Rapport d'information n° 558 (2013-2014) de M. Edmond HERVÉ , fait au nom de la délégation aux collectivités territoriales, déposé le 22 mai 2014

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N° 558

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2013-2014

Enregistré à la Présidence du Sénat le 22 mai 2014

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation (1) sur les politiques temporelles des collectivités territoriales ,

Par M. Edmond HERVÉ,

Sénateur.

(1) La délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation est composée de : Mme Jacqueline Gourault, présidente ; MM. Claude Belot, Christian Favier, Yves Krattinger, Antoine Lefèvre, Hervé Maurey, Jean-Claude Peyronnet, Rémy Pointereau et Mme Patricia Schillinger, v ice-présidents ; MM. Philippe Dallier et Claude Haut, secrétaires ; MM. Jean-Etienne Antoinette, Yannick Botrel, Mme Marie-Thérèse Bruguière, MM. François-Noël Buffet, Raymond Couderc, Jean-Patrick Courtois, Michel Delebarre, Éric Doligé, Mme Anne-Marie Escoffier, MM. Jean-Luc Fichet, François Grosdidier, Charles Guené, Edmond Hervé, Pierre Jarlier, Georges Labazée, Joël Labbé, Gérard Le Cam, Jean Louis Masson, Rachel Mazuir, Jacques Mézard, Mme Renée Nicoux, MM. André Reichardt, Bruno Retailleau, Alain Richard et Jean-Pierre Vial.

AVANT-PROPOS

Comment l'utilisation de notre temps, de nos temps peut-elle être la plus utile, pour soi et pour tous, et contribuer à une qualité de vie individuelle et collective ?

La question semble évidente et pourtant, pour de multiples raisons, elle n'a pas toujours la place qu'elle mériterait d'avoir dans notre démocratie, en particulier au moment où nos concitoyens s'interrogent sur leurs conditions de vie et le rôle des politiques.

Pour y répondre, il faut tout d'abord avoir une claire perception de ce temps.

Nous sommes à l'ère des temps multiples, différenciés, concurrents et inégaux.

Temps multiples : nous savons distinguer le temps de travail et le temps hors travail mais il nous faut également penser aux temps de formation, de transport, de famille. Au temps civique, au temps domestique, au temps pour soi.

Temps différenciés : chacun de ces temps est hétérogène, discontinu. Pensons au temps de travail avec ses successions d'activités, de formation, de chômage...Un même temps peut dépendre de plusieurs employeurs.

Temps concurrents : comment concilier travail et formation, travail et loisirs ?

Temps inégaux : première des inégalités : la durée de vie ; la valeur du temps travaillé n'est pas la même pour tous. Le temps des femmes n'est bien souvent pas celui des hommes.

Il existe des temps durables, d'autres éphémères, prévisibles ou imprévisibles. Il y a le temps de la durée et celui de l'urgence, le temps de la nature et celui de la machine.

De nouveaux temps sont à prendre en considération : le temps de la nuit, le temps du numérique, le temps de la fin de vie...

Tout ceci traduit les mutations de notre société. Temps et lieu, temps et activité ne coïncident plus automatiquement.

Il ne faut pas en rester à cette approche théorique. Bien souvent, la contrainte temporelle la plus pesante est celle liée aux enfants. La disponibilité des parents et l'impression d'être pris dans un étau temporel dépend des horaires d'accueil des structures prenant en charge la petite enfance et de l'accueil périscolaire tout comme des horaires de travail. Une part non négligeable de la population peut être concernée. Lors des auditions, il a été souligné que dans certaines villes, comme Montpellier, près de 22% de la population active était impactée par la réforme des rythmes scolaires, proportion à laquelle doit être ajoutée la part des parents d'enfants en bas âge.

Chaque ville a son identité démographique. À titre d'exemple, souvenons-nous de Saint-Denis : 49 % de moins de 30 ans ; 30% de familles monoparentales ; 7 % de croissance ; 34% de personnes travaillant sur place.

La plupart de « nos » temps sont décidés. Par qui ? Et quelle est notre part dans cette fixation ?

Cette interrogation d'autant plus justifiée que le temps - trop souvent - peut être facteur d'inégalité, d'injustice, de disparité, de désordre, de régression.

Comment convient-il de procéder pour tendre vers d'autres aboutissements ?

Nombreux sont les acteurs publics et privés ordonnateurs de temps : l'État, les administrations, les entreprises... Le présent rapport sera consacré à la place des collectivités territoriales dans l'aménagement des temps, à ce que l'on appelle les politiques temporelles territoriales.

Ce thème n'a pas l'importance de l'aménagement de l'espace. Or espace et temps sont intimement liés, volontairement ou involontairement.

Lorsque le département a été créé, il s'agissait bien d'une invention « spatio-temporelle ». Cette collectivité était définie géographiquement à partir d'une mesure temporelle : tout citoyen devait pouvoir accéder au chef-lieu de son département en une journée de voyage à cheval : » ce système de découpage traduit à la fois un principe égalitaire, une volonté de suprématie urbaine et l'introduction d'un système de quantification » 1 ( * ) .

Au cours des dernières décennies, la politique d'aménagement du territoire va connaitre un développement remarquable. L'une de ses finalités ? Nous retrouvons le temps : il faut s'émanciper du temps, gagner du temps.

C'est affaire de politique routière, ferroviaire, aérienne 2 ( * ) . C'est aussi affaire de techniques d'information et de communication. Avec la décentralisation, l'émergence de « l'intelligence territoriale », la recherche d'autonomie personnelle, de proximité, une nouvelle approche de nos temps se fait jour.

Il nous faut répondre à une question : comment utiliser au mieux, individuellement et collectivement tous ces temps qui occupent notre vie. Comment les maîtriser ? Comment les aménager ? Il y a toujours eu des questions sur le temps mais ce qui est nouveau, intéressant et nécessaire c'est de s'interroger sur la globalité de ces temps.

Fin des années 1990, début des années 2000, le monde de la recherche s'est emparé de ce sujet 3 ( * ) , notamment grâce à des praticiens plus particulièrement sensibilisés.

À la demande de Nicole Pery (secrétaire d'État aux Droits des femmes et à la Formation professionnelle) et de Claude Bartolone (ministre délégué à la Ville), votre rapporteur rédigeait un rapport remis le 19 juin 2001 intitulé « Temps des Villes ». Ce titre mérite précision. Hier « campagne », « rural », « agricole » constituaient des synonymes décrivant un mode de vie conjuguant proximité de l'activité, voisinage, partage générationnel de l'habitat, autarcie, unité territoriale, dominance du triptyque travail - famille - religion.

Pendant longtemps, le temps rural présent et futur a ressemblé au temps passé. Nous étions dans une société stable. Le monde rural de la fin des années 1940 et du début des années 1950 était plus proche de celui de la fin du XIX e siècle que des années 1960.

Aujourd'hui, le mode de vie urbain a grandement influencé le milieu rural. Un processus économique, culturel, institutionnel s'est généralisé, qu'il s'agisse du rapport aux services, aux institutions, aux rythmes de vie. Même si des différences demeurent (pensons au principe d'accessibilité et aux inégalités territoriales qui en résultent, la gestion des temporalités relèverait plus du particulier, de l'individuel que du collectif) le phénomène de métropolisation est là, avec ses avantages et ses inconvénients.

Dans leur lettre de mission qui faisait suite à un colloque intitulé « Temps des femmes, temps des villes » (organisé à Poitiers en mai 2000), les ministres invoquaient l'égalité entre les hommes et les femmes, la réduction du temps de travail, l'évolution de l'emploi...Des facteurs qui créaient « les conditions d'une nouvelle approche des modes de vie urbains . » Il était précisé : « beaucoup reste à faire pour que services et publics se conjuguent dans le sens d'une meilleure qualité de vie, pour que le travail soit vécu par tous et toutes sur un autre mode qu'une course contre la montre, pour que les transports urbains ne soient pas du temps gaspillé et pour que le temps gagné le soit au profit de tous, notamment pour un meilleur accès à l'éducation, aux loisirs et à la culture. C'est pourquoi, il convient d'innover et de préparer les adaptations nécessaires dans nos villes pour que la vie des habitants ne soit plus une succession de contraintes au rythme imposé et subi et soit sensiblement améliorée. Il s'agit de prendre en compte le temps des villes à l'image des expériences menées avec succès dans certaines villes européennes. »

Innover, adapter : une nouvelle approche des temps s'impose.

I. UNE APPROCHE NOUVELLE : LA GLOBALITÉ DES TEMPS

En introduction de son rapport de 2001, votre rapporteur signalait cinq grands changements : l'allongement de la vie, la mutation du travail, l'irruption de nouvelles technologies de l'information et de la communication, la mutation des comportements et la mobilité. Constater des changements relève de l'objectivité mais dans une logique d'action, il nous faut saisir les enjeux. Le constat fait en 2001 reste d'actualité plus de dix ans après, et s'est même accentué.

A. LES TEMPS CHANGENT

La présente partie rappellera l'analyse faite en 2001 puis s'efforcera de montrer l'accentuation des changements constatés alors.

« Hier, trois temps accaparaient les anciennes générations : le temps du travail, le temps de la religion et celui de la famille. La mobilité était restreinte. »

1. L'allongement de la vie

En 2001, votre rapporteur avait dressé le constat suivant :

L'allongement de la vie, conjugué à d'autres facteurs, rend caduque la trilogie des principaux âges d'hier :

- l'enfance, temps de formation ;

- la maturité, temps de travail ;

- la vieillesse, temps de repos.

Si le temps de l'enfance demeure marqué par le temps scolaire (répétitif en primaire, alternant au collège, cours et heures libres, reste inchangé et chargé, soumis à des préoccupations d'adulte alors que le temps de celui-ci s'est beaucoup modifié) il s'est allongé 4 ( * ) . Le temps de formation lui-même s'étend, se fractionne. On parle de société éducative, consacrant éducation permanente et continue.

La vie professionnelle a perdu de son uniformité avec le chômage, la précarité, les mutations.

L'entrée dans le troisième âge se fait graduellement. Le passage de l'activité professionnelle vers l'inactivité professionnelle est progressif (cessation progressive d'activité, préretraite, chômage de fin de carrière). La France est l'un des pays où la population de plus de cinquante ans est la plus faiblement employée.

Si le troisième âge commence donc plus tôt, constituant un véritable marché économique, le quatrième âge, à partir de 75 ans, relève plus de l'institutionnel et des services 5 ( * ) .

Une décennie plus tard, cette analyse est toujours d'actualité. En effet, de manière générale, l'espérance de vie à la naissance est supérieure à 84 ans. Elle a augmenté entre 1981 et 2011 de 8 ans pour les hommes et de 6,5 ans pour les femmes.

Le temps consacré au travail a diminué. Jean Viard, dans son éloge à la mobilité 6 ( * ) , estime qu'au XIX e siècle, l'espérance de vie d'un ouvrier ou d'un paysan était de 500 000 heures. Il travaillait 200 000 heures, soit 40% de son temps de vie et 70% de son temps éveillé. Seules 100 000 heures étaient consacrées au temps libre. En 2002, l'espérance de vie est passée à 700 000 heures. Le temps consacré au travail, pour avoir une retraite complète sur la base de 42 annuités avec une durée légale du travail de 35 heures par semaine, est de 67 000 heures. Cela représente 9% de notre temps de vie et 16% de notre vie éveillée. En ce qui concerne le temps libre, il est passé de 100 000 heures à 400 000 heures : il a été multiplié par quatre en l'espace de 150 ans.

2. La mutation du travail

Le travail a évolué dans sa durée, sa nature, son contenu et son genre.

a) La durée du temps de travail

Le rapport de 2001 s'inscrivait dans un contexte particulier : la mise en place des 35 heures.

La réduction du temps de travail en Europe est une tendance de long terme. Au XIX e siècle, on travaillait 4 000 heures par an, contre 1 500 heures 7 ( * ) aujourd'hui.

Elle a pour objectif l'amélioration de la condition des travailleurs, la création d'emplois. Elle doit intéresser le temps de vivre.

Interrogés sur les effets de la mise en oeuvre des accords de réduction du temps de travail, 59% des bénéficiaires déclarent une amélioration, 28% estiment que « rien n'a changé » et 13% y voient une dégradation.

Le gain peut prendre la forme d'une demi-journée par semaine ou d'une journée par semaine ou par quinze jours. Le plus souvent le jour choisi est le vendredi, le mercredi ou le lundi.

Si l'on recourt à des congés supplémentaires, ils sont accolés aux week-ends, aux vacances scolaires et aux congés normaux 8 ( * ) .

La flexibilité se développe avec un standard parmi d'autres : la semaine de quatre jours.

Le taux de chômage baisse mais la précarisation demeure avec les emplois à temps partiel, les emplois intérimaires, les contrats à durée déterminée et la dérégularisation des horaires.

Or, tant le passage aux 35 heures que l'évolution de la société et de l'emploi a conduit à un développement des horaires de travail atypiques. En France, comme le rappelle l'enquête de la DARES de 2009 sur les horaires atypiques et contraintes dans le travail , la norme sociale implicite veut que l'on arrive à son travail le matin, que l'on parte en fin d'après-midi, dans les deux cas à des horaires prévus, et que l'on ait deux jours de repos le week-end. Mais cette norme sociale ne représente plus que partiellement la réalité : selon l'enquête « conditions de travail » de l'INSEE en 2005, près de deux salariés sur trois travaillent selon des horaires qualifiés d'atypiques. L'atypie est de plusieurs natures :

- le travail de nuit : selon l'article L. 3122-29 du code du travail, « tout travail entre 21 heures et 6 heures est considéré comme travail de nuit » ;

- le travail les samedis, dimanches ou jours fériés ;

- une amplitude horaire journalière inférieure à cinq heures ou supérieure à huit heures ;

- l'absence d'une journée continue avec une pause le midi : temps morcelé, fragmenté, avec des coupures d'une durée variable ;

- un rythme de travail irrégulier.

7% des salariés ont une activité à forte variation saisonnière , ce qui se traduit par des durées de travail plus longues ou plus courtes à certaines périodes de l'année. C'est notamment le cas dans les secteurs de l'agriculture, de la construction, mais aussi dans celui des biens de consommation et du service aux entreprises.

Selon l'INSEE, en 2010, 15% de la population travaillait la nuit, ce qui représente 3,5 millions de personnes, soit un million de plus que dix ans auparavant. C'est d'ailleurs le travail habituel de nuit qui est en forte augmentation. En effet, en 1991, 3,4% des salariés travaillaient la nuit de manière habituelle, contre près de 7,5% en 2005. A l'inverse, le travail occasionnel la nuit a fortement baissé, passant de plus de 10% en 1998 à moins de 8% en 2005. Le travail des femmes la nuit a également augmenté : en 1991, elles représentaient un cinquième des salariés travaillant la nuit, contre un quart en 2005. En outre, ces chiffres sous-estiment la réalité, dans la mesure où la définition du travail de nuit de l'INSEE est plus restrictive que celle du code du travail : est considéré comme du travail de nuit pour l'INSEE celui effectué de minuit à 5 heures du matin.

S'agissant du travail le dimanche, plus de 28% des salariés déclarent travailler le dimanche, dont la moitié de manière régulière. Le pourcentage de personnes travaillant le dimanche de manière habituelle est d'ailleurs en augmentation depuis 1990. Selon le récent rapport de Jean-Paul Bailly sur le travail dominical 9 ( * ) , cela s'explique par la forte croissance de la permanence des services de santé et médico-sociaux. La part des femmes travaillant le dimanche a également augmenté. On constate que le pourcentage de femmes salariées travaillant habituellement le dimanche est plus élevé que celui des hommes salariés (14,2% contre 11,2%). Enfin, presque la moitié des personnes en situation d'emploi travaille le samedi.

L'enquête de la DARES distingue six catégories de salariés en fonction de leurs horaires :

- les salariés aux horaires normaux, qui représentent 37%;

- les salariés aux horaires habituellement décalés, qui travaillent en majorité dans les métiers en contact avec le public, représentent 19,1% des salariés. La principale contrainte est due à un travail habituel le week-end et/ou le dimanche ;

- les salariés aux horaires occasionnellement décalés représentent 10,2% des salariés. La contrainte horaire principale est le fait de travailler occasionnellement en fin de semaine et/ou la nuit ;

- les salariés aux horaires variables en cours d'année, dont l'activité fluctue en fonction de l'activité saisonnière, représentent 6,7% des salariés ;

- les salariés aux horaires longs et flexibles, principalement les cadres, représentent 9,5% des salariés. La principale contrainte résulte de la longueur de la journée et de son imprévisibilité horaire ;

- les salariés à temps partiel représentent 17,5% des salariés. Ils sont le plus souvent soumis à des journées hachées, à des horaires imprévisibles et à un travail le week-end. Il est à noter que la proportion de salariés à temps partiel a doublé en 20 ans.

L'étude réalisée par Kéolis en 2007 10 ( * ) , sur les mutations de la société française traduit bien l'évolution des rythmes de travail et la fin d'une synchronisation de la société. Ainsi, seuls 35% des salariés arrivent et quittent leur travail aux heures de pointe. 35% des salariés ont une durée de travail qui varie selon les jours de la semaine et 60% des actifs n'ont pas les mêmes heures d'entrée et de sortie au cours de leur semaine de travail. Seuls 50% des salariés travaillent du lundi au vendredi et 47% des salariés interrogés bénéficient de RTT, dont 79% les prennent librement. En région parisienne, avec la mise en place des 35 heures, on a vu croître de 16% les départs des Parisiens le jeudi soir par le train, comme le note Jean Viard, faisant écho aux premiers constats dressés en 2001.

En outre, dans les faits, pour beaucoup de salariés, cette diminution du temps de travail n'a pas entraîné une modification des horaires de travail hebdomadaires : ils continuent à travailler 40 heures par semaine mais bénéficient de jours de congés supplémentaires.

Le tableau suivant est repris de l'enquête de la Dares de mai 2009 sur les horaires atypiques et contraintes dans le travail 11 ( * ) : une typologie en six catégories. Les chiffres sont tirés de l'enquête conditions de travail de l'Insee de 2005. Le tableau, dont le champ est constitué par les salariés, se lit comme suit : 21,5% des salariés de la catégorie « horaires normaux » ont une durée de travail supérieure à 40 heures hebdomadaires.

Contraintes d'horaire des différentes catégories de salariés (en pourcentage)

Catégories
de salariés

Horaires normaux

Horaires décalés habituels

Horaires décalés occasionnels

Horaires variables en cours d'année

Horaires longs et flexibles

Horaires à temps partiels

Ensemble

Durées hebdomadaires de 40 heures
et plus

21,5

29,8

26,5

22,6

74,2

1,8

25,2

Dépassements d'horaires fréquents sans compensation

14,3

21,8

11,9

14,4

55,7

12,4

19,1

Reçoit des appels professionnels hors du temps
de travail

8,6

12,3

14,3

3,6

31,7

11,4

12,2

Soumis à
des astreintes

9,1

10,5

14,1

2,1

22,3

3,8

9,8

Emporte du travail chez soi

3,6

14,4

9,3

7,2

32,7

7,9

10,0

Commence le travail avant 7h

12,4

20,6

17,3

14,3

2,8

4 ,0

12,7

Termine le travail après 20h

4,5

14,1

2,4

0,9

11,3

8,0

7,2

Travaille habituellement
la nuit

4,6

22,3

5,0

4,0

1,3

2,9

7,3

Travaille occasionnellement la nuit

3,8

7,9

29,3

3,2

13,6

2,8

7,9

Travaille habituellement
le samedi

6,5

96,8

0,0

4,7

1,3

30,3

26,6

Travaille occasionnellement le samedi

7,6

0,3

98,6

27,7

44,4

13,8

21,4

Travaille habituellement
le dimanche

0,4

48,8

0,0

2,2

0,7

12,4

11,9

Travaille occasionnellement le dimanche

2,5

13,9

59,9

8,7

24,1

10,3

14,3

Ne connaît pas ses horaires pour la semaine à venir

9,4

8,4

10,6

3,6

25,1

9,7

10,3

Horaires fixés
par l'entreprise

69,6

81,5

74,7

73,1

4,4

64,0

65,4

Horaires libres

2,7

7,5

4,9

1,8

73,9

12,6

12,3

Modulation de la durée du travail

9,4

24,0

17,5

99,9

31,2

24,7

23,9

Ensemble

37,1

19,1

10,2

6,7

9,5

17,5

100

b) La nature du travail

En 2001, votre rapporteur notait que « le travail industriel classique perd[ait] de sa prééminence. 60 à 70% des emplois se situ[aient] dans les activités de service ». Entre l980 et 2007, l'industrie française a perdu 2 millions d'emplois, tandis l'emploi dans les services marchands augmentait de 53%. 12 ( * ) Or, la transformation d'une société industrielle en une société dont le modèle économique repose sur le tertiaire entraîne de nouvelles contraintes temporelles. L'économie de services repose sur une coproduction, une coordination entre celui qui exécute le service et le bénéficiaire, alors même que le besoin s'exprime souvent en amont ou en aval des heures traditionnelles de travail (garde d'enfants, loisirs, ...). Cela conduit à une rupture d'unité de temps et participe à la fin de la synchronisation de la société.

c) Le contenu du travail

Le travail a tendance à devenir plus dense (moins de temps pour accomplir une même tâche), exigeant plus de polyvalence. C'est pourquoi il est impossible de s'intéresser au temps de travail sans s'intéresser à ce que contient ce temps. 13 ( * )

d) Une nouvelle parité

En 2001 déjà était dressé le constat d'une présence accrue des femmes sur le marché du travail.

Une majorité de femmes s'inscrivent sur le marché du travail. En 1962 le taux d'activité des femmes de 25 à 49 ans était de 41,5% ; il est aujourd'hui de 80%. Les femmes représentent 45% de la population active, contre 35% au début des années 1960.

Pour Dominique Méda 14 ( * ) , « elles sont désormais durablement installées dans le travail et plus diplômées que les hommes et, pourtant, les inégalités entre hommes et femmes au travail restent considérables ».

Ces inégalités consistent en une surreprésentation des femmes dans le chômage, dans les formes particulières d'emploi (C.D.D., intérim, stages et contrats aidés), la moindre réussite hiérarchique, l'infériorité salariale. Force est de constater que la société ne s'est pas adaptée - ni culturellement, ni institutionnellement - à cette transformation.

Ces mutations de temps de travail, et donc de l'économie, libèrent un temps hors travail important, sans pour autant que la vie des personnes en soit automatiquement facilitée.

Les femmes sont tout spécialement concernées : les évolutions de la vie, de la famille, une mixité limitée de la fonction parentale font qu'elles ont beaucoup de difficultés à conjuguer les temps de l'activité professionnelle, du conjoint, des enfants et de soi.

Avec la flexibilité et l'individualisation du travail, nous sommes face à une désynchronisation effective, lourde de conséquences pour qui s'intéresse au temps de la ville.

En outre, la centralité du travail demeure, même si notre politique de solidarité nous en libère et que, politiquement, le déterminisme des modes de vie semble l'emporter sur celui des modes de production, tout au moins parmi les jeunes générations 15 ( * ) .

L'emploi salarié féminin a continué à croître. Aujourd'hui en France près de 84% des femmes de 25 à 49 ans sont actives, soit une progression de quatre points en dix ans, et l'un des taux d'emploi féminin les plus élevés de l'Union européenne. Or il s'agit aussi de la période où les femmes sont susceptibles d'avoir de jeunes enfants. Elles s'arrêtent donc de moins en moins souvent de travailler pour s'occuper de ces derniers. L'augmentation du taux d'activité des femmes est d'ailleurs un objectif de l'Union européenne.

En France, le nombre de couples biactifs est en augmentation, entraînant une baisse du modèle de la famille centrée autour du seul salaire de l'homme. La proportion des couples biactifs a augmenté de presque 6 points entre 1990 et 2002, passant de 52 % à 58 %. Elle dépasse aujourd'hui les 60%, imposant une nouvelle organisation des tâches, notamment la garde des enfants 16 ( * ) . Le manque de temps est cité comme étant pour les parents source de stress 17 ( * ) . « 26 % des pères et 38 % des mères, qu'ils ou elles soient en couple ou en situation de monoparentalité, affirment souffrir de ce stress ». C'est ce que souligne également le rapport de la commission des Pays-Bas sur « l'aménagement des temps quotidiens » en 1998 18 ( * ) : « La journée entière se passe à prendre des dispositions, à planifier, à organiser. Cela commence tôt le matin. Les enfants doivent être habillés à temps, les sandwichs préparés et les livres de classe rangés dans les cartables. Chacun doit impérativement être amené au bon endroit à la bonne heure : un enfant à la crèche et l'autre à l'école. Puis c'est la course pour se rendre au travail. La dernière heure de la journée, l'attention se fixe constamment sur l'horloge, pour ne pas arriver en retard à la crèche » .

Enfin, la proportion de familles monoparentales augmente. En 2007, 13,5% des enfants en France vivaient avec un seul de leurs parents. Selon l'OCDE, ce nombre devrait augmenter de 23% d'ici 2030.

3. Les nouvelles technologies

L'utilisation des nouvelles technologies est sans commune mesure par rapport à 2001. Il était d'ailleurs à l'époque inimaginable de prévoir un développement aussi rapide, tant en ce qui concerne la part de couverture de la population que l'utilisation qui en est aujourd'hui faite. Cependant à l'époque déjà, les nouvelles technologies influençaient le temps.

Même si leurs utilisations sont imprévisibles (cf. l'usage du minitel et du téléphone portable), nous savons qu'elles abolissent les distances, les lieux, les temps et les horaires. Elles rapprochent les activités. Elles peuvent mettre à la disposition de chacun une somme infinie d'informations, modifiant substantiellement nos pratiques et nos comportements. Elles créent de nouvelles formes de mobilité. Ainsi bouleversent-elles notre propre vie domestique, le rythme de nos achats, l'organisation de nos déplacements et nos pratiques culturelles. Elles rendent plus floues les frontières classiques entre travailleurs indépendants et salariés contractuels. Elles créent de nouvelles continuités entre privé et professionnel, entre temps de travail et temps hors travail.

Ces techniques ne se substituent pas les unes par rapport aux autres, elles s'additionnent.

Mettent-elles en cause le phénomène de l'urbanisation ?

Certains ont cru que la modernité technique allait provoquer le retour des citadins à la campagne : au début des années 80, des observateurs ont pensé que les télécommunications allaient opérer ce transfert. Ils ont évoqué le développement du télétravail (travail à domicile) et le télé-pendulaire (travail en alternance bureau-domicile).

Ces effets délocalisateurs n'ont pas eu lieu. Loin de défaire la ville, les nouvelles technologies de l'information et de la communication la renforceront tout en modifiant substantiellement son fonctionnement. Ajoutons que la personne humaine a besoin de rencontres, de communications personnelles directes, affectives, interactives. Rien ne remplacera la négociation interpersonnelle. Toute communauté a besoin de festivités. D'où l'importance dans la ville des places publiques.

Historiquement, le dynamisme métropolitain s'est toujours servi de la modernité.

Culturellement, celle-ci reproduit les réseaux hiérarchiques existants. Le téléphone en fournit un exemple particulièrement probant : il n'a pas empêché la diminution de la population rurale, indépendamment des avantages qu'il apportait. La ville a sa propre dynamique. Elle se sert et se servira des nouvelles techniques qui sont et seront de plus en plus présentes, diversifiées et massives 19 ( * ) .

Aujourd'hui, la présence des technologies de l'information et de la communication dans notre environnement professionnel, comme dans notre vie quotidienne et familiale est sans comparaison possible avec la situation d'il y a dix ans. Ainsi, au quatrième trimestre 2013, 75,7 millions de cartes SIM étaient en service en France, un nombre en progression de 4,9% en un an et un taux de pénétration (ratio entre le nombre de cartes SIM et la population française) de 117,1%. Afin de voir encore mieux cette évolution, on peut rappeler qu'en 2001, on franchissait pour la première fois la barre symbolique du milliard de SMS envoyés au cours d'un trimestre. Au dernier trimestre 2013, ce sont plus de 51,6 milliards de SMS qui ont été envoyés. Le trafic des données émises et reçues ainsi que la consommation moyenne de data sont en pleine explosion. Au dernier trimestre 2013, la consommation moyenne mensuelle de data était de 221 mégaoctets par client, soit une augmentation de 70,1 % en un an. Cela s'explique par l'arrivée de la 3G et de la 4G sur les téléphones portables permettant le transfert de données, allant de la consultation et l'envoi de mails, à l'envoi de photos et vidéos, ou encore l'organisation de visioconférences.

Enfin, de manière tout aussi symbolique, le recours aux publiphones est de plus en plus faible : 9 millions de minutes au quatrième trimestre 2013, contre 15 millions au quatrième trimestre 2012. A titre de comparaison, au dernier trimestre 2001, on dénombrait 456 millions de minutes de communication. En conséquence, le nombre de publiphones diminue : nous sommes ainsi passés depuis le dernier trimestre 2013 sous la barre des 100 000 appareils (94 455 unités). Pour mémoire, ce chiffre était de 215 471 au dernier trimestre 2001.

4. La mutation des comportements

Une tendance à l'autonomie, à l'individualisation émerge dans notre société. On veut vivre en pensant à soi. Les sociologues considèrent cette tendance comme un mouvement de fond, durable, analogue au temps libre, qu'on retrouve dans la majorité des nations riches, libérales, sociales, démocratiques.

Aux origines de cette tendance, citons :

- la disparition de la société industrielle taylorienne caractérisée par ses rythmes massifs et standardisés ;

- le déclin de l'influence des modes de production sur le comportement ;

- l'importance du temps hors travail ;

- le recul des grandes appartenances religieuses, syndicales et politiques ;

- le déplacement des centres d'intérêts politiques ;

- une meilleure formation avec une pluralité d'orientation ;

- une dé-standardisation de la consommation ;

- une diversité des offres culturelles ;

- une croissance des valeurs de permissivité (par rapport à la sexualité, à la famille, à la religion) et l'affaiblissement du principe de transcendance.

Chacun souhaite être acteur de sa propre vie, avoir son mot à dire en tant qu'habitant, citoyen, contribuable, travailleur, parent, enfant, suivre autant que possible son propre rythme avec pour conséquences l'irrégularité, la variabilité, la diversité. Ceci se répercute à l'intérieur du domicile, chacun souhaitant avoir son propre espace, vivre à son rythme personnel.

La recherche de sphères de liberté n'empêche pas, bien au contraire, des appartenances multiples (de territoires, de fonctions, d'intérêts).

Ce mouvement vers la liberté - autonomie qui se nourrit du respect de soi et des autres ; n'est synonyme ni de solitude, ni d'égoïsme ; il n'est pas contraire au vouloir « vivre ensemble », à l'universalisme.

La vie associative, coopérative, mutualiste demeure active. L'économie sociale, l'économie solidaire, la demande de services publics conservent leur intensité.

Chaque jour, nous voyons que nos compatriotes sont capables de se mobiliser. De nouvelles solidarités se créent. L'opinion n'est pas insensible. Les urbains sortent. Les gens voyagent 20 ( * ) .

5. La mobilité

Elle conditionne la liberté. L'assigné à résidence est exclu.

Nos lieux de travail peuvent être multiples, diversifiés, tout comme nos lieux de loisirs, de services, de commerces, d'intérêts. « Nos lieux », mais également ceux des enfants, de l'époux, de l'épouse, du compagnon, de la compagne. Et les horaires de fréquentation différents.

Nos appartenances territoriales ne sont plus uniques. Nous pouvons être d'une rue, d'un quartier, d'une commune, d'une agglomération, d'un pays, d'une région, d'une communauté, d'un mouvement, d'une association. Cette multi-appartenance fonde notre identité. Mobilité encore avec la notion de parcours résidentiel, de parcours professionnel. Nous avons besoin d'accéder à différentes centralités : commerciales, artisanales, scientifiques, culturelles, patrimoniales, festives.

Le dualisme centre-périphérie, tout comme le tryptique « métro-boulot-dodo » perdent de leur impact. La mobilité permet d'habiter la ville, de tisser des liens avec l'extérieur. A la ville de faire vivre cette mobilité, socle de la liberté et de l'égalité.

Si la mobilité est une fonction urbaine, elle apparaît également comme une valeur, un mode de vie 21 ( * ) .

En 1982, les Français parcouraient en moyenne 17,4 km chaque jour de la semaine. Ils en parcouraient 25,2 km en 2008. La distance quotidienne parcourue a ainsi augmenté de 2,1 km entre 1994 et 2008, et le temps consacré aux transports de 1,6 minute sur la même période. Les populations se déplacent plus loin, mais aussi plus vite, en raison du développement des infrastructures de transport : la longueur du réseau autoroutier est passée d'environ 5 300 km en 1980 à 8 300 km en 1995, puis à 11 054 km en 2008. Le réseau TGV inauguré en septembre 1981, a vu sa longueur passée de 1 574 km en 1994 à 1 847 km en 2008. On citera aussi l'inauguration récente (2007) de la ligne à grande vitesse de l'Est.

L'augmentation des vitesses de déplacement permettant d'aller aujourd'hui plus loin dans un même laps de temps est facteur d'étalement urbain. C'est pourquoi, les politiques d'aménagement du territoire doivent, en plus de l'approche spatiale traditionnelle, travailler sur et prendre en compte les vitesses de mobilité dans les territoires.

En outre, 10% des Français déménagent tous les ans, le taux de mobilité variant en fonction de l'âge. Le graphique ci-dessous répertorie la mobilité des personnes par tranche d'âge. Mis à part les moins de 25 ans, dont la forte mobilité s'explique par la poursuite d'études, la mobilité des autres tranches d'âge est liée à des changements d'ordre professionnel ou familial.

Source INSEE

L'une des conséquences de cette mobilité accrue est que seuls 7% des grands- parents gardent leurs petits-enfants au quotidien.

B. LES ENJEUX DE LA MAÎTRISE DU TEMPS (EXTRAITS DU RAPPORT DE 2001)

La définition et la mise en oeuvre des politiques temporelles ont un objectif majeur, global et transverse : la qualité de la vie pour tous.

La maîtrise des temps conditionne nos différents droits et tout spécialement le droit à la ville.

C'est en cela que la réflexion active et décisionnelle sur les temps contribue à la modernité sociale. Ainsi comprise, une politique des temps vise :

1. L'équilibre entre temps de travail et temps hors travail

Nous avons toujours eu une approche très instrumentaliste du temps de travail : au service de l'emploi, de l'efficacité, de la richesse économique. Aujourd'hui, nous devons être à la recherche de l'équilibre avec les autres temps (en Suède, on est dans l'inversion : le temps hors travail est privilégié).

Cette recherche d'équilibre débouche sur des conflits qu'il faut résoudre. Temps de travail, temps social, temps de loisirs, temps familial, temps civique, temps pour soi sont non seulement compatibles mais utiles, complémentaires et nécessaires. Il nous faut aujourd'hui négocier entre temps de travail et temps de culture, temps d'éducation et temps de formation.

Hier, le premier temps était déterminant, exclusif ; aujourd'hui, il n'est plus que l'un d'entre eux.

2. L'égalité homme femme

Nous partons d'un constat simple : le temps partiel, le chômage, l'infériorité des salaires, l'infériorité hiérarchique professionnelle concernent principalement les femmes alors même qu'elles ont un niveau d'études supérieur. De surcroît, leur taux d'accès à la formation professionnelle continue est moindre. Parallèlement, le travail domestique demeure très largement féminin 22 ( * ) .

Il en résulte un sentiment d'injustice, une perte de bien-être social. La société ne tire pas profit du niveau d'éducation des femmes, pas plus que celles-ci sur le plan personnel ; les enfants subissent à leur tour les conséquences des conditions de travail de leur mère. Cette égalité concerne donc le travail mais également les services, le temps hors travail avec tout ce qui peut faciliter et rendre compatibles le temps familial, parental, personnel.

3. La concordance des temps

Un premier défi nous sollicite : comment adapter les services publics - et tout spécialement leurs horaires - aux évolutions de la société ?

Comment rapprocher le temps des uns et le temps des autres ?

Ceci est vrai des équipements de quartiers comme des services culturels : que se passe-t-il si le temps libre de leurs agents correspond à celui des usagers potentiels ?

Recherche de concordance du fait de l'évolution de la nuit : la rupture entre le jour et la nuit n'a plus la brutalité d'hier. La nuit se banalise. En effet, le temps de la nuit est tout à la fois un temps de travail, de loisir et de repos : comment les faire vivre en un même lieu, simultanément ? 23 ( * )

Une concordance est à rechercher entre les horaires de transport et ceux des écoles, entre les trajets longs (TGV) et les trajets courts (omnibus). Concordance, c'est-à-dire correspondance, afin de réduire les effets de la désynchronisation.

Ces recherches impliquent directement l'espace et participent à son attractivité, à sa qualité.

L'acteur économique y demeure particulièrement sensible.

4. L'égalité des personnes

Si la plus grave des inégalités demeure celle qui se rapporte à l'espérance de vie, nous voyons bien les inégalités qui proviennent des différences de temps de loisirs, de culture, d'éducation, de formation.

Le temps de transport et ses conditions influencent également la santé des personnes.

Quant au temps civique, il n'est pas le même pour tous. Tout le monde n'est pas à égalité pour choisir ses horaires, accéder à tel ou tel service, travailler volontairement à temps partiel.

Les personnes les moins fortunées continuent d'être les plus éloignées de leur travail et rencontrent donc le plus de difficultés pour la garde et l'accompagnement de leurs enfants.

La conciliation d'une activité professionnelle avec une vie familiale équilibrée ne va pas toujours de soi. À titre d'exemple, demandons-nous si les horaires des hommes et des femmes de ménage dans nos administrations sont acceptables.

Certains peuvent concilier leurs temps et d'autres pas, or chacun y a droit, au nom de la qualité de la vie, au nom de l'égalité. C'est tout l'enjeu de la politique des temps.

Fracture sociale, fracture informatique et fracture temporelle se cumulent. L'organisation du temps procède de l'intérêt général.

5. La création de temps communs dans la ville

La population a besoin de pouvoir se retrouver. Une ville vit d'affectif, d'émotion, de liesse, de souvenir, de recueillement. Elle a besoin pour cela de grands rendez-vous. C'est affaire de politique événementielle culturelle, sportive, patrimoniale, de politique festive, d'inaugurations, de portes ouvertes, de journées découvertes... que ce soit à l'échelle d'une tour HLM, d'une rue, d'un quartier, de la ville, de l'agglomération ou de la région.

C'est affaire de civisme : en respectant les jours de mémoire patriotique, en participant aux rendez-vous sociaux et politiques.

C'est affaire de service : décidant, par exemple, d'un jour de la semaine où toutes les administrations sont ouvertes aux mêmes heures.

Le thème du temps est inséparable d'un projet politique, d'un modèle de civilisation urbaine à construire. Transversal, il n'omet pas la dimension économique. Il convient de ne pas céder aux emportements de l'instant ou aux lois du marché pour appréhender au mieux la demande de temps.

Le temps doit devenir objet d'un projet politique, qui lui-même ne peut être que collectif.

La connaissance des besoins de temps, des demandes de temps en est le socle. 24 ( * )

***

Comment faire pour être au plus près des aspirations des personnes de manière égalitaire, en fonction de leurs modes de vie et des mutations de la société ? Le rapport de 2001 faisait référence à l'agence des temps de Poitiers, créée en mars 2001 25 ( * ) et au projet « Maison du temps et de la mobilité du Territoire de Belfort »

Votre rapporteur terminait ses travaux en 2001 par des « suggestions de chantiers » : « temps et aménagement de la ville », « temps des femmes et temps des hommes », « temps et enfants », « temps et personnes âgées », « temps des services publics », « temps et déplacements », « temps et commerce », « temps et processus décisionnel ». Finalement, en réfléchissant sur « le temps des villes », nous cherchons à mieux profiter de la ville.

Au cours de la première décennie de ce siècle, nombreuses sont les collectivités territoriales qui s'investissent dans la démarche temps, par la création de « bureaux des temps », d'» agences des temps », de « missions temps »...

L'Institut des Villes confiera à Jean-Yves Boulin, chercheur au CNRS et spécialiste du sujet, la rédaction d'un ouvrage de synthèse - Villes et politiques temporelles (2008) qui fera le point « des initiatives prises en France et en différents pays européens, explicitant les enjeux et les objectifs des politiques temporelles mises en oeuvre, les motivations des protagonistes, les méthodes et les outils utilisés, la portée et les limites de ces politiques . 26 ( * ) »

De nouvelles pratiques, des rencontres et des publications enrichissent le champ des politiques temporelles qui sont et seront tout aussi incontournables que légitimes. Un excellent réseau se crée sous forme d'association : Tempo Territorial 27 ( * ) .

Plus récemment un excellent ouvrage - Urgences temporelles, l'action publique face au temps de vivre (2013) - propose un bilan actualisé des politiques publiques conduites principalement par les collectivités territoriales 28 ( * ) . Il nous met en face de « la capacité des habitant-es à maîtriser leurs temps » , et de la responsabilité des décideurs. Les auteurs en appellent à l'urgence d'une régulation publique de tous les « générateurs de rythmes ».

Dans sa contribution, Dominique Royoux, président de l'association Tempo Territorial écrit très justement que la compréhension du fonctionnement de nos sociétés passe par « une analyse de l'espace scandé par des rythmes multiformes, la désynchronisation, la recherche de la simultanéité des pratiques et de la mutualisation d'équipements, l'accessibilité différenciée 29 ( * ) ».

Ces approches contemporaines des temps, fruits d'initiatives libres et décentralisées, humanistes et qualitatives, pragmatiques et frappées du bon sens, ont une même filiation.

II. UNE FILIATION COMMUNE

Cette filiation prend ses sources dans la grande cause historique et sociale que représente la réduction du travail et ses finalités attendues.

A. LA RÉDUCTION DU TEMPS DE TRAVAIL : SENS ET CONTROVERSES

La revendication des ouvriers américains pour la journée de huit heures est à l'origine du 1 er mai. Pendant près d'un siècle et demi, l'objectif du monde du travail a été de limiter son temps pour pouvoir bénéficier d'un temps de ressourcement et de liberté. Pendant longtemps, le travail ne fut ni compté, ni mesuré : seul son rapport importait.

En 1848, le gouvernement provisoire de la République, cédant à la pression populaire, s'engage à garantir le travail à tous les citoyens. Un décret du 28 février 1848 fixe la durée de la journée de travail à 10 heures à Paris et à 11 heures en province. Cette disposition restera lettre morte. Plus tard la journée de travail des enfants fera débat. Le 1 er mai 1906, une grève générale eut lieu pour revendiquer la journée de huit heures.

Le 13 juillet 1906 une loi est votée sur le repos hebdomadaire et la fermeture obligatoire des commerces le dimanche.

Le Front Populaire introduit la semaine de 40 heures et quinze jours annuels de congés payés. En 1981, les 39 heures hebdomadaires sont instaurées. En 1997, la durée légale du travail hebdomadaire passe à 35 heures, seuil déclenchant le calcul des heures supplémentaires. La flexibilité s'invite dans le champ juridique et social. L'optimisation du temps de travail devient incontournable, ce qui n'est pas sans conséquences sur le temps hors travail. S'agissant de notre société de services, un temps hors travail peut correspondre à un temps de travail des autres !

En toile de fond de ces réductions de temps de travail existe un objectif général : faire cesser l'exploitation du travailleur, favoriser le respect de sa personnalité, de sa santé, servir son ressourcement, son épanouissement et celui de sa famille, par l'accès au repos, à une politique de loisirs entendue comme source de liberté, de culture, de citoyenneté et non d'oisiveté.

Léo Lagrange, sous-secrétaire d'État aux Loisirs et aux Sports du gouvernement du Front Populaire, personnifiera cette philosophie qui appartient à notre modèle républicain.

Le gouvernement Mauroy lui sera fidèle avec la création en mai 1981 d'un ministère du Temps Libre confié à André Henry, pour qui le droit aux loisirs a autant de dignité que le droit au travail.

Le nouveau ministre aspire à porter le changement « dans les conditions et les rythmes de travail, dans la conception du logement, dans les temps de transports, dans la conception de la ville, dans les moyens de distraction, de culture, de sport, de convivialité. » 30 ( * )

Au nom de la qualité de la vie, de l'unité de la personne, du progrès, il importe de maîtriser son temps, de conquérir un temps libre, de l'organiser, de promouvoir l'Éducation permanente.

André Gorz, philosophe, penseur critique, journaliste, essayiste, apportera sa contribution à cette philosophie en plaidant pour « une civilisation du temps libre libéré », pour « une culture des temps disponibles » fondée par une distribution juste du temps libéré 31 ( * ) .

Il part de ce constat : « nous ne vivons plus dans une société de producteurs, dans une civilisation du travail. Le travail n'est plus le principal ciment social, ni le principal facteur de socialisation, ni l'occupation principale de chacun, ni la principale source de richesse et de bien-être, ni le sens ni le centre de nos vies. Nous sortons de la civilisation du travail pour entrer dans une civilisation du temps libéré. » 32 ( * )

Pessimiste, il estime que nous sommes : « incapables de civiliser le temps libéré qui nous échoit et de fonder une culture du temps disponible et une culture des activités choisies pour relayer et compléter les cultures techniciennes et professionnelles qui dominent la scène. »

Avec beaucoup de lucidité, il écrit : « l'emploi stable, à plein temps, durant toute l'année et toute la vie active, devient le privilège d'une minorité ». 33 ( * ) _ftn9

Il évoque pour l'avenir une source d'emplois : les services à la personne...qu'il s'empresse cependant ensuite de contester. André Gorz considérait le service à la personne comme l'achat d'un temps à quelqu'un « pour augmenter ses propres loisirs ou son confort . » Ce qui n'est rien d'autre, écrivait-il, que « d'acheter du travail de serviteur », qui mène « à la paupérisation d'une masse croissante de gens ».

Il ne voit pas un progrès social dans la substitution de services professionnels rémunérés pour des activités que chacun d'entre nous pourrait assumer lui-même grâce à une partie du temps libéré. Et de plaider une diminution du temps de travail avec « partage équitable des tâches domestiques entre l'homme et la femme » . 34 ( * ) _ftn10

Adversaire résolu d'une réduction du temps de travail pour lutter contre le chômage par le partage - et celui, pensait-il, des salaires - André Gorz aimait à citer Peter Glotz, penseur politique allemand : « une utopie concrète [...] pourrait mobiliser des millions de gens : la réduction de la durée du travail, conçue non pas seulement comme l'instrument technocratique d'une plus juste répartition du travail mais comme la voie vers une société différente procurant aux gens plus de temps disponible. La chance historique qui nous est ici offerte ne s'est encore jamais présentée à l'humanité : faire en sorte que le temps dont chacun dispose pour sa quête de sens soit plus important que le temps dont il a besoin pour son travail, ses créations et son repos. »

Conclusion d'André Gorz : la libération du temps n'a de sens « que si elle accroît la prise en charge par chaque personne et communauté de sa propre existence, de son cadre de vie, de la vie de la cité, de la définition et du mode de satisfaction de ses aspirations et désirs, des modalités de la coopération sociale. » 35 ( * ) _ftn11

Les controverses existent mais force est de reconnaître que la contestation des 35 heures n'a pas amené ses auteurs à leur suppression.

Les 35 heures sont instituées dans un contexte de chômage massif (1997 : 3 millions de chômeurs). Le débat porte alors sur le coût de la mesure, le nombre d'emplois créés et de chômeurs en moins, le nombre et la portée des accords signés, les conséquences sur la productivité, l'investissement.

Le 16 septembre 2003, dans le journal Les Echos , le MEDEF écrit : « revenir sur les 35 heures apparaît comme une cause de troubles plus grands que d'avantages espérés. »

Plus récemment, Dominique Méda, titulaire de la Chaire Reconversion écologique, travail, emploi et politiques sociales de l'Université Paris Dauphine, a livré des conclusions intéressantes au journal Libération du 31 octobre 2012. Elle estime - à la différence d'André Gorz - que la réduction du temps de travail reste une solution pour lutter contre le chômage, et repenser notre modèle de développement et notre rapport au travail. Elle constate, statistiques à l'appui, que les 35 heures n'ont pas, chez nos compatriotes, entamé la valeur travail.

Elles y ajoutent simplement de nouvelles exigences.

B. NOUVELLE APPROCHE, NOUVELLES EXIGENCES

Tout au long des Trente Glorieuses, une pensée a dominé : la réduction du temps de travail devait servir le développement des loisirs, une « civilisation des deux » devait éclore et s'installer.

Par la suite, la croissance du chômage nous a fait privilégier l'emploi par rapport au travail.

Le rapport d'Alain Minc en 1994 est particulièrement représentatif de ce mouvement : il plaide pour le temps partiel et la mobilité 36 ( * ) _ftn12 .

La lutte contre le chômage ne saurait nous faire oublier des attentes légitimes.

Retrouvons Dominique Méda : « L'un des principaux enjeux des années à venir est de savoir s'il est possible - et souhaitable - de satisfaire les immenses attentes qui pèsent sur le travail, particulièrement portées par les jeunes et les femmes : des attentes expressives et relationnelles, des attentes de réalisation et d'expression de soi dans le travail, mais aussi de meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée. »

« Meilleur équilibre » : il faut s'intéresser au « travail » et au « hors travail » mais des interdépendances, des influences, des articulations existent. Veillons à ce qu'elles soient bénéfiques. De nombreux facteurs viennent compliquer la tâche. N'y a-t-il pas une nouvelle définition de la durée du travail : « temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives, sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles. » ?

Jean-Emmanuel Ray, professeur à l'école de droit de Paris-I-Panthéon-Sorbonne, y voit le passage d'un temps sur la machine à un temps « à disposition » constituant » le chant du cygne d'une conception liée au travail manuel, où la loi de la pesanteur empêche physiquement d' exporter tout labeur à l'extérieur, où l'étalon de la productivité et du salaire est l'heure de travail. Car comment calculer le « temps de travail effectif » d'un travailleur du savoir , quand au bureau il ne fait que réagir , travaille le soir à la maison et a ses meilleures idées professionnelles pendant ses « vacances » ? Mais s'accorde aussi une demi-heure de présentéisme contemplatif après le déjeuner , et près d'une heure de surf très personnel par jour ?

Avec le créatif forfait-jours (de travail, et de repos), la loi de 2000 a reconnu qu'il était vain de vouloir calculer à la minute près le temps de travail des cadres autonomes. Un dispositif qui remporta un réel succès : dans la communication ou l'assurance, un salarié sur trois l'utilise. Négocié dans la branche Syntec (informatique), à la suite de la censure judiciaire d'un premier forfait-jours, le 26 avril 2013, faute d' avoir assuré » la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos journaliers et hebdomadaires », l'avenant du 1er avril innove : il crée deux entretiens annuels pour suivre leur charge de travail, et une obligation de déconnexion pendant les onze heures de repos journalier et les 35 heures (24 + 11)... de repos hebdomadaire » 37 ( * ) .

Fonctionnement des services publics, des entreprises, organisation du travail, aménagement de l'espace, conditions d'exercice de nos droits... peuvent perturber notre vie, contrecarrer la satisfaction de nos légitimes attentes, mettre en cause les principes d'égalité, de justice, de cohésion, porter atteinte à la bonne utilisation de nos finances... Ce « meilleur équilibre » n'est pas une donnée mais une construction.

Pour l'illustrer référons-nous à quelques situations concrètes :

- l'employeur soucieux de bonne relation ne peut se désintéresser du temps parental. Il doit veiller à réduire le conflit « temps du travail » - « temps parental ». Ce peut être affaire de temps partiel, d'horaires adaptés, d'absences autorisées. La culture du « présentéisme », qui veut qu'on évalue la motivation d'une personne par son temps de présence, va à l'encontre de la bonne entente recherchée ;

- les rythmes scolaires intéressent une pluralité d'acteurs : il faut compter avec les temps de l'enfant, le temps de travail des enseignants, des divers intervenants, le temps des parents (plus ou moins disponibles), celui des services extérieurs à l'école ;

- les horaires d'ouverture des services publics ne peuvent être déconnectés des rythmes, des attentes, des disponibilités des usagers. Il y a dans ce cas risque de délégitimation du service public.

L'observation du vécu ne manque pas de fournir des raisons à ces politiques temporelles territoriales.

Celles-ci obéissent à trois motivations principales :

- la recherche d'égalité des personnes (initialement l'égalité homme-femme) ;

- la recherche d'une qualité de vie (par la coordination des temps) ;

- l'impératif de développement durable (notamment la recherche de l'utilisation optimale des investissements) 38 ( * ) .

Il ne suffit pas que des objectifs aillent de soi : ils demandent à être partagés ; ce qui est affaire de conviction, de persuasion, de portage.

Faisons place à la logique de la demande, rétablissons un équilibre entre elle et l'offre.

Ces démarches seront d'autant mieux assurées qu'elles seront soutenues par une volonté politique forte et une organisation dédiée.

Un tel processus ne peut que favoriser l'existence et l'expression des politiques temporelles publiques territoriales.

Celles-ci ne sont pas des chimères : des pratiques les consacrent, des attentes assurent leur pérennité. La connaissance de ces politiques nous invite à l'engagement.

III. L'ÉMERGENCE DE LA DEMANDE

Si cet impératif a valeur générale, il trouve sa pleine pertinence lorsqu'il s'agit des services publics : il y a lieu de trouver un équilibre entre l'offre et la demande. Cette démarche est à privilégier.

A. UN NOUVEL ÉQUILIBRE OFFRE-DEMANDE

Chacun doit comprendre que « servir le ou les publics » dans le respect des textes qui nous régissent, et de celui des statuts des agents qui participent à cette mission, ne peut s'accomplir qu'en réponse aux attentes de la population.

La question des horaires d'ouverture et de fermeture est posée : le temps des usagers ne saurait être ignoré. Ceci ne saurait être traité unilatéralement, uniformément, invariablement.

Pendant très longtemps, ce thème de l'adaptation des horaires des services publics n'a pas fait débat : la référence à une conception juridique classique l'explique.

En voici la constance : le service public sert l'intérêt général, défini unilatéralement par la puissance publique incarnée par l'État et ses prolongements.

Trois principes s'imposent :

• l'égalité : celle des citoyens, des « administrés », des usagers. La mise en oeuvre fait appel à l'acte unilatéral, à la gratuité et à la neutralité ;

• la continuité : elle découle de la permanence de l'État. Le statut du personnel, la responsabilité de la puissance publique (État, collectivités territoriales) servent ce principe ;

• la mutabilité (ou l'adaptation) : cette approche, plus récente et d'ordre qualitatif, répond à l'évolution des besoins. Ce troisième principe interroge les spécialistes quant à sa valeur juridique, d'autant qu'il semble répondre plus à des règles de gestion qu'à une écoute directe des usagers. Pendant longtemps, les juristes ont eu une conception restrictive de ce principe : le service public, du fait de sa nature, a ses exigences.

Indépendamment de ces remarques, ce dernier principe ouvre, depuis le début des années 1990, une nouvelle orientation qui en appelle à la qualité, à l'accessibilité, à la simplicité, à la rapidité, à la transparence, à la médiation, à la participation, à la responsabilité 39 ( * ) .

Retrouver la logique de la demande ne signifie pas s'aligner systématiquement sur elle. Les demandes sont diverses, elles obéissent à des motivations multiples.

Des inégalités d'expression existent. L'important est de veiller à leur pluralité, d'établir un dialogue, un débat pour aboutir à des priorités, à des décisions et à des mises en oeuvre.

Des lieux, des institutions, des moments, des techniques existent pour conjuguer offre et demande. C'est affaire d'institutions, d'associations, de syndicats, de comités d'usagers, de mouvements de consommateurs.

Pour ce qui concerne notre sujet, il est important de bien cerner le temps de celles et ceux qui travaillent, qui circulent, qui ont des obligations familiales, des contraintes de communication.

La demande peut être celle du jour, celle de la nuit. Elle peut être durable, éphémère, événementielle, prévisible, imprévisible... Elle peut être suscitée par le loisir, la participation démocratique.

Tout projet politique doit répondre à une demande : l'important sera de l'identifier et de se libérer de l'instant, de l'immédiateté, de la pression médiatique qui oublie le futur ; parfois aussi de la susciter : Jean Vilar, soucieux d'un « théâtre service public », s'interrogeait toujours sur le « non public », ce public éloigné de l'art qu'il convenait d'accueillir, d'aller chercher.

Les politiques territoriales décentralisées sont particulièrement intéressées : du fait de leur proximité, de la diversité des situations, de la variation de celles-ci, elles sont les mieux à même de connaître les attentes locales, d'en délibérer et de décider en fonction des éléments dont elles disposent.

B. L'INCONTOURNABLE TRIPTYQUE FONCTIONNEL

Toute politique temporelle en appelle à trois fonctions qui, institutionnellement, peuvent être exercées différemment.

1. Une fonction politique

Eu égard à leur nouveauté, à la diversité des acteurs concernés et à la sensibilité du sujet, le mouvement des temps, ainsi que sa maîtrise, dans ses principes et finalités, implique l'autorité politique.

Les politiques temporelles ont besoin d'être portées politiquement pour convaincre, persuader, sensibiliser, faire appel au besoin du citoyen, pour dénoncer, décider 40 ( * ) . Les politiques temporelles peuvent résoudre des conflits, avoir une fonction de médiation.

Nous sommes là au coeur de la transversalité : plusieurs organisations, acteurs, procédures, personnels sont concernés, de rangs, de statuts, d'influences différents 41 ( * ) . La transversalité est la contrepartie de la spécialisation, de la complexité, de la multi-appartenance, qui sont des phénomènes modernes et incontournables.

Nous ne sommes pas dans le champ de l'unilatéral, de l'ordre vertical unique, mais dans celui du partenariat, du collectif, de la co-construction. Pour que le processus aboutisse, il faut une autorité qui dispose d'une légitimité, d'une durée, d'une capacité à entraîner pour décider, contracter. Une autorité qui porte et fasse partager une philosophie assurée, explicitée.

Un exécutif de collectivité, d'établissement public, un préfet, un président d'établissement consulaire, un directeur d'administration, d'entreprise, un authentique leader ouvert - ou leur délégué - doit se mettre au service de cette politique 42 ( * ) .

À lui de porter, de faire partager cette culture temps et d'y faire adhérer l'ensemble de son institution : le « temps » traverse différents champs d'activités, différents âges, institutions et lieux. Avoir le réflexe « temps » fait partie d'une culture.

Le responsable en charge de ce portage politique pourra se faire aider par un petit nombre de personnes affectées à la fonction temps, qui aideront « l'autorité temps » à veiller à la réussite de deux autres fonctions :

• une fonction d'expertise ;

• une fonction de consultation.

2. Une fonction d'expertise

Pour que cette fonction agisse, il lui faut bien évidemment un plan de travail dans l'élaboration duquel les intéressés doivent avoir leur part.

Expertiser, c'est observer, comprendre, diagnostiquer, connaître, informer, sensibiliser, comparer, évaluer, accompagner, prévoir, prévenir, traduire, écouter, proposer... Un dialogue doit pouvoir se nouer avec le monde de la recherche (là aussi, se pose un problème d'articulation des temps).

Pour illustrer cette série d'actions, imaginons une opération simple : la mise en place d'un guichet unique pour faciliter la rentrée scolaire. C'est affaire de localisation, d'accessibilité, de détachement de personnels, de supports d'informations, d'horaires, de participation des services concernés (communes, État, associations). Cette simple énumération - non exhaustive - illustre la complexité d'une opération a priori banale.

Mais la fonction d'expertise peut concerner des opérations importantes relatives à un plan de déplacement, un SCOT, l'aménagement d'un espace dédié à l'habitat...

Une direction de l'organigramme peut être choisie pour porter l'expertise (ex. : direction générale de la prospective, du développement). Ce peut être une agence de développement, une agence d'urbanisme. En tout état de cause, l'institution experte pourra s'entourer des conseils qui lui semblent nécessaires en recourant à l'extérieur, en sollicitant ses propres réseaux, en y participant. Cette fonction expertise réussira si on ne la considère pas comme extérieure à l'institution. Chaque composant de celle-ci peut lui apporter sa part et être concernée (à l'image de tous les besoins).

3. Une fonction de consultation

La première finalité de cette consultation est de faire prendre conscience aux publics concernés de l'importance des temps, des situations vécues comme étant anormales ou perfectibles, de la maîtrise des temps, des politiques temporelles territoriales.

C'est affaire des porteurs de ces politiques mais aussi des chercheurs, de celles et de ceux qui en ont l'expérience.

À côté de cette consultation pédagogique, nous avons à mettre en oeuvre une consultation pragmatique qui consiste à rencontrer les personnes directement intéressées par une nouvelle organisation, de nouvelles procédures intéressant leurs temps.

Cette consultation-là, faite de vérité, de transparence, conditionne le succès du projet.

Elle doit permettre notamment d'entendre les objections, les questionnements, de prévenir des conflits : des attentes peuvent être contradictoires, tout en étant chacune parfaitement compréhensible et acceptable.

Tout comme les autres fonctions, elle demande beaucoup d'implication, de préparation, d'organisation... sans pour autant se perdre dans des méandres. Nous retrouvons le calendrier. De la manière dont est menée la consultation peut dépendre le succès ou l'échec de la mission (cf. rapport de M. Jean-Paul Bailly sur les exceptions au repos dominical dans les commerces).

Pour conclure ce paragraphe, les politiques temporelles doivent faire l'objet d'une information continue, mise à la portée des décideurs comme du plus grand nombre.

IV. UNILATÉRALITÉ ET NÉGOCIATION

Si le temps est souvent considéré comme une donnée exogène sur laquelle il n'est pas possible d'intervenir, force est de constater que le système normatif français l'influence.

A. LES INCIDENCES NORMATIVES

1. Le rôle de l'État

L'intervention de l'État est multiple. En matière scolaire, c'est la loi et le décret qui fixent le déroulement de l'année scolaire et l'alternance entre les périodes de classe et celles de vacances. En effet, l'article L. 521-1 du code de l'éducation précise que « l'année scolaire comporte trente-six semaines au moins réparties en cinq périodes de travail, de durée comparable, séparées par quatre périodes de vacance des classes. Un calendrier scolaire national est arrêté par le ministre chargé de l'Éducation pour une période de trois années. Il peut être adapté, dans des conditions fixées par décret, pour tenir compte des situations locales ». L'arrêté du 21 janvier 2014 fixe le calendrier scolaire des années 2014-2015, 2015-2016 et 2016-2017. Or, le déroulement de l'année scolaire a des répercussions sur l'ensemble de la société, qu'il s'agisse des dates privilégiées par les salariés pour prendre leurs congés, des périodes de forte influence chez les professionnels du secteur touristique ou encore de la variation des horaires de transports publics ou des horaires d'ouverture des magasins pour tenir compte de l'affluence. Par décret est également déterminé le nombre d'heures de cours par semaine pour les écoles primaires et maternelles, ainsi que le nombre d'heures maximal par jour et par demi-journée. Quant à l'organisation de la semaine, elle est déterminée par le directeur académique des services de l'Éducation nationale, par délégation du recteur (article D. 521-11 du code de l'éducation).

Le temps économique, pour sa part, est fortement influencé par la loi. C'est elle qui détermine le temps de travail hebdomadaire maximal. L'article L. 3121-10 du code du travail fixe à 35 heures la durée hebdomadaire légale de travail effective. L'article L. 3121-33 du même code détermine le temps de pause minimal ainsi que les durées de travail quotidienne et hebdomadaire maximales de travail.

C'est également la loi qui détermine le nombre de jours de congés dont peut bénéficier le salarié (article L. 3141-3 du code du travail).

En outre, ce code définit également un repos quotidien d'une durée minimale de 11 heures ainsi qu'un jour de repos hebdomadaire qui, « dans l'intérêt des salariés, est donné le dimanche » (article L. 3132-3). Toutefois, de nombreuses dérogations existent, lesquelles peuvent être de droit, temporaires ou conventionnelles.

2. Les pouvoirs du maire

Le maire définit les horaires d'ouverture des services municipaux, dans le respect du code du travail. Bien que ses pouvoirs soient limités, il peut intervenir sur les horaires en matière éducative et économique.

Dans le domaine scolaire, le maire peut, après avis de l'autorité administrative responsable, modifier les horaires d'entrée et de sortie des établissements d'enseignement en raison de circonstances locales (art. L. 521--3 du code de l'éducation). Par ailleurs, la commune ou l'EPCI peut transmettre au directeur académique des services de l'Éducation nationale un projet d'organisation de la semaine scolaire. Celle-ci, dans chaque école du département, ne peut être arrêtée par les services de l'État qu'après avis du maire ou du président de l'EPCI (art. D. 521-11 du code de l'éducation).

En matière économique, traditionnellement, le maire, dans le cadre de ses pouvoirs de police, a le soin de « réglementer la fermeture annuelle des boulangeries, lorsque cette fermeture est rendue nécessaire pour l'application de la législation sur les congés payés, après consultation des organisations patronales et ouvrières, de manière à assurer le ravitaillement de la population » (art. L. 2212--2 du code général des collectivités territoriales).

Il peut également, en application de ses pouvoirs de police et en tant que garant de la tranquillité publique, prendre un arrêté municipal interdisant l'ouverture d'un commerce la nuit :

- si celui-ci entraîne des nuisances sonores trop importantes ;

- dans la mesure où il n'existe pas d'autres moyens moins contraignants pour arriver au même résultat ;

- dans la mesure où l'arrêté municipal n'a pas un caractère général et absolu.

Ainsi, le Conseil d'État a jugé légal l'arrêté municipal d'un maire visant à interdire la vente, de 22 heures à 6 heures du matin, par une boulangerie-croissanterie, afin de lutter contre le bruit provoqué par l'afflux des clients au cours de la nuit 43 ( * ) . Des arrêtés similaires ont été pris concernant la fermeture d'un débit de boisson ou d'une station-service vendant des boissons alcoolisées la nuit, en raison des troubles à l'ordre public qu'ils engendraient (cambriolages, violences, tapage nocturne troublant la tranquillité publique).

Mais le maire dispose également de compétences en ce qui concerne l'ouverture des commerces le dimanche : il peut autoriser une ouverture dans la limite de cinq dimanches par an (art. L. 3132-26 du code du travail). Au-delà de cette action directe, une demande du maire est nécessaire dans le cadre de la mise en place de deux autres dérogations dominicales :

- il peut demander le classement de sa commune en commune d'intérêt touristique et thermale ou la définition d'une zone d'affluence exceptionnelle ou d'animation culturelle permanente. Dans les zones qui sont déterminées par le préfet après « avis du comité départemental du tourisme, des syndicats d'employeurs et de salariés intéressés, ainsi que des communautés de communes, des communautés d'agglomération, des métropoles et des communautés urbaines, lorsqu'elles existent » , les établissements de vente au détail peuvent, de droit, donner le repos hebdomadaire par roulement pour tout ou partie du personnel (art. L. 3132-5 du code du travail) ;

- dans les unités urbaines de plus d'un million d'habitants, le conseil municipal peut demander au préfet la délimitation d'un périmètre d'usage de consommation exceptionnel.

Enfin, dans les agglomérations, le maire peut limiter la vitesse de circulation en dessous de celles qui prévalent normalement, comme le prévoit l'article R. 413-1 du code de la route. Toutefois, ces restrictions doivent être motivées par le maire par « des motifs propres à sa localité ». Il doit donc le justifier par des circonstances locales.

Ces références normatives de l'État et du maire n'empêchent pas le recours à l'accord contractuel, à la négociation, au dialogue précédemment cités, à l'animation d'une transversalité nécessaire à la prise en compte d'attentes.

B. LA PLACE DE LA NÉGOCIATION

Dans le rapport Temps des villes , votre rapporteur écrivait : « il y a une large place, au niveau local, pour l'aménagement, l'articulation, l'organisation et la maîtrise de ces temps individuels et collectifs. 44 ( * ) »

Il appartient au maire de chercher à harmoniser les temps dans sa commune.

Celui-ci peut d'ores et déjà intervenir auprès des services municipaux, auprès des entreprises de transport avec lesquelles la commune contracte, auprès des entreprises, dans le cadre, par exemple, d'une charte d'urbanisme commercial, auprès des associations gérant par convention avec la commune des équipements. Sa capacité de négociation, de régulation existe.

L'idéal est que cette dynamique se développe au niveau de l'intercommunalité ou du pays par la mise en place d'une conférence des maires présidée par le président de l'établissement public intercommunal.

Faut-il donner à ce président et aux maires une assise juridique pour l'exercice de ces fonctions ?

Le 7 e alinéa de l'article 1 er de la loi du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail (dite loi Aubry II) apporte une première réponse : « dans les agglomérations de plus de 50 000 habitants, le président de la structure intercommunale, en liaison avec les communes limitrophes, favorise l'harmonisation des horaires des services publics avec les besoins découlant notamment du point de vue de la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale, de l'évolution de l'organisation du travail dans les activités implantées sur le territoire de la commune ou à proximité. A cet effet, il réunit en tant que de besoin les représentants des organismes ou collectivités gestionnaires des services concernés et les met, le cas échéant, en relation avec les partenaires sociaux des entreprises et des collectivités afin de promouvoir la connaissance des besoins et de faciliter la recherche d'adaptation locale propre à les satisfaire » .

Si l'on peut s'interroger sur la force juridique de ce texte (une simple circulaire aurait pu pareillement disposer et, nonobstant ce texte des maires prennent des initiatives), il a une fonction de sensibilisation, de suggestion méthodologique. Regrettons toutefois qu'il n'implique pas l'État car les services déconcentrés induisent de nombreux flux.

Il est souhaitable que cette démarche soit appuyée au niveau intercommunal. Les maires ne peuvent pas se désintéresser de l'externalisation de leurs propres décisions. Les représentants du personnel ont là d'excellents motifs d'interpellation et de négociation.

Pour illustrer cette démarche de négociation citons cette demande adressée à l'autorité universitaire à Poitiers, à Montpellier ou encore à Rennes d'étaler le matin le début de certains cours afin de diminuer l'afflux massif d'usagers étudiants dans un transport en commun 45 ( * ) . Voilà la preuve d'une compréhension solidaire, civique et efficace.

V. LE DÉVELOPPEMENT DES POLITIQUES TEMPORELLES

L'émergence des politiques temporelles est liée à une réflexion sur la qualité de vie et la lutte contre les inégalités entre les hommes et les femmes. Dans la deuxième moitié des années 1970, des réflexions ont été menées sur l'impact du temps de travail sur la société. En témoigne la création par la Communauté européenne, en 1975, de la fondation européenne pour l'amélioration des conditions de vie et de travail 46 ( * ) . L'article 2 du règlement concernant sa création prévoit que, parmi les questions dont elle s'occupe plus particulièrement, se trouvent « la répartition dans l'espace des activités humaines et leur distribution dans le temps ».

Plus récemment, le Conseil de l'Europe a évoqué, en octobre 2010 « le droit au temps », dans une résolution intitulée « Temps social, temps libre : quelle politique locale d'aménagement des temps ? ». Il invite le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe à prendre en considération « le droit au temps » et évoque ce qui peut en dépendre : l'égalité entre les hommes et les femmes, la cohésion sociale, « le bien-être temporel », la « qualité de la vie temporelle ».

A. APPROCHE COMPARATIVE

1. L'Italie aux avant-gardes des politiques temporelles

La volonté de mettre en place des mesures concrètes impactant le temps a été initiée en Italie dans les années 1980 par les femmes du parti communiste. Comme le rappelle la députée Livia Turco, dans son discours aux Temporelles de Rennes en 2011, le parti communiste italien a lancé en 1986 le projet « Charte des femmes ». Dans ce cadre, le constat a été fait que le problème rencontré par toutes les femmes était « celui du travail et de la possibilité de le concilier avec les autres temps de la vie ». Un forum sur « le temps des femmes » a alors a été organisé en 1988 où, pour la première fois, a été évoquée la nécessité d'une loi afin d'apporter plus de flexibilité tout au long de la vie, ainsi qu'une réorganisation des horaires des villes « pour les rendre plus humains et vivables ».

Suite à ce forum, une proposition de loi d'initiative populaire intitulée « les femmes changent le temps », a été déposée et a recueilli plus de 300 000 signatures. Elle a été l'occasion d'un débat sur les politiques temporelles dans le pays. Si cette proposition de loi en est restée au stade du dépôt, de premières actions concrètes ont néanmoins été menées. Ainsi, la loi 142/90 donne au maire le pouvoir « dans le cadre de la réglementation régionale, et sur la base de recommandations émises au conseil communal, de coordonner les horaires d'ouverture des commerces et des services publics, ainsi que les horaires d'ouverture au public des bureaux auxiliaires des administrations publiques, et ce afin d'harmoniser les prestations de services avec les exigences globales et générales des usagers ».

Suite à cette loi, plus de dix régions ont voté des textes pour la mise en place de plans de régulation des horaires. En outre, durant cette même période, plusieurs villes comme Rome, Milan, Bolzone, Venise ou Catane ont créé des bureaux des temps.

Dans le même temps, le ministère italien de la Recherche scientifique et technologique a financé un réseau d'universités et de chercheurs travaillant sur ces questions.

L'étape suivante est la loi Turco, votée en 2000, qui, d'une part, instaure un « plan d'organisation territoriale des horaires » en tant « qu'instrument unitaire, articulé en projets, même expérimentaux, ayant pour objet le fonctionnement des différents systèmes horaires des services urbains, leur harmonisation et leur coordination progressive » et, d'autre part, rend obligatoire dans chaque commune de plus de 30 000 habitants la mise en oeuvre de plans territoriaux des horaires et la nomination d'une personne responsable.

2. Un exemple inspirant d'autres pays européens

Les expériences en Italie ont intéressé d'autres pays européens ainsi que l'Union européenne qui, dans le cadre de son programme « Eurexcter » pour l'excellence territoriale en Europe, a soutenu des projets pilotes dans cinq États membres.

En Allemagne, les villes de Brême, Hambourg et Hanovre ont mis en place un bureau des temps et ont créé un réseau « Temps de la ville ». L'idée est en partie venue à la suite d'une visite d'élus locaux et d'universitaires italiens à Brême et Hambourg en 1992.

Aux Pays-Bas, la société a profondément évolué dans les années 1980, notamment en ce qui concerne la place de la femme. En effet, cette société, traditionnellement fortement marquée par un partage des tâches selon les genres et une proportion importante de femmes au foyer, a connu une forte augmentation de la féminisation du marché du travail. En 1997, le ministre chargé des Affaires sociales et de l'Emploi a instauré la commission « Aménagement des temps quotidiens » 47 ( * ) , chargée de quatre missions principales :

- formuler des propositions pour une organisation quotidienne de la société dans laquelle hommes et femmes pourraient mieux concilier travail rémunéré, tâches ménagères et familiales ;

- expérimenter des solutions innovantes pour combiner les moments consacrés au travail rémunéré, à la formation et aux enfants, et ceux passés dans les magasins et les transports publics, ainsi que pour résoudre les problèmes de distance et d'accessibilité des services ;

- encourager le débat public sur l'organisation au quotidien de la société ;

- amener les administrations nationales, provinciales et locales ainsi que les partis politiques, les organisations publiques et privées à intégrer cette problématique et ce type de démarche dans leurs actions.

À la suite de cette commission, un projet pilote a été mis en place à Utrecht.

En Finlande, les années 1990 sont marquées, d'une part, par une crise économique et, d'autre part, par une augmentation du stress dans les emplois féminins. Il a été décidé de mettre temporairement en place dans les municipalités un régime dit « 6+6 », fonctionnant sur une réduction du temps de travail individuel passant de huit heures à six heures par jour mais une augmentation de l'amplitude horaire d'ouverture des services publics, puisque deux équipes travaillant chacune six heures se succèdent. Les principales expériences ont concerné les services sociaux et les services médicaux. Toutefois, il a été mis un terme à cette expérimentation en raison de son coût, car l'État compensait la perte de revenu individuel résultant de la diminution du temps de travail.

En Espagne, Barcelone a été la première ville à se lancer dans les politiques temporelles dans les années 1990, suite aux mutations de la société et de l'évolution de la place de la femme, mais également dans la perspective des Jeux Olympiques de 1992. En effet, un vaste programme d'aménagement urbain était prévu. En 1993, la ville de Barcelone a mené une étude intitulée « les femmes et les temps de la ville à Barcelone » qui a conduit à un projet pilote dans l'un des quartiers visant à rendre plus flexibles les horaires des crèches et des écoles. En 2003, elle a mis en place un programme sur les nouvelles utilisations sociales du temps. Dans ce cadre, un pacte du temps a été signé comprenant cinq objectifs :

- ajuster les horaires et les utilisations des équipements et services aux besoins des personnes ;

- concevoir un espace public suivant les besoins des quartiers et connecter le réseau de transports publics municipal à celui de l'aire métropolitaine ;

- fournir une information accessible et promouvoir l'e-administration ;

- travailler conjointement avec les entreprises et les services de la ville pour rendre compatibles les horaires de travail avec ceux de la vie quotidienne ;

- sensibiliser sur la nécessité de concilier les temps pour améliorer la qualité de vie.

Si la ville de Barcelone est celle qui a le plus avancé sur ce sujet, d'autres régions espagnoles ont également amorcé des réflexions, notamment dans le cadre du programme Eurexcter. C'est le cas des Asturies, et notamment des villes d'Oviedo et de Gigon, qui ont ouvert des infrastructures publiques comme, par exemple, des gymnases accessibles les soirs de week-end jusqu'à 3 heures du matin afin d'offrir aux jeunes une alternative à la consommation d'alcool. Ainsi, en 2012, le programme « la Noche es tuya » de la ville d'Oviedo a proposé 125 activités sportives et culturelles les soirées des week-ends de fin février à mi-avril, puis de début octobre à fin novembre, de 22 heures à 3 heures du matin. Plus de 1 800 personnes âgées de 18 à 35 ans, en ont bénéficié 48 ( * ) .

