Rapport d'information n° 629 (2014-2015) de MM. Hugues PORTELLI et Jean-Pierre SUEUR , fait au nom de la commission des lois, déposé le 15 juillet 2015
Disponible au format PDF (468 Koctets)
-
LISTE DES PRINCIPALES PROPOSITIONS
-
AVANT-PROPOS
-
I. LES MESURES DE SIMPLIFICATION PRÉVUES ONT
ÉTÉ PRISES OU SONT EN PASSE DE L'ÊTRE
-
II. L'APPLICATION DU « SILENCE VAUT
ACCEPTATION » NÉCESSITE UN MAINTIEN DES EFFORTS DU
GOUVERNEMENT AINSI QU'UNE VOLONTÉ DE CLARTÉ ET DE
PÉDAGOGIE À L'ÉGARD DES CITOYENS
-
I. LES MESURES DE SIMPLIFICATION PRÉVUES ONT
ÉTÉ PRISES OU SONT EN PASSE DE L'ÊTRE
-
EXAMEN EN COMMISSION
-
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
-
ANNEXE - EXCEPTIONS AU PRINCIPE DU
« SILENCE VAUT ACCEPTATION » AU BOUT DE DEUX MOIS
N° 629
SÉNAT
SESSION EXTRAORDINAIRE DE 2014-2015
Enregistré à la Présidence du Sénat le 15 juillet 2015 |
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le bilan d' application de la loi n° 2013-1005 du 12 novembre 2013 habilitant le Gouvernement à simplifier les relations entre l' administration et les citoyens ,
Par MM. Hugues PORTELLI et Jean-Pierre SUEUR,
Sénateurs.
(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Bas , président ; Mme Catherine Troendlé, MM. Jean-Pierre Sueur, Alain Richard, Alain Anziani, Yves Détraigne, Mme Éliane Assassi, M. Pierre-Yves Collombat, Mme Esther Benbassa, M. François Pillet , vice-présidents ; MM. François-Noël Buffet, Michel Delebarre, Christophe-André Frassa, Thani Mohamed Soilihi , secrétaires ; MM. Christophe Béchu, Jacques Bigot, François Bonhomme, Luc Carvounas, Gérard Collomb, Mme Cécile Cukierman, M. Mathieu Darnaud, Mme Jacky Deromedi, M. Félix Desplan, Mme Catherine di Folco, MM. Christian Favier, Pierre Frogier, Mme Jacqueline Gourault, MM. François Grosdidier, Jean-Jacques Hyest, Mme Sophie Joissains, MM. Philippe Kaltenbach, Jean-Yves Leconte, Roger Madec, Alain Marc, Didier Marie, Patrick Masclet, Jean Louis Masson, Michel Mercier, Mme Marie Mercier, MM. Jacques Mézard, Hugues Portelli, André Reichardt, Bernard Saugey, Simon Sutour, Mmes Catherine Tasca, Lana Tetuanui, MM. René Vandierendonck, Jean-Pierre Vial, François Zocchetto . |
LISTE DES PRINCIPALES PROPOSITIONSAdministration électronique Proposition n° 1 : Accélérer le développement des applications informatiques du projet « dites-le nous une fois » et pérenniser leur mode de financement. Proposition n° 2 : Adopter une démarche plus volontariste dans le développement des téléprocédures. Principe du « silence vaut acceptation » pour les décisions de l'État Proposition n° 3 : Créer un outil pédagogique expliquant concrètement aux citoyens l'application de ce principe et ses exceptions. Proposition n° 4 : Dresser une liste des procédures pour lesquelles le silence de l'administration continue de valoir rejet. Proposition n° 5 : Réaliser un audit de cette réforme auprès des ministères et réduire le nombre d'exceptions.
Principe du
«
silence
vaut
acceptation »
pour les décisions
Proposition n° 6 : Poursuivre la consultation des collectivités territoriales et des organismes de sécurité sociale au sujet de cette réforme. Proposition n° 7 : Limiter le plus possible le nombre d'exceptions au « silence vaut acceptation » pour les collectivités territoriales et les organismes de sécurité sociale. Proposition n° 8 : Accompagner de manière pédagogique les élus, les services et les usagers dans la mise en oeuvre de cette réforme. |
AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
La loi n° 2013-1005 du 12 novembre 2013 1 ( * ) vise à simplifier les relations entre les Français et leur administration publique. Le présent rapport se propose de contrôler son application plus d'un an et demi après sa publication.
Cette loi s'inscrit dans un long processus de simplification administrative qui a débuté dans les années 1970 2 ( * ) et a permis l'adoption en 2000 d'une loi transversale relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations (loi dite « DCRA ») 3 ( * ) .
Ce processus a trait à la vie quotidienne des Français qui, loin de demeurer des « administrés-sujets » 4 ( * ) , exigent à juste titre que leur administration réponde le plus efficacement possible à leurs demandes de permis de construire, d'inscription dans un établissement d'enseignement supérieur, d'agrément de leur association sportive, etc.
Le mouvement de simplification des procédures est toutefois loin d'être achevé car il s'est heurté à des nombreux obstacles, parmi lesquels un certain nombre de lourdeurs dues au poids des habitudes et une absence de continuité dans la volonté politique de changer profondément les choses.
Dans ce contexte, la loi n° 2013-1005 précitée s'est voulue à la fois efficace et concrète afin d'apporter des réponses pratiques aux problèmes rencontrés par les citoyens lors de leurs démarches administratives.
Elle a habilité le Gouvernement à prendre diverses ordonnances en vue d'assurer une meilleure lisibilité de l'action administrative, de simplifier les procédures et de faciliter le recours aux nouvelles technologies de l'information et de la communication.
Le Gouvernement a démontré sa volonté de mener à bien ces réformes en respectant l'ensemble des délais d'habilitation qui lui ont été fixés, ce dont vos rapporteurs se félicitent.
L'enjeu est désormais d'accompagner l'ensemble des acteurs dans la mise en oeuvre simultanée des sept mesures de simplification de cette loi n° 2013-1005. Or, l'appropriation de ces outils ne s'annonce pas aisée au regard des évolutions de la culture administrative qu'ils impliquent.
