C. ... ET PAR LA POURSUITE INDISPENSABLE DES SYNERGIES ET MUTUALISATIONS ET DE LA RATIONALISATION DES DÉPENSES
La réflexion sur le financement de l'audiovisuel public passe nécessairement aussi par la recherche volontaire d'économies sur les dépenses des différentes sociétés de l'audiovisuel public , dont on a pu constater le dynamisme. France Télévisions et Radio France sont concernées au premier chef, en raison de leur situation financière dégradée, qui appelle une réaction rapide de leur part. En outre, ces deux sociétés absorbent à elles deux plus de 80 % du montant de la contribution à l'audiovisuel public .
Dans cette perspective, un renforcement des mutualisations, des coopérations et des synergies entre les différentes sociétés de l'audiovisuel public apparaît indispensable dans l'attente du rapprochement proposé par vos rapporteurs. Celles-ci pourraient notamment concerner les domaines du numérique, de l'information, des achats et des programmes .
S'agissant des pistes de réduction des dépenses, au regard des récents rapports de la Cour des comptes sur la gestion et les comptes de Radio France 185 ( * ) , qui émet de nombreuses recommandations, vos rapporteurs ont choisi de concentrer leurs analyses et leurs propositions sur les principales masses financières (la masse salariale) ainsi que sur les mutualisations et les enjeux pour l'avenir (numérique).
1. Mutualiser les projets de chaîne d'information et de plateforme numérique
a) Le projet de chaîne d'information en continu, les prémisses prometteuses d'un regroupement ?
Le lancement de nouveaux projets doit dès maintenant privilégier les mutualisations et les rapprochements , c'est pourquoi l'on peut se féliciter de l'annonce, début septembre, du travail sur un projet de chaîne d'information en continu associant France Télévisions et Radio France, alors que ces deux groupes comptent respectivement 3 000 et 750 journalistes.
À titre préalable, vos rapporteurs estiment qu'il convient de mener une réflexion en amont sur l'apport de la future chaîne en termes de contenu par rapport à l'offre existante (absence de publicité, débats de fond ....).
En outre, pour constituer le point de départ d'une coopération efficace et d'un rapprochement de l'ensemble de l'audiovisuel public, vos rapporteurs estiment que le lancement effectif de ce projet devrait également être conditionné à la participation de France Médias Monde et tirer parti de l'avantage que constitue l'existence de France 24 dans sa diffusion française 186 ( * ) . Cette dernière constitue en effet un réel atout en termes de notoriété et du point de vue de la rationalisation des dépenses, puisque son coût de fonctionnement s'élève à 33 millions d'euros par an 187 ( * ) . En outre, l'association de France 24 permettrait d'envisager une existence de la future chaîne d'information commune sur le réseau hertzien dès son lancement, alors que, telle qu'annoncée par Delphine Ernotte Cunci, elle aurait d'abord vocation à exister au niveau numérique, sans écarter à terme un lancement sur le réseau hertzien.
En tout état de cause, ce projet commun constitue une opportunité intéressante pour expérimenter un rapprochement entre les différentes entités de l'audiovisuel public , qui pourrait être le premier d'une série. Si dans un premier temps on peut imaginer, par exemple, que la future chaîne publique d'information diffuse des programmes d'information à caractère international produits par France 24 et lui fournisse en contrepartie des programmes nationaux, un rapprochement des moyens doit pouvoir constituer une perspective réaliste d'ici 2020 afin de permettre la meilleure utilisation possible des moyens et l'émergence d'une marque forte sur l'information qui devrait probablement être « France Info », si l'on tient compte de l'antériorité de la chaîne d'information créée par Radio France et de l'attachement que lui portent les Français.
La création de la chaîne d'information commune pose toutefois la question de l'avenir du projet « Info 2015 » initié par France Télévisions en 2012 et contesté par plusieurs syndicats 188 ( * ) .
b) La nécessaire mutualisation de l'offre numérique
Au-delà du projet de chaîne d'information en continu, le numérique constitue un domaine privilégié pour initier des coopérations et des mutualisations entre les différentes sociétés de l'audiovisuel public .