B. HISTORIQUE DES POLITIQUES TEMPORELLES EN FRANCE

En France, les premières réflexions sur une modulation temporelle apparaissent dès la fin des années 1950 afin de répondre aux phénomènes de pics dans les transports en commun dus à l'étalement urbain, mais également en matière de demande en énergie. En 1958, le ministre des Travaux publics et des Transports, M. Buron, crée le comité national pour l'aménagement des horaires de travail afin de réfléchir à une désynchronisation des activités. Parmi les principales mesures mises en place à l'époque, on peut citer le début des journées continues dans certains secteurs ou encore l'instauration de tarifs préférentiels aux heures creuses de consommation d'électricité. Selon le rapport « le temps de l'aménagement » remis au ministère de l'Équipement en 1977, cette mesure a permis une baisse de 5% de la consommation d'électricité au moment des fortes demandes, équivalant à un gain de six mois sur les programmes d'investissement.

Si le comité national pour l'aménagement des horaires de travail s'essouffle progressivement, jusqu'à disparaître à la fin des années 1960, un autre organisme prend le relais en Île-de-France, à l'initiative du district de la région parisienne en juillet 1966 : le comité pour l'étude de l'aménagement des horaires de travail et des temps de loisirs dans la région parisienne (CATRAL). Il met en place deux groupes de travail, le premier consacré à « l'aménagement des horaires journaliers » et le second à « l'étalement des congés annuels ». Un troisième sera créé en 1972, relatif à « l'aménagement des jours de repos hebdomadaires ».

Des actions de sensibilisation auprès des entreprises sont menées ainsi que des expériences concrètes. Ainsi, à l'automne 1970, une expérimentation est mise en place dans un arrondissement à Paris : le mercredi, les guichets des administrations restent ouverts au public jusqu'à 20 heures et, dans le même temps, les commerces organisent des nocturnes le même soir. Toutefois, cette expérience est stoppée au bout de six mois en raison de problème organisationnels.

Les années 1970 sont également l'occasion du développement du concept de « l'horaire variable ». Celui-ci permet au salarié de déterminer de façon autonome et quotidienne le début et la fin de sa journée de travail, tout en conservant le principe de la présence obligatoire durant une période de temps bloqué, prédéterminé et uniforme.

En mai 1975, le Premier ministre instaure une commission chargée d'un rapport sur l'aménagement du temps. Présidée par M. Labrusse, elle étudie plus particulièrement quatre points :

- généraliser l'horaire variable ;

- favoriser le travail à mi-temps ;

- assouplir les congés en fin de semaine ;

- étaler les vacances.

À la suite de ce rapport est créée auprès du ministère de la Qualité de vie une mission pour l'aménagement du temps, tandis que dans 14 villes, des comités locaux pour l'aménagement du temps sont créés.

Les années 1980 sont également une époque de réflexion sur le temps libre, comme en témoignent des essais tels que la révolution culturelle du temps libre 49 ( * ) , ou encore l'instauration en 1981 du ministère du Temps libre.

Dans les années 1990, le chantier est repris par la DATAR. En 1999 un groupe de travail sur « le temps libre et les dynamiques spatiales » est mis en place, ainsi qu'un groupe de travail sur le « temps et les territoires ». Un programme intitulé le fonds national d'aménagement et de développement du territoire est mis en place, pour subvenir à des actions dans dix territoires. 1,8 million de francs sont consacrés par territoire, somme financée à parts égales par l'État et les collectivités.

L'alinéa VII de l'article 1 er de la loi du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail constitue la première -- et à ce jour l'une des seules -- incursion de la loi en matière de politiques temporelles.

Ainsi, au début des années 2000, les politiques temporelles suscitent un véritable intérêt, comme en témoigne la rédaction de plusieurs rapports : celui rédigé à la demande du ministre délégué à la Ville et de la secrétaire outre celui de votre rapporteur déjà cité, on peut également mentionner celui du comité économique et social de Jean-Paul Bailly et Edith Heurgon sur « les nouveaux rythmes urbains », celui du CERTU sur « l'émergence des politiques temporelles en France et en Europe, les temps de la ville et les modes de vie ». En septembre 2001, lors du Festival de la ville à Créteil, le Premier ministre réaffirme la nécessité d'une politique des temps et annonce la création d'un fonds de soutien aux politiques temporelles devant fonctionner sous la forme d'un appel à projets auprès des collectivités territoriales.

Toutefois, ces initiatives nationales s'essouffleront, suite au changement de majorité, et de nouvelles priorités sont données à la DATAR.

Le relais est alors repris à nouveau par les collectivités territoriales, parmi lesquelles certaines ont déjà mis en place des politiques temporelles depuis plusieurs années, voire des décennies. Afin de capitaliser les informations recueillies au fil des différentes actions menées, plusieurs d'entre elles décident, en 2004, de se regrouper au sein d'une association appelée Tempo territorial . Cette dernière est aujourd'hui la seule association et institution à l'échelle nationale s'occupant de politiques temporelles ; hommage doit être rendu à ses adhérents et actions.

VI. POLITIQUES TEMPORELLES ET DOMAINES D'INTERVENTION

Les politiques temporelles présentent la particularité de ne pas être cantonnées à un domaine particulier.

Par nature, elles sont, à l'image du temps, transversales, et trouvent de très nombreuses applications.

Cette partie décrira les principales thématiques de ces politiques temporelles puis présentera une synthèse des auditions menées par votre rapporteur, auditions particulièrement révélatrices de » l'intelligence territoriale », de la capacité d'innovation de nos collectivités.

A. PRÉSENTATION DES PRINCIPALES THÉMATIQUES

1. Temps : égalité hommes femmes

Cette égalité pourra progresser à trois conditions 50 ( * ) :

1. la garantie d'un emploi féminin dans les mêmes conditions que l'emploi masculin ;

2. l'assurance du bien-être des enfants ;

3. un changement culturel (concernant notamment le partage des activités domestiques, parentales).

Limitons-nous à la seconde condition, et plus spécialement à la parentalité et aux jeunes enfants.

Commençons par identifier clairement les besoins de l'enfant, et ceux du ou des parents.

Voyons la contrainte travail avec la journée continue, le temps partiel, les horaires variables, la diversité d'employeurs, de lieux de travail, la précarité, le travail de week-end, de nuit, les urgences, l'imprévisible, le temps de formation, les convocations extérieures...

Autres contraintes : la situation familiale, la localisation du domicile, la difficulté ou la facilité à joindre le service de garde, la capacité financière...

Citons pour résumer la désynchronisation de fonctionnement des institutions, des entreprises, des services.

Les réponses aux besoins de garde qui nous intéressent ici sont de deux ordres :

- celles qui relèvent de la collectivité locale (directement ou indirectement). Un impératif est généralement reconnu : la flexibilité des horaires d'arrivée et de départ ;

- celles qui relèvent de l'employeur. Une démarche a retenu notre attention : celle de l'Observatoire de la parentalité en entreprise, créé en 2008 par Jérôme Ballarin, ancien directeur des ressources humaines chez Danone. A l'origine de celui-ci, la découverte du conflit temps de travail - temps parental : comment respecter ses horaires de travail ? Aller chercher son enfant à la crèche ? Le conduire en urgence chez le médecin ?

Cet observatoire est une structure associative, munie d'une Charte de la parentalité à laquelle 500 entreprises ont souscrit. Pendant longtemps les employeurs du secteur privé ont ignoré ces contraintes liées à la parentalité, les renvoyant vers les pouvoirs publics.

Des entreprises signataires de la Charte ont pris des initiatives positives : droit à l'aménagement des horaires en cas de maladie, de grossesse ou d'hospitalisation d'un proche, droit au temps partiel temporaire ou au télétravail en cas de problèmes familiaux, à un congé payé de préadaptation, à une assistance à la garde d'enfant à domicile, à un temps d'absence rémunérée le jour de la rentrée scolaire.

Certaines entreprises réservent des lits dans des crèches, organisent des services de conseils domestiques auprès des parents, de sécurité auprès des enfants...

Tous ces services offrent aussi des avantages pour les employeurs : réduction des coûts d'absentéisme, attrait auprès de jeunes talents...

Ce sont encore là des conduites minoritaires puisqu'en octobre 2013, 76% des parents actifs se plaignent de l'insuffisance d'aide des entreprises et invoquent la prégnance de la culture du présentéisme. Une nouvelle fois nous rencontrons l'inégalité du temps parental entre les pères et les mères 51 ( * ) .

Une donnée explique les difficultés de garde des enfants de moins de trois ans : un sur deux ne dispose pas de place d'accueil hors de sa famille 52 ( * ) . Certains départements sont très sous-équipés.

En juin 2013, le gouvernement a annoncé un plan d'accueil pour 2017. Sera-t-il réalisé ?

On dénombre 25% des mères qui interrompent totalement leur activité professionnelle au-delà du congé maternité, que ce soit par choix ou par contrainte.

Autre constat bien connu : les parents de condition modeste, tout spécialement les mères, ont des conditions de travail difficiles (lieux de travail multiples, horaires atypiques, plannings incertains et variables).

Pour répondre à leurs attentes, il ne suffit pas d'avoir une grande amplitude d'ouverture des crèches, de pratiquer la liberté d'arrivée et de reprise de l'enfant pour répondre aux attentes. Il faut cependant aussi considérer les horaires de travail des personnels de ces établissements.

Selon la CNAF, il existait en 2011, quatre établissements ouverts 24h/24 h et 268 crèches qui offraient des amplitudes horaires supérieures à 13 heures par jour.

Outre la création de cet observatoire, diverses initiatives ont été conduites :

- le dispositif garde d'enfant pour l'équilibre du temps professionnel, du temps familial et son organisation (Gepetto), créé en 2004, propose des modes de garde aux parents qui travaillent avec des horaires atypiques : « un professionnel de la petite enfance vient au domicile des parents, soit très tôt (dès quatre heures du matin) soit très tard (jusqu'à minuit), et prend le relais auprès des enfants, soit pour les emmener vers leur mode de garde habituel, soit pour les ramener le soir au domicile. Cela permet à l'enfant de rester le plus possible dans son cadre familial, afin de préserver son rythme biologique » (Anne-Karine Stoccheti, fondatrice de l'entreprise Optimômes qui développe ce concept en collaboration avec des collectivités locales) 53 ( * ) ;

- l'accueil des jeunes enfants en milieu rural pose également question. Citons le programme Accueil parents-enfants en Massif-Central (APEMAC), lancé en 2008 dans seize départements et porté par quatre réseaux associatifs. Objectif : soutenir la création de structures d'accueil en parfaite correspondance avec des demandes qui peuvent être très variables d'un territoire à l'autre.

Ces initiatives, fruits de l'intelligence territoriale, peuvent être un atout en termes d'attractivité d'un canton ou d'une intercommunalité. Les employeurs ne doivent pas être exclus de ces efforts de recherche d'accueil. A eux de voir s'il est possible de reconsidérer les horaires de certains de leurs personnels, de coopérer avec les collectivités territoriales, de rechercher des solutions avec leurs établissements consulaires.

L'Observatoire de la parentalité s'investit dans cette démarche de sensibilisation : une meilleure conciliation vie de travail / vie de famille peut, outre qu'elle favorise le bien-être, constituer un véritable levier de performances.

Certaines disciplines peuvent favoriser cette conciliation : planification des réunions dans un certain cadre horaire, recours encadré au télétravail, délimitation de plages de connexion et de déconnexion des smartphones...En tout état de cause, il faut éviter que la négociation sur le temps de travail n'aboutisse à des négociations individuelles personnelles.

Deux actions en matière d'égalité hommes-femmes sont présentées de manière plus détaillée ci-après.

La mise en place d'horaires continus pour les agents de propreté

Dans le cadre de la promotion de l'égalité entre hommes et femmes, ainsi que d'une meilleure conciliation entre vie professionnelle et vie personnelle, plusieurs collectivités se sont engagées dans une politique de réorganisation des horaires des personnels d'entretien.

Des conditions de travail difficiles

Ce corps, à majorité féminine, se caractérise par un temps partiel et des horaires fractionnés, généralement tôt le matin et tard le soir, c'est-à-dire avant ou après les horaires « traditionnels » de bureau. Ces situations ne sont pas sans poser des difficultés de conciliation avec la vie familiale. Dans ces conditions, le taux d'absentéisme des agents de propreté est élevé, de 25% à 30% à Rennes avant la modification de l'organisation, par exemple.

Les conditions de la réorganisation

La mise en place d'un nettoyage des bureaux en horaires continus nécessite plusieurs étapes.

Tout d'abord, il est nécessaire de « sensibiliser et de convaincre de l'intérêt et de la faisabilité d'une telle démarche » 54 ( * ) . Pour Patrice Vuidel, consultant associé chez Atémis et adjoint au maire de Pantin, cela représente la moitié du temps passé à la mise en place d'un tel projet.

Ensuite, il convient de lever les réticences des acteurs, qu'il s'agisse des agents de propreté eux-mêmes ou des personnes utilisant les locaux. Ainsi, certains agents de propreté peuvent voir dans cette réorganisation, qui s'accompagne souvent de la mise à disposition de nouveaux matériels, une remise en cause de leur méthode de travail. Pour les personnes utilisant les locaux, il s'agit de définir, dans la mesure du possible, les horaires durant lesquels le ménage dérangera le moins. Or, certains ont pu y voir une manière indirecte de contrôler leur présence à leur bureau.

Afin d'aider tant les donneurs d'ordre - collectivités ou entreprises privées - que les entreprises de nettoyage, la fédération des entreprises de propreté et le service « achats » de l'État ont labellisé une boîte à outils élaborée par la société Atemis. Cette boite à outils permet également de capitaliser les premières expériences menées dans les collectivités territoriales, notamment à Rennes, à Paris, ou dans les sociétés Danone, L'Oréal, ...

Enfin, il est nécessaire de procéder à un bilan de l'expérimentation, auprès des personnels d'entretien et des occupants des locaux.

Il existe aujourd'hui une réelle dynamique sur ce sujet en raison, selon Patrice Vuidel, de deux mouvements complémentaires :

- la circulaire du 6 novembre 2013 relative au développement des prestations de nettoyage en journée dans les services de l'État fixe des objectifs pour 2017 de 60% des sites de chaque département ministériel devant être concernés, et de 30% des prestations de nettoyage devant être réalisées en journée. Par ailleurs, des études de faisabilité doivent être réalisées sur chaque site, et les marchés mutualisés prenant déjà en compte cette dimension du travail en journée doivent être privilégiés. Or, les marchés de l'État représentent des contrats importants pour les entreprises de propreté ;

- l'accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013 a « instauré le principe d'un horaire minimal hebdomadaire de 24 heures de travail, et systématisé l'objectif d'organisation des périodes de travail en demi-journées ou en journées continues, avec des dérogations par accord de branche possibles ». Ainsi, le seuil minimal hebdomadaire a été fixé à 16 heures dans la branche des prestations de nettoyage. Cela peut conduire les entreprises de propreté à demander aux donneurs d'ordre « la mise en oeuvre d'une organisation favorable au travail en journée, en continu, afin de pouvoir respecter les contraintes légales » .

Certaines collectivités et acteurs publics soutiennent la mise en place de ces pratiques. En 2009, la maison de l'emploi, la ville de Nantes et la fédération régionale des entreprises de propreté se sont intéressées à ce thème. En partenariat avec le conseil régional, le conseil général, la cité des congrès et l'agglomération, elles ont mis en place un groupe de travail. Celui-ci a donné lieu à une restitution, lors d'une conférence intitulée « Pourquoi vous allez passer au nettoyage en journée ». 180 personnes y ont participé et une charte en cinq points a été élaborée, comptant aujourd'hui entre 130 et 140 signataires sur le territoire de la région nantaise.

La fédération nationale des entreprises de propreté, de son côté, propose désormais une formation-accompagnement aux entreprises qui souhaitent s'engager dans cette démarche.

En 2012, la déléguée régionale à l'égalité entre les hommes et les femmes en Poitou-Charentes s'est également intéressée à ce sujet. Quatre séances de sensibilisation, d'information et d'échanges ont été organisées.

A Marseille, un travail similaire porté par la maison de l'emploi, la branche professionnelle et les services de l'État est actuellement en cours. Une première réunion d'information a été organisée en février 2014. Il est intéressant de noter que, parmi les donneurs d'ordre, étaient notamment présents des acteurs économiques privés. Des temps d'échanges sur quelques demi-journées sont prévus.

Les conséquences

De manière générale, les expériences mises en place sont concluantes. En effet, le ralentissement de la cadence de nettoyage est compensé par la diminution de l'absentéisme. Ainsi, à Caen, l'absentéisme des personnels d'entretien a diminué de 57% suite à la mise en place du travail continu pour les agents de propreté.

Cela permet également à ces personnels de travailler à temps plein ou quasi temps plein, augmentant, d'une part, leur pouvoir d'achat et, d'autre part, pour certains cas, entraînant un changement de régime social. Ainsi, on a constaté à Rennes que cette réorganisation a permis à un grand nombre d'agents d'entretien de passer au régime général de la sécurité sociale, qui offre des conditions de protection plus avantageuses en cas de problème de santé.

Du point de vue des agents de nettoyage, les retours sont positifs. La communauté urbaine de Strasbourg a réalisé une enquête de satisfaction auprès des agents d'entretien et des occupants en février 2011 55 ( * ) :

- 82% des agents voient la réorganisation comme une amélioration des conditions de vie et d'emploi ;

- 60% estiment que cela a conduit à une amélioration de leurs conditions de travail, 7% estiment qu'il y a une dégradation de celles-ci ;

- 90% considèrent qu'elle a conduit à une amélioration de leurs conditions de vie. 93% estiment que ces nouveaux horaires facilitent l'organisation de la vie de famille. Ainsi, pour 21%, le passage en horaires continus permet d'accompagner plus facilement les enfants à la crèche ou à l'école, tandis que pour 52% elle permet de pratiquer de nouvelles activités de loisirs ;

- fatigue et stress sont également en diminution (pour 71 % des agents ayant répondu à l'enquête, dans le premier cas, et pour 66% dans le deuxième cas) ;

- enfin, les agents d'entretien se sentent plus reconnus, dans la mesure où ils deviennent des personnels visibles par les occupants des locaux. Ainsi, 61% des agents de propreté de la communauté urbaine de Strasbourg estiment qu'avec les nouveaux horaires, leur travail est mieux valorisé par les occupants.

En ce qui concerne les occupants des locaux, la grande majorité se déclare satisfaits par la propreté et la fréquence du nettoyage (82%). Enfin, 90% d'entre eux déclarent apprécier d'avoir un échange avec le personnel d'entretien ou déclarent ne pas êtes en être dérangés par leur présence.

Cette enquête a toutefois permis de faire remonter certaines difficultés : des nuisances sonores ont été signalées ainsi que des passages à des moments non appropriés (appels téléphoniques, par exemple). En outre, certaines contraintes doivent être prises en compte comme l'accueil au public et le besoin de confidentialité.

La charte de réunion

Cette charte aborde généralement trois points : mettre en place une régulation des horaires de réunion afin d'éviter leur organisation à un moment pouvant « fortement perturber l'équilibre entre vie professionnelle et vie privée » (un début de réunion le matin à 8h et le soir après 18h30 pour la communauté urbaine de Strasbourg) ; prévoir des réunions plus courtes en ciblant mieux l'ordre du jour ; réduire le temps de déplacement en recourant à des réunions à distance (visioconférence, conférence électronique,...). On peut noter que certaines administrations centrales, comme le ministère de l'Économie et des Finances, se sont lancées dans cette démarche.

2. Temps et mobilité

Sans possibilité de mobilité, nous sommes prisonniers de notre temps et de notre espace.

La question du contenu de notre vie se trouve posée : que ce soit en Ile-de-France ou en région, chacun perçoit de manière sensible le caractère prioritaire des transports dans sa vie quotidienne.

Il faut tout d'abord savoir de quoi est faite notre mobilité, l'observer, dans un souci de liberté, d'efficacité : définir le champ de cette observation s'impose, car notre mobilité doit favoriser la construction de services.

La mobilité ne se résume pas à une offre de transports : elle doit être en correspondance aux demandes dont certaines peuvent être corrigées, modifiées. Nous avons, par exemple, un réseau ferré qui peut répondre à des besoins lourds : il ne pourra le faire qu'en coopérant pour participer à une diffusion sur l'ensemble du territoire.

Nous connaissons parfaitement les sources changeantes de cette mobilité :

- le travail, avec sa féminisation, ses aménagements de durée, la diversité de ses localisations, ses possibles périodisations ;

- les rythmes du territoire ;

- la diversité des motifs de déplacements, l'aspiration à l'autonomie ;

- l'évolution de la demande avec sa part d'événementiel, d'imprévisible ;

- la multi-appartenance territoriale.

Autant de raisons de se déplacer qui alimentent ces documents bien connus : plans de déplacements urbains, plans de déplacements sectoriels (qu'ils soient géographiques ou institutionnels). La qualité du transport figure parmi les premiers facteurs de compétitivité d'une agglomération.

La mobilité suppose :

- la multimodalité;

- l'intermodalité ;

- l'accessibilité déclinée sous toutes ses formes (matérielle, financière, informative, culturelle...).

L'intermodalité sert d'articulation entre différents modes de transport : cars, bus, taxis, modes alternatifs, trains et autres transports en sites propres (ex. : métro, tramway, etc....), sans oublier la voiture particulière, l'accès aux parcs de stationnement, les correspondances, la coordination entre système cadencé et desserte rythmée. L'intermodalité sera parfaite si le principe du ticket unique sur un territoire déterminé est mis en place et si elle concerne le plus grand nombre possible de voyageurs, qu'ils soient scolaires, travailleurs, handicapés ou autres. La négociation entre autorités organisatrices, pour incontournable qu'elle soit, peut s'avérer difficile mais nous avons des raisons d'espérer. Reste à évoquer l'essentiel : les participations financières : que demander à l'usager, aux contribuables, aux entreprises ?

Ces différentes problématiques appellent un traitement local pour observer, traiter, décider, aménager et gérer ; impulser et réguler. Des compétences, des procédures, des autorités le permettent.

Encore faut-il que les politiques publiques nationales soient respectueuses et ne fassent pas payer aux transports ce qu'elles n'ont pas voulu prendre en charge en matière de logement par exemple. Ce qui aboutirait à la ségrégation.

L'usager demande surtout d'arriver à temps, dans de bonnes conditions : il redoute les embouteillages, les retards, les heures de pointe. Le remède ? L'information, l'existence d'autres trajets (bison futé) et ...l'étalement des horaires d'ouverture et de fermeture des services administratifs, des entreprises...et des établissements scolaires et universitaires.

Le lien existant entre l'aménagement et le transport plaide encore en faveur du local : le temps de la ville nous oblige à travailler « sur » l'aménagement, mais aussi « dans » l'aménagement, au quotidien.

La mobilité nous amène à réfléchir sur la dimension stratégique de lieux importants d'interconnexion.

Nous retiendrons, à titre d'exemple, les gares ferroviaires (qui ne sont pas que ferroviaires).

Les gares, lieux d'interconnexion, de multimodalité, d'intermodalité croissante et donc d'échanges, lieux qui rapprochent les territoires, portes d'entrée d'un ensemble territorial qu'elles irriguent, qui informent, coordonnent, intègrent et optimisent une diversité de services (ex. : billettique). Les gares peuvent devenir un quartier stratégique d'une ville, d'une intercommunalité.

Coeur de convergence entre mobilité, aménagement, destin d'un ensemble urbain, la gare « entre dans la ville et la ville entre dans la gare » (AMGVF, CERTU, GART).

Une gare - avec des horaires très larges - agrège des flux de clientèles soucieuses de transport qui peuvent devenir des clientèles de commerces, de services divers, de bureaux, d'informations...

Ce lieu peut devenir attractif pour des hôtels, des services sociaux, administratifs, des centres de télétravail, des agences, des plates-formes de correspondance, des espaces de réunions...

La gare, ensemble d'activités, de constructions, d'habitat, de populations, de services peut devenir une identité, un élément du patrimoine urbain, un puissant pôle économique, financier, patrimonial, un pôle de vie de jour et de nuit.

Un nouveau quartier peut naître : il doit être parfaitement maîtrisé par l'entente des autorités concernées.

S'il faut rechercher le dynamisme et la modernité, deux écueils sont cependant à éviter : la concentration, le déséquilibre de la ville (la gare va concurrencer) et la spéculation qui fait courir un risque de fracture, de ségrégation. La gare de demain nous amène automatiquement à la coopération, à l'intercommunalité, au partenariat.

La gare de demain est inséparable de la ville de demain.

La gestion de l'hyperpointe dans les transports en commun

Les transports en commun sont le moyen privilégié par de nombreuses personnes pour se rendre quotidiennement sur leur lieu de travail ou d'étude. Or, en raison d'une synchronisation encore forte des horaires de travail, on assiste à des situations d'heures de pointe voire d'hyperpointes dans les transports en commun. Elles sont facteurs de stress et de fatigue pour les passagers en raison de la suroccupation des rames. En outre, cette très forte affluence entraîne des ralentissements de la vitesse de circulation. En effet, la montée et la descente des rames est plus longue et, aux abords des quais bondés, les conducteurs roulent plus lentement pour éviter tout risque d'accident.

Face à cette situation, plusieurs solutions sont possibles. La première consiste en une modification des rames, pour permettre une augmentation de leur capacité maximale, en diminuant, par exemple, le nombre de places assises ou en utilisant des voitures en « accordéon ».

Une deuxième solution consiste en des aménagements plus conséquents de l'infrastructure : création d'un terminus « arrière-garde » à Rennes pour augmenter la fréquence des rames, automatisation des lignes et mise en place, le long du quai, de portes automatiques pour éviter toute chute accidentelle sur les voies, voire des travaux plus conséquents, tel le dédoublement des voies pour augmenter le nombre de trains. Or, ces projets coûtent très chers. Ainsi, on estime le coût du dédoublement du tunnel entre les stations Châtelet-les-Halles et Gare du nord, aujourd'hui partagé par les lignes de RER B et D, à plus d'un milliard d'euros.

Plusieurs collectivités locales se sont lancées dans une résolution des problèmes d'hyperpointe par une action de politiques temporelles. Ainsi, Rennes 56 ( * ) , Montpellier 57 ( * ) et Poitiers ont travaillé avec leurs universités afin de décaler l'heure de début des cours et désengorger les transports en commun. Cela a exigé la mise en place d'une vraie concertation. En effet, il a fallu convaincre l'ensemble des acteurs de la nécessité de leur implication et du fait que le transporteur ne pouvait résoudre ce problème à lui-seul. Mais au final, les résultats sont visibles. Malgré une fréquentation du métro en hausse à Rennes, les flux ont diminué de 5% à l'heure de pointe et la charge moyenne de 17% à la station Pontchaillou. En outre, ce décalage a permis une économie de plusieurs millions d'euros, dans la mesure où la communauté d'agglomération n'a pas eu à acheter de nouvelles rames pour faire face à la surfréquentation.

D'autres projets ou idées se développent dans le même sens. La ville de Caen a mis en place un groupe de travail avec les universités et autres établissements scolaires afin de limiter l'engorgement dans les transports en commun. En mars 2013, la SNCF a cherché à promouvoir auprès des entreprises de la région parisienne un étalement des horaires pour permettre aux salariés « d'éviter les trains les plus chargés. Il suffirait qu'une petite partie des voyageurs décale son voyage de 15 à 30 minutes pour que la qualité de service s'améliore sensiblement » 58 ( * ) . La mission temps de Strasbourg mène actuellement une réflexion sur la mise en place d'un plan de déplacement interentreprises dans le quartier d'affaires du Wacken. En effet, ce dernier accueille déjà près de 6 000 salariés et est actuellement en plein essor : à l'horizon 2020, 4 000 emplois de plus sont attendus sur ce site.

D'ores et déjà, un travail avec les entreprises est mené afin d'analyser la nature de la congestion et d'étudier la possibilité de décaler les horaires. Ce travail englobe également une réflexion sur le télétravail.

L'exemple du décalage des horaires dans l'agglomération lyonnaise 59 ( * )

« En ce qui concerne la mobilité des collégiens et des lycéens, l'espace des temps a été interpellé par la commune de Neuville-sur-Saône, située au bord de la Saône sur l'axe nord-sud. Entre 8h et 9h, le trafic était complétement bloqué. Près de 13 lignes de bus souhaitaient déposer les élèves en même temps. L'espace des temps a réuni autour d'une table les établissements d'enseignement publics et privés, les parents d'élèves, l'autorité organisatrice des transports (le Sytral), Kéolis, la SNCF, le conseil général, qui gère les bus scolaires, le Grand Lyon, les communes concernées et un bureau d'études. Il a été décidé de décaler de quinze minutes l'ouverture des portes des collèges privés et publics le matin et le soir.

Le trafic a décru et, au-delà, cette action a été le début d'une concertation désormais annuelle entre le Sytral et les collèges afin d'anticiper la rentrée de septembre. Cela a également permis une rationalisation des lignes de bus. Ainsi, lors de l'ouverture d'un lycée dans le même secteur, deux ans plus tard, une seule ligne de bus supplémentaire a été créée, alors qu'on en prévoyait plus. Un travail est désormais mené avec d'autres sites scolaires afin de régler des problèmes de congestion similaires, notamment à la cité scolaire internationale près de Gerland.

Une telle action n'est pas toujours simple à mener, car elle peut souligner des manques d'autres services de la collectivité ou des communes associées. Ainsi, il a été prouvé qu'une meilleure signalisation de l'accès aux collèges a permis de faire en sorte que certains élèves ne soient plus déposés directement devant la porte de l'établissement, mais plus en amont, finissant leur trajet à pied » .

3. Temps et aménagement urbain

La construction de la ville, son aménagement, ses extensions, ses dimensions, ses formes, ses structures, ses vécus...influencent ses temps, ceux de ses habitants, de ses visiteurs, de ses acteurs.

Prendre en considération le temps dans l'aménagement, c'est rechercher la meilleure relation entre ces lieux utiles que sont ceux de l'habitat, du commerce, du travail, des services publics, des loisirs... Au détour du temps, de la durée de trajet, nous rencontrons l'optimalité de la ville.

La ville existe mais elle n'est jamais finie.

Il n'existe pas de modèle urbain français ou européen à l'état pur. Si chaque ville a son identité, sa personnalité, nous voyons bien que pour faire entrer la ville dans le XXI e siècle, il convient de s'entendre sur quelques principes.

Au niveau d'une unité de vie (quartier, commune, intercommunalité, bassin de vie), nous devons tendre vers une mixité sociale, fonctionnelle, intergénérationnelle, géographique, d'où l'importance de définir le territoire auquel s'appliquent ces mixités.

Ceci suppose philosophie, projet, prévision, programmation, évaluation, maîtrise (démographique, foncière, immobilière, technique, financière...).

Le temps du vécu quotidien dépend des temps de moyen et long termes des équipements, infrastructures et projets (d'où la nécessité de bien les penser !), tout comme il dépend de la ville concentrique, de la ville étalée, de la ville dense, de la ville éclatée, de la ville « rurbanisée », de la ville archipel.

Le temps s'impose comme facteur d'aménagement par référence aux principes de proximité, d'accessibilité, de coût, de sécurité.

Il participe à la localisation d'une école ; d'un parc de loisirs, d'un commerce, d'un banc public, d'un arrêt de bus, d'un parking 60 ( * ) . Il est facteur d'attractivité, d'égalité, d'économie, d'utilité sociale.

Notre « boîte à outils » ne manque pas d'instruments pour inscrire ce qui précède dans la réalité : schéma de cohérence territoriale, plan local d'urbanisme, plan local de l'habitat, schéma de développement commercial, plan d'action foncière 61 ( * ) .

Pour aller vers la « ville optimale », « la ville durable », il nous faut également mettre en place des procédures et des équipements qui soient économes en temps.

Nous retrouvons le principe de transversalité. De quoi s'agit-il ? De coordonner, de rapprocher, de réunir, d'intégrer, de simplifier.

Qu'est-ce que « le choc de simplification » voulu par le Président de la République sinon une économie de temps pour agir ?

Nous sommes là en présence d'une constante :

- Jacques Chirac, Premier ministre, partait en guerre contre le formalisme administratif et voulait humaniser les rapports entre les citoyens et l'administration ( Le Monde , 5 juin 1974) ;

- Octave Gelinier, économiste, spécialiste en organisation, concluait à l'échec de la déconcentration et regrettait qu'il n'y ait plus de décideur, ni - de ce fait - d'information et de dialogue avec l'usager : « l'usager citoyen est frustré » ( Le Monde , 25 juin 1974)

- Raymond Marcellin, secrétaire d'État à la Fonction publique et à la Réforme administrative donne en 1957 comme mission aux bureaux d'organisation et de méthode d'étudier le temps de chaque opération pour la réduire à son nécessaire !

Quelles sont les différentes formes de transversalité à développer ?

- l'autorité coordinatrice (regrettons de ce point de vue l'affaiblissement de l'autorité préfectorale) ;

- le chef de file ;

- le guichet unique. A titre d'exemple, plusieurs villes ont mis en place cette procédure qui permet aux usagers de gagner du temps en réalisant en un même lieu diverses démarches habituellement éclatées (ex. : guichet pour faciliter la rentrée scolaire) ;

- la plate-forme d'appui : plus complexe que le simple guichet unique, elle réunit en un même lieu et de manière permanente, des services dédiés à une même activité (ex. : les plates-formes d'appui aux mutations économiques créées dans le cadre du Pacte National pour la compétitivité, la croissance et l'emploi. Elles offrent des services en ressources humaines aux très petites et moyennes entreprises. État, région, Fongecif, OPCA, AFPA, Pôle Emploi y concourent) ;

- équipements polyvalents : recherche de pleine activité avec de larges amplitudes horaires. Encore faut-il que leur aménagement le permette : fonctionnement autonome de certaines parties, accès aux toilettes, aux locaux de sécurité, aux fluides, régulation du chauffage...

- équipements intégrés : réunion en un même lieu d'équipements complémentaires avec des services communs (locaux scolaires, culturels, sportifs, socioculturels...) ;

- équipements mutualisés.

Des fonctions (accueil, documentation, orientation) peuvent être mises en commun, réunies en même lieu. Cette synergie était l'esprit de la loi du 12 avril 2000 créant les maisons de services publics.

Ces différentes voies de transversalité - plus ou moins intégrées - demandent une volonté, un accord approfondi, nécessaires à la prévention des litiges. Il faut savoir dépasser les différences de statut des personnels, d'autorités budgétaires, de temps de fonctionnement.

L'utilisation temporelle maximale peut concerner des lieux qui hier encore avaient une fonction exclusive. Un bon exemple nous est donné par la rue piétonne qui, sous réserve d'aménagement, peut-être à multi-usages. La maîtrise des usages (pratiques, évolutifs, multiples) est inséparable des maîtrises d'ouvrage et d'oeuvre 62 ( * ) .

4. Temps et fonctionnement de la ville

L'intérêt pratique nous amène prioritairement à la correspondance qui doit exister entre le fonctionnement des services publics et les attentes du ou des publics. Cette correspondance intéresse tout spécialement les horaires d'ouvertures de ces services.

C'est le domaine par excellence du dialogue sociétal (entre partenaires concernés), de l'arbitrage politique, du comportement civique des usagers (n'attendons pas le dernier moment pour aller s'inscrire sur les listes électorales).

Ces questions d'horaires ne peuvent pas être traitées de manière unilatérale et uniforme. Chaque ville, parfois même chaque quartier, a son rythme de vie du fait de sa sociologie, de son économie, de ses temps particuliers : festifs, commerciaux, religieux, sportifs, patriotiques...Pensons aussi aux villes historiques, à celles qui accueillent un public international.

Chaque ville peut célébrer un évènement en fonction de son histoire, d'une présence associative, de l'interprétation qu'elle entend donner au recueil des commémorations nationales 63 ( * ) .

Il faut également veiller à l'information, à la simplification pour faciliter la vie. Illustrant cet objectif, la Poste a décidé dans certaines villes d'organiser une nocturne par semaine dans tous les quartiers ou d'ouvrir le samedi matin (également dans toute la ville) 64 ( * ) .

Une attention particulière est à porter à l'ouverture des services culturels : des horaires adaptés permettent une diversité sociale de fréquentation et donc une démocratisation culturelle accrue.

En général, les actions portant sur les services publics et l'accueil du public répondent à plusieurs objectifs : satisfaire les besoins de la population en matière d'accueil dans les services publics. Mais, une action sur les services publics est souvent aussi un moyen pour une collectivité s'engageant dans les politiques temporelles de prendre une mesure visible, plus aisée à mettre en place que dans d'autres domaines. En effet, il s'agit souvent de personnels administratifs de la collectivité territoriale, d'établissements publics et de services de la ville. Là aussi, les actions sont diverses.

a) La modification des horaires d'accueil du public dans les administrations

L'objectif est de mieux répondre à la demande des usagers. Ainsi, les services administratifs de la ville de Brive restent désormais ouverts lors de la pause méridienne au public un jour par semaine. Le bureau des temps a pu s'appuyer sur la tradition d'ouverture de la caisse des écoles le jeudi en continu, ainsi que sur le diagnostic qu'elle avait établi : toutes les administrations étaient ouvertes le jeudi midi, à l'exception de la mairie et de la sous-préfecture. À Caen, l'hôtel de ville présente la particularité d'être un bâtiment historique visitable. Or, l'accueil était commun pour les renseignements municipaux et pour les visites. En outre, les horaires étaient les mêmes tout au long de l'année, avec le même effectif. Les visites étaient également possibles tous les week-ends. Il y a eu une remise à plat avec une annualisation du temps de travail pour prendre en compte la saisonnalité. Les conditions de travail ont été améliorées en fermant l'hôtel de ville le week-end en basse saison ; et en haute saison, le planning et le roulement des agents sont connus à l'avance.

Dans le même temps, plusieurs collectivités ont travaillé sur le développement de la e-administration, afin de permettre un gain de temps pour un certain nombre de démarches.

b) Les horaires d'ouverture et l'accessibilité des équipements sportifs et culturels

Un grand nombre de villes ont profité de la construction d'un nouvel équipement ou de leur rénovation pour repenser les horaires d'ouverture. Ainsi à Rennes, l'espace des champs libres est ouvert le soir. A Strasbourg, à la faveur d'un plan de rénovation de neuf piscines, un travail sur les horaires a été fait, avec le soutien de la nouvelle cheffe de service, qui s'est investie dans la remise à plat des grilles horaires des équipes. La position des élus était de donner la priorité au grand public et aux scolaires, en diminuant les créneaux et les lignes à la disposition des associations. Une piscine nordique est désormais ouverte 365 jours par an, d'autres dès 7 heures du matin. L'adaptation des horaires s'est faite à partir des besoins exprimés par les usagers, recueillis lors d'une enquête téléphonique conduite en 2010. A Saint-Denis, le musée propose une ouverture nocturne le jeudi jusqu'à 22h, ce qui a été motif à une grève de son personnel. En effet, à l'époque cette volonté d'ouvrir en nocturne un soir par semaine était incomprise, mais elle est aujourd'hui acceptée par tous.

5. Un temps particulier : le dimanche

En livrant personnellement bataille, le dimanche 27 juillet 1214, à Bouvines, Philippe Auguste ouvrait le débat d'une désacralisation du dimanche, traditionnellement « jour du Seigneur » . On le lui doit tout entier. Le moissonneur qui entreprend de moissonner un dimanche se sent mal à son aise : la colère du ciel est sur lui.

Nous sommes loin de ce temps mais le dossier du travail dominical reste délicat au point que le Premier ministre commande le 30 septembre 2013 un rapport sur l'exception du travail dominical à Jean-Paul Bailly ancien président de la Poste, remis à son destinataire en décembre 2013.

Jean-Paul Bailly, au regard de la question, cite les principales mutations de la société : avènement du numérique, développement de la mobilité, accroissement du temps libre, vieillissement de la population, recomposition des familles, activités professionnelles des femmes, évolution des structures urbaines et du territoire, habitudes de consommations...

Il conclut à une diversité des attentes et à l'impossibilité d'avoir une vision moyenne ou globale de ces attentes.

Il dresse un premier constat : personne ne souhaite que le dimanche soit jour banalisé : « c'est un jour où l'on est maître de son emploi du temps, un jour où l'on a du temps pour soi, un jour de plus grande liberté, pour être libre ensemble », à la différence du samedi, qui reste un jour à l'emploi souvent très contraint.

Après avoir passé en revue la réalité du travail dominical, la réglementation, les incohérences d'une pratique, les attentes, les enjeux, il propose « un ensemble équilibré et cohérent » qui ne veut être ni un compromis ni un consensus. Voici les grandes lignes du scénario proposé :

1. Définir les secteurs autorisés à déroger de plein droit au repos dominical sur des activités essentielles au bon fonctionnement de la société.

2. Porter le nombre de « dimanches du maire » à 12 (avec maintien d'un haut niveau de compensation)

3. Instaurer le principe d'un double dialogue territorial et social pour les ouvertures pérennes (accord de site ou d'entreprise respectant le principe d'équité).

Au nombre des enjeux : l'emploi, le tourisme, l'équité sociale, l'animation des centres-villes, l'attractivité internationale de Paris et des autres villes du territoire. Cette demande d'ouverture du dimanche peut varier selon les villes 65 ( * ) .

6. Temps et projet éducatif territorial (PEDT)

Votre rapporteur n'a pas à commenter la réforme des rythmes scolaires. D'excellents travaux y ont été consacrés. En revanche, il doit souligner l'importance des temps péri et extrascolaires : ils présentent un enjeu égalitaire majeur. D'où l'intérêt pour une collectivité de se doter d'un « projet éducatif local » réfléchi, partenarial et assuré, reposant sur un état des lieux, une concertation et un engagement.

La circulaire n°2013-2017 du 6 février 2013 traite, dans sa troisième partie, du projet éducatif territorial (PEDT). Elle lui assigne pour objectif de « mobiliser toutes les ressources d'un territoire afin de garantir la continuité éducative entre les projets des écoles et des établissements » et que « les activités proposées aux élèves en dehors du temps scolaire et offrent donc à chaque enfant un parcours éducatif cohérent et de qualité, avant, pendant et après l'école ».

Le PEDT est élaboré par la collectivité territoriale. Il formalise, coordonne et organise les activités éducatives sur « l'ensemble des temps de vie des enfants ».

Le « cadre de collaboration locale » rassemble, autour de la collectivité, l'ensemble des acteurs publics et privés qui interviennent dans le domaine de l'éducation.

Cette philosophie n'est pas nouvelle : à titre d'exemple, nous pourrions citer la circulaire du 16 juillet 1998 consacrée au contrat éducatif local (cf. Bulletin officiel de l'éducation territoriale n°29-98). Elle définit le temps périscolaire, la finalité des actions proposées, les méthodes d'élaboration et d'éducation.

Voilà un nouvel exemple qui illustre le temps des complémentarités, des contractualisations, des partenariats vers un objectif essentiel : la réussite de l'enfant. La particularité de ce PEDT est de faire appel à de multiples intervenants et donc de gérer des temps qui ne peuvent être simplement juxtaposés ou une répétition des activités scolaires.

Autre illustration de la gestion des temps : si l'on veut que des étudiants puissent y intervenir, il convient que leur temps universitaire soit compatible avec celui qui leur est proposé dans le cadre du PEDT.

Pour éviter la multiplication des temps partiels, une démarche de coordination territoriale est souhaitable. L'excellence n'en sera que renforcée.

7. Temps et formation tout au long de la vie

Chacun s'entend sur le futur de notre société, de notre économie et de citer à juste titre Alain Touraine qui, dès 1969, annonçait « la société postindustrielle », « la révolution du savoir », « la société cognitive », « la société de la connaissance », « la société de l'étude ».

Le sommet européen des 23 et 24 mars 2000 lançait le processus de Lisbonne privilégiant la connaissance. Nos collectivités territoriales se sont heureusement saisies de cet impératif de la connaissance au bénéfice de leurs personnels, de l'économie de leurs territoires et du bien-être de leurs populations.

La gestion prévisionnelle des emplois et des compétences fait partie de l'ordinaire. Tout ceci prédispose à plaider la cause d'une formation tout au long de la vie.

Quelle en est la consistance ? Rechercher une conjugaison idéale, individuelle et collective, des temps d'activités professionnelles, des temps de formation, des temps de latence (entre la fin d'un emploi et le début d'une activité), des temps personnels...

Ce sont des temps qui intéressent les territoires, soucieux d'emplois, d'attractivité, de compétitivité, de cohésion sociale... Une diversité d'acteurs, de publics, le changement des environnements, les cloisonnements culturels et institutionnels ne favorisent pas un impératif incontestable théoriquement central, global, essentiel, aux prises avec la vitesse et l'équité.

Nous retrouvons les principes d'éducation, de formation, d'employabilité, de flexibilité, de mobilité et donc de sécurisation des parcours professionnels.

Voilà qui ne peut que conforter la décentralisation régionale et en appeler à la mobilisation de tous 66 ( * ) .

Cette approche décentralisée permet de mettre en oeuvre l'heureuse et récente réforme qui aboutit à la reconnaissance du « compte personnel de formation », principe qui permet de suivre la personne tout au long de sa vie active et qui se substitue au « droit individuel à la formation » 67 ( * ) .

8. Temps et santé

Lorsque l'on associe ces deux mots, on pense à de multiples sujets qui nous intéressent tous : temps consacré aux soins, accessibilité aux services de santé, « déserts médicaux », urgences...

Henri Mondor s'est particulièrement attaché en tant que chirurgien à certains de ces aspects. Selon lui, un impératif comptait : « ne se soucier que d'une chose, elle est plus impérieuse que tout, c'est l'heure de la décision opératoire, l'heure chirurgicale. Un retard d'une nuit peut être fatal » 68 ( * ) , d'où la nécessité de « l'agir à temps ».

L'urgence garde toute sa place et elle n'est pas qu'opératoire. Nous retrouvons le temps dans le Pacte territoire-santé présenté en décembre 2012 par Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales et de la Santé. Elle expose douze engagements concrets dont certains relèvent directement du temps 69 ( * ) :

- mise en place, dans chaque région d'un interlocuteur unique que les étudiants, internes ou professionnels peuvent contacter directement. Il s'agit d'aider l'installation, et d'informer sur les politiques nationales en matière de soins de proximité ;

- développement du travail en équipe pour faciliter une prise en charge complète des patients. Ceci peut se faire dans le cadre des maisons de santé pluri-professionnelles libérales et des centres de santé polyvalents. Des permanences et une extension des horaires d'ouvertures facilitent la vie des patients ;

- développement de la télémédecine et de la téléassistance (la prise en charge des accidents vasculaires cérébraux devient priorité nationale) ;

- accélération des transferts de compétence afin de diminuer les temps d'attente ;

- garantie d'un accès aux soins urgents en moins de 30 minutes d'ici à 2015 (formation, équipement, rémunération des médecins correspondants de SAMU-MCS).

Une nouvelle fois la pratique contractuelle par le contrat local de santé peut servir de support à une politique territorialisée de santé au sein de laquelle le concept temps prend toute sa place.

La chirurgie ambulatoire va modifier substantiellement le temps hospitalier avec la diminution du temps de séjour, la recherche d'une meilleure utilisation des plateaux techniques, d'une meilleure coordination des examens et d'un nouveau rapport avec la médecine de ville et les acteurs de l'hospitalisation à domicile.

9. Temps, société numérique et économie

Le rapport général de la société à l'économie a beaucoup changé. Si nous prenons l'exemple d'une activité économique particulière - le commerce - trois facteurs l'ont influencé :

- la croissance de l'activité professionnelle des femmes (avec l'importance des couples biactifs) ;

- l'évolution de la durée du travail (importance des temps « disponibles ») ;

- l'augmentation du niveau de vie.

Ajoutons la mobilité, la multi appartenance territoriale et internet !

La consommation des ménages a beaucoup changé : triplement en cinquante ans de la part de l'habillement tandis que celle de l'alimentation diminue, celle des services progresse. L'alimentation (hors boisson) représentait 24,7% du budget des ménages en 1960, 15% en 2007, 12% en 2011. Les dépenses liées au bien-être, à la communication, aux loisirs et à la culture, et à la santé croissent.

La part des dépenses de logement et d'énergie est passée de 10% à 20% en cinquante ans. Ces évolutions s'accompagnent d'inégalités, et d'un effet de décalage entre « pouvoir d'achat » et « vouloir d'achat ».

Si le temps de la « course corvée » diminue, celui de la « course plaisir » augmente avec une caractéristique supplémentaire : ce temps peut être utilisé pour cumuler différentes opérations : faire du shopping, aller au cinéma, visiter une exposition, prendre un repas rapide, déambuler,...

Conséquence : le commerce doit tenir compte des horaires des clients, horaires variables suivant les jours et les régions. Une attention particulière doit être portée aux évènements, aux particularismes, aux pays d'origine des visiteurs. Rappelons que la France est le premier pays au monde par le nombre de visiteurs internationaux : 83 millions. Ces visiteurs - dont l'impact économique compte tout particulièrement - ont leurs habitudes, leurs cultures, leurs croyances. Nos régions, et villes concernées par le tourisme urbain, le tourisme international, doivent en tenir compte. C'est affaire d'accueil, d'horaires, de connaissance linguistique, de services...

Tout en respectant le droit du travail (qui parfois aurait besoin aussi d'être revisité), l'évolution de nos modes de vie invite aux changements de temps. Internet s'y emploie, avec l'explosion de l'achat en ligne. 56% de nos compatriotes, en 2012, ont réalisé un achat en ligne (37% en 2007). 21% des ventes de produits culturels physiques, 16% des ventes de produits électroménagers se font sur internet, dont le chiffre d'affaires évalué est de 45 milliards d'euros en 2012 (+20% par rapport à 2011), soit une dépense moyenne de 1400 euros en 2012 (1230 euros en 2011, 900 en 2008). « La e-economie révolutionne l'offre à travers le développement d'un commerce multicanal (internet, mobile, magazine) qui permet de capter de nouveaux clients. Le multicanal permet d'accompagner le client tout au long de son parcours et d'organiser l'offre en conséquence. En accordant à nouveau la priorité au client, il renforce les métiers du commerce autonome, de l'accueil et du conseil » 70 ( * ) . Internet est un commerce ouvert 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Le e-commerce a aussi développé des sites sans magasin (« pure player » ) qui ont provoqué la chute ou la disparition de certains magasins (Virgin, Surcouf, Chapitre, etc.).

Il est incontestable qu'il faut cultiver l'attractivité des commerces et de la ville par la nature des activités, la qualité des services, la gestion des temps (horaires d'ouverture, nocturne, temps d'animation) des évènements. Comment rendre « la ville aimable » ?

Tout doit contribuer à cette qualité, facteur de fréquentation, y compris la qualité de la restauration rapide !

Des perspectives s'imposent. A titre d'exemple, nous devons nous demander quel est le devenir de nos centres-villes : centres commerciaux, patrimoniaux, culturels, économiques, sociaux, sans oublier la fonction logement ? Il est incontestable qu'il faut en cultiver l'attractivité : c'est affaire de choix d'activités, de qualité de services, d'animation, de gestion des temps (horaires d'ouverture, de fermeture, de nocturnes) d'adaptation, d'accessibilité, de circulation, de liaisons, de signalétique, de cheminements,... Bref de « culture de l'accueil et du service » 71 ( * ) . Bien d'autres questions se posent : les télécentres remplaceront-ils les bureaux urbains qui ne cesseraient de se vider ? Qu'adviendra-t-il de ces lieux avec bureaux anonymes accueillant des travailleurs nomades - espace de coworking ?

D'une manière générale le numérique lie tout, tous à tous et tout le temps. Il peut aboutir à une fusion des temps professionnels, familiaux, sentimentaux ... On peut travailler partout : chez soi, dans le train, en avion, en voiture, dans un parc, au restaurant. Avec le numérique, les frontières disparaissent : on peut louer une voiture, un appartement, organiser des rencontres, se faire diagnostiquer un problème de santé, participer à un référendum. Il peut amener réactivité, transparence, créer de « nouvelles sociabilités ». Le respect de certains principes essentiels impose une maîtrise du numérique : la transparence, l'urgence, l'immédiateté ne doivent pas dévorer ni notre « temps de vivre », ni notre « personnalité ». La liberté personnelle, l'esprit critique demandent du temps, la préservation d'une autonomie personnelle 72 ( * ) . Si le numérique permet l'ubiquité (« grâce aux nouveaux outils de communication, je peux finaliser le lancement de l'application mobile My Orange en Jordanie le lundi, animer une réunion téléphonique avec le Sénégal le mardi et participer à un comité de pilotage avec la Côte d'Ivoire le mercredi » 73 ( * ) ), il faut savoir tenir compte des cultures, des règles de fonctionnement, des exigences collectives d'un projet à partager, à construire,...Laissons à François Petetin, directeur du département projets transverses à la direction des risques du groupe bancaire BPCE, une réflexion sensée : « dans le management en réseau, la réflexion collective s'exprime beaucoup mieux quand on est tous réunis autour de la table » 74 ( * ) .

10. Temps et télétravail

Le télétravail partiel (un à deux jours par semaine) concourt à la qualité de vie au travail et vise à une meilleure articulation des temps pour toutes et tous. Il réduit notamment la fatigue et la perte de temps dans les transports. Toutefois, plusieurs points doivent être pris en compte :

- si la loi permet le recours au télétravail, notamment aux fonctionnaires, les décrets d'application n'ont pas encore été pris ;

- un télétravail à temps complet peut être contreproductif, dans la mesure où il peut affaiblir le lien social existant entre les salariés ;

- dans les grandes villes, et à Paris notamment, peu de logements disposent d'une pièce en plus pouvant être transformée en bureau. Dès lors, si la chambre ou le salon se transforme en espace de travail, la vie professionnelle empiète physiquement sur la vie familiale. Il faut donc prévoir des tiers lieu - en dehors du lieu de travail mais également en dehors du domicile - à proximité du lieu de domicile ;

- enfin, le télétravail est souvent vu comme une rupture d'égalité entre salariés. Bien évidemment, tous les emplois ne sont pas adaptés au télétravail. Toutefois, il ne doit pas pour autant être réservé aux seuls cadres. Ainsi, on peut souligner qu'Accenture a expérimenté le télétravail auprès des secrétaires 75 ( * ) .

Le télétravail en question dans les collectivités 76 ( * )

« Le télétravail a-t-il des perspectives d'avenir en France ? Alors que, dans certains pays à économie comparable, on compte jusqu'à 30% de télétravailleurs parmi les actifs en France, ce chiffre ne s'élève qu'à 9%, et tombe à moins de 2% dans la fonction publique. Pour mieux appréhender la mise en oeuvre et l'impact de ce type d'organisation du travail, le CNFPT a mené en 2013 une enquête de terrain auprès de sept collectivités de différents niveaux. L'enquête démontre que l'introduction du télétravail dans les collectivités est souvent liée à un double enjeu de développement durable et de gestion des ressources humaines, avec la volonté de limiter les déplacements domicile-travail ou d'améliorer la qualité de vie et la santé au travail des agents dans certains cas. Si les élus, les directions générales et les agents sont plutôt favorables au déploiement du télétravail (bien que des interrogations subsistent), les managers sont moins séduits.

L'enquête présente ces expériences territoriales sous forme de « fiches actions », pour aider au déploiement du télétravail dans les collectivités. Sont ainsi évoqués la mise en place des critères d'éligibilité ou de formations au management à distance, la création d'un forfait mensuel de jours de télétravail, l'équipement des agents pour qu'ils puissent travailler comme s'ils étaient présents au bureau .... »

Cette liste thématique n'est bien évidemment pas exhaustive. Ainsi, il serait souhaitable que les acteurs territoriaux de la politique des temps s'emparent du « choc de simplification » et analysent méthodologiquement un certain nombre de procédures administratives dans le but d'en raccourcir le temps. Ne pourrait-on commencer, par exemple, par réduire le temps pour la délivrance d'un permis de construire ?

B. TEMPS ET INTELLIGENCE TERRITORIALE

1. Audition de. Patrick Vassallo et Pierre-Alexis Tchernoïvanoff - Ville de Saint-Denis, le mercredi 8 janvier 2014

Audition de Patrick Vassallo, conseiller municipal de la ville de Saint-Denis délégué aux politiques temporelles, accompagné de Pierre-Alexis Tchernoïvanoff, chargé de mission.

L'organisation de la ville de Saint-Denis en matière de politiques temporelles

Un élu municipal possédant une délégation aux temps de la ville a été nommé par arrêté municipal. Du point de vue administratif, un des collaborateurs du cabinet du maire suit cette question. Il est l'interlocuteur privilégié vis-à-vis de l'extérieur, tandis que l'élu local est l'interlocuteur privilégié au sein de l'administration et du conseil municipal. En outre, il existe une cellule dédiée au temps de la ville comprenant notamment la direction de la culture, la responsable du service des études locales, la chargée de mission aux droits des femmes ainsi qu'un représentant de la communauté d'agglomération.

Le conseil municipal est informé au moins une fois par an des politiques temporelles menées par le biais du vote de la cotisation à Tempo Territorial , lequel est mis à profit pour présenter un bilan des actions entreprises. En outre, d'autres évènements nécessitant un vote du conseil municipal, comme l'organisation de la manifestation Les Temporelles, sont également l'occasion d'évoquer ces questions. Enfin, régulièrement, des notes traitant de ce thème, par exemple les horaires d'ouverture ou le passage aux horaires d'été, sont présentées en conseil municipal.

Les services municipaux peuvent avoir des horaires très différenciés.

Les principaux thèmes traités

Parmi les principaux thèmes, on trouve l'accessibilité des services publics. La mairie est ouverte du lundi au vendredi de 8h30 à 17h30, sauf le lundi où en raison d'une réunion de service hebdomadaire, les services n'ouvrent au public qu'à 9h30. Le centre administratif accueille également le public le samedi matin.

Le musée propose une ouverture nocturne le jeudi jusqu'à 22 heures, ce qui a été le motif de l'avant-dernière grève du personnel du musée. En effet, à l'époque, cette volonté d'ouvrir tard un soir par semaine était incomprise. Mais aujourd'hui personne ne souhaite faire marche arrière. La médiathèque organise également une nocturne par semaine. La piscine municipale est passée depuis juin 2013 en délégation de service public. Dans ce cadre, plus que sur les horaires d'ouverture, le débat a porté sur un élargissement du nombre de lignes de nage ouvertes au public. L'espace jeunesse est ouvert de 16 heures à 21 heures, ainsi que le samedi depuis l'été 2013. Les centres de loisirs sont ouverts jusqu'à 19 heures. La bourse du travail est ouverte tous les jours, y compris le dimanche. Une convention précise les horaires d'utilisation des salles entre l'administration, les syndicats et les associations. En ce qui concerne les maisons de quartier, chacune détermine ses horaires. Certaines sont ouvertes six jours sur sept. Cependant, elles ne suffisent pas à répondre au besoin de proximité. Un effort important sur la dématérialisation a également été entrepris pour faciliter les démarches administratives, mais la fracture numérique doit être prise en compte.

Un dialogue a été mené avec l'hôpital afin de proposer des consultations tardives après 20 heures, mais l'expérience a échoué. Une discussion a également eu lieu avec la Poste, bureau par bureau, avec notamment l'idée d'ouvrir les bureaux de poste le midi, en contrepartie d'un ajustement un matin de la semaine (une moindre ouverture le lundi matin par exemple). Un tel dialogue n'existe pas avec la CAF et la CPAM. Avec les commissariats, le dialogue est plus lointain et porte plutôt sur les capacités à accueillir le public. Enfin, il est très difficile avec Pôle emploi, qui ferme actuellement à 16h30, car il considère que des horaires étendus ne sont pas nécessaires dans la mesure où les personnes sans emploi peuvent se déplacer pendant la journée. Objectif emploi qui regroupe les missions locales, est ouvert de 9 heures à 17 heures avec un dispositif informel de présence dans les quartiers.

Un travail en commun est mené avec la délégation aux droits des femmes afin d'améliorer l'accueil des jeunes filles ou des femmes victimes de violence, qui doivent parfois faire face parfois à un véritable parcours du combattant : le fait que certaines victimes ne puissent se rendre au commissariat et ainsi porter plainte qu'à certains moments particuliers de la journée n'est pas toujours bien intégré par la police.

La question de la temporalité fait aussi partie de l'aménagement urbain. Les heures d'ouverture des squares ont été discutées avec les habitants en fonction des habitudes locales. L'idée d'une charte de la nuit par quartier est actuellement en discussion et est plutôt bien reçue. Enfin, un débat a également lieu pour limiter la vente d'alcool le soir en fermant les commerces qui en vendent, à l'exception des bars et restaurants.

Les relations avec l'environnement, et notamment les questions de participation et de consultation des citoyens

L'horaire le plus propice pour organiser des réunions participatives ou consultatives varie d'un quartier à un autre. Ainsi, dans les quartiers à plus fort taux résidentiel, il est plus judicieux de commencer une réunion vers 18 heures-18h30. Dans d'autres quartiers, le créneau le plus favorable est le samedi matin entre 10 heures et 12 heures. Mais, de manière générale, ce qui est le plus efficace est le déplacement de l'élu sur le terrain, car dans les faits les gens ne viennent pas aux réunions publiques. Ainsi, M. Vassallo organise trois à quatre grandes réunions maximum par an, mais a organisé sur le premier semestre 2013 plus de 25 rencontres sur le terrain.

L'agglomération et son comité de développement économique prêtent une oreille attentive à ces questions temporelles, notamment en ce qui concerne le nettoyage des rues et le ramassage des ordures ménagères. Premièrement, il s'agit de limiter les nuisances sonores, donc le samedi et le dimanche sont à exclure. Deuxièmement, il est nécessaire qu'il n'y ait pas de voitures garées afin de nettoyer le caniveau. Or, l'observation montre que le seul créneau répondant à ces critères est le mercredi entre 10 heures et 16 heures. Mais, ce créneau est trop court pour répondre à l'ensemble des besoins. Enfin, la mairie souhaite que les rues soient nettoyées le matin afin qu'elles soient propres lorsque les habitants sortent de chez eux. C'est pourquoi, une réflexion doit être menée afin de répondre à l'ensemble de ces critères.

Dans le centre-ville piéton, a été imposé comme horaires de livraison le créneau 6h30-10h30, ce qui fonctionne plutôt bien.

Avec 12 ans de recul, on constate que de manière générale, les problématiques temporelles sont devenus monnaie courante, avec un bémol toutefois : certaines directions ne voient pas l'intérêt de s'occuper de telles questions.

En matière de garde d'enfants, la ville a fait le choix, il y a 15 ans, de ne plus offrir d'accueil le matin, afin de disposer de moyens d'ouvrir les centres de loisirs jusque 19 heures le soir. Depuis la rentrée 2013, toutes les écoles de la ville ont à leur disposition un accueil non municipal : la mairie donne les locaux. L'accueil est alors pris en charge soit par des associations, notamment de parents d'élèves, soit par un marché à caractère social. Toutefois, il n'y a aucun soutien financier de la CAF. Dans un certain nombre de cas, il y a un regroupement entre plusieurs écoles, avec organisation du déplacement des élèves entre le local d'accueil et l'école. Cela a été bien reçu.

A Saint-Denis, 30% des familles sont monoparentales, 34 % des habitants travaillent à Saint-Denis, et 49% de la population a moins de 30 ans.

2. Audition d'Evelyne Reeves - Bureau des temps de Rennes, le vendredi 24 janvier 2014

Audition d'Evelyne Reeves, Responsable du Bureau des temps de Rennes Métropole.

Le bureau des temps de Rennes est constitué de trois personnes. Auparavant rattaché à la ville de Rennes, il est, depuis la mutualisation des personnels entre la ville et la communauté d'agglomération, rattaché à la Direction de la stratégie et du rayonnement métropolitain de Rennes Métropole 77 ( * ) .

Ce rattachement a beaucoup d'aspects positifs, car cette direction est très transversale. En outre, elle réunit également le numérique, les questions d'environnement et de développement durable, le projet de territoire ainsi que le SCOT. Cela a également permis au bureau des temps de gagner en visibilité. Enfin, le transfert du bureau des temps de la ville à la communauté d'agglomération conduit à un élargissement de la portée et des problématiques. En effet, jusque-là, il se concentrait sur les compétences de la ville, alors que désormais, il a accès aux problématiques liées aux compétences de l'agglomération : aménagement, transport.

En termes de fonctionnement, le bureau des temps a commencé par effectuer un tour de l'ensemble des services afin de repérer tous les programmes qui avaient un lien avec le temps pour pouvoir suggérer des actions. Ce travail a résulté en l'établissement d'une liste assez longue qui a été traduite en programme de travail, dans un « cadre stratégique ». Concrètement, les agents du bureau des temps ont d'abord rencontré leurs collègues de même niveau, puis les directeurs, puis les élus, et enfin les commissions. Un bon accueil a été réservé à cette démarche : tant le personnel que les élus ont montré un réel intérêt. En outre, ce tour des services a également permis au bureau des temps de se rendre compte que son action était encore mal connue. Un travail avec les élus a alors été mené afin de définir les priorités.

Dans ses premières années d'existence, le bureau des temps a travaillé avec le CODESPAR (conseil de développement économique et social du pays et de l'agglomération de Rennes), qui était partenaire dans le cadre du plan européen Equal . Le bureau des temps travaille également avec le CIDFF (Centre d'Information du Droit des Femmes et des Familles), même si ce partenariat a évolué : il est devenu moins systématique, mais plus thématique.

Au niveau des élus, il y a une « coprésidence » sur ce sujet : l'élu compétent à la ville de Rennes est Jocelyne Bougeard et à Rennes Métropole, il s'agit de Bernard Poirier, 1 er vice-président 78 ( * ) . En outre, des élus interviennent également en fonction des diverses thématiques.

Parmi les grandes réalisations du bureau des temps de Rennes, on peut citer l'action sur le lissage de l'heure de pointe dans le métro. Rennes a pu sur ce thème bénéficier de ce qui avait été fait par d'autres collectivités membres de Tempo territorial. Cela a notamment permis à la ville de Rennes d'avoir une trame pour mener à bien son action. Après un diagnostic, chaque producteur de temps, notamment deux lycées, le Centre hospitalier de Rennes, et les deux Universités Rennes I et Rennes II, a été invité à détailler ce qu'il générait comme flux entre 7h45 et 8h15. En effet, pendant cette période, on comptait plus de 180 passagers par rame, ce qui était à la limite de l'acceptable en matière de confort et de sécurité. Ce qui intéressait était la connaissance très précise du flux réel. Ainsi, certains des lycées ont des filières en alternance et les élèves ne sont donc pas présents tous les jours. Ce diagnostic a permis un premier constat : le problème était principalement dû aux flux générés par l'université Rennes II. Le prestataire de transport Kéolis a également contribué à ce diagnostic en réalisant des comptages effectifs : ils ont recruté des enquêteurs et un comptage billettique a été effectué. Puis des concertations ont eu lieu. Trois scénarios ont alors été élaborés. Le premier scénario, consistant à organiser un découpage par UFR, échoua sur les modules interfilières. La concertation a pris du temps. Sa réussite nécessitait de la part des partenaires d'accepter de se décentrer de leur coeur de métier, en faisant prévaloir l'intérêt collectif sur l'intérêt particulier. Des paramètres étaient à prendre en compte, comme le renouvellement du conseil d'administration des universités, ce qui a entraîné un ralentissement du rythme de la concertation pendant cette période. Le CROUS et les syndicats étudiants ont également été conviés à la concertation.

Une expérimentation a suivi qui s'est soldée par une évaluation. La modification des horaires a conduit à une diminution de la fréquentation de 5% lors de la période de pointe, et de 17% sur les rames qui arrivent à l'université, alors que la fréquentation du métro a dans le même temps augmenté de 6%. L'évaluation s'est faite sur la fréquentation d'une semaine type (mi-novembre) en 2011, 2012 et 2013. Le choix de cette semaine en novembre s'explique par le fait qu'il s'agit d'une semaine sans congés, ni vacances scolaires, ni examen, et suffisamment loin de la rentrée pour que le nombre d'étudiants se soit stabilisé. La couverture médiatique a été importante.

Le bureau des temps est invité désormais à travailler sur les congestions routières urbaines En effet, suite aux réflexions symbolisées par le Grenelle de l'environnement et aux contraintes budgétaires, la priorité va désormais à l'optimisation du réseau existant plutôt qu'au déploiement d'infrastructures supplémentaires. La question de la meilleure répartition des flux dans le temps apparaît comme une initiative incontournable. La volonté est bien ici de privilégier l'action sur les comportements et les usages plutôt que les réponses techniques, en limitant les investissements et l'impact sur l'environnement. Cette piste apparaît plus complexe que celle sur l'heure de pointe du métro, essentiellement du fait du caractère plus diffus des « générateurs de temps » impliqués, du nombre de modes de déplacements concernés et de l'ampleur du périmètre à prendre en compte. En revanche, contrairement aux usagers du métro ou du bus, les automobilistes ont la souplesse de choix d'itinéraires différents pour aller d'un point A à un point B, choix qui peut être orienté par les politiques temporelles et les informations en temps réel et ainsi permettre d'agir sur la décongestion des voiries. Encore peu explorée, cette piste est rendue possible par le développement des outils numériques et de partage des données publiques et privées.

Un autre sujet de travail concerne les horaires de travail des agents d'entretien des bureaux de l'administration municipale. Rennes, parmi les bureaux des temps, a été le premier à mettre en place cette action. Comme dans les autres collectivités territoriales en France, les agents d'entretien des bureaux, principalement des femmes, travaillaient très tôt le matin, très tard le soir et pendant la pause méridienne, au détriment de leur vie personnelle. Cette organisation était fondée sur le postulat que le ménage en journée serait source de dérangement et de risque d'atteinte à la confidentialité. Un diagnostic a montré que ces craintes étaient largement non justifiées. Une importante réorganisation a été conduite, afin de permettre à ces agents d'exercer leur activité sur des horaires très proches de ceux des autres agents municipaux. Celle-ci a permis de réduire l'absentéisme et d'augmenter la productivité, mais surtout d'améliorer considérablement la qualité de vie de ces agents. Cette action illustre de quelle façon l'action temporelle peut constituer un levier pour lutter contre les inégalités. Une des difficultés rencontrées résidait dans le fait que l'intervention des agents d'entretien sur des plages horaires pendant lesquels les salles et bureaux étaient inoccupés a été vécue par certains comme une immixtion dans leur sphère personnelle et un contrôle de leur présence sur leur lieu de travail.

Au départ, il y a eu une difficulté à toucher le secteur privé, mais la fédération des entreprises de la propreté s'est saisie de ce thème.

Les thématiques des travaux ont évolué :

- dans un premier temps, les actions ont porté sur l'égalité entre hommes et femmes. L'action relative aux agents d'entretien s'inscrit dans le cadre du programme européen Equal ;

- puis les thèmes ont concerné les services : les horaires d'ouverture des piscines, des bibliothèques ;

- l'aménagement et les transports ont constitué le troisième grand axe.

Outre cette évolution thématique, on constate également une évolution d'échelle.

Le bureau des temps peut s'appuyer sur les travaux portant sur la question de l'urbanisme, des mobilités et de l'aménagement temporel : Sandra Mallet (enseignant-chercheuse en aménagement/urbanisme à l'Université de Reims) à travers le PUCA à Reims, Eric Lebreton (enseignant/chercheur en sociologie des mobilités- à l'Université Rennes 2) qui participe au réseau européen sur les temps, travaillent sur ces thèmes.

L'information du public se fait au travers des conférences. Depuis 2002, 48 conférences ont eu lieu, qui ont ensuite été diffusées sur internet ou dans des publications dédiées. Elles constituent aujourd'hui l'une des plus complètes sources d'informations sur les politiques temporelles actuellement disponibles. En outre, le bureau des temps répond à de nombreuses sollicitations des médias. Cela montre que les choses sont en train de mûrir. L'action sur l'heure de pointe du métro a été nominée aux trophées de la SNCF et décrite comme son « coup de coeur » par Guillaume Pépy, président de cette entreprise.

Parmi les pistes de travail actuellement explorées, le développement du télétravail ou du travail dans des tiers lieux apparaît comme un levier potentiel pour réduire les phénomènes d'heure de pointe, en limitant les déplacements. Dans les faits, on constate un problème de congestion les lundis, mardis et jeudis. Le télétravail ne devant pas concerner 100% du temps de travail, mais plutôt 2 jours par semaine, l'invitation à télétravailler ces jours-là apparaît comme un levier intéressant.

3. Audition de Mme Jocelyne Bougeard - Ville de Rennes, le vendredi 24 janvier 2014

Audition de Jocelyne Bougeard, adjointe déléguée aux temps de la ville, aux droits des femmes, à l'égalité des droits et à la laïcité de la Ville de Rennes.

Depuis treize ans, le bureau des temps rennais a évolué considérablement. Le mandat 2001-2008 a été un mandat d'évaluation et d'initiatives assuré par un portage politique fort du maire. Les thèmes d'action ont porté sur la mobilité, les conditions d'emploi des femmes, la qualité de vie, l'accès aux services, l'aménagement de l'espace, l'équilibre entre la qualité des services rendus et ceux qui rendent le service. La conscientisation des élus et des services a été notre priorité afin de mettre en place la transversalité qu'exige ce sujet. Notre bureau des temps a bien sûr rencontré des difficultés. On peut penser que l'un des obstacles a été d'être très ouvert vers l'extérieur alors que le travail de mon point de vue doit être d'abord interne et doit s'appuyer sur les propres services de l'administration. La question du rattachement administratif est également importante.

Les missions des bureaux des temps ont été parfois rattachées à d'autres compétences, c'est notamment le cas des droits des femmes à Paris ou à Caen. La question du rattachement du bureau des temps de Rennes entre 2001 et 2008 a été complexe. Au cours du premier mandat, il était rattaché au service des finances. De ce fait, plusieurs domaines lui échappaient : l'urbanisme, la petite enfance, la culture. En outre, lors des débats de la commission en charge des finances, la politique du bureau des temps était peu examinée par rapport aux autres sujets traités par cette commission.

Lors du deuxième mandat, à partir de 2008, le bureau des temps a été rattaché à la culture et au sport. Ceci l'a écarté d'autres groupes de travail. Son nouveau rattachement en 2011 auprès de Rennes Métropole à la direction de la prospective et du développement durable constitue une réelle avancée. En effet, les sujets traités par cette direction répondent parfaitement aux problématiques du bureau des temps. À titre de comparaison, le fait que le bureau des temps de Paris, de 2001-2008, ait été directement rattaché à la première adjointe a contribué à sa reconnaissance.

Lors des élections municipales de 2008, tous les bureaux des temps pouvaient douter de leur pérennisation.

Actuellement, les bureaux des temps sont portés par des villes de grande taille, il faut le regretter. Cette question concerne tous les territoires. Les territoires ruraux, par exemple, sont mobilisés par l'accès aux services, ou encore la mobilité des collégiens et des salariés, certaines saisonnalités de l'emploi, etc.

Enfin, l'expérience exige que d'une part, sans portage politique, il est difficile de mobiliser et, d'autre part, qu'il est préférable de se concentrer au départ sur un nombre limité d'initiatives ouvertes mais sur des problématiques différentes afin de démontrer que chaque champ de l'intervention publique est concerné.

Début 2002, le bureau des temps a été sollicité pour contribuer à un, puis deux projets européens, Equal, portant sur la place des femmes dans le secteur de l'emploi. Ce programme transnational a été passionnant. Les femmes sont soumises aux nombreuses pressions du travail, des responsabilités éducatives et charges domestiques. Cette réalité a été le coeur de notre projet européen. L'action sur les horaires de travail des agents d'entretien s'est inscrite dans ce programme. L'évolution relative aux conditions de travail des agents d'entretien a dix ans. Aujourd'hui, ce sont plus de 70 entreprises qui sont signataires d'une charte portant sur le travail du personnel d'entretien en journée. Y sont engagées à la fois des entreprises de nettoyage et des entreprises ayant recours à ces services.

Quelques points de bilan soulignent que :

- les politiques temporelles sont un révélateur d'inégalités et un levier pour les combattre ;

- elles contribuent à la qualité des services publics et exigent de travailler sur l'équilibre à trouver entre ceux qui rendent le service et ceux qui en bénéficient. C'est dans ce cadre qu'interviennent par exemple les débats sur le travail le dimanche ;

- les politiques temporelles intéressent tous les âges de la vie et tous les espaces de vie, avec une prise en compte des mutations sociales et des identités locales.

Si la mise en place d'un bureau des temps était à repenser, celui de Rennes se concentrerait plus encore sur les actions à mener en interne.

Les politiques temporelles ne sont pas encore perçues comme un sujet majeur. Dans certains domaines, un travail de conviction et de sensibilisation reste nécessaire. La ministre aux Droits des femmes est motivée par ce sujet, mais il est à regretter le retrait des autres ministères. Au niveau local, les élus sont assez isolés dans leur pratique, les politiques temporelles jugées secondaires à d'autres domaines d'intervention. Si le-la maire et le-la directeur-trice général-e ne sont pas convaincu-e-s, ces politiques ne sont pas explorées et formalisées.

