VI. DEUX POINT FAIBLES DU DISPOSITF DE MISE EN APPLICATION DES LOIS
A. LE SORT OBJECTIVEMENT MOINS FAVORABLE RÉSERVÉ AUX MESURES D'INITIATIVE PARLEMENTAIRE
À partir du moment où les membres du Parlement disposent du même droit d'initiative législative que le Gouvernement, il serait légitime que les dispositions législatives issues de l'initiative parlementaire (propositions de loi ou amendements) soient mises en application avec la même diligence que les dispositions d'origine gouvernementale.
Or, tel n'est pas le cas, comme le confirme le tableau ci-après, tiré des données disponibles dans la base APLEG, donnant un aperçu du suivi réglementaire des dispositions législatives introduites au cours de la session par voie d'amendement (autre que les amendements en CMP) :
Suivi réglementaire des dispositions
législatives
introduites par voie d'amendement durant la session
2012-2013
Origine de l'amendement |
Gouvernement |
Assemblée nationale |
Sénat |
Mesures prévues |
30 |
85 |
33 |
Mesures prises |
20 |
41 |
8 |
Pourcentage de mise en application |
67 % |
48 % |
24 % |
(*) Source base APLEG
Ce tableau permet aussi de constater -au moins sur la dernière session- qu'au sein des mesures législatives d'origine parlementaire, le sort des dispositions résultant d'une initiative sénatoriale est moins favorable que celui réservé aux dispositions venant de l'Assemblée nationale, elles-mêmes moins bien traitées que celles émanant du Gouvernement 4 ( * ) ...
Sur ce point, la perception est assez variable d'une commission à l'autre. La commission des lois considérait ainsi, dans son précédent bilan annuel, que pour les lois la concernant « [...] statistiquement, ces textes font l'objet d'un taux de mise en application équivalent à ceux des projets de loi », que l'on compte en nombre de lois ou en nombre de mesures ; dans son bilan pour 2012-2013, elle reste sur la même position, considérant la « mise en application des mesures d'origine parlementaire comparable aux autres mesures [...] Autrement dit, le Gouvernement n'est pas enclin à adopter plus vite les mesures réglementaires qu'il a lui-même générées ».
En comparaison, certaines commissions se montrent plus critiques. C'est le cas, bien entendu, de la commission des affaires étrangères, dont la seule loi d'origine parlementaire adoptée ces dernières années n'est toujours pas mise en application près de trois ans après sa promulgation (en l'occurrence, la loi du 28 juillet 2011 tendant à faciliter l'utilisation des réserves militaires et civiles en cas de crise majeure - cf. supra ).
Dans le même sens, la commission des affaires économiques déplore que la loi du 8 décembre 2011 relative aux certificats d'obtention végétale (issue d'une proposition de loi de M. Christian Demuynck et plusieurs de ses collègues, unique loi d'initiative sénatoriale parmi les vingt-six dont elle assure le suivi) ne soit applicable qu'à hauteur de 12 %, et n'ait reçu aucune mesure réglementaire depuis le 31 mars 2013 ; elle juge « regrettable de constater que la seule loi d'initiative sénatoriale soit celle dont le taux d'application est le plus faible. Les décrets encore attendus par ce texte, contesté politiquement [...] avaient été annoncés pour la fin du premier semestre 2013, au terme d'une concertation engagée avec les parties intéressées. Ils n'ont, à ce jour, toujours pas été publiés ».
Le 11 juin, lors de l'audition du secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, Mme Isabelle Debré a clairement évoqué cette question : « Les travaux de la commission des affaires sociales offrent plusieurs exemples éloquents du régime de deux poids, deux mesures... Les dix textes réglementaires attendus pour le contrat de génération ont été pris dans les deux semaines qui ont suivi la promulgation de la loi ; sur les emplois d'avenir, le premier décret est sorti six jours après. À côté de cela, quatre lois issues d'initiatives parlementaires n'ont fait l'objet, sur les quatorze décrets attendus, d'aucune mesure d'application ! D'où l'impression que le gouvernement choisit les lois qu'il veut voir appliquer ». Le ministre a bien sûr jugé qu'une telle attitude serait inacceptable, mais les statistiques de cette année incitent à demeurer vigilant sur ce point, car il touche non seulement au respect du droit d'initiative parlementaire, mais également à l'égalité des deux assemblées sur ce terrain.
* 4 Sans qu'on doive en déduire une règle générale, s'agissant d'un décompte assez délicat en pratique, en raison de l'évolution des textes au cours de la navette parlementaire.