Tel est particulièrement le cas du principe selon lequel le silence gardé par l'administration pendant deux mois vaut acceptation, principe qui revient sur une pratique du « silence vaut rejet » ancrée dans la culture administrative depuis le milieu du XIX ème siècle. Sa mise en oeuvre n'est, en outre, pas facile pour les citoyens du fait de la subsistance de nombreuses exceptions pour lesquelles le silence continue de valoir rejet.
Vos rapporteurs considèrent ainsi que la réussite de la loi n° 2013-1005 précitée nécessite la poursuite des efforts du Gouvernement - et notamment de son Secrétariat général - pour informer les citoyens et épauler l'administration avec une attention particulière à porter aux collectivités territoriales.
I. LES MESURES DE SIMPLIFICATION PRÉVUES ONT ÉTÉ PRISES OU SONT EN PASSE DE L'ÊTRE
La loi n° 2013-1005 du 12 novembre 2013 comporte sept mesures concrètes mais d'inégale importance visant à poursuivre le processus de simplification des relations entre l'administration et les citoyens 5 ( * ) .
Certaines mesures ont un impact direct sur le quotidien des administrés comme le principe selon lequel le silence gardé par l'administration face à une demande d'un citoyen vaut acceptation . Cette règle s'applique par exemple aux demandes d'inscription à l'université (art. L. 612-3 du code de l'éducation), d'autorisation exceptionnelle de pêche (art. L. 436-9 du code de l'environnement) ou encore d'agrément d'une association sportive (art. L. 121-47 du code du sport).
Présentent également des conséquences directes pour les administrés le projet « dites-le nous une fois » - qui consiste à éviter qu'une même information soit demandée plusieurs fois aux citoyens - et le principe de communication des avis préalables - qui permet la transmission de ces avis aux citoyens avant que l'administration n'ait pris une décision définitive afin qu'ils puissent en tenir compte et adapter leur dossier en conséquence 6 ( * ) .
D'autres mesures de la loi n° 2013-1005 précitée généralisent de bonnes pratiques administratives comme la possibilité pour les citoyens de saisir les services par voie électronique ou la faculté donnée aux collèges des autorités administratives de délibérer à distance grâce à des échanges de courriels et à des conférences téléphoniques ou audiovisuelles.
Enfin, d'autres mesures sont plus techniques comme l'adaptation du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ou la création d'un code des relations entre le public et les administrations.
Ce document est disponible au format PDF.
A. LE GOUVERNEMENT A RESPECTÉ LES DÉLAIS D'HABILITATION
Depuis la publication de la loi n° 2013-1005 précitée, le Gouvernement a pris cinq ordonnances afin de mettre en oeuvre ses dispositions et aucun délai d'habilitation n'a été dépassé 7 ( * ) .
Dresser un premier état des lieux de ces mesures prises par ordonnance nécessite de les distinguer selon leur date d'entrée en vigueur.
1. Trois mesures d'ores et déjà entrées en vigueur
La modification du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, la facilitation des délibérations à distance et la communication des avis préalables sont entrées en vigueur le 1 er janvier dernier.
Vos rapporteurs souhaitent notamment saluer l' actualisation du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, mesure que le Gouvernement n'était pas parvenu à adopter lors des deux habilitations précédentes 8 ( * ) .
Les principaux apports de la modification du code de
l'expropriation
Conformément à l'habilitation parlementaire, l'ordonnance n° 2014-1345 du 6 novembre 2014 vise à : - améliorer le plan du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique et à insérer des dispositions législatives non codifiées comme celles de la loi n° 70-612 du 10 juillet 1970 permettant l'expropriation des immeubles insalubres ou menaçant ruine (articles L. 511-1 et suivants du nouveau code) ; - simplifier les recours formés contre les décisions indemnitaires du juge de l'expropriation en supprimant la chambre de l'expropriation 9 ( * ) et en transférant ce contentieux aux cours d'appel, juridictions de droit commun de l'ordre judiciaire (article L. 211-3 du nouveau code) ; - clairement distinguer les enquêtes publiques préalables aux expropriations pour cause d'utilité publique (article L. 110-1 du nouveau code) et les enquêtes mentionnées à l'article L. 123-2 du code de l'environnement qui concernent principalement les projets de travaux dont la nature, les dimensions ou la localisation sont susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement ou la santé humaine. |
Il est encore trop tôt pour tirer un bilan de la facilitation des délibérations à distance .
Vos rapporteurs espèrent que les citoyens solliciteront sans hésitation la communication des avis préalables car il s'agit d'un droit nouveau qui rompt avec la règle traditionnelle de non-communicabilité des documents préparatoires posée par la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 et qui leur permettra de modifier, le cas échéant, leur dossier en fonction des avis des instances saisies.
2. Une mesure entrée en vigueur mais nécessitant encore des actes d'application
La publication d'une ordonnance ne s'avère pas suffisante pour le projet « dites-le nous une fois » qui vise, pour mémoire, à éviter qu'une même information ne soit demandée plusieurs fois aux citoyens grâce à la mutualisation des informations détenues par les administrations.
L'effectivité de cette mesure est en effet subordonnée à la publication d'un décret fixant la liste des informations « mutualisées » et surtout au développement d'outils informatiques facilitant ces échanges de données. Une action interministérielle transversale est ici nécessaire comme l'ont démontré les auditions de vos rapporteurs.
En effet, si les organismes de sécurité sociale ont par exemple besoin d'informations détenues par les services fiscaux, il est nécessaire d'inciter ces derniers à adapter leurs systèmes d'information pour permettre cet échange de données. Or, cette adaptation des outils informatique ne fait pas partie des priorités opérationnelles des services. Il existe donc un dilemme : toutes les administrations ont intérêt à recevoir ces informations mutualisées mais la plupart n'ont ni les personnels, ni les moyens financiers nécessaires pour développer les applications informatiques correspondantes.
À ce jour, dix millions d'euros du programme d'investissement d'avenir (PIA) 10 ( * ) sont prévus pour financer le développement de ces outils d'échange d'information. Deux outils sont d'ailleurs en cours d'élaboration : les marchés publics simplifiés ( cf. infra), d'une part, et les aides publiques simplifiées, d'autre part.