La transversalité des politiques temporelles est à la fois une richesse et aussi un obstacle ; certains élus acceptent peu l'intervention de ces politiques dans leur domaine.

Le cycle de conférences réalisé par le bureau des temps de Rennes depuis 12 ans a permis de fidéliser et conscientiser un grand nombre de personnes, aux sensibilités et parcours différents, les thèmes des conférences couvrant des domaines très larges.

Les thèmes d'actions municipales et métropolitaines actuellement engagées sont les suivants :

- l'aménagement de l'espace et l'urbanisme, ainsi que l'animation de ces sites. Les usages de l'espace public commun, en fonction du jour et de la nuit, mais également en fonction de la saisonnalité sont travaillés. A titre d'exemple, Rennes a un rythme de « vie » attaché au calendrier universitaire et scolaire, un Rennais sur 4 étant étudiant. La question de la mutualisation et de la polyvalence des espaces est majeure, et accentuée par la limite de nos ressources. La modularité et la réversibilité des aménagements sont un enjeu pour les politiques temporelles. Concrètement, cela signifie que certains sites doivent être accessibles par des utilisateurs multiples. Dans les conventions d'utilisation des équipements, les questions temporelles sont incluses : horaires d'accès, polyvalence des locaux... ;

- les différents âges de la vie, et notamment la petite enfance et l'enfance. Le bureau des temps a alors un rôle d'appui ;

- l'intermodalité et les transports ;

- le renforcement de l'usage des nouvelles technologies par tous.

Enfin, pour mener à bien des politiques temporelles, il convient d'affirmer que l'organisation personnelle est aussi une question publique. Par exemple, en matière culturelle, avancer l'horaire de début de la représentation à l'opéra de 21 heures à 18 heures ne suffit pas à accueillir plus de personnes, car le public doit régler d'autres problèmes d'organisation, comme la garde des enfants ou le coût d'accès. De même, l'ouverture du musée durant la pause méridienne est expérimentée et analysée avant d'être éventuellement étendue. Il faut également considérer les répercussions des ouvertures à horaires décalés. Par exemple, une action intitulée les 4 jeudis, a été mise en place à Rennes, visant à ouvrir certaines soirées diverses infrastructures sportives, culturelles de quartier... Si l'initiative rencontre un franc succès auprès du public, et ne pose pas de problème aux salariés car ils participent sur la base du volontariat, les conséquences de ces actions doivent être évaluées : l'annulation des cours de piscine des scolaires le lendemain matin par exemple, car les personnels doivent disposer de temps de récupération.

Concernant les piscines, après une longue concertation, les actions menées ont davantage porté sur la répartition de l'utilisation des lignes de nage entre les scolaires, les clubs de plongée, les bébés nageurs, les personnes âgées, que sur une extension des heures d'ouverture.

La DATAR réunissait les collectivités territoriales travaillant les politiques temporelles afin de mutualiser et penser ensemble les innovations. Le changement de gouvernement a mis un terme aux réflexions de ce groupe, nous le regrettons. Les collectivités territoriales ont souhaité poursuivre les échanges et initié la création du réseau associatif national et bientôt européen, Tempo territorial, en 2004. Le conseil d'administration initie différentes actions et mobilisations dont des temps publics de réflexion et d'informations sur des thèmes définis, par exemple « rythmes scolaires », « santé et temps », « télétravail », etc. Une fois par an sont proposées les Temporelles dans une ville engagée dans le réseau, ainsi deux journées d'échanges sont consacrées à l'étude d'un thème choisi ensemble et réunit les spécialistes de la question. Ce réseau est très actif.

4. Audition de Catherine Gabriel et de Marie-Claire Lacaze - ville de Brive, le 28 janvier 2014

Audition de Marie-Claire Lacaze, responsable de la direction de la démocratie participative, de la politique des temps et de l'égalité femmes-hommes, et Catherine Gabriel, adjointe au maire de la ville de Brive.

Il est intéressant de constater que personne ne s'autorise à parler de la contrainte du temps, car elle est vue comme une fatalité, alors qu'on parle de la variable géographique, territoriale.

La mission temps a été mise en place à Brive en 2008, comme un outil permettant de répondre aux besoins de la population. Toutefois, elle a rencontré des difficultés pour convaincre les autres élus. A titre d'exemple, le bureau des temps a mis en place des concerts sur le pouce le midi, et l'idéal aurait été que cette action soit reprise par les services de la culture. Or, tel n'a pas été le cas.

La mission temps, qui est comprise dans un ensemble incluant également la démocratie participative et l'égalité entre les hommes et les femmes, est rattachée au directeur général adjoint de l'administration, ce qui peut poser des problèmes pour défendre des politiques transversales. Il aurait été plus pratique d'être rattachée auprès du directeur général des services. Toutefois, dans les faits, son positionnement ne lui a jamais été préjudiciable. Le temps consacré au bureau des temps varie selon les années. Ainsi lorsque les Temporelles ont été organisées à Brive, les politiques temporelles ont représenté plus de 50% du temps de travail de la chargée de mission.

En 2008, il a été décidé que pour être crédible, il était nécessaire de créer rapidement une action phare. Pour cela, le bureau des temps a organisé une après-midi de conférences pour sensibiliser le public. La participation n'a pas été très forte.

Le premier sujet abordé par le bureau des temps a été le guichet unique pour les activités extrascolaires. Il est issu d'une enquête menée auprès de la population via le journal municipal, qui demandait aux habitants où ils avaient l'impression de perdre le plus de temps. Lors du guichet unique, les enfants sont pris en charge pendant que les parents procèdent aux inscriptions. Le bureau des temps s'est heurté à des difficultés avec certains services, dans la mesure où il intervenait dans un champ de compétences traditionnellement dévolu à d'autres personnes. En outre, cela nécessitait de changer son optique d'organisation : il est nécessaire d'être dans l'optique « usagers » plutôt que de faire en fonction des moyens et habitudes de l'administration. Certains personnels ont également eu l'impression de dédoubler les inscriptions, car il fallait procéder à ces dernières lors de cette journée guichet unique, puis de retour dans leurs bureaux, retranscrire les inscriptions dans les fichiers.

Témoin de cette difficulté à accepter et à prendre en compte la transversalité des politiques temporelles, le bureau des temps n'a pas été sollicité lors de la mise en place de la réforme des rythmes scolaires. Or, Tempo territorial avait publié un rapport sur ce sujet.

La deuxième action a concerné « les concerts sur le pouce ». Ces derniers ont lieu à la pause méridienne, toute l'année sauf en janvier, février, juillet et août pour des questions budgétaires. Ils sont organisés de 12h30 à 13h15 toutes les deux semaines dans des salles non dédiées à un espace de concert. L'idée était d'offrir un lieu le midi et une animation culturelle, pour les salariés, mais aussi pour les personnes âgées qui ont du mal à sortir le soir. Le café et le jus de fruit sont gratuits et pris en charge par le bureau des temps. Ces concerts sont montés en partenariat avec une association des professeurs de conservatoire. La communication s'est faite par des tracts, de l'affichage, mais surtout le bouche-à-oreille. Parmi les points forts, on peut citer la gratuité du dispositif et la localisation : ces concerts ont lieu dans la salle des mariages de l'hôtel de ville. Le bureau des temps a gagné en notoriété avec cette action.

Une autre action concerne la garde des enfants à des horaires atypiques, avec une assistante maternelle qui se rend à domicile. Cette action est maintenant portée par le service petite enfance et est proposée pour une période transitoire, jusqu'à ce que les parents trouvent une solution.

Le bureau des temps a également travaillé sur les horaires d'ouverture des services administratifs. Désormais, la mairie est ouverte le jeudi entre midi et deux heures permettant les démarches d'état civil ou celles concernant les cartes d'identité. Une décision de la commission technique paritaire a été nécessaire, mais le bureau des temps a pu s'appuyer sur la tradition d'ouverture de la caisse des écoles le jeudi en continu, ainsi que sur le diagnostic qu'elle avait fait sur l'ouverture le jeudi midi : toutes les administrations étaient déjà ouvertes à l'exception de la mairie et de la sous-préfecture. Le personnel est volontaire.

Brive, qui est l'une des plus petites villes du réseau Tempo territorial , a organisé Les Temporelles en 2012. Elles ont porté sur la question du dialogue urbain-rural. À la suite de ce colloque, un groupe de travail a été créé. Il travaille à la création, avec mairie conseils , d'une journée flash de sensibilisation des élus ruraux aux politiques temporelles. C'est d'ailleurs devenu un des thèmes principaux à Brive.

En outre, dans le cadre de la mission « vie associative », une réflexion a été entamée sur les heures de réunion. Il s'agit notamment de savoir à quels moments les bénévoles sont les plus disponibles.

Il est par ailleurs prévu, dans le plan d'action pour l'égalité professionnelle femmes-hommes mis en place dans la collectivité, de ne plus fixer de réunions après 17h pour celles qui ne requièrent pas la présence des élus.

Les habitants de Brive ont également été interrogés sur la manière dont ils vivaient leur temps le dimanche. Il s'agit principalement d'un temps dévolu à la famille et aux amis. Les Brivistes sont également à la recherche d'activités : thé dansant, activités gratuites, accès aux bibliothèques.

Enfin, dans le cadre de l'égalité hommes-femmes, la ville de Brive souhaite expérimenter le télétravail dans le cadre de son volet « conciliation vie professionnelle, vie familiale ».

Pour les collectivités qui souhaitent mettre en place un bureau des temps, les trois points suivants sont nécessaires :

• un portage politique fort ;

• une personne dédiée au niveau technique et portée par un service ;

• la nécessité de mettre rapidement une action en place pour acquérir rapidement une visibilité et être considéré comme un partenaire à part entière.

5. Audition de Chrystelle Amblard - Communauté d'agglomération de Montpellier, le mercredi 29 janvier 2014

Audition de Chrystelle Amblard Responsable de la mission temps et territoire de la communauté d'agglomération de Montpellier.

Après avoir travaillé au bureau des temps de Paris, Chrystelle Amblard a rejoint Montpellier en 2006, où elle a participé à la création de la mission gestion des temps, dont elle est responsable. Cette mission est née de la conjonction de deux évènements :

• la proposition du conseil de développement d'ouvrir une réflexion sur la gestion des temps au niveau de l'agglomération ;

• la saturation de la ligne 1 de tramway par les étudiants des universités, qui commençaient toutes à la même heure. Ce problème pouvait être résolu par leur décalage horaire, comme cela avait été le cas à Poitiers, ce qui a convaincu le DGS de créer une mission gestion des temps.

Dans une première phase (2006-2011), la mission gestion des temps a réinterrogé l'ensemble des services et compétences de l'agglomération.

Depuis 2012, la mission a évolué, elle s'intitule « mission temps et territoire » et pense en associant l'ensemble des acteurs du territoire, l'aménagement temporel du territoire et des services.

1) De 2006 à 2011 : adapter les services de l'agglomération aux nouveaux rythmes

1.1 Le positionnement de la mission « gestion des temps »

La mission gestion des temps durant cette période a été rattachée au contrôle de gestion, qui avait un rôle transversal et était en charge des enquêtes usagers et audits. La gestion des temps était portée par le directeur général des services, ce qui a permis d'adapter les horaires d'un grand nombre de services à la population de l'agglomération.

Le rôle de la mission gestion des temps consistait à mener les enquêtes auprès des usagers, faire du benchmark sur ce qui existait ailleurs, analyser la fréquentation des équipements, faire des préconisations d'adaptations, tout cela en lien étroit avec les directions opérationnelles. Une fois le projet validé c'est la direction opérationnelle et les ressources humaines qui mettent en oeuvre le projet. La mission gestion des temps a parfois aussi été sollicitée pour évaluer les dispositifs a posteriori .

1.2. Les principaux domaines d'intervention

1.2.1. Réaménager les horaires et développer de nouveaux services.

L'action de la mission a principalement porté sur l'aménagement horaire d'un grand nombre de services de l'agglomération, et plus marginalement sur le développement de nouveaux services.

• Médiathèques :

- élargissement des horaires d'ouverture au grand public des médiathèques, en fin d'après-midi et en soirée ;

- ouverture le dimanche des médiathèques centrales (20% de nouveaux usagers) ;

- développement de services 24h/24, 7j/7 : boîtes de retour des livres, services internet de réservation et de prolongation des prêts.

• Piscines : réaménagement horaire des 12 piscines.

- les horaires d'ouverture au grand public ont été élargis et ont été coordonnés de manière à permettre à la population d'avoir au moins tous les soirs et le week-end une piscine ouverte à proximité ;

- les créneaux horaires attribués aux clubs sportifs et à la natation scolaire ont été renégociés et rendus plus pertinents.

- les rythmes de travail des agents des piscines ont été réaménagés et améliorés.

• Mobilité :

- prolongation jusqu'à 2 heures du matin du service du tramway les vendredis et samedis soirs pour répondre aux demandes des noctambules ;

- création de minibus le soir vers les communes périurbaines.

Nous avons aussi agi sur les horaires des musées, du planétarium, de l'aquarium, des maisons d'agglomération, des points propreté.

Un certain nombre de ces réaménagements horaires se sont faits à coût constant.

Ces différents projets ont émergé dans le cadre d'opportunités : ouverture ou intégration d'une nouvelle structure, audit d'équipement, demande d'aménagements horaires dans le cadre d'enquêtes auprès de la population. Parfois, l'action initiée sur un équipement s'est ensuite étendue à l'ensemble du réseau.

1.2.2. Améliorer l'aménagement temporel du territoire

Étaler les flux par le décalage horaire des universités

Les trois universités, qui comptent environ 60 000 étudiants et salariés, démarraient toutes leurs cours à 8 heures, en même temps que les collèges et lycées. Ceci renforçait les saturations observées de 7h30 à 9 heures et de 16h30 à 18h30, sur la ligne 1 du tramway, particulièrement entre la gare et les arrêts Saint Eloi et Université des Sciences et des Lettres qui desservent les universités Montpellier II et III, où 30 000 personnes démarraient à 8 heures.

À la suite de la signature d'un protocole d'accord avec ces trois universités, les horaires de début et de fin de cours de la moitié des établissements universitaires ont été décalés d'un quart d'heure (8h15), permettant ainsi d'étaler les flux de voyageurs et de résoudre les problèmes de saturation.

Améliorer la qualité de vie sur les zones d'activités

La mission a contribué à l'amélioration de la qualité de vie sur 2 zones d'activités gérées par l'agglomération en facilitant l'articulation des temps de vie des actifs, par :

- l'amélioration de l'offre de mobilité (bus, co-voiturage) ;

- la création de services (conciergerie, crèche, restaurant interentreprises...) ;

- une plaquette d'information sur l'ensemble des services accessibles sur la zone d'activité.

Améliorer la gestion des temps des agents de l'agglomération et de nos prestataires internes

On est intervenu sur 2 champs :

- pour les agents de l'agglomération : élargissement des plages horaires variables d'arrivée et de départ, pour permettre plus de souplesse dans la gestion de son temps de travail et développement de services (livraison de paniers bio, plan de déplacement des entreprises, formations à la gestion des temps personnels et professionnels...) ;

- Réaménagement des horaires du ménage au siège : on est passé de prestations fractionnées tôt le matin et tard le soir à des prestations qui sont pour la majorité réalisées en journée et en continu. Une étude est lancée actuellement pour étudier un élargissement aux autres sites.

2) Depuis 2012 : lancement d'un schéma directeur temps et territoire

Après avoir pendant de nombreuses années agie en interne sur les compétences de l'agglomération, la mission « temps » a souhaité élargir son champ d'action à l'aménagement temporel du territoire et des services avec l'ensemble des acteurs locaux et a lancé en 2012 l'élaboration d'un Schéma Directeur Temps et Territoire (SDiTT) 79 ( * ) .

Ce SDiTT, qui sera une première, vise à repenser l'aménagement du territoire et des services, car les temps d'accès, l'accessibilité horaire aux différents services à la population, les rythmes scolaires, les rythmes de travail, structurent la vie et le fonctionnement de notre territoire et nécessitent d'être mieux pensés, organisés et coordonnés. En nous emparant de cette question, nous souhaitons proposer collectivement un fonctionnement temporel de notre territoire qui soit efficient et qui offre à chacun une bonne articulation de ses temps de vie.

Le SDiTT a été lancé en concomitance avec la réforme des rythmes scolaires qui impacte les rythmes de vie de 25% de la population locale, de l'ensemble des acteurs éducatifs du territoire (Education Nationale, Commune, Agglomération, associations, transporteurs), de 22% des actifs occupés et donc des entreprises. Cette réforme, en modifiant en profondeur les rythmes de vie locaux et le fonctionnement du territoire, était un très bon levier pour lancer une réflexion autour des temps.

Le SDiTT travaillera, dans une première version qui sera finalisée en 2015, sur les sujets suivants :

- l'aménagement temporel du territoire et des services au regard de la réforme des rythmes scolaires : quelle nouvelle organisation temporelle de l'offre éducative, quels nouveaux services (ex. transport, garderie) le mercredi, quelle coordination des acteurs locaux autour des différents temps des enfants ;

- l'articulation de l'activité économique, des temps sociaux et du territoire, qui traitera en outre de l'aménagement du temps de travail et de la formation tout au long de la vie ;

- l'aménagement temporel du territoire : régulation des temporalités locales, coordination temporelle des acteurs locaux, politique des temps d'accès sur le territoire (structuration des vitesses), des services, des pôles secondaires, ville compacte multifonctions moins chronophage... ;

- temps et mobilité : temps de parcours, fréquence, accessibilité horaire aux transports publics, coordination temporelle des AOT (TER, bus, tram) et des générateurs d'activités...

2.1. Organisation qui porte le SDiTT

La mission a évolué, elle s'appelle désormais mission « temps et territoire ». Elle est rattachée au service planification qui gère la planification spatiale (SCOT), la mobilité (PDU), le développement durable (PCET, Agenda 21) et les temps (SDiTT).

3) Constats

3.1. Une mission temps doit être portée par la direction générale et avoir un cadre expérimenté de bon niveau

Pour qu'une mission temps fonctionne, il faut un cadre A de bon niveau à temps plein et que ce thème soit porté par la direction générale. A la communauté d'agglomération de Montpellier, nous sommes dans cette situation là, ce qui a favorisé la concrétisation de beaucoup de projets.

Une mission temps est une mission complexe qui nécessite :

- de savoir travailler en transversalité avec les directions opérationnelles, mais aussi les acteurs locaux du territoire ;

- d'avoir une capacité à agir sur des sujets très variés : enfance, culture, sport, transport, entreprises, aménagement du territoire, avec une entrée services à la population ;

- d'avoir une forte capacité à convaincre et à agir avec des niveaux décisionnels de haut niveau car les projets temporels amènent souvent des évolutions en matière de stratégie, des réorganisations, des aménagements du temps de travail. Il faut donc savoir convaincre la direction générale de l'intérêt du projet.

Remarque : beaucoup de bureaux des temps en France qui ont recruté des jeunes à ces postes, ou qui ont juxtaposé la mission temps à d'autres fonctions (ex. poste démocratie participative + temps), n'ont pas réussi à faire leurs preuves entraînant la disparition de leurs bureaux des temps.

3.2. Quels sujets doit adresser une mission temps

Une mission temps doit à notre sens adresser les 3 niveaux d'interventions suivants :

3.2.1. Niveau 1 : Adapter les services à la population, sensibiliser les organisations aux problèmes d'articulation des temps

C'est un champ d'intervention qui a beaucoup été développé par les bureaux des temps en France, où il s'agit de décliner à l'échelle d'un service, d'une organisation, des aménagements temporelles pour que le service réponde mieux aux rythmes de vie actuels, ou pour que l'organisation prenne mieux en compte les questions d'articulation des temps.

Ceci a été un positionnement premier pour les bureaux des temps qui agissaient en interne, sur les compétences de leur structure.

Un écueil à éviter

Quand on travaille sur les services aux usagers, on peut assez rapidement passer des questionnements temporels initiaux à un questionnement sur la notion de services au sens large (horaire, prix, formalité, type de services...) et transformer la mission temps en mission qualité de service aux usagers. Mais ne considérer que la qualité de service, c'est dévoyer la mission temps, et restreindre énormément son champ d'action et ses ambitions, car celle-ci doit aussi adresser les niveaux 2 et 3 décrits ci-dessous.

Laissons aux professionnels de la qualité ce domaine d'action -- ils sont déjà suffisamment nombreux -- et concentrons-nous sur les questions de temps.

3.2.2. Niveau 2 : Travailler à l'aménagement temporel du territoire et des services avec l'ensemble des acteurs du territoire

Les temps de parcours, l'accessibilité aux services, les rythmes des activités (rythmes scolaires, travail), conditionnant le fonctionnement de nos territoires et la qualité de vie, il nous semble primordial de penser l'aménagement temporel du territoire au même titre que l'espace.

- quels leviers, instances de régulation des temporalités locales mettre en place (horaires des commerces, des bars, des écoles, vitesse des voiries...) ?

- quelles coordinations temporelles mettre en place (ex. entre AOT et générateurs de flux, entre l'Éducation nationale et les acteurs de l'enfance, faut-il développer des plans des temps locaux...) ?

- comment penser l'aménagement temporel du territoire ? Quelle structuration des vitesses sur le territoire (les temps de parcours n'ont guère variés, mais l'augmentation des vitesses a permis l'étalement urbain) ? Quelle répartition de l'offre de service à la population, pour permettre une bonne articulation de ses temps quotidiens...

Tous ces champs n'ont pas beaucoup été explorés par les bureaux des temps, pourtant ils conditionnent la qualité de vie et l'efficience de notre territoire.

Pour avancer sur l'ensemble de ces sujets, la recherche et développement, l'innovation, seraient nécessaire.

Il faudrait aussi que les missions temps évoluent vers des missions partenariales, en lien avec l'ensemble des acteurs locaux. La mission temps de la communauté d'agglomération de Montpellier ou une structure comme la maison du temps et de la mobilité (bien que plus fragile) nous semble être des positionnements intéressants.

Enfin, ceci appelle aussi à une nouvelle phase de décentralisation, pour donner plus de pouvoirs aux collectivités locales en matière de gestion des temps locaux.

3.2.3. Niveau 3 : Faire évoluer notre système social et économique français au regard des grandes mutations qui ont profondément modifié notre rapport aux temps.

De grandes mutations ont transformé en profondeur notre rapport aux temps, mais notre système social et économique français peine encore à prendre toute la mesure de ces évolutions.

Quelques exemples :

Nous avons gagné au XX e siècle 31 ans d'espérance de vie (+ 65 %), vies au cours desquelles de nombreux changements et ruptures interviennent (séparations, réorientations professionnelles, périodes de chômage, innovations technologiques, mutations sociales). Quelles protections sociales et systèmes de formation développer pour accompagner la population dans ces mutations ? L'allongement de l'espérance de vie pose également la question des fondements de la retraite et de son financement, car lors de sa création, seulement 5 % de la population atteignait l'âge de 60 ans, alors qu'aujourd'hui l'espérance de vie de 81 ans. Doit-on concentrer le temps libre en fin de vie ? Ne faudrait-il pas plutôt repenser l'aménagement des différents temps tout au long de la vie ?

L'entrée massive des femmes sur le marché du travail a aussi modifié en profondeur les temps sociaux. Comment faire évoluer notre politique familiale nationale et comment répondre aux demandes en matière de garde d'enfants (crèches, dispositifs péri et extrascolaires...) sur les territoires ? Cela réinterroge aussi la répartition du temps de travail en France, car actuellement on concentre l'activité professionnelle au moment où l'on a des enfants (30-55 ans), ce qui induit 65 heures de travail hebdomadaire (activité professionnelle + domestique + parentale), une implication citoyenne moindre, des problèmes de santé, des ruptures de couples, peu de présence parentale... alors que les jeunes et les moins jeunes peinent à trouver du travail... Ne faudrait-il pas penser une autre répartition du temps de travail ?

Le développement des technologies de l'information et de la communication, de la mondialisation, de la société de consommation induisent des fonctionnements en temps réel, 24h/24, en continu, rythmes que les humains et la terre ne peuvent suivre. Dès lors, quelles régulations, quel système temporel mettre en place ?

Les mutations ont été observées, mais peu de réponses ont encore été apportées par les missions temps.

Ces questions nous semblent essentielles pour guider l'action locale, mais elles relèvent plus d'un niveau gouvernemental (retraite, politique familiale, formation professionnelle, régulation économique...), de questionnements politiques et de choix sociétaux.

3.2.4. Conclusion

Actuellement, la plupart des bureaux des temps ont concentré leurs actions au niveau 1 « celui des services et des organisations ». Il reste à investir le niveau 2 « aménagement temporel du territoire et des services » et le niveau 3 qui relève plus de « l'État » et « des choix sociétaux ».

Les politiques temporelles ont donc de l'avenir si elles adressent aussi les niveaux 2 et 3.

3.3 Il faut développer les liens avec la recherche

Les politiques temporelles sont encore émergentes, balbutiantes. Il faut que la recherche nous aide à comprendre l'organisation des temps sociaux et identifier les inégalités temporelles. Mais qu'elle nous aide aussi à bâtir les cadres théoriques de l'aménagement temporel du territoire, de la régulation temporel, d'un nouveau système social français qui réponde aux grandes mutations qui ont bouleversé notre rapport au temps.

6. Audition de Chantal Trouwborst, le mercredi 29 janvier 2014

Audition de Chantal Trouwborst, conseillère municipale déléguée aux temps urbains de la ville de Dijon.

A Dijon, l'instauration de politiques temporelles est une volonté du maire, François Rebsamen, qui avait demandé dès 2006 aux conseils de quartier de s'emparer de ce sujet. Depuis 2008, une élue est exclusivement déléguée aux politiques temporelles. Elle travaille avec une chargée de mission rattachée au pôle vie des quartiers. Elle est associée aux réunions mensuelles des directeurs de service, ce qui lui confère une certaine visibilité. L'élue, qui ne doit référer à aucun adjoint dispose d'une autonomie dans ses tâches.

Le bureau des temps a procédé à un recensement des besoins, lesquels ont été mis en évidence par concertation. On peut les répartir en cinq grandes catégories : aménagement des horaires, aménagement urbain, flux liés aux entrées et sorties des écoles, entreprises et commerces, loisirs et information.

Dès l'installation de la mission temps à Dijon, il a été jugé nécessaire, d'une part, de mettre en place rapidement des actions concrètes pour se faire connaître et, d'autre part, de travailler de manière transversale. Ainsi, les élus de la majorité et les directeurs des services ont été sensibilisés, notamment par le bais d'un tour des services et d'une présentation avec diaporama lors d'une réunion de municipalité en présence des élus de la majorité et des directeurs de services.

Les politiques temporelles de la ville de Dijon sont construites autour de cinq axes. Le premier consiste en la conciliation entre la vie professionnelle et la vie familiale. Pour cela, une action a été rapidement lancée concernant l'accueil des enfants le midi. La mission temps a constaté qu'un certain nombre d'enfants est obligé de rester déjeuner à l'école car leurs parents ne peuvent pas venir les récupérer à l'heure de sortie de classe ou les déposer à la reprise des cours. Deux temps d'accueil périscolaire supplémentaires sur la pause méridienne (de 11h50 à 12h30 et de 13h15 à 13h50) ont ainsi été mis en place, sans obligation de déjeuner à la cantine, et avec possibilité pour les parents de venir ou de ramener leur enfant à tout moment dans ces créneaux. Une seule restriction : le choix des parents est limité à l'un des deux créneaux. En effet, le but est d'assouplir les rythmes afin de permettre aux familles de déjeuner ensemble. La mise en place de ce dispositif s'est faite sans embauche de nouveaux animateurs et a conduit à une économie de 11 000 euros pour l'année 2013, laquelle a aussi été l'occasion d'intéresser d'autres élus. L'expérimentation lancée en 2008-2009 a été généralisée en 2012 à l'ensemble des écoles ayant un double service de cantine. Avec la modification des rythmes scolaires, ce système a été également mis en place le mercredi, sous la responsabilité de la PEEP, par délégation. Si ce service fonctionne bien en centre-ville, on a constaté qu'il est utilisé de manière très disparate suivant les quartiers.

Parallèlement, la mission temps a travaillé à une extension des horaires du marché de centre-ville. Il fermait à 12h30. Après enquête auprès des usagers et concertation avec les commerçants des halles, l'heure de fermeture a été repoussée à 13 heures. Mais la mission temps a été confrontée à un problème de communication sur cette initiative.

Le deuxième axe concerne l'articulation entre temps de loisirs et temps de repos. Les actions menées concernent principalement la nuit. Une charte pour la qualité de la vie nocturne, Harmonuits , a été signée avec plusieurs partenaires : la CCI, les associations étudiantes organisatrices de soirées, l'Université et l'Ecole Supérieure de Commerce, l'État (depuis 2013), les établissements de nuit, cafés et restaurants, la police, l'UMIH, les associations de prévention et Uniscité. Cette initiative a été récompensée en 2009 par les trophées de la nuit, distinction attribuée pour la première fois à une collectivité territoriale. Cette charte présente plusieurs volets : formation à destination des associations étudiantes pour les informer de leurs droits et devoirs. Des sessions de formation sont organisées en octobre et en avril. Un volet prévention existe également par le biais d'actions de sensibilisation à l'attention des noctambules. Ainsi, "les fantômes de la nuit" sont expérimentés depuis le début de l'année, une fois par mois, le jeudi et le samedi. Il s'agit d'acteurs accompagnés de volontaires de l'association Uniscités (services civiques) chargés de sensibiliser les noctambules aux comportements à risques et nuisances potentielles. La première a été organisée de 23 heures à 3 heures du matin, l'horaire a été modifié pour la seconde déambulation, de 21 heures à 23 heures. Nous avons pu constater un besoin de médiateurs de la nuit. Un volet labellisation a été mis en place pour les établissements de nuit et les associations étudiantes organisatrices de soirées. Le label peut faire l'objet d'un retrait, ce qui a déjà été le cas. Enfin, il y a un volet médiation. Un comité, qui rassemble des partenaires d'H armonuits ainsi que la police municipale, s'est déjà réuni plusieurs fois.

L'idée d'un guide papier des activités nocturnes a été avancée, mais a échoué notamment du fait que les horaires indiqués pouvaient rapidement ne plus être à jour.

Le troisième axe concerne l'adaptation des ouvertures et offres proposées par les services accueillant du public. Tout d'abord, en ce qui concerne les bibliothèques, il a été procédé à une simplification générale des horaires. En outre, la bibliothèque du centre-ville était fermée entre midi et 14 heures. Elle est désormais ouverte en continu. Pendant les vacances scolaires, ces établissements étaient également peu accessibles, avec une ouverture limitée à 2 jours par semaine et un roulement de fermeture par quartier. Il y a désormais une ouverture quotidienne avec un horaire identique pour l'ensemble des sites. La problématique a été relayée par le service de la culture qui a mené de longues négociations. Enfin, la question de l'ouverture le dimanche a été abordée. En outre, dans le cadre de Dijon Plage, au lac Kir, un système de prêt gratuit de livres à la journée a été mis en place sur le site. Cette opération, dont le but est d'aller chercher le « non-public », connaît un franc succès.

Le quatrième axe concerne les commerces et les entreprises. Il y a parfois des difficultés à travailler avec les commerçants, mais en même temps un réel besoin de leur part, car tant la crise économique que les travaux en centre-ville ont eu des impacts importants sur la fréquentation des commerces. Ont également été créés « les midis de la culture », avec l'idée d'instaurer un rendez-vous régulier à la pause méridienne, à jour fixe. Cette action a permis de regrouper les animations existantes sous un même vocable afin d'accentuer la communication auprès du grand public et de créer une dynamique auprès des établissements culturels et des commerces du centre-ville. Concernant l'activité commerciale, les livraisons sont possibles jusqu'à 11 heures. Les livraisons plus tardives se font par appel sur borne. Ce sujet a été abordé en amont, lors des travaux de construction du tram.

Le cinquième axe concerne l'urbanisme. En 2008, le service de l'urbanisme a été très sensibilisé à la question des temps. Pour la première fois en France, les politiques temporelles ont été introduites dans les documents de planification. Elles s'y articulent autour de 4 axes : les usages multiples/le partage des usages, la mixité des fonctions urbaines, la valorisation des lieux d'interconnexion et l'intermodalité .

Il convient de concevoir des équipements publics réversibles tant multiusages qu'évolutifs en fonction des besoins. La qualité d'un projet urbain réside dans sa capacité à associer les diverses connaissances, y compris celles des habitants, des usagers de la ville. On retrouve, à travers la rubrique « ville apaisée », l'idée d'une prise en compte de l'ensemble des publics pour chaque espace à construire. Un autre point a été abordé : lors de la construction d'un quartier, il a été demandé que la voirie soit construite rapidement sans attendre la fin des travaux sur l'ensemble du quartier, pour pouvoir l'utiliser de suite. La question des bancs est également importante : si l'on souhaite une ville piétonne, il faut prévoir des bancs pour se reposer.

La mission temps urbains et le service démocratie locale se sont unis pour la réalisation d'une étude sur l'implantation de structures de repos au centre-ville de Dijon. Des balades urbaines, diurnes et nocturnes, ont également été mises en place avec les élus des différents quartiers afin d'identifier les besoins. La consultation de la population a été faite jusqu'au bout puisqu'ils ont également été associés au choix du modèle des bancs à installer rue de la liberté par un vote ayant eu lieu un après-midi, sur place.

7. Audition de Jules Aimé et Christine Sarrazin-Baudoux - Ville de Poitiers, et de Dominique Royoux, et Mireille Terny - Agence des temps de Poitiers, le lundi 3 février 2014

Audition de Jules Aimé, conseiller municipal, délégué à l'agence des temps, de Christine Sarrazin-Baudoux, 1 ère adjointe déléguée à la modernisation administrative, à l'administration générale, à l'accueil du public, à l'agence des temps, aux technologies de l'information et aux systèmes d'information, de Dominique Royoux, directeur de l'agence des temps de la communauté d'agglomération du Grand Poitiers, et de Mireille Terny.

Les politiques temporelles intéressent de plus en plus de collectivités. L'association Tempo territorial et les collectivités membres reçoivent de nombreuses demandes, toutefois elles sont rarement traduites par la mise en place dans la collectivité demandeuse d'une réelle politique des temps. Il s'agit plutôt d'actions ponctuelles. Tempo territorial a été créé en 2004, suite à la sollicitation au début des années 2000 des collectivités territoriales par la DATAR sur ce thème, puis par l'abandon de ces enjeux au niveau national. Les collectivités territoriales sollicitées ont souhaité continuer à travailler ensemble et ont créé Tempo territorial . Récemment deux collectivités ont rejoint le réseau : la communauté urbaine de Bordeaux et le conseil général des Pyrénées-Atlantiques.

L'agence des temps de Poitiers date de 2001. C'est un service de la communauté d'agglomération du Grand Poitiers et fait partie du service « prospective et coopération territoriale ». Deux élus ont été chargés des politiques temporelles. Le maire avait été sensibilisé sur ce thème par un voyage d'études en Italie en 1998. Elle est rattachée au service prospective et coopération internationale, qui est composée de deux branches : l'une, traditionnelle, regroupe l'aménagement du territoire et la préparation des contrats ; l'autre, plus innovante et atypique, regroupe le réseau d'agglomération AIR 198 (composé des villes de Poitiers, Niort, La Rochelle), le conseil de développement responsable qui est une instance de participation issue de la loi Voynet, et enfin l'agence des temps. Le conseil de développement responsable et l'agence des temps s'influencent d'ailleurs mutuellement et travaillent sur certains sujets conjointement. C'est le cas notamment de la politique intergénérationnelle, pour laquelle ils ont adopté une approche conjointe.

L'agence des temps doit à la fois asseoir sa légitimité au moyen d'actions concrètes et avoir une politique englobante, prospective qui se rattache à d'autres politiques : mobilité, urbanisme temporel. Par exemple, lorsque l'on s'intéresse aux besoins de service des employés dans les centres d'appel du Futuroscope entre 6 heures et 23 heures, il faut avoir en tête les questions de garde d'enfants, les transports, les possibilités de faire ses courses,...

Le service est directement rattaché à la direction générale des services et est membre du comité de direction, ce qui est un bon rattachement, car cela permet d'injecter dans toutes les politiques la notion de temps. En outre, ce positionnement offre une visibilité.

Au niveau de l'agglomération, un groupe de travail informel baptisé « Grand Poitiers temps » a été formé : deux élus de chaque commune y participent. Cela permet de les sensibiliser, mais aussi de faire remonter les problèmes liés aux politiques temporelles dans les communes, ainsi que d'élargir le champ d'action de l'agence des temps. Au début du mandat, en 2008, ce groupe se réunissait tous les deux mois, il se réunit désormais de manière trimestrielle.

Le premier chantier de l'agence des temps a été celui du commerce du centre-ville. Il s'agissait de préparer l'aménagement d'un centre commercial avec des galeries marchandes ouvertes en permanence. En effet, les commerçants n'ouvraient pas le midi. Un travail de concertation a été mené avec l'association des commerçants et, du fait de la nécessité économique, le principe d'une ouverture continue des commerces de centre-ville a été acté. Poitiers regarde également avec intérêt ce qui a été mis en place à La Rochelle s'agissant des livraisons. Des plateformes de livraison ont été installées aux portes de la Rochelle, puis des navettes électriques apportent les marchandises à l'ensemble des commerçants d'une même rue.

Le deuxième chantier a été l'organisation des horaires d'ouverture des mairies de quartier. Une enquête a été menée auprès des usagers au sein des mairies de quartier et de la mairie centrale. La négociation a été longue avec les syndicats de la ville. Dans les quartiers, une modulation a été faite en fonction de l'environnement et des besoins, qu'il s'agisse de l'ouverture entre midi et 14 heures lorsque le marché se déroule aux mêmes heures, ou encore en fonction des horaires du pôle administratif à proximité. On est ainsi passé d'une réflexion sur les horaires à une réflexion sur les rythmes. Une réflexion a ensuite été menée sur l'ouverture des médiathèques. La ville dispose de 6 médiathèques dont une centrale. Il y a désormais une nocturne le mardi jusque 23 heures dans les grandes médiathèques. Deux obstacles principaux ont été rencontrés : la compensation financière et une opposition de principe. Aujourd'hui, les syndicats sont très fermés sur ces questions, c'est devenu une position de principe, il faut concilier demande du public et vie privée des agents. Lors de l'inauguration de la bibliothèque François Mitterrand en 1996 en présence de Danièle Mitterrand, il y a eu des sifflements de la part de la CGT, car les journaux avaient évoqué la question de l'ouverture le dimanche.

La médiathèque est devenue un tiers lieu : un endroit de rencontre, un café bon marché pour les étudiants, un lieu chauffé, un accès à la littérature et à la presse. En outre, un forum est annexé à la bibliothèque, ce qui en fait un lieu très ouvert. Une étude a été faite sur les besoins des publics, mais pour l'instant, cela s'est arrêté là.

L'agence des temps a également mis en place un guichet unique pour la rentrée scolaire. Celui-ci est désormais géré par le service de l'administration. Fin août, début septembre, de 16 heures à 19 heures, tous les services ayant un lien avec le scolaire sont réunis dans une même enceinte. Les services ont plutôt bien réagi, car cela leur permet de rencontrer leurs collègues. Par ailleurs, on a constaté qu'un peu plus de pères venaient le samedi matin effectuer les démarches administratives pour leurs enfants, ce qui participe un petit peu à l'égalité homme-femme. Enfin, en créant un guichet unique, on a créé des besoins. On a constaté une hausse du nombre d'inscriptions à l'école des Beaux-Arts, car la réunion de plusieurs activités culturelles et sportives dans un même lieu permet de démystifier certaines d'entre elles. Les gens qui n'auraient pas osé entrer dans l'école des Beaux-Arts pour inscrire leurs enfants n'hésitent pas à s'arrêter en passant devant le stand lors de ces journées.

La troisième action a porté sur la congestion aux heures de pointe dans les transports en commun. Dès 2001, l'agence des temps s'est saisie de à ce problème afin de décaler l'heure de début des cours à l'université. Cette action a perdu une grande partie de son opportunité avec la réforme LMD (Licence-Master-Doctorat), qui a entraîné une augmentation du nombre d'options. Il y a ainsi eu un étalement des flux et moins de cohortes d'étudiants à heures fixes.

Concrètement, 10 000 étudiants commençaient les cours en même temps. En 2002, une négociation a été menée avec les directeurs des 5 facultés du campus qui reconnaissaient volontiers ce problème. Les associations étudiantes ont également été consultées. Le fait que l'adjointe de l'époque, Mme Catherine Coutelle, soit à la fois chargée des temps et de l'université a permis de faciliter les négociations, car elle était une interlocutrice reconnue par l'université. Au final, cela a conduit à échelonner tous les quarts d'heure de 7h45 à 8h45 le début des cours pour chaque UFR. Une consultation a ensuite été menée sur les effets induits entre midi et deux heures, notamment sur la fréquentation du restaurant universitaire ou encore le militantisme étudiant.

La quatrième action a porté sur la création de Tandem , qui est un mode de garde à domicile pour des parents ayant des horaires atypiques, entre 6 heures et 22 heures. Une centaine de familles sont concernées. Les familles bénéficiant du dispositif sont directement choisies par Tandem et non par la commune. Tandem a été créé grâce au groupe de travail de l'intercommunalité « Grand Poitiers temps ». En effet, il était alors possible aux communes « d'acheter » auprès de la CAF des heures de garde pour les habitants de leur commune. Or, les règles d'attribution des aides de la CAF ont changé. Elles sont directement attribuées à une personne et non plus à la commune. L'agence des temps a apporté un soutien logistique, notamment en communiquant sur ce sujet et en aidant à la rédaction des statuts de l'association. Il est à noter que ce service ne peut être récurrent. Depuis peu, l'association est devenu un groupement d'employeurs afin d'améliorer les conditions de travail des puériculteurs employés en leur permettant de faire des journées plus complètes.

Une autre action a consisté à mettre en place une plateforme d'information sur les moyens de locomotion pour les personnes en insertion. En effet, la ville a fait le constat que 30% des postes non pourvus à la mission locale l'étaient du fait d'un problème de mobilité. Un numéro vert a été mis en place par la régie des transports pour informer de tout ce qui existait comme solution de transports pour se rendre entre deux points, et pas seulement par les bus de la ville. Des associations de location de mobylettes et de vélos étaient également associées. Malheureusement, la plateforme a fermé au bout d'un an notamment parce qu'il n'y a pas eu un relais de l'information sur ce dispositif assez important dans la mission locale. Mais la plateforme va peut-être rouvrir, car une maison de quartier a répondu à un appel d'offre du FARE. Le covoiturage serait inclus. L'agence des temps a seulement pris en charge les frais de communication, car la personne recrutée par la plateforme l'a été par la régie des transports, dans le cadre d'un contrat d'accompagnement dans l'emploi.

L'agence des temps a également mené une réflexion sur le temps des étudiants. En 2001-2002, il a été procédé à un renforcement des bus nocturnes. Au cours du deuxième mandat, les zones desservies par le bus nocturne ont été élargies du jeudi au dimanche.

Le deuxième mandat a été, à travers de nombreuses actions, un mandat de renforcement. À titre d'exemple, les concerts-sandwich lancés pendant le premier mandat au TAP (théâtre et auditorium de Poitiers) connaissent un grand succès (entre 300 et 400 personnes à chaque concert). Un travail est actuellement mené pour faire venir les salariés du centre-ville. Le TAP communique auprès des commerces, l'agence des temps avec les administrations se trouvant en centre-ville. Le concept est également en train de s'étendre : à partir du mois d'avril, une action sera menée avec les partenaires du patrimoine : des visites guidées seront organisées dans des monuments comme la mairie et ses jardins, les musées, l'hypogée mérovingien. Le conservatoire, de son côté, organise des concerts le midi dans les locaux de la région, l'association « les clés de Notre Dame » a, pendant un moment, organisé des concerts pendant l'été. L'idée, pour le prochain mandat, est de publier un guide des horaires non conventionnels de la culture.

En matière culturelle, un travail est également mené entre Tandem et « la bourse au spectacle » afin de faciliter l'accès à la culture des personnes à faibles revenus. Outre des tarifs très réduits, ces personnes peuvent bénéficier d'heures gratuites de garde de leurs enfants pour leur permettre d'assister à la représentation. Ces heures sont prises en charge financièrement par l'agence des temps. Cette action a permis de bien faire connaître l'agence des temps.

Jusqu'en 2008, il existait un comité consultatif du temps, dont les activités ont été reprises par le conseil de développement durable. Toutefois, avec l'expérience, il apparaît nécessaire de continuer à réunir les personnes ayant cette préoccupation temporelle dans une structurelle informelle. L'agence des temps bénéficie en effet d'une visibilité auprès de ces partenaires, mais il est nécessaire de ne pas se satisfaire de l'existant et de relancer les liens de partenariat.

L'une des grandes questions aujourd'hui est l'intergénérationnel, car cela a un lien avec la cohésion sociale. Un guide des actions des associations intergénérationnelles a été rédigé présentant les actions réparties en trois grandes catégories : faire pour/faire réciproquement/faire ensemble. En outre, une formation à l'activité intergénérationnelle associative est proposée, assurée par l'association AFIPAR et financée par la région. Elle a lieu sous la forme de deux modules : le premier est relatif à des échanges d'expérience et qu'est-ce que l'intergénérationnel. Entre le premier et le deuxième module, les participants étaient invités à monter des projets intergénérationnels, et le deuxième module devait être l'occasion de faire un bilan sur le montage du projet.

En outre, en matière d'urbanisme intergénérationnel, l'agence des temps anime au conseil de développement durable une commission nommée « âge de la vie ». Il s'agit de faire connaître ce qui existe en matière d'habitat intergénérationnel. Un bailleur social réfléchit actuellement à des logements intergénérationnels. D'autres projets existent dans ce domaine comme le dispositif equip'âge, qui consiste à mettre en place des colocations intergénérationnelles afin de permettre aux jeunes de trouver un logement à loyer bonifié en échange de compagnie ou de services. Une maison de quartier avec un dispositif « habitat jeune » a intégré dans sa démarche cette idée intergénérationnelle. Les premiers « couples » jeunes/seniors sont apparus, il a fallu définir une charte pour éviter tout abus. Cette dernière a été écrite en partenariat avec l'agence des temps, l'ADIL, le bailleur social, le conseil de développement durable.

Le bureau des temps a également mené une action sur le bénévolat. En effet, il a constaté que les jeunes avaient du mal à appréhender les codes traditionnels du bénévolat. Début décembre 2013, une table ronde a eu lieu avec les associations de jeunes et d'étudiants afin d'essayer de comprendre leur temporalité. Le constat a été fait d'un très fort décalage entre adultes et jeunes. La durée de l'engagement pour une cause est beaucoup plus courte pour les jeunes.

L'heure optimale de réunion varie selon les âges. Ainsi, les jeunes sont plus présents dans les réunions ayant lieu entre 18 heures et 20 heures. En ce qui concerne les retraités, très présents dans le monde associatif, ils sont beaucoup moins disponibles à partir de mars/avril.

Enfin, le temps de la construction de nouvelles infrastructures n'est pas celui du temps des jeunes, qui attendent généralement une réalisation beaucoup plus rapide, une fois que le projet est décidé, pour la construction d'un citypark par exemple.

L'agence des temps souhaite désormais travailler sur des sujets plus transversaux.

Le premier thème concerne l'intergénérationnel, qu'il s'agisse d'éducation ou d'accessibilité. En matière de transport, 60% des usagers des bus sont des jeunes. Il existe une difficulté pour certains seniors du fait de la façon dont les chauffeurs de bus donnent l'information, communiquent avec les usagers. Lors de la semaine européenne de la mobilité, une action a été menée pour inciter les seniors à prendre les transports en commun. Un autre point concerne les formes multiples de mobilité. On constate un essor du covoiturage. En effet, il est souvent moins cher que le train et présente l'avantage d'avoir des horaires beaucoup plus flexibles. Le troisième thème concerne l'aménagement urbain. Il s'agit de prendre en compte les usages successifs que peut avoir un même lieu ainsi que la coexistence, sur un même espace, de publics différents. Un travail sur des usages partagés des espaces publics doit être fait. Pendant longtemps, l'espace public avait un usage unique : c'est le cas des places d'armes. Aujourd'hui, ce n'est plus possible. En outre, il faut prendre en compte les différentes vitesses de déambulation. Des marches nocturnes ont été organisées. Il s'agit de permettre à l'élu et aux citoyens de prendre conscience d'un territoire qui vit la nuit. Toutes les directions municipales sont concernées par la nuit et ses activités.

La recherche de l'égalité hommes-femmes a été un élément déclencheur de la mise en place d'une agence des temps, mais elle n'est plus qu'un des points d'entrée. D'ailleurs, l'égalité hommes-femmes relève aussi d'une politique transversale. C'est pourquoi, pour chaque action, on vérifie que l'égalité hommes-femmes n'est pas altérée. Mais il ne s'agit que d'une inégalité parmi d'autres.

Après 12 ans d'existence, les obstacles suivants ont été mis en avant :

- la transversalité : il faut faire comprendre aux élus et services que la question des politiques temporelles concerne tout le monde ;

- le manque d'enquêtes qualitatives : considérées comme un luxe, elles font cruellement défaut. Toutefois, l'agence des temps de Poitiers peut bénéficier d'un partenariat avec le master sociologie de l'université de Poitiers. Depuis 12 ans, il réalise chaque année une enquête concernant les politiques temporelles : la question des horaires atypiques des personnes travaillant aux centres d'appel du Futuroscope, les horaires culturels, Poitiers la nuit,....

En ce qui concerne l'association Tempo territorial , l'un des buts est d'avoir une reconnaissance par l'État et l'Europe des politiques temporelles. Au niveau européen, le Conseil de l'Europe a récemment adopté une résolution en ce sens. Au niveau national, si Lionel Jospin avait annoncé lors du festival de la ville à Créteil un très fort soutien aux politiques temporelles, aucune action concrète n'a ensuite été menée. Or, un portage politique au niveau national plus fort permettrait de sensibiliser d'autres collectivités territoriales à ces questions.

8. Audition de Marie Jacquin-Pavard - Ville de Strasbourg, le mardi 4 février 2014

Audition de Marie Jacquin-Pavard, cheffe de projet Mission des temps à la Ville de Strasbourg.

Une Mission des temps existe à Strasbourg, depuis décembre 2009. La cheffe de projet est rattachée à la direction générale des services, sous la responsabilité hiérarchique du DGA en charge du Pôle Droits et services à la personne. Cela lui permet d'avoir une position transversale, ce qui était une volonté de la direction générale. La mise en place d'une politique temporelle était un engagement du mandat. La mission de la cheffe de projet, seule agente affectée sur ces politiques, a été définie par une lettre de mission 80 ( * ) . Ce document, ainsi que l'appui hiérarchique dont elle a pu bénéficier, lui a permis d'acquérir une légitimité pour intervenir de manière transversale. Le parti a été pris d'une logique de management de projet, avec la constitution d'équipes en fonction des projets. Une première phase exploratoire a duré trois mois. Il a été demandé aux différentes directions, à la faveur de réunions de direction, la manière dont elles appréhendaient la question du temps dans leurs missions. Au terme d'une première année, un diagnostic temporel et un plan d'actions ont été produits. La mission temps assure actuellement la mise en oeuvre de ce plan d'action, validé en comité de pilotage, qui s'articule autour de sept thématiques et de 23 actions.

Le premier volet du plan d'action concerne l'accès à l'information. Le projet temps a ainsi profité d'une refonte du site internet pour insuffler la thématique « temps » : les horaires d'ouverture des services sont indiqués, des formulaires administratifs sont directement téléchargeables, une page d'annonces d'évènements réservée aux associations a été créée.

S'agissant des inégalités face au temps, un séminaire a été organisé en mars dernier, présentant ce qui a été fait à Strasbourg, notamment en matière d'égalité hommes/femmes et d'articulation des temps. Des entreprises ont été invitées à présenter leurs actions, telle la charte de la réunion. À noter, que depuis décembre 2013, la communauté urbaine de Strasbourg dispose d'une telle charte.

La ville de Strasbourg a expérimenté le passage en horaires continus des agents d'entretien du centre administratif. Comme pour toute politique temporelle, cette action a été expérimentée pendant un an. Le bilan a été positif, tant du côté des agents que de celui du personnel occupant. Une réflexion est actuellement engagée pour essayer de diffuser cette pratique dans les écoles. A terme, une démarche territoriale sur le passage en horaires continus de ces emplois pourrait être engagée avec d'autres partenaires extérieurs, donneurs d'ordre publics ou privés, ayant recours à des agents d'entretien. Le projet temps essaiera ainsi d'introduire la question des horaires dans les marchés publics.

Un autre axe consiste en un travail sur la vie nocturne à Strasbourg. En effet, cette ville a la réputation d'être peu animée la nuit. La mission temps a diligenté une enquête, afin de faire le point sur la situation. Elle a consisté en six mois d'études, des enquêtes de terrain, des entretiens, des sorties nocturnes avec les élus, les conseillers de quartier ont été associés. Un séminaire de restitution a été organisé et quatre groupes de travail ont été mis en place. L'une des premières actions a consisté en une redéfinition de la ligne de bus de nuit : d'une ligne unique nord-sud, elle est désormais constituée en trois branches avec un point central et des départs à heures fixes.

Autre réalisation relevant de la vie nocturne et directement pilotée par la Mission des temps : la création et la diffusion en 40 000 exemplaires d'une carte « Strasbourg capitale, ... la nuit aussi ! ». La carte recense tous les services publics ou privés, connus ou méconnus, ouverts à Strasbourg entre minuit et 5 heures du matin.

Cette carte se veut une aide concrète à la vie quotidienne des habitants (usagers de la nuit), des visiteurs de passage ou encore des parlementaires européens en proposant les thématiques suivantes :

§ se déplacer la nuit ;

§ autour d'un verre ou d'un repas ;

§ s'amuser ;

§ se cultiver ;

§ le patrimoine illuminé ;

§ les services publics ouverts en nocturne.

Le principe est de faire figurer en une même carte les événements et animations urbaines majeures. Les atouts et spécificités de Strasbourg ont été valorisés : institutions européennes, ville transfrontalière, ville cyclable, ville piétonne et événements annuels.

Cette carte repend les actions conduites par la ville et la communauté urbaine de Strasbourg en lien avec ses partenaires, à travers plusieurs thématiques :

- l'offre de transports (tram, bus, vél'hop, parkings de nuit, auto'trement ...) ;

- les offres de garde d'enfants ;

- les équipements culturels, sportifs ouverts la nuit ;

- les établissements de nuit signataires de la Charte de la vie nocturne ;

- le patrimoine architectural et culturel mis en valeur, notamment dans le cadre du plan lumière.

S'agissant de la mobilité : comme à Rennes, Poitiers et Montpellier, Strasbourg a fait une tentative pour diminuer l'affluence aux heures de pointe. En 2012, avec l'université de Strasbourg, le projet d'expérimenter un décalage des heures de cours semblait envisageable, mais une extension du réseau de tram intervenue entretemps et la réforme du contrôle continu en licence ont brouillé les cartes. Il y a eu un abandon du projet sur le campus historique. Toutefois, s'agissant des publics étudiants et scolaires, une nouvelle démarche sera à conduire avec les partenaires concernés, sur le campus d'Illkirch.

Concernant le public des salariés, une réflexion sur la mise en place d'un plan de déplacement interentreprises dans le quartier d'affaires du WACKEN, (près de 6 000 salariés) est en cours. Il s'agit d'analyser avec les entreprises, la nature de la congestion et la possibilité de décaler les horaires, de développer le télétravail, de promouvoir les modes actifs d'autant plus que le quartier est en plein essor et que 4 000 emplois de plus sont attendus sur le site, à l'horizon 2020.

En ce qui concerne les conditions de travail, la communauté urbaine s'est dotée en décembre 2013 d'une charte de réunion. Elle a été portée par le directeur général des services qui a reculé l'horaire du comité directeur de 8h30 à 9h00. Sur cette thématique, une équipe projet a été mise en place, dont les travaux ont été discutés et validés par la direction générale. Une communication a été faite dans la lettre interne transmise avec les paies en décembre dernier. On observe une diffusion lente de cette charte, les agents se l'approprient progressivement. Au-delà de l'encadrement horaire de ces temps de travail collectifs et des règles de professionnalisation des réunions internes, un travail a été réalisé sur les aspects logistiques : recensement de toutes les salles de réunion (à court terme, visualisation sur l'Intranet de la disponibilité de ces salles), et développement d'outils collaboratifs pour conduire des réunions à distance.

Les sites de travail des agents de la collectivité sont dispersés sur le territoire. Aussi la collectivité encourage-t-elle la pratique de réunions à distance. La cellule « SVP informatique » vient dorénavant en appui aux demandes d'utilisation de la visioconférence pour des réunions internes, mais aussi avec des partenaires extérieurs.

Un tutoriel informatique a été mis en place et il y a une vraie volonté d'imposer l'utilisation des outils collaboratifs. Fin 2014, il est prévu de réaliser une enquête pour mesurer le niveau de diffusion et de respect de cette charte ainsi que les ajustements à opérer pour une plus grande efficacité.

La communauté urbaine de Strasbourg prépare l'expérimentation du télétravail, si possible en 2014. La mission des temps pilote ce projet et travaille à la phase de mise en place du dispositif, car si la loi Warsmann permet le recours au télétravail, les décrets d'application n'ont pas été pris. Un dispositif juridique pour appliquer la loi est en cours : les moyens financiers et techniques seront mis à disposition des agents ayant recours au télétravail ; les questions d'assurance et de responsabilité civile doivent également être réglées. Le télétravail pourra s'exercer au domicile de l'agent ou dans un tiers lieu référencé. Les principes de son expérimentation ont été validés lors d'un comité de pilotage réunissant élus et DGS. Il concernera un ou deux jours maximum dans la semaine. Une convention est en cours de rédaction.

S'agissant de l'égalité homme-femme, un plan de lutte contre le plafond de verre a été instauré : l'administration compte une vingtaine de directeurs dont deux directrices et tous les DGA sont des hommes. La charte de réunion se rattache à ce plan.

À terme, un travail sera également conduit sur la mutualisation des équipements. C'est une démarche ambitieuse et complexe, compte-tenu des acteurs concernés : concierges des écoles, agents d'entretien, associations.... . Autre thème de réflexion, l'ouverture des écoles de quartier, le week-end par exemple. Toutefois, l'un des freins importants est dû au temps de travail, c'est un sujet sensible. Ce projet soulève également d'autres questions comme les problèmes d'assurance, de responsabilité ; il est parfois nécessaire de modifier les conventions de mise à disposition. La logique de mutualisation s'applique aux projets neufs mais également lors de la rénovation des équipements, un travail est donc à mener avec la direction de la construction et du patrimoine bâti et les directions opérationnelles dès la définition des besoins, afin de permettre une meilleure polyvalence de ces équipements.

La ville a également testé, trois années de suite, un guichet unique de rentrée scolaire. En 2013, ce guichet s'est déployé dans les 10 quartiers de la ville. Les agents participants sont plutôt satisfaits, car cela leur permet de rencontrer d'autres services. La mission temps assurait le pilotage et la mise en oeuvre de cette opération durant la période test. Depuis cette année, c'est le service « accueil de la population » qui l'a inscrit dans son plan de charge annuel.

En ce qui concerne les horaires d'ouverture des piscines, la communauté urbaine de Strasbourg a voté un plan de rénovation des neuf piscines. A la faveur de celui-ci, un travail sur les horaires a été fait, avec le soutien de la nouvelle cheffe de service, qui s'est investie dans la remise à plat des grilles horaires des équipes. La position des élus était de donner la priorité au grand public et aux scolaires, en diminuant les créneaux et les lignes à la disposition des associations. Une piscine nordique est désormais ouverte 365 jours par an, d'autres dès 7 heures du matin. L'adaptation des horaires s'est faite à partir de l'expression des usagers recueillie lors d'une enquête téléphonique en 2010. Il s'agit là d'un loisir familial et accessible financièrement au plus grand nombre. Cette plus grande amplitude d'ouverture au grand public a été mise en oeuvre à budget constant.

En ce qui concerne les horaires des médiathèques, une discussion est en cours. Une refonte des horaires d'ouverture au public de l'ensemble du réseau est engagée. Toutefois, malgré des impulsions répétées, la question de l'ouverture le dimanche est restée sans suite.

La méthode retenue par la mission temps de Strasbourg a été le management de projet, via la mobilisation d'équipes transversales. En outre, il faut expérimenter. Cette possibilité d'expérimentation plaît d'ailleurs à certains services. L'administration compte un service de gestion et de contrôle des politiques publiques, ressource précieuse mobilisée pour l'évaluation des projets. Il faut qu'une évaluation ait lieu et qu'elle soit faite par une autre instance que celle en charge des politiques temporelles. Strasbourg dispose d'un conseil de l'évaluation des politiques publiques, qui se réunit tous les deux mois. Systématiquement, la mission temps a un point inscrit à l'ordre du jour.

Enfin, il est nécessaire de poursuivre les politiques temporelles et ceci pour plusieurs raisons. Premièrement, c'est une façon de réinterroger les politiques locales. Deuxièmement, cela permet de remettre l'usager au coeur des réflexions et des projets. C'est également une occasion de moderniser l'administration et de renforcer la qualité des services publics, notamment dans un contexte budgétaire impliquant une exploitation optimale des ressources disponibles et un bon dimensionnement de l'offre de transport. C'est ce que montre l'exemple de Rennes, où le décalage des heures de cours de l'Université pour lisser les heures de pointe dans les transports en commun a évité l'achat de nouvelles rames. Pour mener à bien les politiques temporelles, il est également nécessaire d'inclure, dans les réflexions et les projets, les acteurs et partenaires locaux, prescripteurs de temps.

L'association Tempo territorial est un lieu ressource, permettant d'échanger sur les pratiques, les difficultés rencontrées. Des groupes de travail thématiques ont été mis en place ainsi que des formations sur les politiques temporelles à destination des techniciens et des élus. Aujourd'hui, l'association doit attirer de nouvelles collectivités. Lors du dernier conseil d'administration, il a été décidé d'adresser aux nouveaux élus à l'occasion des élections municipales un courrier de sensibilisation aux politiques temporelles. D'autres publics partenaires institutionnels doivent être sensibilisés, comme par exemple les agences d'urbanisme.

9. Audition de Corinne Feret - Ville de Caen, le mercredi 5 février 2014

Audition de Corinne Feret, première adjointe en charge du personnel municipal, de l'égalité entre les hommes et les femmes et du bureau des temps de la ville de Caen.

Le projet municipal de 2008 prévoyait la création d'un bureau des temps afin d'atténuer certaines inégalités, notamment entre les femmes et les hommes. Lors de la composition du conseil municipal, la première adjointe a reçu comme délégation le personnel, l'égalité hommes-femmes et le bureau des temps. Ainsi, la notion de temps y figure explicitement. Une chargée de mission à mi-temps sur l'égalité entre femmes et hommes et le bureau des temps a été recrutée. Elle était rattachée au directeur général adjoint en charge du service au public et de la vie quotidienne, afin d'être dans la transversalité.

A partir de là, il a fallu donner au bureau des temps une visibilité. Un travail de pédagogie a été effectué. En interne, il a fallu expliquer ce que sont les politiques temporelles. Pour cela, le bureau des temps a participé chaque mardi matin au comité de direction pour pouvoir informer et être informé.

Enfin, le bureau des temps travaille avec l'université de Caen. Ainsi, il a fait appel à des étudiants en psychologie pour la réalisation de questionnaires concernant les politiques temporelles.

Dès la rentrée 2008 a été mise en place une garderie périscolaire dans les trois quartiers qui n'en disposaient pas encore. Il est intéressant de signaler, dans cette optique de pédagogie, que le service petite enfance n'avait pas fait le lien avec les politiques temporelles.

En interne, en partenariat entre la direction des affaires générales et le bureau des temps, il a été mené un travail de réorganisation du travail des agents d'entretien, dont le corps est constitué à 90% de femmes. 80% d'entre elles travaillaient à temps non complet avec des horaires coupés. En outre, elles avaient très rarement deux jours de repos consécutifs. Aujourd'hui, les agents travaillent quasiment tous à temps plein, il n'y a plus d'horaires coupés. Par ailleurs, ce ne sont plus des « travailleurs de l'ombre » : ils ont gagné en reconnaissance. Les perspectives de carrière se sont également améliorées avec la possibilité d'encadrer des équipes. Le taux d'absentéisme a diminué de 57%. Pour mener à bien cette action, la ville de Caen a profité des expériences semblables menées dans d'autres villes et a échangé avec elles, notamment Rennes. Deux ans ont été nécessaires pour avoir un état des lieux. Des concertations ont été organisées avec les agents, avant une présentation en comité technique paritaire, où cette réorganisation a été votée à l'unanimité. Cette action est en cours de duplication auprès de la direction des sports et de la direction de l'éducation. Actuellement, seuls le bâtiment de l'hôtel de ville et deux musées sont concernés.

Un groupe ressource a par ailleurs été créé pour aller expliquer à leurs collègues travaillant dans les écoles qu'il est possible de travailler autrement. Un travail de concertation a été nécessaire pour justifier le recours à une nouvelle méthode de travail et l'achat de nouveaux matériels qui n'avait pas pour but de remplacer les agents. Dans le cadre de la réforme scolaire, les ATSEM sont mis à contribution pour intervenir auprès des enfants sur une partie de leur temps de travail, d'où la nécessité d'une optimisation.

La première année, les moyens mis en place le sont de manière provisoire afin d'évaluer les besoins au cas par cas, selon les écoles. Le nombre nécessaire d'heures par semaine supplémentaires est estimé à 4 500 heures sur l'ensemble des écoles. Au final, avec le travail d'optimisation engagé, le besoin réel n'est que de 1 500 heures par semaine. Les 2/3 de la surcharge de travail ont pu être absorbés par la réorganisation et l'utilisation de machines plus performantes.

Un autre point de réflexion a été l'accueil à l'hôtel de ville. En effet, il s'agit d'un bâtiment historique faisant l'objet de visites. Or, l'accueil était commun pour les renseignements municipaux et pour les visites. En outre, les horaires étaient les mêmes tout au long de l'année, avec le même effectif. Les visites étaient également possibles tous les week-ends. Il y a eu une remise à plat avec une annualisation du temps de travail pour prendre en compte la saisonnalité. Les conditions de travail ont été améliorées en fermant l'hôtel de ville le week-end en basse saison ; et en haute saison, le planning et le roulement des agents sont connus à l'avance. Un effort de formation à l'accueil du public et des touristes a également été fait. Cette réorganisation a été menée en concertation avec l'ensemble des agents concernés puis de la direction du service. Dans le cadre de l'agenda social, les syndicats ont également été associés en amont du CTP.

En décembre 2011, une journée de rencontre avec la population en association avec les conseillers de quartier, a été organisée pour faire connaître le bureau des temps. En amont, un questionnaire a été élaboré à destination de la population pour mieux comprendre leurs besoins. Un retour sur ces questionnaires a été fait lors de cette réunion. Il en ressort que les principaux besoins relèvent des transports, de l'emploi et de l'intergénérationnel (petite enfance, personnes âgées). Cela a permis de poser un diagnostic. Le bureau des temps souhaite également travailler à l'échelle de l'agglomération. Par exemple, l'ensemble des équipements sportifs et culturels relèvent de l'agglomération. Mais un travail important de sensibilisation reste à faire. Un premier travail a été fait sur le stade nautique : les horaires d'ouverture ont été élargis. L'un des grands chantiers à venir concerne la nouvelle bibliothèque multimédia à vocation régionale (BMVR), dont l'ouverture est prévue en 2016. Néanmoins, aujourd'hui, les organisations syndicales sont opposées à toute ouverture le dimanche.

En matière de transport, le syndicat des transports (VIACITÉ) a mis en place une commission « transport - rythmes urbains » et la chargée de mission temps a été invitée à participer aux réunions. En 2008, il y a eu une volonté de densifier le réseau. La population a été concertée, et la notion de petites vacances entraînant une diminution de la fréquence de passage a disparu. En outre, la desserte de certains secteurs a été renforcée. Une ligne de nuit a été mise en place les jeudis, vendredis et samedis. Elle relie les campus universitaires et les lieux où les jeunes se retrouvent : centre-ville, discothèques. Une ligne de soirée desservant les communes alentour a également été mise en place afin de permettre d'utiliser les transports en commun plutôt que la voiture pour rentrer d'une sortie au cinéma ou d'un restaurant.

Un travail est actuellement en cours avec l'université, des établissements scolaires et l'administration pour décaler les horaires afin d'éviter un engorgement des transports en commun aux heures de pointe. Le bureau des temps intervient également dans le cadre du plan de déplacement des administrations. Un exemple concerne les serres de la ville se situant au nord de Caen. Les employés ont demandé une modulation de leurs horaires afin de leur permettre de se rendre à leur travail en train.

En ce qui concerne le commerce, il y a eu en 2012 une demande des commerçants de Caen de pouvoir ouvrir deux dimanches supplémentaires. Il y a eu des tensions avec les villes voisines, dans la mesure où la dérogation a été accordée à Caen, mais pas dans les communes alentour. Depuis, il a été décidé que la décision d'ouverture le dimanche se fera au niveau de l'agglomération.

Les principaux grands projets pour le prochain mandat consistent d'une part en une extension des politiques temporelles à l'ensemble de la communauté d'agglomération, nécessitant un renforcement de la sensibilisation et, d'autre part, en un accroissement des politiques temporelles pour tous les projets municipaux, et notamment ceux de rénovation urbaine.

10. Audition de Lucie Verchere-Tortel - Communauté urbaine du Grand Lyon, le mardi 11 février 2014

Audition de Lucie Verchere-Tortel, chargée de mission « Temps et services innovants » à la communauté urbaine du Grand Lyon.

La « mission temps » a été créée à la communauté urbaine du Grand Lyon en 2003. On achève ainsi le deuxième mandat où les politiques temporelles existent en tant que telles.

Le premier mandat a été un mandat de création, il y a eu fort portage politique, notamment par Mme Thérèse Rabatel, alors vice-présidente du Grand Lyon, en charge de l'espace des temps. Sa volonté était de ne pas se lancer dans une réflexion sur la philosophie des politiques temporelles, mais de mettre en place des actions concrètes, des expérimentations, pour prouver qu'il s'agit là d'une question transversale, intéressant les 55 communes membres de la communauté d'agglomération et l'ensemble des services. Dès ce premier mandat, le service temps fut intégré à la direction de la prospective du Grand Lyon, ce qui a été un réel plus. Cela lui a donné une crédibilité auprès des services pour agir de manière transversale.

Un questionnaire a été envoyé auprès des 55 communes pour leur demander quelles étaient les questions de temps qui se posaient à eux. Il a été adressé à l'ensemble des élus. Un site internet a été créé pour donner une visibilité aux actions menées. En outre, des forums grand public et des débats ont été organisés.

Le grand chantier du premier mandat a été la mobilité. Un travail avec les entreprises a été mené. L'espace des temps s'est intéressé au temps du salarié et aux services offerts aux salariés sur les territoires. En 2004-2005, la première crèche interentreprise a été créée en Rhône-Alpes sur le territoire de Lyon-Gerland, en partenariat avec Agefos-PME.

En ce qui concerne la mobilité des collégiens et des lycéens, l'espace des temps a été interpellé par Neuville-sur-Saône, qui est une commune situé au bord de la Saône sur l'axe nord-sud. Entre 8h et 9h, le trafic est complétement bloqué. Près de 13 lignes de bus scolaires passent par là et souhaitent déposer les élèves en même temps. L'espace des temps a réuni autour d'une table les établissements d'enseignements publics et privés, les parents d'élèves, l'autorité organisatrice des transports (le sytral), Kéolis, la SNCF, le conseil général qui gère les bus scolaires, le Grand Lyon, les communes concernées, et un bureau d'études. Il a été proposé de décaler l'ouverture des portes des collèges privés et publics le matin et le soir de quinze minutes. Le trafic a décru et, au-delà, cette action a été le début d'une concertation désormais annuelle en janvier entre Sytral et les collèges afin d'anticiper la rentrée de septembre. Cela a également permis une rationalisation des lignes de bus. Ainsi, lors de l'ouverture d'un lycée dans le même secteur deux ans plus tard, une seule ligne de bus supplémentaire a été créée, alors qu'on en prévoyait plus. Un travail est désormais mené avec d'autres sites scolaires afin de régler des problèmes similaires de congestion, notamment à la cité scolaire internationale près de Gerland.

Une telle action n'est pas toujours simple à mener, car elle peut souligner des manques d'autres services de la collectivité ou des communes associées. Ainsi, il a été prouvé qu'une meilleure signalisation de l'accès des collèges a permis de faire en sorte que certains élèves ne soient plus déposé directement devant la porte de l'établissement, mais plus en amont et qu'ils finissent le trajet à pied.

L'espace des temps a également été associé à l'élaboration du PDU. Cela a permis de montrer la nécessité d'ouvrir une ligne de bus nocturne les jeudis, vendredis et samedis. En outre, des déambulations nocturne au coeur de la ville ont également été mises en place. L'espace des temps a également élaboré une carte du grand Lyon indiquant les lieux ouverts entre minuit et 5 heures du matin.

L'axe choisi lors du deuxième mandat est très différent. Victime de son succès, il a été décidé que l'espace des temps se concentre sur l'expérimentation et l'incubation. Il s'est transformé en « mission temps et services innovants ». Il n'y a plus eu de portage politique, mais il s'est effacé au profit d'un portage politique thématique. La mission « temps et services innovants » est devenue de fait et de manière informelle le conseil mobilité du Grand Lyon. Elle a négocié en lien avec les entreprises treize plans de déplacement interentreprise. L'idée est de ne plus culpabiliser le salarié qui utilise sa voiture mais de lui proposer pour chaque jour un bouquet d'offres de mobilité, afin de répondre à son mode de vie complexe. En fonction des jours et de son besoin, il peut ainsi utiliser l'une ou l'autre des possibilités de mobilité. Les plans de déplacement concernent les horaires, l'interconnexion et les pôles d'échange. En outre la mission « temps et services innovants » a mis en place un portail de covoiturage et promeut la voiture en partage ainsi que le vélo en libre service. En outre, elle essaye de développer le travail à distance, la visioconférence, le coworking .

La mission « temps et services innovants » ne s'occupe pas de la billetique. C'est le service de la voirie qui pilote ce projet avec la région. Le grand Lyon a mis en place un portail d'information, optimod . La région de son côté a mis en place le portail multitud qui présente toutes les interconnexions pour se rendre d'un point à l'autre de Rhône-Alpes.

Depuis 2009, la mission « temps et services innovants » cherche à promouvoir le travail à distance, ou le travail nomade, ou encore dans un tiers lieu. Elle a procédé à un benchmark pour monter un argumentaire sur le télétravail. Elle a également travaillé avec la DATAR, qui a mis en place un groupe de travail sur ce sujet. Elle a créé un réseau du coworking pour mieux comprendre et expliquer comment fonctionne le « travail coopératif ». Dans le cadre des plans de déplacement, elle essaye d'encourager les entreprises à utiliser le télétravail. L'une des difficultés de promouvoir un tel mode de travail est qu'il manque d'un portage politique fort. En effet, c'est un thème qui recoupe plusieurs secteurs : les politiques temporelles, l'attractivité territoriale, le développement durable. Ainsi pour les politiques thématiques, ce n'est qu'une petite partie du thème dont un élu à la charge. Il en est de même avec les services. Le conseil général du Rhône est en train de mener une expérimentation avec 45 personnes. La mairie de Lyon a entrepris une réflexion sur ce sujet. La métropole lyonnaise existera au 1er janvier 2015. Il y a une vraie nécessité à révolutionner la façon de travailler des 9 000 agents.

Des entreprises ont fait le pari du télétravail. Tel est le cas de Hewlett-Packard où de nombreux salariés travaillent à distance, ce qui a permis de libérer la moitié des bureaux. Toutefois, il y a également des points noirs : tout ne peut se faire à distance. L'Oréal a également mis en place des initiatives intéressantes notamment pour les femmes enceintes afin de leur permettre de continuer à travailler. L'entreprise s'était en effet rendu compte que beaucoup d'entre elles arrêter de travailler à partir du cinquième mois de grossesse, notamment en raison des déplacements. Certaines entreprises permettent également de travailler à distance le mercredi matin. Il est important de rappeler que le télétravail est très encadré juridiquement.

Depuis 4 ans, les mentalités évoluent sur ce sujet. Toutefois, la direction des ressources humaines du Grand Lyon met en avant les inégalités induites par le télétravail entre les agents qui travaillent en bureau et les agents de terrain. Mais le télétravail pourrait être utile pour certains agents proches du burn-out , ou malades ou handicapés. Sur les treize plans de déplacement sur lesquels la mission temps et services innovants est intervenue, seule un mentionne le travail à distance. Aujourd'hui, il est impossible de connaître le nombre de personne qui travaillent à distance. On connaît le nombre d'accords, mais pas le nombre de personnes qui en bénéficie effectivement. En outre, 30% des cadres font du travail « gris » (ils continuent à travailler de chez eux, consulter leurs boîtes mails, répondre à des messages,...).

Le principal avantage d'une mission temps est qu'elle propose d'apporter de la souplesse dans les actions à mener.