En effet, la question du numérique est probablement celle qui rend l'organisation actuelle la plus contre-productive. La révolution digitale fait émerger un nouveau média numérique sur lequel se positionnent à la fois les médias de presse écrite, les chaînes de télévision et les radios avec des offres concurrentes. Pour résister à cette situation de compétition croissante, les médias de service public gagneraient indéniablement à unir leurs forces plutôt qu'à se faire concurrence comme c'est le cas aujourd'hui dans plusieurs domaines : concurrence entre les sites de France Télévisions et France Info dans le domaine de l'information, ou entre Arte Concerts, Culturebox de France Télévisions, et les informations culturelles disponibles sur le site de Radio France dans le domaine culturel.
L'idée d'un rapprochement des sociétés de l'audiovisuel public dans le numérique avait d'ailleurs été avancée par le Président de la République au cours du discours qu'il avait prononcé à l'occasion des cinquante ans de la Maison de la Radio, en décembre 2013 : « D'autres mutations sont possibles. Nous pourrions par exemple imaginer que France Télévisions et Radio France puissent un jour assembler leurs contenus Internet dans un grand service audiovisuel numérique ».
Vos rapporteurs rejoignent en cela le rapport Brucy sur l'avenir de France 3, qui proposait de « poser la première pierre d'une arche numérique de service public » : « les sociétés de l'audiovisuel public disposent d'un atout majeur : la complémentarité de leurs médias (télé, radio et web) et de leurs offres (généralistes, culturelles, musicales, régionales, internationales, jeunesse...). Dès lors, elles se doivent de réunir leurs forces, dans le respect de leurs identités et de leurs métiers, pour proposer une offre de référence [...]. Dans cette perspective, la proximité pourrait constituer le terrain d'une première expérience de partenariat numérique entre France 3, France Bleu et l'Ina en région. Plutôt que d'élaborer un projet global à l'échelon central, une première expérience pourrait être envisagée dans un territoire donné, laissant l'initiative aux équipes locales » 189 ( * ) .
Une telle évolution est indispensable pour favoriser l'élaboration d'une stratégie et d'une offre numériques communes face aux nouveaux acteurs que sont Google , Facebook et Netflix .
Pour envisager les modalités concrètes d'un tel rapprochement, vos rapporteurs considèrent avec intérêt le constat dressé et les propositions formulées par la fondation Terra Nova 190 ( * ) , qui s'inspirent du modèle de la BBC : « Sa stratégie numérique unique, englobant l'ensemble des forces productives financées par la redevance, quel que soit le média, doit avoir valeur de source d'inspiration pour un audiovisuel public français dont les acteurs numériques ne partagent rien ou presque ».
Les propositions de Terra Nova pour un rapprochement numérique « Il est aujourd'hui urgent de mettre en oeuvre ce dont tout le monde ou presque s'accorde à reconnaître la nécessité : une vision intégrée et ambitieuse de l'offre numérique de l'audiovisuel public afin, grâce à la coordination des actions et à la mutualisation des ressources, de garantir aux usagers une offre ergonomique, exhaustive et cohérente ; aux contribuables une efficacité économique renforcée ; aux citoyens une rénovation du rôle que joue l'audiovisuel public dans la cohésion sociale en retrouvant les clés d'un accès à de larges franges de la population ». « Cette ambition pourrait se concrétiser selon deux axes : « 1) S'agissant des moyens technologiques, l'ensemble des services numériques de l'audiovisuel public (France Télévisions, Radio France, France Médias Monde, Arte, TV5 Monde et l'INA sont ici concernés) doit s'appuyer sur une infrastructure commune pour l'hébergement et la publication des contenus et services . Cette infrastructure sera mise en oeuvre par une entité de droit public (existante ou à créer) désignée à cette fin, et dont la mission principale sera d'assurer l'hébergement, l'indexation et la publication de l'ensemble des contenus, de mettre à disposition des outils transverses de connaissance des publics (...), d'animation marketing et, le cas échéant, de monétisation et de commercialisation. La mutualisation des ressources donnera à l'ensemble plus d'efficacité économique, une présence numérique plus large et un