Vos rapporteurs encouragent ces démarches et plaident pour un renforcement des moyens qui leur sont alloués . En outre, le PIA n'étant pas un dispositif pérenne, il apparaît nécessaire de financer directement ces initiatives par le budget de l'État .
L'exemple des marchés publics simplifiés (MPS) Le Gouvernement a créé une plateforme permettant aux entreprises de se porter candidates à un marché public en ne fournissant que leur numéro SIRET 11 ( * ) et non les diverses attestations de conformité aux règles sociales et fiscales habituellement requises. L'exécutif estime que ce dispositif représente un gain de temps pour les entreprises équivalent à deux heures par marché et qu'il pourrait entraîner, à terme, une économie de 60 millions d'euros par an. Au 29 juin 2015, 1 903 marchés publics simplifiés ont été attribués par 450 acheteurs (majoritairement l'État et des collectivités pilotes comme les conseils régionaux de Bretagne et de Bourgogne), ce qui représente environ 1,8 % des marchés signés sur le territoire français. L' objectif est que 50 000 marchés publics simplifiés soient conclus en 2016, ce qui représente un objectif ambitieux de multiplication par plus de 25 du nombre de ces marchés. |
3. Une mesure dont l'entrée en vigueur est différée
Le principe de saisine de l'administration par voie électronique ne s'appliquera qu'à compter du 6 novembre 2015 pour l'État et du 6 novembre 2016 pour les collectivités territoriales et les organismes de sécurité sociale.
Vos rapporteurs rappellent qu'il s'agit en réalité d'une obligation peu contraignante pour l'administration. Il suffira de prévoir une adresse de messagerie électronique à laquelle les citoyens pourront envoyer leurs demandes et de traiter ces dernières de la même manière que les courriers « papiers » (indication de la date de réception, mise en oeuvre d'un dispositif traçabilité du courrier, transmission à l'agent compétent, etc.).
Cette relative souplesse peut être appréciée par les administrations concernées. Mais vos rapporteurs souhaitent une démarche beaucoup plus volontariste . Il est anormal qu'aujourd'hui seulement 10 % des démarches administratives soient faites par voie électronique. Ce taux est beaucoup plus élevé dans d'autres pays. Vos rapporteurs demandent donc une mise en place plus efficace et plus rapide de l'administration électronique et la mise en oeuvre également rapide des interconnexions nécessaires entre les administrations concernées.
Le développement des plateformes pour le dépôt des offres électroniques aux marchés publics s'est par exemple révélé positif mais la multiplication du nombre d'applications ( achatpublic, e.bourgogne , etc.) ainsi que leurs différences fonctionnelles et ergonomiques ont été un facteur de complexité pour les entreprises qui ont dû apprendre à manier chacun de ces outils.
Il est donc indispensable que l'État s'engage fortement dans le développement de l'administration électronique et facilite les interfaces entre les diverses applications disponibles.
B. LE DÉLAI D'HABILITATION POUR L'ADOPTION DU CODE DES RELATIONS ENTRE LE PUBLIC ET LES ADMINISTRATIONS DEVRAIT ÊTRE TENU
Seule mesure de la loi n° 2013-1005 précitée dont le délai d'habilitation court encore 12 ( * ) , l'adoption du code des relations entre le public et les administrations aura pour objet d' expliciter les grands principes des procédures administratives - comme l'obligation de motiver les décisions individuelles défavorables 13 ( * ) ou le droit d'accès aux documents administratifs 14 ( * ) - et de les rendre plus accessibles aux non-spécialistes.
Pour respecter le délai d'habilitation, l'exécutif a mis en place une méthodologie qui semble fonctionner en créant une mission ad hoc placée sous l'autorité du Secrétaire général du Gouvernement et en recueillant l'avis de la Commission supérieure de codification.
Lors des auditions menées par vos rapporteurs, le Gouvernement a précisé que ce code devrait être publié en octobre 2015 , soit un mois avant la fin du délai d'habilitation. Comme pour le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, ce projet ancien serait ainsi concrétisé alors qu'il n'avait pas abouti jusque-là 15 ( * ) .
Le Gouvernement propose une imbrication des parties législatives et réglementaires de ce nouveau code et non une partition, comme il est d'usage en matière de codification, entre les règles relevant de la loi, d'une part, et celles relevant du règlement, d'autre part. Concrètement, les articles « L » et « R » portant sur un même thème se succèderaient afin de faciliter la lecture.
Vos rapporteurs souscrivent à cette idée dans la mesure où ce code relatif aux relations entre le public et les administrations a vocation à s'adresser au plus grand nombre et à donner plus de lisibilité à l'action administrative.
L' effort de pédagogie à adopter lors de la rédaction de ce code ne doit toutefois pas être incompatible avec le souci d'exactitude du droit .
II. L'APPLICATION DU « SILENCE VAUT ACCEPTATION » NÉCESSITE UN MAINTIEN DES EFFORTS DU GOUVERNEMENT AINSI QU'UNE VOLONTÉ DE CLARTÉ ET DE PÉDAGOGIE À L'ÉGARD DES CITOYENS
Le « silence vaut acceptation » constitue certainement la mesure de la loi n° 2013-1005 précitée la plus complexe à mettre en oeuvre car elle concerne de nombreuses procédures et implique une profonde évolution de la culture administrative.
La règle est désormais, qu'à la suite d'une demande d'un citoyen adressée à une administration, le silence gardé par cette dernière pendant un délai de deux mois vaut acceptation . Cette règle revient sur un principe en vigueur depuis 1864 et selon lequel le silence valait rejet 16 ( * ) .
L'application de cette règle du « silence vaut acceptation » fait toutefois l'objet d'un encadrement strict :
- le délai pris en compte ne court qu'à compter de la saisine de l'administration compétente . Par exemple, l'administré doit s'adresser au préfet et non au maire de sa commune pour obtenir un agrément de débit de boissons (art. L. 3336-4 du code de la santé publique) et le délai de réponse de l'administration ne court qu'à compter de la saisine du préfet ;
- la décision concernée doit avoir un caractère individuel 17 ( * ) , s'inscrire dans une procédure prévue par un texte législatif ou réglementaire et ne pas présenter de caractère financier 18 ( * ) .
