II. DES SYNERGIES IMPORTANTES ENTRE LES ACTIVITÉS DU GROUPE CAISSE DES DÉPÔTS ET DU GROUPE AFD
Si ces deux institutions financières ont des objectifs historiquement différents, leurs métiers se rapprochent de plus en plus, conformément à la logique de l'agenda des objectifs de développement durable, ce qui fait naître de potentielles synergies importantes, que nos voisins européens n'ont pas hésité à exploiter.
A. DEUX INSTITUTIONS DONT LES MÉTIERS SE RAPPROCHENT
1. Des métiers proches malgré un champ géographique d'intervention très différent
a) L'AFD, une institution financière publique essentiellement tournée vers l'international
Créée en 1941 en tant que Caisse centrale de la France libre, l'Agence française de développement (AFD) a progressivement évolué, notamment à la suite des réformes de la fin des années 1990 et du début des années 2000, pour devenir aujourd'hui l'opérateur central de la politique française d'aide publique au développement . Sa mission, définie à l'article R. 513-23 du code monétaire et financier, consiste à « réaliser des opérations financières de toute nature en vue de contribuer à la mise en oeuvre de la politique d'aide au développement de l'État à l'étranger et au développement des départements et des collectivités d'outre-mer ainsi que de la Nouvelle-Calédonie ».
L'agence est également souvent qualifiée de « bras armé » de l'État en matière d'aide publique au développement, dans la mesure où les deux tiers de l'aide bilatérale de la France passent par elle .
Elle intervient en utilisant des instruments financiers très divers , qui vont des prêts plus ou moins concessionnels aux subventions, en passant par les lignes de crédit, les garanties ou encore l'assistance technique. Elle finance des États, des personnes morales publiques ou privées et, à travers sa filiale Proparco (Promotion et participation pour la coopération économique), le secteur privé. Les prêts constituent 85 % de son activité.
Elle est active dans 110 pays ou territoires et compte 72 agences dans le monde, dont 11 outre-mer. En 2014, 1 787 personnes travaillaient à l'AFD, dont 1 219 recrutées par contrat en France métropolitaine et 568 en contrat local. Au total, 715 collaborateurs sont en poste en agence, dont près de la moitié en Afrique subsaharienne .
Répartition géographique des engagements du groupe AFD en 2014
Source : Commission des finances du Sénat à partir des données de l'Agence française de développement
Répartition sectorielle des engagements du groupe AFD en 2014
Source : Commission des finances du Sénat à partir des données de l'Agence française de développement
S'agissant des secteurs, les infrastructures et le développement urbain (qui comprennent notamment les transports) et l'énergie représentent près de la moitié de ses engagements annuels.
Chiffres clés du groupe AFD - 8 100 millions d'euros d'engagements en 2014, dont 6 500 millions d'euros environ dans les États étrangers ; - 30 milliards d'euros d'encours de crédit (85 milliards d'euros prévus en 2035) ; - 35 milliards d'euros de risque de crédit, en prenant en compte les restes à verser ; - 121 millions d'euros de résultat en 2014. |
b) Le groupe CDC, au service du développement économique du pays
Fondée en 1816 et placée « sous la surveillance et la garantie » du Parlement, la Caisse des dépôts et consignations (CDC) est notamment chargée, en application de l'article L. 518-2 du code monétaire et financier, « de la protection de l'épargne populaire, du financement du logement social et de la gestion d'organismes de retraite. Elle contribue également au développement économique local et national , particulièrement dans les domaines de l'emploi, de la politique de la ville, de la lutte contre l'exclusion bancaire et financière, de la création d'entreprise et du développement durable ».
La Caisse des dépôts a en particulier pour métier de transformer l'épargne populaire (livret A, livret développement durable, livret d'épargne populaire) en financements de long terme au service de l'intérêt général, notamment en matière de logement social et d'infrastructures publiques . Elle contribue également au développement local en concevant et en finançant, par des prises de participations, des projets dans les territoires. Cette dernière activité représente un portefeuille de 2,8 milliards d'euros.