meilleur référencement, une capacité d'innovation et une agilité accrues. « 2) S'agissant des services et, sans réduire la capacité de chaque éditeur, chaque chaîne ou chaque programme à maintenir et développer des sites propres (pour autant qu'ils procèdent de la même infrastructure), le regroupement des forces des sociétés de l'audiovisuel public doit se traduire par une structuration des contenus autour d'offres thématiques (ou « verticales ») communes , consacrées à l'information, à la culture et au spectacle vivant, aux jeunes adultes, à l'éducation... » « Les offres de télévision de rattrapage et de podcast , de vidéo à la demande à l'acte et demain par abonnement, pourront également être regroupées pour bénéficier de la dynamique des offres croisées et des propositions additionnelles. En complément de ces offres thématiques, chaque éditeur pourra s'appuyer sur ces ressources communes pour distribuer des services qui lui sont propres, permanents ou événementiels, et s'adresser à des territoires de marques spécifiques ». |
Fort heureusement, le gouvernement semble avoir pris la mesure de cet enjeu . Par exemple, dans sa réponse au rapport particulier de la Cour des comptes sur Radio France, il écrit que, « au-delà des seules antennes, le COM 2015-2019 devra également consacrer la transformation numérique de Radio France, qu'il s'agisse de ses offres ou de ses modes de production. Les possibilités de synergies qu'offre le numérique aux sociétés de l'audiovisuel public sont étendues et posent avec acuité la question des convergences entre les médias ». Les négociations menées parallèlement sur les COM de Radio France, de l'INA, de France Médias Monde et, dès la fin de l'année 2015, de France Télévisions, donneront aux sociétés et à l'État l'opportunité d'explorer des pistes de synergies » 191 ( * ) .
Proposition n° 20 : mutualiser les investissements des sociétés de l'audiovisuel public en vue du développement d'une plateforme numérique unique. |
2. Poursuivre et renforcer la rationalisation des dépenses et des procédures internes aux sociétés de l'audiovisuel public
L'audiovisuel public doit mieux gérer ses coûts afin de stabiliser le niveau de ses ressources publiques : adapter les dépenses aux recettes et non l'inverse. À cet égard, sans doute conviendrait-il de traiter en priorité dans le cadre des COM en cours de négociation la question du périmètre des missions de service public (faut-il conserver toutes les chaînes/radios en diffusion hertzienne ou bien envisager certaines diffusions en numérique seulement, voire la suppression de certaines d'entre elles ?). Vos rapporteurs ne se prononceront pas sur cette question mais exhortent la tutelle et les présidents directeurs généraux des sociétés de l'audiovisuel public à prendre leurs responsabilités dans ce domaine.
Là encore, France Télévisions et Radio France sont concernées au premier chef s'agissant du positionnement de France 4 et du Mouv'.
a) Simplifier les contrôles externes pesant sur les sociétés de l'audiovisuel public, tout en renforçant l'efficacité du contrôle interne
Dans ce contexte, le rapport de Marc Schwartz a mis en évidence le constat d'une nécessité de remédier à la complexité de l'architecture réglementaire et conventionnelle des missions et objectifs de France Télévisions. En effet, celle-ci a pour conséquences une multiplication des exercices de restitution et de production d'indicateurs dont l'empilement au fil du temps est devenu préjudiciable à la lisibilité de la stratégie d'ensemble.
France Télévisions estime qu'une telle simplification est indispensable à la clarification du cadre stratégique assigné à l'entreprise et qu'elle serait de nature à permettre une rationalisation des exercices de reporting demandés au groupe , au profit d'une information plus claire, plus rapidement disponible.
Le même constat peut être fait pour Radio France ( cf. infra ). En conséquence, vos rapporteurs reprennent à leur compte cet objectif de simplification : « France Télévisions doit oeuvrer à la gestion la plus efficiente possible de ses moyens, qui conditionne le bon emploi de la ressource publique qui lui est accordée. Cet objectif ne pourra être atteint qu'au moyen d'une évolution vers un fonctionnement plus réactif et plus agile, supposant un allègement des contraintes externes et internes qui pèsent sur le groupe » 192 ( * ) .
