B. UN STATUT DE L'ÉLU À CONFORTER
L'éloignement avec le poste consulaire, la superficie couverte par les circonscriptions d'élection, la dispersion géographique de la communauté française rendent, aux yeux de vos rapporteurs, indispensables que les élus, choisis par nos compatriotes expatriés pour les représenter, disposent des moyens matériels pour exercer leur mandat. Si le législateur a renvoyé cette question, pour l'essentiel, au pouvoir réglementaire, son importance appelle la vigilance du Parlement dans son contrôle de la mise en oeuvre de ce pan de la réforme qu'il a adoptée.
1. Un effort de formation à intensifier
Le droit à la formation des conseillers consulaires et des conseillers à l'AFE est respectivement consacré par les articles 5 et 13 de la loi du 22 juillet 2013, même si son contenu et les modalités de mise en oeuvre sont renvoyés à un décret en Conseil d'État.
Pour les conseillers consulaires, l'article 24 du décret du 18 février 2014 précise qu'ils « ont accès [...] aux actions de formation organisées localement et destinées aux personnels diplomatiques et consulaires [et] aux didacticiels mis en ligne par le ministère des affaires étrangères » . S'ajoute pour les conseillers à l'AFE, la formation complémentaire dispensée à l'occasion des réunions à Paris de l'AFE.
Le ministère des affaires étrangères a indiqué à vos rapporteurs que lors de la session de mars 2015 de l'AFE, des ateliers de formation ont été organisés autour de thèmes choisis après recueil des attentes des élus : retraite, aide à la scolarité, protection sociale, état-civil, etc.
Pour les conseillers consulaires, pour certains plus isolés, des « dossiers thématiques de formation sont actuellement en cours de conception au secrétariat général de l'AFE » selon le ministère.
Vos rapportent insistent pour que ces nouveaux élus disposent d'un accès à la formation, notamment qu'ils soient initiés au fonctionnement des services administratifs qui interviennent dans le champ de compétences du conseil consulaire.
2. Un régime d'indemnités à ajuster
En application des articles 5 et 13 de la loi du 22 juillet 2013, les règles d'indemnisation des élus sont fixées par le décret du 18 février 2014. À l'instar des élus locaux en France, l'exercice des mandats est bénévole. Cependant, les conseillers consulaires ont droit à « une indemnité semestrielle destinée à couvrir forfaitairement les charges liées à l'exercice de leur mandat », selon les termes de l'article 20 du décret. Fixé par l'annexe n° 1 au décret, le montant de ce remboursement fixé pour chaque circonscription a suscité des comparaisons et des critiques sur leur caractère inéquitable. Ces indemnités peuvent être minorées en fonction de la participation aux réunions de chaque conseiller consulaire.
À cet égard, vos rapporteurs appellent les présidents de conseils consulaires à clairement distinguer les convocations aux réunions qui servent au décompte des absences des simples invitations aux réunions n'entrant pas dans ce décompte. Plusieurs conseillers consulaires rencontrés par vos rapporteurs ont en effet regretté le flou de certaines « convocations », ne leur permettant pas de savoir si leur présence était requise ou non.
Les élus peuvent compléter cette indemnité par des remboursements forfaitaires de frais sur présentation de pièces justificatives. Il en est ainsi pour les conseillers consulaires lorsque, pour se rendre aux réunions auxquelles ils sont convoqués, le coût annuel des déplacements est supérieur à 60 % du montant annuel de l'indemnité semestrielle. Pour les conseillers à l'AFE, le remboursement forfaitaire est possible, sur présentation de pièces justificatives, des frais de déplacement et de séjour engagés lors des réunions de l'AFE à Paris.
Répondant à un constat unanime et partagé par le secrétariat général de l'AFE, vos rapporteurs recommandent de rétablir la possibilité pour l'État de verser une avance sur les remboursements de frais, compte tenu des sommes importantes avancées par les élus.
Vos rapporteurs appellent également l'attention du Gouvernement sur les frais engagés par certains élus dans l'exercice de leur mandat pour parcourir leur circonscription d'élection, composée parfois de plusieurs pays, et pour venir à Paris. Ils souhaitent ainsi que soit envisagée la possibilité de délivrer aux élus des instances représentatives des Français établis hors de France un passeport de service 9 ( * ) . Ce passeport de service permettrait à ces élus d'être dispensé, pour les seuls besoins de l'exercice de leur mandat, d'acquitter les droits et taxes exigés à la frontière de certains États et qui peut, pour certains destinations, s'élever à plusieurs centaines d'euros.
Pour vos rapporteurs, il peut être d'autant plus aisément apporté des correctifs à cette situation que la réforme de la représentation des Français établis hors de France n'avait pas vocation, selon l'intention affichée par le Gouvernement lors de l'examen parlementaire de la loi, à générer des économies. Entendue le 12 mars 2013 par votre commission, Mme Hélène Conway-Mouret, alors ministre déléguée chargée des Français de l'étranger, déclarait : « Cette réforme se fera à coût constant, sans aucune dépense supplémentaire . », ce qui n'impliquait pas de baisse de la dotation budgétaire. Ce faisant, la ministre déléguée reprenait l'engagement qu'elle avait formulé devant l'AFE le 14 décembre 2012 en indiquant que « la réforme se fera à budget constant tout en assurant à chaque conseiller les moyens nécessaires au bon exercice de son mandat local ». Or notre collège député Philippe Baumel, rapporteur pour avis budgétaire, relevait lors de l'examen du projet de finances pour 2015 « une économie de 0,7 million d'euros sur les crédits de l'Assemblée des Français de l'étranger, soit plus de 20 % de baisse de la dotation de cette instance, du fait de la réforme de l'indemnisation de ses membres ». 10 ( * )
3. Une protection assurantielle à globaliser
Les articles 22 et 34 du décret du 18 février 2014 prévoient, pour chaque conseiller consulaire ou conseiller à l'AFE, le versement d'une allocation annuelle destinée à contribuer à la souscription d'une police d'assurance ayant pour objet leur indemnisation en cas de dommages résultant des accidents subis dans le cadre de leur mandat.
