B. LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME
Un débat conjoint a été organisé avec pour thèmes « Combattre le terrorisme tout en protégeant les normes et les valeurs du Conseil de l'Europe » (débat d'urgence) et « Les combattants étrangers en Syrie et en Irak ».
L'Europe est de plus en plus préoccupée par le terrorisme international. Une nouvelle fois tous les actes de terrorisme doivent être condamnés avec force et toute tentative de trouver des excuses aux attaques terroristes doit être rejetée, car elles vont complètement à l'encontre de l'esprit, des normes et des valeurs consacrés par la Convention européenne des droits de l'Homme.
Les démocraties ont le droit inaliénable, et l'obligation indissociable, de se défendre lorsqu'elles sont attaquées. La lutte contre le terrorisme doit être renforcée tout en garantissant le respect des droits de l'Homme, de l'État de droit et des valeurs communes défendues par le Conseil de l'Europe. Il faut souligner que la lutte contre le terrorisme et la protection des normes et les valeurs du Conseil de l'Europe ne sont pas contradictoires, mais complémentaires.
Par conséquent, les parlements et les gouvernements des États membres sont invités à s'assurer de la nécessité et de la proportionnalité des mesures prises dans leur lutte contre le terrorisme.
Ces dernières années, beaucoup de jeunes ont quitté leur pays de résidence en Europe pour rejoindre l'« État islamique » (« EI ») et d'autres groupes extrémistes violents en Syrie et en Irak. Ces « combattants étrangers » sont source de grave préoccupation pour les autorités nationales et policières dans la mesure où, lors de leur retour en Europe, ils auront à la fois les aptitudes et la motivation pour perpétrer des attaques terroristes. Les attaques récentes à Paris sont la preuve de la réalité de cette menace.
Au-delà des menaces imminentes à la sécurité, se profile le risque d'ébranler la cohésion et l'intégrité des sociétés démocratiques en exacerbant les clivages entre les différents groupes ethniques et religieux.
Ce rapport vise à sensibiliser le public au phénomène des combattants étrangers qui représente une menace croissante pour la sécurité domestique et internationale. Il fournit des informations et matière à réflexion sur l'étendue du phénomène, les causes profondes et les motivations des individus qui deviennent combattants étrangers, et les mesures de lutte qui peuvent être prises à différents niveaux pour le contrer. Enfin, le rapport suggère quelques pistes de réflexion sur comment intensifier la réponse internationale à ce problème et plaide pour une plus grande contribution du Conseil de l'Europe au traitement des causes sous-jacentes.
À l'occasion de ce débat, M. Harlem Désir, secrétaire d'État français chargé des affaires européennes, a rappelé l'omniprésence de la menace terroriste et justifié le recours à l'état d'urgence. Les mesures prises dans ce cadre sont conformes aux engagements internationaux de la France et respectent l'État de droit et les libertés fondamentales. Elles font l'objet d'un contrôle parlementaire et d'un contrôle juridictionnel. Le choix de la France est de lutter contre le terrorisme avec les armes du droit. La constitutionnalisation de l'état d'urgence et la réforme de la procédure pénale apporteront des garanties supplémentaires pour la défense des libertés. Compte tenu de la menace, il a évoqué la nécessité de prolonger l'état d'urgence qui n'a cependant pas vocation à durer.
Dans la discussion générale, Mme Marie-Christine Dalloz (Jura - Les Républicains) a justifié le recours légitime à l'état d'urgence en France, en conformité avec l'article 15 de la Convention européenne des droits de l'Homme et la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme. En outre, le Conseil de l'Europe doit constituer une plateforme d'échange de bonnes pratiques de lutte contre le terrorisme, et la réforme du contrôle des frontières extérieures de l'Union européenne est indispensable.
M. René Rouquet (Val-de-Marne - Socialiste, républicain et citoyen), président de la délégation française, a également pris la parole pour défendre le recours à l'état d'urgence. Cette mesure offre aujourd'hui toutes les garanties pour être conforme à la Convention des droits de l'Homme. La Cour européenne des droits de l'Homme pourra le vérifier en cas de recours. La frontière entre criminalité et terrorisme est parfois poreuse ce qui justifie que l'on s'attaque aux criminels comme aux terroristes. Certes, des erreurs individuelles restent possibles, mais il appartiendra aux juridictions compétentes de les réparer.
