B. OBSERVATIONS DES REPRÉSENTANTS DES ASSOCIATIONS D'ÉLUS LOCAUX
M. Jean-Jacques Barbaux, représentant de l'Assemblée des Départements de France (ADF), président du conseil départemental de la Seine-et-Marne
Je me félicite également de la grande qualité républicaine des échanges. Je préside un département qui représente 50 % du territoire francilien, et qui est composé pour un tiers de zones urbaines et pour un tiers de zones rurales. C'est vers ce département que l'on achemine le plus de personnes en difficulté, sans aucune concertation avec les élus, ce qui entraîne des difficultés - c'est notamment le cas du SAMU social de Paris.
Je souscris au principe de l'approche globale. Je soulignerai toutefois que l'État vient de supprimer onze réseaux d'éducation prioritaire en Seine-et-Marne pour les placer en Seine-Saint-Denis. L'approche globale doit se traduire réellement dans toutes les interventions de l'État.
Je me permets également d'exprimer mon désaccord avec la démarche selon laquelle les élus doivent aller vers l'État. C'est au contraire à l'État d'aller vers les élus, pour parvenir à une démarche de co-construit, de co-partagé et non pas « imposée ». Il est important, dans le contexte particulier de la réforme territoriale et du Grand Paris, de démontrer à la fois de la solidarité, de l'humanité et de la fermeté ; et c'est à l'État qu'il incombe de donner le cap.
Mme Valérie Létard, vice-présidente de l'Association des Maires de France (AMF) et représentante de l'Assemblée des Communautés de France (ADCF), sénatrice du Nord
Nous ne pouvons que partager les principes rappelés par M. Barbaux. Le défi actuel diffère des situations antérieures, nécessitant un accompagnement. Une démarche imposée est mal vécue par les élus locaux et la population. A l'inverse, nous avons aujourd'hui l'occasion d'avoir une démarche vertueuse d'un État qui assume pleinement ses responsabilités, tout en consultant les collectivités très en amont sur une analyse fine de la réalité des territoires. L'action pourra ainsi s'appuyer sur l'existant et ne pas créer de difficultés nouvelles. La solution de l'habitat diffus, par exemple, est à la fois la plus acceptable et la plus complexe dans sa mise en oeuvre : elle nécessitera donc une véritable coopération.
Enfin, de nombreuses familles se proposent d'accueillir des réfugiés ou l'ont déjà fait, mais se trouvent parfois en butte à des difficultés insurmontables. Les générosités individuelles, non coordonnées par l'État, peuvent créer des situations très difficiles. L'État et les territoires doivent coordonner la mise en place de ces actions.
M. Vincent Morette, représentant de l'Association des Petites Villes de France (APVF), maire de Montlouis-sur-Loire
Je m'associe à l'affirmation de la nécessité absolue d'une coordination des actions par l'État. J'ajoute que le volontariat des collectivités doit prévaloir. L'État doit aller vers les collectivités, tout comme les collectivités doivent aller vers l'État. Quoi qu'il en soit, la coordination entre État et territoires doit être la plus forte possible à tous les niveaux.
Ainsi, dans le département d'Indre-et-Loire, les possibilités d'hébergement en CADA sont actuellement nulles. Lorsque des réfugiés seront orientés vers ce département, un hébergement collectif devra donc être mis en place avant l'orientation vers des solutions individuelles. Or son organisation pose problème.
Par ailleurs, sans prétendre à une représentativité des communes rurales, je rappelle que l'APVF regroupe de petites communes. Certaines se sont positionnées et constituent ces « gouttes d'eau » qui font les grandes rivières. La ruralité ne doit pas être absente de l'effort collectif, mais il faut être conscient de ses difficultés spécifiques en termes de communication. Or les réfugiés auront des démarches administratives à effectuer et devront pouvoir se rendre dans les centres administratifs. La modalité de l'accueil différera donc en fonction de la taille de la collectivité.
Enfin, nous devons aussi évoquer les réactions des citoyens. Lorsque j'ai pris position sur la possibilité pour ma ville d'accueillir des réfugiés, j'ai suscité des interrogations au sein de la population. Or après avoir expliqué que nous disposions dans cette ville de 11 000 habitants, des conditions matérielles pour accueillir une vingtaine de réfugiés, je n'ai plus rencontré de réticence. La population prend plutôt position en faveur du projet lorsque celui-ci est maîtrisé.
M. Jean-Marie Bockel, président
Il est vrai que 90 % du territoire français est structuré par l'urbain, le périurbain ou encore le « rurbain ». Le territoire rural déconnecté de ces structures existe néanmoins, et rencontre des problématiques différentes.
M. Emmanuel Heyraud, représentant de l'Association des Maires de Grandes Villes de France (AMGVF), directeur de la cohésion sociale et du développement urbain
Je salue le climat inspiré des valeurs républicaines et de générosité qui a présidé à ces débats. Je souhaite revenir sur quatre points :
- la nécessité d'une authentique solidarité locale et nationale bien pensée, ordonnée et organisée, pour reprendre les mots de ce débat ;
- la coordination et la coopération entre les élus locaux et les services de l'État. L'AMGVF salue à cet égard les propos très francs de M. Arhoul et l'invite à s'exprimer sur le sujet devant le bureau de l'association ;
- la nécessité d'un accompagnement de l'application de la loi pour les déboutés du droit d'asile, ce qui favorisera l'acceptabilité des populations ;
- l'importance d'un diagnostic territorial en lien avec les préfets de département et les préfets de région pour réellement prendre en compte les spécificités locales et les capacités d'accueil des territoires.
S'agissant de ce dernier point, je rappelle que toutes les grandes villes ne sont pas prospères et en mesure d'accueillir des centaines de migrants dans de bonnes conditions.
M. Jean-Marie Bockel, président
Ajoutons que certaines grandes villes sont parfois concernées depuis plusieurs années par les problématiques d'accueil de populations immigrées : la sensibilité à ces questions y est donc plus forte.