Les perspectives de la mission « temps et services innovants » sont intéressantes. D'une part, elle risque de perdre la partie mobilité qui pourrait être transférée à la voirie lors du présent mandat. Mais d'autre part, la création de la métropole va introduire dans son champ de compétence tous les thèmes sociaux : petite enfance, personnes âgées .... Tous ces sujets concernent la politique temporelle. Et plutôt que de les prendre par blocs thématiques, il serait intéressant de le prendre selon l'optique de l'usager tout au long de la vie. La mission « temps et services innovants » devra également poursuivre son travail de sensibilisation.

L'urbanisme est pour l'instant le parent pauvre de la mission « temps et services innovants ». En effet, elle s'est pour l'instant concentrée sur l'incubation.

La mission « temps et services innovants » travaille également sur une offre de services dans les pôles d'interconnexion dans les gares de moins grande envergure que Lyon Perrache ou Lyon Part Dieu. Une idée par exemple pourrait être de mettre en place une crèche en gare. Un début d'action avait eu lieu, les financements avaient été trouvés. Mais la mission « temps et services innovants » n'a pas réussi à faire parler l'ensemble des partenaires d'un discours commun. Cela a échoué sur l'écueil de la gouvernance. Pourtant, il pourrait vraiment être intéressant de créer des crèches dans les gares périurbaines.

11. Audition de Jean-Yves Boulin, chercheur associé à IRISSO-Université Paris-Dauphine, le mercredi 12 février 2014

C'est en tant que sociologue des relations industrielles que Jean-Yves Boulin a été amené, dans les années 1970, à s'intéresser à la question du temps de travail, de sa régulation, en France et en Europe. C'était une époque durant laquelle émergeait un débat sur l'organisation du temps. Les organisations patronales réclamaient plus de flexibilité, tandis que les syndicats souhaitaient une diminution du temps de travail. Des rapports ont alors été rédigés (Chalendar, Labrusse etc.) réfléchissant à l'impact du temps de travail sur l'organisation du temps dans la société, et en particulier sur les congestions routières les week-ends, et au moment des départs en vacances, singulièrement en août, en raison d'une trop forte synchronisation du temps de travail. La réflexion sur le temps de travail, et plus généralement sur les horaires publics, visait à fluidifier l'espace. A noter également, la conduite des travaux du CATRAL Ile-de-France.

Dans les années 1985, la Fondation Européenne pour l'Amélioration des Conditions de Vie et de Travail, dite fondation de Dublin, avait mis en place un groupe de travail international, coordonné par Jean-Yves Boulin, sur l'articulation entre temps de travail et temps libre et pour réfléchir à « une autre organisation sociale du temps ». A la même époque, Dominique Taddei remettait à Laurent Fabius un rapport intitulé « Des Machines et des Hommes », proposant de nouvelles formes d'organisation du temps de travail fondées sur le découplage entre le temps de fonctionnement des machines et le temps de travail des salariés. C'est dans le cadre des travaux pour la Fondation de Dublin que Jean-Yves Boulin a été informé par son collègue italien des prémisses des politiques temporelles en Italie (notamment le projet de loi des femmes parlementaires italiennes du PCI « Les femmes changent les temps »).

Aujourd'hui, il y a peu de recherches académiques en France sur ce sujet en dehors de travaux de géographes (Luc Gwiazdzinski sur la nuit, la mobilité et la représentation chronographique, ou Dominique Royoux sur l'urbanisme temporel) ou de sociologues comme Jean-Yves Boulin lui-même. Cette thématique est abordée par d'autres angles, notamment celui de la conciliation vie professionnelle/vie familiale ou encore celui de la mobilité soutenable. C'est le cas de l'Institut National des Études Démographiques (INED). L'Association Française de Sociologie a récemment validé la création d'un groupe thématique sur « l'articulation des temps sociaux » dont Jean-Yves Boulin est membre.

La question du travail le dimanche a réussi à diffuser la problématique des politiques temporelles. Certaines des préconisations de l'association Tempo Territorial au regard des modalités de régulation du travail du dimanche sont reprises par le rapport Bailly (2013). Tempo Territorial a également produit des réflexions relatives à l'ouverture des bibliothèques le dimanche, et plusieurs collectivités locales adhérentes ont initié ce type d'horaires (Montpellier, Paris, Rennes).

En Italie, la loi de 2000 (loi Turco) rend obligatoire la mise en place d'un bureau des temps dans les villes de plus de 30 000 habitants. Toutefois, leur fonctionnement dépend aussi du portage politique. Ainsi, les actions du bureau des temps de Milan, actif durant les années 1990, n'ont pas la même vigueur après le changement politique de la décennie 2000 mais retrouvent aujourd'hui, après un nouveau changement, un éclat renouvelé. Outre les questions d'accessibilité et d'égalité, la politique des temps en Italie est très articulée à celle de la planification urbaine et territoriale. Cela est lié à l'action primordiale dans le développement des politiques des temps de la ville en Italie, opérée par le Politecnico de Milan et Sandra Bonfiglioli qui présidait aux destinées du département d'architecture et d'urbanisme de cette université : des générations d'étudiants ont été initiées aux politiques temporelles dont certains enseignent cette discipline et d'autres la mettent en pratique en tant qu'agents des collectivités locales ou consultants externes.

Le (relatif) faible développement des politiques temporelles peut s'expliquer par le fait qu'elles n'ont pas toujours connu un développement autonome au sein des collectivités locales qui les ont mises en oeuvre. Souvent, elles ont été intégrées à l'agenda 21 ou au service égalité femmes/hommes. La région Nord-Pas-de-Calais les a intégrées dans le cadre de son SRADDT, tandis que la ville de Montpellier travaille à l'élaboration d'un Schéma Directeur Temps et Territoire, reprenant en cela une préconisation de l'ouvrage publié par l'Institut des Villes en 2008 et rédigé par Jean-Yves Boulin de réfléchir à des SCOTT (Schéma de Cohérence Territoriale et Temporelle).

Tempo Territorial est la seule institution de niveau national qui, en Europe, regroupe les territoires qui mènent des politiques temporelles. Il en existait une en Italie, Piano Forte, dont le périmètre était plus large que celui de l'association française (on y trouvait des collectivités locales, des syndicats, des mouvements de femmes, des académiques, etc.), mais elle est aujourd'hui en sommeil. En Allemagne, les politiques temporelles ont été en grande partie absorbées par la question de l'accueil de la petite enfance et de la conciliation vie privée-vie professionnelle. Mais il existe également un réseau allemand ( Deutsche Gesellschaft für Zeitpolitik ) qui regroupe surtout des académiques qui réfléchissent aux questions de temps. La ville de Barcelone avait pris l'initiative de créer un réseau européen de villes menant des politiques temporelles, dans lequel figuraient des collectivités locales italiennes, françaises et catalanes. En décembre 2012, Barcelone a estimé ne pas pouvoir continuer à animer ce réseau et a demandé à Tempo Territorial d'en assurer la tâche. Une réunion regroupant des villes de plusieurs pays européens (Italie, Espagne, France) a eu lieu à Paris en décembre 2013 et la décision a été prise de relancer le réseau.

Le Conseil de l'Europe a émis, en octobre 2010, une résolution et une recommandation en faveur des politiques temporelles et du « droit à son propre temps ». Il s'agit plus d'une mesure symbolique, qui confère un surcroît de légitimité aux politiques temporelles, mais qui n'est pas suivie d'effets concrets par manque d'une réelle autorité de cette institution. Aujourd'hui, il serait nécessaire d'obtenir un soutien des institutions européennes, notamment celui de la Commission européenne à travers une de ses directions générales ou d'un des programmes d'action-recherche comme ce fut le cas avec le programme EUREXCTER (1996-2000), qui a permis de diffuser les politiques des temps de la ville dans des pays comme l'Allemagne, la France ou l'Espagne. Tempo Territorial va tenter d'obtenir ce soutien en faisant connaître le réseau européen et l'apport des politiques temporelles à la qualité de vie. Cet apport devrait apparaître de façon explicite aux autorités européennes puisque 2014 est l'année de la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale. Le rapport Stiglitz - Sen - Fitoussi sur les mesures de la performance économique et du progrès social a suscité un regain d'intérêt pour ces questions en France. Il est d'ailleurs intéressant de noter que l'OCDE a intégré dans ses indicateurs de bien-être, la question de la maîtrise du temps par les individus.

12. Audition de Cédric Szabo, directeur de l'Association des maires ruraux de France, le mercredi 19 février 2014

L'engagement de Cédric Szabo pour les politiques temporelles coïncide avec la parution de rapport sur le temps des villes de 2001. En effet, la question du temps paraissait alors à la fois essentielle et en même temps abstraite, peu prise en compte. Il a sensibilisé le maire de Dijon lors de son premier mandat, ce qui a conduit lors du deuxième mandat à désigner un élu en charge des politiques temporelles. Cette expérience a souligné la nécessité d'un portage politique pour que les politiques temporelles puissent prospérer.

De manière générale, on peut constater que les politiques temporelles en milieu rural sont peu structurées et sont informelles. Il n'y a pas d'élus en charge d'une telle thématique. A sa connaissance, seule l'association Aider, dans la Drôme, s'est saisie de ces questions de manière formelle. Ainsi, il n'y a pas de bureau des temps. Toutefois, la préoccupation du temps est permanente pour les élus y compris ceux des communes de moins de 3 000 habitants.

L'une des thématiques à prendre en compte concerne le temps de l'élu. En raison d'une fonction publique territoriale moins importante dans les communes rurales, l'élu est tout de suite en situation d'interface. Beaucoup disent d'ailleurs que c'est une fonction 24h/24, 7j/7. Ainsi, si la mairie est peu ouverte, le maire ou les élus sont tout le temps accessibles. L'AMRF a réalisé une étude en collaboration avec l'association Aider sur le temps de l'élu. Elle a permis de souligner que plus la commune est petite, plus l'emploi du temps du maire est contraint, et plus il a des prescripteurs de temps. La question des horaires de réunion est également importante en matière de conciliation des temps de vie, car si un tiers des élus ruraux sont des retraités, deux tiers d'entre eux sont donc des actifs. Par exemple, la réunion à la préfecture organisée l'après-midi est peu propice pour l'élu actif. Toutefois, il n'y a pas d'horaire idéal. C'est pourquoi, il est important de varier l'heure des réunions, car si une même réunion toujours lieu à la même heure, ce sont les mêmes personnes qui y participent. Une autre préoccupation de l'élu rural est d'avoir l'assurance que son équipe municipale restera mobilisée sur l'ensemble du mandat. Or, il n'est pas rare que le nombre de conseillers municipaux impliqués diminue au fur et à mesure du mandat, ce qui augmente le nombre de réunions de chacun. L'un des problèmes est aussi qu'il n'y a pas d'ingénierie publique importante.

La question de la distance doit également être traitée. Concrètement, les fonds structurels européens étaient jusqu'à présent gérés par les préfectures de département. Avec le transfert de cette gestion aux régions, cela signifie un allongement des distances pour l'élu local souhaitant défendre un dossier.

En outre, les communes rurales doivent faire face, d'une part, à une demande de nouveaux services et, d'autre part, à l'arrivée de nouveaux arrivants, dont proportionnellement un grand nombre de familles monoparentales. Cela a également des conséquences sur les besoins, notamment les places en crèche ou la possibilité de travailler à temps partiel.

La saisonnalité intervient plus qu'en milieu urbain, que ce soit du fait des activités agricoles, mais également du climat. Il y a une arythmie, a fortiori dans les communes rurales touristiques, où il faut gérer un afflux massif de population pendant trois mois.

Dans le monde rural, le temps est plus fiable, mais également plus long. Le principal enjeu est lié aux mobilités des personnes, mais aussi des services et des objets. Ainsi, il ne faut pas réfléchir aux seules solutions proposant un déplacement des personnes.

La question du numérique fait partie des principaux thèmes évoqués par les élus ruraux. Le très haut débit permettrait ainsi de lever des obstacles, de raccourcir les temps.

Dans le cadre des questions temporelles en milieu rural reviennent souvent les services proposés par la Poste, la SNCF ainsi que les services de l'État. A titre d'exemple a été évoqué un courrier récemment reçu par un maire d'un de ses administrés se plaignant que le permis de conduire ne pouvait être retiré qu'à la préfecture située à une centaine de kilomètres de son domicile alors qu'il y a une sous-préfecture à 25 kilomètres. Le maire est ainsi souvent médiateur des problèmes de temps des habitants.

Une convention a été signée entre la Poste, l'AMF et l'État, qui comporte notamment des critères relatifs au temps. Toutefois, ces derniers ne sont pas toujours respectés, notamment en ce qui concerne l'amplitude d'horaires en période estivale en raison des congés des postiers. Or, la critique principalement formulée par l'AMRF est le fait que les communes sont souvent prévenues au dernier moment.

La réforme des rythmes scolaires a également impacté les temps des enfants et de la commune. On a conféré aux maires une responsabilité dans la gestion de la vie des enfants, mais sans leur en donner les moyens, qu'ils soient financiers ou humains. Dans certaines communes, la réforme scolaire augmente de 20% le budget de fonctionnement. En outre, il y a un réel besoin ponctuel de personnels pour amorcer un projet. De manière plus générale, il serait important, pour l'ensemble des politiques temporelles, d'utiliser ce qui a été capitalisé dans d'autres communes, en prévoyant des mises à disposition par convention de personnes qualifiées.

Seules 3% des communes ont adopté un projet éducatif de territoire (PEDT). Une autre question réside dans le fait que les personnes qualifiées pour proposer des animations n'habitent pas à proximité.

L'AMRF s'est concentrée la première année sur la levée de certaines rigidités, relatives notamment au taux d'encadrement et aux personnes compétentes en termes d'animation.

De manière générale, l'AMRF souhaite que l'on s'intéresse plus aux populations non incluses dans les couvertures statistiques du territoire. Ainsi, pour mesurer l'accès aux services de la population, on étudie leur éloignement. Si, par exemple, 90% de la population se trouve à moins de x minutes de tel service, c'est au 10% restant qu'il faut s'intéresser, ce qui représente une population qui n'est pas si marginale que cela.

Parmi les pistes et les préconisations, l'AMRF propose d'adosser à la lutte contre les inégalités homme-femme celle contre les inégalités entre territoires. Il y a en effet un vrai risque « d'angle mort » si on ne raisonne que sur l'urbain. Aujourd'hui, on prend peu en compte le rural qui se rend en ville, ou l'urbain qui se rend à la campagne. En outre, il faut en outre développer la multimodalité. Ce qui est primordial pour le monde rural en matière de mobilité, c'est le premier kilomètre : comment se rendre à la gare ? Il faut se préoccuper de faire venir le public éloigné.

Des expériences sont menées, comme la mise en place de consignes fermées où l'on peut venir récupérer un objet 24h/24, sans avoir à mobiliser un acteur public. Le facteur pourrait aussi être mis à profit, en ne l'enfermant pas dans son seul rôle postal. Mais se pose alors la question du financement.

Actuellement, il y a au niveau national une opportunité avec la préfiguration du comité national à l'égalité des territoires. Il faut faire en sorte que les questions du temps soient l'égal de celles de l'aménagement de l'espace.

L'outil statistique national doit davantage être utilisé pour caractériser les territoires. A titre d'exemple, le Certu a capitalisé les enquêtes emploi temps de l'INSEE sur les 20 dernières années, mais en ne prenant en compte que les 20 plus grandes villes françaises. Or, cela a un effet déformant et dévastateur, notamment sur les questions de mobilité, car 80% du territoire ne sont pas pris en compte

13. Audition de Patrice Vuidel, consultant associé chez Atémis, maire adjoint à Pantin, le mercredi 26 février 2014

Aujourd'hui, il est nécessaire d'accorder autant d'importance à la gestion des temps qu'à la gestion de l'espace. A la fin des années 1990, Patrice Vuidel travaillait pour une association nommée Objectif emploi à Saint-Denis. En complément des politiques d'insertion, l'association prônait le développement par la construction de stratégies d'emploi et de développement. A cette époque, Saint-Denis avait intégré le projet Eurecxter (école européenne d'excellence territoriale) et, dans ce cadre, des rencontres ont été organisées avec des villes italiennes pionnières en matière de politiques des temps. C'est ainsi que Patrice Vuidel a fait partie des premiers agents qui ont porté la question des politiques temporelles et mené les premières actions à Saint-Denis.

A partir de 2004, il est devenu consultant et a travaillé avec divers territoires sur la question des temps. Il a notamment mis en place avec Pierre Dommergues une école des temps et des territoires qui a travaillé avec cinq territoires dans une dynamique de formation (accompagnement de projets). Ce dispositif était porté par l'AFET (association française de l'excellence territoriale). L'AFET a également été missionnée par la ville de Paris en 2008 pour avancer sur la transformation du bureau des temps en agence des temps. Il s'agissait de dépasser le cadre des seuls services de la ville et le périmètre géographique parisien. Plusieurs chantiers ont été envisagés ainsi que la création d'un groupement intérêt public, mais au final, ce projet n'a pas pu aboutir.

Lors de ses travaux avec la ville de Paris, Patrice Vuidel a été amené à travailler avec la fédération des entreprises de propreté sur la réorganisation du temps de travail des agents de propreté afin de favoriser le travail en journée / en continu.

Quand Nicolas Sarkozy a utilisé la formule « travailler plus pour gagner plus », il a interpellé la fédération des entreprises de propreté sur le travail à temps partiel. C'est dans ce cadre que la fédération a contacté Patrice Vuidel. Une conférence de progrès sur le temps partiel a été organisée début 2008 pour évaluer les spécificités du secteur et dresser un état des lieux afin de répondre aux questions suivantes : « pourquoi une telle organisation ? Un travail en journée, en continu, est-ce faisable ? Cette nouvelle organisation impacte-t-elle la productivité ? ». Les donneurs d'ordre, les syndicats, les entreprises de propreté ainsi que l'État ont participé à cette conférence.

Par la suite, de premières expériences ont été menées et évaluées tant dans des entreprises comme Danone ou l'Oréal ainsi qu'au sein de collectivités territoriales comme la ville de Paris. La Ville de Rennes avait déjà initié une démarche similaire. Ces expériences ont démontré qu'il était possible de réorganiser la prestation et le travail afin d'obtenir le même résultat à moyens égaux. Dans la quasi-totalité des cas, les effets de productivité se compensent.

En 2009, la maison de l'emploi, la Ville de Nantes et la fédération régionale des entreprises de propreté se sont saisies du sujet et ont souhaité porter une démarche de territoire. Le conseil régional, le conseil général, la cité des congrès, l'agglomération ont travaillé avec 7-8 entreprises du secteur. Au bout de quelques mois, il a été procédé à une restitution lors d'une conférence intitulée « Pourquoi vous allez passer au nettoyage en journée » à laquelle participaient 180 personnes. Une charte en cinq points a été rédigée, qui compte aujourd'hui 130 à 140 signataires sur le territoire de la région nantaise.

Une boîte à outils a été créée et labellisée par la fédération et le service « achats » de l'État pour capitaliser sur les premiers exemples et proposer une méthode de mise en oeuvre du changement. En outre, en décembre 2008, une première circulaire de l'État a été publiée qui fixait les premiers objectifs à ses services achats.

De son côté, la fédération des entreprises de propreté a formalisé une démarche de développement durable déclinée en une cinquantaine d'actions possibles, dont le travail en journée / en continu. Une formation- accompagnement est proposée aux entreprises qui le souhaitent.

Suite à la parution de son livre Quai de Ouistreham , la journaliste Florence Aubenas a été invitée, par la fédération des entreprises de propreté, à dialoguer.

En 2012, Patrice Vuidel a procédé à un accompagnement de donneurs d'ordres et d'entreprises de propreté en Poitou-Charentes dans le cadre d'une demande de la déléguée régionale à l'égalité entre les hommes et les femmes. Quatre séances collectives ont eu lieu pour partager sur les principes, les étapes, les exemples, la méthode.

Le premier enjeu est de sensibiliser, de convaincre de l'intérêt d'une telle démarche et de lever les réticences des acteurs concernés. On peut considérer que les démarches entreprises afin de convaincre de l'intérêt et de la faisabilité représentent la moitié du temps nécessaire à la mise en place d'une telle démarche. Le reste du temps est consacré à l'établissement d'un diagnostic préalable, à la définition d'une nouvelle organisation et à la préparation et à l'accompagnement dans sa mise en oeuvre.

A Marseille, un travail identique est en cours, porté par la maison de l'emploi, la branche professionnelle et les services de l'État. Une cinquantaine de personnes, dont parmi les donneurs d'ordre quelques entreprises privées, ont assisté en février à la première réunion d'information. Des temps d'échanges sont prévus sur trois ou quatre demi-journées durant lesquelles il est proposé aux donneurs d'ordre et aux entreprises de se réunir pour partager, étudier les moyens mis en place, connaître le contenu de la boite à outils élaborée.

Cette action bénéficie d'un financement tripartite (État, maison de l'emploi et, dans une moindre mesure, la branche professionnelle). En ce qui concerne les syndicats, on constate une difficulté à les mobiliser au niveau des territoires. En effet, les logiques de branche et les logiques territoriales ont encore du mal à s'articuler.

Chez les donneurs d'ordre, une évolution des pratiques passe par le service des moyens généraux, qui gère les locaux, et par le service achats, qui rédige le cahier des charges. Mais nécessairement, il faut à un moment donné, une validation par l'élu ou le chef d'entreprise / responsable de site.

Parmi les spécificités de secteur de la propreté, il faut prendre en compte que l'on ne vend pas des heures mais un résultat. Toutefois, le donneur d'ordre va donner des obligations de moyens. Pour les entreprises de propreté, le travail en horaires décalés permet parfois de ne pas déclarer une absence, si le travail est quand même fait. L'absentéisme est d'ailleurs une question récurrente. Quand les agents interviennent en journée, l'on constate une diminution de l'absentéisme.

Plusieurs paramètres doivent être pris en compte si l'on veut favoriser une meilleure qualité de vie des agents de propreté et une meilleure articulation vie professionnelle / vie personnelle et familiale : ainsi, la flexibilité des horaires d'ouverture et de fermeture des crèches conditionne en partie l'exercice d'une activité professionnelle. La notion de travail en journée n'est pas définie par des horaires précis : en Poitou-Charentes elle a été définie en fonction des horaires des transports en commun ; l'État, pour sa part, considère que le travail en journée correspond aux plages horaires où ses propres agents sont présents.

Le secteur connaît actuellement un dynamisme dû à deux mouvements complémentaires, pouvant générer un effet de bascule généralisé vers cette nouvelle organisation :

- le Premier ministre a publié une circulaire en novembre 2013 fixant des objectifs pour l'État et ses opérateurs, afin d'aller vers un travail des agents de propreté en journée. Des études de faisabilité sont notamment demandées avant chaque renouvellement de marché. Or les marchés de l'État et de ses opérateurs sont importants ;

- dans le cadre de l'accord interprofessionnel et de la loi sur le temps partiel, un accord de branche vient d'être validé, qui fixe le nombre minimum d'heures travaillées, ramené à 16 heures hebdomadaires, pour tenir compte des contraintes spécifiques. En contrepartie, une réduction de l'amplitude horaire de travail et du nombre d'interventions successives dans la demi-journée est prévue.

On pourrait ainsi arriver à une situation où les entreprises de propreté démarcheraient les donneurs d'ordre pour négocier la mise en oeuvre d'une organisation favorable au travail en journée, en continu, afin de pouvoir respecter les contraintes légales. Cela, alors que, pendant longtemps, les entreprises les plus importantes du secteur étaient assez frileuses.

Patrice Vuidel a été élu en 2008 à Pantin. Le programme électoral prévoyait la création d'un bureau des temps. Toutefois, des difficultés se sont présentées dans la mise en place et notamment la répartition des compétences et délégations entre élus pour des raisons d'équilibre politique entre les différentes composantes de la majorité municipale.

La ville a toutefois adhéré à Tempo territorial . Il y a eu une refonte de l'administration et la création d'une direction des relations aux usagers. Mais déjà auparavant, les services étaient regroupés en un guichet unique.

Un discours politique est également repris sur la mutualisation des équipements et la modification des horaires. Mais dans les faits, le passage à l'action dépend aussi du soutien de l'élu en charge de ce domaine. L'élu en charge de la jeunesse et ses services se sont saisis de cette question, notamment pour les horaires des antennes jeunesse (auparavant ouvertes le matin, mais fermées tôt le soir et fermées le samedi). Deux ans ont été nécessaires pour reconstruire un projet de services, nécessitant une étude sur les horaires de fréquentation par les jeunes.

Un autre point est à prendre en compte quand on veut juger de la pertinence de la question temporelle : il est important d'avoir conscience que l'emploi est aujourd'hui tiré par les services. Or un service est une coproduction, cela signifie une accessibilité temporelle et une coordination entre le salarié qui va réaliser le service et le bénéficiaire. Cette question renvoie également à un enjeu d'emplois de qualité, afin de ne pas recréer de « petits boulots ». Des formes de régulation sont donc nécessaires. Patrice Vuidel vient de publier dans la revue Urbia un article à ce sujet.

Concernant le télétravail, il doit être pensé en relation avec les bassins d'emploi et le réseau des transports. L'enjeu en Ile-de-France est l'émergence des espaces de télétravail à proximité du domicile des personnes. Aujourd'hui, ce modèle économique n'existe pas et en tout cas n'est pas pris en compte dans le coût que l'entreprise est prête à prendre en charge pour développer cette opportunité : cette dernière considère ne devoir prendre en charge que l'équipement informatique du salarié en télétravail et un aménagement de son domicile. Or, en Ile-de-France le travail à domicile est un empiètement sur la vie privée, car de nombreux logements n'offrent pas de pièce en plus pour travailler. Il est donc nécessaire de développer des espaces de télétravail de proximité. Il faut également que les espaces tiers soient en cohérence entre eux, organisés en réseau, car l'entreprise ne va pas contracter avec 50 associations ou lieux de télétravail. Enfin, le télétravail ne concerne pas que les cadres ; Accenture l'a testé avec le personnel du secrétariat.

14. Audition d'Anne-Charlotte Riedel - Ville de Gradignan, le mercredi 26 février 2014

Audition d'Anne-Charlotte Riedel, directrice générale adjointe de la ville de Gradignan.

Gradignan est une ville de 24 000 habitants, située dans la Communauté Urbaine de Bordeaux. La collectivité n'a pas créé de mission « temps », mais elle est sensible à ce sujet. Ainsi, en 2008, au moment de l'arrivée d'Anne-Charlotte Riedel, la garderie des écoles ouvrait déjà de 7 heures à 19 heures, malgré un petit nombre d'enfants accueillis tôt le matin ou tard le soir. La politique petite enfance est très développée ; il y a peu d'attente pour les places en crèche. Elle répond bien aux besoins de la population, sauf pour les horaires atypiques. Le ménage dans les bureaux administratifs se faisait déjà pendant les horaires de journée, avant 19h. Un point délicat : la mairie ferme tôt, dès 15h30, avec des horaires continus de 8h à 15h30 du mardi au vendredi, et une journée, le lundi jusqu'à 19 heures, très appréciée par la population.

En 2008, la Ville engage une réflexion sur sa politique jeunesse. C'est l'occasion d'évaluer ce service aux familles qui repose sur les actions de deux Maisons des Jeunes et de la Culture, gérées sous forme associative et autonomes. Elles offraient des services différents, avec des grilles tarifaires et une approche de leurs missions non similaires. Elles étaient financées à 75% par la Ville. Au regard des résultats de l'étude, les élus ont décidé une réorganisation : les deux associations MJC ont disparu au profit de la création d'un Établissement Public Administratif regroupant les deux sites. Ce montage juridique permet d'avoir dans un conseil d'administration unique des représentants de la Ville, des partenaires financiers et des représentants des anciennes MJC.

Cette transformation a permis d'élargir les horaires d'ouverture. Le site de centre-ville est, en alternance avec le second, ouvert le vendredi et le samedi jusqu'à 22h à minima. Un « Troq ué-café » destiné aux jeunes et jeunes adultes a été créé en centre-ville, et vit le week-end au rythme des soirées et animations, variées, proposées. Trois sites ouverts, en semaine en seconde partie d'après-midi, proposent une « aide aux devoirs », jusque 19h.

Avant la refonte de la politique jeunesse municipale, la MJC centrale n'avait pu modifier son organisation, compte tenu des moyens humains nécessaires pour amplifier les horaires. La mutualisation des moyens antérieurs au sein d'un EPA a permis l'offre de nouvelles prestations, sur des temps décalés, très appréciés par les jeunes.

En 2010, Anne-Charlotte Riedel découvre l'association Tempo territorial en tant que membre du CIDFF. Elle note que l'une des complexités des politiques temporelles est leur polymorphisme, qui handicape leur visibilité et leur pleine compréhension par le plus grand nombre.

En parallèle de la réorganisation des structures « Jeunesse », un travail a été mené à Gradignan en vue de faciliter l'accès des établissements culturels aux familles. La ville se distingue par un nombre important d'établissements culturels : une médiathèque, un théâtre, une école de musique municipale, un musée, un écomusée de la vigne et du vin, une maison de la nature, une ludothèque, un musée à ciel ouvert (de sculpture) dans le parc de l'hôtel de ville. Un état des lieux des horaires d'ouverture et de la fréquentation a été fait dans chacun de ces lieux.

Un exemple intéressant d'accessibilité du plus grand nombre et de diffusion de la musique est celui des concerts décentralisés de l'École municipale de Musique. Elle accueille près de 560 élèves. Elle organise, dans différents lieux publics des représentations à des horaires permettant l'accès d'un public plus familial : en fin d'après-midi à partir de 18h30 à la Médiathèque, et le week-end en différents lieux de la ville. Les musiciens sont les élèves de l'École de musique, encadrés par des professeurs, ou de l'Harmonie de la ville. Pour l'année, un programme musical complet a été monté de septembre 2013 à juin 2014. Ces prestations fréquentes et gratuites, dans la ville, sont suivies et appréciées.

D'une manière générale cependant, l'allongement des horaires, hors temps de journée, entraîne la présence de personnel encadrant avec un engagement financier complémentaire, et nécessite donc en amont l'appui de la volonté politique.

Une étude est parallèlement en cours pour une ouverture de la médiathèque le dimanche après-midi. Le directeur de la médiathèque y est très favorable, car il considère cette évolution comme une reconnaissance de l'utilité publique de la médiathèque. Toutefois, même si un partenariat peut être passé avec l'IUT métiers du livre situé sur la commune -- par ailleurs très dynamique --, cela représente au final un surcoût, alors qu'en même temps, il faut mettre en oeuvre la réforme des rythmes scolaires.

Gradignan appliquera la réforme des rythmes scolaires en septembre 2014, sous la forme d'activités périscolaires trois après-midis par semaine, les lundis, mardis et jeudis de 16 heures à 17 heures. Plusieurs difficultés très concrètes se sont présentées :

- la volonté d'offrir des activités de qualité et variées aux jeunes ;

- l'absence du support pédagogique adapté. Par exemple, si la Maison de la nature a l'habitude de recevoir des classes, le personnel ne dispose pas des outils pédagogiques adaptés à des ateliers « hors ses murs » de 45 minutes ;

- on ne sait pas comment un enfant de 6 ans va vivre ce temps, ni sa capacité d'attention ;

- enfin, les contraintes budgétaires sont fortes.

Cette réforme, difficile, démontre à minima à quel point une modification des horaires impacte les usages, et place la gestion et l'articulation des « temps de vie » au centre d'une politique publique.

15. Audition de Philippe Ducloux, adjoint en charge de la qualité des services municipaux, de l'accueil des usagers et du bureau des temps, le mercredi 26 février 2014

Les rythmes de vie ont profondément évolué, en particulier à Paris et dans les grandes villes depuis la fin du XX e siècle : allongement de l'espérance de vie et de la durée des études, augmentation des temps de loisirs, évolution des structures familiales et de la place des femmes, multiplication des horaires de travail atypiques, déplacement des activités vers la fin de journée et la nuit, etc.

Ces transformations économiques, sociales et sociétales ont engendré de nouveaux besoins des usagers en terme de services, et notamment ceux fournis par les collectivités locales, parmi lesquelles la Ville de Paris.

Celles-ci ont bien sûr toujours pris en compte les temps de travail ou les horaires d'ouverture, mais elles le faisaient jusqu'alors de manière, verticale, secteur par secteur, sans réelle politique d'ensemble. De plus, ces questions étaient généralement les dernières à être abordées, après les aspects « durs » comme le financement, le foncier, les données réglementaires et techniques, et sans toujours prendre suffisamment en compte les divers besoins des usagers.

Un des principes des politiques temporelles, c'est donc d'agir de manière transversale et concertée de manière à « faire remonter » dans l'ordre des priorités la question des rythmes de vie et de leurs évolutions.

I. Une nouvelle prise en compte de la gestion des temps de la ville

La nécessité de mieux prendre en compte les temporalités des usagers dans l'organisation des services collectifs a conduit la Ville de Paris à mettre en place un service spécifique afin d'étudier, de préconiser et de participer à des actions en la matière.

La création d'un Bureau des temps était prévue dans le contrat de mandature de 2001 et a été effective en 2002.

Cet engagement s'inspire des travaux universitaires sur les temporalités, ainsi que du modèle italien des bureaux des temps et de leurs premiers homologues français. Il est aussi à relier aux lois sur les 35 heures et aux programmes européens Eurexter et Equal du Fonds Social Européen.

Le rapport d'Edmond Hervé de juin 2001 a par la suite également eu une influence importante dans la définition du rôle et la mise en place d'une structure dédiée.

Le Maire de Paris, Bertrand Delanoë, a décidé de confier à Anne Hidalgo, sa Première Adjointe, la délégation de l'égalité Femmes/Hommes et du Bureau des Temps, dont elle sera chargée jusqu'en 2008 (avant d'avoir la responsabilité de l'urbanisme dans la deuxième mandature).

Camille Montacié sera ensuite désignée Adjointe Chargée des Marchés, du Bureau des Temps et de l'accueil des usagers de 2008 à 2009 ; puis Mao Peninou, Adjoint au Maire, sera chargé de la qualité des services publics municipaux, de l'accueil des usagers et du Bureau des temps de 2009 à 2013.

Cette délégation a été confiée depuis le 11 février 2013 à Philippe Ducloux.

Administrativement, le Bureau des Temps a été d'abord rattaché au Secrétariat Général, position transversale marquant la priorité accordée aux nouvelles actions à mettre en place et permettant de travailler en lien étroit avec (es directions municipales concernées.

Plus qu'un service, cette structure a le rôle d'une mission disposant d'une certaine souplesse de fonctionnement lui permettant de s'adapter aux demandes et de constituer un outil d'aide à la décision. Elle travaille en lien avec l'Observatoire de l'Égalité Femmes/Hommes, autre mission contribuant à prendre en compte l'évolution des modes de vie à Paris.

Depuis 2010, le Bureau des Temps est rattaché à la Direction des Usagers, des Citoyens et des Territoires (DUCT). Il a été fusionné en décembre 2011 avec la Délégation Générale à la Modernisation de la Ville de Paris pour former le Pôle Usagers, Qualité et Temps, dans une logique de complémentarité et afin de pouvoir mener de nouvelles actions.

II. Les thèmes dominants de la politique temporelle à Paris

Celle-ci a deux grands objectifs généraux :

• mieux prendre en compte les rythmes des usagers et des salariés dans l'organisation des services collectifs ;

• réduire les inégalités face au temps, notamment entre les femmes et les hommes sans pour autant encourager l'ouverture d'une ville 24h/24. L'idée est en effet de respecter les rythmes physiologiques et sociaux sur lesquels se fonde le vivre ensemble.

Pour mener à bien ces objectifs, le Bureau des Temps pilote des études (une trentaine réalisées depuis 2002) sur l'offre de service et les besoins des usagers, recueille les avis des partenaires concernés, puis préconise des solutions dont la concrétisation s'effectue en lien avec les élus, les mairies d'arrondissement et les services municipaux.

Son travail ne se limite pas à la question des horaires d'ouverture, mais porte également sur la facilitation de l'accès aux services afin de limiter les temps d'attente ou de déplacement, sur l'articulation entre la vie professionnelle et la vie personnelle ou sur la conciliation des usages dans l'espace public en fonction des rythmes de chacun.

Les actions réalisées ou accompagnées peuvent donc se décliner suivant les cinq grands enjeux de la maîtrise du temps définis dans le rapport d'Edmond Hervé de juin 2001, et rejoignent les suggestions de chantiers mentionnées dans celui-ci :

- L'équilibre entre temps de travail et temps hors travail ;

- L'égalité entre les femmes et les hommes ;

- La concordance des temps, à laquelle les horaires des services publics, et plus largement l'accessibilité, ou les usages de la nuit peuvent contribuer ;

- L'égalité des personnes, en aidant les usagers dans leurs démarches auprès des services publics ;

- La création de temps communs dans la ville , au bénéfice de tous les usagers, qu'il s'agisse des enfants, des étudiants, des salariés, des personnes âgées, etc., ce à travers la prise en compte des différents rythmes de vie et activités dans les quartiers, en particulier à l'occasion des opérations d'aménagement urbain.

III. Les principales actions développées

1) L'équilibre entre temps de travail et temps hors travail, et la prise en compte des rythmes de vie :

Le groupe de travail sur « l'Articulation des temps dans les métiers de la propreté » constitué avec des employeurs publics (dont la Mairie de Paris) et privés, ainsi qu'avec les organismes professionnels du secteur et des partenaires sociaux, a permis de financer des diagnostics et d'expérimenter avec succès des actions innovantes de nettoyage en journée dans les locaux municipaux, soit une dizaine de sites, parmi lesquels des lieux emblématiques comme les bureaux des élus et des cabinets situés place de l'Hôtel de Ville, des mairies d'arrondissement ou le centre administratif Morland (32 000 m2).

L'objectif est une meilleure articulation des temps de vie professionnelle et personnelle des agents de ménage qui sont en majorité des femmes contraintes à des temps fragmentés tôt le matin et tard le soir.

La Ville soutient des associations qui ont innové dans le domaine de l'offre périscolaire ou extrascolaire :

- Élargissement de l'offre périscolaire : soutien à l'association Môm'artre, qui propose, un accueil des enfants jusqu'à 20 heures et gère aujourd'hui 5 antennes à Paris.

- Soutien à l'association Cafézoïde qui anime un lieu de proximité (bar sans alcool, espace de jeux, de création et d'échange entre les enfants et les familles) ouvert du mercredi au dimanche inclus de 10 heures à 18 heures toute l'année à tous les enfants de moins de 16 ans sans exclusion...

- Plus globalement, avec la mise en place à la rentrée 2013 de l'aménagement des rythmes éducatifs, la Ville de Paris a d'une part très fortement accru son offre périscolaire et donc permis une meilleure prise en charge des enfants, et notamment de ceux issus de familles défavorisées, et d'autre part mieux pris en compte les temps de l'enfant.

2) L'égalité entre les femmes et les hommes

Trois grandes orientations ont été données par la Ville de Paris à l'Observatoire de l'Égalité Femmes/Hommes, mis en place en 2002, dont la délégation a été confiée à Anne Hidalgo et depuis 2008 à Fatima Lalem :

• Amplifier la lutte contre toutes les violences faites aux femmes et défendre leurs droits.

• Promouvoir l'égalité professionnelle pour les agents de la ville et pour la société parisienne, en particulier en luttant contre le chômage des femmes.

• Renforcer en direction des jeunes, la diffusion des valeurs nées du combat pour l'égalité, et développer des partenariats avec des villes et des pays qui partagent cette volonté.

Parmi les principales actions on peut citer:

• la prévention des violences à rencontre des femmes , notamment à travers l'hébergement, l'aide associative et les dispositions du. contrat parisien de sécurité.

• l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes par le plan d'égalité professionnelle de la Ville de Paris.

• la lutte contre la prostitution par différentes actions d'information et de médiation.

• l'éducation à l'égalité filles/garçons par des actions de sensibilisation.

On peut tout particulièrement souligner le volontarisme de Bertrand Delanoë sur la parité, illustré par ce geste très fort, consistant à ce qu'il y ait parité entre femmes et hommes pour les postes d'Adjoints au Maire et pour les postes de Directeurs d'administration centrale.

3) La concordance des temps

a) L'accessibilité des services publics

- l'Aménagement des horaires d'ouverture des équipements de proximités

À la suite des études menées par le Bureau des Temps ont pu notamment être réalisés en lien avec les directions concernées :

• la mise en oeuvre d'une plus grande souplesse dans les temps d'accueil des enfants dans les crèches municipales et d'une adaptation des horaires selon les établissements y compris dans les crèches associatives subventionnées dont beaucoup proposent des horaires décalés ou élargis ;

• l'augmentation des horaires d'ouverture au public individuel des piscines en réorganisant les créneaux réservés aux clubs, et création de nocturnes ;

• l'élargissement de l'offre en faveur des adolescents : actions sportives auprès des jeunes dans des créneaux horaires en soirée et le week-end, ouverture des équipements sportifs l'été... ;

• de nouveaux horaires dans. les parcs et jardins depuis le 1 er mai 2007, plus lisibles et prenant en compte l'horaire moyen de coucher du soleil, pour offrir aux parisiens une plage d'accès élargie à la belle saison ;

• l'harmonisation des horaires des bibliothèques et l'ouverture le dimanche des médiathèques Marguerite Duras, Marguerite Yourcenar et de la bibliothèque François Truffaut, complétant ainsi le service proposé par les bibliothèques dépendant de l'État ouvertes le dimanche (BNF et BPI). Quelques bibliothèques sont ouvertes jusqu'à 20h et trois d'entre elles proposent une ouverture en nocturne jusqu'à 22h le jeudi (Mouffetard 5 ème arrondissement, Faidherbe 11 ème arrondissement, Rostand 17 ème arrondissement).

• la création de nocturnes pour les expos temporaires au Musée du Petit Palais et au Musée d'Art Moderne.

On assiste aussi au développement des mariages le samedi après-midi dans certains arrondissements, au moins de manière saisonnière. En 2001, cette possibilité n'existait dans aucun arrondissement parisien ; aujourd'hui, 9 arrondissements organisent des mariages le samedi après-midi.

Il est à souligner que ces aménagements d'horaires ont été accompagnés d'un effort de lisibilité et d'information, en particulier par les outils numériques (dont Paris.fr).

Les horaires, comme d'ailleurs d'autres éléments permettant une meilleure accessibilité au service public et une meilleure adaptation aux paramètres locaux, peuvent être modulés puisque, de par la loi PML, il existe des commissions mixtes paritaires qui définissent au niveau de l'arrondissement les conditions générales d'admission et d'utilisation des équipements de proximité.

De même, dans le cadre de l'action de la Ville pour plus de proximité, les maires d'arrondissement peuvent intervenir pour l'adaptation locale de politiques municipales. Ainsi, il existe un co-pilotage entre la mairie centrale et la mairie locale de la politique de propreté, permettant de traiter notamment la question des horaires de collecte.

- Le développement des autres facteurs d'accessibilité

L'accessibilité c'est d'abord de pouvoir avoir accès à plus de services publics :

Le développement de l'offre de service, avec l'ouverture d'un nombre considérable d'équipements de proximité de toutes sortes (crèches, conservatoires, équipements sportifs, etc.), grâce à un effort considérable d'investissement est un facteur important d'accessibilité.

Le-développement de l'accessibilité a aussi reposé depuis 2001 sur le développement des téléservices :

Grâce à internet, .avec la possibilité de démarches sans se déplacer et 24h sur 24, 7 jours sur 7, la proximité n'est plus, bien souvent, pour accomplir des formalités ; « ma mairie », c'est « mon micro », et de plus en plus ce sera « mon portable », avec le développement des usages mobiles.

Ainsi, à Paris, d'ores et déjà, chaque année, 1 million d'actes d'état civil - sur 3 millions - sont demandés par internet.

Près de 40 % des demandes d'inscription sur les listes électorales, 30% des demandes de cartes de stationnement résidentiel, sont aujourd'hui effectuées à Paris par internet.

Le développement de l'accessibilité, c'est aussi la possibilité d'accomplir une formalité dans n'importe quel arrondissement.

La Ville de Paris s'attache, chaque fois que les textes le permettent à « désectoriser» la réalisation des formalités, c'est-à-dire à faire en sorte qu'elles puissent s'effectuer dans n'importe quelle mairie d'arrondissement, et non pas seulement l'arrondissement de résidence, ou de naissance.

Ainsi, depuis 2007 on peut demander un acte de naissance, si on est né à Paris auprès de n'importe quelle mairie d'arrondissement ; de même pour les demandes de logement. La mairie de proximité n'est donc plus forcément la mairie de résidence ; ce peut être notamment celle qui est près du lieu de travail de l'usager.

Une meilleure accessibilité, c'est aussi, et en dehors même des téléservices, s'attacher à faciliter l'accomplissement des formalités, plus que l'obligation de se présenter physiquement « au guichet », ou au moins pour réduire le nombre de fois où l'usager doit se déplacer.

L'exemple des bibliothèques peut résumer ces différentes orientations :

• les horaires ont été élargis et harmonisés ;

• la mise en place d'un téléservice permet de connaître la disponibilité d'un ouvrage et de le réserver là où il est disponible et pas seulement dans la bibliothèque où l'on est inscrit ;

• des « boites à livres » permettent, dans une majorité de bibliothèques, de rendre des ouvrages en dehors des heures d'ouverture ;

• le portage de livres à domicile est proposé aux personnes âgées ou à mobilité réduite.

Une meilleure accessibilité c'est également fournir un service de qualité aux usagers. A cet égard, la Ville de Paris a engagé depuis 2008 une politique ambitieuse de démarche qualité, avec la mise en place de référentiels de qualité de service, comportant des engagements vis-à-vis des usagers, dont le respect est contrôlé périodiquement par un organisme extérieur, l'AFNUR, qui attribue après contrôle le label qualité « Qualiparis ». Au 31 décembre 2013, 554 sites étaient labellisés Qualiparis, correspondant à 12 secteurs d'activité aussi différents que les mairies d'arrondissement, les piscines, les bibliothèques, les maisons des associations, les parcs et jardins, ou la MDPH.

Une meilleure accessibilité c'est enfin, même si on est là aux marges des politiques temporelles, un service gratuit ou peu onéreux et adapté aux capacités contributives des uns et des autres ; ainsi, la Ville de Paris a mis en place en 2001 la gratuité de l'accès aux expositions permanentes des musées -étant rappelé que l'inscription en bibliothèque est gratuite - et a progressivement mis en place pour les activités à la saison (périscolaire, cantine, conservatoires, centres d'animation, etc.) des tarifs reposant sur le quotient familial, qui prend donc en compte la composition et les ressources des familles, avec des tarifs très faibles pour les personnes à ressources modestes.

b) La facilitation des mobilités

Cette problématique est particulièrement cruciale dans la Ville-capitale, qui, outre les mouvements intra-parisiens, draine quotidiennement, que ce soit pour le travail, pour les loisirs, ou la découverte, des volumes considérables de personnes, franciliens, provinciaux ou étrangers.

Le développement des transports en commun, la construction du tramway sur les boulevards extérieurs, la mise en place de nouvelles formes de déplacements (Vélib, Autolib') mis en place par la Ville de Paris, mais qui ont été étendus très vite à des communes de banlieue concourent à faciliter les mobilités, en augmentant l'offre, en la diversifiant, et en l'adaptant donc à des types d'usages et des profils d'utilisateurs de plus en plus variés.

c) La prise en compte de la problématique de la nuit

Le temps de la nuit, et la conciliation des usages pendant cette période, fait l'objet d'une série d'actions spécifiques.

La nuit est en effet un temps particulier de la ville où se révèlent l'évolution des rythmes de vie et la diversité des usages. Les pratiques et les attentes par rapport à ce temps ont profondément évolué depuis quelques années.

Ces changements concernent notamment la vie festive, mais aussi un ensemble d'activités : le travail de nuit, les transports, l'organisation des services publics et privés, etc.

Dès 2002, le temps de la nuit à Paris avait déjà fait l'objet d'une initiative phare de la municipalité, avec l'organisation de la « Nuit Blanche ». Rendre l'art accessible à tous, mettre en valeur l'espace urbain par la création moderne, créer un moment de convivialité : tels sont les enjeux fixés pour cette manifestation annuelle.

De même, un certain nombre d'initiatives avaient été prises, notamment pour faciliter les mobilités la nuit.

Ainsi, la RATP a mis en service le Noctilien , nouveau réseau régional de bus la nuit, en septembre 2005.De même, les horaires du métro avaient été prolongés jusqu'à 2h00 le week-end en 2006-2007.

Il manquait toutefois une approche globale des questions relatives à la nuit, à travers ses trois principaux usages : le repos, le divertissement mais aussi le travail.

C'est pourquoi, le Maire a décidé l'organisation des États Généraux de la Nuit qui ont réuni, pendant 2 jours, en novembre 2010 à l'Hôtel de Ville des élus de la Mairie de Paris, des représentants des institutions concernées (Région, Préfecture, Ministères..), d'organismes publics, d'entreprises, d'associations, et des métiers de la nuit, ainsi que différents experts.

Ces États Généraux de la Nuit ont ainsi permis d'adopter un véritable programme d'action pour les questions relatives à la nuit, de mettre en place, depuis 2011, un dispositif de suivi afin de veiller au bon avancement des décisions et orientations définies lors de ces États Généraux, et de créer une instance d'échange et de dialogue, notamment entre les représentants des riverains et des professionnels de la nuit, dans le but d'améliorer le « vivre ensemble ».

Plusieurs actions ont été initiées à la suite des États Généraux de la Nuit. Ainsi :

• un dispositif de médiation de rue la nuit dans les quartiers à forte activité festive, dit « Les Pierrots de la Nuit », organisé par l'AMUON (Association de Médiation pour un Usage Optimal de la Nuit) a été expérimenté en 2011 puis étendu en 2012.

• des commissions de médiation ont été mises en place dans chaque arrondissement particulièrement concerné par la conciliation des usages.

• des campagnes de mesures du bruit, pour objectiver la question des nuisances sonores ont été menées par l'association BruitParis, et une étude sur les usages des espaces publics la nuit, a été effectuée en 2012.

• certains centres d'animation ont prolongé leurs horaires d'ouverture en soirée.

• des espaces « Chill out » ont été mis en place pour la prévention des risques.

• le renforcement du Noctilien et, pour le week-end, du dispositif Paris Aide à la Mobilité (PAM) à destination des handicapés.

• la Ville de Paris aide également l'association « Nuit vive », organisatrice des « Nuits capitales ».

Plus globalement, la Ville s'attache à intégrer beaucoup plus fortement les problématiques de la nuit dans ses actions. Ainsi, pour imaginer ce que devraient être les fonctionnalités et les caractéristiques attendues de ses futurs abri-voyageurs, la Ville a-t-elle en 2013 travaillé avec des usagers sur leurs attentes relatives aux abri-voyageurs pour les périodes de nuit.

4) L'égalité des personnes

• Ouverture de 5 PIMMS (Points d'Information et de Médiation Multiservices), afin de faciliter les démarches administratives et d'éviter les temps d'attente et de déplacement des usagers et donc de permettre plus d'égalité entre les usagers. Il s'agit d'un dispositif partenarial mis en place avec d'autres services publics (la Préfecture, EDF, La Poste, SNCF, etc.) et qui permet de prendre en compte la globalité de la situation des usagers. Concrètement, ceux-ci peuvent obtenir de l'aide pour constituer un dossier, remplir un formulaire, écrire un courrier, prendre contact avec un interlocuteur ou obtenir une médiation sur des différends simples, et ce auprès de différents administrations et services publics. Les usagers peuvent y avoir accès à des ordinateurs afin d'effectuer leurs démarches en ligne et être conseillés en la matière.

Les PIMMS parisiens ont connu depuis leur ouverture une forte progression de leur fréquentation, qui est passée de 24 120 usagers reçus en 2008 (première année de fonctionnement des 5 PIMMS en année pleine), à 41 846 en 2013, soit une augmentation de 73,49 %, ce qui montre qu'ils répondent à un réel besoin des usagers, en complément d'autres actions comme le déploiement des démarches à distance ou les dispositifs numériques.

D'autres actions sont menées par la Ville de Paris ou avec son appui, afin de faciliter l'accès pour les usagers, et notamment ceux qui sont les plus fragiles ou en difficultés, à l'information et au service public.

Ainsi des permanences juridiques gratuites, sous des formes diverses (consultations d'avocats, points d'Accès au Droit, Relais d'accès au Droit, Maisons de la Justice et du Droit) existent dans tous les arrondissements, complétées dans certains cas par la présence d'écrivains publics.

La Médiatrice de la Ville de Paris a développé également sa présence dans les arrondissements avec un réseau de correspondants (tout en mettant en place un téléservice qui permet de la saisir par internet, preuve que les nouvelles technologies peuvent se développer en parallèle d'un service en « face à face », l'usager ayant le choix du mode de contact qu'il souhaite utiliser).

Enfin, les mairies d'arrondissements, ont développé le concept de « guichet unique » pour certaines problématiques (mise en place de Relais Information famille - RIF -, de Relais information Logement et Habitat - RiLH -, voire même dans le 11 e arrondissement, de Relais Information Culture-RIC-) qui permet de donner aux usagers une information très large, y compris en s'appuyant sur des partenaires institutionnels ou associatifs.

5) La création de temps communs dans la ville

• Suite à l'interdiction de fumer au 1 er janvier 2008 dans les lieux à usage collectif, une campagne de sensibilisation des fumeurs aux nuisances sur l'espace public a été mise en place, en concertation avec les syndicats des établissements de sortie nocturne et des représentants de la Préfecture. Des cartes postales et des cendriers de poche ont été distribués, ainsi que des affichettes placardées dans 1150 lieux ouverts le soir et la nuit.

• Création et diffusion d'un guide d'élaboration de chartes locales, comme outil de réduction des conflits d'usage locaux jour et nuit sur l'espace public

• Prise en compte des rythmes et de la conciliation des usages dans les quartiers politiques de la Ville et dans certains quartiers stratégiques de Paris, comme Paris Rive Gauche. Le chantier Eco-citoyen Paris Rive Gauche , mené en lien avec la Mairie du 13e, des associations et différents autres partenaires publics et privés a permis de faire émerger plusieurs projets autour de la qualité de vie, des temporalités et de l'animation du quartier.

Ces réalisations reflètent la diversité des champs d'action du Bureau des Temps, qui touchent à de multiples aspects liés aux rythmes de vie.

IV. Les difficultés et les perspectives

1) les difficultés

Comme toute politique innovante, les politiques temporelles sont complexes à mettre en oeuvre et rencontrent un certain nombre d'obstacles et de difficultés, notamment :

• le grand nombre des acteurs : la prise en compte de l'évolution des modes de vie nécessite de mettre en lien, de convaincre et de travailler avec un nombre conséquent de partenaires soit internes à la Ville de Paris (directions, équipements de proximité), soit externes (autres services publics, associations, entreprises...)

La Ville n'est en effet pas toujours la seule décisionnaire. (par exemple dans le cas des transports et de la mobilité où la Préfecture de Police, le STIF ou les opérateurs ont des compétences importantes).

Par rapport à d'autres villes, les difficultés sont accrues du fait de la dimension démographique et économique de la capitale, mais aussi du fait de la forte présence d'organismes importants ou de sièges de grandes sociétés.

• L'obligation d'effectuer un travail étape par étape, dont les résultats ne sont pas toujours visibles immédiatement : diagnostic, recueil des avis, propositions, mise en oeuvre - souvent progressive ou expérimentale -, évaluation, adaptations éventuelles.

• La nécessité de concilier des besoins et des intérêts parfois contradictoires : par exemple l'extension des horaires des crèches pour répondre aux demandes des parents doit prendre en compte les rythmes de vie des auxiliaires de puériculture qui sont souvent aussi des mères de jeunes enfants et qui ont pour beaucoup d'entre elles de longs temps de trajet domicile-travail. En effet, les auxiliaires de puériculture sont presque toutes des femmes et la très grande majorité d'entre elles ne résident pas à Paris intra-muros, malgré l'effort tout particulier fait par la Ville en faveur du logement de ses agents.

• Le coût de certaines actions : études confiées à des cabinets extérieurs, extensions d'horaires qui peuvent impliquer la création de postes ou le versement d'heures supplémentaires, soutien à des actions associatives avec des subventions, parfois importantes, etc...dans un contexte budgétaire de plus en plus contraint.

2) les perspectives

Les questions en matière de politique temporelle restent nombreuses : temps de transport, ouverture des commerces, extension des horaires d'ouverture et plus largement meilleure accessibilité pour les services publics notamment.

Il conviendra notamment :

• de mieux intégrer les temporalités dans les différentes politiques publiques :

Ainsi des champs d'action nouveaux sont à développer, comme celui de l'urbanisme temporel, qui consiste à mieux prendre en compte les rythmes de vie dans les aménagements urbains, notamment en rapprochant les zones d'habitation des lieux de travail et d'activités ou en prévoyant plusieurs usages dans le même espace, soit simultanés (mutualisation) soit successifs dans le temps (mutabilité).

D'ores et déjà, les réalisations récentes (place de la République par exemple) et les projets d'espace public intègrent, les principes d'un urbanisme plus soucieux des temps de la ville. On peut aussi envisager de prévoir dans les cahiers des charges des concepteurs et des aménageurs que le diagnostic et le projet prennent explicitement en compte le temps de la nuit sur le principe de la conciliation des usages.

Cela peut concerner par exemple les jardins publics dont l'ouverture nocturne n'est possible que si leur configuration et leurs équipements ont été conçus de manière adaptée.

• d'encourager et d'accompagner les changements liés au développement des nouvelles technologies et de e-administration, dont les impacts sont majeurs :

A titre d'exemple, si le projet COMEDEC d'échanges dématérialisés de données d'état civil entre administrations se met en place conformément aux prévisions de l'État, on peut estimer qu'en 2020, ce seront, à Paris, plusieurs centaines de milliers de personnes de moins qui annuellement se déplaceront en mairie pour demander un acte d'état civil.

• d'avoir des approches plus différenciées en fonction des territoires et des populations qui y vivent. Ainsi, la Ville de Paris a jusque-là eu pour objectifs d'élargir les horaires d'ouverture de ses services publics mais aussi de les harmoniser pour faciliter l'information sur les horaires et pour homogénéiser l'offre de service public sur tout le territoire parisien.

Pour autant, les études qualitatives menées ces dernières années ont fait apparaître des attentes très différentes selon les quartiers et leur sociologie qui peuvent conduire, à l'avenir, et grâce au développement notamment des usagers mobiles qui facilite l'accès en temps réel à une information personnalisée, à pratiquer des différenciations sur les horaires d'ouverture.

A titre d'exemple, la pertinence d'une « nocturne » tous les jeudis, dans chaque mairie d'arrondissement, jusqu'à 19h30 mérite d'être réinterrogée à la lumière de l'expérience, qui montre que, selon les arrondissements, cette nocturne soit a « rencontré son public », soit reste peu utilisée par les usagers.

La problématique des horaires d'ouverture, d'autant plus dans des contextes budgétaires contraints, va sans doute, de plus en plus s'orienter vers « mieux d'horaires », que vers « plus d'horaires ».

• de prendre pleinement en compte la dimension métropolitaine, qui offrira la possibilité de développer de nouvelles actions avec les territoires voisins et d'agir sur des problématiques déterminantes en matière de temporalités, telles que le logement ou les transports, et qui ne peuvent trouver de réponse pleinement satisfaisante qu'à l'échelle métropolitaine.

Enfin, il est indispensable de s'appuyer sur des réseaux inter-collectivités comme Tempo territorial , qui rassemble les Bureaux des Temps de plusieurs villes et collectivités territoriales françaises et constitue un dispositif unique d'échange d'expériences et d'évaluation des politiques temporelles .

Le réseau européen des politiques temporelles qui est également en cours de constitution constituera un outil d'appui et de référence supplémentaire.

Il ne fait guère de doute que les évolutions de notre société, notamment des modes et des rythmes de vie, vont se poursuivre, voire s'accélérer, et que notre responsabilité collective sera d'imaginer et de proposer des réponses aussi adaptées que possible aux nouveaux besoins : c'est là la mission des politiques temporelles.

L'acuité des débats autour de ces sujets (horaires d'ouverture des magasins ou des services publics notamment) montre si besoin était, toute l'importance et toute l'actualité des problématiques temporelles 81 ( * ) .

16. Audition de Catherine Coutelle, le mercredi 9 avril 2014

Audition de Catherine Coutelle, ancienne adjointe en charge des politiques temporelles à Poitiers, Présidente de la Délégation à l'Assemblée nationale aux Droits des femmes et à l'Égalité des chances entre les femmes et les hommes.

Catherine Coutelle a été amenée à s'intéresser aux politiques temporelles par deux biais. À partir de 1994, Jacques Santrot, alors maire de Poitiers, a souhaité créer un service de prospective. Dans ce cadre, le responsable du service, Dominique Royoux, aujourd'hui président de l'association Tempo territorial a rencontré des chercheurs à Bruxelles s'intéressant à la question du temps et qui souhaitaient prendre l'attache de collectivités territoriales en France prêtes à mettre en place des expérimentations en matière temporelle.

Par ailleurs, Catherine Coutelle était en charge des transports, domaine où la question du temps est très importante. Elle a fait le constat, notamment dans le cadre de l'association « femmes en mouvement », que 2/3 des usagers des transports publics urbains étaient des femmes à France. Or, leurs attentes en matière de transport ne sont pas les mêmes que celles de hommes. Alors que ces derniers attachent une importance particulière à la modernité des transports, les femmes considèrent que la régularité des horaires est prioritaire.

La deuxième étape a consisté en l'organisation d'un séminaire à Poitiers pour présenter les politiques temporelles, qui s'est notamment conclu par la création d'un poste dédié aux politiques temporelles à Poitiers.

Lors de la campagne des municipales de 2001, Catherine Coutelle a organisé des réunions sur le thème « temps des villes et temps de femmes » qui ont connu un certain succès, avec une présence significative de personnes qu'on ne voyait pas dans les réunions électorales habituelles.

A la même époque, un colloque avait été organisé en Poitou-Charentes où une enquête réalisée auprès de 800 femmes de Poitou-Charentes sur leurs attentes en matière de temps a été présentée. Claude Bartolone, alors ministre de la Ville, était présent. Son idée était de rendre obligatoire par la loi la mise en place de politiques temporelles. Toutefois, Catherine Coutelle y est opposée, car les politiques temporelles ne fonctionnent bien que si les élus sont volontaires et convaincus.

En effet la mise en place des politiques temporelles nécessite un portage politique, mais pas forcément un service pléthorique. On n'a pas encore trouvé le bon terme pour parler des politiques temporelles. La notion de « bureau des temps » est trop administrative, « agence du temps » évoque la météo. Dès lors, on se retrouve confrontés au fait qu'il faut commencer par expliquer le mot avant de pouvoir parler des actions concrètement menées.

L'apport des politiques temporelles, c'est un changement de vision de la ville et du territoire, qui place le citoyen, le parent d'élève, l'usager des transports en commun, le salarié au coeur des choix. On passe ainsi d'une logique d'offre à une logique de réponse à la demande.

Poitiers faisait partie des territoires expérimentaux, tout comme le département de la Gironde, le Territoire de Belfort, Saint-Denis et Pantin.

En tant que députée, Mme Coutelle a écrit en 2007 à la totalité des parlementaires maires afin de leur présenter la politique des temps. Elle a reçu peu de réponses. Elle a organisé une deuxième réunion avec des élus locaux qui a rencontré un peu plus de succès. Pour autant, les politiques temporelles ne sont pas étrangères aux textes débattus. Ainsi, lors que l'on parle d'égalité entre les hommes et les femmes, de garde des enfants, ou encore de la réforme des rythmes scolaires, les politiques temporelles sont directement concernées.

À titre d'exemple, la réforme des rythmes scolaires impacte les parents, mais également les transports en commun. Or l'Éducation nationale ne s'en préoccupe pas. D'ailleurs, la ville de Poitiers avait mis en place dès le début un comité de coordination temporelle, auquel l'Éducation nationale n'a pas participé. De même, lorsque des horaires scolaires étaient modifiés, l'Éducation nationale estimait que les problèmes que pouvaient rencontrer les parents ou les collectivités ne relevaient pas de sa compétence.

Toutes les politiques publiques sont concernées par cette approche temporelle, en premier lieu les transports. En Poitou-Charentes, on a essayé de développer la mobilité. En effet, l'usager ne sait pas à qui et où s'adresser à sa descente du train pour prendre le bus par exemple. Il faut désormais pouvoir penser le voyage d'un bout à l'autre de la chaîne.

Un enjeu concerne l'urbanisme. Il faut envisager des solutions pour que l'aménagement de la ville soit pensé en termes d'espace, mais aussi en termes de temps. Une ville ne vit pas de la même manière en fonction de l'heure de la journée, ni des jours de l'année. Cette notion de temps a été intégrée à deux appels d'offres, le premier concernant le centre-ville et le deuxième un quartier de Poitiers. Une formation sur cet urbanisme temporel doit être délivrée dans les écoles d'urbanisme et d'architecture. La flexibilité et la modularité d'un espace doivent être intégrées. Des « marches de nuit », sur le modèle canadien, organisées par la ville de Poitiers ont aussi permis de mettre en évidence quels étaient les lieux répulsifs ou attractifs, et pourquoi.

L'une des difficultés des politiques temporelles est qu'il s'agit d'une politique « de dentelle », avec souvent une visibilité politique moindre que d'autres actions. En outre, elles exigent du temps pour se mettre en place car elles impliquent des négociations. Ainsi, l'ouverture de la mairie centrale entre midi et 2 heures a nécessité six mois de négociation. C'est à l'élu et aux services de lever les obstacles. C'est notamment la démarche qui a été entreprise dans la mise en place du guichet unique des services aux parents pour la rentrée scolaire.

Catherine Coutelle est très réticente vis-à-vis du télétravail. Certes, cela peut représenter une amélioration des conditions de vie pour les cadres supérieurs, mais cela peut aussi conduire à une profonde remise en cause de la distinction entre sphère professionnelle et sphère privée. En outre, le travail crée un lien social. Ainsi, en Ardèche où une expérience de télétravail a été menée, les employés ont demandé à être regroupés dans un même lieu pour conserver ce lien social. Toutefois, le télétravail peut aussi apporter plus de souplesse, après un congé maternité par exemple.

Une réflexion a également été menée à Poitiers sur le thème de l'intergénérationnel, se traduisant par exemple par la mise en place sur un même site d'une crèche et d'une maison de retraite par exemple.

On constate également une demande accrue des commerces pour ouvrir plus tard le soir ou le dimanche. Une réflexion de fond doit avoir lieu : doit-on continuer à y opposer un refus ? Au contraire, faut-il l'accepter ? Quelles sont alors les conséquences pour les salariés, et de manière plus large pour toute la société, qui devra alors accepter plus de flexibilité ? Catherine Coutelle a aussi souligné la situation particulière des caissières de supermarchés, qui sont à temps partiel mais doivent être disponibles tout le temps pour répondre à un éventuel besoin d'ouverture temporaire d'une caisse supplémentaire. Le temps des uns ne doit pas dégrader le temps des autres.

Enfin, les politiques temporelles doivent s'intéresser au périurbain. En effet, l'offre de services et de culture est très faible, voire inexistante en journée. À Poitiers, la réorganisation de la ville a fait émerger un sentiment d'exclusion pour les périurbains. Catherine Coutelle attire l'attention sur les dangers de fracture entre rural/urbain ou périurbain/urbain qui pourraient naître de la création de péages urbains.

L'idée de gestion du temps commence à émerger. En effet, de nombreux textes de loi sur le travail introduisent la question de l'articulation vie personnelle/vie professionnelle. En outre, l'observatoire de la parentalité dans les entreprises vient d'intégrer sur son site internet une rubrique « rythme de vie ». Enfin, on voit mal comment pourraient être promues les politiques temporelles. En effet, si la loi n'est pas le bon instrument, se fonder sur la seule bonne volonté n'est pas suffisant.

17. Audition de Myriam Cau et de Benoit Guinamard - Conseil régional du Nord-Pas-de-Calais, le mercredi 9 avril 2014

Audition de Myriam Cau, Vice-Présidente du conseil régional du Nord-Pas-de-Calais en charge de développement durable et de la démocratie participative, et de Benoit Guinamard, de la direction du développement durable, de la prospective et de l'évaluation du conseil régional du Nord-Pas-de-Calais.

La réflexion sur les politiques temporelles, initiée en 2008 lors du mandat précédent du conseil régional, a été animée par le service de prospective de la Direction du Développement Durable, de la prospective et de l'Evaluation. Cette direction traite notamment de projets et actions nécessitant une vision et une approche transversales aux compétences de la Région.

La question du temps est un enjeu pour l'aménagement et l'équilibre du territoire. Ainsi, le SRADDT (Schéma Régional d'Aménagement et de Développement du Territoire), dont l'élaboration a mis en exergue l'intérêt de la question, concerne l'aménagement de l'espace mais aussi ce que l'on pourrait appeler l'aménagement sociétal, c'est-à-dire l'ensemble des dynamiques humaines.

La démarche de la Région Nord-Pas-de-Calais s'écarte des politiques temporelles mises en oeuvre par les autres collectivités. En effet, alors que pour les communes, il est principalement question d'amélioration des conditions de vie, la région met l'accent sur l'aménagement du territoire. On est moins dans une politique régionale classique que dans une forme de recherche d'actions en collaboration avec les territoires. Les politiques temporelles ont un impact direct sur les questions de développement durable, car elles ont des conséquences tant sur l'environnement, que sur la société et l'économie. Le temps a été imposé aux populations par le fait urbain. Le temps est ainsi la résultante de choix qui échappent à la population et aux débats. Nous sommes traditionnellement dans une logique d'offre et non de demande.

Les politiques temporelles sont importantes, car elles permettent de faire un pas de côté pour aborder les compétences traditionnelles de la Région sous un nouvel angle, tout en introduisant des actions innovantes.

Un des exemples de prise en compte des politiques temporelles en matière d'aménagement concerne l'engorgement des autoroutes à l'approche de Lille. Le phénomène s'est profondément accentué ces dix dernières années et a un impact néfaste en matière d'écologie et de qualité de vie. Le postulat a été posé que la création d'une nouvelle route ne résoudrait pas le problème. Un partenariat Région-Lille-Métropole a été décidé pour aborder cette question. Il s'agit d'élaborer des outils et d'aboutir à un consensus, en privilégiant un aménagement des horaires des « grands attracteurs » de mobilité. Le constat est ainsi fait de la présence de grandes universités dans la métropole, de la localisation dans un petit triangle du conseil général, du conseil régional et de l'administration de la ville de Lille. Le conseil régional peut s'appuyer pour ce projet sur les partenariats qu'il a déjà avec l'université dans d'autres domaines, en matière de développement durable par exemple. La chambre de commerce et d'industrie exprime également beaucoup d'attentes vis-à-vis de cette question.

D'autre part, dans le cadre du SRADDT sera prochainement lancé un chantier collectif (Directive Régionale d'Aménagement) relatif aux mobilités, afin d'avoir un autre rapport vis-à-vis d'elles.

On constate que le réseau et les infrastructures sont calibrés pour les « temps forts ». Compte tenu des flux constatés lors de ces moments, il faudrait pratiquement une nouvelle gare à Lille. La question qui se pose est de savoir comment faire pour desserrer l'étau. En effet, en 20 ans, la situation autour de la métropole lilloise s'est extrêmement dégradée, avec une très forte augmentation des migrations habitat/travail. Et en attendant qu'à long terme on remixe les fonctions habitat/travail, il faut trouver des réponses pour le court et moyen terme.

A Lille travaillent plusieurs milliers d'agents des collectivités : le conseil régional, la communauté urbaine de Lille, le conseil général, la ville de Lille, auxquels il faut ajouter ceux des services de l'État. Cette situation devrait interpeller les administrations en termes d'innovation dans leur management, d'autant que le big-bang du numérique a changé la donne par rapport au début des années 2000. Les nouvelles possibilités en matière de mobilité, comme le télétravail, n'ont pas encore été intégrées, et des réticences internes au changement existent.

Certains outils font encore défaut. Ainsi, la direction du développement durable, de la prospective et de l'évaluation estime que la connaissance partagée, notamment en termes de statistiques régionales et de cartographies, est un champ important qui reste à compléter. Dans les années 2000, cette direction a également accueilli des étudiants de l'université Lille I afin de disposer d'une meilleure connaissance des réflexions et initiatives menées sur la problématique des temps. Elle travaille aussi étroitement avec la direction régionale de l'INSEE dans le cadre de sa démarche prospective et de celle de l'animation du SRADDT. La région participe activement à l'élaboration d'indicateurs alternatifs aux indicateurs classiques de richesse et de développement. Ces indicateurs alternatifs reflètent une forme d'intégration des éléments que le citoyen considère comme faisant partie de la richesse. Le temps comme révélateur d'inégalités pourrait faire partie de cet arsenal en s'intégrant également dans une approche du lien social, des relations humaines, du temps bénévole.

Un autre sujet important concerne le service public, notamment la mutualisation des lieux et l'amélioration des temps d'accès à un service. Dans le cadre de l'égalité par rapport aux services publics, de nouvelles formes d'instantanéité se développent.

A cet égard, les gares sont des lieux importants. Elles sont souvent bien situées mais on constate, d'une part un désengagement de la SNCF en termes d'accueil, d'autre part une diminution des achats de titres de transport sur place. On pourrait y développer des services multiples, comme des crèches par exemple.

En matière de transport, outre la quantité de temps passée, ce qui compte de plus en plus c'est la qualité de ce temps.

Un travail partenarial est mené avec les territoires dans le cadre de l'élaboration des schémas de cohérence territoriale (SCOT). En amont, il s'agit d'aider les acteurs locaux à s'approprier un certain nombre d'éléments d'articulation. Nous avons pu constater que le Pays de Saint-Omer est un cas de figure intéressant, avec un grand intérêt porté par l'agence d'urbanisme sur la question des temps dans le cadre de l'animation du SCOT. Cet intérêt s'est révélé à partir d'un focus sur la problématique des maisons de santé pluridisciplinaires : cela a conduit à se poser d'autres questions, comme celle de l'accessibilité aux soins, de l'accessibilité aux transports, du vieillissement de la population, de l'urbanisation.... La notion de temps d'attente en matière de soin fait partie de l'égalité des territoires mais aussi de l'égalité entre les personnes.

La région lancera d'ailleurs bientôt un chantier collectif dans le cadre du SRADDT, qui sera une directive régionale d'aménagement sur l'égalité des territoires.

La région préside l'établissement public foncier Nord-Pas-de-Calais (EPF), outil au service de la stratégie foncière des collectivités. Des critères de densité et de localisation des terrains ont été définis. Si la Région n'a pas compétence sur les infrastructures, elle a toutefois retenu le critère de la proximité du foncier à des pôles de desserte. Les conventions d'intervention foncière couvrent désormais pratiquement tout le Nord-Pas-de-Calais. Elles mêlent un double objectif de production de logements et de renouvellement urgent.

Il y a une proximité de pensée sur les liens entre urbanisme et transport entre le Conseil régional et Lille métropole. Cette dernière, à travers sa compétence de transport local, a développé une notion dénommée « Disques de Valorisation des Axes de Transports » (DIVAT), qui régit les opérations de densification urbaine, lesquelles doivent se faire prioritairement à proximité des stations de métro, de tramway et des gares. Cela a été intégré dans une délibération-cadre. La région, de son côté, développe depuis plusieurs années une politique de gares pôles d'échanges, dans laquelle la gare se trouve progressivement au centre d'une approche englobant urbanisme et mobilité.

On peut aussi mentionner l'un des focus de notre démarche sur les temps, qui portait sur la question des éco-quartiers. En permettant de dépasser une définition centrée sur des caractéristiques énergétiques, environnementales ou architecturales, l'introduction de la variable temps permet de remettre l'habitant au coeur de la réflexion. Elle permet ainsi de développer une autre définition plus intégrée de l'urbanisme et de faire un saut qualitatif vers la ville durable.

En conclusion, les politiques temporelles sont l'opportunité de faire ce pas de côté permettant d'avoir une vision transversale des sujets et de les repenser.

18. Audition de l'association AIDER, le mercredi 9 avril 2014

Audition de l'association AIDER, Robert Arnaud, président, et Marie Danjean, chargée de mission.

AIDER était au départ une association agricole. Elle a évolué et, à partir de 1999, est devenue une association de développement. Elle en est venue à travailler sur les thématiques temporelles suite à un intérêt de la préfecture de la Drôme pour les groupements d'employeurs, et plus particulièrement pour la promotion de l'emploi partagé. AIDER a participé à cette réflexion et a notamment travaillé pour permettre aux communes et aux acteurs publics d'intégrer un groupement d'employeurs. Un amendement a d'ailleurs été adopté sur ce sujet. En outre, elle s'est également intéressée aux moyens de maintenir l'emploi dans un territoire fortement distendu. À sa connaissance, il n'existe pas d'autres associations de ce type. AIDER se caractérise par ailleurs par l'absence de toute attache politique. Elle se voit plutôt comme un « club d'explorateurs de méthodologie en matière de politiques temporelles ». Elle dispose d'un budget de 300 000 €. AIDER s'est spécialisée dans la mise en place d'études et d'actions en réponse à des demandes de collectivités territoriales et de collectifs (habitants, entreprises...) mais a également développé ses propres projets.