Ces dispositions réglementaires renvoient implicitement le soin à une assurance privée de couvrir ces dommages en contrepartie d'une allocation annuelle pour contracter une police d'assurances. Vos rapporteurs notent qu'elles n'indiquent pas, contrairement à la lettre des articles 5 et 13 de la loi du 22 juillet 2013, comment cette disposition s'articule avec l'éventuelle recherche, par un élu ayant connu un préjudice dans le cadre de ses fonctions, de la responsabilité sans faute de l'État.
Cette innovation a suscité des difficultés administratives autant pour les élus que l'administration. En effet, les élus ont dû s'assurer que leurs contrats d'assurance couvrent ce type de dommages ou, le cas échéant, en souscrire un nouveau, parfois dans des pays où les compagnies d'assurance locales ne proposent pas de tels services. De son côté, l'administration doit s'assurer, à son tour, que le contrat présenté par l'élu pour bénéficier du versement de l'allocation répond aux exigences réglementaires.
Cette situation a conduit les associations représentatives au niveau national des Français établis hors de France à proposer aux élus des contrats type dont elles avaient préalablement négocié les termes.
Le nouveau système mis en place n'a donc pas démontré son efficacité. Aussi vos rapporteurs recommandent-ils de rétablir le système prévalant sous l'« ancienne » AFE et qui confiait le soin à l'administration de conclure un contrat groupé pour l'ensemble des élus, versant directement le coût de la police d'assurance plutôt que de rembourser individuellement chaque élu.
4. Un interlocuteur pour l'ensemble des élus à identifier
La mise en place de conseils consulaires a conduit plusieurs conseillers consulaires à s'interroger sur leurs prérogatives. Cette question se pose pour un élu des Français de l'étranger avec plus d'acuité qu'un élu local en France. Si les conseillers de l'AFE disposent du secrétariat général pour les assister et les conseiller, les conseillers consulaires ne disposent pas d'interlocuteur sur place pouvant répondre à leurs interrogations. Ils doivent ainsi s'en remettre à nouveau aux postes consulaires dont les pratiques et les interprétations, comme il a été évoqué précédemment, contrastent voire, divergent d'un pays à l'autre.
Les conseillers consulaires ont pu ressentir, notamment pour ceux élus pour la première fois, un sentiment d'abandon. Les associations représentatives au niveau national des Français établis hors de France ont joué de facto , comme elles l'ont indiqué à vos rapporteurs lors de leur audition, un rôle de conseil, parfois sur des sujets d'apparence anodine (présentation des cartes de visite, titres utilisés par les élus, etc.), qui aurait dû incomber à l'administration. Le désengagement de l'administration en matière d'accompagnement des élus a aussi laissé la possibilité à des initiatives privées, telle que l'Alliance solidaire des Français de l'étranger, de capter les conseillers consulaires à la recherche de structures pour les accompagner dans leurs démarches.
De surcroît, le ministère des affaires étrangères a décidé de confier aux postes diplomatiques le versement des indemnités et des remboursements forfaitaires. Ce choix a conduit à de très grandes disparités dans les documents demandés et la rapidité de traitement des dossiers. Il conviendrait que cette opération reste centralisée à Paris, comme auparavant, avec les conseillers à l'AFE.
Pour répondre à cette situation et permettre une homogénéisation des pratiques, vos rapporteurs souhaitent que le secrétariat général de l'AFE assure un rôle de coordination au bénéfice de l'ensemble des élus siégeant au sein des instances représentatives des Français établis hors de France, conseillers consulaires comme conseillers à l'AFE. Il pourrait ainsi devenir un secrétariat général de l'AFE et des conseils consulaires.
Les conseillers consulaires pourraient bénéficier d'une adresse de courrier électronique standardisée et officielle de même que d'un espace collaboratif permettant la diffusion et le partage d'information ainsi que des réponses aux questions récurrentes (forum, Intranet).
Au-delà des aspects matériels, le statut des élus des Français de l'étranger comprend une dimension symbolique, en matière de rang accordé à ces élus. À l'initiative du Sénat, il incombe au pouvoir réglementaire de préciser les prérogatives des conseillers consulaires. Les articles 26, 27 et 28 du décret du 18 février 2014 les énoncent. Les conseillers consulaires sont ainsi conviés aux manifestations officielles (visites officielles du chef de l'État ou des membres du Gouvernement, des délégations parlementaires, etc.). Les conseillers consulaires et les conseillers à l'AFE peuvent également porter un insigne dans les cérémonies publiques et faire usage d'un timbre dans leurs communications et correspondances officielles, ce timbre et cet insigne prenant la forme d'une cocarde tricolore.
Vos rapporteurs estiment que ces règles devraient être rappelées formellement, dans un souci d'harmonisation, par voie de circulaire ministérielle.
* 9 Les passeports électroniques de service sont régis par le décret n° 2005-1726 du 30 décembre 2005.
* 10 Avis budgétaire n° 2263 (XIV ème législature) de M. Philippe Baumel, au nom de la commission des affaires étrangères, 9 octobre 2014.