DEUXIÈME PARTIE : TOUT MISER SUR LA FORMATION
« Si vous trouvez que l'éducation coûte cher, essayez l'ignorance. »
Abraham Lincoln
Le rapport du CGSP « Quelle France dans dix ans ? » table sur une population mieux formée, à cette échéance, qu'elle ne l'aura jamais été : « Avec la substitution de générations nouvelles aux cohortes antérieures à l'allongement de la scolarisation, la population active aura gagné en qualification moyenne. Le retard français en matière de formation de la population active, qui a lourdement pesé au cours des dernières décennies, cessera enfin de se faire sentir, tandis que la progression rapide du niveau moyen de qualification dans les pays émergents n'aura pas encore touché l'ensemble de la population active. Il faut en effet bien comprendre que le " capital humain " a le caractère d'un stock : la qualification moyenne de la main-d'oeuvre est le résultat d'efforts poursuivis sur plusieurs décennies. »
On veut croire à cette vision pleine d'optimisme et porteuse d'espoir. Mais résiste-t-elle à l'épreuve des faits et tient-elle suffisamment compte de l'accroissement parallèle des niveaux de qualifications attendus par les employeurs à l'avenir ?
I. L'ÉDUCATION À REPENSER
A. L'ÉDUCATION EST-ELLE ENCORE NATIONALE ?
1. Le traumatisme de l'enquête Pisa 2013
On l'a beaucoup dit à l'époque de sa parution : la dernière enquête Pisa a mis en lumière le niveau académique plus que moyen, pour ne pas dire médiocre, des jeunes Français ayant effectué leur scolarité obligatoire entre septembre 2002 et mai 2012 75 ( * ) .
L'enquête Pisa Program for international student assessment , en français « programme international pour le suivi des acquis des élèves », l'enquête Pisa est un ensemble d'études menées par l'OCDE, depuis 2000, pour mesurer les performances respectives des systèmes éducatifs des pays membres et non membres. Conduite tous les trois ans, sa dernière enquête a été rendue publique en décembre 2013. L'objectif est triple : - comparer les différents systèmes éducatifs en évaluant les compétences acquises par les élèves lorsqu'ils atteignent l'âge de la fin de l'obligation scolaire (l'âge commun retenu est celui de quinze ans même si celui de la scolarité obligatoire est fixé à seize ans en France). Les compétences en question sont celles que tout citoyen moyen doit mobiliser pour faire face aux exigences de la vie quotidienne (culture mathématique, lecture active...) ; - identifier les facteurs de succès qui tiennent tant aux élèves (motivation, estime de soi, stratégies personnelles d'apprentissage) qu'à leur environnement (milieu familial socio-économico-culturel, système éducatif national, cadre scolaire proposé par l'établissement) ; - suivre périodiquement l'évolution des performances dans les pays membres ou partenaires de l'OCDE, aujourd'hui au nombre de soixante-cinq. |
Son bilan, qui confirme les tendances négatives observées dans d'autres analyses françaises ou internationales, met en évidence une importante dégradation du niveau scolaire tout au long des dix dernières années. On constate notamment, pour le déplorer :
- une baisse du niveau moyen en mathématiques : entre 2003 et 2013, la France a perdu cinq places, passant de la treizième à la dix-huitième sur les trente-quatre pays de l'OCDE, et ne se classe qu'au vingt-cinquième rang des soixante-cinq pays testés ;
- un accroissement des écarts de niveau entre les élèves qui s'explique par l'augmentation, en France, du nombre d'élèves en difficulté, alors que dans les autres pays de l'OCDE, cette part est stable ; 20,4 % des élèves français sont aujourd'hui considérés comme en difficulté, contre 16,6 % dix ans auparavant 76 ( * ) ;
- une aggravation des déterminismes sociaux : l'école française est aujourd'hui celle des pays de l'OCDE où l'origine sociale des enfants pèse le plus lourd dans les résultats scolaires, et cette tendance s'est accrue au cours des dix dernières années. Si l'on ne tenait compte que des performances en mathématiques des élèves issus de milieux sociaux favorisés, la France se situerait dans le premier quart du classement, à la treizième place. En revanche, en ne comptabilisant que les élèves issus des classes les plus défavorisées, elle perdrait vingt places, pour figurer au trente-troisième rang. Cet écart de vingt points est le plus élevé dans l'ensemble des pays étudiés.
