N° 728
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2015-2016
Enregistré à la Présidence du Sénat le 29 juin 2016 |
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur l' aide publique au développement au Sahel ,
Par M. Henri de RAINCOURT et Mme Hélène CONWAY-MOURET,
Sénateurs.
(1) Cette commission est composée de : M. Jean-Pierre Raffarin , président ; MM. Christian Cambon, Daniel Reiner, Jacques Gautier, Mmes Nathalie Goulet, Josette Durrieu, Michelle Demessine, MM. Xavier Pintat, Gilbert Roger, Robert Hue, Mme Leila Aïchi , vice-présidents ; M. André Trillard, Mmes Hélène Conway-Mouret, Joëlle Garriaud-Maylam, MM. Joël Guerriau, Alain Néri , secrétaires ; MM. Michel Billout, Jean-Marie Bockel, Michel Boutant, Jean-Pierre Cantegrit, Bernard Cazeau, Pierre Charon, Robert del Picchia, Jean-Paul Emorine, Philippe Esnol, Hubert Falco, Bernard Fournier, Jean-Paul Fournier, Jacques Gillot, Mme Éliane Giraud, MM. Gaëtan Gorce, Alain Gournac, Mme Sylvie Goy-Chavent, MM. Jean-Pierre Grand, Jean-Noël Guérini, Claude Haut, Mme Gisèle Jourda, M. Alain Joyandet, Mme Christiane Kammermann, M. Antoine Karam, Mme Bariza Khiari, MM. Robert Laufoaulu, Jacques Legendre, Jeanny Lorgeoux, Claude Malhuret, Jean-Pierre Masseret, Rachel Mazuir, Christian Namy, Claude Nougein, Philippe Paul, Mme Marie-Françoise Perol-Dumont, MM. Cédric Perrin, Yves Pozzo di Borgo, Henri de Raincourt, Alex Türk, Raymond Vall, Bernard Vera . |
AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs
Au centre des attentions depuis quelques années, le Sahel ou la région saharo-sahélienne est cet immense espace bordé par le Maghreb au Nord et par la zone équatoriale du Golfe de Guinée au Sud, qui échappe en partie à une définition géographique classique en termes de territoires et de frontières. Parcouru de routes et de pistes, le nord de cet espace, en grande partie désert, s'organise en effet en réseaux mettant en relations des groupes de population aux jonctions de ces axes de communication, tandis qu'au sud des zones plus denses sont en plein essor démographique et affrontent tous les défis de la modernité urbaine.
La région possède de réels atouts : un potentiel agricole, certes encore insuffisamment exploité, un pastoralisme très développé, des richesses naturelles abondantes, des réseaux transsahariens qui pourraient permettre l'émergence de flux commerciaux conférant au Sahel un rôle central en Afrique de l'Ouest, et surtout des jeunes femmes et des jeunes hommes de plus en plus conscients de leurs forces et de leurs droits.
Pourtant, confrontés à cette situation géographique et humaine singulière mais aussi à une montée de l'insécurité due aux trafics puis à l'émergence de groupes terroristes qui ont su mettre à profit la logique de réseaux et de mobilité dominante au nord de la région, les États de la région et les acteurs de l'aide au développement ont les plus grandes difficultés à valoriser ces atouts.
En particulier, la France, en contradiction avec une volonté affichée de rompre avec un passé interventionniste, se retrouve paradoxalement à consacrer de plus en plus de moyens budgétaires à des interventions militaires pour résoudre des crises qu'elle n'a pas été en mesure de prévenir, tandis que les moyens qu'elle consacre à l'aide au développement diminuent progressivement.
C'est cette dynamique qu'il s'agit aujourd'hui d'inverser.
La crise politique et militaire traversée par le Mali, pays que l'on croyait solidement ancré sur une trajectoire de démocratisation, de décentralisation et de mise en oeuvre de l'aide au développement, a accéléré la prise de conscience de cet enjeu essentiel que représente la lutte contre les facteurs de déstabilisation du Sahel et de la nécessité d'y consacrer des moyens significatifs, ainsi que l'impératif d'une meilleure efficacité de l'aide au développement.
Le présent rapport entend s'appuyer sur cette prise de conscience, désormais partagée par une grande partie de la communauté internationale, pour proposer à la fois un regard sans complaisance sur le bilan de notre aide et des orientations pour contribuer à relancer le développement du Sahel.