M. Bernard Fournier (Loire - Les Républicains) a commencé par rappeler les fondements de Daech avec, d'une part, une origine salafiste faisant référence à la pureté de l'Islam des origines, et d'autre part, baasiste avec des anciens militaires irakiens prônant le panarabisme et l'effacement de la frontière syro-irakienne. Certes, sur le terrain, la coalition enregistre de nombreuses victoires, mais, sans solution politique, Daech a encore de beaux jours devant lui. À ce sujet, le sénateur exprime sa crainte de voir l'organisation se replier en Libye et accroître les attaques terroristes à mesure qu'elle perd du terrain en Syrie et en Irak.
Mme Nicole Duranton (Eure - Les Républicains) explique que ce n'est pas l'Islam qui s'est radicalisé mais la radicalité qui s'est islamisée. Les musulmans dits de deuxième génération, qui ne perçoivent pas leur religion comme insérée culturellement, et les convertis attirés par un islam radical sont particulièrement concernés quand on parle des combattants étrangers en Syrie et en Irak. On rejoint les mouvements terroristes djihadistes et salafistes comme on pouvait rejoindre l'ultragauche dans les années 70. Un nihilisme et un individualisme forcenés couplés à une fascination pour la mort et l'idée de mourir en martyr sont les ressorts qui favorisent l'endoctrinement sectaire de ces combattants.
Mme Brigitte Allain (Dordogne - Écologiste) met en garde contre le fait que la lutte contre le terrorisme légitime un renforcement considérable des pouvoirs des services de police, sans réelles garanties quant à leur usage, d'autant plus qu'il n'existe pas de définition de ce qu'est un acte terroriste. Elle évoque ensuite les perquisitions en France notamment chez des écologistes qui n'ont aucun lien avec le terrorisme. Elle explique que le contrôle juridictionnel est une bien maigre consolation quand votre domicile a été envahi en pleine nuit. Elle propose de favoriser la lutte contre le racisme pour une meilleure inclusion interculturelle de tous.
Mme Catherine Quéré (Charente-Maritime - Socialiste, républicain et citoyen) a approuvé la prolongation de l'état d'urgence en France et a regretté la position du Secrétaire général du Conseil de l'Europe sur cette question. Il ne faut pas avoir peur du terrorisme et affirmer pleinement les valeurs du Conseil de l'Europe pour ne pas laisser la place au repli sur soi et aux nationalismes.
M. Gérard Bapt (Haute-Garonne - Socialiste, républicain et citoyen) explique que l'un des facteurs qui explique la présence de tant de combattants étrangers en Syrie et en Irak est la facilité d'accéder à ces territoires, notamment via la Turquie. Il a exprimé ses doutes quant à la volonté de ce pays de coopérer et souhaité un renforcement des contrôles aux frontières.
Au cours de la discussion des amendements sur la proposition de résolution intitulée « combattre le terrorisme tout en protégeant les normes et les valeurs du Conseil de l'Europe », l'amendement de M. Pierre-Yves Le Borgn' (Français établis hors de France - Socialiste, républicain et citoyen) , rapporteur pour avis de la commission des questions juridiques et des droits de l'Homme, visant à donner l'opportunité à la Commission de Venise de se prononcer sur le projet de révision constitutionnelle français portant sur la constitutionnalisation de l'état d'urgence et la déchéance de nationalité a été adopté.
Au cours de la discussion des amendements sur la proposition de résolution intitulée « Les combattants étrangers en Syrie et en Irak », M. Gérard Bapt (Haute-Garonne - Socialiste, républicain et citoyen) s'est opposé à l'adoption d'un amendement de la commission des questions politiques et de la démocratie visant à remplacer les mots « État islamique » par « Daech » car c'est un subterfuge pour ne pas nommer ce groupe par son véritable nom. L'amendement a été adopté.