose des mesures exceptionnelles, de revoir le régime indemnitaire des praticiens qui viennent y exercer. Sur l'ensemble de ces points, je ne doute cependant pas que notre collègue mahorais, Thani Mohamed Soilihi, aura lui aussi des propositions à formuler. Il nous apparaît par ailleurs indispensable que le CHM puisse au moins disposer du pôle mère-enfant qu'il demande depuis plusieurs années.
Au terme de ce déplacement, il nous semble plus généralement que la France a un rôle important à jouer dans l'Océan Indien, où la promotion de l'excellence sanitaire peut contribuer à celle de la francophonie.
Tels étaient, mes chers collègues, les principaux éléments que nous souhaitions porter à votre connaissance sur ce déplacement à la fois passionnant et surprenant, et surtout riche d'enseignements dont nous pourrons, je l'espère, tenir pleinement compte dans le cadre de nos prochains travaux législatifs.
Je vais tout de suite passer la parole à notre collègue Thani Mohamed Soilihi, sénateur de Mayotte, qui a été invité à notre réunion.
M. Thani Mohamed Soilihi . - Je vous remercie pour votre invitation à cette réunion, et suis honoré que la situation de Mayotte fasse l'objet des travaux de votre commission dont le champ de compétence la rend particulièrement qualifiée pour se pencher sur la situation de ce département bien éloigné de l'hexagone.
Même si vous n'avez pas pu vous rendre sur place, je crois que le constat que vous avez formulé est dans le vrai, et qu'il retrace fidèlement les principaux enjeux relatifs à la situation sanitaire de Mayotte. Vous avez notamment raison de souligner que l'on ne peut utilement se préoccuper de tel ou tel aspect des politiques publiques menées sur l'île sans prendre en considération sa situation globale, et en particulier sa situation au regard de l'immigration. Sur ce sujet, je suis au regret de constater que bien des analyses formulées depuis la métropole relèvent de la caricature, ou témoignent d'une méconnaissance abyssale de ce territoire. Le territoire de Mayotte, je veux vous l'affirmer, est plus riche de possibilités et de perspectives pour l'avenir qu'il ne recèle de difficultés.
Permettez-moi, à titre d'illustration, d'insister sur une particularité de mon département. Si sa population est à 90 % musulmane, on n'y constate pas pour autant de problèmes relatifs à la laïcité ; je dirais même que la coexistence entre l'islam et la République est un non-sujet à Mayotte. L'évolution de notre société au fil de son histoire, qui s'est notamment enrichie de l'influence des sociétés matriarcales africaines, a en effet permis de régler ces matières tout à fait naturellement. Ce n'est que dans le cas où des solutions aux problèmes actuels, tel que celui de l'immigration, ne pourraient être trouvées que nous risquerions, à mon avis, de voir se manifester des dérives telles que celles qui apparaissent ailleurs, en lien avec l'islam radical. Je pense par ailleurs que les politiques françaises menées en la matière auraient tout à gagner à s'inspirer de l'exemple mahorais.
Mayotte souffre en effet, comme vous l'avez souligné, d'un problème d'attractivité. Pour reprendre la formule du rapport de la Cour des comptes de janvier 2016, il est patent que la départementalisation n'a pas été bien préparée. La responsabilité est ici collective, et relève tant des collectivités locales que de l'Etat. Il est aujourd'hui urgent de réparer les erreurs commises dans le cadre de ce processus.
Il me semble que l'instauration de la CMU-C à Mayotte, que vous avez préconisée, constituerait un minimum. Que l'on ne vienne pas me dire que cette mesure pourrait constituer un appel d'air : l'appel d'air est évidemment déjà là.
La République, le Parlement doivent aujourd'hui tirer toutes les conséquences du processus de départementalisation. Si Mayotte est devenue le 101 e département français, ce n'est pas le fruit du hasard, mais le résultat d'une volonté politique - certes réclamée de longue date par les Mahorais. Je suis persuadé que les problèmes de mon territoire ne sont pas liés à son statut, comme le disent un certain nombre d'observateurs en toute méconnaissance de cause. L'enjeu est aujourd'hui de se préoccuper des problèmes réels qui secouent ce jeune département. Vous n'avez pas pu vous y rendre en raison des émeutes qui avaient éclaté : je ne suis pas fier de le dire, mais une partie de la population, excédée par l'inaction des pouvoirs publics en ce domaine, a décidé de s'emparer elle-même de la question de l'immigration clandestine, et de la régler de manière parfois violente. Il faut se rendre compte que plus de 45 % de la population est clandestine ! Dans ces conditions, comment le système sanitaire, conçu pour la population mahoraise telle qu'elle est officiellement évaluée, pourrait-il effectivement répondre aux besoins ? Il existerait pourtant des solutions, notamment par la voie de la coopération avec les Comores ; je tiens cependant à dire que la diplomatie française ne s'est jamais emparée de cette question à la hauteur des enjeux. On évoque beaucoup dans l'hexagone le problème de Calais, ou les naufrages qui ont lieu en Méditerranée ; comment, cependant, ne réalisons-nous pas que nous faisons face à la même situation entre Anjouan et Mayotte ? Nous devons prendre ce sujet à bras-le-corps, tant que des solutions peu coûteuses sont encore possibles, et surtout avant qu'il ne soit trop tard.