- plusieurs exceptions sont prévues (cf. infra ). Pour les procédures correspondantes, le silence de l'administration continue de valoir rejet ;
Cette réforme du « silence vaut acceptation » s'échelonne en deux phases : elle est applicable pour l'État depuis le 12 novembre 2014 et le sera pour les collectivités territoriales et les organismes de sécurité sociale à compter du 12 novembre 2015.
A. UN BILAN GLOBALEMENT POSITIF POUR LES DÉCISIONS DE L'ÉTAT MAIS UNE COMPLEXITÉ À NE PAS SOUS-ESTIMER
Cette mesure du « silence vaut acceptation » a été ajoutée au cours du débat parlementaire par un amendement du Gouvernement, ce qui faisait craindre un manque de préparation de la réforme, comme s'en inquiétait notre collègue Alain Richard 19 ( * ) .
Le Gouvernement s'est toutefois mobilisé pour rendre effectif ce principe au 12 novembre 2014 , ce qui a permis de simplifier de nombreuses procédures administratives.
Vos rapporteurs souhaitent saluer l'important travail mené par le Gouvernement afin de recenser toutes les décisions entrant dans le champ de la loi n° 2013-1005 précitée et de déterminer les procédures pour lesquelles le « silence vaut acceptation » est applicable. Il constate aussi la pertinence de la méthodologie mise en oeuvre avec notamment la sollicitation du Conseil d'État qui a produit un rapport afin d'aider les ministères dans leur travail de recensement 20 ( * ) .
Le principe du « silence vaut acceptation » promeut également une nouvelle culture administrative qui se traduit également par des réponses plus rapides : l'administration doit en effet veiller à répondre dans les délais impartis afin d'éviter toute acceptation implicite inopportune - voire illégale - d'une demande d'un administré.
Le « silence vaut acceptation » est désormais applicable à 1 200 procédures administratives contre 400 avant la réforme 21 ( * ) , soit une multiplication par quatre des démarches concernées.
Parmi ces 1 200 procédures :
- ce principe s'applique si l'administration garde le silence pendant deux mois pour 730 procédures . Tel est par exemple le cas lorsqu'un administré demande le report de sa participation à la Journée défense et citoyenneté (art. R. 112 3 du code du service national) ou le redoublement scolaire de son enfant (art. D. 331-29 du code de l'éducation) ;
- le silence vaut accord s'applique mais au bout d'un délai supérieur à deux mois pour 470 procédures comme la demande de renouvellement d'agrément formulée par l'exploitant d'une installation de stockage, de dépollution ou de véhicules hors d'usage (art. R. 543-162 du code de l'environnement).
Cependant, le principe du « silence vaut acceptation » fait l'objet de nombreuses exceptions.
Parallèlement aux 1 200 procédures précitées, le silence continue de valoir rejet pour 2 400 autres procédures regroupées dans 42 décrets d'application de la loi n° 2013-1005 précitée 22 ( * ) . Parmi elles, on distingue 23 ( * ) :
- 1 800 exceptions « législatives » qui correspondent aux cas où une acceptation implicite ne serait « pas compatible avec le respect des engagements internationaux et européens de la France, la protection de la sécurité nationale, la protection des libertés et des principes à valeur constitutionnelle 24 ( * ) et la sauvegarde de l'ordre public » 25 ( * ) . Tel est par exemple le cas des demandes d'agrément des armuriers (art. L. 313-2 du code de la sécurité intérieure) ou de l'autorisation de pénétrer dans les zones de défense hautement sensibles (art. R. 2363-2 du code de la défense).
- 600 exceptions « réglementaires » établies « eu égard à l'objet de la décision ou pour des motifs de bonne administration » 26 ( * ) . Ainsi, le silence gardé par l'administration vaut toujours rejet pour les demandes d'immatriculation d'un bateau (art. R. 4111-3 du code des transports) ou encore l'aménagement de la formation d'un étudiant en situation de handicap (art. L. 123-4-2 du code de l'éducation).
Au total, les exceptions au « silence vaut acceptation » sont plus nombreuses que les cas d'application de ce principe.
Bilan chiffré de l'application du « silence vaut acceptation »
Source : commission des lois du Sénat
En outre, parmi les exceptions, le silence vaut rejet au bout de deux mois pour la majorité des procédures - comme l'inscription sur la liste des demandeurs d'emploi (art. L. 5411-1 du code du travail) - mais ce délai de rejet tacite est parfois supérieur - comme dans le cas de l'inscription sur la liste d'aptitude aux fonctions de commissaire enquêteur 27 ( * ) (art. D. 123-38 du code de l'environnement) pour laquelle le délai de rejet est d'un an.
Ce nombre élevé d'exceptions s'explique principalement par la portée des décisions correspondantes. Il n'est par exemple pas apparu envisageable d'octroyer le statut de réfugié ou le bénéficie de la protection subsidiaire (art. L 723-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) du seul fait de l'inaction de l'administration.
Vos rapporteurs soulignent également l'effort du Gouvernement qui a publié une liste regroupant l'ensemble des procédures respectant le principe du « silence vaut acceptation » 28 ( * ) .
La complexité de ce système pour les citoyens ne doit toutefois pas être sous-estimée . Il leur revient en effet, pour chaque procédure administrative, de :
a) déterminer l'autorité compétente pour traiter leur demande ;
b) transmettre leur dossier à l'administration concernée, de conserver l'accusé de réception ou de le solliciter si l'administration ne l'envoie pas d'elle-même 29 ( * ) ;
c) connaître le régime applicable à sa demande. En effet, pour des procédures proches, quatre cas sont possibles comme le montre l'exemple ci-dessous ;
Exemple d'application de la présente réforme à un parent d'élèves - le silence gardé par l'administration vaut acceptation au bout :
- le silence gardé par l'administration vaut rejet au bout :
|
En outre, si le Gouvernement a publié une liste des cas où le silence vaut acceptation ( Cf . supra), il n'est pas possible de connaître les exceptions à ce principe sans consulter l'un des 42 décrets précités et de les regrouper par rubriques.
d) solliciter l'administration pour la délivrance d'une attestation actant la décision implicite d'acceptation.