Elle a ainsi travaillé sur la revitalisation des marchés locaux. Pour chacun des projets, l'association dresse un état des lieux, un diagnostic incluant la rencontre des acteurs et de la population, anime un groupe de travail, explore les rythmes. Par exemple, à Piégros-la-Clastre, le marché du jeudi matin mourrait car, au fil des années, cette commune rurale tendait à se transformer en commune dortoir. Les horaires de marché devaient correspondre à ceux d'un flux de population. Il a été déplacé entre 15 heures et 19 heures le vendredi afin de correspondre à la sortie d'école et au début du week-end. Une action a également été entreprise avec le café local qui propose désormais une petite formule spécifiquement pour le jour du marché. De manière générale, il faut comprendre pourquoi une activité dépérit à un endroit et tirer les conséquences de l'évolution des rythmes de la population locale.

A Livron, la commune était confrontée à une saturation de la cantine. Après un état des lieux, le constat a été dressé que certaines familles n'avaient pas le temps matériel, pour quelques minutes, de venir chercher leurs enfants pour les faire manger à midi, et donc préférer les laisser déjeuner à la cantine. En ajoutant un accueil périscolaire en fin de matinée, ces familles ont pu prendre en charge leurs enfants et ainsi de désaturer la cantine, sans avoir à recourir à des travaux importants. Cela a contribué au bien-être des parents et des enfants, tant ceux qui rentrent manger dans leur famille ou que de ceux qui bénéficient d'un repas de cantine plus apaisé.

D'ailleurs, une enquête a été menée auprès des entreprises du Val-de-Drôme pour savoir ce qui justifiait les horaires de début et de fin de travail. Seule une minorité a pu fournir une réponse argumentée. Les horaires de bureau ne sont la plupart du temps que l'héritage d'une tradition.

L'association agit aussi comme bureau des temps rural. Elle a travaillé sur la mise en oeuvre de l'égalité entre les hommes et les femmes. Dans ce cadre, elle a pu bénéficier d'un cofinancement de l'Union européenne pour mener à bien une étude. Elle travaille actuellement avec la DIRECCTE afin de mieux caractériser la précarité en Drôme et de sécuriser le parcours des saisonniers. En matière de tourisme par exemple, la Drôme se caractérise par des saisons très courtes. Le territoire a décidé de mettre l'accent sur la qualité pour faire face à la concurrence d'autres stations plus importantes dans les territoires alentour. Elle mène une enquête auprès des saisonniers pour connaître leur parcours et leurs besoins d'activité professionnelle ou de formation le reste de l'année. Des groupes de travail thématiques ont été mis en place avec différents partenaires de l'emploi-formation (chambres consulaires, OPCA, MSA, Pôle Emploi,...) pour mener des travaux en vue de l'émergence de solutions concrètes et co-construites : connaissance des profils des saisonniers drômois, développement de la gestion des ressources humaines dans les entreprises, améliorations des conditions d'emploi, renforcement de la portabilité des droits entre le statut de salarié agricole (relevant du régime MSA) et celui du régime général (relevant de l'URSSAF), etc.

Enfin, elle enquête dans les communes avoisinant les stations pour connaître les besoins de main d'oeuvre des opérateurs de service.

AIDER a également mis en place l'action « Cohabitons en Drôme-Ardèche », qui est une action d'hébergement partagé chez l'habitant. Elle porte directement cette action qui concerne 80 binômes. Cette dernière répond à un double besoin : trouver un logement temporaire pour un contrat court ou un stage, mais aussi permettre à des personnes plus ou moins âgées de se sentir moins seules. En effet, il s'agit souvent de grandes maisons familiales d'où les enfants sont partis. La cohabitation est gratuite, il y a simplement une participation aux charges. L'association signe sur ce thème des conventions pour la mise en place de relais de l'action : AIDER propose aux collectivités une méthodologie d'accompagnement pour la mise en place du dispositif sur leur périmètre.

Un autre thème de travail important de l'association AIDER porte sur l'organisation de la petite enfance. En effet, sur les territoires d'intervention de l'association, on est en présence d'une population qui change et qui adopte de plus en plus des modes de vie urbains. La question est de savoir comment accompagner les services à la population. En effet, s'il n'y a pas d'offres de services suffisantes, les gens repartent. Un certain nombre de communes indiquent qu'elles n'ont pas de demande pour des horaires atypiques. Or, dans les faits, il y a une forme d'autocensure par les familles, qui n'exprime pas leurs besoins. L'association AIDER a ainsi pris contact avec les relais d'assistants maternels pour avoir une meilleure connaissance des besoins des familles en matière d'horaires atypiques. Il y a une vraie question sur la méthodologie de détection de la demande. AIDER a accompagné la révision des horaires d'un réseau de microcrèches (10 places) qui sont gérées par les collectivités territoriales. Une expérience est actuellement menée avec un établissement, qui propose désormais des horaires plus étendus.

En matière de télétravail, AIDER a récemment été contactée par une structure qui fait de la mise en oeuvre technique et souhaite intégrer à sa prestation l'aspect des ressources humaines.

En conclusion, pour l'association AIDER, ce qui manque ce sont des fonds de concours nationaux qui permettraient de financer des idées novatrices. Il n'est pas nécessaire que ces fonds soient importants, mais ils doivent servir à amorcer le projet à créer un effet de levier.

19. Audition de Jean-Paul Bailly, le mercredi 30 avril 2014

Audition de Jean-Paul Bailly, auteur d'un rapport sur les exceptions au repos dominical dans les commerces, remis en décembre 2013 au Premier ministre, intitulé : « Vers une société qui s'adapte en gardant ses valeurs ».

Dans le cadre de ses travaux suite à la demande du Premier ministre, Jean-Paul Bailly a choisi de faire preuve de pragmatisme et de proposer des solutions qui permettent une évolution par étapes, tenant compte de la diversité des intérêts des différents acteurs. Ainsi, la fin de la spécificité du dimanche aurait entraîné un rejet instantané par tous du rapport, qu'il s'agisse du gouvernement, des commerçants ou des syndicats.

70 auditions ouvertes et libres ont été organisées. Toutes les organisations syndicales et patronales ont été entendues et la quasi-unanimité des syndicats s'est impliquée.

Le premier constat est qu'il y a une très forte diversité des situations et donc des approches et enjeux. On peut citer les critères suivants : selon que l'on vive en ville, en petite agglomération ou à la campagne, selon le niveau de revenus, la mobilité, la situation familiale, le métier exercé, ses propres horaires, ses pratiques religieuses et sportives.

Mais de manière générale, trois points d'accord se dégagent:

- une banalisation du dimanche n'est pas souhaitée, même par les chefs d'entreprise. Il existe une spécificité propre aux grandes agglomérations et à Paris. Ainsi malgré le décret permettant l'ouverture des magasins d'ameublement le dimanche, pas un seul n'est ouvert en province, alors qu'ils sont un tiers à Paris. Il n'existe donc pas une demande absolue, uniforme et générale d'ouverture le dimanche. Il y a la volonté de garder une journée où les gens « font société ensemble », une journée de liberté. En effet, le samedi déjà est très contraint (courses à faire, activités des enfants, ...) ;

- la situation actuelle est incohérente : la loi Maillé est en réalité une loi de circonstances qui est largement à l'origine de la situation actuelle, car il s'agit d'une loi rétroactive. En effet, elle prend comme critère la fréquentation des magasins le dimanche. Or, ou bien ces derniers ont respecté la loi et n'ont pas ouvert le dimanche : ils ne peuvent pas faire valoir l'existence d'une fréquentation ; ou bien ils peuvent démontrer l'existence d'une fréquentation le dimanche, mais cette dernière est due à un non-respect du repos dominical. En outre, cette loi empêche toute évolution ;

- tout le monde est d'accord sur la nécessité de faire bouger les choses. Il y a en effet une réelle demande des consommateurs, une évolution du tourisme avec une perte de position au niveau international, une évolution des habitudes, notamment due au développement d'internet et du e-commerce.

Ainsi, pour favoriser les centres-villes, il faut les transformer en centres touristiques. Avec le e-commerce, la commande peut être satisfaite 24h/24 et 7 jours sur 7. Cette disponibilité permanente est également en train de s'étendre à la livraison aux États-Unis ou au Royaume-Uni. Dès lors, il faut aider les centres-villes à réfléchir à leurs avantages comparatifs pour tirer profit d'internet.

- ils doivent devenir des e-commerçants, notamment à l'occasion des soldes ou des promotions ;

- ils doivent mettre l'accent sur l'accueil et l'accessibilité, c'est-à-dire l'ouverture le dimanche, la relation humaine, le conseil-expertise ;

- enfin, il ne faut pas oublier que le travail le dimanche est une source de revenus pour les étudiants, beaucoup moins pénalisante que le travail le soir. En outre, cette expérience peut être valorisante pour l'entrée dans la vie active.

Ainsi, il faut proposer un nouvel équilibre, le meilleur possible entre les intérêts divergents des parties prenantes.

Le rapport a écarté la piste des dérogations sectorielles successives. Normalement, les dérogations de droit sont réservées aux activités indispensables pour que le dimanche fonctionne. Dès lors, la contrepartie financière n'est pas obligatoire. Ainsi, dans le secteur des transports en commun, les gens ne sont pas payés plus parce qu'ils travaillent le dimanche. Il n'y a pas de prime au travail le dimanche.

Or ces dérogations sont devenues incontrôlables en raison de la modification et de la porosité des activités. Le décret de 2006 permettant l'ouverture des magasins d'ameublement le dimanche a entraîné une réaction des magasins de bricolage qui font aussi de l'aménagement et vendent aussi de l'électroménager. Il serait donc nécessaire de mettre en place un dispositif incluant l'équipement de la maison. Or aujourd'hui, la moitié des activités de la Fnac et de Boulanger sont identiques. Par extension, il est également nécessaire d'ouvrir les magasins de produits culturels. Or, si on permet au secteur culturel d'ouvrir, les magasins de sport voudront également ouvrir. 70% des dépenses de sport concernent l'habillement et l'équipement de la personne. Dès lors, les magasins de vêtement et de chaussures voudront pouvoir ouvrir. Cette piste amène à une banalisation du dimanche.

Aussi, le rapport propose plutôt d'augmenter de 5 à 12 le nombre de dimanches pouvant faire l'objet d'une dérogation, sans devoir en référer au préfet. En effet, 5 seront consacrés aux dimanches précédant les fêtes de fin d'année, et les 7 autres permettront d'accompagner les évènements commerciaux de la ville. Cela contribuera à l'animation du centre-ville. Le rapport propose que 7 dimanches soient à la main du maire, et 5 autres à la main des commerçants.

Dans les autres cas, l'ouverture des commerces le dimanche doit être fondée sur le dialogue territorial et sociétal. Il est difficile de ne pas laisser l'initiative au maire, mais l'idée est que celui-ci puisse être interpellé et doive, dès lors, répondre. Un dossier et une étude d'impact devront alors être réalisés présentant l'opportunité d'une ouverture le dimanche, définissant un périmètre d'ouverture approuvé par le préfet. Pour l'Ile-de-France, la validation des zones commerciales se fera par le préfet de région.

Il faut ainsi organiser une concertation au niveau territorial, entre les élus, les acteurs économiques, l'administration, mais pas les syndicats. En effet, on est ici dans la définition du cadre économique, ce qui relève du rôle du politique et des acteurs économiques. Ce périmètre sera défini en fonction de critères tels les flux, la présence ou non d'espaces piétons ou d'espaces verts, le nombre de commerces, de nuits d'hôtel... tout ce qui permet de définir un espace commercial ou touristique.

La deuxième étape est l'engagement du dialogue social, dont le but est de trouver un accord prévoyant un doublement du salaire le dimanche et des garanties d'un réel volontariat. Il peut être établi entreprise par entreprise, ou au niveau de la zone dans son ensemble. A Marseille, un travail considérable a été réalisé à ce niveau, permettant la mise en place d'un programme d'animation touristique réussi du point de vue du dimanche. Si aucun accord n'est trouvé avec les syndicats, chaque entreprise peut réaliser un referendum auprès de ses salariés.

En attendant la mise en place de ces propositions, deux mesures d'urgence sont également proposées : premièrement, le décret « bricolage » n'a pas vocation à perdurer. Deuxièmement, les recours ne doivent plus être suspensifs en cas de décision du préfet. La situation actuelle est d'ailleurs une exception aux conséquences habituelles d'un recours en droit français.

C'est en tant que président de la RATP que Jean-Paul Bailly a été amené à travailler sur la question des temps, notamment du fait de la gestion des heures de pointe. Plusieurs paramètres influencent les heures de pointe : les horaires de travail et d'ouverture des magasins et services publics, le régime scolaire et les vacances. Des réunions de concertation entre les transporteurs, les acteurs économiques et le monde scolaire sont nécessaires pour étaler les heures de pointe. Cela permettrait des économies de fonctionnement, mais aussi de fatigue pour les usagers. Il faut ainsi beaucoup travailler les outils de dialogue territorial.

Enfin, pour que les nocturnes fonctionnent bien, toute la ville doit participer. Cela permet de retenir plus facilement le fait que tel jour les magasins, les administrations restent être ouverts le soir en question. Si cela varie selon les secteurs ou les quartiers, cela devient trop confus, les gens sont perdus, et au final ne profitent pas de la nocturne de peur de se tromper de jour et de trouver porte close. A titre d'exemple, Grenoble est une ville test pour l'ouverture des bureaux de poste le samedi après-midi. Il a été décidé que tous les bureaux de poste seraient ouverts, afin d'avoir une communication simple et ainsi de créer une dynamique.

20. Audition de Claude Boulle, président exécutif de l'Union du Grand commerce de centre-ville, le mardi 13 mai 2014

Claude Boulle est également Président exécutif de l'Alliance du commerce, qui regroupe l'union du grand commerce de centre-ville, les enseignes de l'habillement ainsi que les enseignes de la chaussure.

Le commerce de ville est aujourd'hui en difficulté dans les villes de moins de 100 000 habitants, d'une part en raison de la paupérisation des centres-villes, d'autre part en raison de certains excès dans la construction de centres commerciaux en périphérie.

Le tourisme doit aujourd'hui être le relais des commerces urbains. On assiste à une évolution des pratiques de consommation qui induisent des attentes différentes :

• le taux d'activité des femmes a augmenté, tout comme la proportion de couples biactifs. En outre, on constate une évolution de la durée du travail. Ainsi, une partie de la population active ne travaille plus en heures, mais en jours, notamment les cadres, ce qui conduit à un allongement des journées de travail le soir. Il y a donc une compression du temps disponible pour aller faire ses courses et un déport sur d'autres temps, notamment grâce à la possibilité de faire ses courses dans les gares ;

• le niveau de vie augmente. Dans les années 1970, la part de l'alimentaire représentait 28% du budget des ménages. Il n'en représente plus que 12% aujourd'hui. D'autres besoins sont apparus, comme l'équipement à la personne, qui représente 10% du budget des ménages, ou encore l'équipement de la maison et la décoration qui représentent 6 à 7 % du budget. Ces dépenses sont d'ailleurs en augmentation. On assiste ainsi à une rationalisation des « courses corvées » et à un développement des « courses plaisir » ou à valeur impliquante ;

• les activités à caractère mixte se développent. Autrefois, on allait faire des courses pour aller faire des courses. Aujourd'hui, les courses, le shopping sont un temps de convivialité, parfois accolé à un autre moment de détente : « je vais au cinéma puis je vais faire mes courses » ;

• il y a ainsi un impact sur le service attendu du commerçant. Il y a encore quelque temps, Le Bon Marché fermait tous les soirs à 18h30. La pause méridienne de 12h30 à 14h, voire 16h, est encore très courante. A contrario , le juge, et récemment la Cour de Cassation, sont très stricts sur l'ouverture des commerces après 21h. De nombreux conflits récents en témoignent. Désormais, les magasins doivent fermer à 20h45 et refuser des clients.

Ces questions sont renforcées par deux facteurs :

• l'essor de la mobilité : beaucoup de « pendulaires » ont des rythmes différents selon les jours de la semaine ;

• le développement des loisirs entraîne un fractionnement des temps de loisirs, des breaks. Cela a été encouragé par la démocratisation des transports - de la voiture, du TGV, du low-cost - et par la révolution du temps libre. Ainsi, dans les librairies, on trouve des rayons entiers consacrés au tourisme urbain et culturel avec des guides centrés sur les villes.

Par conséquent, les gares peuvent développer des commerces peu impliquants, permettant des achats rapides avant de prendre son train : alimentaire, vêtements standardisés de grandes chaînes,... Le phénomène du shopping déporté s'est accru également : les courses se font désormais le dimanche soir au retour du week-end à Paris. Les temps du commerce sont devenus différents. Par exemple, Claude Boulle a pu faire le constat que certains marchés dans le midi de la France ferment désormais plus tard, en début d'après-midi, ou, en été, sont décalés en soirée. En effet, en vacances, les personnes ne respectent plus leurs horaires habituels : on se lève plus tard, puis on va faire un tour au marché. Or, les commerces physiques n'ont pas toujours le réflexe de se coordonner aux horaires du marché.

En matière de tourisme, la France doit tirer profit du fait qu'elle est la première destination touristique du monde, avec 83 millions de visiteurs. Certaines régions se sont adaptées et ont développé un tourisme évènementiel et culturel. Or, parmi les touristes, certaines populations n'ont pas les mêmes rythmes sociaux ni les mêmes croyances. Les touristes des pays émergents ont un besoin de rattrapage. Il y a souvent une confusion dans les motivations. Lorsqu'ils visitent notre pays, ils sont surpris que les commerces soient fermés le dimanche, et le soir dès 21 heures. L'union du grand commerce de centre-ville a réalisé une enquête sur les pays émetteurs de touristes. Dans ces pays, les magasins sont ouverts le dimanche. La relation au temps change, toutefois, il n'y a pas partout les mêmes besoins d'adaptation. Il faut donc se garder de définir des prescriptions identiques. En outre, dans les capitales rivales, il y a plus de dimanches par an où les commerces sont ouverts (en France, c'est 5 dimanches par an, à Berlin c'est 10 dimanches par an, 52 par an à Madrid et à Londres).

S'agissant de la création d'emplois, l'une de ces trois hypothèses doit être remplie a minima :

• avoir plus de clients au même moment ;

• ouvrir de nouveaux magasins ;

• élargir les horaires d'ouverture.

Dans le contexte actuel de stagnation, seul l'élargissement des horaires et en particulier le dimanche, à la demande touristique, peut créer des emplois.

Une des caractéristiques d'internet, c'est que le e-commerce fonctionne en permanence. On est loin de la Ladenschlussgesetz en Allemagne qui obligeait les magasins à fermer le soir à 18h, le samedi à 14 heures, sauf un samedi par mois où les magasins pouvaient ouvrir jusqu'à 16 heures ! On constate une très haute fréquentation des sites internet de commerce les samedis soirs et dimanches. D'ailleurs, les achats sur internet représentent 10% des achats de consommation (la part du commerce électronique aux États-Unis est de 25%). 7 à 10% de la vente de détail se fait sur internet. En 2015, cela représentera 12%. Dans le secteur de la culture, des loisirs ou du tourisme, 20% des achats se font sur internet, ce qui explique les difficultés de la Fnac et de Virgin. 15% des produits techniques sont désormais achetés sur internet et 10% des chaussures et de l'habillement. En outre, 60% des achats sont préparés par un repérage sur internet, notamment pour connaître les avis sur le produit ou sa disponibilité.

En ce qui concerne la livraison d'un produit internet, plusieurs solutions sont possibles au service du client :

• le « click and collect » : acheter sur internet et récupérer le produit une heure plus tard en magasin ;

• la livraison par la poste ;

• le recours à des points relais de proximité (fleuristes, des cafés, ....) ;

• la livraison au bureau.

Les commerçants physiques doivent donc développer un service approprié. Par exemple, dans une librairie, il faut concevoir un espace agencé pour s'asseoir, discuter avec le libraire. En outre, le commerçant doit devenir multicanal. Ainsi, la Fnac réalise 15% de son chiffre internet grâce à des achats en ligne sur son site internet. Les Galeries Lafayette développent également le multicanal. Le commerçant doit savoir se valoriser sur internet et aller chercher le client chez lui. En outre, le commerçant doit apporter un service supplémentaire. Depuis la mise en place du « click and collect » aux Galeries Lafayette, les magasins de la gare Montparnasse à Paris et de la Part-Dieu à Lyon ont connu une explosion de leur fréquentation. En effet, ils sont situés à proximité de lieux de mobilité et de grand trafic.

Les commerçants doivent en outre améliorer leur attitude vis-à-vis des clients : en effet, ce dernier n'est plus obligé de venir dans le magasin. Le personnel doit être serviable, accueillant, ouvert, apportant des conseils et solutions. Certaines enseignes ont d'ailleurs mis en place des « personal shoppers », des conseillers en achat connaissant les goûts de la personne. L'idée est de faire gagner du temps au client en sélectionnant ( picking ) des articles susceptibles de l'intéresser. C'est un professionnel du service qui va tout gérer jusqu'à la retouche, voire la livraison. Le commerçant doit former son personnel, notamment en langues étrangères.

L'Alliance du commerce recommande plusieurs référentiels avec l'anglais obligatoire.

La loi de modernisation de l'économie du 4 août 2009 a libéralisé les règles de vente dans le commerce de détail et a doublé la période des soldes, en instaurant des soldes flottants. Des promotions d'intersaison sont également possibles. Sur internet le principal argument, qui est d'ailleurs l'argument historique, c'est le prix. Beaucoup de commerçants souhaiteraient que les soldes sur internet commencent au même moment que ceux des magasins physiques. Or, en pratique, cette mesure est impossible à mettre en place.

Les villes possédant encore un centre-ville fort doivent le conforter à travers l'attractivité des commerces. Ces derniers doivent optimiser leurs avantages. Ainsi, les commerces adjacents au marché doivent être ouverts aux heures de celui-ci. Par ailleurs, un ou deux jours par semaine, les flux sont plus importants dans la ville. Ces jours-là, des fermetures plus tardives des magasins pourraient être organisées, par exemple le jeudi et vendredi. De même, le samedi, les gens ne veulent plus se lever tôt. Il faut le prendre en compte et avoir une ouverture méridienne plus importante. Chaque ville doit analyser son propre rythme, qui varie selon le climat, les saisons, mais également ses habitudes. Une expérience a été menée par les Galeries Lafayette dans plusieurs villes du Sud-Est et du Sud-Ouest de la France classées en zone touristique. Les magasins peuvent donc ouvrir le dimanche. Or, l'intérêt à ouvrir le dimanche dépend de l'appétence locale. Ainsi, à Bordeaux, les Galeries Lafayette sont seulement ouvertes 15 dimanches par an. À Nice, qui est une ville frontalière, avec, en outre, beaucoup de touristes étrangers, les galeries Lafayette avaient dans un premier temps ouvert 28 dimanches par an, puis devant l'affluence, 34 dimanches par an l'année suivante. Désormais, elles sont ouvertes 52 dimanches par an. D'ailleurs, si 40% de la clientèle de ce magasin à Nice est composée d'étrangers, cette proportion passe à 70% le dimanche. Ce magasin a par conséquent engagé un personnel spécifiquement pour le dimanche, qui est composé aux ¾ d'étudiants. Ces derniers ont été formés par l'entreprise et bénéficient d'un CDI temps partiel. À Bordeaux, ce qui marche le dimanche, ce ne sont pas les magasins, mais les restaurants. Les gens ont sans doute moins envie de faire leurs courses le dimanche.

L'ouverture des magasins le dimanche participe à rendre nos villes plus aimables. Mais une mise en cohérence est nécessaire. Pour que l'animation du centre-ville fonctionne, que les clients se déplacent, il faut aussi que d'autres services soient proposés, que les restaurants soient ouverts. A contrario , l'une des raisons de la désaffection des centres commerciaux est que la qualité de la nourriture des restaurants est mauvaise, il y a beaucoup de bruit, les services ne sont pas bons.

L'union du grand commerce de centre-ville réalise actuellement une étude pour déterminer une liste de critères objectifs qui permettra de définir une zone touristique et culturelle. Cette étude sera présentée aux Assises Nationales du Centre-Ville à Dijon le 4 juillet 2014.

Enfin, pour que le travail dominical soit admis par le personnel, deux conditions sont nécessaires :

• une contrepartie financière ;

• le travail dominical doit être basé sur le volontariat. On constate d'ailleurs que le personnel permanent ne souhaite pas nécessairement travailler le dimanche au-delà d'un certain nombre de dimanches par an. C'est pourquoi, certaines enseignes font appel à un personnel dédié au dimanche, notamment aux étudiants.

En conclusion, les propositions du rapport de Jean-Paul Bailly sont positives et répondent dans 75% des cas aux besoins exprimés en matière d'ouverture des magasins le dimanche (donner un droit d'ouverture aux commerçants, de 10 à 12 dimanches par an, redéfinir les zones touristiques et les PUCE).

LISTE DES PRINCIPALES PROPOSITIONS

1) La mise en place de politiques temporelles ne peut se faire que par la présence d'une autorité politique, qu'il s'agisse d'un exécutif d'une collectivité territoriale, d'établissement public, du préfet ou d'un chef d'entreprise disposant d'une légitimité, d'une durée et d'une capacité à entraîner.

2) Encourager une fonction d'expertise afin d'obtenir une meilleure connaissance des besoins et des attentes de la population et des usagers.

3) Afin de permettre aux politiques temporelles d'être pleinement efficaces, rattacher le personnel administratif en charge de cette dernière à un service permettant la transversalité.

4) Inclure la notion de politiques temporelles dans l'ensemble des délégations de services publics, contrats, et cahiers des charges des collectivités territoriales ; arrêter un programme.

5) Prévoir une évaluation des actions menées dans la mesure où les politiques temporelles sont fondées sur l'innovation et l'expérimentation.

6) Encourager le recours à la concertation avec l'ensemble des acteurs concernés lorsque les décisions prises peuvent avoir un impact sur les horaires.

7) Tirer profit de l'expérience acquise par les collectivités territoriales ayant mis en place des politiques temporelles en encourageant la mise à disposition par convention des personnes qualifiées et ayant de l'expérience dans ce domaine. Faire des politiques temporelles un objet de coopération.

8) Intégrer les préoccupations de temps à l'égal des préoccupations d'aménagement de l'espace au sein du comité national de l'égalité des territoires.

9) Travailler avec les grandes associations d'élus et le gouvernement à une grande campagne d'information et de sensibilisation sur les questions temporelles, ainsi que sur les actions pouvant être menées.

10) Augmenter le nombre de dérogation à l'interdiction du travail dominical, actuellement plafonnée à 5 dimanches par an, tout en réaffirmant la spécificité de ce jour ( cf . Rapport Bailly)

11) Prendre les décrets d'application relatifs au télétravail.

EXAMEN EN DÉLÉGATION LE MARDI 20 MAI 2014

M. Edmond Hervé, rapporteur. - Je souhaite tout d'abord remercier Madame la Présidente d'avoir accepté que notre délégation s'intéresse à ce sujet.

Il se peut que certains aient été surpris par cette notion de temporalité et de politiques temporelles. Or, il s'agit d'un sujet important car, aujourd'hui, les temps se sont multipliés. Hier il y avait le temps du travail et le temps hors travail. On comptait trois âges de la vie : l'enfance, qui se définissait par le temps des études et de l'acquisition des connaissances ; l'âge adulte, caractérisé par le travail, et enfin la retraite, généralement un temps très court qui était celui du repos.

L'évolution de la société a conduit à une multiplication des temps. Si on regarde par exemple le temps de formation, il est très hétérogène suivant les personnes et occupe désormais tous le cours de la vie, ou du moins de l'activité professionnelle. De même, le temps hors travail est multiple : il peut s'agir du temps familial, du temps domestique, du temps de culture et de loisirs, ou encore du temps de transport. En outre, les temps se concurrencent : le temps de formation, par exemple, peut concurrencer le temps de travail, et le temps de transport celui du temps pour soi.

Le temps est également très hétérogène selon les personnes ; il n'y a qu'à analyser la forte variabilité des temps de transports suivant les territoires et les personnes.

Ainsi, je considère que le temps est un formidable révélateur d'inégalités.

En 2001, alors député, j'avais rédigé un rapport sur les temps de la ville, à la demande de Nicole Péry, secrétaire d'État aux Droits des femmes et à la Formation professionnelle, et de Claude Bartolone, ministre délégué à la Ville. Ce thème m'intéresse donc depuis plusieurs années et je voulais, treize ou quatorze ans plus tard, voir comment les politiques temporelles avaient évolué et s'étaient développées.

Ce sont les Italiens, plus exactement les députées italiennes, qui se sont les premières intéressées à la question, car le temps était révélateur d'inégalités entre les hommes et les femmes. Cette inégalité a été plus flagrante encore à partir du moment où les femmes ont commencé à travailler à l'extérieur de chez elles. En effet, la grande erreur que nous avons commise a été de les considérer comme des travailleurs et non comme des travailleuses. Dès lors, nous n'avons pas fait attention à la coexistence difficile entre leur temps à l'extérieur et le temps de travail domestique.

L'une des grandes inégalités aujourd'hui est entre ceux qui décident pour le temps des autres, par exemple en déterminant les horaires des réunions, ou d'ouverture des services publics, et ceux qui le subissent. À partir du moment où le temps est une construction humaine, essayons de faire en sorte qu'il soit au service de l'égalité. On a beaucoup parlé de l'aménagement de l'espace mais, quelquefois, aménagement de l'espace et des temps sont liés. Pensons à la création du département en 1789 : il y a eu une liaison entre aménagement de l'espace et unité du temps, à savoir la définition d'un territoire permettant d'aller au chef-lieu en un jour.

La première partie de ce rapport évoque les changements qui se sont produits dans la société ainsi que les enjeux de la maîtrise des temps : ceux-ci sont tout à la fois économiques, politiques, financiers, culturels. En outre, cette question de la maîtrise des temps a pour moi une filiation indéniable avec le grand combat pour la diminution du temps de travail. Il y a une grande cohérence entre recherche de la diminution du temps de travail et aménagement des temps. La diminution du temps de travail n'apporte une amélioration à la qualité de la vie que si les personnes sont maîtresses de leur temps hors travail.

Par ailleurs, les politiques temporelles impliquent un nouveau regard. Quand on est responsable d'un service public, il ne suffit pas de se contenter d'une politique de l'offre. Il faut aussi s'interroger sur la demande. Prenons l'exemple des services de l'état-civil : correspondent-ils aux attentes de la population ? Ces attentes peuvent d'ailleurs varier en fonction des jours de la semaine mais aussi du lieu où se situe le service en question.

En matière de politiques temporelles, la négociation joue un rôle extrêmement important. Cependant, il ne faut pas s'intéresser au seul dialogue social, mais également intégrer le dialogue sociétal. Le dialogue social a lieu entre l'employeur et l'employé mais, dans le cas des services municipaux, il s'agit d'un dialogue sociétal car il faut prendre en compte les besoins et attentes des usagers. Évidemment, cela n'est pas toujours aisé.

Lors de nos auditions d'élus locaux et d'agents acteurs en matière de politiques temporelles, nous avons vu, par exemple, que la modification des horaires d'une bibliothèque ou d'un service culturel entraîne une évolution du type d'usagers qui fréquentent ce service. Ainsi, en fonction de l'extension des horaires, des jours d'ouverture, de l'existence de nocturnes, vous aurez permis une démocratisation ou, au contraire, satisfait les usagers habituels. À travers cette politique des temps, on peut retrouver l'intérêt de Jean Vilar pour le non public, le public qui ne vient pas habituellement.

Le rapport évoque ensuite les différents thèmes des politiques temporelles. Le premier est l'égalité homme-femmes. Il me semble qu'un certain nombre d'employeurs ne font pas suffisamment attention à la demande des parents, ne font pas preuve d'assez de flexibilité sur les horaires. Pourtant, un peu de flexibilité permettrait d'améliorer la qualité de vie des uns et des autres, en desserrant l'étau des temps. J'ai connu des situations, dans les abattoirs de Bretagne, où les femmes commençaient à 5 heures du matin avec leur enfant endormi sur la banquette arrière de la voiture. Ces femmes prenaient un quart d'heure pour emmener l'enfant à l'école vers 8 heures. C'est une situation qui n'est pas acceptable.

Le rapport analyse également la question du temps et de la santé, notamment lorsque l'on s'intéresse à l'aménagement du territoire. Il existe un label nommé « ville amie », qui est très précis et a notamment comme critère le temps maximum que les personnes doivent mettre pour accéder à tel ou tel service. Le thème du télétravail est également évoqué.

Par ailleurs, pour rendre hommage à l'ensemble des élus et agents qui s'investissent dans les politiques temporelles, qui innovent, j'ai souhaité que les comptes rendus de l'intégralité des auditions figurent dans le corps même du rapport. De même, les annexes présentent de nombreux documents relatifs aux actions menées par ces collectivités, ainsi qu'un résumé du rapport de M. Bailly relatif aux exceptions au repos dominical dans les commerces. M. Bailly et moi-même avions déjà travaillé en 2001 sur des sujets voisins, puisque, pour le conseil économique et social, il avait travaillé sur cette problématique des temps.

Ainsi, les politiques temporelles sont constituées de l'ensemble des décisions que peuvent prendre les élus par rapport aux horaires, aux politiques de jour, de nuit et du dimanche.

Enfin, un dernier sujet ne doit pas être oublié : le temps périscolaire, au sujet duquel les collectivités discutent, négocient et travaillent depuis déjà de nombreuses années.

Pour finir, je vais vous exposer de manière résumée les principales propositions du rapport. En nous intéressant à la maîtrise et à la gestion du temps, nous abordons un sujet politique d'une extrême importance. Si, dans une collectivité, un établissement public, une entreprise, ce n'est pas le premier responsable qui s'en saisit et s'y intéresse, alors les actions menées se solderont forcément par un échec. En effet, une démarche politique est nécessaire car nous sommes là au coeur de la transversalité. Il faut une implication très forte de la part du maire, du président de l'établissement public ou de l'assemblée délibérante, du chef d'entreprise ou de tel ou tel responsable administratif.

Deuxièmement, il est nécessaire de connaître exactement ce qui se passe, c'est-à-dire de comprendre comment fonctionne tel service, comment a lieu telle activité. Une expertise, une analyse de la situation par l'intermédiaire d'agents ou d'un bureau spécialisé est nécessaire. Je vais vous donner un exemple : lorsque j'étais député, j'étais frappé de rencontrer à la sortie des séances de nuit, vers 3 heures du matin, les femmes de ménages qui nettoyaient les locaux de l'Assemblée nationale. Sur ce même sujet, le livre Le quai de Ouistreham, de Florence Aubenas, est l'une des meilleures observations de la condition de travail des femmes de ménage. J'étais à l'époque également maire de Rennes et je me suis intéressé aux conditions de travail des femmes de ménage dans ma ville. Elles commençaient à travailler vers 7 heures du matin jusqu'à 9 heures, puis reprenaient leur travail de 16 heures à 19 heures ou 20 heures Parfois, elles étaient aussi chargées de la surveillance des enfants dans les cantines scolaires. C'est un système terrible, avec un temps de travail très fractionné. En outre, que faire pendant les intervalles ? Nous avons mis en place une démarche, dont la phase d'études et expertises a duré six mois. Dans un premier temps, nous avons interviewé l'ensemble de ces femmes - en réalité 49 femmes et 1 homme - sur leurs conditions de travail, les outils qu'elles utilisaient, la nature des sols nettoyés, mais également les difficultés techniques rencontrées, etc. Dans un deuxième temps, nous sommes allés voir les chefs de service pour connaître les moments d'occupation des bureaux. Cela a été mal pris par certains, qui y voyaient une volonté du maire de contrôler leur présence. À la suite de cette phase d'analyse, nous avons mis en place le travail continu, entraînant, parmi d'autres conséquences pour ces femmes, un changement de régime de sécurité sociale leur permettant de bénéficier d'une meilleure couverture sociale. En outre, ont été constatées une augmentation de la productivité et une chute de l'absentéisme. Ainsi, il faut à la fois une implication politique forte et une expertise approfondie, sans toutefois que les experts prennent les décisions en lieu et place des responsables.

Troisième point, pour que ces politiques soient pleinement efficaces, l'ensemble des services doivent être intéressés et chacun doit avoir le réflexe du temps. En effet, tous les services sont concernés. Il faut ainsi réfléchir au meilleur temps pour permettre d'atteindre l'optimum du service, aux conséquences temporelles de l'installation de tel ou tel bâtiment, à tel endroit, dans tel quartier. Par ailleurs, il est important de faire des évaluations afin d'étudier les conséquences de l'application de ces politiques, les changements induits, les améliorations à apporter...

La proposition suivante insiste sur l'importance de la concertation. Il faut certes qu'il y ait une décision finale, mais il faut que le maximum de gens concernés soit impliqués. Dans son rapport, M. Bailly propose d'ailleurs une démarche très intéressante. Outre l'augmentation de 5 à 12 du nombre de dimanches pouvant faire l'objet d'une autorisation d'ouverture des magasins, il suggère la délimitation de circonscriptions dans lesquelles le travail le dimanche présente une particularité et serait autorisé. Pour cela, il propose une double concertation : la première est territoriale et permet de délimiter le périmètre dans lequel il sera possible d'ouvrir les commerces. Élus locaux, acteurs de la vie économiques, chambres consulaires participent à la concertation. Dans un deuxième temps a lieu la concertation sociale avec les syndicats, et ne porte pas sur le périmètre d'ouverture mais sur la rémunération des personnels. Si on mélange les deux concertations, les risques d'échec sont maximaux. Lorsque j'étais maire de Rennes, j'avais tenu à rencontrer tous les présidents d'établissements consulaires et d'universités ainsi que le conseil économique et social de la ville afin de développer une culture commune de la concertation.

La proposition suivante vise à profiter de l'expérience que certaines collectivités ont acquise en matière de politiques temporelles. À cet égard, je souhaite mentionner l'existence de l'association Tempo Territorial, réseau comprenant la plupart des collectivités ayant mis en place des politiques temporelles, et qui fait un travail remarquable. Il peut être intéressant que des collectivités territoriales non encore impliquées puissent bénéficier des acquis d'expérience, par exemple par la mise à disposition de personnels qui connaissent déjà bien ces questions. Le format reste à définir : stages, conventions, etc.

La proposition suivante vise à demander au comité national de l'égalité des territoires de prendre le temps comme référence. En outre, il est proposé de mener sur ce thème une grande campagne d'information et de sensibilisation des collectivités territoriales.

Le dernier point concerne le télétravail. Les décrets d'application de la loi n'ont toujours pas été pris. Le télétravail a d'ailleurs beaucoup évolué depuis sa naissance dans les années 90. La DATAR le présentait alors comme le moyen de rééquilibrer le rural et l'urbain et de lutter contre la diminution de la population rurale. Cela n'a pas fonctionné. Mais aujourd'hui, le télétravail est en plein développement en raison des innovations récentes dans le domaine numérique.

Je terminerai mon propos par les conséquences de l'innovation numérique sur le commerce. Nous devons faire très attention à la sélection des activités commerciales dans les centres villes, dont la configuration va très fortement évoluer au cours des prochaines années, de même que les environnements commerciaux et culturels des grandes gares, amenés à se développer fortement.

Mme Jacqueline Gourault, présidente. - Je vous remercie, mon cher collègue, pour cette présentation de votre travail, très claire et intéressante. Il est vrai que nous avons tous été confrontés, en tant que responsables de collectivités territoriales, à cette gestion du temps, et nous aurions tous des anecdotes à raconter. Je me souviens avoir dû tâtonner pour ajuster les heures d'ouverture de la mairie. En effet, il fallait concilier les attentes de la population avec celles des personnels des services municipaux.

Je crois qu'il ne faut pas avoir peur, comme vous l'avez dit, de faire un bilan et de s'adapter. La gestion du temps nécessite, par nature, l'adaptation. Cela a été également le cas avec les transports en commun. Mettre en place des transports en commun viables n'a pas toujours été aisé à réaliser. Je prendrai un troisième exemple, plus radical : une petite bibliothèque, dans ma commune, était tenue par des bénévoles avec une faible amplitude horaire. Pour mieux répondre à la demande, après concertation avec les usagers et les bénévoles, nous avons décidé de fermer cette bibliothèque et avons fait le choix de favoriser les déplacements vers la bibliothèque intercommunale de Blois, dont la fréquentation a été multipliée par dix en un an.

M. Jean-Pierre Vial. - Je souhaite revenir sur votre dernier point, à savoir le télétravail. Vous avez dit que, malgré l'absence des décrets attendus, cela était une réussite. Pouvez-vous nous expliquer les raisons, l'évolution des difficultés et des succès du télétravail ? Pour ma part, je pense que les conflits naissent lorsque le télétravail est imposé.

M. Edmond Hervé, rapporteur. - Le télétravail est aujourd'hui en augmentation. Il peut en effet être parfois source de conflit, surtout quand les entreprises en profitent pour transférer aux salariés des charges en matériel qui leur incombent. Je reviendrai sur mon propos au sujet des gares, où l'on devrait voir se développer les espaces pour personnes mobiles, qui se connecteraient là pour quelques heures. Le télétravail nécessite le dialogue et doit être organisé dans des lieux qui le permette : il est impossible pour un couple de trois enfants dans un deux pièces. Il n'est pas question non plus que ce travail soit quotidien et durable. Dans la pratique, le télétravail nécessite une rencontre périodique des intéressés dans leur entreprise.

M. Michel Delebarre. - Cette approche est intéressante et originale.

M. Edmond Hervé, rapporteur. - Nous avons rencontré des intervenants du Nord-Pas-de-Calais.

M. Michel Delebarre. - Vous ne nous avez pas parlé des réactions des organisations syndicales.

M. Edmond Hervé, rapporteur. - Deux organisations ont été silencieuses, le MEDEF et la CGT. C'était déjà le cas lors de ma précédente interrogation en 2001. Nous avons été sollicités par une association qui recense les difficultés des femmes avec enfants, qui regroupe 500 entreprises faisant des efforts pour aménager le temps de travail afin de permettre aux parents de bénéficier d'horaires permettant de faire face aux contraintes familiales.

En ce qui concerne les organisations syndicales, la gestion des temps peut être mal comprise et donc conduire à des grèves dures. J'ai vécu cette situation en tant que maire de Rennes, dans le cas d'un établissement culturel intégré. L'ouverture jusqu'à 21 heures le mardi soir m'a valu une hostilité frontale. Il faut avoir une approche très pragmatique et différenciée en termes de flexibilité, pour que cela soit gagnant-gagnant. Il faut expliquer les raisons et les impacts des changements temporels.

M. Raymond Couderc. - En effet, certaines fois les organisations syndicales ne sont pas opposées aux changements d'organisation du temps de travail. Je prendrai l'exemple d'un théâtre, où les gens devaient être là le matin à ne rien faire, et finalement partaient lorsqu'on en avait le plus besoin. En fait, en expliquant aux organisations syndicales ce que cela pouvait apporter à tous, on a pu discuter de l'organisation du temps de travail en fonction des besoins de tous. De même pour la médiathèque ; certains étaient réticents, voire franchement hostiles, à son ouverture le dimanche. La négociation avec le personnel et les organisations a permis une démarche donnant-donnant, avec des compensations. La gestion des temps doit passer par le dialogue.

M. Edmond Hervé, rapporteur. - À Poitiers, les organisations ont suscité une grève pour ne pas organiser de nocturne. Il est important de bien discuter pour ne pas faire échouer une réforme des temps.

Mme Jacqueline Gourault, présidente. - Avez-vous rencontré des difficultés et des différenciations en fonction des diversités des strates de communes ?

M. Edmond Hervé, rapporteur. - Non. Nous avons rencontré une association, Aider, qui travaille sur la gestion du temps rural. Dans une petite commune, où il n'y avait plus de marché, l'association a proposé de le relancer, mais elle s'est heurtée aux questions fondamentales. Où ? Quand ? Comment ? Les réponses ont été sur la place du village le vendredi à partir de 16 h 30. Mais cela supposait également la réouverture du café, qui ouvrait en fonction des disponibilités de la patronne. Cela a pu fonctionner une fois que cette personne a été complètement impliquée dans l'opération.

Mme Marie-Thérèse Bruguière. - En effet, la négociation est très importante. L`impact d'une modification de l'organisation du travail sera différente pour un jeune ou pour une mère de famille séparée, qui préférera travailler un dimanche sur deux pour profiter du surplus de salaire pour divertir son enfant le dimanche suivant. Il faut laisser la liberté de choix aux personnes.

L'histoire du bistrot n'est pas anodine. De même, le fait qu'il n'y ait plus de messe le dimanche matin modifie l'organisation et l'animation du village. La vie dans un village de 350 habitants près de Montpellier n'est pas celle d'une banlieue de cette même ville. Il faut s'adapter à la population, considérer les charges des familles. Il faut pouvoir aménager les horaires en fonction des individus, sans favoritisme, mais faire au mieux pour tout le monde. C'est différent dans les grandes communes, où la disparité des personnes est importante. Mais il faut pouvoir aménager les plages de travail.

Mme Jacqueline Gourault, présidente. - Pour éviter, par exemple, des situations comme celles que subissent les caissières de supermarché.

M. Edmond Hervé, rapporteur. - Pendant longtemps, la religion a été le grand commandeur du temps. Ainsi, beaucoup de personnes visitaient la basilique de Saint-Denis le dimanche. Cependant, aucun commerce n'étant ouvert, les visiteurs repartaient très vite à Paris.

S'agissant du sport, le délai séparant la fin d'un match du départ des supporters est de trois heures pour un match de rugby, contre une demi-heure pour un match de football. Une observation précise des pratiques sociales est nécessaire.

En matière de transports en commun, la réduction des pics de fréquentation ne nécessite pas seulement d'investir dans les infrastructures, mais aussi de négocier les horaires de travail. Dans la ville de Rennes, dont j'ai été le maire, j'avais obtenu du président de l'université et du personnel enseignant, l'ajustement d'un quart d'heure des horaires de cours.

M. Yannick Botrel. - La politique du temps comporte nécessairement une part d'aléatoire. Nous avons pu en faire l'expérience lors de la mise en place de la réduction du temps de travail dans les services administratifs de nos collectivités territoriales. Entre la conception et l'application de tout projet d'aménagement du temps de travail, les agents peuvent voir leurs situations et leurs préoccupations évoluer.

À titre d'exemple, beaucoup de services d'archives départementales - qui étaient très fréquentés avant la numérisation de leurs fonds - avaient décidé, au terme d'une négociation, d'ouvrir le samedi matin. Au fil du temps, les personnels ont pris d'autres habitudes et ont exprimé d'autres attentes. Ce qui avait été conçu à un certain moment était devenu par la suite inapplicable. La mise en ligne des fonds a cependant permis la reconfiguration du service des archives publiques.

Mme Jacqueline Gourault, présidente. - Je suppose que vous avez eu affaire, comme moi, aux entreprises payant le supplément transport. Cette ressource, parfois critiquée par les professionnels, est mise à la disposition des autorités organisatrices de transport, dont la tâche s'est considérablement complexifiée.

Autrefois, l'organisation du travail était très rigide, et les entreprises avaient les mêmes horaires. Ce n'est plus le cas aujourd'hui et il est nécessaire de recourir à la concertation et de faire preuve de volontarisme, afin de répondre au mieux aux besoins des entreprises.

M. Edmond Hervé, rapporteur. - Je vous rejoins sur la flexibilité accrue des horaires de travail : il y a quelques années, un militant distribuait des milliers de tracts en une demi-heure à la sortie des usines ; aujourd'hui cela n'est plus possible !

Dans le même ordre d'idées, une réunion publique réussie ne se terminait pas avant onze heures du soir.

La chirurgie ambulatoire est en passe de modifier considérablement la gestion du temps de travail au sein du milieu hospitalier.

Le monde rural est également touché par ces évolutions.

M. Antoine Lefèvre. - Je souhaite saluer l'intérêt du rapport et des propositions d'Edmond Hervé.

Pour en revenir à la question du recours aux nouvelles technologies dans les centres villes, il est difficile de prendre en compte l'impact des nouvelles technologies sur nos modes d'action et de pensée. Ce constat est d'autant plus vrai s'agissant des centres villes, dont les aménagements sont durables et peuvent donc difficilement évoluer.

Beaucoup de maires sont confrontés à la dévitalisation des centres villes. Dans ma ville, les associations de commerçants et moi-même avons constaté le départ de photographes et de libraires. Les métiers ont évolué et le commerce électronique a progressé, y compris dans des secteurs a priori peu adaptés à ce dernier, comme l'habillement. Nos concitoyens souhaitent toujours disposer de boutiques en centre-ville, mais n'y effectuent pas nécessairement leurs achats.

Les métiers des agents administratifs de nos collectivités territoriales ont également évolué, à l'instar de la délivrance des passeports biométriques. Ces changements ne doivent pas tous être jugés négativement, car ils ont également permis une revalorisation des métiers et des fonctions.

Comment les élus peuvent-ils anticiper ces évolutions et élaborer des stratégies d'adaptation ? Je rejoins cependant votre position quant au probable essor des quartiers qui jouxtent les gares multimodales.

M. Edmond Hervé, rapporteur. - Il faut en effet veiller à conserver un équilibre entre les centres anciens et les quartiers situés aux abords des gares, qui devraient se développer dans le futur.

S'agissant des centres villes, c'est un exemple révélateur de l'incidence des nouvelles technologies sur l'aménagement du territoire. L'audition de M. Claude Boulle, Président de l'Union du grand commerce de centre-ville, m'a donné matière à réflexion sur ce point. Il nous faut tirer toutes les conséquences de la circulation plus intense des personnes : les recettes actuelles, telles que les zones piétonnières, la réhabilitation de façades, le développement de logements ou l'organisation d'animations sont insuffisants. En tout état de cause, je demeure convaincu du grand avenir des activités de restauration traditionnelle en centre-ville.

Quant aux commerces ouverts le dimanche, leur nombre varie sensiblement selon les villes. Les demandes d'ouverture sont plus nombreuses à Bordeaux qu'à Nice. Ces questions ne peuvent donc pas être résolues de manière uniforme.

Mme Jacqueline Gourault, présidente. - J'ai eu connaissance de l'initiative particulièrement intéressante de commerçants de centre-ville, qui s'étaient regroupés afin de créer, avec l'aide de leur chambre de commerce et d'industrie, leur propre site de vente en ligne. Cette modalité de vente complémentaire était présentée par eux comme un moyen d'assurer la survie de leurs commerces.

M. Edmond Hervé, rapporteur. - Cette initiative illustre la nécessité, de la part des pouvoirs locaux, d'anticiper les changements sociaux et technologiques.

M. Antoine Lefèvre. - Cette entreprise est en effet intéressante, mais elle comporte un risque. L'essor du commerce électronique ne doit pas se retourner contre les commerçants. Dans ma ville, une vendeuse de chaussures qui avait développé avec succès son site de vente en ligne s'est vue proposer par son comptable d'abandonner sa boutique, dont le loyer était jugé trop élevé.

Mme Jacqueline Gourault, présidente. - Je vous remercie. Je consulte maintenant la délégation sur l'adoption du rapport.

Le rapport et ses propositions sont adoptés.

ANNEXES

1. Liste des personnes auditionnées

2. Vers une meilleure articulation des temps de vie pour tous

3. Note de Synthèse de la mission Bailly : Rapport sur la question des exceptions au repos dominical dans les commerces : vers une société qui s'adapte en gardant ses valeurs, décembre 2013

4. Guide méthodologique (extraits) de l'association Tempo territorial

5. Association AIDER : Le temps de la coordination commerces, services et territoire : Des marchés au bon endroit, au bon moment : l'exemple de Piégros-la-Clastre (26)

6. Synthèse des réflexions issues du travail des groupes focus - Région Nord-Pas-de-Calais

7. Convention entre la région Nord-Pas de calais et Lille Métropole : mise en place d'une démarche d'expérimentation avec un territoire dans le cadre de la démarche sur la prise en compte des temps dans l'aménagement du territoire à l'échelle régionale en Nord-Pas-de-Calais

8. Après l'espace, penser l'aménagement temporel du territoire et de ses services, Jean-Pierre Moure, Président de la communauté d'agglomération de Montpellier

9. Mindmap réalisée par Chrystelle Amblard - qui régule les temporalités locales ?

10. Principaux enseignements d'une enquête relative aux pratiques et aspirations au regard du dimanche dans la ville de Brive

11. Charte de qualité de vie nocturne - ville de Caen

12. Synthèse des actions en faveur d'une meilleure articulation des temps de vie de la ville de Caen

13. Mise en place des horaires continus pour les agents d'entretien de la communauté urbaine de Strasbourg

14. Communauté urbaine de Strasbourg - Charte de réunion

15. Tableau de suivi des actions de la mission temps - communauté urbaine de Strasbourg (mis à jour janvier 2014) et Lettre de mission de la chef de projet « mission des temps »

16. L'agence des temps de Poitiers

17. Quand une collectivité explore le temps pour incuber des services innovants : l'exemple du Grand Lyon

18. Propos sur le travail à distance : « Mon bureau, c'est la France »

19. Présentation des actions, enjeux et résultats de la mission « temps urbains » de la ville de Dijon

20. Un exemple d'amélioration des conditions de travail par l'aménagement du temps, Rennes

21. Action hyper pointes métro / temps des étudiants : Expérimentation d'une modification des horaires de début et de fin à l'Université de Haute Bretagne

22. Les politiques temporelles comme thème de campagne à Paris

23. « Et si on ouvrait davantage les bibliothèques? », Ouest-France le 10 février 2014

24. La campagne, hors du temps ? de Marie Danjean (extraits de l'ouvrage « urgences temporelles »)

25. La nuit, un temps particulier ?, conférence de Luc Gwiazdzinski du 29 septembre 2005

26. La construction d'un projet éducatif territorial (circulaire)

1. Liste des personnes auditionnées

Patrick Vasallo, Conseiller municipal délégué à l'égalité des droits, aux services publics, aux prestations administratives, aux temps de la ville, l'emploi et l'insertion et Pierre-Alexis Tchernoïvanoff, chargé de mission - ville de Saint-Denis

Déplacement à Rennes

Evelyne Reeves, Responsable du bureau des temps - ville de Rennes

Jocelyne Bougeard, Adjointe déléguée aux temps de la ville, aux droits des femmes, à l'égalité des droits et à la laïcité - ville de Rennes

Catherine Gabriel, Adjointe au maire chargée de la politique des temps et Marie-Claire Lacaze, Directrice de la politique des temps et de l'Égalité femmes-hommes - ville de Brive

Chrystelle Amblard, Responsable de la mission gestion des temps - communauté d'agglomération de Montpellier

Chantal Trouwborst, Conseillère municipale déléguée aux temps urbains - ville de Dijon

Déplacement à Poitiers

Jules Aimé, Conseiller municipal délégué à l'Agence des temps et Christine Sarrazin-Baudoux, adjointe déléguée à l'administration générale et à l'agence des temps - ville de Poitiers

Dominique Royoux, Directeur de l'agence des temps du Grand Poitiers et Mireille Terny, Animatrice de l'agence des temps

Marie Jacquin-Pavard, Cheffe de projet de la Mission des temps - communauté urbaine de Strasbourg

Corinne Féret, Première adjointe en charge du personnel municipal, de l'égalité entre les hommes et les femmes et du bureau des temps - ville de Caen

Lucie Verchere-Tortel, chargée de mission Temps et services innovants - communauté urbaine du Grand Lyon

Jean-Yves Boulin, chercheur associé à IRISSO-Université Paris-Dauphine

Cédric Szabo, directeur de l'association des maires ruraux de France

Patrice Vuidel, consultant associé chez Atémis, Maire Adjoint - ville de Pantin

Anne-Charlotte Riedel, Directrice générale adjointe des services - ville de Gradignan

Philippe Ducloux, adjoint en charge de la qualité des services municipaux, de l'accueil des usagers et du bureau des temps - ville de Paris

Mme Catherine Coutelle, ancienne adjointe au maire de la ville de Poitiers ayant créé l'agence des temps, présidente de la Délégation de l'Assemblée Nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Myriam Cau, Vice-présidente déléguée au développement durable, à la démocratie participative et à l'évaluation et Benoit Guinamard, Chargé de mission au service "Observation et Prospective Régionale" - conseil régional du Nord-Pas-de-Calais

Robert Arnaud, Président de l'association Aider et Marie Danjean, chargée de mission

Jean-Paul Bailly, auteur d'un rapport pour le Premier ministre sur l'exception au repos dominical dans les commerces

Claude Boulle, Président exécutif de l'Union du Grand commerce de centre-ville

2. Vers une meilleure articulation des temps de vie pour tous

Dominique Méda, philosophe et sociologue, professeure de sociologie à l'université Paris-Dauphine, associée au Centre d'études de l'emploi (CEE), article publié dans la revue Alternatives Économiques Poche n° 063 - septembre 2013

Les parcours de vie des hommes et des femmes restent largement marqués par les stéréotypes traditionnels. Comment les dépasser et aller vers une meilleure articulation des temps de vie pour tous ?

Les enquêtes les plus récentes mettent en évidence que 15 % des couples avec enfants sont égalitaires, c'est-à-dire que les pères appartenant à ces couples sont non seulement capables de réaliser les mêmes tâches que les mères, mais les pratiquent autant qu'elles 82 ( * ) . Qui sont ces hommes qui déclarent s'occuper tout autant que leur compagne du biberon, du bain, des démarches administratives, des sorties, etc. ? Ils appartiennent à des couples où les deux conjoints travaillent et où les revenus du ménage sont plus élevés que la moyenne (supérieurs à 3 000 euros mensuels), le père y contribuant pour environ la moitié. Ils sont un peu plus âgés que la moyenne et occupent plutôt un poste de cadre ou de profession intermédiaire. Tout comme leur compagne, ils sont plus fréquemment sortis du système scolaire avec un niveau d'études supérieures.

La persistance d'une représentation traditionnelle des rôles

Des entretiens approfondis menés auprès de ces pères et mères hautement diplômés, ainsi que l'exploitation de grandes enquêtes 83 ( * ) mettent en évidence deux résultats marquants : d'abord, les pères les plus investis dans la vie familiale sont des pères "contraints" (ou "autorisés" ?) par l'investissement professionnel de leur partenaire. En effet, dans les couples où les hommes sont très impliqués dans la vie familiale, les femmes apportent au moins la moitié du revenu du ménage et leurs contraintes temporelles sont au moins équivalentes - et souvent supérieures - à celles des hommes.

Certes, les hommes aspirent à une paternité plus active, et celle-ci constitue plus que par le passé un élément essentiel de l'identité masculine. Mais une différence de taille subsiste dans l'exercice de la parentalité entre les hommes et les femmes : alors qu'une très grande partie des femmes, y compris celles qui sont très fortement engagées dans la vie professionnelle, reconnaissent avoir mis leur carrière en veilleuse, les hommes "égalitaires" savent aujourd'hui cumuler tous les rôles, mais ne mettent qu'exceptionnellement leur carrière en danger.

Deuxième résultat : si les aspirations à davantage d'égalité, à une paternité plus active ou à des parcours de vie moins exclusivement déterminés par le travail semblent assez fortes chez les pères des jeunes générations, elles se heurtent à des stéréotypes et à des représentations des rôles traditionnels encore très profondément ancrés dans les mentalités et en oeuvre au sein des institutions, notamment les organisations de travail. Si la majorité des pères déclarent certes vouloir davantage s'occuper de leurs enfants et mieux partager les tâches domestiques et familiales, une très grande partie d'entre eux et une partie non négligeable des femmes, en France, continuent d'affirmer que l'enfant d'âge préscolaire "souffre" du fait que sa mère travaille et que la vie de famille "en pâtit" également. Le fait que cette question ne soit posée que s'agissant des mères participe évidemment du caractère très "enkysté" de la représentation traditionnelle des rôles.

Les pères investis considérés comme déviants

Qu'advient-il des hommes qui adoptent des comportements jusqu'alors considérés plutôt comme féminins, c'est-à-dire principalement pratiqués par des femmes ? Ils apparaissent, au sens propre du terme, comme "déviants". C'est par exemple le cas d'un homme travaillant pour une très grande entreprise française, conjoint d'une femme très diplômée et très engagée dans son activité professionnelle, qui avait décidé de prendre une année de congé parental pour mieux faire connaissance avec sa fille : stupeur dans son entourage professionnel, chez ses supérieurs, dans sa famille. Et le supérieur de tonner : "Tu fous ta carrière en l'air !" "Et les femmes qui le font, alors ?" , rétorqua notre nouveau père. Elles foutent bien sûr leur carrière en l'air, mais cela est considéré comme normal. S'il est admis, y compris chez une femme très engagée dans sa vie professionnelle, qu'un break puisse être fait pour les enfants, qui sera sans doute pénalisant mais reste compréhensible, un tel comportement chez un homme continue d'apparaître comme fortement déviant et non conforme au rôle que la société attend de lui.

La force des stéréotypes consiste à attirer l'attention sur le décalage qui existe entre le comportement et les attentes, et à suggérer qu'en adoptant la conduite habituellement dévolue à l'autre sexe, le déviant court le risque de confusion des rôles, et finalement de confusion des genres. La peur de celle-ci s'enracine dans des assimilations hâtives (entre adoption de comportements traditionnellement féminins et perte de la virilité) et des préjugés tenaces, qui trouvent souvent leur origine dans les représentations biologiques et naturalisantes.

Vouloir consacrer plus de temps à ses enfants et/ou adopter un autre rapport au travail, moins fondé sur le présentéisme et la totale disponibilité, continuent d'apparaître, dans les entreprises françaises, comme une marque de déviance ou de paresse. Dans tous les cas, cette volonté reste très peu compréhensible par des supérieurs hiérarchiques issus d'une génération où les femmes travaillaient peu et où la différence des rôles était fortement marquée.

Revoir les conditions de travail

Il suffit de se promener dans les rues de Stockholm pour constater que certains pays sont plus engagés que d'autres dans la voie de la déspécialisation des rôles. Davantage d'hommes y promènent des poussettes, y tiennent leur enfant dans des porte-bébés ventraux, prennent des congés parentaux et, surtout, osent le revendiquer. Pourtant, il est également bien connu que les Suédois ne prennent pas la totalité de leurs congés parentaux (loin de là !) et qu'une autre norme est en vigueur : ils participent plus que les Français aux soins de leurs enfants, mais les femmes s'arrêtent généralement de travailler durant les dix-huit premiers mois de l'enfant. Comment, alors, aller plus loin vers une société qui permette à chacun, homme ou femme, d'accéder également aux activités productives, parentales, familiales, amoureuses, politiques et de développement personnel ?

Comment y parvenir alors que les stéréotypes en vigueur sont encore très forts et diffusés par l'ensemble des institutions : famille, école, médias, organisations de travail ? Si les pères les plus investis sont aussi les plus contraints par les caractéristiques professionnelles de leur conjointe, ne faut-il pas prioritairement agir sur les conditions de l'emploi féminin (revalorisation des salaires, lutte contre la segmentation professionnelle, mise en oeuvre de quotas de postes pour les femmes à tous les niveaux) ? Mais à ne faire que cela, on risquerait une déspécialisation des rôles vers le bas et d'évoluer, comme l'indiquait Nancy Fraser 84 ( * ) , vers un monde dans lequel hommes et femmes seraient exclusivement voués au travail, au détriment des activités du care ou du soin à autrui.

Ce qui signifie qu'il faut aussi développer des actions spécifiques à l'endroit des pères : congé de paternité allongé et obligatoire, congé parental raccourci, mieux rémunéré et entièrement partagé entre les deux parents (voir l'article "La réforme du congé parental, un premier pas"), congés pour enfant malade réservés aux pères... Mais il faut également des mesures générales, susceptibles d'autoriser les pères à adopter un rapport différent au travail, plus proche de celui qu'ont encore aujourd'hui les femmes. D'une part, le développement de modes d'accueil de qualité en grand nombre ; d'autre part, l'amélioration des conditions de travail des postes, secteurs et fonctions dans lesquels ne travaillent aujourd'hui que des femmes ; et, enfin, une mesure générale de réduction du temps de travail, au-delà des 35 heures, seule susceptible d'autoriser toutes les catégories de travailleurs, quel que soit leur sexe, à assumer pleinement leurs responsabilités familiales et professionnelles.

3. Note de Synthèse de la mission Bailly : Rapport sur la question des exceptions au repos dominical dans les commerces : vers une société qui s'adapte en gardant ses valeurs, décembre 2013

« Vers une société qui s'adapte en gardant ses valeurs ». Ce titre résume bien le sens des propositions de ce rapport. Après avoir auditionné tous ceux qui le souhaitaient [les organisations syndicales de salariés et d'employeurs, des coordinations de salariés, des chambres de commerces et de `l'industrie, des chambres de métiers, des élus locaux, des préfets, des directeurs d'administration, et des parlementaires ayant travaillé et réfléchi sur ces questions], une conclusion s'impose : si c'est un sujet qui divise l'opinion française, un consensus émerge néanmoins sur trois points :

1) la spécificité du dimanche doit être respectée. La société se retrouve sur l'idée d'une journée différente de ressourcement, d'échange et de découverte : il s'agit de faire société ensemble, ce qui nécessite une synchronisation du temps de repos. De ce fait, l'activité le dimanche doit continuer à faire l'objet de régulations et de dérogations.

2) la situation actuelle se caractérise, par l'incohérence, l'illisibilité et l'instabilité des normes et pratiques. Elle se traduit par une conflictualité déstabilisante tant pour les commerces que les salariés, tout particulièrement en Ile-de-France.

3) la société française évolue rapidement : ainsi ont été pris en compte les attentes nouvelles des consommateurs, les demandes des salariés qui peuvent être volontaires pour travailler le dimanche mais qui ne veulent surtout pas être contraints à le faire, l'importance des enjeux du tourisme tant national qu'international, le rôle croissant du commerce électronique, l'évolution des villes et des territoires, la question du travail des étudiants, etc.

Les propositions d'évolution cherchent à apporter bons sens, cohérence, simplification, lisibilité et stabilité. En intégrant les évolutions récentes de la société, elles permettent de préparer l'avenir. Elles sont fondées sur le dialogue social, permettant de compenser le travail du dimanche de façon cohérente et appropriée, de respecter le volontariat des salariés, et de prendre en considération l'équilibre vie privée-vie professionnelle. Elles permettent également une adaptation à la diversité des territoires puisqu'elles s'appuient sur un dialogue territorial prenant en compte les spécificités et l'équilibre tant entre les centres villes et les périphéries qu'entre les commerces traditionnels et les grandes enseignes.

À l'écoute attentive des besoins des consommateurs et des revendications sectorielles, la solution qui semble s'imposer est celle de l'ajout du bricolage à la liste des dérogations de droit par la voie réglementaire.

Néanmoins, compte tenu de la porosité des secteurs, il est impossible, sans générer de nouvelles distorsions de concurrence, de ne pas inclure également le secteur de l'électroménager pour créer une dérogation autour des commerces d'équipement de la maison. Se poserait alors immédiatement la question du secteur des enseignes culturelles, dès lors que celles-ci vendent, pour partie, des biens similaires. Si le secteur des biens culturels devenait dérogatoire de droit, comment ne pas entendre les revendications du secteur des loisirs sportifs et, tout de suite après, celui de l'habillement ? Cet « effet domino » est inexorable et il faudrait beaucoup de détermination pour le contenir. Cette voie est une impasse sauf à accepter à terme une généralisation du travail du dimanche dans les commerces.

Cette option est d'autant moins souhaitable qu'elle ne prend aucunement en compte les contraintes qui pèsent sur les salariés amenés à travailler le dimanche, puisqu'aucune obligation de contreparties sociales n'est imposée aux secteurs bénéficiant d'une dérogation de droit.

Enfin, contrairement au schéma cible proposé, elle cherche à répondre par une réglementation nationale à des problématiques qui sont avant tout territoriales.

Le schéma cible (1) rétablit la cohérence de la liste des dérogations de droit, (2) recommande une seule mesure transversale, nationale, étendant de 5 à 12 le nombre de dimanches « du maire », (3) et propose, dans le cadre d'une loi, une réforme profonde du dialogue territorial et social débouchant sur des Périmètres d'Animation Concertés Commerciaux (PACC) ou Touristiques (PACT) au sein desquels l'ouverture le dimanche est structurelle et où les conditions sociales sont harmonisées. L'ensemble des propositions ne concerne pas les commerces d'alimentation pour lesquels, malgré les dysfonctionnements mineurs, l'équilibre actuel est jugé satisfaisant sous réserve de la réactualisation des arrêtés de fermeture obsolètes.

1) La liste des dérogatoires de droit doit correspondre aux activités et commerces reconnus par la société française comme étant essentiels au fonctionnement de la société le dimanche (santé, sécurité, transports, ...) et aux activités dominicales (loisirs, détente, culture, sport, ...). Elle doit garder et retrouver toute sa légitimité, son sens et donc sa robustesse, pour éviter tout effet domino. L'introduction de l'ameublement en 2008 dans cette liste, en amorçant la perte de cohérence, a été l'un des faits déclencheurs des conflits actuels.

D'où la première recommandation devant être mise en oeuvre par décret en Conseil d'État :

L'adoption d'un décret en Conseil d'État sortant le secteur de l'ameublement de l'article R. 3132-5 du code du travail, une fois le nouveau dispositif territorial ayant pu produire ses effets. Un délai de six à douze mois après l'entrée en vigueur de la nouvelle loi (proposée au point 3) semble de ce fait réaliste et conduirait à proposer comme date limite le 1er juillet 2015.

Dès l'année 2015, la liste des dérogatoires retrouvera sa légitimité et son sens, sans pour autant porter préjudice au secteur de l'ameublement qui pourra bénéficier de nouvelles modalités d'ouverture telles que proposées dans ces recommandations et adaptées à sa pratique actuelle. La liste des dérogatoires de droit n'a pas vocation à être ré-ouverte pour les commerces.

2) Pour autant, la société française a évolué et la demande d'activité le dimanche est plus forte. La position des commerces traditionnels eux-mêmes s'est infléchie en faveur d'une plus large ouverture. De manière très majoritaire, le dispositif des « cinq dimanches du maire » est considéré comme insuffisant dans la mesure où ces « cinq dimanches » sont souvent totalement consommés par les fêtes de fin d'année et les soldes du début d'année.

Un consensus s'établit autour de douze dimanches par an, permettant ainsi de mieux répondre aux événements rythmant la vie économique : soldes saisonnières, rentrée des classes, départ en vacances, fête des mères, fête des pères, Saint-Valentin, animations spécifiques de certaines villes, quartiers ou professions, etc. Sur ces douze dimanches, sept seraient à la main du maire (lui donnant ainsi l'initiative sur l'animation collective de sa ville) et cinq constitueraient un droit de tirage déclaratif pour les différents commerces, ce qui leur permettrait de répondre aux spécificités saisonnières ou évènementielles de leurs activités et d'être assurés de bénéficier d'au moins cinq dimanches par an. Avec un tel dispositif, la France rejoindrait la moyenne européenne.

D'où la deuxième recommandation :

Une modification rapide de l'article L. 3132-26 du code du travail permettant l'ouverture de douze dimanches par an selon les modalités suivantes :

- un passage de cinq à sept du nombre maximal de dérogations accordées par le maire ;

- la possibilité, pour les commerçants, de déroger cinq fois par an à la règle du repos dominical, sous réserve d'une obligation de déclaration préalable auprès du maire ;

- le même niveau de contreparties que celui actuellement en vigueur, et prévu par l'article L. 3132-27 du code du travail.

Cette disposition, tout en conservant le caractère exceptionnel de l'activité dominicale, permet de satisfaire la quasi-totalité des attentes en dehors de la Région Île-de- France, y compris dans les grandes agglomérations.

3) Les autres recommandations sont liées à un projet de loi réorganisant le dialogue territorial et le dialogue social permettant de redéfinir les contours et modalités de fonctionnement des zones commerciales et touristiques. Il est en effet nécessaire d'apporter une réponse aux spécificités commerciales des très grandes agglomérations et des zones touristiques, tout en étant très attentif à la cohérence des dispositifs sociaux et à l'équilibre entre centre-ville et périphérie, commerces traditionnels et grandes enseignes.

3-1 Il est indéniable que dans certaines zones existent des besoins d'ouverture dominicale spécifiques : c'est le cas des lieux touristiques, ainsi que de certaines zones commerciales, en particulier en Ile-de-France. Pour répondre à ces besoins de manière équilibrée et responsable, seule une approche territoriale concertée est légitime et pertinente. D'ailleurs, dans de très nombreux pays, la question de l'ouverture dominicale des commerces est une compétence des collectivités locales.

Il est donc proposé de remettre totalement à plat ces dispositifs en créant deux types de périmètres, les PACT (Périmètres d'animation concertés touristiques) et les PACC (Périmètres d'animation concertés commerciaux) au sein desquels les commerces pourront être autorisés de manière structurelle à déroger au repos dominical. Les zones touristiques, tout-à-fait légitimes dans leur principe, souffrent d'un problème de définition du périmètre puisque le dispositif permet à la fois de classer par exemple l'ensemble d'un territoire communal (Bordeaux) ou quelques numéros dans une rue (Montmartre). Les PUCE quant eux sont avant tout un dispositif ayant permis de régulariser des pratiques d'ouvertures souvent illégales puisque fondés sur le critère d'antériorité de la consommation ce qui, d'une part, désavantage les établissements ayant toujours respecté la loi et, d'autre part, empêche toute vision prospective d'aménagement du territoire.

D'où la troisième recommandation :

Une loi organisant les modalités de fixation des périmètres et d'octroi de contreparties aux salariés. Les nouveaux périmètres doivent reposer sur des critères objectifs et factuels spécifiques et différents selon les PACC et les PACT. La délimitation des périmètres doit être fondée sur l'organisation d'un large dialogue territorial, à l'initiative du président de la structure intercommunale. L'instruction des demandes de création de périmètre se fait sous l'égide du préfet pour les PACC, ou du président de la structure intercommunale pour les PACT. Elle se formalise par un dossier d'opportunité et une étude d'impact. La validation définitive du périmètre est traitée au niveau du préfet de région pour les PACC, ou du préfet pour les PACT avec une latitude donnée à l'autorité pour adapter le périmètre proposé sur le fondement des éléments de l'instruction. La procédure doit être encadrée par des délais afin de permettre la création d'un périmètre en six à dix mois 85 ( * ) . LES PUCE, les communes et zones touristiques existantes ont vocation à évoluer vers des PACC et des PACT. Ces dispositifs permettent de prendre en compte la situation des gares et des centres commerciaux, et de manière générale toutes les évolutions à venir.

3.2. S'agissant du régime social des salariés amenés à travailler le dimanche dans les commerces du secteur non alimentaires ne bénéficiant pas d'une dérogation sectorielle, il est indispensable de rétablir l'équité de traitement. Dans la loi actuelle, il existe en effet une distorsion importante entre les PUCE (accord social et à défaut mise en oeuvre d'un dispositif supplétif portant sur le volontariat et la compensation salariale) et les communes et zones touristiques (aucune obligation sociale).

D'où la quatrième recommandation :

La loi doit encadrer le dialogue social dont le volontariat doit être la clé de voûte. Ce volontariat reposera sur une déclaration positive et temporaire du salarié, une possibilité de retrait ave un préavis raisonnable, l'absence de clause dans le contrat de travail, la lutte contre d'éventuelles discriminations, et une organisation ne faisant pas appel à la totalité des salariés habituels. L'accord collectif doit également prévoir les conditions de rémunération, l'octroi d'un repos compensateur et les mesures visant à favoriser la conciliation entre vie privée et vie professionnelle. A défaut d'accord collectif, un dispositif supplétif sera prévu par la loi (doublement de la rémunération, repos compensateur, garanties de volontariat, mesures visant à assurer la conciliation entre vie privée et vie professionnelle).

Afin d'assurer la protection des petits commerçants, il est proposé d'exclure de cette obligation, dans les PACT, les commerces de moins de onze salariés.

L'examen de l'ensemble de ces dispositions gagnerait sans doute à être précédé d'une concertation nationale interprofessionnelle organisée dans des délais rapides.

Cela signifie concrètement que toute salarié travaillant dans un commerce ouvert structurellement le dimanche en dehors des commerces alimentaires devra bénéficier d'un régime social de compensation, qu'il s'agisse des PACC ou des PACT. A e titre, l'accord de site garantissant des contreparties identiques sur une même zone semble devoir être privilégié.

Un régime déclaratif se substituera dès lors au régime d'autorisation aujourd'hui en vigueur dans les PUCE. Concrètement, une fois le PACT ou PACC délimité, un commerce pourra ouvrir le dimanche après transmission à l'autorité administrative compétence de l'accord collectif fixant les contreparties, ou, à défaut d'accord, de la décision unilatérale approuvée par référendum.

Afin de gérer la situation transitoire dans l'attente de la mise en oeuvre effective du schéma cible, deux dispositions sont proposées.

La première a pour objet de mettre instantanément fin aux conflits en cours dans le secteur du bricolage. Elle suppose évidemment que les enseignes de bricolage se soient désistées de toutes les instances contentieuses en cours relatives au repos dominical.

La première mesure consiste à inscrire provisoirement, jusqu'au 1er juillet 2015, le secteur du bricolage dans la liste des dérogatoires de droit. Cette date estimée correspond à un délai de six à douze mois après l'entrée en vigueur de la loi instaurant les nouveaux dispositifs, délai permettant la traduction sur le terrain de ces derniers. En tout état de cause, l'échéance de ce décret provisoire devrait être simultanée à la sortie de l'ameublement du champ des dérogations sectorielles.