La Caisse des dépôts s'appuie sur un réseau de 25 directions régionales, en métropole et outre-mer.
Avec ses nombreuses filiales, la Caisse des dépôts constitue « un groupe public au service de l'intérêt général et du développement économique du pays », qui « remplit des missions d'intérêt général en appui des politiques publiques conduites par l'État et les collectivités territoriales et peut exercer des activités concurrentielles ». Au sein de ce groupe CDC, se trouvent notamment la Banque publique d'investissement (Bpifrance), CNP Assurances, La Poste, Transdev, la Compagnie générale du Rhône, le groupe d'ingénierie EGIS, la Compagnie des Alpes, etc. S'y ajoutent enfin les nombreuses participations de la Caisse des dépôts, parmi lesquelles notamment la Société de financement local (SFIL).
Ces filiales interviennent dans des secteurs très variés et notamment l'immobilier, le tourisme, les assurances, le transport, l'ingénierie et le conseil, l'environnement ou encore le financement des entreprises.
Chiffres clés du groupe CDC - 410 milliards d'euros de bilan, dont 150 milliards d'euros pour la section générale ; - 1,8 milliard d'euros de résultat net ; - 637 millions d'euros versés au budget de l'État en 2014 au titre des résultats de l'activité pour compte propre ; - 435 millions d'euros versés au budget de l'État en 2014 au titre de la contribution représentative de l'impôt sur les sociétés. |
2. Deux institutions qui pourraient s'enrichir l'une l'autre
Si les deux groupes interviennent dans des secteurs d'activité comparables, l'AFD agit essentiellement au niveau international et la CDC au niveau national. Or, chacun de ces groupes pourrait trouver un intérêt à développer son activité sur le segment où il est absent.
a) La Caisse des dépôts pourrait accroitre son ouverture internationale
(1) Une activité internationale limitée
Bien qu'elle n'ait pas une activité internationale très importante, la Caisse des dépôts a développé des réseaux multilatéraux et des partenariats bilatéraux avec des institutions financières homologues.
Le « Club des investisseurs de long terme » , créé en 2009, regroupe dix-neuf institutions financières et investisseurs institutionnels d'Europe, d'Asie, de la Méditerranée et d'Amérique du Nord et du Sud. Il a pour objet la promotion des investissements dans les infrastructures et les PME et la mise en place d'un cadre réglementaire favorable au financement de long terme de l'économie réelle.
L' « association européenne des investisseurs de long terme » , créée en 2013 à l'initiative de la CDC, de la KfW, de la Cassa Depositi e Prestiti et de la Banque européenne d'investissement (BEI), regroupe vingt-sept banques de développement national. Elle a pour objectif de renforcer la coopération avec les institutions européennes sur le financement de long terme de l'économie européenne (infrastructures, changement climatique, PME et R&D). Elle intervient notamment sur le déploiement opérationnel du Plan Juncker.
Enfin, la CDC est également active dans le cadre du « Forum mondial des Caisses des dépôts » et à travers des partenariats bilatéraux noués avec ses homologues d'Afrique (CDG Marocaine, CDC Tunisienne, Sénégalaise, Mauritanienne, etc.). Il s'agit essentiellement de travailler sur la gestion de l'épargne et des dépôts protégés et sur le financement des PME, des infrastructures, du développement urbain et du logement en Afrique.
(2) Le rapprochement serait l'occasion de se développer à l'international
La Caisse des dépôts a indiqué à vos rapporteurs spéciaux qu'elle voyait dans le rapprochement avec l'AFD et son réseau un moyen de soutenir l'implantation et le développement de certaines de ses filiales à l'étranger . En particulier, Egis ou Transdev sont deux groupes déjà présents à l'international et dont les domaines de compétences - infrastructures, ingénierie, mobilité urbaine - peuvent répondre aux besoins des pays en développement.