Dans ce contexte, vos rapporteurs ne peuvent qu' encourager les mesures de clarté prises par le Gouvernement et plaider pour leur renforcement. Il semblerait par exemple opportun de créer une liste unique des exceptions au « silence vaut acceptation » au lieu de contraindre ceux qui cherchent l'information à se reporter aux 42 décrets précités. De même, un canal d'information moins formel pourrait être développé en ligne afin d'expliquer de manière moins technique l'application du principe du « silence vaut acceptation » et de prendre des exemples de procédures concrètes auxquelles tout citoyen pourrait se référer ( Cf. l'exemple du parent d'élèves mentionné ci-dessus).
À moyen terme, il paraît également nécessaire de réaliser un audit de cette réforme dans chaque ministère afin réduire le nombre de cas où le silence vaut encore rejet , et notamment de diminuer les exceptions « règlementaires » prises pour des motifs de bonne administration.
B. L'APPLICATION DU « SILENCE VAUT ACCEPTATION » AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET AUX ORGANISMES DE SÉCURITÉ SOCIALE NÉCESSITE UN ACCOMPAGNEMENT PARTICULIER
Les maires appliquent déjà le principe du « silence vaut acceptation » mais uniquement lorsqu'ils agissent en qualité de représentants de l'État - comme lorsqu'ils autorisent la tenue d'une buvette temporaire dans les foires ou fêtes publiques (art. L. 3334-2 du code de la santé publique) - et uniquement pour les décisions auxquelles ce principe s'applique.
Le « silence vaut acceptation » entrera en vigueur dès le 12 novembre 2015 pour les procédures des collectivités territoriales et des organismes de sécurité sociale.
Le Gouvernement s'attache aujourd'hui à recenser les procédures entrant dans le champ de cette réforme. À ce stade, 690 démarches administratives auraient été recensées , dont environ 275 pour les collectivités territoriales, ce qui représente un chiffre cinq fois moins important que les 3 600 procédures de l'État.
Du côté des collectivités, ces procédures concernent avant tout les communes et, dans une moindre mesure, les départements. Les régions ne devraient pas être concernées par cette réforme.
Outre ce recensement des procédures éligibles, il s'agit pour l'exécutif de déterminer les démarches qui feront exception au « silence vaut acceptation » pour des raisons identiques à celles mentionnées ci-dessus (bonne administration, protection de principes à valeur constitutionnelle, etc.).
Vos rapporteurs soulignent l'effort de concertation du Gouvernement qui associe les associations d'élus dans la préparation de cette réforme. Dans un souci de clarté, ils insistent toutefois sur la nécessité de ne pas multiplier outre mesure les exceptions au « silence vaut acceptation » et d' accompagner les collectivités et les organismes de sécurité sociale dans la mise en oeuvre de ce principe.
Les élus et les services devront être en mesure, dès le 12 novembre prochain, de clairement distinguer les procédures pour lesquelles le « silence vaut acceptation » vaudra dans un délai de deux mois, celles pour lesquelles ce principe s'appliquera dans un délai supérieur et celles pour lesquelles le silence continuera, par dérogation, de valoir rejet.
Pour ce faire, et comme l'a souligné le Conseil
d'État dans son rapport précité, il serait de bonne
administration que le Gouvernement adresse une
circulaire
aux
collectivités territoriales et aux organismes de sécurité
sociale pour expliciter les conditions de mise en oeuvre du
«
silence vaut acceptation
». De même, des
outils de communication moins formels
- comme des
« questions/réponses »
- pourraient
être accessibles en ligne afin d'épauler les élus et les
services et faciliter les démarches des usagers.
Enfin, l' appui des services déconcentrés de l'État , et notamment des sous-préfectures, apparaît indispensable à la réussite de la présente réforme.
*
* *
Votre commission a autorisé la publication du rapport sur l'application de la loi n° 2013-1005 du 12 novembre 2013 habilitant le Gouvernement à simplifier les relations entre l'administration et les citoyens.
EXAMEN EN COMMISSION
Mercredi 15 juillet 2015
M. Jean-Pierre Sueur , co-rapporteur . - Cette première évaluation de la loi n° 2013-1005 du 12 novembre 2013 habilitant le Gouvernement à simplifier les relations entre l'administration et les citoyens est assortie de huit propositions que nous synthétiserons à la fin de notre intervention. Hugues Portelli interviendra sur l'application du principe selon lequel le silence de l'administration vaut acceptation ; je me limiterai aux autres dispositions, pour lesquelles le Gouvernement a pris cinq ordonnances et aucun délai d'habilitation n'a été dépassé.
Trois mesures sont d'ores et déjà entrées en vigueur. Nous saluons d'abord l'actualisation du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, que le Gouvernement n'était pas parvenu à adopter lors des deux habilitations précédentes. L'ordonnance du 6 novembre 2014 améliore le plan de ce code et y insère des dispositions législatives comme celles de la loi du 10 juillet 1970 permettant l'expropriation des immeubles insalubres ou menaçant ruine. Elle simplifie les recours formés contre les décisions indemnitaires du juge de l'expropriation en supprimant la chambre de l'expropriation et en transférant ce contentieux aux cours d'appel, juridictions de droit commun de l'ordre judiciaire. Enfin, elle distingue clairement les enquêtes publiques préalables aux expropriations pour cause d'utilité publique des enquêtes mentionnées à l'article L. 123-2 du code de l'environnement, qui concernent principalement les projets de travaux dont la nature, les dimensions ou la localisation sont susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement ou la santé humaine.
Faute de données, nous n'avons pu évaluer la facilitation des délibérations à distance au sein des services de l'État mise en oeuvre depuis le 1 er janvier 2015.
L'ordonnance relative à la communication des avis préalables est prise. Il s'agit d'un droit nouveau pour les administrés qui rompt avec la règle traditionnelle de non-communicabilité des documents préparatoires posée par la loi du 17 juillet 1978. Les demandeurs pourront ainsi modifier leur dossier en fonction des avis des instances saisies.
Une quatrième mesure, le projet « Dites-le nous une seule fois », nécessite encore des actes d'application. Il s'agit éviter qu'une même information ne soit demandée plusieurs fois aux citoyens grâce à la mutualisation des informations détenues par les administrations.
