RÉFLEXIONS DU COMITÉ CONSULTATIF NATIONAL D'ÉTHIQUE.
M. Jean-Claude Ameisen, président du Comité consultatif national d'éthique. Depuis près de soixante-dix ans et le Code de Nuremberg, la démarche éthique biomédicale est fondée sur le « choix libre et informé », dans lequel la connaissance, indispensable, est mise au service du choix de la personne.
Cela est intéressant d'un point de vue rétrospectif : en effet, ce processus avait été qualifié alors, de manière quelque peu paternaliste, de « consentement libre et informé ». Or, il ne s'agissait pourtant pas uniquement de consentir, mais bien d'avoir aussi la possibilité de refuser. Si ce processus avait été intitulé en miroir « refus libre et informé », il se serait trouvé des voix pour s'interroger sur la raison pour laquelle on supposait que la personne allait refuser, alors qu'il ne semblait pas choquant de présumer qu'elle allait consentir.
Aujourd'hui, il ne s'agit pas de consentir, mais bien d'avoir les moyens d'élaborer un choix libre et informé. Cela ne renvoie ni à l'acceptabilité, ni à l'assentiment mais à la participation dans l'élaboration des choix.
Je pense que la mission du Comité consultatif national d'éthique est justement d'aider la société à élaborer ses choix, en essayant de mettre en lumière la complexité des problèmes, les enjeux, et en présentant différentes options.
Tant au niveau individuel que collectif, ce processus de choix est au coeur de la vie démocratique, y compris avec les imperfections qui peuvent s'y rattacher.
Par la loi du 7 juillet 2011 portant révision de la loi relative à la bioéthique, le Parlement nous a confié la mission d'organiser des conférences de citoyens, dans des cas particuliers impliquant une modification de la loi. Cela a constitué pour nous une expérience très intéressante, dans la mesure où le principe même du Comité consultatif national d'éthique, et de tous les comités de ce type dans le monde, réside dans le croisement des regards, au-delà même des champs disciplinaires. Or la conférence de citoyens permet précisément ce croisement des regards.
Je crois que toutes les formes de débat permettant de croiser les approches offrent la plus grande probabilité de trouver les solutions les plus originales et potentiellement les plus utiles. Cela présente aussi l'avantage de diminuer le risque d'oublier ceux que l'exclusion ou la précarité a rendus invisibles.
La démultiplication de ces formes de réflexion informées, fondées sur le croisement des regards, est extrêmement importante pour qu'une société puisse s'approprier ses choix.
Un mot sur le climat : là encore, le rôle de la réflexion publique et éthique est d'essayer de prendre du recul. Le changement climatique représente une menace grave mais n'est que l'un des symptômes des dégradations que nous causons à l'environnement. Ainsi, l'utilisation d'énergies fossiles, indépendamment de la libération de gaz à effet de serre, entraîne de la pollution atmosphérique, responsable aujourd'hui, selon les chiffres de l'OMS, de huit millions de morts chaque année dans le monde et à l'origine de dépenses exorbitantes.
En médecine, on estime toujours préférable de traiter la cause, plutôt que de s'attaquer aux symptômes un par un. Selon une logique similaire, devons-nous traiter le changement climatique comme un problème à part entière, et les autres conséquences de nos dégradations de l'environnement une par une, ou saisir l'occasion d'une réflexion sur le changement climatique comme un levier pour agir plus globalement sur les conséquences néfastes de l'activité humaine sur l'environnement ?
Je pense que la santé, préoccupation individuelle et collective, peut constituer une grille de lecture qui dépasse la focalisation sur tel ou tel symptôme. Il serait ainsi intéressant d'inclure, dans le cadre des réflexions sur les indicateurs de l'efficacité des mesures de transition qui seront prises, des indicateurs en termes de santé. Le recours à telle énergie plutôt qu'à telle autre a-t-il un effet positif, indifférent ou négatif sur la santé ?
Réfléchir dans des termes susceptibles d'impliquer les citoyens, individuellement et collectivement, au-delà d'un objectif particulier, est indéniablement une façon de rendre le débat participatif et l'écoute de la société plus larges.
Mme Dominique Gillot. Ainsi que vous le soulignez, nous sommes passés du « consentement libre et informé » à une aide apportée à la société dans l'élaboration de ses choix, de manière éclairée. Je pense qu'il nous faut maintenant arriver à permettre aux citoyens d'agir en connaissance de cause, pour prendre en considération l'ensemble des paramètres liés aux changements climatiques, afin d'envisager le meilleur pour l'avenir de notre société.