B. LA PROMESSE DU CANDIDAT OBAMA : LE RETRAIT D'IRAK ET D'AFGHANISTAN

1. Irak : un retrait total

Après le retrait d'Irak en décembre 2011, dont les modalités ont été mises au point sous George W. Bush par la signature de l'accord SOFA ( Status of Forces Agreement ) en décembre 2008, il n'y a plus aucun soldat en Irak depuis le 1 er janvier 2012, alors qu'ils avaient été 170 000 au plus fort du surge 11 ( * ) . Le Président Obama, qui avait voté en tant que sénateur contre l'intervention en 2003, a donc réalisé cet engagement de campagne. Le retrait a été total, les États-Unis n'ayant pas réussi à convaincre le gouvernement irakien dirigé par M. Maliki d'accorder une immunité juridique aux quelques milliers d'hommes qui auraient pu être maintenus pendant une période transitoire, ce qui aurait peut-être évité la catastrophe actuelle.

2. Afghanistan : un retrait programmé

En Afghanistan, le départ des troupes américaines (33 500 hommes actuellement) est programmé après l'élection présidentielle dont le deuxième tour a eu lieu le 14 juin 2014 et dont on attend les résultats officiels 12 ( * ) qui sont d'ores et déjà contestés par le candidat arrivé en tête au 1 er tour, M. Abdullah. L'accord bilatéral de sécurité, qui a été adopté par une Loya Jirga en novembre 2013, devrait être signé dans la foulée de la proclamation des résultats et avant le prochain sommet de l'OTAN, début septembre. Les États-Unis ont conscience qu'un retrait du pays, à l'image de l'expérience irakienne, n'est pas souhaitable. L'option de maintenir 10 000 militaires en Afghanistan pour une période de deux ans a la faveur des Américains 13 ( * ) . Mais l'option « zéro » n'est pourtant pas écartée. Le Congrès soutient la nécessité de maintenir une présence, et un scénario « à l'irakienne » est critiqué, au regard de la forte dégradation de la situation sécuritaire en Irak.

C. « NO BOOTS ON THE GROUND » UNE RÉTICENCE À TOUT ENGAGEMENT MILITAIRE IMPORTANT À L'ÉTRANGER

Le Président Obama a été élu pour tourner la page des années G.W. Bush en politique étrangère. Compte tenu de l'état de l'opinion publique, des réticences traditionnelles du Congrès et de sa prudence naturelle 14 ( * ) , il hésitera à engager des interventions militaires extérieures, optera assez systématiquement pour l'utilisation des voies diplomatiques pour résoudre les crises et, si l'engagement militaire est nécessaire, pour des modalités destinées à en limiter l'ampleur et la durée .

En 2011, le Président Obama a exprimé des réticences quant à l'intervention en Libye. Il a fallu la pression des alliés (France-Grande-Bretagne) qui assumeront le poids de la guerre dans la durée et le soutien tant des Nations unies (Résolution 1973 du Conseil de sécurité) que de la Ligue arabe, pour qu'il accepte une intervention dans le cadre d'une coalition sous bannière OTAN, intervention destinée à sécuriser l'entrée en premier sur le théâtre des opérations, les forces américaines se retirant des opérations strictement militaires après dix jours.

Dans la crise syrienne, les États-Unis ont décidé de ne pas intervenir militairement et le soutien politique à la rébellion contre le régime du Président Bachar Al-Assad n'a pas été accompagné par des fournitures conséquentes d'armes létales. Seule a été mise en place une politique de sanctions. Le Président Obama avait posé des lignes rouges sur l'emploi des armes chimiques, mais leur utilisation au cours de l'été 2013, qui a posé la question de l'intervention, n'a pas abouti à un engagement militaire. L'impossibilité d'un accord du Conseil de Sécurité des Nations unies en raison du veto de la Russie, la défection de la Grande-Bretagne à la suite du vote négatif aux Communes, les difficultés à obtenir un soutien au Congrès, ont conduit les États-Unis à saisir la perche proposée opportunément par la Russie d'un démantèlement de l'arsenal syrien d'armes chimiques sous contrôle.

Dans la crise ukrainienne en cours, malgré l'intervention russe en Crimée (opération couverte articulant forces spéciales, communication, justifications juridiques) qui a conduit à l'organisation d'un referendum et à son rattachement à la Russie, la tentative de déstabilisation de la partie est russophone et les pressions sur la fourniture de gaz, la réaction des États-Unis et des Européens a été modérée, se limitant à une politique de sanctions graduelles et à un soutien politique et financier aux nouveaux dirigeants de l'Ukraine.

On perçoit également cette retenue et cette prudence dans la gestion de l'actuelle crise en Irak. Devant l'offensive rapide de l'EIIL soutenue par des anciens du parti Baas et certaines tribus sunnites, le Président Obama n'a pour le moment répondu à l'appel à l'aide du gouvernement Maliki qu'en envoyant 300 militaires des forces spéciales pour conseiller l'armée irakienne 15 ( * ) , sans participer directement au combat, tout en enjoignant les dirigeants irakiens à rechercher des modalités de gouvernance plus inclusives associant chiites, sunnites et kurdes.

Cette prudence se manifeste également dans la lutte contre le terrorisme qui demeure une des priorités de la stratégie américaine de défense avec une préférence pour des modes d'action discrets (utilisation des drones et des forces spéciales), limitant l'engagement de troupes sur le terrain.


* 11 Montée en force rapide des effectifs destinés à procurer un avantage décisif et à assurer un retrait dans de meilleures conditions de sécurité. En Irak, les effectifs passèrent de 120 000 à 170 000 en quelques mois en 2009-2010.

* 12 M. Ashraf Ghani est en tête à l'issue du second tour en Afghanistan avec 56,4 % des suffrages, selon les résultats préliminaires annoncés le 7 juillet 2014 par la commission électorale indépendante. Son adversaire, M. Abdullah Abdullah récolte 43,5 % des suffrages.

* 13 The White House- Office of the Press Secretary Fact Sheet: Bringing the U.S. War in Afghanistan to a Responsible End http://www.whitehouse.gov/the-press-office/2014/05/27/fact-sheet-bringing-us-war-afghanistan-responsible-end

* 14 Cette prudence est parfaitement illustrée dans le discours prononcé à l'Académie militaire West Point le 28 mai 2014. Voir infra page 40.

* 15 Il n'a pas retenu à ce stade l'option de frappes aériennes .

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page