M. Pierre-Yves Collombat . - C'est une révolution !
M. Jean-Pierre Sueur , co-rapporteur . - L'effectivité de cette mesure est subordonnée à la publication d'un décret fixant la liste des informations mutualisées et surtout au développement des outils informatiques idoines. Dix millions d'euros du programme d'investissement d'avenir (PIA) financeront le développement de ces outils. Deux sont déjà en cours d'élaboration : l'un concerne les marchés publics simplifiés et l'autre les aides publiques. Nous encourageons ces démarches et plaidons pour un renforcement des moyens qui leur sont alloués, le PIA n'étant pas un dispositif pérenne.
Il arrive qu'une entreprise doive fournir plusieurs fois le même document pour soumissionner à des marchés publics. De même, pour participer à des concours, les architectes doivent fournir de nombreux papiers, ce qui coûte cher. Dans le cadre des marchés publics simplifiés, le Gouvernement a créé une plateforme permettant aux entreprises de se porter candidates en ne fournissant que leur numéro SIRET et non les diverses attestations de conformité aux règles sociales et fiscales habituellement requises. Il estime que ce dispositif représente un gain de temps pour les entreprises de deux heures par marché et qu'il pourrait entraîner, à terme, une économie de 60 millions d'euros par an. Au 29 juin 2015, 1 903 marchés publics simplifiés (MPS) ont été attribués par 450 acheteurs. Il s'agit essentiellement de l'État et des collectivités pilotes, comme les conseils régionaux de Bretagne et de Bourgogne dont nous tenons à souligner les initiatives. Cela ne représente toutefois que 1,8 % des marchés signés sur le territoire français. L'objectif est que 50 000 marchés publics simplifiés soient conclus en 2016, soit une multiplication par 25 du nombre de ces marchés.
La cinquième mesure de la loi du 12 novembre 2013, la saisine de l'administration par voie électronique, ne s'appliquera qu'à compter du 6 novembre 2015 pour l'État et du 6 novembre 2016 pour les collectivités territoriales et les organismes de sécurité sociale. Cette obligation est peu contraignante pour l'administration, puisqu'il lui suffira de prévoir une adresse de messagerie électronique et de traiter les demandes reçues de la même manière que les courriers « papier ». Cette relative souplesse peut être appréciée par les administrations, mais nous souhaitons une démarche beaucoup plus volontariste. Il est anormal que seulement 10 % des démarches administratives s'effectuent par voie électronique. Ce taux est beaucoup plus élevé dans d'autres pays d'Europe. Le développement des plateformes pour le dépôt des offres électroniques aux marchés publics s'est révélé positif mais la multiplication du nombre d'applications, comme achatpublic ou e.bourgogne , ainsi que leurs différences fonctionnelles et ergonomiques, ont été un facteur de complexité pour les entreprises.
M. Hugues Portelli , co-rapporteur . - La mesure selon laquelle le silence de l'administration vaut acceptation, annoncée par le Président de la République, a été présentée au cours du débat parlementaire sur la loi du 10 novembre 2013 par un amendement du Gouvernement, ce qui a un peu surpris. Elle renverse une règle qui remontait à 1864.
Ce dispositif est entré en vigueur le 12 novembre 2014 pour l'État et s'appliquera le 12 novembre 2015 pour la sécurité sociale et les collectivités territoriales.
Sur les 3 600 décisions de l'État concernées, les deux tiers environ figurent parmi les exceptions : le silence continuera à valoir rejet. L'application de la nouvelle règle aux 1 200 autres mesures constitue tout de même une brèche non négligeable.
Déjà, dans la loi, nous avions prévu une exception de principe pour les décisions n'ayant pas un caractère individuel ainsi que pour celles qui ont un caractère financier. D'autres exceptions concernent les mesures transposant des traités internationaux et celles qui touchent à l'ordre public ou aux principes constitutionnels. En résumé, 1 800 exceptions viennent de la loi elle-même, et 600 sont de nature réglementaire : il s'agit d'exceptions liées à l'objet de la décision ou justifiées par des « motifs de bonne administration ». De quoi s'agit-il ? C'est vague...
En tout, 42 décrets ont été rédigés pour dresser la liste des exceptions. Chaque usager devra-t-il les lire tous sur Legifrance ? Dans son rapport méthodologique, le Conseil d'État avait proposé l'application du principe du silence vaut acceptation par blocs de compétences. Il n'a pas été suivi. De plus, pour les 1200 cas où le silence vaut acceptation, la procédure n'est pas uniforme : le délai d'accord implicite varie de deux à douze mois. Et il ne court qu'à compter du moment où l'usager a frappé à la bonne porte...
Les décisions des organismes de sécurité sociale et des collectivités territoriales pour lesquelles ce dispositif entrera en vigueur le 12 novembre prochain sont beaucoup moins nombreuses : environ 415 pour la sécurité sociale et 275 pour les collectivités territoriales. Les services de l'État, sous l'autorité du Secrétaire général du Gouvernement, s'affairent pour en dresser la liste et préciser les exceptions pour lesquelles le silence continuera de valoir rejet. La circulaire qui sera prise après moult concertations avec les associations d'élus montrera si la séparation entre le principe et les exceptions a été effectuée selon la même méthode que pour l'État. Vos rapporteurs souhaiteraient qu'on communique plus précisément au sujet du « silence vaut acceptation » avec les communes qui sont les premières concernées mais n'ont pas toutes un personnel suffisant pour analyser les circulaires...
Mme Catherine Troendlé , présidente . - La lisibilité du dispositif semble encore loin d'être parfaite.
M. Pierre-Yves Collombat . - Nous touchons aux limites de la législation à but publicitaire. Le principal problème dans la relation entre l'administration et ses administrés, c'est la clarté. Votre exposé nous montre que l'on complexifie au lieu d'améliorer : le but est manqué.
M. Philippe Kaltenbach . - Le verre est-il à moitié vide ou à moitié plein ? Pour un tiers des mesures, le silence vaudra acceptation : c'est un premier pas. Le délai ne court pas si l'on s'adresse au mauvais guichet. Il me semble pourtant que nous avions prévu qu'en ce cas, l'administration devait faire suivre le courrier au service compétent.