I. LE SAHEL, UNE RÉGION CONFRONTÉE À D'IMMENSES DÉFIS
Parmi tous les défis que les pays du Sahel doivent relever pour se développer et améliorer les conditions de vie de leurs populations, quatre constituent des priorités absolues. Ces quatre priorités sont fortement interdépendantes et appellent donc une action conjointe.
Premier défi, cette région du monde n'a pas encore commencé la deuxième phase de sa transition démographique, celle qui se caractérise par une diminution de la natalité, alors même que la mortalité a déjà fortement diminué. Il en résulte un taux d'accroissement naturel de la population que la plupart des spécialistes considèrent comme incompatible avec le développement (A).
En second lieu, malgré de bons résultats dans la période récente, le développement et la croissance économique des pays du Sahel sont très insuffisants. Au rythme actuel et compte tenu du point de départ très bas, il leur faudrait des décennies pour atteindre une richesse par habitant comparable à celle des pays développés (B).
En troisième lieu, cette région est profondément affectée par les désordres dus à de nombreux conflits d'une part, à des trafics d'autre part. Ces phénomènes ruinent régulièrement les efforts de développement accomplis (C).
Enfin, la mauvaise gouvernance et la corruption continuent à jouer contre les peuples et à leur donner le sentiment que quelles que soient les actions mises en oeuvre, elles ne bénéficieront pas à l'ensemble de la société (D) .
A. UNE IMPASSE DÉMOGRAPHIQUE ?
Les pays sahéliens se trouvent dans une situation démographique unique à l'échelle de la planète. Cette situation, incompatible avec le développement de la région, laisse les bailleurs de l'aide publique au développement en grande partie désemparés.
1. L'absence de transition démographique
a) Un accroissement naturel très élevé
Les pays du Sahel (Mali, Niger, Tchad) connaissant les taux de croissance démographique les plus élevés au monde, entre 3,3 % pour le Mali et 3,9 % pour le Niger en 2014. De tels taux signifient que la population des pays concernés doublera d'ici 2030, quel que soit le scénario d'évolution de la fécondité . Selon la baisse plus ou moins rapide de celle-ci, la population pourrait être multipliée par près de 3 d'ici 2050. La population malienne atteindrait ainsi entre 44 et 49 millions d'habitants à cette échéance.
Les pays du Sahel sont en effet parmi les seuls au monde à ne pas avoir véritablement entamé la deuxième partie de leur transition démographique : alors que les indicateurs liés à la mortalité sont tous en repli, les indicateurs liés à la natalité et à la fécondité restent très élevés. Ainsi, alors que, depuis 1950, la mortalité juvénile (entre 0 et 5 ans) a été divisée par trois au Sud du Sahara, passant de 30 % à 10 %, les taux de fécondité sont les plus élevés au monde : 7,8 enfants par femme au Niger (record mondial), 6,4 au Mali - sans qu'une diminution significative soit actuellement observable .
Cette permanence d'un taux de fécondité élevé s'explique par un ensemble de facteurs culturels et anthropologiques liés aux caractéristiques de la famille (souvent polygame) et de la condition de la femme au sein de celle-ci. Les femmes sont en effet souvent mariées jeunes et sans avoir reçu d'éducation. En outre, en période d'insécurité alimentaire, les mariages précoces permettent de se séparer plus vite d'une bouche à nourrir.
Ainsi, le nombre d'enfants désirés reste très élevé. Selon une étude de 2010, dans 18 pays africains sur 26, le nombre idéal d'enfants déclaré par les femmes mariées était en moyenne supérieur à 5 et dans deux cas, supérieur à 8. Le record est détenu par le Tchad (13,7 enfants). La famille nombreuse est notamment souhaitée parce qu'elle représente une source de richesse, les enfants pouvant aider aux champs, garder le bétail et, plus tard, trouver de petits travaux en ville.
En outre, dans 20 pays d'Afrique subsaharienne, plus de la moitié des femmes entre 20 et 25 ans étaient mariées avant 20 ans . L'élévation de l'âge lors de la première union est très lente, voire inexistante selon les pays. Le Niger, le Mali et le Burkina Faso sont en tête des pays d'Afrique où se pratiquent le plus de mariages forcés et précoces. Ainsi, une femme sur deux se marie avant ses 18 ans au Burkina Faso.