Les secrets du modèle éducatif finlandais Les systèmes d'éducation ne sont pas identiques au sein de l'Union européenne. Classée en tête de l'enquête Pisa, la Finlande affiche des résultats excellents alors qu'elle était loin de se trouver dans cette situation trente ans auparavant. Pourquoi ? Voici quelques-unes des explications avancées par les services de l'Union européenne : - la profession d'enseignant y est très valorisée et bien rémunérée ; - il n'existe qu'un seul système éducatif ; - celui-ci organise une imbrication efficace entre le monde de l'éducation et le monde du travail. On objectera que la Finlande est un petit pays et qu'elle n'est pas confrontée aux difficultés liées à l'immigration mais d'autres États savent aussi, mieux que la France, mettre en lien l'école et le monde du travail. Si l'on peut soutenir la démarche française qui assigne à l'école la mission de former des citoyens, il serait bon de ne pas perdre de vue qu'elle doit aussi, et d'abord serait-on tenté de penser, former des jeunes qui pourront travailler. |
2. La question du décrochage scolaire
Le problème des jeunes sortant du système scolaire sans diplôme ni qualification n'est pas propre à la France : les statistiques européennes font même état d'une situation plus grave encore, celle d'un taux de 19 % d'élèves qui quittent l'école sans savoir lire et écrire correctement.
Pour autant, cet état de fait devient particulièrement préoccupant lorsque l'on constate que chaque année en France, 150 000 jeunes achèvent leur scolarité obligatoire avec au mieux, comme seul diplôme, le brevet des collèges. Il y aurait aujourd'hui 400 000 jeunes dans ce cas, pour une large part des garçons.
Les causes et les facteurs du décrochage scolaire sont évidemment multiples mais les indicateurs de l'OCDE montraient, en 2012, que le taux de scolarisation des moins de vingt ans régresse en France, passant de 89 % en 1995 à 84 % en 2010. Ces jeunes non scolarisés se retrouvent, dans 71 % des cas, parmi les statistiques des demandeurs d'emploi ou des inactifs, soit un résultat très défavorable situé au-dessus de la moyenne des pays développés comparables (57 %). Pour sa part, Pôle emploi chiffre à 1,9 million le nombre de jeunes qui ne sont ni scolarisés, ni étudiants, ni en emploi, ni en formation, soit 17 % des moins de trente ans en 2013.
Quels que soient les moyens à mettre en oeuvre - et de nombreux ont déjà été mobilisés jusqu'à présent sans grand succès : plan national de lutte contre le décrochage scolaire, soutien psychologique, accompagnement éducatif personnalisé, structures d'enseignement spécifiques... -, l'urgence est aujourd'hui à la réinsertion de ces jeunes dans des cursus effectifs de qualifications.
Assigner un objectif chiffré à cette mission et faire de sa réalisation une priorité absolue, n'est-ce pas aujourd'hui plus important encore que de vouloir mener 80 % d'une classe d'âge au baccalauréat 77 ( * ) ?
Parce que l'accès à la formation est aussi un problème de moyens financiers : l'exemple danois des bons mensuels de formation Quand on sait que près d'un quart des jeunes sont sans emploi et que 150 000 jeunes sortent chaque année du système scolaire sans aucun diplôme, la problématique de la formation n'en devient que plus prégnante. Le sociologue Camille Peugny prône un « dispositif universel d'accès à la formation », qui permettrait au plus grand nombre de « fréquenter, à un moment ou à un autre de la vie, l'enseignement supérieur. Cela instituerait un vrai "droit à la formation", tout en transformant en profondeur l'accès de la jeunesse à l'autonomie et à l'âge adulte » . Il cite l'exemple du Danemark, où les personnes se voient offrir la possibilité de bénéficier de soixante « bons mensuels de formation », chacun d'un montant de 750 euros. Autrement dit, elles ont droit à cinq années de formation. Ce système, très astucieux, ne fonctionne évidemment pas sans de solides contreparties : l'assiduité à la formation est strictement contrôlée, et la responsabilisation des bénéficiaires favorisée. Camille Peugny y trouve un avantage évident : « Il permet de soutenir les jeunes des classes populaires qui seraient tentés de renoncer aux études supérieures pour des raisons financières. Au-delà, un tel dispositif permettrait d'adoucir la transition entre les études et l'emploi. »
Source : rapport d'information Sénat
n° 388 (2013-2014)
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3. La dualité du système éducatif
Le système éducatif français offre à l'observateur non averti un panorama particulièrement complexe où coexistent enseignements public et privé, sous ou sans contrat avec l'éducation nationale, filières généralistes à dominante littéraire, économique ou scientifique, cursus technologiques ou professionnels spécifiques dont la durée est variable, universités libres d'accès et grandes écoles, elles aussi publiques ou privées, qui recrutent sur concours, passerelles diverses qui, et c'est heureux, ont été développées depuis quelques années pour permettre désormais aux étudiants, dans certaines conditions, des changements d'orientation et des équivalences de diplômes pendant leur parcours de formation. Bref, aider à l'orientation de son enfant aujourd'hui exige de l'opiniâtreté, du sang-froid et une grande capacité d'adaptation. Il existerait, dit-on, près de soixante-dix baccalauréats différents...