M. Michel Amiel . - Pourriez-vous nous fournir quelques précisions d'ordre technique sur le plan épidémiologique : quelle est la prévalence des maladies infectieuses telles que les hépatites ou le VIH dans ces collectivités de l'Océan Indien ?
Mme Patricia Schillinger . - J'avais participé, en septembre 2005, à la précédente mission conduite par notre commission sur la situation sociale à La Réunion et à Mayotte, et avais ainsi été sensibilisée aux difficultés qui secouent ces territoires. Dans l'intervalle de dix années qui séparent nos deux missions, un cadastre fonctionnel a-t-il pu être mis en place à Mayotte ? La polygamie y existe-t-elle toujours ?
Mme Isabelle Debré . - J'ai moi aussi eu la chance de me rendre à Mayotte, en 2010, dans le cadre des travaux que j'ai menés sur la question des mineurs étrangers isolés. J'avais alors pu constater que nous faisions face à une véritable bombe sociale à retardement.
Je constate que cette situation dramatique n'a toujours pas trouvé de solution ; ces arrivées massives de populations, dont des enfants, en kwassa-kwassa, avec des naufrages quotidiens, ne sont pas humainement acceptables. Il est urgent de développer enfin un véritable dialogue avec les Comores. Sur l'ensemble des sujets que nous évoquons aujourd'hui, l'Etat n'a pas fait son travail, et n'a pas su accompagner la départementalisation. Je rejoins la question de ma collègue Patricia Schillinger sur le cadastre ; car du jour au lendemain, des personnes se sont trouvées assujetties aux impôts fonciers et locaux, sans avoir le premier centime pour les payer, le tout dans une confusion générale liée à la mise en place de ce cadastre.
Je m'associe également aux préoccupations exprimées sur la maternité, et souligne que si les mères peuvent être reconduites à la frontière, ce n'est pas le cas des mineurs. On se retrouve ainsi avec des situations dramatiques, des enfants livrés à eux-mêmes, sans par ailleurs que le système éducatif ne suffise à absorber tous les besoins. C'est pourquoi, je le répète, l'Etat doit aujourd'hui assumer toutes ses responsabilités.
M. Thani Mohamed Soilihi . - Depuis vos précédents déplacements à Mayotte, la situation migratoire n'a pas cessé d'empirer. Vous nous avez indiqué, M. le Président, que 60 % des femmes qui accouchent à Mayotte sont des Comoriennes ; selon les informations dont je dispose, cette proportion s'établirait plutôt à 80 %.
Depuis 2008, la polygamie a cessé d'avoir des effets juridiques. Il subsiste pour autant une polygamie de fait, qui existera tant que les conditions qui poussent certaines femmes à accepter cette pratique n'auront pas été modifiées. Cela passe par l'éducation, le développement de l'autonomie des femmes, une politique en faveur de l'emploi.
Sur cette importante question du cadastre, la délégation sénatoriale à l'outre-mer, dont j'étais le rapporteur, a récemment rendu un rapport relatif à la sécurisation des droits fonciers dans les outre-mer. À ce jour, la régularisation foncière n'a toujours pas eu lieu à Mayotte, où continuent de coexister une propriété de droit commun et une propriété coutumière. Nous avons préconisé des solutions très simples, comme de compléter le cadastre par l'adressage des rues : comment en effet peut-on imaginer faire payer des impôts si l'on ne peut pas même toucher les contribuables ? Ce sont plus de 50 millions d'euros d'impositions annuelles qui sont aujourd'hui éludées, faute d'avoir conduit à leur terme ces réformes minimales.
M. Alain Milon , président . - S'agissant des informations épidémiologiques, vous les trouverez de manière plus détaillée dans le corps de notre rapport. En attendant, je peux vous indiquer que, d'une manière générale, les infections sexuellement transmissibles sont en recrudescence dans les outre-mer - comme d'ailleurs en métropole. À Mayotte, la prévalence de l'hépatite B est près de cinq fois supérieure à celle constatée dans l'hexagone. J'attire par ailleurs votre attention sur la présence sur le territoire mahorais de maladies que l'on croyait oubliées en France, comme la lèpre et la leptospirose. Enfin, à La Réunion, on trouve un nombre élevé de gastro-entérites, sans doute à mettre en rapport avec la qualité de l'eau.
M. Michel Vergoz . - Sur cette question de l'eau, le préfet de La Réunion a annoncé la semaine dernière la mobilisation d'un fonds de 100 millions d'euros pour améliorer la potabilisation ; votre passage n'a donc pas été inutile.
J'aimerais affirmer aujourd'hui, devant le sénateur de Mayotte, ce fait qui me tient très à coeur : La Réunion ne peut se désintéresser de la situation de Mayotte, tant ces deux territoires sont liés et interconnectés. En d'autres termes, les problèmes de Mayotte sont aussi les nôtres.