Mme Catherine Troendlé , présidente . - Dans les petites communes, il peut être difficile de déterminer à qui transmettre le courrier.
M. Jean-Pierre Sueur , co-rapporteur . - Aux termes de l'article 20 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, lorsqu'une demande est adressée à une autorité administrative incompétente, cette dernière doit la transmettre à l'autorité administrative compétente et en aviser l'intéressé. Le délai au terme duquel est susceptible d'intervenir une décision implicite de rejet court à compter de la date de réception de la demande par l'autorité initialement saisie, même si elle est incompétente. C'est protecteur.
M. Hugues Portelli , co-rapporteur . - Et optimiste ! Si la commune ne dispose pas de services administratifs capables de déterminer l'autorité compétente, le délai ne courra jamais.
M. Jean-Pierre Sueur , co-rapporteur . - En outre, le délai au terme duquel est susceptible d'intervenir une décision implicite d'acceptation ne court qu'à compter de la date de réception de la demande par l'autorité compétente.
M. Philippe Kaltenbach . - Y a-t-il une sanction au cas où l'administration ne transmet pas la demande ?
M. Jean-Pierre Sueur , co-rapporteur . - Aucune sanction n'est prévue.
Il pourrait être envisagé un dispositif identique dans les deux cas : pour le rejet comme pour l'acceptation implicite, le délai devrait courir à compter du moment où la première acceptation est saisie, fût-elle incompétente.
M. Pierre-Yves Collombat . - Bonjour les dégâts !
M. Jean-Pierre Sueur , co-rappoteur . - Enfin, je souhaiterais vous rappeler qu'un code des relations entre le public et l'administration est en préparation.
M. Pierre-Yves Collombat . - Encore une simplification !
M. Jean-Pierre Sueur , co-rappoteur . - Le Secrétaire général du Gouvernement nous a garanti que ce code serait publié en octobre prochain. Il nous a également indiqué que les parties réglementaires et législatives seraient imbriquées.
Nous souhaitons que le Gouvernement effectue un gros effort de pédagogie. La publicité donnée à la loi n° 2013-1005 dont nous avons contrôlé l'application a pu faire croire, de bonne foi, à certaines personnes, que le silence de l'administration vaut désormais acceptation pour toutes les décisions. Or, il existe encore des exceptions à ce principe et il n'est pas facile pour l'usager ordinaire de s'y retrouver. Il faudrait donc qu'un site Internet présente clairement les différents cas de figure.
M. Hugues Portelli , co-rapporteur . - Je souhaiterais désormais synthétiser nos huit propositions.
Nous proposons tout d'abord en matière d'administration électronique, d'accélérer le développement des applications informatiques du projet « Dites-le nous une fois » et de pérenniser leur mode de financement, et d'adopter une démarche plus volontariste dans le développement des télé-procédures.
Nous recommandons également de créer un outil pédagogique expliquant aux citoyens l'application du principe selon lequel le silence vaut acceptation pour les décisions de l'État et ses exceptions, de dresser une liste de ces dernières, de réaliser un audit de cette réforme auprès des ministères et de réduire le nombre d'exceptions.
Nous souhaitons enfin que soit poursuivie la consultation des collectivités territoriales et des organismes de sécurité sociale au sujet de la réforme leur appliquant le principe du silence vaut acceptation, que le nombre d'exceptions y soit limité au maximum et que les élus, les services et les usagers soient accompagnés dans la mise en oeuvre de cette réforme.
La commission autorise la publication du rapport d'information.
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
Services du Premier ministre
Mme Célia Vérot , conseillère « simplification et réforme de l'État »
Secrétariat général du Gouvernement
M. Marc Guillaume , secrétaire général du Gouvernement
M. Sylvain Humbert, chargé de mission, premier conseiller des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel
Ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie
M. Julien Boucher , directeur des affaires juridiques
M. Philippe Caron , chef de service de pilotage et de l'évolution des services
M. Benoît Piguet , conseiller du secrétaire général
Direction générale des collectivités locales (DGCL)
M. Bruno Triquenaux , expert de haut niveau chargé du suivi de la démarche de modernisation de l'action publique (MAP)
Mme Maïa Rohner, chef de bureau des élus locaux, du recrutement et de la formation des personnels territoriaux
Mme Anne-Marie Barré , adjointe au chef de bureau
Conseil d'État
M. Michel Thénault , conseiller d'État, ancien préfet de région
ANNEXE - EXCEPTIONS AU PRINCIPE DU « SILENCE VAUT ACCEPTATION » AU BOUT DE DEUX MOIS
Caractéristiques de la décision |
Exemples |
Besoin d'un décret |
|
Silence pendant deux mois vaut rejet |
Ne présente pas le caractère d'une décision individuelle |
- demande de retrait d'un acte règlementaire ; - demandes d'autorisation à caractère règlementaire comme l'agrément des fédérations sportives |
Non |
Ne s'inscrit pas dans une procédure prévue par la loi ou un règlement ou est une réclamation ou un recours administratif |
- recours gracieux |
||
Présente un caractère financier en faisant naître une dette ou une créance pour l'administration 30 ( * ) |
- demande d'indemnisation |
||
A des implications sur les engagements internationaux et européennes de la France |
- octroi du statut de réfugié ou de la protection subsidiaire (art. L. 723-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) |
Oui |
|
A des implications sur la protection des libertés et principes à valeur constitutionnelle |
Oui |
||
Silence pendant deux mois vaut rejet |
A des implications sur la sauvegarde de l'ordre public |
- autorisation d'acquisition et de détention d'armes (art. L. 312-2 du code de la sécurité intérieure, CSI) ; - autorisation provisoire d'exercer une fonction dans la sécurité privée (art. L. 621-23 CSI) |
Oui |
Concerne les relations entre les autorités administratives et leurs agents |
- avancement des agents (art. 13 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires) |
Non |
|
D'après l'objet de la décision ou des motifs de bonne administration |
- délivrance d'un certificat d'immatriculation d'un bateau (art. R. 4111-3 du code des transports) ; - placement à l'isolement d'une personne détenue majeure (art. 726-1 du code de procédure pénale) |
Oui |
|
Silence pendant un délai autre que deux mois vaut rejet |
Présente un caractère urgent ou concerne une procédure complexe |
- attribution d'un logement en cité universitaire (art. L. 822-1 du code de l'éducation, délai de 8 mois) ; - agrément initial de l'exploitant d'une installation de stockage, de dépollution ou de broyage de véhicules hors d'usage (art. R. 543-162 du code de l'environnement, délai de 18 mois) |
Oui |
Silence pendant un délai autre que deux mois vaut acceptation |
Présente un caractère urgent ou concerne une procédure complexe |
- renouvellement de l'autorisation de mise sur le marché d'un médicament à usage humain (art. R. 5121-45 du code de la santé publique) ; - création ou extension des chambres funéraires (art. R. 2223-74 du code général des collectivités territoriales, 4 mois) |
Oui |
* 1 Loi habilitant le Gouvernement à simplifier les relations entre l'administration et les citoyens.