Proposition n° 21 : alléger les contrôles externes exercés sur les sociétés de l'audiovisuel public au profit d'un contrôle interne renforcé . |
En ce qui concerne la réduction des dépenses, par exemple, s'agissant du groupe radiophonique, le contrôle général économique et financier souligne l'urgence d'engager un plan de retour à l'équilibre dans le contexte actuel marqué par la dérive du chantier de réhabilitation de la Maison de la Radio. Il critique notamment les faiblesses de gestion et de contrôle interne de l'entreprise, ainsi que les déficiences de gouvernance. Il estime par ailleurs que les marges de manoeuvre sont importantes.
En effet, contrairement à France Télévisions et à France Médias Monde, Radio France n'a pas connu de « choc de modernisation » : « l'organisation du travail a peu évolué depuis des décennies, le modèle social reste généreux, et les instruments de gestion sont archaïques » 193 ( * ) .
Compte tenu de la dérive du chantier de la Maison de la Radio, le renforcement du contrôle interne fait partie des pistes évoquées par le Gouvernement dans sa réponse au rapport de la Cour des comptes sur la gestion et les comptes de l'entreprise. Cette proposition peut d'ailleurs être suivie pour l'ensemble des sociétés de l'audiovisuel public. Un organe de contrôle interne fort pourrait constituer l'interlocuteur privilégié du CGEFi et par voie de conséquence, rendre plus efficace le contrôle exercé par la tutelle.
Proposition n° 22 : instituer un véritable organe de contrôle interne, en lui assurant les moyens humains et financiers nécessaires et en garantissant son indépendance. |
b) Réduire le poids de la masse salariale dans les charges des sociétés de l'audiovisuel public
Dans sa note d'analyse de l'exécution budgétaire 2012 du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public », la Cour des comptes soulignait que « l'examen des indicateurs de gestion des sociétés de l'audiovisuel public révèle que celles-ci n'ont guère contribué aux efforts de l'État pour la maîtrise des emplois publics et de la masse salariale ».
Compte tenu de son poids dans les charges des sociétés de l'audiovisuel public, la réduction de la masse salariale constitue sans doute l'une des pistes les plus prometteuses en matière de réduction des dépenses. En effet, elle représente plus de 30 % des charges à France Télévisions 194 ( * ) , et près de 60 % à Radio France - les rédactions des antennes y comptent deux fois plus de journalistes que les antennes privées comparables.
De surcroît, la dynamique de ces masses salariales est préoccupante. Par exemple, à Radio France, d'après les chiffres transmis par le CGEFi, les effectifs ont augmenté de 33 % entre 1995 et 2003, puis de 3,7 % de 2004 à 2013 - hors emploi intermittent, qui a augmenté de près de 10 % entre 2009 et 2013. La masse salariale a augmenté de 26 % de 2004 à 2012 alors que les prix augmentaient de 16,6 % et les effectifs de 3 %, puis de 9 % entre 2009 et 2012 alors que les effectifs augmentaient de 1,1 %.
Dans son rapport particulier sur la gestion et les comptes de Radio France sur les exercice 2004 à 2013, la Cour des comptes constate que la politique salariale de l'entreprise se caractérise par une gestion individuelle complexe des salariés, du fait de nombreuses primes et de la part des automatismes, situation qui résulterait d'une « modernisation inachevée des accords collectifs ». Entendu par vos rapporteurs en juin 2015, Mathieu Gallet a indiqué que la masse salariale progressait aujourd'hui automatiquement de 4 millions d'euros par an, en raison du GVT et de l'effet de noria, la structure des effectifs n'ayant pas évolué depuis dix ans.
Toute stratégie d'économies passe donc par une maîtrise, voire une réduction, de la masse salariale, tout en permettant le recrutement de nouvelles compétences afin de rajeunir la pyramide des âges et de permettre la transmission du savoir-faire au sein des équipes.
Pourtant, faute de régulation passée, la plupart de ces entreprises se sont vues contraintes de lancer de coûteux plans de départs volontaires (cf. supra) : deux à RFI, trois à France Télévisions, tandis que celui que redoutaient les syndicats de Radio France devrait être remplacé par un scénario alternatif, évoqué lors du comité central d'entreprise du 9 septembre 2015 195 ( * ) .