Toutefois, la situation des femmes et des filles sahéliennes s'améliore lentement. Par exemple, au Mali, le taux de prévalence contraceptive des femmes en union est passé de 6,9 % en 2006 à 15,1 % en 2015 ; le mariage avant 15 ans, de 25 % à 16 % et le nombre d'enfants par femme de 6,7 à 6.
b) Des besoins en contrôle des naissances non couverts
Les moyens de contraception restent peu répandus. Alors que, en 2013, 63 % des femmes de 15-49 ans vivant en couple dans le monde utilisaient une méthode de contraception, et 57 % une méthode moderne, les proportions tombaient à 25 % et 20 % pour l'Afrique subsaharienne, et plus bas encore au Tchad, en Guinée et au Mali (autour de 10 %).
Au Mali, 16 % des femmes souhaiteraient avoir le moyen de contrôler leurs grossesses, sans que cela soit possible pour une grande partie d'entre elles.
Par ailleurs, toutes les administrations d'Afrique occidentale déclarent souhaiter une baisse de la fécondité , ce qui tarde à être suivi d'effet, car comme il ressort des discussions que vos rapporteurs ont pu avoir avec des décideurs politiques, ceux-ci considèrent encore largement que la croissance rapide de la population est un facteur de prospérité dans la mesure où elle contribue à l'expansion des marchés et à la puissance des pays.
c) Des effets complexes sur les migrations
Cet accroissement démographique particulièrement marqué a comme conséquence l'amplification des phénomènes migratoires, en premier lieu sous-régionaux, c'est-à-dire du Sahel vers les pays côtiers ouest-africains et le Maghreb.
De fait, l'Afrique de l'Ouest est la première région d'accueil des migrations en Afrique . Elle abriterait ainsi 7,5 millions de migrants, originaires pour la plupart d'un autre pays ouest-africain, soit près de 3 % de la population régionale. Ce taux, en hausse depuis 1990, est supérieur à la moyenne africaine (2 %) et dépasse largement celui de l'Union européenne (0,5 %). Il témoigne par ailleurs du dynamisme des relations sociales entre communautés nationales et diasporas et d'une intégration régionale effective « par le bas ».
Ce dynamisme migratoire est par ailleurs favorisé par l'intégration régionale : au début de l'année 2008, les chefs d'État et de gouvernement de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) ont adopté une approche commune sur la migration, prolongeant l'esprit du Traité fondateur de la CEDEAO qui, dès 1975, a posé la liberté de circuler comme l'un de ses principes généraux.
La migration peut également être forcée. Au début de 2015, on comptait 2,8 millions de personnes déplacées au Sahel fuyant les conflits du nord Mali et dans le bassin du Lac Tchad et se déplaçant vers des provinces déjà sous pression comme la province de Diffa au Niger.
En outre, les migrations massives vers les pays côtiers ont pu avoir comme conséquence des réactions de xénophobie, ainsi les troubles de 2010-2011 qui ont provoqué le retour au pays de 210 000 Nigériens depuis la Libye et la Côte d'Ivoire.
Ces migrations viennent absorber une partie de l'accroissement naturel de la population des pays du Sahel. Les autorités maliennes estiment à 4 millions leurs ressortissants de l'extérieur, dont une centaine de milliers résidant en France (entre 80 000 et 120 000 personnes selon les estimations). Cette émigration génère d'ailleurs un apport financier contribuant considérablement à l'économie du pays : la balance des paiements du Mali montre que les transferts de l'étranger représentent 200 milliards de FCFA. Ils ont quadruplé en 10 ans, devenant supérieurs aux flux d'APD. Malgré leur proportion relativement plus faible en France, les Maliens sont ainsi des acteurs économiques essentiels pour leur pays puisqu'ils alimenteraient, selon la Banque africaine de développement, près des deux tiers de ces flux.