On pourrait se réjouir de l'ampleur et de la diversité de l'offre de formation si l'on constatait que l'éducation continue de jouer le rôle d'ascenseur social qu'elle avait au siècle dernier. Or, tel n'est plus vraiment le cas. De nombreuses études témoignent d'une tendance lourde à la duplication générationnelle des classes sociales : 70 % des enfants de cadres le seront à leur tour ; 70 % des enfants d'ouvriers le resteront, s'ils ont la chance de trouver un emploi. La moitié des élèves des classes préparatoires sont des enfants de cadres supérieurs ou de professionnels libéraux ; un fils de cadre a douze fois plus de chance d'accéder à une grande école qu'un fils d'ouvrier 78 ( * ) .
En dépit d'un classement international qui, là encore, a tendance à se dégrader, il n'est pas contestable que la France dispose toujours d'excellentes filières de formation, via notamment le processus de recrutement sélectif des classes préparatoires ou des grandes écoles et grâce au haut niveau d'enseignement qui y est dispensé. Mais ce chemin de l'excellence ne bénéficie qu'à un nombre très, trop, restreint d'étudiants . Le sentiment général recueilli par le rapporteur auprès des instances européennes est que le modèle britannique offre l'avantage de donner sa chance au plus grand nombre, sans opérer une sélection sociale aussi marquée : le fait est qu'il produit davantage de diplômés et sait leur inculquer plus d'enthousiasme et d'encouragements qu'il n'est habituel dans nos procédures d'enseignement. Faut-il se résoudre à cette image compassée d'un système où « 98 % des jeunes Français ne trouvent pas, au cours de leurs études, la motivation qu'on aurait dû leur insuffler » ? 79 ( * )
4. Une adaptation laborieuse aux nouvelles techniques d'enseignement
a) Les nouvelles méthodes de diffusion du savoir
À ce jour, il faut se rendre à l'évidence, pour s'en étonner : l'école française n'a pas vraiment modifié ses méthodes de production et de pédagogie du savoir. En gros, la relation continue de s'établir sur la base d'une classe d'une trentaine d'élèves, d'un enseignant, d'un livre 80 ( * ) , d'un cahier et d'un stylo.
Si l'on transportait, à notre siècle, les professionnels d'il y a cent ans, une secrétaire, un chirurgien, une photographe ne pourraient pas exercer aujourd'hui son métier. Un instituteur, si.
Pourtant, le développement des nouvelles technologies a ouvert de manière spectaculaire le champ des possibles pour la dispensation des enseignements mais celles-ci demeurent encore insuffisamment répandues en France, notamment au stade de la période de scolarité obligatoire 81 ( * ) . On peut d'ailleurs comprendre que l'intrusion de ces technologies et la confrontation possible aux informations aisément disponibles sur Internet, en tant qu'elles modifient le rapport maître-élève, soient perçues comme une violence par les enseignants : une copie corrigée peut désormais être mise en ligne et diffusée, ce qui les expose tout particulièrement à la critique 82 ( * ) .
Cela étant, un effort important de formation des enseignants a été engagé pour les sensibiliser à ces nouvelles pratiques, notamment par le centre national de documentation pédagogique (CNDP) 83 ( * ) .
Accompagner la formation continue des professeurs des écoles Depuis le mois d'octobre 2013, le ministère de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche propose un nouveau dispositif de formation continue des enseignants du premier degré intitulé M@gistère, utilisant des supports numériques dans le cadre de sessions de formation à distance « tutorées » et interactives. Réalisés par la direction générale de l'enseignement scolaire, avec le concours de l'inspection générale et du centre national de documentation pédagogique, ces modules de formation continue seront mis à la disposition des formateurs du premier degré pour conduire des actions de formation auprès de tous les professeurs des écoles dans le cadre des heures dédiées à l'animation pédagogique et à la formation continue. Les enseignants disposeront d'une grande liberté d'organisation pour suivre ces formations en se connectant depuis le lieu de leur choix. Fondées sur des échanges permanents entre enseignants et formateurs, ces formations à distance pourront se prolonger durant les périodes d'animation en circonscription, organisées par les inspecteurs de l'éducation nationale, avec l'appui des conseillers pédagogiques de circonscription et départementaux. |
Il convient de souligner, par ailleurs, que la loi du 8 juillet 2013 d'orientation et de programmation pour la refondation de l'école de la République fixe, au travers de la création d'un « service public du numérique éducatif », le cadre de développement du numérique à l'école. Son article 6 précise notamment que l'objectif est de « proposer aux enseignants une offre diversifiée de ressources pédagogiques, des contenus et des services contribuant à leur formation ainsi que des outils de suivi de leurs élèves et de communication avec les familles ».
