B. UNE TUTELLE ENCORE IMPARFAITE
1. Une tutelle dont les outils ne sont pas suffisamment utilisés
Si les outils sont bien identifiés, tous les musées nationaux ayant le statut d'établissement public n'en disposent pas encore . C'est notamment le cas des contrats d'objectifs et de performance. Entendue par votre rapporteur spécial, la directrice des musées de France a indiqué que 85 % des crédits délégués en subvention par le ministère de la culture et de la communication aux musées nationaux sont actuellement couverts par un contrat d'objectifs.
Il convient toutefois de nuancer quelque peu cette affirmation : les contrats d'objectifs et de performance des musées du Louvre et d'Orsay couvraient la période 2011-2013 et sont en cours de renouvellement pour la période 2015-2017. En outre, d'après les informations transmises à votre rapporteur spécial, le musée Guimet, le château de Fontainebleau et le Centre Pompidou ne disposent pas encore d'un contrat d'objectifs (COP), bien que le ministère de la culture et de la communication ait indiqué qu'un projet de COP sur la période 2015-2017 devrait être élaboré en 2014 pour ces trois établissements. Quant au musée Picasso, aucun projet de COP n'est prévu pour le moment .
De façon plus générale, la tutelle a indiqué que « dans les établissements ne disposant pas de COP, ceux-ci sont en phase d'élaboration, selon une procédure qui peut s'étendre sur une année, avec réunions plénières de validation des grandes étapes (diagnostic puis axes stratégiques). Compte tenu des effectifs du bureau du pilotage des musées nationaux 14 ( * ) et du nombre de COP à élaborer pour la période 2015-2017, des priorités et un calendrier de travail sont en cours de définition 15 ( * ) ».
2. Des points à clarifier et des lacunes à combler
a) Quel doit être le rôle de la tutelle financière dans l'élaboration des contrats d'objectifs et de performance ?
La tutelle des opérateurs de l'État est très éclatée puisque chaque ministère est responsable de ses opérateurs et a sa propre façon d'exercer la tutelle . La direction du budget exerce la tutelle financière et budgétaire des opérateurs, et introduit dans ce paysage éclaté une dose d'unification et d'harmonisation dans les pratiques.
Le rôle de la direction du budget dans l'exercice de la tutelle est surtout primordial dans le cadre de la construction et de l'exécution du budget des opérateurs. Elle vérifie à cette occasion le respect des règles budgétaires qui leur incombent. Au-delà, elle peut avoir son mot à dire sur les décisions stratégiques des gros opérateurs, qui peuvent avoir une incidence budgétaire.
Pourtant, bien souvent, son rôle reste trop effacé dans l'élaboration des contrats d'objectifs et de performance des musées . Certes, ces documents ne constituent pas des contrats de moyens fixant une trajectoire pluriannuelle de ressources 16 ( * ) . Il n'en reste pas moins que la direction du budget n'est pas signataire des contrats d'objectifs de tous les opérateurs. Elle a ainsi indiqué qu'elle ne signait le document que s'il prévoyait une trajectoire financière pluriannuelle.
Dans ces conditions, on peut s'interroger : quels doivent être les rôles respectifs de la tutelle métier exercée par le ministère de la culture et de la communication et de la tutelle financière exercée par Bercy dans l'adoption des contrats d'objectifs des musées nationaux ?
Votre rapporteur spécial estime que les rôles respectifs de la tutelle métier et de la tutelle financière en la matière devraient être rééquilibrés, et ce d'autant plus que l'implication accrue de la seconde est susceptible de garantir une forme bienvenue d'harmonisation dans l'exercice de la tutelle de l'État sur ses opérateurs .
Dans tous les cas, il est indispensable que la tutelle, lorsqu'elle est exercée par plusieurs ministères, n'aboutisse pas à des incohérences : l'État doit parler d'une seule voix. Pour cela, il est impératif que le ministère du budget et le ministère de la culture se mettent d'accord en amont sur les décisions les plus lourdes relatives aux opérateurs culturels les plus puissants .
b) L'absence problématique de comptabilité analytique ou son caractère encore trop lacunaire
Votre rapporteur spécial déplore que la comptabilité analytique lacunaire, voire inexistante, des musées - qui n'est pas le propre de ceux-ci mais de la plupart des EPA de l'État - constitue une limite à l'amélioration du dialogue de gestion entre le ministère du budget et les opérateurs culturels tels que les musées nationaux. La Réunion des musées nationaux-Grand Palais, de par son statut d'établissement public et commercial et son activité plus commerciale, apparaît en avance à cet égard.
La plupart des musées invoquent un défaut de compétence pour justifier cette situation. Des marges de progression importantes existent pour estimer les coûts complets de chaque établissement . Votre rapporteur spécial souhaite ici relayer une demande récurrente de la direction du budget et de la Cour des comptes visant à ce que les musées se dotent d'une comptabilité analytique .
Une piste serait notamment de pouvoir établir une comptabilité analytique des ressources liées aux expositions temporaires par rapport aux ressources issues des collections permanentes , afin d'affiner le pilotage budgétaire des musées.
Si ces derniers attirent, voient leur fréquentation augmenter et jouissent d'une situation financière relativement solide, il n'en reste pas moins qu'ils sont confrontés aujourd'hui à un contexte économique et culturel en profonde évolution qui les oblige à adapter leur modèle et notamment à rechercher une diversification de leurs ressources propres.
* 14 Six agents, dont trois avec un profit administratif et trois conservateurs du patrimoine.
* 15 Source : réponse au questionnaire de votre rapporteur spécial.
* 16 A la différence des contrats d'objectifs et de moyens.