Cependant, vos rapporteurs spéciaux soulignent que les synergies entre l'AFD et ces filiales de la CDC - qui pourraient pas ailleurs remporter des marchés de l'agence - ne devront pas se heurter aux règles de la concurrence et au principe de déliaison de l'aide de l'AFD.
Par ailleurs, le rapprochement pourrait permettre à la CDC de développer sa présence dans les réseaux internationaux, notamment à l' International Development Finance Club (IDFC), l'association mondiale des banques de développement.
b) L'AFD pourrait renforcer ses liens avec les collectivités territoriales et les entreprises
(1) Un lien avec les collectivités territoriales à renforcer
Le rapprochement entre l'AFD et la CDC pourrait à la fois renforcer l'accompagnement de la politique d'APD des collectivités territoriales françaises par l'AFD et permettre à celles-ci de profiter de son expérience acquise à l'étranger dans le domaine - notamment - du développement durable .
Tout d'abord, près de 5 000 collectivités territoriales financent des projets de développement, pour une APD au sens de l'OCDE qui s'est élevée à 53 millions d'euros en 2014. Depuis cette même année, l'AFD accompagne les collectivités territoriales et finance des projets mis en oeuvre dans les pays en développement par les collectivités françaises, à travers la Facilité de financement des collectivités territoriales françaises (FICOL), dont l'enveloppe globale ne s'élève cependant qu'à 3 millions d'euros. Cet axe de l'activité de l'AFD pourrait donc être développé .
Le rapprochement avec la CDC pourrait faciliter cette montée en puissance, dans la mesure où il permettrait de conjuguer l'expertise technique de l'AFD et le soutien local de ses agences au réseau territorial de la CDC et de ses relations historiques avec les collectivités territoriales , ainsi que sa connaissance des financements européens éventuellement mobilisables par les collectivités.
Par ailleurs, l'AFD a accumulé une expérience importante dans l'accompagnement des territoires et des villes des pays en développement dans l'atténuation des effets du changement climatique et dans le renforcement de leurs capacités de « résilience » (adaptation des pratiques agricoles, meilleure gestion du cycle de l'eau, protection de la biodiversité, politiques d'aménagement urbain adaptées, etc.). Cette expérience pourrait se conjuguer à la connaissance du territoire français par la CDC pour venir améliorer les capacités d'adaptation des collectivités territoriales françaises .
(2) Des liens avec les entreprises à développer
L'AFD est également encouragée à travailler de plus en plus avec les entreprises françaises, dans le cadre du développement de notre « diplomatie économique » , sans remettre en question le principe de déliaison de son aide. Le rapprochement pourrait permettre à l'agence de bénéficier des relations de la Caisse des dépôts et de la BPI avec les entreprises françaises.
Certains voient aussi dans ce rapprochement l'occasion d'améliorer l'accompagnement des entreprises françaises à l'étranger, en s'appuyant sur le réseau de l'AFD et la capacité de Proparco à financer et investir hors de France. Cependant, vos rapporteurs soulignent que si des rapprochements pratiques sont possibles, en termes de réseau par exemple, comme le font nos voisins allemands, il est important que l'AFD - et sa filiale Proparco - demeure une agence de développement, sans qu'il y ait la moindre ambiguïté quant à ses objectifs .
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En définitive, vos rapporteurs spéciaux notent que le groupe AFD et le groupe CDC pourraient, chacun, trouver des avantages à ce rapprochement .
Ils soulignent également que ces groupes voient leurs métiers se rapprocher de plus en plus, d'autant que le nouvel agenda du développement - les « objectifs du développement durable » adoptés à New York en septembre dernier - n'est plus un agenda de rattrapage, mais un agenda de convergence : en d'autres termes, les objectifs sont les mêmes dans les pays du Nord et du Sud. Par cohérence, les banques de développement national et international verront donc leur activité se rapprocher de plus en plus.