En comparaison de cette migration régionale, l'Europe reste pour le moment une option de second rang pour les migrants subsahariens , comme l'a souligné lors de son audition Karim Ben Cheïkh, chercheur associé au centre d'analyse, de prévision et de stratégie du Quai d'Orsay. Sur les 21 millions de migrants originaires d'Afrique subsaharienne recensés dans le monde, 14 millions, soit 75 %, étaient installés dans un autre pays d'Afrique subsaharienne en 2013. Parmi les 113 millions de migrants présents dans les pays de l'OCDE, seule une fraction est pour le moment originaire d'Afrique subsaharienne. Ceux-ci ne représentent en 2012 que 6 % des flux migratoires vers les pays de l'OCDE, et 5 % du stock de migrants qui y vivent. À titre de comparaison, 41 % des émigrés viennent d'un autre pays de l'OCDE et 18 % d'Asie.
Toutefois, entre 2000 et 2010, le nombre de migrants originaires d'Afrique subsaharienne dans les pays de l'OCDE a augmenté fortement (+75 % contre +40 % en moyenne au niveau mondial). Par ailleurs, l'explosion démographique des pays du Sahel risque de provoquer un accroissement important des migrations dans les décennies à venir et même de faibles pourcentages représenteront des effectifs significatifs pour les pays d'accueil.
Ainsi, à l'horizon 2050, les jeunes d'Afrique subsaharienne pourraient représenter près de 390 millions d'individus , soit 30 % des 15-24 ans au niveau mondial. En l'absence d'opportunités suffisantes d'éducation et d'emploi, une partie significative d'entre eux pourrait émigrer.
Enfin, selon les travaux qui ont été réalisés sur cette question, l'effet du développement sur les migrations connaît deux phases. À court terme, il permet à davantage d'individus de disposer des moyens de réaliser leur projet migratoire, et favorise donc l'émigration. À long terme en revanche, à partir d'un certain niveau de richesse, le développement conduit à une baisse de l'émigration.
2. Un développement entravé
a) L'absence d'exemple de pays ayant réussi à se développer sans maîtrise de l'accroissement naturel - la théorie du dividende démographique
Dans leur plaidoyer actuel pour la maîtrise de la croissance démographique, l'ONU, et en particulier le FNUAP, fondent leur argumentation sur la théorie du « dividende démographique ».
La théorie du dividende démographie appliquée au Sahel Le dividende démographique se définit comme « l'avantage économique tiré d'une proportion relativement importante de personnes en âge de travailler au sein de la population, qui bénéficient d'investissements en faveur de leur autonomisation, de leur formation et de l'emploi » (Nathalie Bougnoux ERS/RED-AFD). Il y a dividende démographique lorsque le nombre de personnes en âge de travailler augmente tandis que le nombre d'enfants de moins de 15 ans diminue. Dans ce cas, le ratio de dépendance (c'est-à-dire de personnes à charge pour 100 personnes en âge de travailler) diminue. Cette modification découle de la transition démographique au cours de laquelle un pays passe d'une natalité ou fécondité et une mortalité élevées à une natalité ou fécondité et une mortalité basses. Ainsi, le fait que les pays du Sahel conservent des taux de natalité et de fécondité très élevés les empêche de bénéficier du dividende démographique . Le Mali par exemple, dont la part de la population de moins de 15 ans représente 46,6 % de la population, connaît un taux de dépendance de 102 %. Un tel taux nécessite des investissements considérables afin de faire face à l'arrivée des nouveaux enfants : infrastructures sanitaires, scolaires, énergétiques etc. On estime par exemple qu'entre 2005 et 2035, les dépenses totales pour l'éducation et la santé au Mali seront multipliées au moins par 8 (en cas de déclin rapide du taux de fertilité) et probablement par 11 (en cas de déclin faible du taux de fertilité) . Ainsi, les bénéfices de la croissance économique vont être absorbés par les investissements rendus nécessaires par l'accroissement permanent de la population. |
L'argumentaire fondé sur la théorie du dividende démographique, pour être convaincant intellectuellement, suppose toutefois une adhésion au concept et une capacité d'une projection à long terme difficile pour des autorités politiques obnubilées par les problèmes du quotidien.
b) Employer tous les jeunes : mission impossible ?
La croissance démographique fait que plusieurs centaines de milliers de jeunes rentrent sur le marché du travail chaque année, en particulier au Niger et au Mali. Ainsi, au Mali, le nombre d'entrants sur le marché du travail (15-24 ans) va doubler d'ici 2030. La croissance économique, si elle reste au niveau actuel, ne permettra pas de leur offrir des perspectives professionnelles.