Or, ces plans de départs volontaires sont tous financés par l'État en plus des dotations de fonctionnement, et ne s'avèrent pas toujours efficaces . Ils sont par ailleurs mal vécus par les salariés , comme l'ont indiqué les représentants des syndicats de France Télévisions à vos rapporteurs. En outre, les économies interviennent avec un certain décalage. Ainsi, selon le CGEFi, à compter de 2016, la masse salariale de France Télévisions devrait diminuer de 30 millions d'euros en année pleine du fait de la suppression des postes de salariés ayant quitté l'entreprise dans le cadre du plan de départs volontaires 2014-2015.
Dans ce contexte, comme l'écrit le Gouvernement dans sa réponse au rapport de la Cour des comptes sur Radio France, « la conclusion de nouveaux accords collectifs pour l'ensemble des personnels de l'entreprise, comme cela a été initié dès cette année pour les journalistes, constitue un enjeu et une opportunité majeurs pour la direction de l'entreprise, dans le cadre du prochain COM » 196 ( * ) .
La négociation des accords collectifs constitue en effet un réel enjeu pour l'ensemble des entreprises de l'audiovisuel public afin d'envisager une réduction de la masse salariale . Par exemple, à France Médias Monde, la renégociation des conventions collectives, engagée en 2014 et qui doit conduire à une convention unique fin 2015, porte notamment sur la maîtrise de la provision pour congés payés, lourd héritage du passé qui s'alourdit de 2,5 millions par an, le temps de travail, comparativement faible à RFI, ainsi que les progressions salariales automatiques.
Vos rapporteurs relèvent que dans le cadre de son nouveau COM, l'INA prévoit un plafonnement de la masse salariale à hauteur de 647,5 millions d'euros pendant cinq ans, ce qui imposera, compte tenu de l'accord d'entreprise en vigueur, une suppression sur la période de 25 équivalents temps plein travaillé (ETPT) en CDI, et une réduction estimée actuellement à 25 % des moyens en CDD (4,5 millions d'euros en 2014).
Proposition n° 23 : instaurer un principe de consultation préalable du contrôle général économique et financier (CGEFi) avant le lancement et la conclusion de tout accord collectif, afin d'évaluer son incidence sur l'évolution de la masse salariale. |
Proposition n° 24 : constituer des tableaux de données homogènes des sociétés de l'audiovisuel public pour suivre les évolutions et favoriser les comparaisons. |
Proposition n° 25 : fixer un objectif pluriannuel chiffré de baisse de la masse salariale dans le cadre des futurs COM, à décliner annuellement, avec des indicateurs cibles. |
c) Le rapprochement à l'horizon 2020 : une opportunité pour rationaliser le réseau régional de France 3 dans le cadre de la réforme régionale ?
Le rapport Brucy a souligné que la rédaction de France 3 compte 1 400 journalistes qui forment la première rédaction d'Europe. Elle constitue à cet égard une « activité structurante pour France Télévisions qui doit faire l'objet de choix stratégiques clairs, dans un contexte économique contraint : le réseau régional de France 3 représentait en 2013 un volume d'emplois de 3 409 équivalents temps plein (ETP), soit plus du tiers des effectifs totaux de France Télévisions (10 119 ETP à la même date). Le coût des programmes régionaux s'est élevé en 2013 à 361,5 millions d'euros , soit plus de 17 % du coût des programmes de France Télévisions (2 065,4 millions d'euros) » 197 ( * ) .
Sur le long terme, le réseau de France 3 a déjà opéré une réduction importante de ses effectifs. Entre 2006 et 2013, les effectifs régionaux sont passés de 3 678 à 3 409 ETP (- 7,9 %).
Le nouveau schéma régional issu de la réforme territoriale de janvier 2015 198 ( * ) offre l' opportunité de poursuivre ce mouvement de rationalisation du réseau régional de France 3 .
Le regroupement préconisé par vos rapporteurs à l'horizon 2020 permettrait sans doute aussi de s'interroger sur les éventuelles possibilités d'un rapprochement des réseaux régionaux de France 3 et de France Bleu.
