C. LE DIALOGUE ENTRE COLLECTIVITÉS OU QUAND LES COLLECTIVITÉS ORGANISENT ENTRE ELLES L'EXERCICE DE LEURS COMPÉTENCES : L'EXEMPLE DES CONFÉRENCES TERRITORIALES DE L'ACTION PUBLIQUE
De toutes les mesures issues de la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (MAPTAM), l'instauration de conférences territoriales de l'action publique (CTAP) est sans doute l'une des plus emblématiques. Lors de son audition, son rapporteur au Sénat, notre collègue René Vandierendonck, décrivait la CTAP comme « un instrument formidable de co-élaboration des politiques publiques ».
Ce dispositif de concertation prévu dans chaque région et réunissant des élus locaux du territoire, et dans certains cas le préfet de région, est en effet unique. S'inspirant d'expériences locales 22 ( * ) de coordination des compétences, ce dispositif montre qu'une coopération entre différents échelons locaux est possible, dès lors que les acteurs font confiance à l'intelligence territoriale. Présidée par le président du conseil régional, la conférence doit favoriser un exercice concerté des compétences des collectivités territoriales, de leurs groupements et de leurs établissements publics.
Mission et composition des conférences territoriales de l'action publique (CTAP) En vertu de l'article L. 1111-9-1 du CGCT, cette conférence peut débattre et rendre des avis sur tous les sujets relatifs à l'exercice de compétences et à la conduite de politiques publiques nécessitant une coordination ou une délégation de compétences entre les collectivités territoriales et leurs groupements. Elle peut aussi être saisie de la coordination des relations transfrontalières avec les collectivités territoriales étrangères situées dans le voisinage de la région. La conférence territoriale comprend : - le président du conseil régional ; - les présidents des conseils départementaux ; - les présidents des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) de plus de 30 000 habitants ayant leur siège sur le territoire de la région ; - un représentant élu des EPCI de moins de 30 000 habitants ayant leur siège sur le territoire de chaque département ; - un représentant élu pour chaque catégorie de communes (plus de 30 000 habitants, de 3 500 à 30 000 habitants, moins de 3 500 habitants) dans chaque département. Le préfet de région est informé des séances de la conférence territoriale. Il y participe de droit lorsque la conférence rend un avis sur une demande d'une collectivité territoriale ou d'un EPCI à fiscalité propre tendant à obtenir la délégation de l'exercice d'une compétence de l'État. Il participe aux autres séances à sa demande. Des conventions territoriales d'exercice concerté d'une compétence sont élaborées par les collectivités. Elles fixent les objectifs de rationalisation et les modalités de l'action commune des collectivités pour les compétences où elles sont chef de file. Concernant les compétences partagées, chaque niveau de collectivité territoriale peut émettre des propositions de rationalisation qui sont discutées au sein de la CTAP. |
Selon notre collègue René Vandierendonck, « Les CTAP doivent conduire des représentants de toutes les collectivités territoriales et groupements de communes à s'asseoir autour de la table, non seulement pour dialoguer mais aussi pour organiser la gouvernance des compétences au niveau de la région » . C'est donc une véritable révolution des politiques locales, car il sera possible d'avancer vers une forme de contrat ou de convention entre les collectivités territoriales en décidant que pour une durée donnée, telle collectivité gérera telle compétence de telle façon. Votre délégation y voit un moyen de simplification et de rationalisation de la dépense publique, car il s'agira de s'adapter à des réalités très disparates.
C'est aussi une marque de confiance envers les territoires, à la condition bien sûr que les élus acceptent de travailler ensemble. Favoriser la coopération plutôt que la concurrence et développer une culture du dialogue sont des objectifs valables également pour les collectivités elles-mêmes et pas seulement dans leurs relations avec l'État.
Toutefois, votre délégation veut rester prudente . Ces conférences organisées au niveau régional pourraient constituer l'opportunité pour les présidents de région d'y affirmer leur pouvoir au détriment d'autres collectivités. C'est d'ailleurs pour cette raison que le conseil régional de Lorraine, le premier à avoir mis sur pied une CTAP, a fait adopter une « charte des collectivités locales » qui réaffirme le principe de non-tutelle d'une collectivité sur une autre.
Votre délégation restera donc attentive face au risque de développement d'un « jacobinisme régional ». Certaines régions, en effet, n'ont toujours pas installé cette instance et, dans le cadre de la mise en place des nouvelles régions, ce risque est loin d'être circonscrit. Il faudra justement éviter que les CTAP ne se transforment en « grands messes » ingouvernables, où la recherche d'un consensus serait illusoire.
* 22 En Bretagne, le Breizh 15 (ou « B15 »), devenu en 2012 le « B16 », est l'exemple le plus réussi.