La question de Mayotte doit d'abord s'entendre à l'échelle franco-française. Les choix politiques qui ont été faits doivent être assumés : alors que la départementalisation a été effectivement mise en oeuvre, il est inadmissible que tant de problèmes persistent sur le territoire mahorais. La responsabilité est ici collective, puisque rien n'a véritablement évolué depuis le référendum de 1974, et ce quelles que soient les forces au pouvoir. À trop tergiverser, on laisse aujourd'hui faire des hurluberlus, dans un contexte où l'extrémisme n'est jamais bien loin. La gouvernance locale ne s'exerce plus guère. Je crois cependant à la possibilité d'un sursaut ; et Mayotte peut être la possibilité d'un enrichissement de la nation.
Il n'y aura cependant pas de règlement de la situation mahoraise en l'absence d'évolution sur la question franco-comorienne. Il faudrait faire le calcul ; mais sans doute nous coûte-t-il plus cher aujourd'hui de tenter en vain de repousser l'immigration en provenance des Comores que de faire du co-développement avec ce pays. Comment est-il possible de laisser ainsi s'enliser le dialogue ? Nous devrions mettre à profit la récente élection présidentielle aux Comores pour esquisser un rapprochement.
Je crois enfin qu'il existe des enjeux majeurs à l'échelle plus vaste de l'Océan Indien. Nous avons créé en 1982 une commission de l'Océan Indien (COI), dont le principal intérêt était justement de rapprocher les peuples. Or, notre participation à cette organisation pose aujourd'hui question : alors qu'un nouveau secrétaire général doit être prochainement désigné, il est semble-t-il difficile de trouver un représentant français pour participer à cette réunion. Ce n'est pas normal, quoi que l'on puisse penser de l'utilité de cette instance !
Je suis peiné de voir aujourd'hui des fonctionnaires de l'éducation nationale ou des entrepreneurs fuir Mayotte en raison des difficultés abyssales auxquelles le territoire est confronté. Dans le même temps, on brandit comme un symbole l'ouverture d'une ligne directe entre Paris et Mamoudzou, qui sera exploitée avec les appareils les plus modernes... Où est la cohérence ? Il est temps de nous ressaisir.
Je rejoins enfin le constat formulé par notre président sur les difficultés d'accompagner le développement comorien. L'hôpital chinois que vous avez évoqué n'a en effet jamais été exploité ; et les personnels médicaux français qui étaient prêts à s'y rendre, en raison notamment de la qualité des infrastructures et du matériel qui s'y trouvaient, ont finalement renoncé en raison de l'insécurité qui règne dans le pays.
Mme Laurence Cohen , rapporteure . - J'aimerais ajouter quelques éléments pour compléter notre présentation, dont je partage évidemment les constats. Il nous a été indiqué lors de notre déplacement que 22,6 % de la population réunionnaise de 16 à 65 ans était illettrée, et que 8 enfants sur 10 ne parlent que créole à la maison. Il me semble très important de mener un travail approfondi pour développer le bilinguisme.
Concernant la santé mentale, outre les difficultés rencontrées par le secteur libéral, les manques sont importants, à La Réunion comme à Mayotte, en matière de pédopsychiatrie. Son développement devra faire partie des solutions apportées à Mayotte, notamment pour les enfants des rues, qui survivent bien souvent sans accès à la santé ni à l'éducation.
Par ailleurs, selon une association de prévention du suicide à La Réunion, il y aurait sur ce territoire un suicide tous les trois jours, et une tentative toutes les trois heures. Ces chiffres alarmants doivent nous inciter à prendre en compte ce problème dans la définition des politiques de santé publique.
Enfin, s'agissant de la prise en charge de la population âgée, il subsiste à La Réunion une grande solidarité familiale, en l'absence de structures adaptées. La coopération entre les différents professionnels de santé, qu'ils soient du secteur public ou privé, existe par ailleurs de manière remarquable sur cette question. Un réseau d'infirmiers libéraux contribue ainsi au suivi de ces personnes.
Mme Aline Archimbaud . - Ce débat, en présence du sénateur de Mayotte, nous permet de prendre conscience des intenses difficultés de ce territoire, et doit avoir pour nous valeur d'alerte. Je souligne que face aux phénomènes migratoires, nous n'avons guère développé, à l'échelle de la France comme à celle de l'Union européenne, que des attitudes court-termistes et des tentatives de réponse à la seule immigration illégale. L'acuité de la situation mahoraise nous rappelle la nécessité de développer aussi des politiques d'immigration légale.
M. Alain Milon , président . - J'insiste une nouvelle fois sur le fait que la France a un rôle considérable à jouer dans l'Océan Indien. Notre pays a tout intérêt à faire un effort important pour développer son influence dans la zone, ce qui pourrait lui redonner une partie de son rôle international. Les enjeux sont certes importants en Europe, mais n'oublions pas la place que nous confère notre présence dans les outre-mer, qui fait partie de notre histoire : c'est aussi dans ces zones que nous pouvons préparer notre avenir. Notre pays peut encore être un grand pays dans le monde, à condition que nous nous en donnions les moyens.