* 2 Cf. notamment les lois n° 73-6 du 3 janvier 1973 instituant un médiateur de la République, n° 78-753 du 17 juillet 1978 relative à l'accès aux documents administratifs et n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs.
* 3 Loi n° 2000-321 du 12 avril 2000.
* 4 Expression utilisée par Mme la députée Claudine Ledoux dans son rapport n° 1613 du 19 mai 1999 relatif au projet de loi sur les droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations (http://www.assemblee-nationale.fr/11/rapports/r1613.asp).
* 5 Cf . le tableau ci-après, p. 7 et 8.
* 6 Pour être éligible à cette procédure, l'avis préalable doit être formalisé, doit concerner une décision individuelle créatrice de droit et émaner d'une autre instance que l'autorité administrative instructrice du dossier. Tel est par exemple le cas des avis des architectes des bâtiments de France (ABF) rendu aux maires pour les projets d'urbanisme situés dans les zones de protection du patrimoine architectural urbanistique et paysager.
* 7 Pour les deux autres mesures de la loi n° 2013-1005, le délai habilitation court toujours (cas du code des relations entre le public et les administrations) ou aucune ordonnance n'est nécessaire (cas du « silence vaut acceptation » ). Ces deux mesures sont traitées dans la suite du présent rapport.
* 8 Les deux habilitations précédentes avaient été inscrites dans l'article 85 de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 (délai de 18 mois) et dans l'article 197 de la loi n° 2011-523 du 17 mai 2011 (délai supplémentaire de 12 mois).
* 9 Pour mémoire, cette chambre était une formation d'appel spécifique composée d'un président et de deux assesseurs choisis parmi les juges de l'expropriation des tribunaux de grande instance.
* 10 Pour mémoire, ce programme a été créé dans le cadre du plan de relance de 2010. Il est doté de près de 47 milliards d'euros et est piloté par le Commissariat général à l'investissement.
* 11 Ce numéro, qui est composé de quatorze chiffres, permet l'identification de la société.
* 12 Pour mémoire, ce délai d'habilitation court jusqu'au 12 novembre 2015.
* 13 Loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs.
* 14 Loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 relative à l'accès aux documents administratifs.
* 15 Pour mémoire, un code comparable avait été prévu par la circulaire du Premier ministre du 30 mai 1996. Ce projet a toutefois été abandonné en janvier 2006 du fait de sa complexité.
* 16 Décret du 2 novembre 1864 à l'égard des recours gracieux auprès des ministres. Cette règle du « silence faut rejet » avait ensuite été généralisée par la loi du 7 juillet 1900.
* 17 À l'inverse des règlements qui ont une portée générale car ils s'adressent à un nombre indéterminé de citoyens.
* 18 Une demande d'indemnisation par l'administration n'est par exemple pas éligible au principe du « silence vaut acceptation » car elle est susceptible de représenter un coût pour les finances publiques.
* 19 Cf . le compte-rendu de l'examen en commission du rapport n° 742 de M. Hugues Portelli fait au nom de la commission des lois et relatif au projet de loi habilitant le Gouvernement à simplifier les relations entre l'administration et les citoyens ( http://www.senat.fr/rap/l12-742/l12-742.html ).
* 20 Conseil d'État, L'application du nouveau principe « silence de l'administration vaut acceptation » , 30 janvier 2014.
* 21 Bien que le principe du « silence vaut rejet » ait prévalu avant la loi n° 2013 1005 précitée, il existait en effet 400 exceptions, notamment en droit de l'urbanisme (permis de construire acquis tacitement sauf exceptions), pour lesquelles le silence valait accord.
* 22 Décrets disponibles à l'adresse suivante : http://www.legifrance.gouv.fr/Droit-francais/Silence-vaut-accord-SVA/Silence-vaut-rejet-SVR.
* 23 Cf . le tableau de l'annexe 1 du présent rapport pour une description détaillée de ces exceptions.
* 24 Conformément aux exigences de la jurisprudence du Conseil constitutionnel selon laquelle certaines décisions ne peuvent entrer dans le champ du « silence vaut acceptation » compte tenu des risques qu'elles peuvent représenter pour la liberté individuelle ( Cf . la décision n° 94-352 DC du 18 janvier 1995 sur la loi d'orientation et de programmation relative à la sécurité).
* 25 Cf . le 4° du I de l'article 21 de la loi n° 2000-321 précitée.
* 26 Cf . le II de l'article 21 de la loi n° 2000-321 précitée.
* 27 Pour mémoire, le commissaire enquêteur est désigné par le tribunal administratif afin de conduire les enquêtes publiques, notamment dans le cadre du droit de l'environnement et de l'expropriation pour cause d'utilité publique.
* 28 Liste disponible à l'adresse suivante : http://www.legifrance.gouv.fr/Droit-francais/Silence-vaut-accord-SVA/Procedures-SVA .
* 29 En effet, l'administration doit produire un accusé de réception au titre de l'article 19 de la loi DCRA du 12 avril 2000 précitée mais il arrive, dans les faits, que cette obligation ne soit pas spontanément respectée.
* 30 Sauf pour certaines demandes en matière de sécurité sociale pour lesquelles le silence vaut acceptation comme les régimes d'entente préalable permettant à l'Assurance maladie d'accepter tacitement le remboursement des soins dentaires ou des soins de kinésithérapie.