Cette disposition dont l'objet est de pacifier la situation en Île-de France devrait être conditionnée à la signature d'une charte comportant l'engagement des magasins du secteur à accorder des contreparties sociales à leurs salariés et à circonscrire l'ouverture aux seuls magasins franciliens. Cette charte s'inscrit dans la logique des futurs PACC, d'une part, en ce qu'elle fixe des compensations pour les salariés, et, d'autre part, en ce qu'elle est fondée sur une approche territoriale.

La seconde mesure consiste à permettre aux préfets d'accorder des dérogations individuelles sur le fondement de l'article L. 3132-20 du code du travail, dans un cadre sécurisé, pour remédier aux situations de distorsion de concurrence qui ne pourront disparaître qu'à terme, une fois le dispositif territorial devenu effectif. À ce titre, il est proposé de mettre fin à l'effet suspensif des recours exercés contre ces décisions de dérogation par le premier véhicule législatif disponible qui supprimerait l'article L. 3132-24 du code du travail, afin de sécuriser ces décisions préfectorales.

En résumé, l'ensemble de ces propositions constitue une colonne vertébrale robuste articulée autour (1) de la fin de l'extension des mesures sectorielles, (2) d'une seule mesure transversale et nationale, (3) d'une méthode d'évolution fondée sur le dialogue territorial et social.

En ce sens, elles permettent effectivement d'aller vers « une société qui s'adapte en gardant ses valeurs ».

4. Fiche d'identité de l'association Tempo territorial et Guide méthodologique (extraits)86 ( * )

Fiche d'identité

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Service Prospective, évaluation et développement durable

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Sophie Koenig trésorière : skoenig@ville-dijon.fr

Tempo Territorial a pour objet de favoriser, entre acteurs des démarches temporelles territoriales : l'échange, le partage, l'apprentissage, la mutualisation, la coopération, dans un but non lucratif, de manière à :

1. Accompagner les acteurs dans des démarches temporelles, notamment liées aux transformations et aux évolutions des rythmes de temps de la vie moderne.

2. Intégrer la dimension temporelle dans les politiques publiques, à des échelles pertinentes, dans les domaines de l'aménagement et de l'environnement, du développement économique, des transports, de l'action sociale, culturelle, sportive et de loisirs, des services... et sensibiliser les acteurs de ces politiques territoriales publiques et privées.

3. Construire un lieu de capitalisation et un centre de ressources sur les enjeux temporels et favoriser l'échange des bonnes pratiques, en termes d'organisation de la concertation, de sensibilisation et de communication, d'analyse méthodologique, de mise en oeuvre d'actions concrètes, de représentations cartographiques, etc.

4. Permettre à l'échelle européenne le débat public sur les pratiques temporelles entre pouvoirs publics, entreprises, habitants, salariés, usagers et leurs représentants.

Conseil d'administration au 1er octobre 2013: Jules Aimé, Chrystelle Amblard, Robert Arnaud, Jocelyne Bougeard (vice-présidente), Jean-Yves Boulin (vice-présidente), Oriane Bourdenet, Jocelyne Chatelier-Savat, Catherine Coutelle (vice-présidente), Philippe Ducloux (vice-présidente), Corinne Feret, Catherine Gabriel, Nicole Guilhaudin, Benoît Guinamard, Thierry Halay, Marie Jacquin-Pavard, Sophie Koenig (trésorière), Marie-Claire Lacaze, Evelyne Reeves (secrétaire),Anne-Charlotte Riedel, Dominique Royoux (président), Christine Sarrazin-Baudoux, Cédric Szabo, Chantal Trouwborst, (trésorière adjointe), Patrick Vassallo (vice-président), Lucie Verchère-Tortel, Patrice Vuidel (vice-président).

Guide Méthodologique rédigé par l'association Tempo territorial : « Rythmes de vie et organisation du territoire : quelles tensions ? Quelles médiations ? Quelles politiques publiques mettre en oeuvre ?

1) Notre vie aujourd'hui : la conciliation de rythmes contradictoires (ou de nouveaux rapports au temps)

Des constats au niveau national (source INSEE)

• En un siècle, les rythmes de vie n'ont cessé d'évoluer : le temps de travail a été divisé par 2 et le temps libre multiplié par 5. Durant ce siècle, on a gagné 40 % de durée de vie, soit autant qu'entre l'an 1000 et 1900.

• 80 % des femmes âgées de 24 à 54 ans travaillent.

• 2,7 millions de salariés français travaillent régulièrement ou ponctuellement la nuit, y compris les femmes depuis 2000, année de la fin de l'interdiction du travail de nuit pour les femmes.

• En 1950, chaque habitant parcourait en moyenne 5 km par jour contre 45 km par jour aujourd'hui.

• 37 % des salariés seulement ont des horaires de travail en journée prévus à l'avance avec un repos le week-end (source DARES 2009).

Les évolutions des rythmes de vie et des temps de travail plus fractionnés créent des tensions au niveau local que les collectivités territoriales doivent intégrer et apprendre à gérer. Ces tensions entre temps collectifs et temps individualisés fragmentés, sont plus ou moins renforcées et varient suivant :

• les lieux (centre-ville, quartiers périphériques, espaces ruraux...),

• les temporalités (conflits d'usages de la nuit, utilisation diversifiée d'un espace public suivant les âges...),

• les conditions de vie (familles monoparentales, emplois précaires, horaires de travail atypiques, doubles résidences...).

Les acteurs publics doivent s'emparer de ces questions pour tenter de diminuer ces inégalités entre individus et/ou groupes sociaux.

2) Les enjeux des politiques des temps

Les collectivités territoriales, face aux changements fondamentaux des rythmes de vie, doivent remettre l'usager au coeur des projets de développement ou de son organisation en intégrant les évolutions des modes de vie. Il faut trouver de nouveaux arbitrages sans promouvoir pour autant la ville ouverte 24h/24.

Plusieurs enjeux se dégagent

1. Mieux prendre en compte les rythmes des usagers, des habitant-e-s et des salarié-e-s pour améliorer l'organisation des services et du territoire.

2. Réduire les inégalités face aux temps entre les femmes et les hommes, réduire les inégalités d'accès aux ressources du territoire.

3. Travailler à de meilleures adéquations entre rythmes de vie, aménagements et espaces publics.

Il faut donc être imaginatif, trouver des solutions innovantes, bousculer les idées reçues. Exemple : limiter les interventions fractionnées et en horaires décalés des agents de la propreté - tôt le matin ou tard le soir - au profit d'horaires continus en journée. Cela suppose d'accompagner un changement d'organisation et de perception réciproque entre agents et occupants des bureaux.

3) Le temps traverse tous les domaines de l'action publique durable

Âges de la vie : favoriser l'accès aux services et aux loisirs en fonction des âges de la vie, valoriser et développer l'intergénérationnel pour mieux vivre ensemble.

À Poitiers, l'Agence des Temps et le Conseil de Développement Responsable aident à la connaissance et la reconnaissance des actions intergénérationnelles, à la mise en lien entre bénévoles et associations.

Services publics : en faciliter l'accès par les démarches à distance (e-administration), la mise en place de guichets uniques thématiques, les maisons de services publics.

Les guichets uniques de rentrée scolaire à Poitiers réunissent à la fin du mois d'août les différents acteurs de la rentrée dans un même lieu (chacune des 7 maisons de quartier) et sur des horaires plus accessibles (de 16h30 à 19h30, le mercredi après-midi et le samedi matin).

À Paris, et dans d'autres villes, les Points d'Information et de Médiation Multi Services (PIMMS) permettent d'offrir un accueil de proximité, de faciliter les démarches des usagers en évitant les déplacements et les temps d'attente.

Gestion des ressources humaines : réfléchir au temps de travail en horaires décalés.

Les Villes de Rennes et de Paris ont repositionné les horaires de travail des agents de propreté en journée. Cette réorganisation, outre le bénéficie en matière de qualité de vie, a permis de créer des temps de travail à temps complet.

Éducation, Culture, Sports : en élargir l'accès sur des temps différents.

En partenariat avec la Direction de la Culture et l'Orchestre des professeurs du Conservatoire, Brive crée les « Concerts sur le pouce ». Des rendez-vous gratuits entre 12h30 et 13h15 d'avril à juin, dans des lieux accessibles au public, notamment salarié, où le spectateur peut déambuler et déjeuner à sa guise. Cette action permet de toucher aussi des personnes vivant en dehors de Brive et qui ne pourraient revenir le soir.

Équipements collectifs : mutualiser, adapter les horaires d'ouverture (piscines, gymnases, écoles, salles de réunion...).

Aménagement des horaires des piscines de Montpellier agglomération : tôt le matin, entre midi et deux, le soir et le week-end et coordination des horaires des différentes piscines.

Transports : organiser l'intermodalité adaptée à la configuration de chaque territoire, favoriser la mobilité des seniors.

Le Grand Lyon a initié la mise en place des Plans de Déplacements Interentreprises et d'un PDIE de filière Services à la personne. Cette filière emploie le plus souvent une main d'oeuvre féminine, précaire, sans moyen individuel de locomotion, d'où l'intérêt de leur rendre la ville et l'emploi plus accessibles.

Urbanisme : intégrer la dimension temporelle dès l'élaboration des documents de planification jusqu'à leur application réglementaire.

Plan Local d'Urbanisme de Dijon adopté en juin 2010.

Aménagement : faciliter l'accessibilité d'un lieu aux différents temps de la journée, prendre en compte la diversité des usages exercés à un même moment dans un même endroit.

À Saint-Denis, l'aménagement d'une place en fonction d'usages et de temporalités différenciés permet des rassemblements culturels et cultuels comme des pratiques de glisses urbaines.

Emploi : faciliter le parcours vers l'emploi, le maintien dans l'emploi par la prise en compte de la mobilité, de la garde des enfants, ...

De nombreux Bureaux des Temps ont facilité la création de services de gardes d'enfants sur horaires atypiques. La prestation est effectuée au domicile des parents par des professionnel-le-s de la petite enfance.

4) Les préalables à l'installation d'une politique temporelle au sein des collectivités territoriales

En amont, si les démarches peuvent être similaires, il faut insister sur les spécificités du territoire et ses rythmes : le processus identifié sera nourri des particularismes locaux car chaque territoire est marqué par sa propre « couleur temporelle ».

Préalables

1. Des élu-e-s identifié-e-s en charge d'une délégation aux politiques temporelles, légitimant une mission ou un Bureau des Temps.

2. Une organisation administrative et technique : 1 responsable et/ou des chefs de projet, maîtres d'oeuvre avec un positionnement transversal qui donne la capacité à travailler en réseau et une participation active au coeur des instances de décision :

- le développement d'une démarche de conduite de projet en mobilisant les expertises et les compétences au sein des directions thématiques comme des partenaires extérieurs.

- des moyens humains et financiers dédiés (pour mener à bien des travaux d'enquêtes, études, plans de communication, co-financement d'actions, ...).

3. Des espaces de concertation et de co-production à mobiliser ou à créer, en s'appuyant sur un réseau : conseils de quartiers, conseils de développement, Comités de pilotage ad hoc, comités consultatifs, représentants du personnel.

4. Une communication : des actions fortes en interne et en externe sont à mettre en place dès l'installation du Bureau des Temps.

5) Éléments de méthodologie

Phase de positionnement et de diagnostic

1. une relecture du programme politique de la Collectivité sous l'angle temporel.

2. une phase exploratoire pour une identification des ressources du territoire, de ses particularités à l'aide d'indicateurs (part des femmes sur le marché du travail, nombres de familles monoparentales, temps de déplacements domicile-travail, place de l'économie de services...), la définition des objectifs généraux, des moyens spécifiques, la proposition de référents thématiques et territoriaux.

3. une phase complémentaire de diagnostic sur les dysfonctionnements du territoire et les publics contraints.

Phase opérationnelle

4. l'élaboration et la validation d'un premier plan d'actions.

5. la définition et la mise en oeuvre de chantiers prioritaires.

6. l'évaluation, le réajustement, la généralisation des actions.

6) Tempo territorial :

Historique et objectifs

Les premiers territoires qui se sont investis dans les politiques temporelles, Poitiers, Saint-Denis, Conseil Général de la Gironde, Rennes, Paris, Dunkerque, Grand Lyon, etc., après avoir longuement travaillé ensemble au sein du groupe DATAR « Coordination des temps de vie sur les territoires », ont souhaité poursuivre cette dynamique avec leurs nouveaux partenaires. C'est ainsi qu'en 2004 l'Association TEMPO Territorial a été créée à l'initiative de représentant-e-s de collectivités, - élu-e-s et technicien-ne-s -, d'associations, d'universitaires, de femmes et d'hommes intéressés par l'échange, la mutualisation, la construction de démarches temporelles, dans un but non lucratif.

TEMPO Territorial cherche à accompagner des acteurs désireux de s'engager dans des démarches temporelles et donc de débattre des transformations de sociétés liées aux évolutions des rythmes du temps de la vie moderne. Il s'agit aussi de comprendre en quoi l'aménagement, le développement économique, les transports, l'action sociale, culturelle, sportive et de loisirs peuvent devenir le support de nouvelles politiques temporelles.

TEMPO Territorial constitue un centre de ressources sur les enjeux temporels, permet le débat public à l'échelle européenne sur ces questions, et favorise l'échange de bonnes pratiques en terme de concertation, de communication, d'analyse méthodologique.

Organisation

Le Conseil d'Administration de Tempo territorial est constitué de 22 membres représentant la diversité des structures intéressées (élu-e-s et technicien-ne-s de villes, communautés urbaines et d'agglomérations, conseils généraux et régionaux, chercheurs, parlementaires).

Des ateliers thématiques permettent de développer des réflexions et des propositions sur différents axes : entreprises, services, aménagement urbain.

En 2010, trois groupes se sont constitués autour des questions relatives à :

- la méthodologie et la formation aux politiques temporelles,

- l'ouverture des bibliothèques le dimanche,

- le réseau européen créé en 2009 à Barcelone.

Des conférences , « les mardis de Tempo », sont régulièrement organisées à Paris afin de débattre des sujets d'actualité. En 2009 : « le dimanche : un jour comme les autres ? », « Pourquoi et comment réorganiser le temps de travail des agents d'entretien ? », « Des villes la nuit », « L'urbanisme temporel ».

En 2010 : « Le temps de la concertation », « La ville l'été : entre rupture et continuité ».

Enfin « Les Temporelles », rencontres annuelles organisées par l'association, mobilisent un public nombreux autour de thématiques diverses. En 2009 à Poitiers : « Horaires décalés, délitement social : enjeux de régulation des politiques temporelles » ; en 2010 à Dijon : « Aménagements urbains temporels ».

Territoires ou structures (personnes morales) adhérents à Tempo territorial

(septembre 2010)

7) le réseau européen

Dans les années 1990, les politiques temporelles sont apparues en Europe, notamment en Italie, sous la pression des femmes en difficulté dans l'articulation de leurs différents temps de vie.

Parallèlement, l'Espagne, les Pays-Bas, la France, l'Allemagne... s'engageaient également dans cette voie. Les contacts entre ces pays ont été formalisés en novembre 2009 à Barcelone par la création d'un réseau européen des acteurs des politiques temporelles (www.jornadausosdeltemps.net).

Dans sa phase actuelle le réseau concerne l'Espagne, l'Italie et la France. Les représentants français dans le groupe de pilotage de ce réseau international sont quatre membres du CA de Tempo et un élu de la Ville de Paris.

L'année 2010 est celle des premières capitalisations d'expériences au sein du nouveau réseau européen.

La diversité des actions à travers le sommaire de la brochure « Les politiques temporelles au coeur de votre territoire », octobre 2013, Tempo territorial

5. Association AIDER : le temps de la coordination commerces, services et territoire : des marchés au bon endroit, au bon moment : l'exemple de Piégros-la-Clastre (26)

Le problème, le point de départ de l'action

Ø Les commerçant-e-s et artisan-e-s de la Vallée de la Drôme travaillent en moyenne 63h par semaine.

Ø En milieu rural, on vit majoritairement en maison individuelle, parfois loin du centre-village.

Ø D'autres marché, mais aussi les supermarchés, font une terrible concurrence à ce petit marché du jeudi matin qui peu à peu, perd des vendeurs.

Ø Conséquences : Le marché ne compte plus que 2 stands, n'est plus une « locomotive du commerce sédentaire », et ne permet plus une vie de village.

Ø Objectif : favoriser une plus grande attractivité du marché, à la fois pour les vendeurs, et pour les habitant-e-s

La démarche

Ø Un diagnostic du marché > 40 % des enquêtés demande un changement des jours et horaires

Ø La réalisation d'une enquête de consommation et des attentes auprès des habitant-e-s de la commune.

Ø L'organisation d'une réunion publique, afin d'en donner les résultats et d'identifier les perspectives d'actions.

Ø L'organisation d'un groupe de travail, pour la mise en place d'une démarche participative (élus, gérant du bar-restaurant, habitant-e-s, vendeurs)

Ø La mise en oeuvre des actions, identifiées par le groupe de travail, pour redynamiser le marché.

Les effets

Ø Des constats : l'horaire du marché ne correspond plus aujourd'hui à l'activité des client-e-s potentiel-le-s, le jour et les horaires ne prennent pas en compte le contexte local (lieu de résidence, école, autres marchés, difficultés d'accès des personnes âgées...).

Ø le changement du jour et horaires au vendredi de 15h à 19h

Ø Un accroissement et une diversification des stands (jusqu'à 9)

Ø La création d'une nouvelle offre de restauration par le bar-restaurant le vendredi soir

6. Synthèse des réflexions issues du travail des groupes focus - Région Nord-Pas-de-Calais

Réalisés par :

ATEMIS

Région Nord Pas-de-Calais

Groupe Temps-territoires-Développement Durable

Jean-Yves Boulin

Christian du Tertre

Introduction

Un séminaire de prospective a été organisé, en 2008/2009, à la demande de la Direction du Développement Durable, de la Prospective et de l'Évaluation, du Conseil Régional du Nord-Pas-de-Calais sur le thème de la prise en compte du temps dans l'aménagement et le développement du Territoire. Ce séminaire s'adressait aux directions de services de la Région, à celles des deux départements, à des agents des collectivités locales - communes, communautés urbaines, communautés d'agglomérations etc - aux agences d'urbanisme ainsi qu'au monde socio-économique (organisations patronales et syndicales). Il avait pour objet de sensibiliser les personnes issues de ces organismes aux politiques temporelles qui ont commencé à se développer en France depuis 2000/2001. Ces politiques qui sont aujourd'hui, à des degrés divers, mises en oeuvre dans une trentaine de collectivités locales, se donnent pour objectifs l'amélioration de la qualité de vie - la qualité de la vie quotidienne, celle qui renvoie à la façon dont on peut travailler tout en menant une vie de famille épanouissante, jouir de relations sociales denses, participer à toutes les activités offertes par la vie urbaine et rurale, qu'il s'agisse de loisir, d'engagement associatif ou politique - l'égalité - de genre mais aussi entre les âges, les catégories sociales, les ethnies différentes qui cohabitent sur un même territoire - la cohésion sociale, c'est-à-dire, le « vivre ensemble ». Tout cela dans une perspective d'un développement économique durable dans la mesure où dans une économie servicielle, les enjeux de synchronisation temporelle ont une incidence directe sur les conditions de mise en oeuvre de services, leur accessibilité, leur pertinence, leur portée.

Il s'agit donc bien de développement soutenable dans le présent et pour les générations futures, autant dire d'une utopie.

De fait, ces objectifs sont un horizon, une perspective souhaitée par les élues et les agents des collectivités territoriales qui s'attachent à mettre en oeuvre des politiques temporelles. Ce qui compte, ce qui est constructeur de ces politiques, c'est le chemin pris, c'est le processus par lequel s'implique une large diversité d'acteurs dont ceux, si souvent oubliés, que l'on a coutume de désigner sous le terme générique d'usagers malgré leur diversité : les habitants, les travailleurs, les salariés, les indépendants, les inactifs, les retraités, les enfants, les étudiants etc - s'implique dans la construction de ces politiques. Cet acteur - l'usager - est souvent appréhendé par les décideurs comme une forme abstraite, comme la cible de politiques considérées comme bonnes pour eux, parce que destinées à eux. C'est la politique de l'offre urbaine, pensée par des élus, des techniciens, des experts, des urbanistes, des architectes, des aménageurs qui conçoivent, élaborent, construisent sans analyse préalable des pratiques, des usages, des besoins, des attentes. Cela débouche, bien souvent, sur des paysages et fonctionnements urbains qui se reproduisent d'une ville à l'autre, d'un pays à l'autre, sans tenir compte de la spécificité propre à chacun de ces territoires. C'est aussi la façon dont les acteurs économiques - publics, privés ou parapublics - pensent les fonctionnements horaires des activités industrielles et servicielles, souvent de façon unilatérale - légitimée par l'organisation sociale du temps dominante - parfois de façon négociée, mais dans les deux cas en omettant le plus souvent de prendre en compte les spécificités du territoire ainsi que les externalités produites par les acteurs économiques sur le territoire et les utilisateurs du territoire.

C'est sur le fondement de cette spécificité que les politiques temporelles se sont construites. Elles sont nées du constat de la diversité des situations auxquelles sont confrontées les habitants et usagers, qui riment, bien souvent, sous nos latitudes, avec inégalités. Elles se sont élaborées « à l'ombre du citoyen », ou plutôt de la « citoyenne » à partir du constat que le fonctionnement temporel des villes était bien souvent adverse au déploiement de la citoyenneté des femmes. Citoyenneté entendue ici comme possibilité de participer à cet ensemble d'activités - dès lors qu'elles sont souhaitées - qui sont au fondement de la qualité de vie, d'une « bonne vie ».

Nées en Italie ( Politichedellacittà) , ces politiques se sont diffusées en Allemagne (Zeiten der Stadt ), puis en France ( Politiques des Temps de la Ville ou Politiques temporelles locales ) et en Espagne ( Politiques del Temps ). Elles sont entrées en résonance avec les politiques d'aménagement des temps quotidiens ( Dagindeling ) menées aux Pays-Bas. Dans leur développement plus élaboré, que l'on trouve surtout en Italie, les politiques temporelles se caractérisent par le fait que le temps, appréhendé sous ses différentes dimensions, est devenu un élément consubstantiel de l'aménagement urbain et, bien plus, de l'aménagement du territoire qu'il soit urbain, rurbain ou plus largement régional.

La Région Nord-Pas-de-Calais est la première collectivité de cette nature - l'échelle régionale - à s'intéresser aux politiques temporelles en France. Un rapport a tiré les enseignements du séminaire qui s'est déroulé en 2008/2009, en montrant tout d'abord quels étaient les enjeux temporels du développement régional et en développant les incidences en termes de gouvernance. Il se penchait ensuite sur les conditions nécessaires à la mise en place d'une politique temporelle à l'échelon régional telles qu'elles avaient été déclinées par les participants au séminaire. Le rapport se concluait par des questions de méthodes pour avancer, pour poursuivre la démarche de sensibilisation et de prise de conscience du rôle joué par le temps et son organisation au regard de la vie quotidienne. Des « chantiers » étaient proposés, généralement à partir de projets, actions, orientations stratégiques en cours dans la Région.

Une des conclusions, et des décisions, entérinée par le Vice-Président de la Région en charge du Développement Durable, était qu'il convenait de mettre sur pied un groupe de référence en charge de la sensibilisation, de la veille et du soutien à des projets en cours. Ce groupe « Temps-Territoires-Développement Durable Nord Pas-de-Calais » était constitué, pour majeure partie, des participants au séminaire auxquels sont venues s'ajouter d'autres personnes intéressées par la démarche. Celle-ci s'est poursuivie en 2010 par la constitution de « groupes focus » afin de préciser, de façon plus acérée, pourquoi et comment sur des projets et orientations existants, la dimension temporelle constituait un angle d'approche heuristique, un levier de l'action à même de les inscrire dans une perspective de développement économique et social durable : avec quels acteurs, à travers quelles institutions, selon quels processus, à quelles conditions, le temps, ou plutôt les temps et leur organisation, enrichissaient ces projets ?

Trois groupes focus

Le groupe de référence a décidé de poursuivre la réflexion en prenant pour points d'application trois thématiques correspondant à des orientations/initiatives actuelles de la Région :

• un groupe centré sur les Eco quartiers qui font l'objet de plusieurs initiatives dans le Nord-Pas-de-Calais, expériences concrètes et démarches réflexives à travers la rédaction de chartes ou de guides de référence ;

• un groupe consacré aux Maison de Santé qui font l'objet d'un processus d'expérimentation initié par la Région depuis 2007 ;

• le dernier focus était centré sur le Dialogue Social Territorial qui fait l'objet d'une étude action, également initiée par la Région, dans le cadre du SRDE.

La démarche pour chacun de ces groupes focus a consisté à analyser en quoi le temps est un élément déterminant au regard de la réalisation des objectifs attaché à chacun des champs observés. La méthode a été d'une double nature : tout d'abord, des échanges très libres/ouverts afin d'identifier, d'une part, quelles étaient les convergences/divergences relatives à l'importance de la dimension temporelle, d'autre part, quels étaient ses points d'application. Des échanges avec des acteurs de terrains venus expliciter des cas en cours de réalisation ont permis d'étayer ces analyses.

D'emblée, il convient de préciser que ces trois groupes focus n'avaient pas le même statut. Maisons de santé et Eco quartier ont une vocation opérationnelle tandis que la question du Dialogue Social Territorial, outre son ambivalence théorique et pratique (cf. infra), renvoie à un processus, à une façon de procéder. Cela n'ôte rien aux interactions fortes entre les problématiques de ces trois focus qui ont pu être mises en évidence au cours des travaux. Simplement, et avant d'entrer plus avant dans l'analyse des principaux enseignements, il apparaît important de souligner, d'une part, que le concept de Dialogue Social Territorial demande à être précisé plus dans ses objets et dans son rapport aux acteurs du territoire (périmètre des acteurs), que dans ses finalités, d'autre part, que s'il est revisité, il apparaît alors transversal vis-à-vis aux deux autres focus, apparaissant comme une des conditions e la réalisation des Eco quartiers et des maisons de santé.

Des interactions fortes avec les objectifs et méthodes des politiques temporelles

Eco quartiers et Maisons de santé attestent au regard de leurs objectifs d'interactions profondes avec ceux des politiques temporelles. Chacune de ces deux thématiques renvoie, en effet, aux notions de qualité de vie (la santé est un élément central de la qualité de vie), notamment au travers de questions liées à l'accessibilité, à la mobilité, à l'égalité et à la cohésion sociale. Eco quartier et Maisons de santé font référence à des notions de mixité et de diversité (humaine et d'activités), de lien social, de mutualisation, de qualité de l'emploi, ce qui se retrouve dans les principes qui sont au fondement des politiques temporelles. À l'observation, il apparaît que ces dimensions temporelles ne sont pour l'instant pas prises en compte en tant que telles dans la façon de rendre opérationnels les principes structurants des Eco quartiers et des Maisons de santé. A tout le moins, elles ne sont pas explicitées.

Problématique des Eco quartiers dans une perspective de politique temporelle

A Limeil-Brévannes (Val de Marne) un projet d'éco quartier à énergie positive s'appelle « Temps durables ». C'est bien là la question soulevée par une approche temporelle des éco quartiers : promouvoir des temps durables, des temps soutenables qu'il s'agisse du temps du travail, de celui du transport, du temps familial, du temps des soins aux autres, du temps physiologique, du temps de loisir, du temps de la vie sociale et de participation citoyenne, du temps pour soi, etc.

Le concept « éco » que l'on trouve dans l'expression éco quartier réfère le plus souvent à des dimensions techniques en lien avec l'environnement (réduire l'empreinte écologique à travers la baisse de la consommation d'énergie - voire à travers celle de quartier à énergie positive - utiliser des matériaux recyclables et des méthodes de recyclage des énergies et des sources naturelles, par exemple les eaux de plus, le solaire etc) mais il réfère aussi à des dimensions sociales voire sociétales (le vivre ensemble), tout au moins dans l'objectif à atteindre (cf. les chartes).

En effet, un éco quartier est un quartier urbain ( mais le groupe focus nous a permis d'étudier le cas d'un éco quartier rural ) qui s'inscrit dans une perspective de développement durable et inclus les trois dimensions, environnementale, sociale et économique : il doit réduire au maximum l'impact sur l'environnement, favoriser le développement économique, la qualité de vie, la mixité et l'intégration sociale. Il promeut la participation des citoyens en amont (la conception du quartier) et leur participation à la vie du quartier (démocratie participative). Cela exige du temps.

Un autre aspect de l'éco quartier est sa multi fonctionnalité ou plutôt l'effort mis sur la conception multi fonctionnelle des différentes infrastructures envisagées : entre logements, activités, équipements et espaces publics. Cela en lien avec les objectifs visés de favoriser l'accessibilité et la mobilité (tout en réduisant les déplacements automobiles).

Dans cette approche, un éco quartier devrait être attentif à tout ce qui a été mis en évidence/ recherché par les politiques temporelles : la qualité de vie ; la cohésion sociale ; l'égalité ; l'accessibilité aux services et aux différentes activités qui font la vie quotidienne (travail, transport, services de toute nature, marchands et non marchands) dans un objectif d'accorder aux utilisateurs (résidents, navetteurs, utilisateurs temporaires ...) une plus grande autonomie dans la gestion de leurs temps sociaux ce qui implique de travailler les notion de proximité et déspécialisation des espaces ; le vivre ensemble, à travers une vraie vie de quartier, des temps et espaces communs (cf. la Journée du citoyen en Italie ).

En pratique, les éco quartiers sont fondés sur des normes techniques qui donnent la primauté à la dimension environnementale par rapport aux dimensions économiques et sociales. Ainsi, les critères retenus pour primer des projets d'éco quartiers sont la gestion e l'eau et celle des déchets, la mobilité, la sobriété énergétique, la densité et l'éco construction. L'architecture des bâtiments - qu'ils soient d'habitat ou dédiés à des activités marchandes ou administrative, de loisirs, culturelles, de sport, etc. - va donc être pensée d'abord au regard de ces critères environnementaux et non en fonction de la façon dont ces lieux vont être utilisés, habités.

L'appréhension des dimensions temporelles de l'éco quartier

Lorsqu'on lit les articles ou dossiers consacrés aux éco quartiers, la question du temps se retrouve exclusivement abordée (de façon littérale, directe) sous l'angle de la durabilité (ville durable comme on parle d'un environnement durable) : c'est-à-dire, soit de façon clivée soit de façon conjointe, le maintien dans le temps à travers une articulation avec l'idée de ressources planétaires limitées, ou bien une ville qui articule passé, présent et à venir (mémoire et projections dans le temps, extirpation de la culture du présent et de l'urgence).

En filigrane toutefois, la notion de ville durable qui parle de qualité de vie, de mixité sociale et fonctionnelle, de cohésion sociale, de mobilité douce, de démocratie participative suggère que le temps va y jouer un rôle important. Qualité de vie implique, non seulement une grande fluidité dans les usages du temps, dans l'articulation entre les différents temps de la vie quotidienne, mais aussi une appréhension des mutations de ces usages au cours de la vie (la mixité temporelle liée à l'intergénérationnel). Mixité sociale suggère la cohabitation de plusieurs structures de temps, celle des cadres, celle des artistes, celle des employés et ouvriers. Poussée plus loin, à la mixité ethnique, elle suggère la cohabitation de cultures différentes du temps (« vous avez l'heure, nous avons le temps »). Mixité sociale et ethnique, habitat intergénérationnel suggèrent la cohabitation de temps différents, de rythmes différents, et conjointement la nécessité de temps communs. Mixité fonctionnelle suggère des questions d'accessibilité temporelle, d'articulation entre temps de production, temps de consommation, temps de rencontres, temps pour soi, entre rythmes différenciés d'activités fonctionnant sur un temps mondialisé et d'autres ancrées dans le local (voir par exemple le concept émergent de tiers lieux qui seraient dédiées au télétravail mais qui seraient également des centres de services de la vie quotidienne).

Transports doux, mobilités douces supposent non seulement un espace urbain (qui ne soit pas limité à l'éco quartier) fonctionnant selon le principe structurant de la proximité (c'est-à-dire une mixité fonctionnelle associant logement, emplois, services administratifs et de la vie quotidienne - accueil des enfants, des personnes dépendantes - activités de loisirs et de temps libre - équipements sportifs, culturels etc. - afin que puissent être utilisés des modes doux de déplacement - vélo, marche, véhicules électriques, TC - etc.).

Démocratie participative - on parlera aussi d'éco-citoyenneté - suppose que les habitants et utilisateurs aient le temps de participer : pour cela leur ressource temps ne doit pas être épuisée par le travail, le transport, les soins aux enfants, les temps de consommation 87 ( * ) etc.

Les maisons de santé comme processus d'articulation entre santé et territoire à travers la prise en compte des dimensions temporelles.

Promouvoir une réponse territoriale aux questions de santé à travers la mise en oeuvre de maisons de santé, suppose, comme dans le cas des Eco quartiers, de prendre en compte les dimensions temporelles de la santé, des acteurs de la santé, des habitants et du territoire. On retrouve au fondement de la réflexion sur cette thématique les notions d'accessibilité, de la synchronisation entre le temps des patients et celui professionnels de la santé (et partant de la réciprocité au regard du fonctionnement horaire des différentes institutions de santé), de multifonctionnalité et de mutualisation ... Réfléchir à la localisation d'une Maison de santé en territoire rural suppose une bonne connaissance de la répartition géographique de la population, notamment au regard de sa catégorisation par âge, et sa mise en relation avec le système de transport (question de l'accessibilité qui peut être instruite au moyen des cartes chronotopiques). De la même manière qu'un éco quartier ne peut être envisagé sous sa seule dimension technique et technologique, une maison de santé ne peut pas être évaluée au seul regard des indicateurs de santé usuels : il convient en effet de tenir compte des réalités socio-économiques susceptibles d'influencer la santé des personnes (cf. les travaux relatifs au rôle que joue la dimension temps au regard du bien-être - Rapport Fitoussi, Sen, Stiglitz, 2009 ou ceux de l'OCDE sur les indicateur du bien-être, 201). Il faut également que soient prises en compte la question de l'accessibilité (temps et moyen utilisables dans des conditions économiques et environnementales durables) tout comme celle de la sensibilisation à la prévention, qui elle aussi demande du temps (marcher ou utiliser le vélo au lieu de prendre sa voiture ; prendre le temps de participer à des activités sportives etc.). La santé c'est, aussi, un environnement matériel et relationnel.

Aborder le concept de Maisons de santé à partir de la question temporelle permet de tenir compte des spécificités locales (où sont les habitants ? quelles sont leurs conditions sociales et sanitaires ? quelles sont leurs possibilités d'accès aux infrastructures sportives, de loisirs et culturelles ? etc.) et de les resituer au regard des enjeux interterritoriaux (cf les travaux de l'IAU IdF sur la façon de mesurer les niveaux d'accessibilité aux équipements de proximité, 2011).

Dialogue social territorial ou dialogue sociétal ? quelques précisions

La façon dont ont été appréhendés les Eco quartiers et les Maisons de santé, et l'objectif de leur donner une forme concrète supposent des formes nouvelles de diagnostic partagé à l'échelle d'un territoire et de co-construction de solutions. Il s'agit de mettre en oeuvre une forme de « gouvernance » qui permette une coopération entre entreprises et autres organisations publiques ou parapubliques (salariés et direction), institutions territoriales (collectivités locales) et société civile. Dès lors, on peut se poser la question de savoir si l'on est en présence d'un dialogue social qui prend le territoire comme lieu d'action parce que la nature des problèmes traités est profondément territorialisée ? Ou s'agit-il d'un dialogue social élargi qui, en complément du dialogue social sectoriel, prend comme scène permanente le territoire mais en limitant le nombre d'acteurs ? Ou, enfin, est-on en présence d'un dialogue sociétal local qui serait le signe d'une démarche nouvelle et qui se déploierait en complémentarité avec le dialogue social ? Les démarches entreprises par la Région dans le cadre du SRDE se situent, nous semble-t-il, sur l'un des deux premiers registres selon les cas retenus (quatre expérimentations vont être conduites dans le cadre de cette étude-action).

En préconisant une approche temporelle tant des Eco quartiers que des Maisons de santé, le groupe « Temps -territoires - Développement Durable Nord-Pas-de-Calais » s'inscrit dans une démarche de dialogue sociétal local.

Le temps comme catalyseur du dialogue sociétal local

Une des conclusions du rapport de synthèse élaboré à l'issue du séminaire 2008/2009 était que l'émergence de nouveaux conflits temporels et de nouvelles contraintes d'accessibilité spatiales et temporelles concernait tant les entreprises, les institutions que les individus et la société civile. Les politiques temporelles locales, en prenant le temps pour point d'application dans un objectif d'amélioration de la qualité de vie, d'égalité, de renforcement de la cohésion sociale et de développement soutenable, ont mis en évidence ces tensions et se sont attachées à inscrire leur atténuation dans leurs politiques d'aménagement. Face à l'éclatement des espaces, des temporalités, des mobilités, la prise en compte du temps dans l'aménagement urbain est incontournable. Dans un espace polychrone, les conflits d'usage portent sur l'espace mais aussi sur le temps c'est-à-dire l'occupation du temps et la gestion des rythmes urbains (et le plus souvent sur la combinaison des deux : pas de lieu sans temps, pas de temps sans lieu). C'est aussi une condition de la cohésion sociale dans la mesure où, sans débat public, sans prise en compte des inégalités de temps, les ajustements se feront au détriment des plus faibles. La résolution de ces tensions suppose donc une coopération active et la plus large possible des différents acteurs à même d'exposer les enjeux et de déterminer les actions à mener sur la base de la place spécifique que chaque acteur occupe sur le territoire.

Adopter l'approche par les temps dans un objectif de développement territorial durable signifie basculer d'une logique de gain de temps à une logique de qualité de temps et donc de qualité de vie/qualité de la ville (en lien avec les problèmes liés aux évolutions climatiques et à l'épuisement des ressources énergétiques). C'est par exemple, le dilemme entre être transporté plus rapidement ou mieux (i.e. dans des meilleures conditions).

Trois ressources fondamentales sont à prendre en compte dès lors que l'on pense aménagement urbain ou du territoire : l'énergie, le temps et l'espace. D'une façon générale, les marges de manoeuvre sur l'énergie et l'espace sont faibles tandis que celles relatives au temps sont plus amples, d'autant que le temps peut d'une part se composer, s'articuler aux deux autres, d'autre part se décliner selon des rythmes diurnes, nocturnes, hebdomadaires, saisonniers.

Le temps est l'un des rares enjeux de politiques publiques dont la responsabilité de la prise en compte soit transversale. Compétence de tout le monde et de personne, le temps est l'un des seuls thèmes qui permette d'engager le débat avec l'ensemble des acteurs publics et privés. La question du temps oblige au partenariat depuis la phase d'observation jusqu'à celle de l'expérimentation et de l'évaluation.

Comment rendre effective la participation réelle des citoyens

Impliquer les citoyens, les habitants, les usagers du territoire dans le contexte des politiques temporelles signifie coconstruire avec les acteurs qui disposent d'une expertise d'usage plutôt que de simplement faire participer ou informer/consulter. Il s'agit de privilégier une approche sensible aux usages, à la vie quotidienne (intégrer la dimension qualité des espaces, mais aussi celle du « vivre ensemble »).

Idéalement, le dialogue sociétal local implique une large palette d'acteurs : élus et techniciens des collectivités locales, entreprises, organisations syndicales, associations, mais aussi habitants et usagers temporaires du territoire. Dès lors, il est nécessaire d'imaginer des formes nouvelles de légitimité démocratique ainsi que de nouvelles formes de participation (via des enquêtes directes auprès des personnes concernées, la mobilisation via les NTIC, etc.) et de nouvelles façons d'envisager le périmètre des acteurs (par exemple, on peut imaginer une citoyenneté temporaire, éphémère qui implique ceux qui ne vivent pas dans l'espace concerné mais l'utilisent, le parcourent, y vivent une partie de la journée ou de la semaine.

La problématique du dialogue sociétal local apparaît ainsi transversale aux autres focus (maisons de santé et éco quartier) : c'est à propos de ces deux objets d'analyse que l'on peut mettre en oeuvre le dialogue sociétal local.

Conclusions provisoires en termes de perspectives d'action pour la Région

Les travaux des trois groupes focus ont permis de confirmer la valeur ajoutée que constitue la prise en compte du temps, dans ses différentes dimensions, au regard des thématiques analysées. De ce point de vue, les travaux du groupe sont venus confirmer le constat tiré à l'issue du séminaire 2008/2009 : « Dans une économie et une société de service, réguler les enjeux temporels permet de soutenir le développement économique, d'améliorer la qualité de vie, de diminuer les inégalités sociales et territoriales au regard de l'accessibilité des services, de prendre en compte les enjeux écologiques ... en d'autres termes de favoriser le développement durable ». Tous les exemples qui ont pu être évoqués au cours des séances de travail relatives aux Eco quartiers ou aux Maisons de Santé ont montré l'intérêt qu'il pouvait y avoir à mener des diagnostics temporels et à utiliser ceux-ci comme levier des actions futures. Ces travaux montrent qu'à rebours du constat pessimiste d'Harmut Rosa qui pense que les politiques publiques ne peuvent pas limiter le mouvement d'accélération du temps (Rosa, 2010), il est possible d'initier des politiques publiques génératrices d'une amélioration de la qualité de la vie.

Ainsi, une des premières pistes d'action pour la Région pourrait être de procéder à une évaluation temporelle du fonctionnement des Eco quartiers (et non pas seulement à leur impact énergétique) et des Maisons de santé : si les mobilités et accessibilités sont fluides à l'intérieur du quartier, comment est-il relié au reste de la ville ou de l'espace dans lequel il est inscrit ? Quels types d'emploi a-t-il généré ? Dans quelles activités ? Quels sont les temps de liaisons entre ce quartier et les autres parties de l'espace urbain ? Comment contaminer les autres parties de la ville avec les principes qui sont au fondement de l'éco quartier ? Qui participe au gouvernement du quartier, quelles catégories (de genre, d'âge, de qualification, d'activité, ethnique) sont inscrites concrètement dans la gouvernance du quartier (le temps disponible est ici crucial).

Plus généralement, le chrono-urbanisme qui consiste à intégrer la question des temps, à travers un dialogue sociétal local, en amont de la production urbaine (ce qui est apparu nécessaire lors des débats qui se sont noués au regard des Eco quartiers et des Maisons de santé), génère une multiplicité de points d'application potentiels du dialogue sociétal local qui ont déjà fait l'objet d'initiatives par les collectivités locales ailleurs en France et en Europe :

- les pactes pour la mobilité (décaler les horaires, désynchroniser ou plutôt resynchroniser différemment à l'aune d'une recherche de plus grande diversité des horaires, mutualiser les moyens de transports, organiser l'information sur les transports, intégrer des services dans les transports etc.) ;

- l'ouverture des bibliothèques/médiathèques et autres équipements le dimanche ou en soirée ;

- les services temporellement adaptés (crèches aux horaires décalés pour permettre aux inactifs de passer en emploi) ;

- les banques du temps ;

- la mixité des usagers dans des lieux polychroniques (des locaux scolaires, gymnases etc) que l'on peut utiliser le soir, le week-end etc. (voir par exemple les écoles fenêtres au Pays Bas).

Une des conclusions des groupes de travail qui se sont réunis en plénière à trois reprises a été de préconiser un accompagnement de projets concrets, afin de montrer que « c'est possible ». Il rejoint de ce point de vue les conclusions du rapport de synthèse du séminaire 2008/2009 qui avait identifié des « chantiers » parmi lesquels outre les maisons de santé, le Louvre Lens pour lequel les enjeux temporels sont centraux (accessibilité, horaires de fonctionnement, insertion dans l'espace-temps local encore fortement marqué par l'histoire minière, etc), la question des temps d'accès à la métropole lilloise depuis les différents points du territoire et les relations entre ces différents points, ou encore des actions dans le domaine de l'éducation, tant à partir des concepts de l'école culturelle que de l'école virtuelle auxquels il nous semble nécessaire d'ajouter celui d'école élargie à l'image de ce qui est développé aux Pays-Bas.

Si les travaux menés en 2010/2011 ont confirmé cette nécessité d'accompagner/initier des projets concrets expérimentaux (une expérience d'école élargie pourrait être initiée par la Région) ou non, ils ont également confirmé d'autres éléments d'action du Conseil Régional qui avaient été suggérés lors de la première phase en 2008/2010 :

- sensibiliser les différents acteurs institutionnels et socio-économiques de la région. Cela demande un engagement et des initiatives spécifiques ; en d'autres termes que des forces et des ressources y soient consacrées ;

- assurer une mission de veille informationnelle et d'animation de débats qui soit en mesure d'identifier les enjeux temporels au sein des principaux projets engagés dans la région. Il s'agit aussi de repérer les acteurs régionaux déjà sensibilisés par ces enjeux et de capitaliser leur expérience ;

- constituer une « instance ressources » permettant d'accompagner les projets « phares » ou « pilotes » et de former les acteurs chargés de les mener. Cette « instance ressources » s'appuiera d'une part sur les réseaux d'acteurs nationaux et européens (l'association Tempo territorial, le club économie de la fonctionnalité et développement durable ...), d'autre part sur les chercheurs de la région (IFRESI, INRT ...), les agences d'urbanisme, les institutions de formation des urbanistes et des architectes, les membres des antennes locales du CNFPT ;

- contribuer à ce que les dispositifs d'évaluation des politiques régionales intègrent les dimensions temporelles. A cette fin « l'instant ressources » pourra concevoir des méthodes d'évaluation en cohérence avec les problématiques identifiées et arrêtées par le Conseil Régional.

Enfin, il nous paraît utile de rappeler les trois postures que la Région pouvait adopter pour soutenir son action :

- lancer des projets directement dans ses champs directs de compétences, comme par exemple le transport ;

- accompagner des projets déjà existants initiés par d'autres acteurs publics et privés ;

- inciter, à travers des appels à projets (voir l'exemple italien), les autres acteurs régionaux, notamment les autres collectivités territoriales, à s'engager dans des démarches de régulation des temps sociaux ou dans des expérimentations (par exemple dans le domaine de l'éducation et de l'accueil des enfants).

Éléments de synthèse

1. Dans une société dont la dynamique est fondée sur les services, les questions temporelles sont au coeur des tensions sociales et économiques . Les conditions d'accessibilité temporelle s'ajoutent aux enjeux de solvabilité, et sont à l'origine de nouvelles inégalités sociales. Les formes de synchronisation/désynchronisation des temps de travail vis-à-vis des temps de disponibilité des bénéficiaires de service représentent des obstacles ou des leviers au développement des activités productives contemporaines. La prise en compte des enjeux temporels ne représente pas un « supplément d'âme », mais est au centre d'une capacité d'agir de manière opérationnelle dans une perspective de développement durable.

2. Mettre en place des dispositifs d'identification des tensions temporelles, des dysfonctionnements temporels ou des conflits d'usages sociaux, est le moyen de repérer les obstacles au développement pour les surmonter, les dépasser. Cela ne relève pas d'une politique comme les autres dans la mesure où ces enjeux sont transversaux aux champs classiques des politiques publiques territoriales.

3. Prendre en charge les enjeux temporels dans les politiques publiques, c'est le moyen d'approfondir la démocratie en acte car cela exige de s'appuyer sur l'expérience des acteurs économiques, sociaux, institutionnels. C'est un levier de donner la parole à tous de manière concrète et opérationnelle, de s'appuyer sur l'expérience de tous et ainsi de sortir de la domination symbolique des experts techniques ou politiques.

4. Prendre en charge les tensions temporelles conduit à concevoir de nouvelles réponses aux attentes des ménages, des entreprises, des institutions. Cela exige à procéder à des formes de « sauts systématiques » dans la façon d'aborder le périmètre des enjeux à traiter. Par exemples, cela conduit à ne plus poser simplement les problèmes en termes :

a. de soin, mais de santé afin d'intégrer la prévention, comme les activités connexes aux soins ;

b. de transport mais de mobilité afin d'engager des politiques qui abordent les enjeux de l'inter-modalité des systèmes de transport, de l'information et de la « billettique », des services à bord comme des services dans les lieux d'échange de modalité de moyens transport ... ;

c. de cadre bâti, mais de modalités d'habiter des quartiers afin de s'engager dans un urbanisme durable à même de penser les articulations entre les différentes fonctionnalités de la ville, du quartier ...

5. La conception et la mise en oeuvre de ces réponses intégrant les enjeux temporels représentent un levier de mise en oeuvre concrète des exigences du développement durable dans la mesure où le temps est un moyen d'envisager de manière articulée les questions sociales, environnementales et économiques.

6. Les dynamiques temporelles conduisent les acteurs à se déplacer vis-à-vis de leur compétence et champ d'action « classiques ». Cela les conduit à renouveler leur rapport aux territoires locaux tout en prenant conscience de la nécessité d'articuler différentes échelles d'action. Dans cette perspective, les enjeux temporels remettent sur le devant de la scène les questions du « vivre ensemble », du politique. Les territoires infranationaux apparaissent comme des lieux où se construisent des compromis sociaux (le dialogue sociétal territorial) fondés sur des cohérences temporelles locales.

7. En définitive, les politiques temporelles ont ceci de spécifique qu'elles sont transversales à l'action publique territoriale. Dans cette perspective, elles représentent un levier pour que les directions des services puissent opérer en synergie les unes avec les autres. La mise en oeuvre de ces coopérations transverses représente une nouvelle manière de travailler, plus efficace et pertinente, tant pour les élus que pour les services techniques. Cela fait évoluer les métiers des uns et des autres. C'est donc un projet en direction de la société civile comme un levier d'évolution de l'institution territoriale dans son mode de fonctionnement en prise avec les enjeux de développement durable.

7. Convention entre la région Nord-Pas-de-Calais et Lille Métropole : mise en place d'une démarche d'expérimentation avec un territoire dans le cadre de la démarche sur la prise en compte des temps dans l'aménagement du territoire à l'échelle régionale en Nord-Pas-de-Calais

Région Nord-Pas-de-Calais

Commission permanente du conseil régional

Délibération n° 20140569

Réunion du 7 avril 2014

Exercice Budgétaire : 2014 Programme : 0202 Autres moyens généraux

Thème : Développement Durable

Objet : Démarche d'expérimentation avec un territoire dans le cadre de la démarche sur la prise en compte des temps dans l'aménagement du territoire à l'échelle régionale en Nord-Pas-de-Calais

La Commission Permanente du conseil régional Nord-Pas-de-Calais réunie le 7 avril 2014, sous la présidence de Monsieur Daniel PERCHERON,

Vu le Code Général des Collectivités Territoriales,

Vu le Code des Marchés Publics,

Vu l'ensemble des décisions budgétaires de l'exercice 2014, adoptées jusqu'à ce jour,

Vu la délibération n°20102707 des 15, 16 et 17 décembre 2010 adoptant le règlement budgétaire et financier,

Vu la délibération n°20131950 du 26 septembre 2013 adoptant le projet d'actualisation du Schéma Régional d'Aménagement et de Développement Durable du Territoire (SRADDT) et de ses volets

Vu la délibération n° 2010 0613 des 21 et 22 avril 2010 donnant délégation à Monsieur le Président du

Conseil Régional Nord Pas-de-Calais pour la préparation, la passation, l'exécution et le règlement des marchés et des accords-cadres, ainsi que toute décision concernant leurs avenants lorsque les crédits sont inscrits au budget,

Vu la délibération n° 20100614 des 21 et 22 avril 2010 portant délégation à la Commission Permanente,

Vu la présentation en Commission Développement durable, démocratie participative, évaluation lors de sa réunion du 18 mars 2014,

PREAMBULE :

La Région a engagé à partir de 2008 et dans le cadre du Schéma Régional d'Aménagement et de Développement du Territoire (SRADT) une démarche prospective sur la prise en compte des temps dans l'aménagement du territoire à l'échelle régionale en Nord-Pas-de-Calais. Les enjeux de cohésion sociale et territoriale liés au temps individuels et collectifs ont en effet amené l'inscription dès 2006 d'un objectif intitulé « accompagner les territoires dans la mise en place de politiques des temps ».

La nécessité d'une étape d'expérimentation avec un territoire volontaire a été identifiée: il est nécessaire en effet de mieux cerner les conditions d'appropriation de la problématique des temps par les acteurs locaux.

Lille-Métropole Communauté Urbaine a répondu favorablement à l'interpellation de la Région lui proposant une telle expérimentation, compte tenu de l'émergence de la question des temps dans des démarches comme, le Plan Climat de Lille-Métropole ainsi qu'à travers une saisine de son Conseil de Développement.

Le projet est décrit en annexe 1.

Une convention d'objectifs est proposée entre les deux collectivités, précisant leurs objectifs communs, le thème principal du partenariat ainsi que son mode de gouvernance (Annexe 2)

DECIDE

De mener, en partenariat avec Lille-Métropole Communauté Urbaine et les outils à son service, une expérimentation dans le cadre de la démarche sur la prise en compte des temps dans l'aménagement du territoire à l'échelle régionale en Nord-Pas-de-Calais. Cette expérimentation portera sur la question de la gestion des heures de pointe. Elle consistera en un diagnostic temporel du territoire, une identification de pistes d'actions, une co-construction de réponses opérationnelles avec les acteurs concernés et une diffusion des connaissances et des conclusions de cette démarche. Sa durée sera de deux ans.

De recourir à une assistance à maîtrise d'ouvrage pour accompagner cette démarche.

De lancer à cet effet une consultation dans le respect du code des marchés publics pour un coût prévisionnel de 30.000 € TTC. Cette somme est imputée sur la ligne budgétaire 930 0202/617.

AUTORISE

Monsieur le Président du Conseil Régional à signer les actes juridiques, administratifs et financiers correspondants.

DECISION DE LA COMMISSION PERMANENTE :

ADOPTE DANS SON INTEGRALITE

Daniel PERCHERON

Président du Conseil Régional

Contrôle de légalité en Préfecture de Région le : 18 avril 2014

ANNEXE DE LA DELIBERATION N°20140569

NOM DE L'OPERATION : Démarche d'expérimentation avec un territoire dans le cadre de la démarche sur la prise en compte des temps dans l'aménagement du territoire à l'échelle régionale en Nord-Pas-de-Calais

PRESENTATION DU PROJET :

• Rappel du contexte et historique

La Région a engagé à partir de 2008 et dans le cadre du SRADDT une démarche prospective sur la prise en compte des temps dans l'aménagement du territoire à l'échelle régionale en Nord-Pas-de-Calais. Les enjeux de cohésion sociale et territoriale liés au temps individuels et collectifs ont en effet amené l'inscription dès 2006 d'un objectif intitulé « accompagner les territoires dans la mise en place de politiques des temps ».

Cette démarche, appuyée sur une dynamique de groupe prospectif, a jusqu'à présent donné lieu à deux phases :

-2008-2009 : phase exploratoire destinée à vérifier la pertinence de l'échelle régionale et à identifier les problématiques et politiques régionales concernées.

Restitution en Atelier de prospective et lancement d'un groupe « Temps-Territoires-Développement Durable Nord-

Pas-de-Calais »

-2010-2011 : phase « focus » destinée à approfondir comment l'intégration de la dimension des temps constitue une valeur ajoutée pour qu'un projet atteigne mieux ses objectifs. Trois thèmes retenus : maisons de santé; éco-quartiers ; dialogue social territorial. Restitution en atelier de prospective.

Elles ont été appuyées par une assistance à maîtrise d'ouvrage et ont donné lieu à une production de rapports (dont un publié dans « Etudes Prospectives Régionales »).

Les principaux enseignements en sont les suivants :

-la dimension des temps, transversale par essence, articule les piliers du développement durable tout en valorisant l'» expertise d'usage » et les processus collectifs

-elle permet une autre compréhension du territoire qui renforce la dimension humaine

-elle permet de faire un saut qualitatif dans les raisonnements comme dans le caractère innovant de certaines réponses

-le temps est un sujet en soi (ex. : conciliation vie professionnelle-vie privée...) mais aussi un révélateur de différentes problématiques : égalité femme-homme ; mobilités/ transports ; conception de la ville ; organisation et fonctionnement métropolitain de la région ; disparités sociales et territoriales, place des services publics...qui interpellent les représentations collectives et la manière d'envisager les politiques.

• Objectifs de la démarche et thème retenu

La nécessité d'une étape d'expérimentation avec un territoire volontaire a été identifiée dès le départ compte tenu de la formulation du texte du SRADDT. Elle a par ailleurs été confortée dans l'approche collective : il est nécessaire en effet de mieux cerner les conditions d'appropriation de la problématique des temps par les acteurs locaux. Dans l'esprit d'un

SRADDT dont la mise en oeuvre suppose une co-construction avec les différents partenaires, une telle expérimentation vise donc les objectifs suivants:

- Passer à l'action en apportant des réponses concrètes, innovantes, appropriables et parlantes . Il s'agit aussi de comprendre comment la question des temps explicitée à l'échelle d'un territoire permet de mieux révéler les interactions d'échelles territoriales (en particulier territoire-région) et d'acteurs.

- Préciser « l'outillage » nécessaire pour une meilleure appropriation par les acteurs : argumentaire, bonnes questions à se poser, diagnostic temporel, connaissance à mobiliser, processus participatifs et besoins en animation...

- Identifier les possibilités de transfert dans différents contextes territoriaux

- Nourrir la mise en oeuvre du SRADDT évolutif et des chantiers qui lui sont liés (Indicateurs 21, résilience territoriale, DRA « Mobilités » et « Égalité des territoires », Égalité Femme-Homme, RASODD...

Lille-Métropole Communauté Urbaine a répondu favorablement à l'interpellation de la Région lui proposant une telle expérimentation, compte tenu de l'émergence de la question des temps dans des démarches comme le Plan Climat de Lille-Métropole ainsi qu'à travers une saisine de son Conseil de Développement. Un terrain de complémentarité évident entre les deux collectivités sur cette question peut s'illustrer par la place de la métropole lilloise dans le fonctionnement territorial régional et les nombreuses interactions auxquelles elle donne lieu, qui commencent à être également appréhendées à l'échelle de l'Aire Métropolitaine Lilloise. Il en est de même concernant les stratégies et politiques respectives en matière de mobilité.

Le sujet principal identifié conjointement expérimentation est celui de la question des heures de pointe.

Les situations récurrentes d'engorgement des infrastructures de la métropole lilloise impactent une bonne partie du territoire régional et affectent également une partie importante de la population. Elles interpellent à la fois l'organisation spatiale, les rythmes et l'organisation horaire, et mettent en scène des disparités sociales et territoriales qui se complexifient tant à l'échelle locale qu'à l'échelle régionale. Elles s'invitent de façon récurrente dans les débats des différentes collectivités du Nord-Pas-de-Calais.

L'analyse et la compréhension de ce phénomène, de ses déterminants, de ses impacts, impose des regards croisés permettant d'aborder le diagnostic de façon pertinente et décloisonnée et d'envisager des réponses s'appuyant sur les différents acteurs concernés.

• Méthodologie et pilotage

Compte tenu de la co-construction en cours, les éléments qui suivent seront précisés de façon conjointe entre la Région et Lille-Métropole.

La démarche sera organisée en trois phases afin de pouvoir adapter la gouvernance et les moyens aux différentes étapes. Ces trois phases seront :

- un diagnostic temporel du territoire métropolitain

- une élaboration de perspectives d'action

- l'action commune

PHASE 1 : Diagnostic temporel du territoire métropolitain

Cette phase visera à développer une connaissance et une compréhension partagées des phénomènes d'engorgement, dans l'optique de définir des perspectives d'actions adaptées : (caractérisation des différents aspects de la congestion, des lieux et des moments les plus critiques de la congestion, identification les grands générateurs de flux, acteurs et personnes régulièrement affectées...). Ce diagnostic sera relié aux travaux de l'AML qui recoupent en de nombreux points ces préoccupations.

Ce diagnostic pourra être conclu par une communication des résultats, notamment auprès du grand public. Les réactions et débats suscités faciliteront le repérage les acteurs à associer ensuite dans un processus participatif de recherche de solutions.

Cette première phase nécessite un pilotage resserré afin d'assurer une conduite optimale du diagnostic. Il est donc décidé de limiter le comité de pilotage à un binôme Région/Lille Métropole.

PHASE 2 : Élaboration des perspectives d'action

Cette seconde phase sera un moment charnière pour la démarche commune envisagée. Sur la base de la photographie réalisée en amont, elle visera à identifier les perspectives d'action pour remédier aux difficultés identifiées. A cette occasion, des problématiques dépassant la stricte question des heures de pointe seront certainement repérées et alimenteront la définition d'une politique communautaire des temps de la ville ainsi que les complémentarités avec celles pouvant être envisagées à l'échelon régional.

Un important travail de partenariat sera nécessaire afin d'associer les acteurs du territoire à la définition des solutions (grands générateurs de trafic, opérateurs de transport, ...). Cela nécessitera la formation d'un comité de pilotage élargi.

PHASE 3 : Action commune

Cette troisième phase sera beaucoup plus opérationnelle : elle visera à s'emparer d'une des actions identifiées plus haut et d'agir de concert pour apporter une solution aux problèmes soulevés par le diagnostic. Ce partenariat d'action associera la Région, Lille Métropole et les acteurs du territoire concernés. Sans préjuger des conclusions de l'étude, cela pourra être par exemple le dialogue avec les grands générateurs de trafic pour faire évoluer leurs heures d'embauche ou de fonctionnement.

• Identification des différents moyens nécessaires :

Moyens existants :

- la Région avec les moyens techniques et humains de la D2DPE mais également des différentes Directions impliquées dans cette démarche, avec les productions issues du partenariat avec l'INSEE, avec le CERDD, avec l'Enquête Régionale Mobilité-Déplacements, à travers le partenariat avec les Agences d'Urbanisme...

- LMCU, avec ses moyens techniques et humains, ainsi que par les travaux lancés dans le cadre de l'élaboration du Plan Climat Métropolitain, avec la saisine du Conseil de Développement.

Besoins spécifiques identifiés pour l'expérimentation

Ils concerneront :

- la connaissance (besoins documentaires, études, analyses, expertise, témoignages...) ainsi que sa valorisation et sa diffusion.

Il s'agit tout autant, sous un co-pilotage Région-LMCU, de rassembler et de valoriser ce qui existe de façon parfois éparse que d'envisager une production de connaissance nouvelle.

Ces besoins seront mutualisés entre la Région et Lille-Métropole en s'appuyant sur leurs équipes techniques, outils à leurs service, et productions dans le cadre de leurs divers partenariats. Ils pourront être identifiés en lien avec l'animation collective et donner lieu, le cas échéant, à une expertise spécifique.

- l'animation collective (à l'échelle du territoire d'expérimentation ; à l'échelle régionale).

Le groupe « Temps-Territoires-Développement Durable Nord-Pas-de-Calais», qui avait été le lieu support de la phase « focus » de la démarche régionale, sera relancé. Associant les pilotes techniques du territoire d'expérimentation, il jouera un rôle important dans les phases clés de la démarche et de son pilotage :

o suivi de cette phase et cohérence dans le cadre de la démarche régionale

o vérification de la réalisation des objectifs

o identification des conditions de transférabilité sur d'autres territoires

o synthèse des éléments à mettre à disposition du co-pilotage

Dans l'animation de ce groupe, il s'agira :

- de comprendre les articulations d'échelles, les transversalités, les complémentarités entre acteurs,

- d'identifier et de formaliser les besoins de connaissance à produire, à valoriser, en appui à l'expertise locale,

- de recueillir les bonnes pratiques issues d'autres initiatives

- de préparation les restitutions à l'échelle régionale et locale

Une assistance à maîtrise d'ouvrage sera nécessaire pour la partie « animation ».

• Estimation du financement :

Trois postes sont donc mobilisés : équipes techniques des deux collectivités ; expertises complémentaires ; animation collective.

Sous réserve de précisions apportées conjointement par les deux collectivités dans le déroulement de cette démarche, les besoins en assistance à maîtrise d'ouvrage peuvent être estimés à 30 000 euros TTC.

• Établissement d'une convention d'objectifs

Pour une bonne coordination entre Lille-Métropole et la Région Nord-Pas-de-Calais, il est décidé d'encadrer cette démarche expérimentale d'une convention d'objectifs (Annexe 2).

Cette convention présente tout d'abord les objectifs communs des deux institutions :

- travailler en collaboration sur un projet qui concrétise les réflexions menées jusqu'à présent sur les temps de la ville

- développer un savoir-faire propre aux temps de la ville et valorisable, dans le cadre de l'expérimentation régionale, dans d'autres territoires du Nord-Pas-de-Calais et sur d'autres sujets repérés conjointement.

Elle précise ensuite le thème principal du partenariat : la question de l'engorgement de la métropole aux heures de pointe.

Elle régit enfin le mode de gouvernance de ce partenariat. Il y est inscrit que la Région Nord-Pas-de-Calais et Lille Métropole pilotent conjointement et à responsabilité égale cette expérimentation grâce à un comité de pilotage composé de deux Vice-Présidents représentant respectivement chacune des institutions.

CONVENTION PASSEE ENTRE LILLE METROPOLE ET LA REGION NORD-PAS-DE-CALAIS

Entre :

La Communauté Urbaine de Lille, Établissement Public de Coopération Intercommunale, sise 1 rue du Ballon, BP

749, 59034 Lille Cedex, représentée par sa Présidente, Madame Martine Aubry, désignée sous les termes

« LM », d'une part,

Et :

La Région Nord - Pas-de-Calais, Siège de Région, 151 Avenue du Président Hoover à Lille, ci-après dénommée

« la Région », représentée par son Président Monsieur Daniel Percheron, désignée sous les termes « Région

Nord-Pas-de-Calais », d'autre part,

Il est établi la présente convention

Préambule :

La dimension des temps imprègne nos fonctionnements collectifs et individuels à travers les horaires, les rythmes, les saisons ainsi que les différentes conciliations ou conflits qui en résultent (temps travaillé-temps privé, mobilités...). Très transversale, elle articule étroitement les piliers économique, social et environnemental du développement durable. Sa prise en compte débouche souvent sur de nouvelles approches, en particulier par les usages des équipements, des infrastructures ou encore des services qui sont de plus en plus légitimées par le contexte budgétaire contraint des collectivités.

Si elle parle à chacun dans sa vie quotidienne, la question du temps reste cependant complexe à analyser, compte tenu d'interactions entre ses traductions locales et ses déterminants plus globaux.

Depuis 2008, la Région Nord-Pas-de-Calais a mené une démarche sur la prise en compte des temps dans l'aménagement du territoire à l'échelle régionale. Riche de ces enseignements, elle souhaite désormais mettre en évidence les conditions de mise en oeuvre d'une politique des temps sur un territoire afin de pouvoir généraliser une telle démarche par la suite.

De son coté, Lille Métropole souhaite poursuivre la démarche engagée à l'occasion des travaux du Plan Climat Energies Territorial, en dessinant une politique communautaire des temps de la ville. Un partenariat avec le Conseil régional sur ce thème permettrait de mettre en évidence comment l'entrée « temps » renouvelle les approches et les réponses aux sujets complexes qui caractérisent son territoire.

Un terrain de complémentarité évident entre les deux collectivités sur cette question peut s'illustrer par la place de la métropole lilloise dans le fonctionnement territorial régional et les nombreuses interactions auxquelles elle donne lieu, qui commencent à être également appréhendées à l'échelle de l'Aire Métropolitaine Lilloise. Telle est donc la raison d'être du partenariat envisagé entre les deux collectivités sur le thème des temps de la ville.

ARTICLE 1 - OBJET ET DUREE DE LA CONVENTION

La présente convention vise à définir le contenu et les modalités du partenariat entre le Conseil régional Nord-Pas-de-Calais et la Communauté urbaine de Lille sur le thème particulier des temps de la ville.

Cette convention est conclue pour une durée de trois ans renouvelables à compter du 2 mai 2014.

ARTICLE 2 - OBJET DU PARTENARIAT

Lille Métropole et la Région Nord-Pas-de-Calais conviennent que les principaux objectifs de ce partenariat sont de :

- Travailler en collaboration sur un projet qui concrétise les réflexions menées jusqu'à présent sur les temps de la ville.

- Développer un savoir-faire propre aux temps de la ville et duplicable sur d'autres territoires

ARTICLE 3 - THEME DU PARTENARIAT

Le partenariat envisagé abordera prioritairement la question de l'engorgement de la métropole lilloise aux heures de pointes et prendra la forme d'une expérimentation.

Ce choix repose sur trois éléments principaux :

- L'engorgement de la métropole aux heures de pointe (qu'il s'agisse de flux internes ou externes) impacte et concerne les différentes échelles territoriales et ne peut être abordé de façon cloisonnée

- Cette question s'est invitée dans nos instances politiques respectives et attend des réponses.

- Nos compétences croisées en matière de mobilité et leur intégration dans les stratégies respectives nous permettraient d'agir de concert pour réguler et limiter ce phénomène.

ARTICLE 4 - MODALITES DU PARTENARIAT

Le mode de faire retenu par les deux collectivités est de procéder à une expérimentation qui sera composée:

- D'un diagnostic aboutissant à une connaissance et une compréhension partagées de la situation d'engorgement de la métropole en heure de pointe, (déterminer finement les périodes d'heure de pointe, identifier les grands générateurs de flux, connaître le profil des citoyens régulièrement confrontés aux heures de pointe)

- D'une phase opérationnelle consistant à mobiliser quelques générateurs de flux identifiés parmi les principaux afin d'envisager, en complémentarité avec les différents acteurs concernés, des évolutions dans leur organisation horaire au regard de leur impact sur le territoire.

Ce focus n'exclut en aucune façon d'autres sujets qui pourraient se révéler à l'issue de cette expérimentation.

ARTICLE 5 - GOUVERNANCE

Lille Métropole et la Région Nord-Pas-de-Calais conviennent d'organiser une gouvernance commune qui permette de piloter conjointement et à responsabilité égale cette expérimentation à travers le dispositif suivant :

1 - Comité de pilotage politique : Composé de deux Vice - Présidents représentant chacune des institutions.

2 - Un comité technique composé à minima des services de la Région (D2PE) et de Lille Métropole (DSDD) qui assurera l'organisation et la mise en oeuvre de cette expérimentation. Ce comité technique pourra être élargi aux directions thématiques concernées par cette expérimentation (mobilité, économie,...).

ARTICLE 6 - MOYENS

1- Etude diagnostic

La mobilisation de l'ADULM est envisagée pour compléter les données dont disposent les deux institutions. Dans cette perspective, l'étude serait pilotée par les mêmes comités de pilotage et comité technique définis plus haut enrichis de représentants de l'ADULM.

1- Animation

L'animation de cette démarche sera assurée par les équipes techniques de la Région et de Lille Métropole (D2DPE et DSDD). Des moyens humains sont donc mis à disposition de ce projet par les deux institutions pour le repérage des acteurs à associer en phase de diagnostic, l'organisation d'échanges et de rencontres, la capitalisation de ces échanges et l'aide à la décision dans la définition de la stratégie et du programme d'action.

La Région prendra en charge une assistance à maîtrise d'ouvrage destinée à appuyer cette animation et Lille Métropole participera pour sa part à l'élaboration du diagnostic.

ARTICLE 7 - AVENANT

Toute modification des conditions ou modalités d'exécution de la présente convention, définie d'un commun accord entre les parties, fera l'objet d'un avenant.

ARTICLE 8 - RESILIATION DE LA CONVENTION

En cas de non-respect par l'une ou l'autre partie des engagements respectifs inscrits dans la présente convention celle-ci pourra être résiliée de plein droit par l'une ou l'autre partie à l'expiration d'un délai de trois mois suivant la mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception.

ARTICLE 9 - LITIGES

Les litiges susceptibles de naître à l'occasion de la présente convention feront l'objet d'une procédure de négociation amiable et, autant que de besoin, il sera systématiquement, avant toute procédure contentieuse, fait appel à une mission de conciliation du Tribunal administratif de Lille dans le cadre des dispositions de l'article L 211-4 du code de justice administrative.

Pour la Présidente de Lille Métropole, Pour le Président du Conseil régional,

Le Vice-Président délégué et par délégation

La Vice-Présidente

Eric Quiquet

Myriam Cau

8. Après l'espace, penser l'aménagement temporel du territoire et de ses services, Jean-Pierre Moure, Président de la communauté d'agglomération de Montpellier88 ( * )

Depuis 2006, Montpellier Agglomération s'est emparée de la question temporelle sur le plan local. Après avoir mené beaucoup d'actions temporelles sur son territoire et réaménagé de nombreux services en interne au vu des évolutions des rythmes de vie, elle souhaite aujourd'hui penser plus globalement l'aménagement temporel de son territoire et des services à la population.

Depuis la fin de l'année 2012, au même titre que le Schéma de cohérence territorial (Scot) dans lequel l'aménagement spatial du territoire est pensé et optimisé, Montpellier Agglomération a lancé l'élaboration d'un Schéma directeur temps et territoire (SDiTT) pour penser l'aménagement temporel de son territoire et de ses services, ce qui constituera une première en France et en Europe.

Pourquoi cet intérêt pour l'aménagement temporel du territoire et des services ? Il nous semble que les grandes mutations qui sont intervenues en l'espace de quelques décennies en matière de temps sociaux et économiques interrogent le modèle temporel que nous souhaitons pour notre territoire. Par ailleurs, nous avons pris conscience que les temps d'accès, les horaires des services à la population, les rythmes scolaires, les rythmes de travail, structurent la vie sur notre territoire et nécessitent d'être mieux pensés, organisés et coordonnés. En nous emparant de ces questions, nous souhaitons proposer collectivement un fonctionnement temporel de notre territoire qui soit efficient et qui offre à chacun une bonne articulation de ses temps de vie. De cette volonté est né le SDiTT. Son élaboration est en cours. La première phase a été consacrée à la réforme des rythmes scolaires, qui va modifier les rythmes de vie de 25 % de notre population. Notre objectif est de le finaliser dans le courant de l'année 2015.

Cette Note traite des grandes questions et des différents champs d'application qu'abordera le SDiTT.

Des territoires et des institutions qui peinent encore à s'adapter aux mutations contemporaines

Jamais dans l'histoire d'aussi grandes mutations temporelles sont intervenues en si peu de temps. Celles-ci questionnent nos politiques publiques, l'organisation de nos temps sociaux au niveau national, mais aussi au niveau local.

Nous avons gagné au XX e siècle trente et un ans d'espérance de vie (+ 65 %), notre existence n'est donc plus la même. Au cours d'une vie en effet de nombreuses ruptures, de nombreux changements interviennent (séparations, réorientation professionnelle, périodes de chômage, innovations technologiques, mutations sociales...), des évolutions que notre organisation peine encore à accompagner. Quels services, quelles protections sociales développer pour accompagner la population dans ces mutations ? L'allongement de l'espérance de vie pose également la question des fondements de la retraite et son financement, car lors de sa création, seulement 5 % de la population atteignait l'âge de 60 ans, alors qu'aujourd'hui nous avons une espérance de vie de 81 ans. Doit-on concentrer le temps libre en fin de vie ? Ne faudrait-il pas plutôt repenser l'aménagement des différents temps tout au long de la vie ? Comment faciliter l'accès à l'emploi le plus longtemps possible (par exemple avec la garde des enfants, la prise en charge des personnes dépendantes) pour que le système par répartition puisse perdurer ?

La durée des études a augmenté de six ans au XX e siècle, elle s'élève aujourd'hui à 30 000 heures au cours d'une vie. L'âge moyen de sortie des études est désormais de 21 ans. Mais la formation demeure trop concentrée en début de vie, alors qu'il faudrait la repenser tout au long de l'existence pour maintenir dans l'emploi la population le plus longtemps possible au vu des évolutions technologiques et sociétales.

Le temps de travail rémunéré a été divisé par deux au XX e siècle et il ne représente plus que 10 % de la vie, soit environ 70 000 heures. Mais, du fait de la concentration de l'activité professionnelle entre 25 et 54 ans, à un moment où l'on est souvent parent, de l'entrée massive des femmes sur le marché du travail (84 % des 25-49 ans travaillent en 2010 contre 41 % en 1962) et de la répartition encore trop inégale des tâches domestiques et parentales entre les hommes et les femmes, la charge de travail (rémunéré et non rémunéré) est très inégalement répartie tout au long de la vie et s'est même alourdie à certaines étapes. Nous avons en effet d'un côté les parents actifs avec enfants qui cumulent une double journée de travail et rencontrent des difficultés pour articuler leurs différents temps de vie (pour s'occuper de leurs enfants, avoir une vie de couple, une vie sociale et citoyenne, prendre soin d'eux-mêmes) ce qui se répercute sur leur santé et le rythme de vie de leurs enfants. Et de l'autre côté, les jeunes et les quinquagénaires qui peinent à trouver un emploi, ainsi que les seniors, qui disposent de vingt années d'espérance de vie au cours desquelles ils doivent « occuper leur temps ». Faut-il maintenir cette organisation concentrée du temps de travail ? Ne faudrait-il pas plutôt la penser à l'échelle de l'existence, en permettant à chacun d'avoir une bonne articulation de ses temps de vie ? Comment inciter les entreprises à aller dans ce sens ?

L'entrée massive des femmes sur le marché du travail a aussi modifié en profondeur les temps sociaux et a généré des demandes en matière de garde d'enfants (crèches, dispositifs péri et extrascolaires...) sur les territoires.