Proposition n° 26 : poursuivre la rationalisation du réseau régional de France 3 dans le cadre de la réforme territoriale, tout en préservant la couverture de l'ensemble des bassins de vie. |
d) Regrouper les foyers de dépenses pour favoriser les économies d'échelle : l'avantage de la taille critique pour la négociation des différents marchés
Une meilleure maîtrise des coûts des sociétés de l'audiovisuel public serait favorisée grâce à un « effet taille » dans la gestion des achats (informatique, coûts de diffusion hertzienne, bande passante sur Internet...). Le contrôle général économique et financier évoque à cet égard des pistes intéressantes de synergies et de mutualisations dans différents domaines techniques, qui pourraient avantageusement être développées à court terme pour alléger les coûts des organismes audiovisuels publics, exposées ci-après.
Dans le domaine de la politique d'achats, pourraient ainsi être envisagés les achats en commun de programmes sur étagères (catalogues de films ou de séries), et les coproductions ciblées entre France Télévisions, Arte France et TV5 Monde. En outre, en ce qui concerne les achats hors programmes, les sociétés de l'audiovisuel public pourraient dresser un état des lieux en vue d'achats groupés de moyens techniques , à travers des appels d'offres groupés sur le modèle de l'espace d'achat gouvernemental pour les ministères mis en place par le service d'information du gouvernement en 2003.
De la même façon, il conviendrait de dresser un état des lieux des systèmes d'information des ressources humaines (SIRH) en vue d'achats groupés (sondages et études d'audience : syndication d'achats, organisation d'études communes en souscription par une action de coordination des directions des études de France Télévisions, Radio France, Arte, France Médias Monde et TV5 Monde).
En matière de diffusion , vos rapporteurs retiennent la mise en place d'une régie de secours mutualisée autour de celle de France Télévisions 199 ( * ) pour partager les coûts de maintenance opérationnelle, ainsi que la mise en commun des analyses des coûts de diffusion entre groupements hébergeant des chaînes publiques pour faire pression sur les prix de TDF à l'occasion des appels d'offres.
En matière d'information , on pourrait rechercher l'articulation des réseaux à l'étranger de France Télévisions et de France 24 avec la mutualisation des implantations immobilières , des correspondants et des moyens techniques, ainsi que la mise en place de systèmes de délégation à France Télévisions dans des pays où France 24 n'a pas de correspondants.
En matière de distribution sur bouquets étrangers, il conviendrait de favoriser la recherche de mises en commun par zone des moyens de France 24, TV5 Monde et France Télévisions en matière de négociations commerciales et de coordination des actions pour éviter les distorsions de concurrence (par exemple, la chaîne TV5 Monde est rémunérée tandis que France 24 paye sur les bouquets...).
En matière de formation , des coopérations pourraient être envisagées entre les différents outils internes de formation existants au sein de France Télévisions, l'INA et France Médias Monde. Un rapport a d'ailleurs été commandé en début d'année sur ce sujet par la ministre de la culture et de la communication.
En ce qui concerne l'emploi des non-permanents , le contrôle général économique et financier (CGEFi) évoque l'idée intéressante de mettre en place un groupement des employeurs de l'audiovisuel public pour employer en commun en contrat à durée indéterminée (CDI) les non-permanents et les affecter selon les besoins, contre facturation, à chaque entreprise du groupement. Une telle proposition présenterait l'avantage d'optimiser l'emploi, d'assurer un contrat à durée indéterminé (CDI) aux intéressés, et de limiter le coût 200 ( * ) et l'impact sur les effectifs, à travers les intégrations, des requalifications. En outre, des perspectives élargies pourraient être proposées aux salariés dans le cadre des nécessaires restructurations et mobilités professionnelles .
En ce qui concerne le rapprochement des rédactions des différentes sociétés de l'audiovisuel public, une telle évolution paraît difficile à réaliser à court terme , mais doit être envisagée dans la perspective du regroupement proposé à l'horizon 2020, notamment via une mutualisation des moyens de reportage. En attendant, la question du rapprochement des rédactions au sein de Radio France, bien que sensible pour les syndicats, doit se poser, comme l'a préconisé la Cour des comptes dans son rapport 201 ( * ) . Pour mémoire, à Radio France, l'actualité quotidienne est traitée par quatre rédactions différentes, chacune avec ses moyens propres (France Inter, France Info, France Culture, France Bleu). S'agissant de France Médias Monde, la fusion des rédactions de RFI et de France 24 a été abandonnée en 2012 , sous la pression des salariés, mais également parce que les possibilités concrètes de fusion entre des rédactions de télévision et de radio s'avéraient limitées. En revanche, le groupe travaille à la création d'un outil de coordination éditoriale , qui mettrait à la disposition de l'ensemble des rédactions les contenus élaborés par elles. De la même manière, le développement d'un tel outil pourrait constituer une première évolution à Radio France.