À cette fin, le réseau Scérén, dont la tête de pont est le CNDP, a changé de nom et s'appelle, depuis 2014, Canopé, le « réseau de création et d'accompagnement pédagogiques ». Cette refondation s'accompagne d'une nouvelle offre éditoriale qui se veut davantage en adéquation avec les attentes de la communauté éducative.
Par ailleurs, cette observation d'une lenteur à l'appropriation des nouvelles méthodes de transmission des savoirs se vérifie moins dans l'enseignement supérieur, où l'on assiste depuis peu, à l'explosion des cours en ligne 84 ( * ) .
Mooc et Spoc Les Mooc, « massive open online courses », sont des formations massives et ouvertes au niveau international, dispensées, en général gratuitement via Internet, par des universités ou des grandes écoles. Version moderne de l'enseignement à distance, elles ne délivrent pas de diplôme, mais parfois des certificats d'assiduité. Elles consistent en la mise en ligne de cours spécifiquement conçus pour ce mode d'usage et de diffusion, assortis le plus souvent d'exercices d'application, et qui ne sont pas particulièrement destinés à un public d'étudiants. Cette formule ayant pour inconvénient une tendance au décrochage des élèves, se sont ensuite créés les Spoc, « small private online classes », séquences pédagogiques privées, donc payantes, en ligne, également interactives et accordant une labellisation du savoir. |
Le traditionnel enseignement à distance, délivré par le Cned 85 ( * ) , s'est également adapté aux nouvelles techniques pédagogiques de cours en ligne. Il a récemment adopté un plan stratégique pour les années 2012-2015 afin de développer un programme d'interactivité en 24/24. La différence avec le e-learning résidant dans l'accompagnement de l'élève ou de l'étudiant par un professeur qui l'assiste tout au long de son parcours d'acquisition des connaissances, l'accent est mis sur la formation des enseignants, tout à la fois en présentiel et en ligne. Tel est l'enjeu de « l'hybridation entre l'enseignement et le numérique », a indiqué son directeur.
De même, il faut souhaiter, pour assurer les performances technologiques de ses étudiants, que l'enseignement professionnel ait également su s'approprier ces nouvelles méthodes d'apprentissage. C'est en tout cas le voeu du rapporteur à l'issue d'un déplacement à Cologne, il est vrai dans un pays qui constitue, pour toute l'Europe, le modèle le plus performant en matière de formation professionnelle des jeunes générations.
Un exemple : l'entreprise allemande Lucas-Nülle Créée en 1979, cette société est spécialisée dans la conception, la fabrication et la vente du matériel de formation destiné à équiper les établissements accueillant des jeunes en apprentissage dans les secteurs de l'électricité, l'électronique, des automatismes, de la mécatronique, des techniques de communication, de l'entraînement et de l'automobile. Elle assure aussi la formation des formateurs, tous ses systèmes étant accompagnés de cours d'apprentissage interactifs assistés par ordinateur. Leader sur le marché international, elle réalise 85 % de son chiffre d'affaires à l'exportation dans plus de cent pays. |
Quoi qu'il en soit, il est clair que l'on peut classer l'enseignement parmi les grands métiers de demain...
b) Le débat connaissances versus compétences
La question de savoir ce que l'école doit enseigner est au centre de débats qui dépassent largement le thème de l'employabilité future des élèves d'aujourd'hui. La délégation se limitera donc ici à évoquer ce sujet que d'autres ont, plus qu'elle, vocation et capacité à trancher.