Le temps libre a été multiplié par quatre en l'espace de trois générations (les vacances, les loisirs, la retraite...) et représente de nos jours 400 000 heures au cours d'une vie. Cela signifie que, sur le territoire, il y a en permanence du monde qui pratique des activités de loisirs. Par ailleurs, l'usage du temps libre est extrêmement diversifié, en fonction de l'organisation des temps de vie, des pratiques, des moyens. Mais certains rencontrent aujourd'hui des difficultés pour trouver une offre adaptée à leur temps libre (par exemple le fait pour un intérimaire de s'engager à l'année dans une activité), ce qui ne leur permet pas d'en profiter. Quelle politique de temps libre, quelle offre de loisirs, promouvoir sur le territoire ? Quelle politique touristique ?

Sur le plan technologique, en un siècle, la vitesse des transports a augmenté de 102 % ; celle des communications, de 107 % ; celle du traitement de l'information, de 1 010 % 89 ( * ) .On se déplace donc plus, plus vite, plus loin - physiquement mais aussi virtuellement -, et les choses sont faites plus rapidement. La morphologie des territoires tels qu'ils sont vécus en est donc transformée. Par ailleurs, la localisation physique perd de son importance, car on peut faire de plus en plus de choses, de n'importe quel endroit et à n'importe quelle heure, grâce aux nouvelles technologies. Quelle nouvelle offre de mobilité, de services, d'aménagement du territoire proposer au regard de ces évolutions ? Nous sommes passés dans les années 1970-1980 à une économie mondialisée, une société de services, de consommation, qui utilise les technologies de l'information et de la communication, le flux tendu et qui implique des taux de rentabilité élevés. Cela a induit un fonctionnement du travail 24 heures sur 24 7 jours sur 7, en temps réel, qui a conduit au développement de rythmes atypiques (travail de nuit, le dimanche, fragmenté, les trois-huit), de la flexibilité et de la précarité (CDD, intérim, chômage...). Ces changements ont généré des demandes de nouveaux services sur les territoires (par exemple des crèches, des transports, pour les travailleurs nocturnes, pour les intérimaires). Ils ont aussi engendré une opposition entre la ville qui dort et les activités nocturnes. Faut-il répondre à ces nouveaux besoins (les gardes d'enfants ou les transports le soir ou le dimanche) ? Quel compromis trouver entre les impératifs économiques et les rythmes humains ? Quel aménagement du territoire au regard de cette tendance au 24 heures sur 24, en sachant que les collectivités ne pourront pas financer partout des services ouverts en continu ?

L'ensemble de ces évolutions nous a fait passer très rapidement d'une « société industrielle taylorienne », caractérisée par des rythmes massifs et standardisés ainsi que par une division du travail entre genres (l'homme actif et la femme au foyer), à une « société à mille temps », dans laquelle les femmes et les hommes travaillent, les rythmes de travail sont diversifiés, intensifiés, le temps libre a augmenté et où l'économie mondialisée fonctionne en permanence. Ces mutations temporelles, interrogent nos politiques publiques nationales, mais aussi locales en ce qui concerne les services à la population, l'aménagement du territoire, l'aménagement du temps de travail et les activités économiques.

Le temps, un facteur important de la qualité de vie et de l'aménagement du territoire, trop souvent négligé

Les temps d'accès, l'amplitude horaire des services à la population, les rythmes scolaires, les rythmes de travail, structurent la vie sur nos territoires. Mais la dimension temporelle est souvent négligée, alors qu'elle est aussi essentielle que l'espace.

Les temps d'accès aux services et activités du territoire structurent la vie quotidienne

Le temps que l'on met pour emmener ses enfants à l'école, se rendre au travail, pratiquer une activité de loisirs, faire ses courses... conditionne notre pratique du territoire, facilite ou non l'organisation de nos temps quotidiens. Finalement ce n'est pas la distance, mais bien le temps nécessaire pour se déplacer qui est important. C'est au regard des temps d'accès et non de la distance que la personne fera ses choix d'habitation, fréquentera plutôt tel ou tel service à la population, optera pour un mode de transport plutôt qu'un autre. L'aménagement des bassins de vie du territoire, la localisation des équipements d'intérêt communautaire doit donc se faire aussi au regard des temps d'accès.

Par ailleurs, on constate que l'augmentation de la vitesse des déplacements n'a pas conduit à la réduction du temps de transport quotidien, qui est resté constant au fil des décennies, mais qu'elle a au contraire favorisé l'allongement des distances parcourues et donc l'étalement urbain que nous connaissons. La maîtrise de l'étalement urbain passe donc par une meilleure maîtrise des temps d'accès, au-delà de la maîtrise foncière et de la qualité urbaine.

Il est donc essentiel que l'aménagement du territoire soit aussi pensé au regard des temps d'accès. Comment structurer les vitesses (voiries, transports en commun) pour favoriser une organisation du territoire autour de pôles urbains équilibrés et maîtrisés ? 90 ( * )

Quelle localisation pertinente au regard des temps d'accès et des différents bassins de vie pour les services, les commerces, les écoles, l'emploi, l'habitat ? Comment optimiser les temps de parcours en transports en commun et en modes actifs ?

Aller vers une ville compacte, multifonctions, moins chronophage, qui concilie et gère des usages temporels différenciés

Pour faciliter une bonne gestion des temps quotidiens, il faut passer du modèle chronophage de la ville éclatée en différentes fonctions (logement, commerce, travail, loisirs) à un modèle de ville compacte avec une grande mixité des fonctions urbaines (par exemple, le fait de pouvoir manger, faire des courses, pratiquer une activité de loisirs... à proximité de son travail entre 12 heures et 14 heures).

Aller vers ce modèle de ville améliorera la gestion des temps quotidiens, mais risquera aussi de générer des conflits entre des régimes temporels divergents (par exemple entre ceux qui dorment et ceux qui font la fête). Il faut donc structurer la mixité des fonctions urbaines pour que leurs différents régimes temporels puissent cohabiter, mais aussi développer des outils de médiation pour gérer les conflits temporels existants.

Exemple : La mairie de Paris organise des concertations qui aboutissent à des « chartes locales des usages », qui contractualisent des engagements réciproques, des aménagements. Cela permet d'apaiser les conflits liés aux pratiques divergentes des habitants.

Par ailleurs, de nombreux équipements sont sous-utilisés à certaines périodes (les salles de gymnastique dans les écoles par exemple) alors qu'ils pourraient répondre à d'autres besoins.

Plutôt que de construire des équipements pour chaque usage, il vaudrait mieux optimiser l'usage temporel des équipements. Cela nécessite de réfléchir à leur polyvalence, à des modalités d'accès différenciés ainsi qu'à des modalités de gestion multipartenariale.

La morphologie du territoire, les usages des services évoluent en fonction des périodes, leur organisation doit donc en tenir compte

Selon le moment, la semaine ou le week-end, l'hiver ou l'été, la période scolaire ou les vacances, l'usage du territoire change. Ainsi, alors que pendant la semaine, les actifs des zones rurales et périurbaines viennent travailler à Montpellier, le dimanche et lors des vacances, ce sont les urbains qui investissent la campagne et les plages. De même, l'usage d'un parc n'est pas le même en hiver et en été.

Les usages, les lieux de centralité changent au cours du temps, et l'aménagement du territoire et des services doit en tenir compte.

Prendre en compte l'accessibilité horaire aux services en fonction des différentes populations présentes (habitants, étudiants, salariés, touristes) permet de répondre finement à la diversité des rythmes de vie et d'optimiser le fonctionnement des services

Les rythmes de vie se sont énormément diversifiés et incitent à une réflexion sur l'offre de services. En voici quelques illustrations.

Alors qu'auparavant les transports étaient synchronisés sur les entrées et sorties d'usines à heures fixes, aujourd'hui on attend des transports une large amplitude horaire et une fréquence élevée, car ils doivent répondre à des mobilités plus diffuses, nombreuses et éclatées (horaires de travail variables des actifs, besoins de déplacements pour des motifs de loisirs et d'achats). Comment répondre à ces nouvelles attentes ? Jusqu'où doit-on s'adapter ? Quelles innovations apporter ?

Exemple : Les tramways de l'agglomération de Montpellier fonctionnent de 5 heures à 1 heure du matin tous les jours avec une fréquence en heure de pointe de 5 minutes en zone urbaine et de 15 minutes en zone périurbaine.

Le temps libre a été multiplié par quatre, mais il s'est aussi énormément diversifié. Or l'offre de loisirs reste très classique et ne répond pas à la diversité des besoins. Comment prendre un abonnement annuel quand on ne sait pas si on travaillera le lendemain ?

Comment occuper son temps libre quand on travaille avec des horaires décalés et qu'il n'y a aucune offre au moment où l'on serait disponible ? Que faire quand on est à la retraite ? Comment gérer le temps libre des enfants quand on n'est pas là pour s'en occuper ? Quelle offre pour les touristes, les étudiants et autres usagers ponctuels de notre territoire ?

Montpellier Agglomération a réaménagé les horaires de ses médiathèques centrales (ouvertes le dimanche d'octobre à avril), de ses piscines, de son planétarium, de ses musées, pour mieux répondre à l'évolution des rythmes de vie.

Quelle accessibilité horaire des services et des commerces définir dans les zones d'activité économique, les campus, les zones commerciales, les zones périurbaines dortoirs... ? Quels nouveaux services développer ?

Exemple : À la suite d'une concertation locale et d'une enquête sur le parc d'activités du Millénaire, de nouveaux services ont été développés (crèche, restaurant et conciergerie interentreprises) et un plan de déplacement interentreprises a été signé.

Il est donc important d'analyser les besoins liés à la diversification des rythmes de vie pour bâtir une offre de services pertinente à destination des usagers présents sur le territoire (habitants, salariés, touristes...).

Par ailleurs, travailler la question de l'accessibilité horaire des équipements permet d'optimiser leur fonctionnement. Au vu de la diversité des demandes, quels sont les horaires d'ouverture les plus efficients ? Comment répartir les créneaux horaires entre les différents publics, les différentes activités, pour répondre à toutes les attentes ?

Comment optimiser l'accessibilité horaire à un service pour un réseau d'équipements et par bassin de vie ? Comment améliorer l'aménagement du temps de travail des agents ?

Exemple : Montpellier Agglomération a réaménagé les horaires de ses douze piscines.

Les horaires d'ouverture au grand public ont été élargis et coordonnés de manière à permettre à la population d'avoir au moins tous les soirs et les week-ends une piscine ouverte à proximité. Par ailleurs les créneaux horaires attribués aux clubs sportifs et à la natation scolaire ont été renégociés et rendus plus pertinents et les rythmes de travail des agents des piscines ont été réaménagés et améliorés.

Aider la population à organiser son temps, à l'utiliser au mieux, faire évoluer les mentalités...

De plus en plus de personnes courent après le temps, la gestion des temps quotidiens et l'optimisation du temps deviennent donc des enjeux forts. Les pouvoirs publics peuvent jouer un rôle dans ce domaine, en informant la population de l'offre existante, en développant des guichets multiservices de médiation et de conseil, en développant les e-services ou les services 24 heures sur 24 et en simplifiant les démarches.

Dans les médiathèques de l'agglomération de Montpellier, il est désormais possible de prolonger ses emprunts ou de réserver des livres par Internet et de les rendre dans des boîtes aux livres accessibles 24 heures sur 24.

L'amélioration de l'articulation des temps passe aussi par une évolution des mentalités.

Comment favoriser une meilleure répartition des tâches parentales et domestiques entre les hommes et les femmes ? Comment faire évoluer le modèle du présentéisme français (pour, par exemple, admettre que mieux vaut partir à 17 heures en ayant rempli ses objectifs, que traîner au travail jusqu'à 19 heures pour se faire bien voir) ?

Inciter les entreprises à mieux prendre en compte l'articulation entre la vie professionnelle et la vie familiale pour mieux se développer

Dans l'agglomération de Montpellier, 46 % des actifs occupés ont au moins un enfant âgé de moins de 25 ans et sont donc aussi des parents. La question de l'articulation entre la vie professionnelle et la vie familiale est donc importante, surtout à l'aune de la réforme des rythmes scolaires du primaire, qui aura une incidence sur l'organisation de 22 % des actifs occupés. Cela passe bien sûr par des aménagements du temps de travail (aménagement horaire, temps partiel de 80 %, télétravail), mais aussi par le développement de services.

Montpellier Agglomération s'implique dans l'amélioration de l'articulation entre la vie professionnelle et la vie familiale de ses agents : élargissement des plages variables, formation à la maîtrise des temps, développement de services (plan de déplacements entreprise, paniers de légumes...).

Par ailleurs, dans le cadre de la réforme des rythmes scolaires, Montpellier Agglomération dirige actuellement un groupe de travail avec des organisations patronales, syndicales, des entreprises, des institutions sur la question : « Quels aménagements du temps de travail au vu de la réforme des rythmes scolaires ? »

Cet enjeu d'articulation ne répond pas qu'à un impératif de « bien-être familial » : le développement des activités de service, activités dominantes sur nos territoires, passe non seulement par leur solvabilisation financière, mais également par la disponibilité temporelle à la fois des salariés qui vont rendre le service et de ses bénéficiaires. L'articulation des temps, la disponibilité temporelle conditionnent donc également le développement économique des activités de service.

Quel modèle temporel souhaitons-nous pour notre territoire et comment y parvenir ?

Quel modèle temporel souhaitons-nous pour notre territoire ?

Les grandes mutations temporelles ainsi que les évolutions récentes (par exemple la réforme des rythmes scolaires) remettent en question le modèle d'organisation temporelle que nous souhaitons promouvoir localement. Souhaitons-nous aller vers un territoire qui fonctionne 24 heures sur 24, vers le slow ? 91 ( * ) Quelles formes ce modèle doit-il prendre sur notre territoire (pôles accessibles 24 heures sur 24, pôles ouverts le dimanche) ? Quels modèles horaires pour le périurbain, pour le périscolaire, pour l'offre de mobilité, de loisirs ?

Dans le cadre de la réforme des rythmes scolaires, nous débattons localement du nouveau modèle horaire à mettre en place. Faut-il maintenir les horaires actuels du périscolaire ? Comment inciter les parents à adopter le même aménagement horaire que leurs enfants (travailler plus de jours mais moins longtemps chaque jour) ? Faut-il choisir le mercredi ou le samedi matin ? Comment respecter la chronobiologie de l'enfant ? Faut-il mettre en place une garderie après l'école jusqu'à 12h30-13h pour permettre aux parents de venir récupérer leurs enfants à la sortie du travail ? Quel nouveau modèle horaire pour les acteurs culturels et sportifs qui interviennent sur le temps péri et extrascolaire ?...

Les modèles horaires locaux, une fois débattus, doivent être testés et évalués. Si finalement la fréquentation n'est pas au rendez-vous, il faut savoir revenir en arrière.

Exemple : Nous avions mis en place une nocturne au musée Fabre qui n'a pas eu le succès escompté. Lors de nouveaux aménagements horaires, elle a donc été supprimée.

Quels leviers pour y parvenir ?

Comme nous l'avons vu précédemment, la quête d'un nouveau modèle temporel nécessitera d'agir sur différents leviers :

• Structurer les temps d'accès,

• Aller vers une ville compacte, multifonctions et une optimisation temporelle de l'usage des équipements,

• Avoir une organisation des services, du territoire différenciée selon les périodes,

• Définir l'offre de services au regard des différentes dimensions temporelles : répondre à la diversité des rythmes de vie, mais aussi optimiser son fonctionnement temporel,

• Développer des outils pour organiser son temps, l'utiliser au mieux,

• Faire évoluer les mentalités,

• Inciter les entreprises à mieux prendre en compte l'articulation entre la vie professionnelle et la vie familiale pour mieux se développer.

Quelle méthode ?

L'édification d'un nouveau modèle d'organisation temporelle du territoire, efficient, adapté à tous, impliquera une écoute des besoins, une approche systémique, une meilleure coordination, des outils de régulations, une contractualisation entre les différents partenaires locaux et nationaux, de l'évaluation.

De nouveaux usages des temps se développent, il faut les observer pour bâtir les services et l'organisation temporelle de demain. Cela passe par des enquêtes qualitatives, quantitatives, l'analyse de l'usage actuel, du design de services, de l'innovation.

Il arrive souvent que les acteurs locaux pensent leur positionnement horaire seuls, alors qu'une approche systémique permet un bien meilleur fonctionnement et un meilleur service aux usagers.

Exemple : À Montpellier, 60 000 étudiants commençaient tous les cours à 8 heures et saturaient la ligne 1 du tramway. Sans approche systémique temporelle, cela impliquait l'investissement dans une rame de tramway supplémentaire. En incitant les trois universités à décaler sur l'ensemble de la journée leurs cours d'un quart d'heure, nous avons divisé par deux les flux et résolu les problèmes de congestion.

Certaines décisions nationales ont des répercussions sur l'organisation temporelle locale.

Les nouveaux modèles horaires locaux qui en découlent doivent être discutés avec l'ensemble des acteurs touchés et mis en place de manière concertée et coordonnée.

Montpellier Agglomération s'est saisie de la réforme des rythmes scolaires, dès son origine, dans le cadre de son Schéma directeur temps, car celle-ci va modifier les rythmes de vie de 25 % de la population, de 22 % des actifs occupés et l'organisation de l'ensemble des acteurs éducatifs, culturels et sportifs concernés par le primaire.

Dans ce cadre, elle leur offre un lieu d'échange, de partage et de coordination (parents, communes, acteurs éducatifs, culturels et sportifs, autorité organisatrice des transports, entreprises, syndicats). Par ailleurs, dans le cadre de ses propres compétences, Montpellier Agglomération a adapté son offre culturelle, sportive ainsi que son offre de transport, de manière coordonnée avec les communes.

Aller vers un modèle temporel local, c'est aussi se donner des outils pour réguler de manière concertée les activités. Cela peut passer par les maires, le préfet, la Direccte (Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi), l'Inspection du travail, le recteur et le directeur académique des services de l'éducation nationale (DASEN), le président du conseil général, qui disposent d'outils légaux relatifs à la régulation temporelle (par exemple les horaires des commerces, des bars, des écoles, les limites de vitesse sur les voiries, PUCE, la dérogation à la durée légale du travail...). Cela peut aussi passer par des instances de concertation et des engagements réciproques sous la forme d'une charte (comme pour l'ouverture des bars la nuit). Enfin, cela peut se faire par la définition d'un modèle horaire pour un service à la population (par exemple les horaires du périscolaire rythment l'activité professionnelle des parents).

Les modifications temporelles apportées doivent être évaluées et modifiées si elles ne sont pas pertinentes.

Bâtir un nouveau modèle d'organisation temporelle du territoire nécessite donc une approche systémique impliquant l'ensemble de ses acteurs. Cela nécessite de favoriser des dispositifs de compréhension mutuelle, d'innovation, de coordination, de régulation et une contractualisation entre acteurs publics, privés et citoyens.

Conclusion

Le Schéma directeur temps et territoire se veut un terrain de réflexion, d'innovation, de coordination, de régulation autour des questions de temps pour améliorer l'aménagement de notre territoire, de ses services et sa qualité de vie. Nous espérons que notre expérience contribuera à ce que d'autres territoires, l'État, la recherche se saisissent des questions temporelles. Le temps est un champ d'innovation, investissons-le.

Pour aller plus loin :

L'Observatoire de l'innovation locale de la Fondation Jean-Jaurès :

http://www.jean-jaures.org/index.php/La-fondation/Les-Observatoires/Observatoire-de-l-innovation-locale

Avertissement : La mission de la Fondation Jean-Jaurès est de faire vivre le débat public et de concourir ainsi à la rénovation de la pensée socialiste. Elle publie donc les analyses et les propositions dont l'intérêt du thème, l'originalité de la problématique ou la qualité de l'argumentation contribuent à atteindre cet objectif, sans pour autant nécessairement reprendre à son compte chacune d'entre elles.

9. Mindmap- qui régule les temporalités locales ?92 ( * )

Parties 1 et 2

10. Principaux enseignements d'une enquête relative aux pratiques et aspirations au regard du dimanche dans la ville de Brive

Jean-Yves Boulin

IRISSO-Université Paris Dauphine

ATEMIS

Profil des répondants

L'enquête dont nous livrons ici les principaux enseignements est une enquête en ligne, qui a été administrée, en septembre/octobre 2012 par la Direction de la Démocratie Participative, de la politique des temps et de l'égalité femmes-hommes via le magazine municipal de la ville de Brive : Brive Mag. Le questionnaire, élaboré conjointement par la Direction de la Démocratie Participative, de la politique des temps et de l'égalité femmes-hommes et Jean-Yves Boulin, sociologue, chercheur associé au Laboratoire IRISSO de l'Université Paris Dauphine ainsi qu'au laboratoire ATEMIS et par ailleurs Vice-Président de l'Association Tempo Territorial, comportait 11 questions visant à connaitre à la fois les pratiques (que font les habitants de Brive le dimanche ?) et les aspirations (que souhaiteraient faire les Brivistes et notamment que souhaiteraient-ils voir ouvrir le dimanche ?) ainsi que des questions permettant de renseigner le profil des personnes ayant répondu.

259 questionnaires ont été retournés. Ce qui apparaît en première analyse c'est que l'ensemble de ces répondants ne constitue pas un échantillon représentatif de la population de la ville de Brive. Ont surtout répondu les retraités (ils représentent 42% des répondants) ainsi que les cadres et professions intellectuelles (qui sont près de 42% également, mais il y a un redoublement avec les retraités car l'on posait la question de la CSP actuelle et antérieure lorsqu'il s'agissait de personnes retraitées). Sinon les femmes (elles sont 64,5% à avoir répondu) ont plus répondu que les hommes, de même que les personnes qui sont en couple avec des enfants. De façon congruente au biais constitué par la surreprésentation des retraités, les plus de 65 ans représentent 32% de notre échantillon, tandis que les moins de 34 ans ne sont que 12%.

Comme toute enquête de ce type, c'est-à-dire constituée d'un questionnaire largement distribué mais sans obligation ni incitation à répondre, ce sont ceux qui sont intéressés par le sujet, et ceux qui ont le temps qui répondent. C'est la loi du genre et on ne peut pas y faire grand-chose, l'effectif des répondants étant par ailleurs trop petit pour que l'on essaie de procéder à des redressements.

Il convient donc d'appréhender les résultats en ayant bien à l'esprit les caractéristiques majeures de l'effectif répondant qui est très dominé par les retraités, les cadres et professions intellectuelles.

Reste que des enseignements très intéressants se dégagent de cette enquête pour les élus en charge de la politique temporelle à Brive.

1. Quelles sont les activités pratiquées et en quels lieux ?

Six questions visaient à mieux connaître les pratiques des Brivistes le dimanche. Elles permettent de mieux cerner ce que sont les dimanches des Brivistes.

Ceux-ci les consacrent tout d'abord à la famille et aux amis : les activités privilégiées, comme le fait de se promener, se déroulent avant tout en famille, avec les enfants, mais également, avec les amis (cf. tableau 1). De ce point de vue, les Brivistes ne se distinguent pas des Français en général, puisque les enquêtes menées sur un échantillon national indiquent, de façon récurrente, que pour plus des deux tiers des Français, le dimanche est un jour vécu en famille (par exemple, enquêtes menées par Le Pèlerin en 1990 et 2006, cf. Boulin 2013).

Tableau 1 : Activités pratiquées le dimanche par les habitants de Brive

Activité

%

Recevoir famille, amis

64

Se promener

58

Travail

7

Regarder TV

30

S'occuper des enfants

23

Faire des courses

4

Faire du sport

19

Activités sur ordinateur

10

Activités ménagères

23

Bricolage, jardinage

27

Cinéma, théâtre, concert ...

23

Restaurant

17

Repos

34

Note : plusieurs réponses sont possibles

On notera également l'importance des activités connotées par le repos tout comme par le fait de s'occuper de ses enfants. Tout cela est congruent avec le fait que le dimanche est avant tout familial et caractérisé par le temps libre (la part de ceux qui travaillent est faible, comme l'on pouvait s'y attendre, tout comme, ici en référence aux débats récurrents sur l'ouverture des commerces le dimanche, la part de ceux qui font des courses) : se promener, regarder la télévision 93 ( * ) , faire du sport, bricoler, jardiner, aller au cinéma, au restaurant, au théâtre, au concert et ... se reposer sont les pratiques essentielles des Brivistes le dimanche.

Si l'on fait une distinction entre les activités déployées hors du domicile, que l'on pourrait qualifier de loisirs « actifs », de celles qui se déroulent au domicile ou autour du domicile (on n'emploiera pas ici le terme de loisir « passif », tant s'occuper des enfants ou bricoler et jardiner ne peuvent être qualifiés d'activités passives), on observe que les activités déployées à l'extérieur du domicile sont nettement dominantes (cf tableau 2).

Tableau 2 : activités dans/autour du domicile vs activités menées à l'extérieur

Activité

%

Activités physiques/extérieur

62

Activités dans/autour du domicile

39

Si nombre de Brivistes déploient des activités à l'extérieur de leur domicile, notamment pour se promener, il est assez logique que la fréquentation des parcs et jardins arrive en tête (la moitié des répondants) des lieux fréquentés le dimanche au cours des six derniers mois, tandis que près de 40% ont visité des lieux culturels, un tiers des infrastructures sportives et près d'un quart des lieux de rencontre conviviaux (restaurants, cafés, salon de thé, club de jeux,...) (cf. tableau 3).

Tableau 3 : lieux fréquentés le dimanche au cours des 6 derniers mois (tous les dimanches ou environ un dimanche par mois)

Parcs et jardins

50 %

Lieux culturels

38 %

Infrastructures sportives

32 %

Lieux de rencontres conviviaux

23 %

Au cours des six mois précédant l'enquête, les répondants ont passé leur dimanche... à Brive (57% tous les dimanches ou presque, 16% environ une fois par mois) 94 ( * ) . Mais 23% vont à la campagne tous les dimanches ou presque et autant environ une fois par mois. Ils ne sont que 4% à sortir de la région tous les dimanches ou presque et 1/5 environ une fois par mois.

A la question de savoir s'ils ont un hobby, près de la moitié (46,5%) des répondants répond par l'affirmative tandis que pratiquement tous ceux-là (86% de ceux qui ont répondu avoir un hobby) estiment pouvoir pratiquer cette activité à Brive ou ses alentours. Ce sont surtout les 35-64 ans qui ont un hobby (55% d'entre eux pour une moyenne de 47%) et ceux qui sont en recherche d'emploi (87,5%).

Enfin, pour terminer ce tour d'horizon des activités dominicales des Brivistes, on observera que 20% des répondants déclarent travailler le dimanche 95 ( * ) . Le taux de 20%, en deçà de celui observable au plan national (près de 30% disent travailler habituellement ou occasionnellement le dimanche) provient de ce que nous avons introduit un indicateur de durée (plus de deux heures) ce qui éliminent ceux qui relèvent leur courriels le dimanche soir ou effectuent quelques tâches préparatoire au travail du lundi. Ce cinquième des répondants qui disent qu'il leur arrive de travailler le dimanche sont surtout des commerçants (24% - enseignants, personnel de santé ou de sécurité, tels que policiers par exemple). Ces travailleurs dominicaux se retrouvent plus souvent au sein des familles monoparentales (30% d'entre elles) et au sein des couples avec enfants (27%). Les travailleurs à temps partiel sont plus souvent concernés par le travail dominical (44% d'entre eux contre 31% des temps complets).

2. Les ressentis du dimanche

Ceux qui travaillent le dimanche sont proportionnellement plus nombreux (16% contre 13% pour l'ensemble des répondants) à dire qu'il est « tout à fait vrai » qu'ils sont débordés ce jour-là, et surtout (57% contre 40% pour l'ensemble) que c'est « parfois vrai ». Comme on pouvait s'y attendre, parmi l'ensemble des répondants, ce sont surtout les couples avec enfants (69%) et surtout les ménages monoparentaux (71%) qui disent être débordés le dimanche.

Reste que ce qui ressort de cette enquête est que les Brivistes vivent les dimanches de façon plutôt détendue, en vivant à leur rythme (cf tableau 4).

Tableau 4 : « je me sens détendu, je vis à mon rythme »

Tout à fait vrai

67,5%

Parfois vrai

25,5%

Pas du tout

7%

Toujours dans cette optique positive, 69% des répondants ont indiqué ne jamais s'ennuyer le dimanche (cf tableau 5)

Tableau 5 : « je m'ennuie le dimanche »

Tout à fait vrai

11%

Parfois vrai

20%

Pas du tout vrai

69%

L'âge semble jouer un rôle déterminant dans le fait de s'ennuyer ou non le dimanche puisque ce sont les plus de 65 ans qui sont les plus nombreux à répondre que c'est « tout à fait vrai » (18,5%) mais aussi les jeunes qui estiment à 35% que c'est « parfois vrai ». Mais la situation familiale joue aussi un rôle puisque les personnes seules avec enfants répondent plus souvent qu'elles s'ennuient le dimanche (29% - effet de la garde des enfants un dimanche sur deux, qui crée un vide lorsque l'enfant est chez l'autre conjoint ? - ), de même que les personnes seules (24%). On observe également que parmi ceux qui répondent proportionnellement plus souvent qu'ils s'ennuient le dimanche se trouvent les « sans emploi » (25% répondent « tout à fait » à la question de savoir s'ils s'ennuient le dimanche), suivis de ceux « en recherche d'emploi » (20%). Le chômage du fait de la situation économique qu'il induit rend le dimanche plus difficile à « passer », le constituant en quelque sorte en « temps vide ».

Si les deux tiers des répondants ne se sentent jamais seul le dimanche (cf Tableau 6), l'enquête montre, de façon congruente avec ce qui précède, que les chômeurs se sentent plus souvent seuls le dimanche (ils sont 57% à répondre que c'est « parfois vrai » ou « tout à fait vrai » ces deux modalités étant citées à parts égales, respectivement 28,5%) tandis que de façon non surprenante, ce sont aussi les plus de 65 ans (52%) et - de façon redondante puisque ces deux catégories se chevauchent - les retraités (50%) qui se sentent seuls le dimanche.

Tableau 6 : sentiment de solitude

Sentiment de solitude le dimanche

%

Tout à fait vrai

12

Parfois vrai

21

Pas du tout

67

Au final, débordés ou non, plongés dans l'ennui ou pas, accablés ou non par un sentiment de solitude, les Brivistes plébiscitent le dimanche : à la question « aimez-vous le dimanche ? », ils sont 86% à émettre une opinion positive (la somme des « beaucoup » et assez »). Ce sont les personnes seules avec enfant(s) (60% d'opinion positive) ainsi que celles qui vivent seules (73%) qui sont le moins enthousiastes. Les plus de 64 ans et les retraités (75% d'opinions positives), tout comme les ouvriers (75% également à sont également un peu en retrait : c'est parmi ces catégories et chez les chômeurs que l'on trouve les plus hauts scores de « pas du tout » (10 à 12% contre 6% en moyenne). En revanche, signe que le dimanche reste un jour symbole de la vie familiale, les personnes qui sont en couple avec des enfants sont les plus enthousiastes (80,5% aiment « beaucoup le dimanche » et 18% aiment « assez » le dimanche).

Tableau 7 : Aimez-vous le dimanche ?

Beaucoup

58%

Assez

28%

Peu

6%

Pas du tout

6%

Sans opinion

2%

Enfin et de façon contre intuitive, ceux qui travaillent le dimanche apprécient plus ce jour-là comparativement à ceux qui ne travaillent pas le dimanche (cf graphique 1) : faut-il y voir de la part de ceux qui doivent travailler ce jour-là une survalorisation d'un jour qui devrait être un jour de repos auquel ils aspireraient ? ou à l'inverse un signe de valorisation d'une situation distinctive compensée par ce qui pourrait être considéré comme un « avantage » par ceux qui travaillent le dimanche : salaire plus élevé, durée du travail plus faible, temps libre décalé,... ?

Graphique 1 : Appréciation portée sur le dimanche par ceux qui travaillent ce jour-là (« oui ») et ceux qui ne travaillent pas (« non »).

3. Que souhaiteraient faire les habitants de Brive le dimanche et quels sont les lieux qu'ils souhaiteraient voir ouverts ?

Une dernière série de questions était de nature plus prospective, cherchant à savoir, d'une part ce que souhaitent faire les habitants de Brive le dimanche, quelles activités ils privilégient, d'autre part, quels lieux/espaces ils souhaiteraient voir ouvrir, en plus de ceux qui le sont déjà.

Lorsque l'on pose la question de ce qu'ils aimeraient pouvoir faire le dimanche, c'est-à-dire, en réalité, à partir de leur propre expérience de ce qu'il est déjà possible de faire, mais sans induire de réponse a priori 96 ( * ) , comme cela est si souvent le cas dans les enquêtes sur l'ouverture des commerces le dimanche, les répondants privilégient, par ordre décroissant, d'abord des activités conviviales pouvant donner lieu à des rencontres, puis à l'égalité des activités culturelles et des activités sportives (cf Tableau 8 et Graphique 2).

Tableau 8 : Que souhaitent faire les habitants de Brive le dimanche ?

Activités conviviales, rencontres

28 %

Activités culturelles

23 %

Activités sportives

23 %

Achat, shopping

4 %

Activité religieuse

1 %

Rien

20 %

Les hommes privilégient les activités sportives : 31% vs 19% pour les femmes qui elles privilégient les activités conviviales (30% vs 26% pour les hommes). Les jeunes privilégient également les activités conviviales (45% pour les moins de 34 ans), tandis que pour les 35-64 ans, ce sont les activités culturelles (25%) et sportives (22%) mais aussi « rien » (26%) qui dominent. Les 65 ans et plus privilégient les activités sportives (33%) 97 ( * ) et les activités conviviales (30 %).

Graphique 2 : Activités souhaitées par les habitants de Brive

On ne sera pas surpris de voir que les personnes seules privilégient les activités conviviales et celles qui permettent les rencontres (46%), tandis que les familles monoparentales mettent en avant les activités culturelles (50%). Ce sont surtout les couples avec enfants et les familles monoparentales qui indiquent « rien » (respectivement 31% et 50%).

Les étudiants (concept partiellement redondant avec la catégorie jeunes) privilégient les activités conviviales/rencontres et les activités culturelles (50% pour chaque modalité). Le « rien » domine chez les sans emploi (67%) et les chômeurs (33%). Tandis que pour les retraités, les souhaits se portent plutôt sur les activités de rencontre (33%) et les activités sportives (31%) (cf. les plus de 65 ans).

Les cadres (32,5%) et les professions intermédiaires (36%) privilégient les activités conviviales/rencontres. Les secondes mettent l'accent sur les activités sportives (36%) tout comme les employés (32%) et surtout les ouvriers (57%). Pour les employés, ce sont avant tout les activités conviviales/rencontre (42%) qui sont souhaitées.

De façon cohérente avec les souhaits d'activités, les répondants insistent sur la nécessité d'ouvrir plus de lieux qui occasionnent des rencontres, qui permettent la convivialité ainsi que plus de lieux culturels (cf. tableau 9 et Graphique 3).

Tableau 9 : quels sont les lieux que le Brivistes souhaiteraient voir ouvrir le dimanche ?

Lieux conviviaux, de rencontre

34 %

Lieux culturels

22 %

Infrastructures sportives

7 %

Commerces

12 %

Services administratifs, transport

4 %

Lieux de culte

3 %

Rien

19 %

L'ouverture de lieux conviviaux/de rencontre est souhaitée de façon plus intense par les familles monoparentales (50%), par les couples sans enfant (45%), et par les personnes vivant seules (40%). Les plus de 65 ans (38%) et les retraités (44%) ainsi que les actifs à temps plein (30%) souhaitent aussi l'ouverture de ces lieux. Les couples avec (26%) et sans (26%) enfant vont également dans ce sens.

L'ouverture des commerces est souhaitée par les familles monoparentales (25%), par les jeunes (27% des moins de 34 ans), par les étudiants (33%) et par les ouvriers (37,5%). À noter que les commerçants ne souhaitent pas l'ouverture... des commerces !!

À noter que ce sont les commerçants (11%) et les ouvriers (12,5%) qui souhaitent que plus de services administratifs et de transports fonctionnent le dimanche.

Enfin, on observera que ce sont massivement les chômeurs qui estiment que rien de plus ne devrait être ouvert le dimanche (67%) suivis de loin par les couples avec enfant (28%) et les familles monoparentales (25%).

Graphique 3 : quels sont les lieux que le Brivistes souhaiteraient voir ouvrir le dimanche ?

Ces résultats sont intéressants à noter lorsqu'on sait que 58% des répondants disent savoir ce qui est ouvert à Brive (cf Tableau 10)

Tableau 10 : Avez-vous connaissance de ce qui est ouvert le dimanche dans votre ville ?

Connaissance de ce qui est ouvert

%

Oui

58

Non

42

Ainsi, 40% de ceux qui disent savoir ce qui est ouvert à Brive souhaitent l'ouverture de lieux conviviaux et de rencontre, tandis que 23% souhaitent l'ouverture de lieux culturels. Ils sont plus nombreux dans le premier cas et pratiquement aussi nombreux pour les lieux culturels que ceux qui disent ne pas avoir connaissance de ce qui est ouvert à Brive.

Ceux qui connaissent et ceux qui ne connaissent pas ce qui est ouvert se trouve dans la même proportion à ne rien souhaiter de plus (20%).

Graphique 4 : connaissance de ce qui est ouvert à Brive et souhait d'ouverture

4. Conclusion

Cette enquête qui, certes, ne peut prétendre à la représentativité, mais reflète tout de même l'avis d'un échantillon assez diversifié d'habitants de la ville de Brive, livre des enseignements qui peuvent s'avérer utile pour la municipalité de Brive.

Un premier enseignement qui conforte les résultats de cette enquête limitée réside dans le fait que les pratiques des habitants de Brive ne diffèrent pas sensiblement de celles observées à l'échelle nationale : le dimanche est pour les Brivistes, un jour de repos que l'on passe en famille et avec des amis, et c'est cette dimension qui semble être appréciée. Car à Brive on aime les dimanches, qui sont autant d'occasions de sortir, de s'aérer de partager des moments avec son entourage, et on les vit de façon plutôt détendue. Mais, premier enseignement important pour les édiles, certaines catégories sont un peu en retrait au regard du plébiscite du dimanche : les personnes âgées, les familles monoparentales, les personnes seules et les chômeurs éprouvent plus que d'autres une sensation d'ennui et de solitude. C'est la question du lien social qui est ici posée, qui induit sans doute des actions pour réintégrer ces catégories d'habitants dans la dynamique sociale et économique de Brive. Second enseignement qui renforce l'idée d'actions à mener à l'échelon local les Brivistes passent leurs dimanches essentiellement à Brive et aux alentours.

Troisième enseignement, les habitants de Brive qui ont répondu à cette enquête, souhaitent - lorsqu'on leur demande d'exprimer des souhaits en termes d'activités dominicales et de lieux ouverts ce jour-là - que l'accent soit mis sur des activités et des lieux qui favorisent la rencontre, le lien social, ainsi que leurs développement et pratiques culturelles. L'originalité de cette enquête est d'avoir laissé ouverts les choix des répondants au regard des activités souhaitées et des lieux qu'ils souhaitent voir ouvrir, et l'on voit que les choix exprimés ici sont éloignés de ceux qui ressortent lorsque la réponse est induite par la question comme dans le cas des enquêtes sur l'ouverture des commerces le dimanche.

Cette demande assez sensible de plus forte convivialité, d'activités et de lieux qui favorisent le lien social, le vivre ensemble, est une ouverture pour l'action de la municipalité. Il semble donc qu'il y a sûrement un effort d'information à faire sur ce qui est ouvert (42% des répondants disent ne pas savoir ce qui est ouvert à Brive). Au-delà, on peut imaginer d'engager une concertation avec les responsables, les salariés, acteurs des lieux et des activités signalés par l'enquête afin de réfléchir aux possibilités d'ouverture (extension ?) le dimanche (mais il conviendrait, si l'on allait dans ce sens, d'approfondir l'enquête pour affiner ce que les répondants entendent par lieux de rencontres favorisant la convivialité, ou par lieux culturels). Enfin, pour les responsables politiques il n'est certes pas anodin de savoir qu'un cinquième des répondants semblent satisfaits de la situation actuelle : on pourrait s'en satisfaire, mais lorsque l'on remarque que ceux qui expriment le plus cette position, atone sont les chômeurs, on doit au contraire d'interroger sur ce qui motive ce type de réponse. Ne sont-ils pas, ceux qui répondent ainsi, dans un syndrome de décrochage au regard de la société et plus directement ici de la municipalité : tout simplement ils ne croient sans doute pas que quoique ce soit puisse changer leur situation.

11. Charte de qualité de vie nocturne - Ville de Caen

PRÉAMBULE

Caen, capitale régionale, représente le principal pôle d'attractivité d'une agglomération urbaine qui compte plus de 230 000 habitants. Son dynamisme économique, touristique, la richesse de son patrimoine architectural, historique et sa vie culturelle font de Caen une ville attractive sur le plan des sorties et des loisirs. Dans ce cadre, le centre-ville est un lieu de forte animation. Il attire des habitants de toute la ville et de l'ensemble de l'aire urbaine Caennaise, et ce à toutes les heures de la journée. C'est ce qui en fait un espace exceptionnel et d'une grande qualité.

Les cafés, restaurants, bars et discothèques font partie intégrante de l'animation commerçante du centre de Caen et constituent une composante importante de son animation nocturne. Néanmoins, cette concentration d'activité n'est pas non plus sans susciter certaines nuisances, notamment pour ceux qui y résident. Or, chacun doit pouvoir profiter de la ville, et de son centre, dans de bonnes conditions. Le centre doit rester un lieu de vie et de mixité des usages (loisirs, études, commerces, habitation, travail, etc...).

Dans une démarche pragmatique et de concertation, il est donc essentiel d'optimiser les conditions d'activité et de coexistence de ceux qui vivent la ville au quotidien. Cette démarche va notamment dans le sens de la politique temporelle globale engagée à l'échelle de la ville, destinée à améliorer la qualité de vie de chacun en harmonisant les rythmes et usages de la ville par les habitants selon leurs activités quotidiennes.

En outre, la problématique de la consommation d'alcool excessive, notamment par les jeunes, constitue un véritable enjeu de santé publique. De plus en plus de jeunes consomment de l'alcool dans la rue et non plus à l'intérieur des bars. Cela pose donc un véritable problème de régulation de cette consommation d'alcool sur l'espace public en soirée.

La Ville de Caen et les gérants d'établissements des débits de boisson ont lancé le 3 juin 2009 une campagne de sensibilisation, notamment à l'attention de la clientèle jeune, sur le thème : « pour que la fête continue, ne bois pas dans la rue ».

Les gérants du centre-ville se sont également engagés à ne servir des consommations en terrasse que dans des contenants en verre afin de pouvoir clairement distinguer leur clientèle.

Monsieur le Préfet a par ailleurs pris un arrêté règlementant la consommation de boissons alcoolisées le jeudi à partir de 20h jusqu'au vendredi matin 5h et du vendredi 20h au samedi 5h sur les voies publiques. Le périmètre a été défini en association avec la ville.

Les actions engagées ne doivent pas être compromises par des excès ou des comportements qui iraient à l'encontre de l'intérêt des professionnels, riverains et pouvoirs publics. Il a donc paru nécessaire de définir des conditions propices d'une vie nocturne de qualité permettant d'assurer la sécurité de tous, le respect des règles de vivre ensemble, la conciliation des intérêts des différents acteurs de la nuit, des riverains et d'acter l'engagement des différents acteurs concernés visant à articuler les actions de prévention et els actions de répression lorsque cela s'avère nécessaire.

Dans le cadre d'une démarche constructive et concertée, la présente charte a donc pour objectif de fixer un cadre d'engagements pour l'ensemble des acteurs publics et privés qui souhaitent développer différentes actions préventives contribuant au maintien d'une qualité de vie nocturne et instaurer un échange régulier entre les différents acteurs concernés.

ENGAGEMENTS DES EXPLOITANTS DE DÉBITS DE BOISSONS

Le professionnalisme et la responsabilité des exploitants de bars, cafés, discothèques, jouent un rôle essentiel dans le comportement de la clientèle dans le cadre de la vie nocturne. Les exploitants des débits de boisson et restaurants se conformeront donc aux lois et règlements en vigueur qui existent indépendamment de la présente charte et qui régissent leur activité.

Les responsables des établissements s'engagent à travers la présente charte :

1) Au respect des horaires d'ouverture et d'accueil des clients

Les exploitants titulaires :

- d'une licence de 1ère, 2e, 3e et 4e catégories ;

- d'une petite licence restaurant ;

- d'une licence restaurant ;

- d'une petite licence à emporter ;

- d'une licence à emporter.

S'engagent à respecter les horaires de fermeture des débits de boisson fixés par arrêtés préfectoraux.

Des dérogations individuelles précaires et révocables à tout moment pourront être accordées par le Préfet du Calvados après avis du Maire et du Commissariat de Police.

Des dérogations individuelles et exceptionnelles pourront être accordées par le Préfet à l'occasion de soirées privées sur invitations.

2) A la prévention des troubles à l'ordre public

Les exploitants s'engagent à prendre toutes les dispositions de nature à garantir le bon ordre dans leurs établissements et prévenir d'éventuelles infractions. A cette fin, ils pourraient employer des agents de sécurité et d'accueil du jeudi au samedi et n'hésiteront pas à faire appel à la Police en cas de difficultés.

Les exploitants s'engagent à interdire l'accès à leur établissement à toute personne en état d'ivresse manifeste ou présentant des signes de drogues, ou tout groupe de personnes dont l'attitude laisse raisonnablement prévoir un risque de troubles à l'intérieur de l'établissement.

Les exploitants s'engagent à apposer le règlement intérieur de l'établissement de manière visible aux entrées.

3) Au respect de l'environnement urbain

Les exploitants s'engagent à respecter le règlement de collecte des déchets, notamment les horaires de dépôts, le conditionnement et à remiser les containers prévus pour la collecte des ordures.

Les exploitants inciteront leur clientèle à stationner leur véhicule de manière règlementaire. Cette sensibilisation pourra prendre la forme d'une communication par voie d'affiches ou tout autre support, dans l'établissement, ou éventuellement du remboursement du ticket de stationnement dans le parking le plus proche.

Les exploitants s'engagent à installer sur leurs terrasses des cendriers mobiles qu'ils rentreront tous les soirs après fermeture de l'établissement. Ils veilleront à laisser le trottoir dans un état de propreté correcte, sans mégots de cigarette.

Ils s'engagent à ne plus servir de boissons dans des gobelets en plastique et à n'utiliser que de la verrerie, sauf lors d'évènements particuliers qui génèreront un flux important (la fête de la musique, évènements sportifs, ....).

4) A lutter contre l'alcoolisme, la toxicomanie et le tabagisme

Les exploitants s'engagent à mettre en oeuvre des actions de sensibilisation de leur clientèle aux risques liés à la consommation d'alcool et de drogue. Ils s'engagent notamment à :

- respecter la réglementation interdisant la vente d'alcool aux mineurs de moins de 18 ans ;

- refuser de recevoir et de servir de l'alcool à une personne en état d'ivresse manifeste ;

- servir des boissons sans alcool à un tarif accessible, inférieur pour la plupart de celles-ci au tarif des boissons alcoolisées ;

- associer une action de prévention à chaque soirée étudiante organisée dans l'établissement ;

- encourager les conducteurs à tester leur alcoolémie et en cas de test positif, à céder leurs clefs de voiture à un proche dont le teste est négatif ;

- respecter les dispositions légales et réglementaires relatives à la lutte contre le tabagisme.

5) A lutter contre les discriminations

Les exploitants s'engagent à faire respecter les textes législatifs et règlementaires afin qu'aucune discrimination reposant sur l'appartenance réelle ou supposée à un groupe ethnique ou religieux ne soit faite à l'entrée de l'établissement. Le refus d'entrer doit être motivé par la nécessité de ne pas dépasser la norme de fréquentation arrêtée pour l'établissement, d'éviter des troubles à l'ordre public, d'appliquer une politique commerciale affichée.

Les exploitants porteront une attention particulière à l'accueil des clients présentant un handicap, notamment en les assistant dans leur installation si nécessaire. Ils s'engagent à faire respecter ces dispositions par leur personnel.

Rappel des motifs reconnus pour faire interdire l'accès à un établissement de débit de boissons :

- personne en état d'ébriété manifeste ;

- personne ayant déjà commis des troubles dans l'établissement ;

- personne n'ayant pas la tenue correcte par rapport aux critères de l'établissement ;

- personne dont le comportement pourrait nuire à la quiétude de la clientèle.

6) A appliquer les règlementations relatives aux nuisances sonores et celles relatives à la musique amplifiée

Les exploitants s'engagent à respecter la tranquillité publique en ne générant pas de bruits de voisinage dépassant les normes réglementaires admises.

Les exploitants s'engagent à respecter les dispositions prévues aux articles R571-25 et suivants du code de l'environnement relatifs aux établissements diffusant de la musique amplifiée.

L'exploitant devra présenter une étude d'impact acoustique établie par un organisme agréé et produire les justificatifs attestant de la conformité de son établissement. En cas de travaux susceptibles d'avoir une incidence sur l'acoustique, l'exploitant devra fournir une nouvelle étude d'impact.

Les exploitants s'engagent à fermer les portes et fenêtres de l'établissement dès lors que la source sonore devient une nuisance. Les exploitants s'engagent tout particulièrement à sensibiliser leurs clients sur les nuisances sonores qu'ils peuvent générer tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'établissement au moment de l'entrée ou de la sortie de l'établissement. Ils mettront en oeuvre les moyens nécessaires en personnel pour assurer une présence à la sortie de l'établissement.

Les exploitants bénéficiant d'une autorisation d'exploiter une terrasse mobile et mobile protégée devront respecter le règlement d'occupation du domaine public fixé par arrêté municipal.

7) A assurer une qualité de service

Les exploitants s'engagent notamment à :

- accueillir la clientèle de façon personnalisée avec un mot de bienvenue ;

- assurer la présence d'un membre du personnel parlant au minimum l'anglais ;

- permettre l'identification du personnel (tenue vestimentaire reconnaissable) ;

- limiter l'attente au service ;

- maintenir l'établissement parfaitement entretenu et propre ;

- former le personnel pour la mise en oeuvre de leur obligation en matière d'ordre public, respect des règlementations qui s'appliquent aux établissements de boissons, de lutte contre la discrimination, l'alcoolisme et la toxicomanie ;

- fournir aux clients les renseignements pratiques dont ils ont besoin (localisation des commerces, de l'office de tourisme, des stations de bus et de tram...) et les informer des animations, activités proposées à Caen ;

- ne pas pratiquer l'augmentation des prix lors des grands évènements ;

- établir une addition détaillée faisant clairement ressortir la TVA et le service inclus dans le prix.

ENGAGEMENTS DE LA VILLE DE CAEN

La ville de Caen s'engage à travers la présente charte :

À promouvoir cette charte et valoriser la qualité de vie nocturne en créant un label

Un label de qualité de vie nocturne sera décerné aux signataires de la charte et traduira les engagements des exploitants sur l'ensemble des points précités.

Un support de communication destiné à l'affichage sera remis à l'établissement labellisé. Le maintien de ce label, au même titre que l'adhésion à la Charte, sera conditionné par le respect des engagements par les exploitants.

La Ville de Caen s'engage :

- à agir en faveur de la prévention contre l'alcoolisme des jeunes notamment au travers de campagnes de communication et à initier des actions de sensibilisation dans les collèges, lycées et universités ;

- à fournir aux exploitants les informations leur permettant de se conformer à leurs obligations, par l'intermédiaire des différents services municipaux compétents. La Ville de Caen s'engage à communiquer aux futurs exploitants lors des demandes de transferts de licence IV un résumé de la réglementation des débits de boisson en vigueur, notamment concernant les horaires d'ouverture, les obligations d'affichage, la présente Charte etc. ;

- à être à l'écoute des demandes techniques des exploitants en matière de voirie et d'environnement urbain dans le but de veiller aux bonnes conditions d'activité des exploitants et d'accueil de la clientèle ;

- à faire le lien avec la Communauté d'Agglomération dans le but d'optimiser les conditions de collecte des déchets et d'organisation du tri sélectif ;

- à entamer une réflexion sur les horaires de la vente d'alcool à emporter la nuit (entre 20h et 8h) sur son territoire dans le cadre de la loi n°2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'Hôpital et relative aux Patients, à la Santé et aux Territoires (HPST) ;

- à prendre en compte le respect des engagements de la charte par l'exploitant demandeur lorsqu'elle sera sollicitée par le Préfet sur une demande d'autorisation de dérogation d'ouverture tardive ;

- à veiller au respect des règlements relevant de ses pouvoirs de police.

ENGAGEMENTS DE L'ÉTAT

L'État s'engage à travers la présente charte :

- À poursuivre ses missions de présence et d'intervention nocturne sur le centre-ville.

L'État s'engage notamment à faire appliquer les arrêtés interdisant la consommation de boissons alcoolisées sur l'espace public.

SUIVI DE L'APPLICATION DE LA CHARTE

Un comité de pilotage rassemblant l'ensemble des signataires de la charte ou leurs représentants, se réunira 2 fois par an pour faire le point sur la mise en oeuvre et le respect de la charte et du label de qualité de vie nocturne.

Un comité de suivi de la charte regroupant les représentants administratifs des signataires se réunira régulièrement pour assurer une bonne coordination des interventions de chacun et suivre la mise en oeuvre et le respect des engagements de chacun.

Des points seront effectués lors de rencontres entre la Ville et l'État ainsi qu'entre la Ville, les exploitants et les associations de commerçants du centre-ville.

En cas de non-respect des dispositions de la présente charte, les membres du comité de pilotage pourront décider du retrait de la charte et du label de qualité de vie nocturne après envoi d'un courrier d'avertissement non suivi d'effet.

ADÉSION A LA CHARTE

Chaque établissement peut adhérer librement à la présente charte. La demande d'adhésion se fera par écrit auprès de la Ville de Caen.

12. Synthèse des actions en faveur d'une meilleure articulation des temps de vie de la ville de Caen

L'intérêt pour les politiques temporelles faisait partie du programme de mandat de l'équipe municipale dès 2008. Cette volonté s'est concrétisée par la création d'une délégation spécifique confiée à Corinne Féret, première maire adjointe en charge du personnel communal, de l'égalité Hommes-Femmes et du Bureau des Temps puis par la création en 2009 d'une mission «Bureau des Temps» pour contribuer à l'animer.

Le Bureau des temps de la Ville de Caen est un outil pour proposer et impulser des mesures visant à simplifier la vie quotidienne des citoyens et améliorer leur qualité de vie. Il s'adresse aussi bien aux habitants qu'aux agents de la collectivité. Dans un cadre transversal et contributif, c'est un outil d'impulsion et de veille par le biais des diagnostics et recherches qu'il effectue. Il apporte une expertise dans des domaines variés.

À la fin de l'année 2011, une réunion d'information à destination du grand public sur les politiques temporelles et le bureau des Temps caennais a été proposée. Les résultats d'une enquête menée auprès des habitants sur leurs modes de vie et besoins ainsi que sur les conditions d'articulation des activités et services au sein de la Ville ont été présentés. A l'issue de ces échanges, des axes de travail et de réflexion ont été dégagés pour la construction d'actions.

Au-delà de cet angle d'intervention spécifique, un grand nombre d'actions et de projets de la Ville mis en oeuvre depuis 2008 s'inscrivent pleinement dans une volonté de meilleure articulation des temps de vie des habitants. Ces actions s'inscrivent dans plusieurs champs thématiques :

- l'adaptation de l'offre de modes de garde ;

- l'action interne au service de meilleures conditions d'égalité des agents de la collectivité ;

- l'action en direction des agents d'entretien de la Ville de Caen ;

- l'organisation de temps forts de réflexion collective pour favoriser l'égalité entre les femmes et les hommes ;

- le développement de services de proximité ;

- l'action sur la vie nocturne caennaise.

Ø L'action d'adaptation de l'offre de mode de garde de la direction de la petite enfance

La Direction de la Petite enfance de la Ville a développé un grand nombre d'actions pour faire évoluer l'offre de modes de garde.

On peut notamment citer :

- la création d'une nouvelle crèche ;

- l'élargissement des horaires d'accueil d'une halte-garderie depuis mars 2012 ;

- le développement de l'offre d'accueil au domicile des assistantes maternelles dans le cadre des accueils en crèche familiale.

- Un diagnostic co-piloté avec la Caisse d'Allocations Familiales a été mené en 2013 pour recenser les besoins de modes de garde émergents et non couverts (notamment sur des horaires atypiques) d'un quartier de la ville afin de construire des propositions adaptées.

- Enfin, trois nouvelles garderies périscolaires ont été créées au sein de la Ville depuis 2008.

L'une des priorités du Bureau des Temps de la Ville de Caen est de favoriser de meilleures conditions d'égalité entre les femmes et les hommes. Cela se traduit par la volonté de favoriser la conciliation des vies professionnelle et familiale des habitants mais également des agents de la Ville.

Ø Un plan d'action interne au service de meilleures conditions d'égalité des agents de la ville

Un groupe de travail Agenda Social "Égalité Femmes-Hommes" a été mis en place au sein de la Ville constitué de représentants d'organisations syndicales depuis juillet 2009.

La réalisation d'un diagnostic d'ampleur des conditions d'égalité entre les hommes et les femmes au sein de la collectivité a été lancée. L'objectif de ce diagnostic était la construction d'un plan d'actions concerté au bénéfice de tous les agents de la ville.

Ce diagnostic s'est fondé sur les données de la collectivité concernant la situation administrative des agents, la mixité dans les services, l'organisation et la durée du travail, les conditions de rémunération, d'avancement, l'accès à la formation etc.

Ce travail a donné lieu à la réalisation d'un rapport de situation comparée semblable au bilan social appliqué à la collectivité. Pour approfondir ce diagnostic chiffré, une enquête qualitative a été menée auprès d'un panel représentatif d'agents. Ce travail d'ampleur a débouché sur la construction d'un plan d'actions en cours de finalisation.

Ø L'action en direction des agents d'entretien de la Ville de Caen

Un travail de fond a également été mené auprès du service entretien de la Ville de Caen. En effet, l'organisation de ce service, quasi exclusivement féminin, a été complètement modifiée afin d'améliorer la qualité de vie des agents en optimisant leur emploi du temps.

Après un travail de concertation et d'échange de deux ans avec les agents, une nouvelle organisation du travail a été mise en place en octobre 2011. Elle a permis d'apporter un ensemble d'améliorations significatives, sur le plan humain, matériel, de la formation et de la professionnalisation :

- actuellement, 85 % de l'effectif total des agents d'entretien du service d'intervention de conseil en entretien et propreté sont passés à 100 % de quotité de temps de travail.

- mise en place d'une dynamique d'équipe, associée à une revalorisation du métier d'agent d'entretien,

- mise en place de cycles de travail correspondant mieux aux besoins de la collectivité et permettant une meilleure articulation entre vie professionnelle et vie privée (plannings, suppression des journées de travail discontinues, deux jours de repos consécutifs),

- amélioration du cadre de travail,

- modernisation des moyens d'interventions (acquisition d'équipement pour diminuer la pénibilité des tâches et améliorer l'efficacité et la qualité des interventions),

- mise en place d'un plan de formation pluriannuel pour l'ensemble des agents et d'un plan spécifique pour les agents en attente de reclassement.

Cette nouvelle organisation traduit la volonté d'améliorer les conditions de travail des agents de la Ville et de réduire les emplois à temps non complet occupés à 80% par des femmes.

En novembre 2012, à l'invitation de Philippe Duron et de Corinne Féret, Najat Vallaud-Belkacem, Ministre des Droits des Femmes, porte-parole du Gouvernement a rencontré les agents du service entretien pour découvrir et mettre en valeur cette action innovante et représentative.

Ø Des temps forts de réflexion collective et de ré-impulsion

La Ville organise chaque année à l'occasion de la Journée Internationale des Droits des Femmes, un temps fort de rencontres et de sensibilisation. Il permet d'échanger sur la situation des femmes en France et à travers le monde, de mettre en lumière les nouveaux enjeux autour de ces questions et de relancer les actions à mener.

Afin de marquer l'engagement de la Ville en la matière, un programme événementiel est proposé : échanges, débats pendant la pause méridienne, rencontres conviviales, actions culturelles spécifiques en direction des femmes de différents quartiers etc.

C'est dans ce cadre que la Ville a signé la Charte européenne pour l'égalité des femmes et des hommes dans la vie locale en 2013. Elle affirme la volonté de prendre publiquement position sur le principe de l'égalité des femmes et des hommes. Corinne Féret, Première adjointe au maire chargée du personnel communal, de l'égalité hommes-femmes et du bureau des temps et Jocelyne Bougeard, Adjointe au Maire de Rennes, déléguée aux temps de la ville, aux droits des femmes, à l'égalité des droits et à la laïcité et Présidente de la Commission pour l'Égalité des Femmes et des Hommes dans la vie locale à l'Association Françaises des Conseils de Communes et Régions d'Europe ont signé ensemble cette charte en mars 2013.

Parallèlement aux actions menées en faveur de l'égalité entre les hommes et les femmes, la volonté est d'améliorer la vie quotidienne des habitants grâce au développement de services en proximité.

Ø le développement de services de proximité

On peut notamment citer la création de quatre pôles de vie des quartiers qui permettent aux habitants d'avoir accès en proximité à un panel d'interlocuteurs municipaux pour répondre à leurs demandes. Dix agents présents dans chaque pôle peuvent apporter des réponses à toutes les questions des habitants relatives au cadre de vie, à la citoyenneté, à la sécurité ou à la solidarité.

Les pôles de vie de quartiers permettent :

• de faciliter les démarches du quotidien des habitants,

• un traitement plus rapide de leurs demandes,

• de donner une meilleure information,

• d'établir un contact plus direct avec les élus et les agents de la Ville,

Enfin, et sur un autre champ thématique, le Bureau des Temps participe à la réflexion de fond sur la vie nocturne caennaise.

Ø L'action sur la vie nocturne caennaise

Le Bureau des Temps a contribué à créer et à animer la Charte caennaise de Qualité de vie nocturne . Issue d'un travail partenarial, elle offre un cadre commun de principes et d'engagements partagés par l'ensemble des acteurs publics et privés qui souhaitent contribuer au vivre ensemble, au partage intelligent et respectueux de l'espace public et au maintien d'une qualité de vie nocturne.

On peut également citer le développement de soirées sportives, culturelles et de loisirs à destination des jeunes caennais de 18 à 30 ans en nocturne (de 21h à 2h), le jeudi soir et dans une régularité. L'objectif est de proposer une offre conviviale, originale, attractive et favorisant la découverte, dans un équipement caennais.

Enfin, le Bureau des Temps est partie prenante de la Commission Transports et Rythmes Urbains de Viacités, (le syndicat mixte des transports en commun de l'agglomération caennaise). Cette commission a notamment élargi l'amplitude horaire de l'offre de transports pour mieux l'adapter aux rythmes des usagers. On peut par exemple citer la création récente de bus de nuit. L'objectif poursuivi est également de mieux réguler les flux de transports par la modulation des horaires d'ouverture des grands établissements scolaires de la Ville (exemples des grands lycées prescripteurs de temps).

13. Mise en place des horaires continus pour les agents d'entretien de la communauté urbaine de Strasbourg

Enquête auprès des agents d'entretien et des occupants réalisée en février 2011 dans le cadre du contrôle de gestion et évaluation des politiques publiques Mission des temps / Moyens généraux

Les objectifs de l'enquête : évaluer l'impact de la réorganisation des horaires de travail

• Auprès des agents d'entretien

1. Une forte participation des agents à l'enquête

2. Les principaux résultats : satisfaction sur les nouvelles conditions de travail et de vie personnelle

• Auprès des occupants

1. Un intérêt des occupants à cette nouvelle organisation avec un taux de 37 % de répondants

2. Les principaux résultats : satisfaction sur la nouvelle organisation et l'évolution de conditions de travail des agents d'entretien

3. Des suggestions d'amélioration pour aller plus loin

Afin d'améliorer la qualité de vie des agents d'entretien, le service des Moyens généraux a réorganisé depuis le 1 er février 2010 les horaires des agents d'entretien : ceux-ci interviennent désormais en horaires continus entre 6 et 13h.

Après 1 an de mise en oeuvre, conformément aux engagements pris, les agents ont été invités par questionnaire à s'exprimer sur cette nouvelle organisation.

• enquête réalisée du 10 au 21 janvier, 89 % de répondants

Parallèlement, les occupants des bureaux ont également été sollicités pour donner leur avis dans le cadre d'une seconde enquête.

• enquête réalisée du 12 au 28 janvier, 37 % de répondants

La démarche est menée conjointement par le service des Moyens généraux, la Mission des temps et le service du Contrôle de gestion et d'évaluation des politiques publiques.

I) Enquête auprès des agents d'entretien

1. Une forte participation à l'enquête

• 89% des agents d'entretien actuellement présents ont répondu au questionnaire

• 37 agents travaillent désormais en horaires continus ( 3 agents ont conservé leurs horaires continus d'après-midi, 4 sont restés sur leurs horaires en coupé )

Dans le cadre de la réorganisation, avez-vous personnellement changé d'horaires de travail :

Base : 34 répondants

Localisation - vous travaillez :

Base : 33 répondants

2. Les principaux résultats

Une réorganisation vécue par les agents comme une nette amélioration des conditions de vie et d'emploi

Une réorganisation vécue par les agents comme une nette amélioration des conditions de vie et d'emploi

Estimez-vous que les horaires continuent par rapport à la précédente organisation :

Les nouveaux horaires de travail ont favorisé une diminution du stress et de la fatigue pour les agents

Des contacts fréquents et appréciés entre agents d'entretien et occupants

Avez-vous des échanges avec les occupants ?

La cohabitation entre agents d'entretien et occupants se déroule bien, dans la plupart des cas :

> 4% des agents estiment que leur intervention peut déranger certains occupants...

> ...mais 28% des agents rencontrent des difficultés pour réaliser certains tâches :

ï en particulier, passer l'aspirateur (bruit)

ï plus spécifiquement : certains services où les agents ne peuvent quitter leur poste

Les agents ont le sentiment que leurs conditions de vie en dehors du travail se sont fortement améliorées

Le passage en horaires continus :

> pour 52%, permet de pratiquer de nouvelles activités de loisirs : sports, jardinage, bricolage, sorties...

> pour 21%, permet d'accompagner plus facilement les enfants à la crèche/à l'école

> pour 33%, permet d'améliorer l'alimentation le midi (pas de changement pour 52%, dégradation pour 15%)...

> ... mais cette amélioration ne passe pas par la fréquentation du restaurant du CA : 91% n'y vont jamais

Trajet domicile-travail : l'économie d'un aller-retour chaque jour (un seul trajet en horaires continus, au lieu de deux en horaires coupés)

> 24 mn, en moyenne pour le trajet domicile-travail (aller simple)

> mais pas d'impact sur les modes de transport : seuls 2 agents indiquent avoir changé

L'organisation des remplacements en cas d'absence d'agent(s) d'entretien constitue un point d'insatisfaction

Le non remplacement de certaines absences génère une surcharge de travail pour les collègues présents et un travail bâclé

38% des agents ont suggéré des améliorations des conditions de travail :

- une meilleure entente entre agents et plus d'écoute par leurs responsables

- plus de respect de leur travail par les occupants

Large satisfaction sur le matériel mis à disposition, mais une satisfaction plus mitigée sur les produits d'entretien

ð Une insatisfaction liée au remplacement des produits chlorés par des produits écologiques jugés moins performants par les utilisateurs

II) Enquête auprès des occupants

1. Un intérêt porté par les occupants

87% des occupants satisfaits de la nouvelle organisation

2/3 étaient informés de l'évolution des horaires

> 2184 boites mail identifiées sur les sites entretenus par les agents d'entretien des Moyens généraux

> 813 questionnaires ont retournés et saisis, soit un taux de participation de 37%

2. Principaux résultats

Concernant la propreté : 82% se déclarent satisfaits (dont près d'1/3 très satisfaits) contre 3% « pas du tout satisfaits » (Base : 796 répondants)

Concernant la fréquence : 82 % sont satisfaits, contre 4 % estimant cette fréquence « très insuffisante » (Base : 787 répondants)

Près de 7 agents sur 10 déclarent que le changement n'a pas dégradé la qualité de l'entretien...

... et 2 fois plus d'agents considèrent que cela s'est même amélioré par rapport à ceux qui ont le sentiment qu'elle s'est dégradée (base 773 répondants)

Quelques commentaires négatifs :

• un nettoyage jugé superficiel, trop rapide

• des endroits qui ne seraient jamais nettoyés (sols, armoires)

• des problèmes d'allergies

• la reconnaissance que l'agent peut difficilement intervenir si l'agent ne range pas lui-même son bureau

• des locaux vétustes, difficiles à nettoyer (moquettes)

• des difficultés pendant les périodes de congés ou d'absence de l'agent

• sentiment de non prise en compte du type de fréquentation (notamment accueil du public)

Une cohabitation appréciée par les occupants, alors que la crainte d'un rejet de cette nouvelle organisation était réelle au départ

• 84% des occupants rencontrent les agents plusieurs fois par semaine

• 90% apprécient d'avoir un échange et ne se déclarent pas dérangés (seuls 8 % se disent « parfois dérangés », et 1% « souvent »)(base 791 répondants)

Commentaires des occupants sur les contacts avec les agents d'entretien

En positif :

ï agent sympa, souriant, discret

ï permet un moment de convivialité, de créer des liens, les agents d'entretien sont «visibles »

ï permet des demandes d'intervention spécifique

En négatif :

ï nuisances liées au bruit (discussions ou utilisation de l'aspirateur) notamment dans les lieux qui accueillent du public

ï un passage à des moments parfois inappropriés (réunion ou conversation téléphonique)

ï des problèmes liés aux locaux (exigus ou moquettes difficiles à nettoyer)

ï contraintes liées à l'accueil du public : pour certains l'intervention des agents semble être un problème (bruit, confidentialité...)

Des pistes :

ï Des rappels dans le fonctionnement et l'intervention des agents d'entretien notamment en termes de confidentialité, lors de l'accueil des publics

2/3 des répondants considèrent que la nouvelle organisation contribue à une certaine reconnaissance du travail des agents (Base : 765 répondants)

25 % ont fait des efforts, et font plus attention au tri et au rangement.

Parmi les 75 %, certains ont des bureaux toujours rangés ; ils n'ont pas besoin de faire un effort particulier. Pour les autres cela conforte un axe de réflexion en cours (projet de Charte de l'entretien impliquant les agents d'entretien et les occupants)

Les occupants ont pris le temps de s'exprimer, de faire part de leur avis : près de 990 phrases de commentaires ont été saisies.

Suggestions :

• organiser des réunions occupants et agents d'entretien pour mieux cerner les besoins (préfiguration de la charte) et préciser ce que les occupants peuvent faire pour faciliter le travail des agents

• réfléchir à l'opportunité d'un passage des agents d'entretien moins fréquent mais plus approfondi, voire un nettoyage annuel

• proposition de mise en place de carnet de liaison

• opérer des remplacements de sols (type de matériau et vétusté)

14. Communauté urbaine de Strasbourg - Charte de réunion

La collectivité attend de chaque collaborateur qu'il effectue son temps de travail et qu'il s'engage avec résolution dans l'accomplissement des missions de service public qui lui sont confiées. Elle souhaite également veiller à une meilleure articulation des temps professionnel et privé. Elle entend donc mieux organiser les périodes collectives du travail.

Initiée et pilotée par la Mission des temps, la Charte de la réunion résulte d'un travail transversal conduit en interne. Il s'agit d'un guide de bonnes pratiques pour nos séances de travail interne, qui s'applique à toutes et tous et répond aux objectifs suivants :

• Respecter le temps de chacun par une régulation des horaires de réunion,

• Gagner du temps par des réunions courtes et menées dans un souci d'efficacité,

• Réduire le temps de déplacement par de nouvelles pratiques de réunion à distance et l'utilisation des outils disponibles.

Les propositions formulées relèvent pour l'essentiel du bon sens et participent du savoir vivre et travailler ensemble. Chacun d'entre vous est invité à s'efforcer de les mettre en pratique en prenant en compte les nécessités de service et l'objectif de qualité du service public.

C'est un outil de modernisation de notre administration, qui comprend trois volets :

• Les horaires ;

• Les règles pour professionnaliser la conduite de réunion, que l'on soit animateur ou participant ;

• La logistique et les outils à notre disposition pour mener les réunions dans les meilleures conditions de travail, y compris à distance.

15. Tableau de suivi des actions de la mission temps et lettre de mission - Communauté urbaine de Strasbourg (mis à jour janvier 2014)

16. L'agence des temps de Poitiers

Le contexte : pourquoi une politique des temps ?

L'Agence des Temps de Grand Poitiers, créée en mars 2001, constitue un levier de politique sociale , notamment en faveur des personnes les plus démunies, mais elle est également un moyen d'identifier des besoins nouveaux nés de la désynchronisation des temps multiples de la vie moderne.

En effet, sur un territoire, la capacité des habitants à maîtriser, - ou pas -, leur temps constitue indéniablement un facteur d'inégalités :

- les emplois les moins qualifiés sont ceux sur lesquels pèsent les plus fortes contraintes (horaires décalés, temps de travail fragmenté ...),

- l'étalement urbain provoque des difficultés en matière d'accessibilité aux services,

- les femmes salariées continuent à assumer la « double journée ». Toutes les études statistiques nationales le montrent.

Ces éléments rejaillissent sur l'organisation quotidienne personnelle et familiale, souvent faite d'arrangements précaires. Ils pèsent également sur la demande de services en direction des collectivités (modes de garde adaptés) ainsi que sur les conditions d'accès aux offres (horaires des transports en commun, des offres sportives, culturelles, des commerces, des services publics).

Pour une collectivité prendre en compte la dimension Temps permet de :

- lutter contre ces inégalités en favorisant l'accessibilité, entre les femmes et les hommes, entre les territoires, les âges ou les revenus,

- aider les habitants à mieux articuler vie professionnelle, vie familiale, personnelle

- considérer le citoyen dans sa globalité (usager, consommateur, salarié, piéton, automobiliste ...),

- agir pour synchroniser et/ou harmoniser les horaires des services publics et privés,

- optimiser les équipements publics et l'usage des espaces publics en développant leur polyvalence, aux différents moments de la journée, semaine ou année

En matière de management, intégrer la dimension Temps, permet de :

- développer un nouvel outil de gestion entre institutions publiques et privées favorisant la transversalité entre les services et incitant de nouveaux partenaires à s'impliquer (Éducation Nationale, entreprises etc.),

- susciter de nouveaux modes de concertation sollicitant des acteurs non systématiquement impliqués dans ces processus.

De 2002 à 2008

Forte de son bilan, l'Agence des Temps de Grand Poitiers a été reconduite lors de l'élection municipale de 2008. Comme dans le mandat précédent deux élus sont délégués à l'animation de la structure, la 1 ère adjointe et un conseiller. Toutefois, en adossant cette délégation « temporelle » à celle de l'accueil au public, les marges de manoeuvre, ont sûrement été plus restreintes que lors du mandat précédent où l'adjointe avait également pour délégations l'Université et le Développement Économique.

En 2008, aucune restriction n'est donc imposée au travail de l'Agence mais, de fait, les dossiers transversaux auront plus de mal à s'imposer.

Outre les deux élus de la Ville de Poitiers délégués à l'Agence des Temps, Christine Sarrazin-Baudoux et Jules Aimé, l'Agence des Temps s'appuie sur un groupe de travail, nommé « Grand Poitiers/Temps » composé de deux élus de chacune des communes de Grand Poitiers. Ces élus, qui ne sont pas obligatoirement des élus communautaires, ont été désignés par les communes pour réfléchir avec l'Agence aux problématiques temporelles.

Avant de présenter les actions engagées depuis 2008, il convient de rappeler que l'Agence des Temps a maintenu un service créé en 2001 qu'elle ne gère plus directement, un dispositif facilitant une meilleure accessibilité aux services, à la culture et à la vie citoyenne :

- les guichets uniques de rentrée scolaire , gérés maintenant par le service de l'Administration Générale, qui permettent aux habitants d'effectuer pendant une semaine, -fin août -, un grand nombre de démarches liées à la rentrée, en un seul endroit, les Maisons de Quartiers et la Mairie centrale, à des horaires atypiques, fin de soirée et samedi matin.

Par ailleurs, nous rappellerons quelques actions marquantes de l'Agence qui, en leur temps, ont apporté un souffle de nouveauté et de dialogue :

- l'ouverture de la mairie centrale entre midi et 2 et des mairies de quartiers en fonction des besoins des usagers et de l'environnement (présence d'un marché, présence et horaires des administrations voisines etc.),

- le décalage des entrées de cours le matin sur le campus de 8h à 8h45. La réforme LMD a quelque peu perturbé ce dispositif qui reste toutefois mis en place par quelques UFR,

- le dialogue avec les commerçants du centre-ville pour une ouverture entre midi et 2,

- l'aide à la mobilité des personnes en insertion par la création d'une plate-forme d'information gérée par Vitalis, (de 2006 à 2007 puis fermée ensuite ... pour retrouver vie sûrement en 2014, portée par une Maison de quartier ayant répondu à un appel à projet du FARE).

- l'aide à la création du Groupement d'Employeurs Temps-DEM pour répondre aux besoins de gardes d'enfants sur horaires atypiques.