Serge Michailof prend ainsi l'exemple du Niger : « les emplois industriels dans le secteur manufacturier (si l'on met à part le secteur minier et pétrolier) ne représentent que 4 000 postes, chiffre à comparer avec les effectifs de la cohorte annuelle de jeunes arrivant sur le marché de l'emploi, qui est actuellement de 243 000. Les jeunes sont donc chassés des campagnes par la raréfaction des terres, leur perte de fertilité et le manque de rentabilité de l'agriculture. Mais ils ont infiniment plus de chances de venir grossir les rangs des désoeuvrés abonnés aux petits boulots dans les bidonvilles que de décrocher des emplois qualifiés. (...) Une importante fraction des jeunes urbains africains est constituée de ceux qu'on appelle les ni-ni-ni : ni en emploi, ni en recherche d'emploi, ni en formation 1 ( * ) ».
3. La relative impuissance des bailleurs internationaux
a) Un sujet difficile à aborder directement
Du fait des conceptions culturelles des populations et des dirigeants du Sahel sur le sujet de la natalité, les bailleurs internationaux, jusqu'à aujourd'hui, sont restés assez prudents sur les questions de planning familial. Par ailleurs, comme on l'a vu, l'efficacité de l'approche actuelle par la théorie du dividende démographique reste encore à prouver.
En conséquence, nombre de bailleurs, dont la France, ont privilégié des approches par le biais de la protection de la santé maternelle et infantile .
Ces approches rappellent ainsi que des naissances rapprochées ne favorisent pas la bonne santé des enfants, le planning familial étant présenté comme une mesure essentielle pour protéger la vie de l'enfant. La notion repoussoir pour ces populations de limitation des naissances laisse place à celle, plus neutre, d'espacement des naissances.
De fait, malgré quelques améliorations au cours des années 2000 , le Mali affiche des indicateurs sanitaires liés à la santé de la mère et de l'enfant parmi les plus faibles au monde . Ainsi, le taux de mortalité infantile varie entre 104 et 169,2 pour 1 000 naissances à l'échelle du pays, et le taux de mortalité maternelle oscille entre 363,6 et 540 pour 100 000 naissances vivantes. Outre des problèmes d'accès et de qualité des soins, ces forts taux de mortalité peuvent également s'expliquer par le faible espacement des naissances.
Il convient de noter que l'AFD, dans son nouveau plan d'action pour le Sahel (2015-2020), a enfin placé la démographie au premier rang de ses priorités.
Toutefois, encore une fois, l'agence n'a prévu d'intervenir que de manière indirecte 2 ( * ) , par le biais des questions de santé et en appui à des initiatives portées par des ONG. La réalisation d'actions plus directes est subordonnée à deux conditions qui ne sont pas remplies actuellement : disposer de moyens financiers en subventions plus importants ; parvenir à mettre en place un dialogue franc avec les gouvernements des pays concernés sur ces questions.
b) Travailler avec la société civile
Diffuser l'usage de la contraception au sein des populations africaines n'est cependant pas impossible, comme l'ont amplement montré les pays du Maghreb, l'Afrique du Sud, le Ghana ou le Kenya.
Néanmoins, les programmes portés par les organismes internationaux sans tenir compte des spécificités locales ont montré leurs limites . Une plus grande implication des responsables politiques ou religieux est nécessaire. Il n'est pas indispensable pour cela qu'ils agissent eux-mêmes, mais il est nécessaire qu'ils acceptent de laisser les relais privés ou associatifs agir.
Par ailleurs, un des meilleurs leviers reste la mobilisation directe des femmes et le soutien aux initiatives portées par des femmes . Toutefois, cette mobilisation est en partie tributaire d'une élévation du niveau d'éducation des filles. Or, en Afrique de l'Ouest par exemple, en 2010, environ 46 % des femmes de 20 à 39 ans n'ont reçu aucune éducation (contre 31 % des hommes).
* 1 Africanistan, 2014.
* 2 Ainsi existe-t-il un programme de restauration des infrastructures sanitaires dans le Nord du pays - qui vise notamment à réduire la mortalité maternelle et infantile et augmenter la prévalence contraceptive - porté par l'ONG Handicap International ou encore un projet d'informatisation à moyenne échelle des Centres de Santé Communautaires porté par l'ONG Data Santé Mali qui doit permettre la mise en place d'un suivi médicalisé et individualisé des couples en âge de procréer et des enfants de moins de 5 ans.