COMMUNICATION DU PRÉSIDENT CLAUDE BÉRIT-DÉBAT EN CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS (11 MAI 2016)

M. Claude Bérit-Débat , Vice-Président du Sénat, Président de la délégation du Bureau au travail parlementaire, au contrôle et aux études, a présenté le 11 mai 2016 à la Conférence des Présidents la communication suivante, relative à l'application des lois sur la session 2014-2015 :

Monsieur le Président,

Monsieur le ministre,

Chers collègues,

En ma qualité de Président de la délégation au travail parlementaire et au contrôle, le Bureau du Sénat m'a chargé d'établir le bilan statistique de la mise en application des lois à partir des constatations de chacune des commissions permanentes et des données de la base informatique APLEG.

Comme l'an dernier, nous aurons l'occasion de débattre de cette question avec le Gouvernement le 7 juin prochain, sur la base d'un rapport reprenant les observations des commissions. Conformément à l'usage, ce document sera distribué quelques jours avant notre débat de contrôle.

J'ai procédé hier à l'audition du Secrétaire général du Gouvernement, M. Marc Guillaume. J'y avais bien sûr convié les présidentes et présidents des sept commissions permanentes ou leur représentant.

Notons qu'en 2015, j'avais disposé d'un certain délai entre cette audition et ma communication devant la Conférence des Présidents. Cette année, les aléas du calendrier ne m'ont laissé qu'un jour de délai, et les commissions permanentes n'ont pas encore toutes achevé leurs bilans sur les textes de leur ressort.

C'est pourquoi je m'en tiendrai à quelques observations générales, dont nous pourrons reparler plus en détail lors du débat de contrôle au mois de juin.

Fidèle à la méthode arrêtée avec le Gouvernement, j'ai pris en compte les textes d'application parus au 31 mars 2016 pour l'ensemble des lois de la précédente année parlementaire, c'est-à-dire promulguées du 1er octobre 2014 au 30 septembre 2015. La direction de la législation et du contrôle n'a pas achevé le recoupement de ses chiffres avec ceux du Secrétariat général du Gouvernement, mais je tiens dès à présent à signaler que leurs premiers décomptes aboutissent à des résultats concordants.

J'en retiens 5 grandes tendances :

1. En nombre de lois, la production législative a été moins soutenue qu'au cours de l'exercice précédent : 43 lois ont été promulguées (hors conventions internationales), contre 66 l'année précédente, soit une diminution de presque 35 %.

Mais cette baisse apparente ne doit pas faire illusion : en nombre d'articles, plusieurs des lois adoptées l'an dernier ont atteint des records - je pense en particulier à la « loi Macron », passée de 106 articles dans le projet initial à 308 articles dans le texte définitif...

Parmi les autres « lois-fleuves » de l'année, nous avons eu la loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt (95 articles), la loi sur la nouvelle organisation territoriale de la République (133 articles) ou encore la loi sur la transition énergétique, avec 213 articles... À eux seuls, ces quatre textes totalisent plus de 740 articles et nécessitent plus de 460 mesures d'application : face à un tel flot, peut-on encore parler de baisse de la production législative ?

2. Toujours en nombre de lois, le taux de mise en application au moins partielle a atteint l'an dernier 100 % !

Mais là encore, il faut nuancer... Pour l'heure, 18 lois des 43 lois ne sont encore que partiellement applicables et 17 autres lois ne nécessitaient aucune mesure d'application : en d'autres termes, seulement 8 des 26 lois nécessitant des mesures d'application sont devenues totalement applicables sur la période considérée.

3. Le seul chiffre réellement significatif est le décompte par mesures : nous l'estimons à ce jour aux alentours de 62 % pour la session 2014-2015, contre 64 % pour la précédente session, avec des écarts parfois notables entre les différentes commissions. C'est une statistique encore provisoire, mais elle colle à moins de 1 % près à celle calculée par le Gouvernement.

En clair, le taux réel d'application des lois oscille aujourd'hui entre 60 % et 65%.

Que penser de ce taux ? Les partisans du verre à moitié plein le trouveront nettement meilleur que les pourcentages calamiteux observés avant 2010, qui tournaient entre seulement 15 et 30 %. Mais pour ceux du verre à moitié vide, on retiendra qu'en moyenne, 4 articles de lois sur 10 ne reçoivent pas leurs textes d'application dans les délais requis, ce qui n'est guère satisfaisant...

4. Autre tendance dans la durée : sur 120 lois votées entre le début de la XIV ème législature et le 30 septembre 2014, seulement 2 lois n'ont encore reçu aucun texte d'application : c'est bon signe, car ainsi, le stock de lois durablement inappliquées n'augmente pas.

5. Reste la question des délais : comme vous le savez, une circulaire de 2008 enjoint aux ministères de publier leurs décrets d'application dans les six mois à compter de la promulgation de la loi.

L'an dernier, les délais moyens se sont rapprochés de cet objectif : sur 522 mesures prises au titre de la précédente session, 92 % sont sortis en moins d'un an, dont 52 % dans les 6 mois. Au total, le délai moyen de parution des décrets d'application a été cette année d'environ 5 mois et 26 jours, en accélération sensible par rapport aux délais constatés l'an dernier.

Saluons, à ce sujet, les efforts du Gouvernement pour publier rapidement les mesures d'application de la « loi Macron », comme il s'y était engagé lors du débat parlementaire. Cette loi a été promulguée début août 2015 et nécessitait 131 mesures d'application. Or les décomptes arrêtés fin mars 2016 montrent qu'elle est déjà applicable à 59 %, soit un taux fort honorable pour un texte de cette ampleur et de cette complexité.

Je ne m'étendrai pas sur la question -toujours un peu incantatoire- des retards et des lacunes constatés dans le dépôt des rapports demandés par le Parlement : en effet, à ce stade de nos calculs, je ne suis pas encore en mesure de vous indiquer la tendance de cette année, mais je ne manquerai pas d'en faire état dans mon rapport écrit. Espérons qu'elle sera plus favorable que les années précédentes !

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* *

Sous le bénéfice de ces observations, les chiffres 2014-2015 de l'application des lois, sans être exceptionnels, ne me paraissent pas appeler de critique majeure : il faut en donner acte au Gouvernement, d'autant qu'avec les 4 lois citées tout à l'heure, certains ministères ont dû faire face à un véritable « raz de marée réglementaire ».

Mais gardons-nous de trop d'optimisme... Globalement, le taux « par mesure » stagne aux alentours de 60 % : salué comme un progrès considérable par rapport aux années 2000/2010, il reste tout de même dans une fourchette moyenne bien en deçà des attentes légitimes.

M. le Président, M. le Ministre, chers Collègues, le combat pour l'application des lois n'est jamais gagné...

Les assemblées -de quelque majorité qu'elles soient- ne doivent jamais baisser la garde, non pas tant face au Gouvernement, qui ne ménage pas ses efforts, que face aux pesanteurs de toute sorte qui ralentissent le processus !

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