Connaissances ou compétences, que transmettre ? « La question de la transmission scolaire a toujours fait débat. Le vieil affrontement entre tenants de l'instruction et ceux de l'éducation resurgit aujourd'hui, à travers de virulentes critiques de la notion de compétences. « Il n'est guère de question plus centrale pour l'école que de définir ce que l'on juge bon et nécessaire d'y transmettre aux élèves. Depuis plusieurs décennies, les débats autour de ce que l'école doit transmettre sont marqués par une opposition polémique : faut-il transmettre aux élèves des compétences - savoir prélever une information dans un texte, par exemple - ou des savoirs - leur faire apprendre une récitation par coeur ? Cette opposition recouvre sans nul doute des positions idéologiques, mais elle soulève aussi de vraies questions pédagogiques et philosophiques. [...] » L'école et le monde du travail « La carrière de la notion de compétence débute en France à l'orée des années 1980, après que nombre de critiques ont ébranlé l'école. Elle devait accepter de ne plus avoir le monopole de la transmission des connaissances et admettre que les savoirs scolaires ne sont ni sacrés ni indiscutables. [...] Les débats se nichent aussi dans un contexte de relatif dégel entre l'école et le monde du travail et d'efforts pour revaloriser les formations professionnelles. » La science contre le marché « En France, la charte des programmes de 1992 consacre la notion de compétences exigibles en fin de formation, et le programme devient ainsi un "contrat d'enseignement", avec un élève que la loi d'orientation de 1989 place "au centre du système". « D'emblée, la notion de compétence a suscité des réticences. Les enseignants sentaient bien qu'elle véhiculait subrepticement une conception différente des savoirs et du rôle de l'école, en promouvant un apprentissage en acte, un bricolage jugé à son efficacité en quelque" sorte et que tout élève autonome pouvait réussir. [...] « Depuis les années 2000, la critique de l'approche par compétences prend une nouvelle tournure : ne consacre-t-elle pas une entrée en force du néolibéralisme à l'école ? Dans un monde du travail où les qualifications requises sont imprévisibles et variées, le travailleur, pour être efficace, doit se mobiliser, se montrer flexible et polyvalent. Et c'est bien pour répondre à ces besoins de l'économie et soutenir la croissance économique, suprême arbitre, que l'OCDE s'est investie dans les questions de formation, encourageant les États à rationaliser leurs systèmes éducatifs pour doter les jeunes des compétences dont ils auront besoin dans leur vie, en premier lieu professionnelle. » [...] * « Si les débats savoirs versus compétences sont si vifs, c'est parce qu'ils interrogent la nature, l'ambition et les modalités d'une éducation qui ne se réduit pas à la transmission de savoirs. La notion de compétence a le mérite d'expliciter les objectifs que l'on vise et par conséquent d'ouvrir le débat sur ce que doit être le projet éducatif de notre école. » Source : Marie Duru-Bellat - « Apprendre. Pourquoi ? Comment ? », Éditions Sciences Humaines, sous la direction de Véronique Bedin et Martine Fournier |
* 75 Plus récemment encore, une enquête publiée en mai 2014 indiquait une dégradation très préoccupante des savoirs des élèves en fin de cycle primaire, notamment en lecture et compréhension de textes.
* 76 L'OCDE classe dans la catégorie « en difficulté » ceux qu'elle estime dénués des compétences suffisantes pour poursuivre des études ou participer, de manière efficace et productive, à la vie de la société.
* 77 Objectif fixé en 1985 qui n'était peut-être pas le plus judicieux mais la délégation ne fait pas de rétrospective.
* 78 CGSP - Rapport « Quelle France dans dix ans ? » - Contribution au séminaire gouvernemental du 19 août 2013.
* 79 Audition de la CCIP, 21 mars 2013.
* 80 Avec, au passage, les critiques que l`on peut opposer aux stéréotypes de genre qui figurent encore trop souvent dans les manuels scolaires comme le montrent les travaux, en cours, de la délégation sénatoriale aux droits des femmes (cf auditions du 30 janvier et du 20 février 2014).
* 81 On peut notamment se reporter, sur ce point, à la contribution d'André Tricot « École numérique : de quoi parle-t-on ? » dans Apprendre. Pourquoi ? Comment ? Éditions Sciences Humaines, avril 2014.
* 82 L'ouvrage de Michel Serres « Petite Poucette », Le Pommier, mars 2012, analyse, avec optimisme, comment le numérique est en train de modifier, dans la société actuelle, les rapports traditionnels.
* 83 Audition du 25 novembre 2013.
* 84 Le compte rendu de l'audition de Frank Pacard, directeur général adjoint à l'enseignement de l'École polytechnique par la délégation, le 4 juin 2013, qui figure en annexe, fait état des réalisations en cours.
* 85 Centre national d'enseignement à distance, dont le principe existe depuis 1939. Entendu par le rapporteur lors d'un déplacement sur le site du Futuroscope le 25 novembre 2013. L'enseignement à distance compte actuellement environ 72 000 élèves de moins de seize ans en période de scolarité obligatoire, 20 000 étudiants dans l'enseignement supérieur et 120 000 personnes en parcours de formation tout au long de la vie, notamment en reprise d'études, dont 75 % sont des femmes.