Enfin, sur la question des emplois, vos rapporteurs préconisent le développement de la polycompétence , afin de favoriser la polyvalence et la mobilité des personnels. Le but serait de favoriser la contribution des journalistes et des personnels techniques et administratifs aux différentes offres sur tous les supports . Malheureusement, les derniers accords collectifs adoptés par France Télévisions semblent avoir laissé de côté cette problématique. Dans ce cadre, vos rapporteurs recommandent la mise en place systématique d'une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences .
Au-delà, comme le préconise la Cour des comptes dans son rapport sur Radio France, il conviendrait de « prendre en compte, dans les accords d'entreprises et dans la grille des emplois, une définition des métiers qui comporte les compétences et les qualifications liées à l'évolution des technologies numériques ».
Proposition n° 27 : regrouper les postes de dépenses pour favoriser les économies d'échelle. |
* 185 Et du rapport en préparation sur France Télévisions.
* 186 Delphine Ernotte Cunci, dans son projet pour France Télévisions (p. 28), appelait de ces voeux ce partenariat des trois entreprises : « en s'alliant avec France Médias Monde et Radio France, il est possible d'élaborer un projet unique de niveau international ».
* 187 À titre comparatif, le coût annuel de BFMTV est estimé à 60 millions d'euros, et celui de BBC News à 80 millions d'euros par an.
* 188 Ce projet prévoit la fusion des rédactions nationales de France 2 et de France 3, ainsi que la création d'une chaîne d'information numérique en continu en septembre 2015.
* 189 « France 3, un avenir régional », rapport de Mme Anne Brucy, juillet 2014, p. 47.
* 190 « Audiovisuel public : tous ensemble vers le numérique », par Louis-Cyrille Trébuchet et Benjamin Amalric, 15 juin 2015, fondation Terra Nova.
* 191 Source : réponse de Michel Sapin, Emmanuel Macron, Christian Eckert et Fleur Pellerin à la Cour des comptes sur le rapport particulier relatif aux comptes et à la gestion de Radio France pour les exercices 2004 à 2013, 24 juillet 2015.
* 192 « France Télévisions 2020 : le chemin de l'ambition », rapport du groupe de travail sur l'avenir de France Télévisions, coordonné par Marc Schwartz, février 2015.
* 193 Réponse du contrôle général économique et financier au questionnaire de vos rapporteurs.
* 194 Pour mémoire, la chaîne France 3 concentre à elle seule un tiers des effectifs totaux du groupe France Télévisions.
* 195 « La direction de Radio France prévoit 22 millions d'euros d'économies sur la masse salariale, qui augmente mécaniquement de 4 millions d'euros par an, d'ici 2018. Ces économies seraient obtenues par le non-remplacement de 230 départs et un moindre recours aux CDD pour les congés, à hauteur de 40 équivalents temps plein travaillé (ETPT). Soit 270 suppressions de postes, sur un effectif d'environ 4 400 actuellement, contre 350 initialement envisagées. Et par un gel des salaires en 2016 et 2017 ». Source : Le Monde daté du 9 septembre 2015.
* 196 Source : réponse de Michel Sapin, Emmanuel Macron, Christian Eckert et Fleur Pellerin à la Cour des comptes sur le rapport particulier relatif aux comptes et à la gestion de Radio France pour les exercices 2004 à 2013, 24 juillet 2015.
* 197 « France 3, un avenir régional », rapport de Mme Anne Brucy, juillet 2014.
* 198 Loi n° 2015-29 du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral.
* 199 Le contrôle général économique et financier relève que la régie de France Télévisions a coûté 18 millions d'euros et qu'elle n'est pas opérationnelle.
* 200 À titre d'exemple, 40 millions d'euros sont provisionnés à France Télévisions à ce titre.
* 201 La proposition est formulée ainsi : « Fusionner les rédactions de France Inter, France Info et France Culture ».