B. HISTORIQUE DES POLITIQUES TEMPORELLES EN FRANCE
En France, les premières réflexions sur une modulation temporelle apparaissent dès la fin des années 1950 afin de répondre aux phénomènes de pics dans les transports en commun dus à l'étalement urbain, mais également en matière de demande en énergie. En 1958, le ministre des Travaux publics et des Transports, M. Buron, crée le comité national pour l'aménagement des horaires de travail afin de réfléchir à une désynchronisation des activités. Parmi les principales mesures mises en place à l'époque, on peut citer le début des journées continues dans certains secteurs ou encore l'instauration de tarifs préférentiels aux heures creuses de consommation d'électricité. Selon le rapport « le temps de l'aménagement » remis au ministère de l'Équipement en 1977, cette mesure a permis une baisse de 5% de la consommation d'électricité au moment des fortes demandes, équivalant à un gain de six mois sur les programmes d'investissement.
Si le comité national pour l'aménagement des horaires de travail s'essouffle progressivement, jusqu'à disparaître à la fin des années 1960, un autre organisme prend le relais en Île-de-France, à l'initiative du district de la région parisienne en juillet 1966 : le comité pour l'étude de l'aménagement des horaires de travail et des temps de loisirs dans la région parisienne (CATRAL). Il met en place deux groupes de travail, le premier consacré à « l'aménagement des horaires journaliers » et le second à « l'étalement des congés annuels ». Un troisième sera créé en 1972, relatif à « l'aménagement des jours de repos hebdomadaires ».
Des actions de sensibilisation auprès des entreprises sont menées ainsi que des expériences concrètes. Ainsi, à l'automne 1970, une expérimentation est mise en place dans un arrondissement à Paris : le mercredi, les guichets des administrations restent ouverts au public jusqu'à 20 heures et, dans le même temps, les commerces organisent des nocturnes le même soir. Toutefois, cette expérience est stoppée au bout de six mois en raison de problème organisationnels.
Les années 1970 sont également l'occasion du développement du concept de « l'horaire variable ». Celui-ci permet au salarié de déterminer de façon autonome et quotidienne le début et la fin de sa journée de travail, tout en conservant le principe de la présence obligatoire durant une période de temps bloqué, prédéterminé et uniforme.
En mai 1975, le Premier ministre instaure une commission chargée d'un rapport sur l'aménagement du temps. Présidée par M. Labrusse, elle étudie plus particulièrement quatre points :
- généraliser l'horaire variable ;
- favoriser le travail à mi-temps ;
- assouplir les congés en fin de semaine ;
- étaler les vacances.
À la suite de ce rapport est créée auprès du ministère de la Qualité de vie une mission pour l'aménagement du temps, tandis que dans 14 villes, des comités locaux pour l'aménagement du temps sont créés.
Les années 1980 sont également une époque de réflexion sur le temps libre, comme en témoignent des essais tels que la révolution culturelle du temps libre 49 ( * ) , ou encore l'instauration en 1981 du ministère du Temps libre.
Dans les années 1990, le chantier est repris par la DATAR. En 1999 un groupe de travail sur « le temps libre et les dynamiques spatiales » est mis en place, ainsi qu'un groupe de travail sur le « temps et les territoires ». Un programme intitulé le fonds national d'aménagement et de développement du territoire est mis en place, pour subvenir à des actions dans dix territoires. 1,8 million de francs sont consacrés par territoire, somme financée à parts égales par l'État et les collectivités.
L'alinéa VII de l'article 1 er de la loi du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail constitue la première -- et à ce jour l'une des seules -- incursion de la loi en matière de politiques temporelles.
Ainsi, au début des années 2000, les politiques temporelles suscitent un véritable intérêt, comme en témoigne la rédaction de plusieurs rapports : celui rédigé à la demande du ministre délégué à la Ville et de la secrétaire outre celui de votre rapporteur déjà cité, on peut également mentionner celui du comité économique et social de Jean-Paul Bailly et Edith Heurgon sur « les nouveaux rythmes urbains », celui du CERTU sur « l'émergence des politiques temporelles en France et en Europe, les temps de la ville et les modes de vie ». En septembre 2001, lors du Festival de la ville à Créteil, le Premier ministre réaffirme la nécessité d'une politique des temps et annonce la création d'un fonds de soutien aux politiques temporelles devant fonctionner sous la forme d'un appel à projets auprès des collectivités territoriales.
Toutefois, ces initiatives nationales s'essouffleront, suite au changement de majorité, et de nouvelles priorités sont données à la DATAR.
Le relais est alors repris à nouveau par les collectivités territoriales, parmi lesquelles certaines ont déjà mis en place des politiques temporelles depuis plusieurs années, voire des décennies. Afin de capitaliser les informations recueillies au fil des différentes actions menées, plusieurs d'entre elles décident, en 2004, de se regrouper au sein d'une association appelée Tempo territorial . Cette dernière est aujourd'hui la seule association et institution à l'échelle nationale s'occupant de politiques temporelles ; hommage doit être rendu à ses adhérents et actions.
* 49 La révolution culturelle du temps libre, 1968-1988, Joffre Dumazedier, Edition Meridiens-Klincksieck, 1988.