Des actions concrètes

Depuis 2008, l'Agence poursuit et complète son action en matière d'accessibilité à la culture. En effet, on constate de plus en plus une demande d'offres sur des horaires différents, - entre midi et 2, en fin d'après-midi -, émanant de salariés qui habitent aux alentours de Poitiers, - 15, 20 km ou plus -, et ne reviennent plus en centre-ville de Poitiers à 20h30 pour « consommer » de la culture. C'est pourquoi l'Agence a toujours favorisé l'émergence d'offres différentes et souvent gratuites : les midis et 2 des Expressifs, des Tudiantes, des Clefs de Notre-Dame. Aujourd'hui ces manifestations ne sont plus subventionnées par l'Agence des Temps mais la dynamique est acquise.

Par contre, l'Agence a concrétisé un partenariat avec le TAP qui a permis la création des « concerts-sandwiches » . Le premier, le 17 décembre 2010, a obtenu un énorme succès. De nombreuses personnes, dont certaines sûrement néophytes en matière de musique classique, sont venues apprécier un concert de qualité au moment de leur pause déjeuner. L'Agence des Temps active, à cette occasion, son réseau constitué de l'ensemble des administrations du centre-ville. Depuis, ces concerts-sandwiches ont été totalement intégrés dans la programmation du TAP et font l'objet d'un visuel spécifique. Lorsqu'ils nécessitent une prise en charge financière, elle est assumée par l'Agence.

Public : environ 300 à 350 personnes par concert.

En matière de mobilité des seniors , dans le cadre de la semaine de la mobilité en septembre 2009, l'Agence a été à l'initiative d'une journée de découverte du réseau de bus Vitalis par ce public spécifique. C'est dans ce contexte que des personnes des différents logements-foyers de Poitiers avaient été accueillies par le maire pour une présentation du projet Coeur d'Agglo.

Dans le cadre de la réflexion menée avec le groupe «Âges de la vie » du Conseil de Développement Responsable, l'Agence des Temps et le Conseil ont permis, par la mobilisation de nombreux partenaires, la création d'un service de cohabitation intergénérationnelle sur notre territoire, porté par la Maison de quartier Le Local.

La garde des enfants pour les adhérents de la Bourse Spectacles et des Maisons de quartiers de Poitiers, et, depuis 2011, de Buxerolles et Migné-Auxances

Ce dispositif qui permet aux familles de bénéficier de gardes d'enfants gratuites à domicile afin de se rendre plus facilement aux spectacles et activités citoyennes des Maisons de Quartier a été peu utilisé. Compte tenu des impératifs budgétaires pesant sur l'Agence (prise en charge des concerts-sandwiches), le dispositif n'avait pas été reconduit en 2013.

Toutefois, en 2014, une enveloppe financière a été affectée pour la mise en place de gardes d'enfants lors de rencontres citoyennes, dans les maisons de quartier.

Une source de débats et de propositions

Outre l'élaboration de nouveaux services, l'Agence par son caractère transversal, multiplie les opportunités pour ouvrir des thèmes de réflexion qui intéressent nombre de services de la collectivité et de structures extérieures. Elle est sollicitée sur certains dossiers (ex : enquête de satisfaction et de besoins des clients du marché couvert Notre-Dame ) ou moteur pour lancer le débat sur de nouveaux enjeux qui lui semblent majeurs (ex : le temps des étudiants, l'intergénérationnel). Elle est un des maillons du service Prospective dans sa capacité de diagnostic, d'écoute et de propositions dont elle se fait le relais auprès des élus.

Dans ce travail de diagnostic et d'évaluation des besoins, le partenariat engagé avec l'Université de Poitiers (Master Sociologie, Master Médiation, IAE etc.) est particulièrement déterminant. Il a ainsi permis la coordination de plusieurs études ; cinq depuis 2008 :

- les besoins en matière de services des salariés travaillant en horaires décalés sur le site du Futuroscope (essentiellement les centres d'appels - 2012)

- la transmission des savoirs entre générations (2011)

- les modes de vie des étudiants de Poitiers (2009)

- la fréquentation du marché couvert Notre-Dame et les attentes des habitants (2009)

- les publics de la médiathèque François-Mitterrand (2008).

Un important travail a été effectué sur le temps des étudiants . Il convient de rappeler que l'Agence des Temps s'inscrit ici dans le cadre de la convention quadripartite, Ville/Grand Poitiers/CROUS/Université, dont un des chapitres concerne l'approche temporelle des problématiques de la vie étudiante. Les associations et syndicats étudiants ont été mobilisés sur diverses thématiques. Leurs attentes et propositions concrètes ont été transmises à l'ensemble des élus, services de la collectivité et structures concernés.

Les étapes en sont les suivantes :

- le 26 juin 2008, une journée de la Prospective concernant le temps étudiant de manière globale. Trois préoccupations essentielles ont été alors mises en exergue : la mobilité, l'accessibilité à la culture et aux loisirs, les conditions de vie.

- le 12 mars 2009, une restitution des réflexions des étudiants sur le thème de la mobilité : les besoins des étudiants handicapés, la communication, le vélo et le bus la nuit.

Lors de cette réunion l'Agence et ses partenaires ont été interpellés sur le temps de loisirs pendant la période estivale.

- le 1er juin 2010 ; une réunion a eu lieu sur la thématique, - temps de loisirs et de la culture -, autour des trois questions suivantes :

- l'accessibilité temporelle à la culture et aux loisirs : banalisation des cours le jeudi après-midi ; compression de l'année universitaire et ses conséquences sur le temps culturel ; loisirs et culture pendant les vacances universitaires (connaissance des événements ? besoins ? rapprochement des étudiants entre eux, des étudiants et de la population etc.),

- l'accessibilité financière : besoins de lieux informels ? carte Culture ; les événements gratuits sont-ils connus ?

- l'accessibilité à la création artistique. Outre les associations et syndicats étudiants, étaient présents les représentants de la Ville et de Grand Poitiers, de l'Université, du CROUS, de la Maison des Etudiants et de Vitalis. Le représentant de Vitalis n'a pas manqué de souligner l'apport précieux de ces réunions thématiques qui permettent de répondre au plus près aux besoins des étudiants, tout en ne négligeant pas, bien entendu, les impératifs économiques de la régie.

En lien avec le groupe « Ages de la vie » du Conseil de Développement Responsable, l'Agence des Temps anime la démarche sur l'intergénérationnel. Dans notre société où quatre, voire cinq générations se côtoient, où l'éloignement géographique met à rude épreuve les liens entre générations au sein des familles, l'intergénérationnel est un véritable enjeu de société.

Des forums des acteurs locaux organisés les ont permis d'échanger, de mobiliser autour de ces questions. Ils ont remporté un grand succès en mobilisant à chaque fois une centaine de personnes, parmi lesquelles élus, représentants d'institutions, d'associations, habitants, entreprises etc.

Parallèlement différentes pistes de travail ont été explorées par l'Agence et ses partenaires :

- la valorisation des actions intergénérationnelles au sein des associations. Un recueil d'actions-phares a été édité. Il est également en ligne sur le site de Grand Poitiers. Son objectif est de faire levier, de créer une dynamique autour de cette question. Un module de formation des bénévoles associatifs autour de l'intergénérationnel a également été créé à la demande du groupe par l'AFIPAR. Une douzaine de personnes l'ont suivi avec intérêt.

- la création un dispositif de cohabitation intergénérationnelle , Equip'Âges. En lien avec des étudiants de l'IAE, les membres du groupe « âges de la vie » du CDR et de Grand Poitiers/Temps, l'Agence a coordonné une étude sur l'adhésion des habitants de Grand Poitiers à un dispositif de cohabitation intergénérationnelle. Les résultats présentés le 28 mars 2011 montrent que 40% des personnes interrogées (1091 questionnaires traités) ont une réelle envie d'adhérer à ce projet. Ensuite, sous l'égide de l'Agence et du Conseil, ce sont de multiples acteurs du territoire qui ont été mobilisés pour le faire émerger : bailleurs sociaux, MLI, ADIL, Université, CROUS, Confédération Syndicale des Familles, Foyer des jeunes travailleurs etc. En juin 2012, Le Local a proposé d'adjoindre ce service à son secteur Habitat jeunes. Le vendredi 8 mars, une conférence de presse, en présence de Régine Faget-Laprie et Nathalie Rimbault-Raittière, lançait le dispositif.

- le lien à développer entre bénévoles et associations comme facteur de bien vivre ensemble :

Les forums des acteurs ont mis en lumière le rôle du bénévolat associatif dans le développement du « bien vivre ensemble ». Or, aujourd'hui, le bénévolat serait en crise. Qu'en est-il vraiment ? Si cette assertion est exacte, pourquoi ? Qu'attendent les citoyens ? Comment les associations peuvent-elles réagir ? Ce sont ces questions qui intéressent aujourd'hui le groupe « âges de la vie » du CDR et l'Agence des Temps, aidés dans leur démarche par une nouvelle promotion d'étudiantes de l'IAE de Poitiers.

Celles-ci ont mené deux enquêtes : une auprès des habitants (enquête mise en ligne notamment sur le site de Poitiers), l'autre auprès des associations. La réunion technique du 14 mars 2013, précédée d'une réunion du groupe âges de la vie le 6 mars, avait pour objectif de présenter les résultats de ces deux enquêtes et de susciter le débat avec les représentants des associations « têtes de réseaux ». Ceci dans le but d'éclairer les élus sur la mise en oeuvre d'actions favorisant le lien indispensable aujourd'hui entre bénévoles et associations et notamment la création d'une Bourse du Bénévolat.

Aujourd'hui, en lien avec des étudiants de l'IAE, un projet est en cours sur la mise en place d'une stratégie de communication concernant le bénévolat des jeunes.

Participation de l'Agence des Temps au projet IHHS (Innovation habitat habitant seniors) de SIPEA (bailleur social)

SIPEA habitat, le CSC des Trois Cités, accompagnés d'un consultant, travaillent depuis plusieurs mois sur un projet stratégique dont l'objectif est de répondre aux problématiques liées au logement des seniors (adaptation du logement mais également lien social, mixité intergénérationnelle etc.).

Un référentiel I2HS (Innovation, Habitat, Habitant Senior) a été créé qui permet d'identifier les différents axes d'intervention (logement, vie sociale, services, espaces publics) ainsi que les acteurs concernés par la maîtrise de chacun d'entre eux. La démarche I2HS doit permettre de renforcer la coopération entre les partenaires.

Son travail sur l'intergénérationnel a amené l'Agence des Temps à intégrer le Copil d'I2HS.

Aujourd'hui des groupes de travail se sont mis en place autour des 4 axes. L'Agence participe au groupe « Services ».

Les rencontres de l'Agence des Temps

Depuis 2008 l'Agence a rencontré des partenaires de la Collectivité ou des structures extérieures afin d'ouvrir de nouvelles pistes de réflexions dans l'intérêt des habitants ... avec plus ou moins de succès.

Une rencontre avec l'Adjoint aux sports et le directeur du service sur la mutualisation des équipements sportifs (réflexion reportée au prochain mandat).

En 2012, une rencontre avec la Déléguée Régionale aux Droits des Femmes, ainsi qu'une mobilisation des Bureaux des Temps de la Région Poitou-Charentes par l'intermédiaire d'AIRE 198, a permis d'aboutir sur un travail commun de mise en place des horaires de journée pour les agents de propreté . La DRH de la Ville a ainsi pu bénéficier du travail effectué par Tempo territorial en ce domaine.

Plusieurs rencontres avec des membres du CJD (Centre des Jeunes Dirigeants) pour présenter les politiques temporelles et les sensibiliser à la conciliation des temps au sein des entreprises. Malgré un intérêt marqué de leur part, la suite de la réflexion s'est heurtée au changement de président de l'association.

Ces rencontres pour ouvrir de nouvelles pistes de travail nécessiteraient un portage politique et de l'administration générale plus intense d'autant plus qu'elles de heurtent également, comme on l'a vu, au changement de personnes au sein des structures.

Les perspectives immédiates de l'Agence des Temps

Les marches nocturnes

Il s'agit sur ce temps de la nuit de réaliser une observation sociale et sensible des lieux : identifier les usages, les besoins, les représentations et l'ambiance en recueillant des informations spatio-temporelles au détour d'observations et d'interviews. Les personnes croisées seront interrogées ainsi que les acteurs incontournables de la nuit : responsables des lieux de vie (bars, boîtes, restaurants) mais également agents de propreté etc.

Cette approche nouvelle, déjà mise en oeuvre dans certaines villes (Strasbourg, Dijon etc.) permet de faire émerger des constats mais également des idées et des projets.

Quatre trajets ont été identifiés : trois au centre-ville, un dans le quartier de Saint-Eloi. Ils permettent d'avoir une approche des différents points sensibles de la ville.

La méthode retenue est celle de l'impromptu : pas d'annonce dans la presse locale en amont, ce qui n'interdit pas de demander à être accompagnés dans ces déambulations par un ou des journalistes.

Toutefois les responsables des bars, parkings etc. seront, quant à eux, sollicités en amont.

Dans le contexte de la période préélectorale, ces marches n'ont pu avoir lieu en mai 2013.

Le projet est bien sûr conservé et même élargi à une réflexion globale sur la nuit, un Projet

Global de la nuit à Poitiers , porté par l'Agence.

La poursuite du travail avec le groupe « âges de la vie » du CDR

Le groupe «Âges de la vie » du CDR finalise actuellement son bilan mais s'est également donné pour objectif de tracer la voie aux prochains membres. Pour ce faire, les nombreuses pistes évoquées autour de l'intergénérationnel, et non encore exploitées, vont être revues et débattues.

Le réseau Tempo Territorial

Enfin, il convient d'évoquer l'implication de l'Agence des Temps de Grand Poitiers dans le réseau national Tempo territorial , association dont Dominique Royoux est Président depuis 2008 et Christine Sarrazin-Baudoux et Jules Aimé, actuellement membres du Conseil d'Administration. Ce réseau réunit une trentaine de territoires diversifiés, villes, communautés urbaines ou d'agglomérations, conseils généraux ou régionaux (villes de Paris, Lyon, Brive, Rennes, Caen, Dijon ... Conseil Général de Gironde, Communauté Urbaine de Strasbourg ..., Conseil Régional Nord-Pas-de-Calais ...), des laboratoires de recherche également.

C'est à ce titre que l'Agence a organisé à Poitiers, les 12 et 13 novembre 2009, Les Temporelles, sur le thème « Horaires décalés, délitement social : enjeux de régulation des politiques temporelles ».

Par ailleurs l'Agence a participé à la création d'un module de formation à l'attention des élus et des techniciens sur les politiques temporelles ainsi qu'à celle d'un guide méthodologique.

Elle gère également la Lettre d'information de l'association.

Par l'intermédiaire de l'association, elle initie et participe aux grands débats de société : rythmes scolaires, travail du dimanche, télétravail, ouverture des médiathèques le dimanche etc. En octobre 2009, Dominique Royoux et sa collaboratrice Mireille Terny, ont été auditionné à l'Assemblée Nationale par le rapporteur du budget « Egalité des chances », Christophe Sirugue, Député-Maire de Chalon-sur-Saône et par Catherine Coutelle, Députée de la Vienne, sur l'articulation vie familiale-vie professionnelle.

La réforme des rythmes scolaires dans le cadre de la loi d'orientation sur l'éducation, a été l'occasion pour Tempo territorial de participer activement à la concertation des différents acteurs. Elle a mené et présenté un travail approfondi nourris d'expérimentations et d'organisations fonctionnant à 4,5 jours par semaine.

La question des rythmes scolaires intéresse les politiques temporelles à plusieurs niveaux :

- Au coeur de la réflexion, l'aménagement du temps des enfants doit permettre un nouvel équilibre entre temps scolaire, périscolaire et familial.

- Au-delà, ce débat réinterroge l'ensemble des rythmes de vie des familles avec enfants et notamment le temps de travail des actifs, dans une perspective sociétale

- Enfin, l'école joue un rôle de "générateur de temps" dans les territoires, c'est-à-dire qu'elle impacte fortement le rythme des territoires et l'organisation des services locaux et de transports. Cette dimension territoriale doit être prise en compte dans la concertation en cours.

Tempo a également intégré le réseau européen des acteurs des politiques temporelles constitué en novembre 2009. Dans ce cadre Tempo et l'Agence des Temps de Grand

Poitiers ont participé activement au groupe « services publics » du réseau. Il s'agit d'analyser les pratiques des différents pays membres.

Les élus membres du Conseil d'Administration de Tempo ont créé un groupe de travail pour analyser leurs cinq années de travail et donner des perspectives nouvelles à leurs engagements. Car il apparaît que les politiques temporelles connaissent un regain d'intérêt et d'activités. Les nombreux essais autour de l'accélération des temps, les dynamiques déployées par certaines entreprises sur la conciliation des temps, ont peut-être constitué des éléments déclencheurs.

Pistes d'évolution

Elles passent avant tout par l'appropriation du plus grand nombre de ces nouvelles politiques publiques. Pour y parvenir, quelques suggestions - plutôt - souhaits :

- Portage politique favorisé par une double délégation plus stratégique que celle de l'accueil du public,

- Portage de la Direction Générale plus affirmé,

- Création d'un groupe interne à l'administration, groupe dédié aux problématiques temporelles en parallèle au groupe d'élus Grand Poitiers temps

Cette « assise » permettrait peut-être d'explorer des champs qui ne l'ont jamais été ou de manière très ponctuelle jusqu'à présent ....

- Politique des ressources humaines au sein de notre propre collectivité : quid de la conciliation des temps pour nos propres salariés ?

- Aménagement urbain. Quels aménagements en fonction des rythmes des activités économiques et des habitants ? Quelles mutualisations d'équipement ?

Acte 2 de la décentralisation - Schéma de services publics dans le champ de compétence des collectivités.

Positionnement de l'Agence sur cette problématique mais qui, pour qu'il soit crédible et efficace, nécessitera un budget conséquent.... et même d'inscrire les politiques temporelles dans le projet politique global de l'agglo et de la ville.

17. Quand une collectivité explore le temps pour incuber des services innovants : l'exemple du Grand Lyon

Article écrit par Lucie Verchère, chargée de mission « temps & services innovants » - Grand Lyon Direction de la Prospective et du Dialogue Public 98 ( * )

Résumé :

Les temps et les rythmes des individus, mais aussi du travail, des institutions ont évolué ces 20 dernières années. Ils se sont complexifiés, désynchronisés et ont conduit de la part des citoyens à de nouvelles attentes de services, plus 24/24, plus immédiats, plus « à la carte». Ces évolutions sociétales interrogent de fait l'action publique.

Certaines collectivités locales françaises, telles le Grand Lyon, en mettant en place un « bureau des temps » (terme générique) ont fait le choix de prendre en compte ces évolutions temporelles, afin de les observer, de les diagnostiquer et ainsi d'incuber des nouveaux services au citoyen pour lui permettre de mieux gérer l'articulation de ses temps de vies, tout en produisant une ville plus durable et plus intelligente.

Pour cela, le Grand Lyon a mis en place une mission « temps & services innovants » intégrée à la Direction de la Prospective (www.espacedestemps.grandlyon.com)

Les temps qui rythment notre vie ont beaucoup évolué au cours du XX e siècle et cela interroge le rôle de l'action publique.

Notre société change, est devenue plus complexe, difficilement prévisible. Une organisation du travail en pleine transformation, des rythmes de travail et de vie de plus en plus déstructurés, désynchronisés, un rapport au temps plus individualisé, autant de faits qui conduisent à une évolution des modes de vie et des pratiques de la ville et de ses services. Les grandes temporalités de notre société ont été bouleversées en peu de temps et cela concerne plusieurs phénomènes. Les plus importants sont la féminisation du travail. En France 80% des femmes en âge d'avoir des enfants travaillent, mais aussi l'accroissement de la durée de la vie (+ 31 ans au cours du XX e siècle qui a bénéficié à toutes les catégories sociales). Il faut aussi considérer le droit à la retraite qui, bien que mouvant, permet de passer le dernier tiers de notre vie en temps hors travail, tout en étant encore actif. À cela s'ajoute la mise en place, depuis les années 2000 de l'ARTT (aménagement et réduction du temps de travail). Ainsi, nous n'avons jamais eu autant de temps libre, et pourtant chacun se plaint d'en manquer ! Si l'on se réfère à Jean Viard, au cours du XX e siècle, il y a eu une augmentation importante du temps libre :

Ainsi en 1914, sur une vie entière (de 60 ans soit 525 600 heures environ), on travaillait 200.000 heures, on dormait 200 000 heures, il nous restait 125 000 heures pour faire autre chose. Aujourd'hui sur une vie entière de 80 ans (soit 700 800 heures environ) environ, on travaille 70 000 heures, on étudie 30 000 heures, on dort 200 000 heures (donc on dort moins) et il nous reste 400 000 heures pour faire autre chose. Le temps non contraint a donc été multiplié par 4 en 3 générations.

Cela signifie par exemple que pour aménager une ville, puisque 12 % de notre temps est consacré au travail, 88% l'est pour autre chose et la ville et ses aménageurs vont devoir se mettre au diapason de ces nouveaux rythmes ! Cela explique pourquoi on a l'impression qu'il y a tout le temps du monde dans la rue par exemple ! Ce sont aussi les heures de pointe qu'il faut reconsidérer car elles se sont lissées, en particulier celles du soir qui s'étalent maintenant de 16h à 19h30 !

Il faut aussi mettre en cause le développement des nouvelles technologies à l'information et à la communication, qui accélèrent tous les processus de communication, personnels ou dans le travail, ou l'accélération des rythmes dans le travail : on voit se développer partout une flexibilité accrue, une course à l'urgence, à l'immédiateté dans le travail, qui se répercute dans la vie privée par un accroissement de stress et l'impression de n'avoir « plus de temps pour soi ». Le territoire est ainsi devenu un lieu où l'on assiste à une multiplicité des rythmes tant dans notre vie familiale, que sociale ou professionnelle.

Pour exemple, une enquête réalisée par Keolis (opérateur de transports) en 2007 99 ( * ) a démontré plusieurs évolutions. Cette enquête a consisté à interroger 3 300 actifs par téléphone dans 11 agglomérations du territoire français (50 % issus de la ville centre, 50% d'autres communes périphériques), soit 18 700 journées de travail décrites présentant les pratiques de mobilité et les modes de vies des interviewés ! Et les résultats sont éloquents en termes de rythmes de mobilité puisque 37 % de la population interrogée déclare commencer ou finir son travail en dehors des heures de pointe, 20 % assurant finir après 19h ! Ce sont aussi les jours de la semaine où les rythmes sont différents puisque 60 % des salariés n'ont pas les mêmes horaires selon les jours de la semaine. Enfin les durées du travail sont variées durant la semaine : 50% des personnes interviewées travaillent du lundi au vendredi, mais 10% travaillent en outre le samedi et 4 % le week-end.

Récemment une enquête réalisée par le bureau d'études Nova7 pour le Grand Lyon 100 ( * ) concernant les déplacements des habitants du Grand Lyon, mettait en évidence que 12 % d'entre eux ont une activité de travail ou d'études le samedi !

Cela sans compter sur le « mythe de l'année scolaire » : 48 % des personnes interrogées dans l'enquête Keolis vivent sans enfants à charge et sont donc peu concernés par le rythme des vacances scolaires. Et on observe que la fréquentation TC entre 13 et 19 h de certains jours de vacances scolaires peut être égale, voire supérieure, à celle d'une semaine hors vacances scolaires, en lien avec des activités de temps libre.

Dès lors, on assiste à un phénomène où chacun revendique SON propre temps et SON propre rythme avec l'émergence de logiques paradoxales difficiles à gérer par la puissance publique. Le risque est de voir se développer une société de l'immédiateté , qui veut « tout, tout de suite, et tout le temps », qui vit de plus en plus dans l'instant présent, qui anticipe moins et qui est de plus en plus dans l'action immédiate et dans l'urgence. Ceci n'est pas sans conséquence pour l'offre de services, publics ou non, qui doit en permanence s'adapter. On voit se développer une société qui veut « tout et son contraire », qui veut des services plus « à la carte », individualisés, « sur-mesure »... Avec des attitudes contradictoires et schizophrènes où chacun « demande à autrui ce qu'il ne veut pas pour soi ». Ainsi, si nous travaillons moins, nous voulons pourtant des services publics aux horaires élargis (crèches, activités péri et extra scolaires, ou transports par exemple).

À ceci s'ajoute la dimension fortement inégalitaire du temps, selon des critères bien spécifiques selon le statut, le genre, le lieu d'habitation, de chacun.

La demande d'une ville ouverte en continu se renforce. Une crèche 24h/24 existe à Lyon, de même que 4 lignes de bus nocturnes. On va au concert à la pause de midi, des séances de cinéma ont lieu à minuit ou à 11 heures du matin; le débat pour ouvrir les magasins ou les bibliothèques le dimanche est souvent relancé.

On dort une heure de moins par nuit que nos grands-parents ; internet nous relie au monde en continu... La pression sur la nuit, comme sur le dimanche, comme sur tous les temps de la vie quotidienne, et comme sur le temps de travail, augmente. L'étalement temporel sans limite peut devenir aussi nuisible que l'étalement urbain.

Et l'action publique dans ce débat ?

Les services urbains s'adaptent peu à peu, mais la ville fonctionne aussi avec des décalages entre les temps individualisés des habitants et les rythmes collectifs des services urbains. Dans une société ou le court-terme prédomine, comment interroger le temps du politique, comment gérer au mieux l'accélération des usages, des modes de vie, et le temps des décisions politiques ? Comme on l'a vu précédemment, le temps est forcément inégalitaire, alors comment l'action publique peut-elle intervenir ? Encourager ? Freiner ? S'adapter ?

Comment répondre aux attentes de la société civile en mouvement ? Quelle offre de services proposer : par exemple sur les lieux d'interconnexions pour transformer du temps d'attente subi en temps choisi pour faire une escale et moins perdre de temps lors des déplacements ? Mais aussi pour permettre aux parents de concilier leurs vies multiples ? Pour la garde des enfants en proposant des crèches à horaires décalés, en ouvrant le débat sur la semaine de 4 jours et demi tout en respectant le temps de l'enfant ? Quel modèle de valeurs doit-on impulser? pour une ville 24h/24 ? ou une ville apaisée ?

Face à ce questionnement sur les temps accélérés, il est nécessaire de repenser l'approche temporelle de l'aménagement des territoires. Cela peut être au travers des documents de planifications nouvelle version, les SCOTT, ainsi que les définit jean Yves Boulin, sociologue et spécialiste des politiques temporelles, devenant des Schémas de Cohésion et d'Organisation Territoriaux et Temporels ou par une approche plus servicielle de l'aménagement urbain avec la mise en place de services adaptés qui mettraient au même tempo, rythmes des individus et rythmes des territoires. Cela peut être également par une approche temporelle de l'urbanisme en particulier via le partage de l'espace publique à tous, en tenant compte des rythmes spécifiques de chacun de jour comme de nuit.

La mise en place de politiques temporelles dans les collectivités publiques en France

Pour prendre en compte ces multiples questionnements temporels, une vingtaine de collectivités françaises, dont le Grand Lyon, ont mis en place des « bureaux des temps », dont l'objectif principal croise plusieurs enjeux majeurs : l'innovation, l'amélioration de la qualité de vie mais aussi l'égalité et la cohésion sociale, afin de construire collectivement un fonctionnement temporel qui convienne aux besoins et aux rythmes du plus grand nombre.

Pour cela, les territoires impliqués ont mis en oeuvre des actions selon plusieurs axes de travail. On peut citer la mutualisation des espaces publics et des équipements , afin de les rendre adaptables en fonction des besoins et des usages différents des utilisateurs au cours de la journée, comme à St Denis ou à Dijon. De nombreuses collectivités ont pu agir sur les horaires d'ouverture des services, médiathèques, piscines ou musées, tels Paris, Rennes, ou Poitiers. En proposant des maisons de services publics, des guichets uniques, et en développant des horaires élargis, les collectivités permettent à l'habitant de mieux gérer son temps de vies tout en se déplaçant moins et mieux. D'autres collectivités ont incité à mettre en place des activités culturelles sur le temps de midi par exemple afin de toucher le plus grand nombre. Réorganiser le temps de travail des salariés précaires est une autre piste pour s'attaquer directement aux inégalités temporelles, en particulier des femmes. Par exemple, Rennes puis Paris et Nantes ont réaménagé le temps de travail des salariés d'entretien des lieux publics en les faisant travailler « aux heures de bureaux » afin de leur faciliter les déplacement et l'organisation de leurs temps de vies. Mais il s'agit aussi de repenser une organisation de travail plus « nomade » et mobile à partir de nouveaux lieux, tels les tiers- lieux, ainsi que le fait le Grand Lyon. Le thème « temps et mobilité » est aussi un axe majeur pour certains bureaux des temps, parce que le temps dans le déplacement est un critère majeur et que les problématiques de déplacements se posent pour de nombreuses collectivités ; c'est un axe fort pour le Grand Lyon, mais aussi Montpellier, Rennes, Poitiers, ...

Le temps de la nuit a été également plébiscité par certaines collectivités avec études et actions mises en place : à Paris, à Lyon, Rennes ou Dijon. Enfin, le thème des « modes de garde » a bien évidemment été majeur pour beaucoup de territoires puisque l'on touche par ce biais, un des enjeux forts de l'égalité hommes-femmes.

Dans tous les cas, ces axes ont privilégié une concertation entre toutes les parties prenantes, à l'instar des tables quadrangulaires de concertation italiennes, afin de concevoir des services qui s'appuient sur les attentes et les besoins des individus ou des collectifs, et non plus sur du « top-down » traditionnel.

Par définition ces « bureaux des temps », qu'ils soient nommés bureau, agence, mission, etc.. ont vocation à être transversaux et à travailler avec tous les services d'une même collectivité afin de croiser avec les autres politiques publiques.

Ces structures temporelles sont regroupées au sein du réseau Tempo Territorial, réseau national des acteurs des politiques temporelles. Il regroupe élus, techniciens, experts et universitaires spécialistes du sujet 101 ( * ) .

Un axe majeur de travail pour le Grand Lyon : le management de la mobilité

Initiée en 2002, la mission « temps & services innovants » du Grand Lyon a rapidement focalisé son action sur de l'expérimentation concrète de services visant à favoriser à la fois une meilleure articulation des temps de vie des habitants tout en produisant une ville plus durable et plus intelligente, tout en jouant la proximité vis-à-vis de l'usager.

En effet, lors de son installation, les élus et acteurs locaux ont souhaité privilégier cette approche aux dépens d'une approche temporelle plus conceptuelle et dogmatique. Pour autant de nombreux diagnostics et études sur des thématiques diverses ont été abordés : la question de la nuit, l'accélération des temps, les services à la petite enfance, les services aux salariés, par exemple. De nombreux forums grand public sur des « questions de temps » ont également été organisés entre 2003 et 2008 afin de sensibiliser sur le thème sur le temps de l'enfant, celui des personnes âgées, le temps des entreprises, celui du projet urbain, etc...

Mais l'axe majeur de la mission reste cette approche expérimentale avec ce rôle d'incubateur de services innovants, en lien avec la démarche marketing public développé par la Direction de la Prospective du Grand Lyon. Dès le départ, le domaine de la mobilité et des déplacements a été le thème plébiscité par l'ensemble des acteurs interrogés. La mission « temps » a ainsi très rapidement engagé un travail de concertation avec les partenaires économiques sur ce thème. A l'instar des tables quadrangulaires de concertations italiennes, il s'agissait de réunir autour de la même table tous les acteurs d'un territoire concernés par le sujet « temps & mobilité » et de concevoir des réponses communes permettant de réduire les problèmes de déplacements d'une zone tout en améliorant les temps et qualité de déplacements des salariés. Ainsi la mission « temps » assure le rôle de « conseil en mobilité » de l'agglomération et met en oeuvre le management de la mobilité avec les entreprises du territoire avec en particulier, la mise en oeuvre de 14 Plans de Déplacements interentreprises

(PDIE). Elle assure également un rôle d'incubateur de Nouveaux Services en Mobilité en s'appuyant sur les nouveaux métiers déclinés sur les zones économiques, les « animateurs mobilité » que l'on peut rapprocher des « time-manager » de Prato en Italie.

L'évolution du rythme "métro-boulot-dodo" est plus que flagrante dans le domaine des déplacements ! Les évolutions sociétales ont conduit à complexifier les rythmes de chacun, mais également les rythmes du territoire et donc des attentes différentes sur des besoins de services, en particulier de mobilité ; nous l'avons démontré en introduction en montrant les effets de l'enquête Kéolis. Ces évolutions impliquent un changement de paradigme puisque on doit maintenant prendre en compte la dimension multimodale de la mobilité : puisqu'on ne fait pas les mêmes choses selon les jours de la semaine, on ne va pas se déplacer de la même manière, en utilisant le même mode. Ainsi, le lundi, nos contraintes personnelles nous conduisent à devoir utiliser notre voiture personnelle, le mardi pas de contrainte, il fait beau, on prend son vélo pour aller travailler, le jeudi on covoiture avec son voisin car nos rythmes s'accordent, etc... C'est en se basant sur ces nouveaux usages que la mission "temps " du Grand Lyon a bâti son approche de management de la mobilité.

Avec une spécificité complémentaire aux services techniques traditionnels : une approche par l'usage, les pratiques et les modes de vies.

Une méthodologie de « management de la mobilité » éprouvée

En concertant largement et en s'appuyant sur les Associations d'Entreprises du territoire, 14 Plans de Déplacements inter-Entreprises ont été établis, avec plus de 400 entreprises, et 45 000 salariés potentiellement concernés, ainsi que le précise le schéma ci-dessous.

Pour chacun d'entre eux, un plan d'action offre des solutions de mobilité plus souples, plus durables pour les salariés concernés : meilleure connaissance et utilisation des TC, possibilité de covoiturer, meilleur usage des « modes doux », incitation au travail à distance pour moins se déplacer et mieux gérer ces temps de vies.

Pour que ces actions soient déclinées concrètement sur les territoires d'emplois, des postes d'animateurs - mobilité territoriaux ont vus le jour, cofinancés par le Grand Lyon et les Associations d'entreprises. Ces postes assurent un lien d'importance et de confiance entre les collectivités, les entreprises, les AOT et permettent ainsi de s'adresser à l'utilisateur final, via ce marketing de proximité.

La mission « temps & services innovants » intégrée au pôle Marketing joue également un rôle d'incubateur de services au sein de la Direction de la Prospective du Grand Lyon en ayant le souhait de toucher au plus près de ses attentes, l'utilisateur final. Puisque la relation de proximité existe avec chaque entreprise engagée dans un PDIE, des expérimentations de services innovants de mobilité peuvent être engagées plus facilement.

Ainsi dès 2008, un dispositif de covoiturage très complet a été mis en place sur le territoire.

Le portail www.covoiturage-grandlyon.com et la communication qui l'accompagne est piloté par la mission « temps » et doit être bientôt pérennisé au sein du Grand Lyon en étant porté par la Direction de la Voirie. Il permet à tout salarié habitant ou travaillant sur le Grand Lyon de trouver un covoitureur potentiel pour les trajets domicile-travail. Ce service initié comme une expérimentation à la demande des entreprises partenaires a rapidement démontré son utilité. Il a été complété en 2010, par une entrée « covoiturage-pour sortir» permettant à tout spectateur d'une des salles culturelles du Grand Lyon de pouvoir covoiturer vers un événement culturel. Le 10 000e inscrit au portail a été atteint en mai 2013. L'évaluation réalisée la même année a démontré en outre que 24 % des inscrits covoiturent effectivement ce qui permet d'économiser 1 500 000 kms de trajets mensuels, soit une économie financière conséquente pour tout covoitureur de 20 pleins d'essence par an et 1 627 € environ économisés à l'année. Le marketing de proximité mis en place par la mission « temps » est sans conteste un des volets qui a permis la réussite du dispositif.

D'autres incubations de services de mobilité, de vélos en location longue durée à partir des gares périurbaines, ou de voiture en partage entre particuliers et entreprises ont été impulsées. Chacune vise à étudier la faisabilité de tels concepts et d'en comprendre les déclics vis-à-vis des usages et des pratiques de déplacements des salariés. La mission pilote également des expérimentations de services innovants à mettre en place sur les lieux d'interconnexions afin de faire gagner du temps aux utilisateurs de TC/TER tout en promouvant une mobilité plus durable.

Parler de « démobilité » et revisiter le rapport temps et espace

Forte de ses actions dans le domaine de la mobilité, la mission « temps » du Grand Lyon s'est engagée dans une réflexion sur la « démobilité ». En effet, si l'on veut à la fois mieux concilier les temps de vies des habitants tout en construisant une ville plus durable, il faut se questionner sur la nécessité de se déplacer, en particulier pour aller travailler, puisque les déplacements domicile-travail représentent 33% des nuisances environnementales 102 ( * ) .

En quelques décennies, avec la montée en puissance des TIC (développement de la capacité des réseaux, outils numériques plus performants type smartphones), le travail s'est de plus en plus déporté hors de l'entreprise, induisant des changements qui définissent de nouvelles manières de travailler, mais aussi d'articuler ses temps de vies. La question du travail à distance mais aussi du travail collaboratif est donc plus que jamais d'actualité. Elle est d'ailleurs ressortie largement en lien avec quelques catastrophes : pandémie grippale, météo de crise, neige abondante, pollution majeure, grève générale ou très récemment lors des JO de Londres où 80% des entreprises londoniennes ont proposé des solutions de télétravail à leurs employés afin de soulager les transports publics.

Cela sous-entend de mener une réflexion sur de nouveaux espaces permettant ces nouveaux usages de travail plus collaboratifs ; ces espaces sont communément appelés « les tiers-lieux ». Travailler, un ou deux jours par semaine, non plus en entreprise mais depuis ces lieux équipés, collaboratifs et multifonctionnels, tel est le concept des tiers-lieux. Fruit de l'évolution de la technologie et de nouveaux modes d'organisation, ces nouveaux lieux, dédiés aux e-activités, sont au confluent de la demande sociale pour moins de mobilité, pour une gestion du temps personnel privilégiée, tout en assurant une compétitivité de l'entreprise et des territoires accrue, mais aussi pour attirer des « talents particuliers » sur le territoire.

Le concept de « télécentres » n'est pas récent. Les études de benchmark réalisées en 2010 ont permis de mettre en évidence les types de lieux existants en France et en Europe, ainsi que les facteurs de réussite et d'échec de la mise en place de tels lieux. Depuis quelques années, on note cependant une vraie évolution sur le sujet avec le développement de nouveaux types de lieux collaboratifs, lieux de sociabilité, de créativité et d'événementiel autres que de simples télécentres visant à partager des bureaux.

Le cadre juridique sur le travail à distance, mis en place en 2005 a participé à ce renouveau, tout comme la crise économique et énergétique. Il s'agit à présent de développer des télécentres ou centres de coworking de 2e génération , véritables tiers-lieux permettant l'innovation sociale et participant à l'attractivité des territoires. Le tiers-lieu, « outil de production et de développement » permet d'associer des acteurs variés publics, privés et associatifs à l'échelle d'un territoire. Il répond à des enjeux de développement durable favorisant « le mieux vivre et travailler ensemble ».

La mission « Temps et services innovants » du Grand Lyon a travaillé sur cette problématique du travail à distance, puisqu'elle croise de très près la question d'une meilleure articulation des temps de vies. Depuis 2010, elle soutient la commune de Charly, commune périurbaine au sud-ouest du Grand Lyon, dans la mise en place d'un centre de télétravail d`environ 30 postes. L'ouverture est prévue en 2014. Ce centre se doublera d'un centre de ressource sur le travail à distance. Pour se faire, dès 2010, une enquête web a été conduite auprès de 800 entreprises du territoire afin de les interpeller sur ce concept. Une étude de faisabilité a été conduite en 2011 en collaboration avec la commune de Charly. Cela a débouché par l'intérêt de quelques grosses entreprises pour utiliser le futur centre (Groupama, La Poste, Orange ...) et d'un certain nombre d'entrepreneurs. Une Association regroupant des partenaires potentiels publics et privés a vu le jour en 2012 pour accompagner la création du dispositif.

Plus largement, un réseau des centres de coworking est en train de voir le jour, action pilotée par la mission « temps », ce qui lui permet d'être un interlocuteur reconnu la démarche Ville intelligente et Durable du Grand Lyon.

Sur le même sujet, des territoires d'emplois situés en périphérie commence à se saisir de la question et à sensibiliser les entreprises. En quelques années, les avancements sont notoires. Il va falloir conduire la réflexion encore plus en avant sur ce sujet, et pourquoi pas engager une sensibilisation auprès d'entreprises volontaires pour étaler leurs horaires de travail. Comme nous sommes tous connectés, on pourrait rêver d'une organisation de travail où aux heures de pointes le salarié travaille chez lui pour rejoindre son entreprise aux heures plus creuses. A explorer ...

Quel bilan ?

Le temps est un sujet transversal par excellence, et il a donc fallu travailler avec de nombreux partenaires externes et internes, élus ou techniques. Il a fallu au début se faire entendre et reconnaître et le fait de travailler sur du concret, en visant la proximité a été un vrai atout. Des projets n'ont pas abouti, telle la mise en place de crèches en gare, du fait d'une gouvernance multipartenariale trop complexe mais après dix ans d'existence, la mission « temps & services innovants » du Grand Lyon a démontré auprès de ses partenaires, sa capacité à aborder des actions avec une approche psychosociale, complémentaire aux approches techniques qui s'appuie sur les usages, les pratiques et les modes de vies.

Sa vraie plus-value a été de pouvoir mettre autour de la table des acteurs qui ne se rencontraient jamais et donc ne pouvait comprendre les logiques de l'autre, ni ses attentes. Par cette mise en concertation, la mission « temps » permet la mise en place d'un processus « gagnant-gagnant » pour une mobilité plus durable qui réponde aux attentes des modes de vies des uns et des autres. Son intégration à la Direction de la

Prospective et du Dialogue Public est un élément favorisant pour agir avec souplesse et agilité dans ses modes de faire. Enfin, dans un contexte de crise des finances publiques, les incubations déployées le sont à moindre cout et peuvent, à défaut de construire des infrastructures lourdes et couteuses, avoir des effets conséquents en terme environnementaux, tout comme en qualité de vie.

18. Propos sur le travail à distance : « Mon bureau, c'est la France »

Lucie Verchère 103 ( * ) , Grand Lyon, Direction de la Prospective et du Dialogue public Chargée de mission « temps et services innovants »

« Mon bureau, c'est la France ! »

1. Un contexte qui a évolué ces 10 dernières années

Un travail se développe dans un espace et sur une durée ; le développement des TIC, et ses conséquences sur le travail à distance revisite ces deux notions, puisque l'espace devient de plus en plus mobile et la durée de travail, évolue, devient flexible. De ce fait, la frontière entre le travail et le hors-travail devient de plus en plus « poreuse ».

On voit ainsi se développer de plus en plus, du télétravail « gris » : dans le train, le soir, le week-end, à 23h03, .. à 3 h du matin.. etc ..

Dans ce contexte, il faut aussi citer les effets de la RTT, avec un recul de 10 ans maintenant, et ses impacts sur la FLEXIBILITÉ du temps de travail, et bien sur le corollaire : la question de l'articulation des temps de vies, et la qualité de vie des salariés.

La question du travail à distance est donc plus que jamais d'actualité. Elle est d'ailleurs ressortie largement en 2010 en lien avec quelques catastrophes : pandémie grippale, météo de crise : neige abondante, pollution majeur, grève générale.. Et paradoxalement, aucune incitation des pouvoirs publics, même si dans les PDU on encourage « ... au covoiturage, à l'autopartage, .. et ... le télétravail ».

Le travail à distance recouvre de nombreux enjeux dont on va parler plus loin, mais aussi des atouts, ou des contraintes dont on va aussi débattre : on n'est pas ici pour donner un propos et une pensée unique !

2. de quoi parle-t-on quand on parle de travail à distance ?

Un peu de terminologie pour différencier des termes souvent utilisés : télétravail, télécentres, smarts-centers, coworking, cotravail, travail à distance, ... :

- le télétravail à domicile, le plus fréquent, que l'on soit salarié dans une entreprise, ou en freelance, le lieu de travail est « déporté » à domicile pour une durée variable, le tout encadré juridiquement ;

- le travail à distance depuis des lieux équipés, les télécentres où des salariés d'entreprises, des auto-entrepreneurs, ou des free-lance, viennent travailler sur ces lieux collectifs et équipés ; la plupart de ces télécentres sont situés en zone rurale ou périurbaine ; certains fonctionnent, d'autres moins ;

- enfin, une forme particulière, plus urbaine, située près de hubs de communication, et destinés à une cible plus mobile, ou des salariés « nomades » viennent se poser. Ce sont des centres de co-working, tels les smart-centers aux Pays Bas, ou la Cantine à Paris ou à Rennes. Dans ces « tiers lieux urbains », on vient se connecter quand on est de passage, avec son portable dans son sac à dos, pour travailler, pour échanger, pour se réunir, ... mais aussi pour faire de l'événementiel, de la promotion et de la communication.

3. Quelques chiffres

Beaucoup de chiffres existent, mais les données sont floues d'autant plus qu'avec le développement des TIC, le télétravail « gris » se développe ;

- pour l'ANDT, Association National pour le Développement du Téletravail (www.anadt.fr) qui a interviewé une centaine télétravailleurs d'origines très variées, ils seraient plus de 2 millions d'actifs en France, soit 8% des actifs, à travailler à distance.

- pour d'autres publications, tel le rapport du Centre d'Analyse Stratégique paru en 2009, 6% des actifs en France pratiquent le télétravail ( contre 25 % aux Pays Bas) ;

- l'étude Gartner cite 7% de télétravailleurs

è Il y a donc nécessité de collecter des données fiables , des enquêtes, des bilans officiels.

è pour l'ANDT, le profil type est féminin, (93 % des répondeuses a l'enquête) mais ne sont que 75 % parmi les salariés, compris entre 30 et 50 ans (60 %).

Leur niveau d'études est élevé : 75% télétravailleurs salariés ; et ils résident plutôt en province 84%.

À mon sens, il faut prendre ces constats avec vigilance, et s'interroger si les femmes ne répondent pas tout simplement plus facilement aux enquêtes ....

è des travailleurs de tous genres : les « nomades » seraient 5 Millions en France, les auto-entrepreneurs, les indépendants, les travailleurs salariés.

è un encadrement juridique (accord national interprofessionnel ANI, de 2005, loi sur le télétravail en juin 2009, mais toujours pas votée par le Sénat).... Il n'y a pas de vide juridique pour le télétravail pour des salariés comme les autres, encadrés par des dispositions claires et réglementées. Mais seulement une vingtaine d'accords ont été signés à ce jour ; mais le débat sur le télétravail est de plus en plus en marche ! L'enquête ANDT précise que 37.5% des salariés ne disposent d'aucun document officiel (59% dans l'enquête Obergo) ; l'enquête ANDT fait apparaître que 62% seulement des personnes interviewées ont un contrat, le reste faisant du télétravail gris.

è du potentiel : mais là aussi les chiffres sont flous et évoquent un potentiel de 30% des actifs en France , cités dans le rapport du CAS, à 50 % de potentiel (OCDE) !

Quelques pratiques réussies dans les grandes entreprises : on peut citer l'Oréal, et le télétravail pour les femmes enceintes, Danone et le télétravail le mercredi matin, Accenture envers la population non-cadres, IBM, HP, ... Et la collectivité publique dans tout ça ?

4. Les enjeux du travail à distance sont nombreux

Les nouvelles formes de travail à distance s'inscrivent dans un cadre social, juridique, organisationnel, culturel ; Les enjeux sont toujours à situer dans un rapport gagnant-gagnant ! !!

• environnemental , via la question de la réduction des déplacements domicile-travail.

Nous avons atteint nos limites et si nous ne faisons rien nos villes seront bientôt asphyxiées ;

o cf. étude ANDT, les temps de transports des télétravailleurs salariés équivalaient 60 à 120 mn ;

o cf. étude ANDT, à quoi profite le temps gagné sur les déplacements ? au travail pour 68 % des télétravailleurs, pour 62 % à la famille ;

o cf. étude Cisco : 60 % du temps gagné sur les déplacements, est consacré au travail, 40 % à la vie privée améliorée.

• issus du Grenelle, aout 2009, les plans climats se développent partout visant à réduire de - 20% les émissions de GES en 2020 ; or des recherches ont montré que si on baisse le trafic sur la route de 3 ou 4 % seulement cela redevient vivable !

• dans beaucoup de territoires se développent des PDIE Plans de déplacements Inter Entreprises, qui devraient intégrer cette dimension plus qu'ils ne le font, d'autant plus qu'un PDIE touche déjà les entreprises dans leur proximité. Exemple, chez

Dexia où la mise en place du télétravail est liée au PDE.

• Enfin coté sécurité routière : 57 % des accidents du travail sont des accidents de la route dans les trajets domicile-travail et professionnels !

• Mais attention : aujourd'hui on manque de données exactes pour vérifier si le travail à distance fait décroitre ou non la distance des déplacements. En effet, certaines études 104 ( * ) font apparaître que ceux qui télétravaillent risquent de partir habiter très loin de leur lieu de travail et de ce fait la distance domicile-travail des jours travaillés est importante et le bilan CO 2 important !! de plus certains télétravailleurs multiplient les déplacements de proximité ! ex chez British Telecom -450 kms pour se rendre au travail, + 96 kms dans la proximité, donc le solde est positif ! Mais il faut être vigilant car en la matière rien n'est ni tout noir, ni tout blanc ! Cela démontre la nécessité d'avoir des mesures ; pourquoi pas via les EMD (Enquêtes Ménages Déplacements) qui pourraient intégrer cette question ?

• social : moins de stress, une meilleure articulation des temps de vies pour les télétravailleurs ; Ainsi dans l'article Futuribles 105 ( * ) « les entreprises au défi de l'ubiquité », les salariés CISCO qui disent « être plus productif, plus heureux à 66% » et 80 % avoir accru leur qualité de vie !

On peut également citer Jerome Ballarin (président de l'observatoire de la parentalité) : « les salariés bien dans leur peau, détendus, sont un levier de performance pour l'entreprise ; les employés les plus créatifs et les plus innovants sont ceux qui ont une vie épanouie. Il faut repenser l'organisation du travail, favoriser le télétravail, arrêter ces réunions aux horaires impossibles. Avec l'arrivée des générations Y, les salariés sont de plus en plus demandeurs d'équilibre de leurs vies. »

On retrouve ce propos aussi dans l'article de Futuribles « les entreprises au défi de l'ubiquité » : Cisco 106 ( * ) a interrogé dans 13 pays, dont la France, 1 300 salariés du secteur informatique : les 2/3 optent pour un salaire moindre, mais avec des conditions de travail plus flexibles.

Pour les entreprises, cela peut aussi s'intégrer dans une démarche égalité Hommes-Femmes, même si tous les experts sont d'accord : on ne télétravaille pas en gardant bébé, que l'on soit homme ou femme !

MAIS, attention à l'isolement, la perte de lien social : on ne télétravaille pas 5 J/5 !

• productivité : pour tous, le travail à distance c'est plus d'efficacité et donc une meilleure compétitivité de l'entreprise : (ex étude Sunmicro system = 60% du temps de déplacement économisé est consacré au travail).

MAIS, attention à la laisse informatique ! Surtout pour les cadres qui ne s'arrêtent plus de travailler ! D'après Monique Boutrand, de la CFDT, les télétravailleurs travaillent plus qu'on ne leur demande, mais sont satisfaits ! Même si l'enquête ANDT, pose la question : « parvenez-vous bien à séparer vos 2 vies : OUI à 94 % » est plutôt favorable, de nombreuses études 107 ( * ) montrent que la pression liée aux smartphones et mails à outrance s'est accrue considérablement et entraine un télétravail « gris » de plus en plus : « 80% qui ont un smartphone privé, l'emploient professionnellement chez eux, ou dans les transports » ;

Selon l'étude Editions Tissot 108 ( * ) , les exceptions "ordinaires" au temps de travail légal se multiplient puisque les salariés continuent à travailler chez eux après une journée de travail.

Ainsi, 50% travaillent pendant leur week-end, 38% pendant leur RTT, 24% durant leurs trajets et 26% pendant leur arrêt maladie. Déjà le téléphone mobile a fait éclater des frontières et internet amplifie le mouvement.

L'organisation du travail n'en sortira pas indemne, ni la perception que les travailleurs s'en font.

Un des freins souvent évoqué est celui du déroulement de carrière, qui pourrait être entravé quand on fait du télétravail ! « Des sondages ont suggéré que beaucoup d'employés craignent qu'en sortant du bureau, ils sortent aussi de l'esprit de leurs supérieurs et restent à l'écart d'une promotion 109 ( * ) , avec le risque que si le travail est fait à la maison, alors il peut aussi être fait depuis l'étranger ».

L'étude Cisco montre pourtant que malgré cette crainte, 50 % des cadres en recherche d'emploi, sont quand même enclins à prendre une offre d'emploi en commuting ! Et rappelons-le, il faut télétravailler raisonnablement ! Une moyenne de 3J /2J parait être la bonne norme.

• économique : en favorisant l'accès à l'emploi (personnes handicapées, auto-entrepreneurs, etc.., mais aussi l'allégement des couts (foncier), ex. chez Accenture, où la mise en télétravail de 50% du personnel a permis d'économiser 100 postes de travail ou comme HP Grenoble qui a loué la ½ de ses locaux. Le travail à distance peut aussi permettre de recruter des profils très spécifiques mais qui ne souhaitent pas forcément déménager.

L'étude Cisco donne comme précisions une économie de carburant de 10.3 M$ et un gain pour Cisco de 277 M$ dû au télétravail, soit 5% des bénéfices annuels !

Mais attention plus que toutes, cette dimension ne doit pas être la seule motivation.

• managérial : avec de nouvelles formes de management en entreprise qui s'appuient sur du management par objectifs, par projets et qui développent l'autonomie, la responsabilisation de l'individu. Cela sous-entend aussi de réinventer le métier de manager ! Et ces nouvelles formes de management sont loin d'être acquises ; cette question semble être le vrai frein au développement de cette nouvelle forme de travail.

Avec la mise en place des télécentres, de nouveaux enjeux apparaissent :

• créativité et lien social : communautés de savoir, de savoir-faire (cf. Silicon Valley)

• revitalisation des centres periurbains ou ruraux, puisqu'on ne réussit toujours pas à réduire l'étalement urbain !

Dans ces enjeux, on voit donc émerger des paradoxes ! Le travail à distance s'inscrit complètement dans la démarche développement durable selon ses 3 aspects, en promouvant du gagnant pour chacun : entreprises, individus, territoires et collectivités.

Mais attention il y a des points de vigilance à avoir ! Pour ne pas tomber dans les dérives, et l'explosion complète de la porosité entre les univers privés et professionnels.

L'accroissement de la flexibilité du travail, de la charge mentale, et du développement des TIC provoquent un no man's land ou les « télétravailleurs » sont livrés à eux-mêmes sans aucun encadrement social.

Alors, pourquoi en France, le travail à distance ne prend-il pas ? Tous sont d'accord, l es freins sont culturels, plus que techniques ou financiers ! C'est aussi ce que confirme le rapport du Centre d'Analyse Stratégique en novembre 2009, qui conclut par « un encadrement en retard, à la fois sur les outils techniques et les styles de management ».

Jack Nilles 110 ( * ) , à l'origine du concept de « commuting », affirme lui, que ça ne marche pas, parce que le télétravail engendre ou déclenche une révolution sociale dans l'organisation des entreprises et ceci est toujours effrayant pour les dirigeants.

Le débat n'est plus entre travail dans les murs ou hors-murs mais acceptation ou négation d'une réalité qui est en train de s'imposer parce qu'on est tous connectés quelque part , où que nous soyons, et que nous avons pris l'habitude d'être constamment interconnectés avec autrui, et que cela favorise le développement de l'ubiquité 111 ( * ) !

5. la problématique sur le Grand Lyon

La réflexion sur l'articulation des temps, le développement d'expérimentations de services innovants, et les expérimentations sur la mobilité durable ont conduit naturellement une réflexion sur les tiers lieux .

Implanter un télécentre, cela ne se décrète pas ! on peut se rappeler ici les échecs des expérimentations DATAR parachutées sur certains territoires !

La réussite se construit à partir d'un travail AVEC les entreprises, en partant de leurs besoins et de leurs attentes précises ! C'est la spécificité du travail engagé par le Grand Lyon avec la municipalité de Charly.

- En partant d'une commande de la municipalité, qui dans le cadre d'une réhabilitation d'une maison bourgeoise en centre-ville souhaite mettre en place un centre de télétravail. Un tel équipement permettrait aux salariés des communes environnantes de faire du travail à distance, un ou plusieurs jours par semaine et ainsi réduire leur mobilité.

- Le travail a consisté à réaliser un benchmark pour connaître le concept, l'existant ;

- Une étude de faisabilité avec une enquête-test auprès de 800 entreprises du territoire : 109 réponses et 40 potentiellement intéressées.

Plus d'infos sur :

http://www.espacedestemps.grandlyon.com/_Services_aux_salaries/salaries.htm

19. Présentation des actions, enjeux et résultats de la mission « temps urbains » de la ville de Dijon

Conseil municipal de la ville de Dijon

Séance du 24 juin 2013

Rapport présenté au nom de la commission de la citoyenneté et de la démocratie locale

Objet du rapport : Actions, enjeux et résultats de la mission "temps urbains"

Mesdames, Messieurs,

Depuis 2008, la ville de Dijon a choisi de prendre en considération les préoccupations liées aux politiques temporelles et d'en faire un axe structurant des actions portées par la Municipalité.

Les politiques temporelles consistent à analyser, tout à la fois, l'organisation spatiale (urbanistique) et temporelle de la ville, en fonction de l'usage individuel et collectif de l'espace et du temps.

Il s'agit de construire collectivement un fonctionnement temporel qui convienne aux besoins de tous ; répondre aux besoins individuels tout en conservant le sens du collectif, du bien vivre ensemble au service d'un développement plus soutenable.

La prise en compte des temporalités passe par des initiatives visant à favoriser la conciliation entre vie au travail et vie personnelle, l'accessibilité des lieux, des espaces et des services, qui constituent les cadres de la vie quotidienne.

I. OBJET DE LA MISSION « TEMPS URBAINS »

La mission « temps urbains » fait émerger les besoins et problématiques liés aux politiques temporelles en identifiant des pistes d'actions. Elle est ensuite chargée de mettre en oeuvre et d'accompagner les démarches temporelles visant à faciliter la gestion quotidienne des différents temps de vie de chacun tout en recentrant l'usager au coeur des pratiques.

Les axes de travail de la mission « temps urbains » sont les suivants :

• articulation entre vie familiale, vie personnelle et vie professionnelle,

• articulation des temps de loisirs et des temps de repos,

• adaptation des ouvertures et offres proposées par les services accueillant du public,

• prise en compte des temporalités dans l'aménagement urbain.

De nombreux dossiers ont été élaborés, accompagnés et mis en oeuvre ces cinq dernières années par une organisation active de la mission « temps urbains ».

II. PROJETS DE LA MISSION "TEMPS URBAINS"

Afin d'illustrer les actions de la mission « temps urbains », citons quelques-uns de ces projets, par axe de travail :

1. Articulation entre vie familiale, vie personnelle et vie professionnelle

a. L'accueil des enfants en pause méridienne

Un des dispositifs emblématiques de cette thématique est certainement « l'accueil du midi », système souple et adapté aux familles actives.

Il s'agit de deux temps d'accueil périscolaire supplémentaires sur la pause méridienne (de 12h à 12h30 et de 13h15 à 13h50) donnant la possibilité aux parents de chercher leur(s) enfant(s) à l'école jusqu'à 12h30 ou le déposera partir de 13h15.

Les parents aimeraient parfois se donner le temps de déjeuner avec leurs enfants. Malheureusement ils quittent leur lieu de travail bien après la sortie de classe. La mission « temps urbains » et le pôle réussite éducative ont mis au point une solution : les enfants sont gardés jusqu'à ce qu'on puisse venir les chercher (ou les ramener avant la reprise des cours) sans obligation de déjeuner à l'école. Un tel service offre un gain de souplesse, une amélioration de l'articulation entre la vie professionnelle et la vie familiale.

b. L'extension de l'horaire de fermeture du marché des Halles

Cette action est le fruit d'une enquête réalisée auprès des consommateurs, des commerçants des Halles et des boutiques alentours ainsi que des personnes qui fréquentent le centre-ville.

A l'appui des résultats et en concertation avec les commerçants du marché des Halles, les horaires du marché sont étendus jusqu'à 13h00 du printemps à l'automne, et ce depuis 2012.

Ce projet a été mené en collaboration avec le service commerce.

2. Articulation des temps de loisirs et du temps de repos

La mission « temps urbains » a été à l'initiative de réflexions et d'actions sur le temps de la nuit.

Une charte pour la qualité de la vie nocturne, Harmonuits, qui vise à renforcer les actions en matière de lutte contre les nuisances nocturnes, pour des nuits plus douces à vivre, a été signée en 2009 par la Ville de Dijon, avec le soutien de l'État, en étroite collaboration avec la CCI Côte-d'Or et l'UMIH Côte-d'Or.

Ce dispositif multipartenarial est porté par la mission « temps urbains », en lien avec les services municipaux Dijon Ville Santé et Tranquillité Publique. Harmonuits est une marque déposée.

Deux comités ont été créés pour le suivi de l'application de la charte. D'une part, le comité de labellisation décerne le label pour une durée d'un an renouvelable et assure le suivi. D'autre part, le comité de médiation a pour objectif le règlement des conflits avant l'intervention de mesures policières ou administratives. Les élus de quartier peuvent y participer et se faire le relai des demandes des habitants.

32 établissements de nuit, 14 associations étudiantes et 1 école, l'école supérieure de commerce Dijon-Bourgogne, sont aujourd'hui labellisés, signataires de la charte Harmonuits. Le volet prévention est particulièrement développé dans le cadre du partenariat avec les responsables étudiants. Ceux-ci mettent en place des actions de sensibilisation pendant leurs événements ; stands de prévention, dispositifs conducteurs sobres, promotion des boissons sans alcool...

Pour les accompagner dans cette démarche, actions de sensibilisation grand public, temps d'échange et journées de formation sont organisés par la Ville de Dijon, conjointement avec la CCI Côte-d'Or.

3. Adaptation des ouvertures et offres proposées par les services accueillant du public

Afin de faciliter l'accès des bibliothèques, au même titre que la gratuité (effective depuis le 1er avril 2013), de développer leur fréquentation et d'élargir les publics, des actions sur les horaires d'ouverture ont été entreprises par la mission « temps urbains » et la direction de la culture.

Après un travail engagé depuis 2010, la Nef, place du théâtre, est aujourd'hui ouverte en continu de 11h à 18h, du mardi au samedi (10h-17h le samedi). Cette action propose ainsi une alternative à l'offre commerciale du centre-ville en permettant aux actifs de profiter de cet établissement pendant leur pause méridienne.

Son évaluation, à partir d'éléments statistiques et des remarques de lecteurs, a été enrichie par une enquête dont les résultats ont révélé une véritable attente vis à vis de l'ouverture proposée pendant les vacances scolaires.

Dès lors, un dossier d'étude a été élaboré à ce sujet par la mission "temps urbains" à partir de l'observation des usages du public dijonnais, de l'analyse des pratiques d'autres collectivités et des éléments relevés lors de la concertation mise en place avec le personnel des bibliothèques par l'intermédiaire des responsables de site.

Les bibliothèques fonctionnant à ce jour sur un principe d'alternance, il était nécessaire de raisonner sur une notion de réseau, en prenant en compte l'ensemble des bibliothèques municipales dijonnaises.

A partir de cet été, les bibliothèques seront ouvertes au public du mardi au vendredi, avec un horaire identique. Les trois bibliothèques du centre-ville, la Nef, le centre-ville jeunesse et la bibliothèque patrimoniale et d'étude seront également ouvertes le samedi toute la journée.

Ces réflexions ont aussi été l'occasion de se pencher sur les stations du bibliobus. Depuis 2012, tout l'été, le bibliobus est installé au lac Kir, à Dijon Plage, avec une offre de lecture adaptée.

4. Prise en compte des temporalités dans l'aménagement urbain

a) Inclure le temps au sein du PADD

En 2009, à l'occasion de l'élaboration de l'EcoPLU, la mission "temps urbains" s'est rapprochée des services de planification du Grand Dijon pour inscrire le temps dans cet outil. En effet, le Plan Local d'Urbanisme (PLU) agit sur l'organisation de la ville et ses fonctions urbaines (habiter, travailler, se détendre, etc).

Aujourd'hui, l'EcoPLU, à travers son Projet d'Aménagement et de Développement Durable (PADD) s'attache à prendre en compte les temporalités dans l'objectif d'optimiser la qualité de vie des habitants, de rendre la ville plus accessible et plus agréable à vivre.

3 orientations du PADD comportent ainsi une entrée temporelle : la ville évolutive, la ville mobile et la ville mosaïque.

Les politiques temporelles s'articulent autour de 4 axes : les usages multiples ou le partage des usages, la mixité des fonctions urbaines ou la multipolarité, la valorisation des lieux d'interconnexion et l'intermodalité.

Dijon a été la première ville à intégrer des orientations temporelles dans un document de planification.

b. La concertation, un outil indispensable à la prise en compte des temporalités

Au-delà de l'urbanisme temporel, il convient de concevoir des équipements publics qui puissent convenir à plusieurs usages mais qui puissent aussi évoluer en fonction des besoins. Ce principe reprend la notion de durabilité.

Pour qu'un projet urbain puisse être durable, celui-ci doit en effet tenir compte de dimensions sociologiques, anthropologiques. Sa qualité réside dans sa capacité à associer les diverses connaissances, y compris celles des habitants, des usagers de la ville.

Dans cette optique, la mission "temps urbains" et le service démocratie locale se sont réunis pour la réalisation d'une étude sur l'implantation de structures de repos au centre-ville de Dijon.

L'idée, née d'une demande de la commission de quartier centre-ville, est d'associer habitants, élus et techniciens dans le cadre d'une analyse partagée qui permet d'implanter des aménagements plus adaptés aux besoins, tout en prévenant d'éventuelles gênes auprès des riverains. S'intéresser au partage des usages c'est aussi permettre de limiter les conflits d'usage.

L'étude a aussi intégré les propositions formulées par les habitants durant les ateliers participatifs de la démarche « Dijon Ville Amie des Aînés » et par les membres du Conseil municipal d'enfants.

L'une des actions retenues, l'implantation d'un banc circulaire au chevet de l'église Notre-Dame, sera modulable en fonction des besoins. Composé de 3 éléments, ceux-ci pourront être retirés ou disposés de façon différente lors des manifestations organisées dans cet espace. Cette structure s'intègre aux cheminements piétons en proposant une halte sur le chemin du marché et un point de vue sur les bâtiments historiques, dans le cadre du « parcours touristique de la Chouette ».

III. ENJEUX ET RÉSULTATS DE LA MISSION "TEMPS URBAINS"

La mission "temps urbains" a permis de faire émerger les besoins et problématiques liés aux politiques temporelles en identifiant des pistes d'actions.

Elle a suscité et fédéré des partenariats, en générant un dialogue, une transversalité entre les différents acteurs. Des éléments d'expertise ont été apportés afin d'accompagner les démarches temporelles mises en oeuvre en interne et à l'échelle du territoire.

Si l'ensemble des axes de travail a été balayé, il semble que certains restent à approfondir. C'est notamment le cas de l'adaptation des services accueillant du public ou encore de l'articulation entre vie familiale, vie personnelle et vie professionnelle.

En ce qui concerne l'aménagement urbain, les commissions de quartier se montrent particulièrement intéressées par le développement de projets participatifs. Un lien est par ailleurs à développer entre ces projets et l'observatoire de l'âge afin de favoriser la mobilité des séniors.

Si vous suivez l'avis favorable de votre commission de la citoyenneté et de la démocratie locale, je vous demanderai, Mesdames, Messieurs, de bien vouloir prendre acte de l'intégration de ces réflexions au sein des projets municipaux.

20. Un exemple d'amélioration des conditions de travail par l'aménagement du temps, Rennes

Conférence de Presse du 30 avril 2004

• Agents d'entretien

• Équipe projet : Monsieur Haigron

Monsieur Porée

Monsieur Leloutre

• Comité de pilotage : Monsieur Suignard

Madame David

Madame Touchard

A) Cas concret : les agents d'entretien de certains locaux municipaux, soit 50 agents

- bien souvent à temps non complet (2/3 de temps),

- dans une situation peu motivante (il s'agit d'agents qui ont dû quitter d'autres services et être reclassés, présentant des difficultés relationnelles ou agents nouvellement recrutés qui commencent par l'entretien des bureaux avant d'avoir une promotion professionnelle).

- ils travaillent sur 47 sites,

- les horaires 7h00 - 9h00 ; 16h00 - 19h30 (= 2/3 temps),

- parfois ces agents vont en renfort le midi dans les restaurants d'enfants.

Donc grande parcellisation du temps :

Travail de 7h00 à 9h00, libre de 9h00 à 11h00, travail de 11 h00 à 13h00, libre de 13h00 à 16h00, travail de 16h00 à 19h30.

B) Analyse de la situation

1 - visite de tous les sites pour comprendre : ex : connaître la nature des sols ;

2 - réception de chaque agent (un par un) : pour connaître ses difficultés, ses attentes, sa situation personnelle (enfant, transport...) ;

3 - rencontre des chefs de services : pour les informer, les questionner (ex : les agents peuvent-ils intervenir durant votre travail) ;

4 - expérimentation de nouveaux horaires sur KLEBER : 2 500 m2, refaits à neuf, on a expliqué qu'il était possible d'intervenir pendant le temps de travail des secrétaires, que certaines d'entre-elles étaient à temps partiel, que les salles de réunion n'étaient pas utilisées constamment, qu'il y avait double sanitaire...

Un planning d'occupation sur l'année, la semaine, peut être fait pour dégager des heures au cours desquelles les agents d'entretien peuvent intervenir sans problème.

Une communication directe agents de bureaux - agents de services informe ceux-ci des disponibilités, rapproche les uns des autres. Les agents de bureaux prêtent attention à leur comportement pour faciliter le travail de ménage.

Il s'ensuit un respect des agents d'entretien que l'on connaît mieux.

Une auto-organisation se met en place.

C) A partir de l'expérimentation on va voir les autres chefs de service.

Résultats :

1 - on met en place deux horaires cibles :

10h45-18h45

on évite le morcellement

07h30 - 15h30

2 - les personnes travaillent deux par deux :

• ceci facilite les remplacements : si une personne est absente, la seconde la remplace pour un service minimum défini,

• sentiment de sécurité,

• plus grande motivation à deux,

• entraînement réciproque.

3 - s'il y a un déplacement pour aller d'un site à l'autre, le temps de trajet est inclus dans le temps de travail.

L'agent peut percevoir une indemnité forfaitaire de frais de déplacement (alignement sur les aides ménagères).

4 - nous avons proposé à tous les agents un régime à temps complet ce qui a entraîné une modification substantielle. Avec le régime à temps complet, les agents ne relèvent plus du régime général de la Sécurité Sociale (ce qu'est le régime de temps non complet) mais de la Caisse Nationale de Retraite des Agents des Collectivités Territoriales.

Le régime CNRACL est plus intéressant :

• meilleure protection sociale,

• déroulement de carrière plus intéressant.

Preuve :

Si vous êtes au régime général et que vous êtes malade vous conservez un plein traitement trois mois puis vous passez à la moitié après.

Si vous êtes à la CNRACL, vous conservez un plein traitement pendant trois ans.

Précision : à temps complet, vous pouvez travailler à temps partiel en conservant le régime à temps complet.

5 - Résultats :

Avant nous avions 50 personnes dont un encadrement. Maintenant nous avons 41 personnes dont trois encadrements. Les neuf autres personnes sont soit parties à la retraite, soit dans d'autres services.

L'absentéisme a baissé de 45 % sur les quatre premiers mois.

La productivité est passé de 150 m2 par personne à 175m² (privé : 200m²)

21. Action hyper pointes métro / temps des étudiants112 ( * ) : expérimentation d'une modification des horaires de début et de fin à l'Université de Haute Bretagne

I) Le contexte

Le succès du métro rennais a conduit à une situation de saturation de celui-ci aux heures de pointe en semaine, du fait notamment de l'affluence des voyageurs lycéens et étudiants utilisant la ligne A du métro, aux stations "Pontchaillou" et "Villejean-Université" le matin.

Le principal créneau critique se situait entre 7h40 et 8h le matin principalement les mardis, mercredis et jeudis, de mi-septembre à mi-mai approximativement.

En 2010, cette pointe atteint un seuil critique, supérieur à 180 usagers / rame. Elle affecte le niveau, de confort acceptable dans le métro qui, selon les données constructeur, est fixé à 160 usagers / rame. Cette forte affluence génère un allongement des temps de déplacement dû à une augmentation du délai d'attente ainsi que des problèmes d'évacuation du quai. Elle entraîne également un coût (prix surtaxés de l'électricité) et diminue la performance du service.

II / Des réponses techniques

Le premier niveau de réponse à ce problème a été technique : le Conseil décide, en 2010, l'achat de six nouvelles rames livrées en 2012, devant permettre d'augmenter la fréquence en heure de pointe à T30 environ. La reconfiguration des places assises dans les rames pour gagner de la place est également réalisée, portant, le nombre maximum d'usagers de 162 à 175. Ces deux opérations regroupées représentent pour la collectivité un coût global de 35 M € et une augmentation de la capacité de transport estimée à 30 %.

Une autre mesure, plus lourde, est programmée pour 2020 : la création d'un terminus « arrière-gare » à J.F.Kennedy, qui permettra encore d'augmenter le rythme des rames en circulation, sous réserve de l'acquisition d'autres nouvelles rames.

L'ensemble de ces mesures trouve cependant ses limites dans le constat d'une augmentation constante de la fréquentation du métro, passée d'environ 75 000 voyageurs par jour en 2003 à près de 120 000 voyageurs en 2012 (soit +6 % annuel en moyenne). Cette fréquentation devrait connaître un nouveau rebond au moment de l'ouverture de la seconde ligne de métro, prévue pour 2018.

III) Ailler plus loin : le projet

Le projet émerge alors d'aborder la question d'une façon complémentaire. Il ne s'agit plus seulement d'agir sur le réseau de transport lui-même mais sur ses utilisateurs . L'hypothèse est avancée que certains organismes contribuent involontairement, par la définition de leurs horaires de début et de fin, à la saturation des transports en commun et notamment du métro. L'objectif est alors de dépasser les solutions techniques en faisant appel à la conscience citoyenne des responsables des organismes générant des flux dans le métro à l'heure de pointe, afin qu'une désynchronisation des activités puisse être mise en place.

IV) Propositions de décalage des horaires

En 2010, une démarche de concertation, pilotée par le Bureau des temps est lancée. Elle réunit les principaux établissements ayant un impact sur l'affluence dans le métro : les Universités Rennes 1 et Rennes 2, le C.H.U de Rennes, deux lycées du secteur (Coëtlogon et Pontchaillou), le CROUS et les mutuelles étudiantes (LMDE et SMEBA).

Les éléments fournis par ces participants, d'une part, une étude de fréquentation réalisée dans et à la sortie du métro Villejean-Université d'autre part, montrent que les entrées et sorties de l'Université Rennes 2, qui comptait 18 000 étudiants en 2010 (plus de 20 450 en 2012), est bien le « générateur de flux» principal à l'origine de l'heure de pointe du matin. Le lissage de celui-ci passe donc inévitablement par un aménagement des horaires de ['Université.

Plusieurs propositions de décalage des horaires de l'Université sont alors successivement étudiées :

1 / décalage global des cours de tous les étudiants de 815, à 8h30 ou 8h00 ;

2/ scinder l'effectif étudiant en deux groupes, selon un découpage par filières.

Ces deux propositions sont abandonnées: la première revient à ajouter le flux engendré par l'Université Rennes 2 à celui généré par un lycée voisin, sans amélioration de la situation globale, la seconde bouscule l'organisation des modules inter-filières (informatique, méthodologie, langues...).

Face à ces deux abandons, le report de la démarche, jusque-là envisagée pour la rentrée de septembre 2011 est alors décidé.

V) Le projet validé : Y expérimentation lancée en septembre 2012

Face à ces constats, un pas est franchi par l'Université Rennes 2 qui accepte le principe de scinder l'effectif étudiants en deux groupes, avec deux horaires de cours différents, à titre expérimental , pour une période d'un an (septembre 2012 - septembre 2013) :

• un premier groupe à 8h15 ;

• un second groupe à 8h30.

Ce scénario, présenté en groupe de travail au Conseil Étudiant de la Vie Universitaire (CEVU) le 10 juin 2011, réexaminé le 7 octobre 2011, a été voté le 10 janvier 2012 et définitivement validé en Conseil d'administration de l'Université dans les jours qui suivent.

En 2012, l'Université Rennes 2 compte au total 20 450 étudiants répartis sur 4 niveaux, Un découplage par niveaux d'enseignement est retenu pour 2012/2013.

Deux groupes sont formés :

- 1er groupe - début 8h15 - Licence 3 et Master 1, 6317 étudiants en 2012 : 8h15 - 10h15 ; 10h45 - 12h45 (pause méridienne) 13h45 - 15h45 ; 16h00 - 18h00 ; 18h15 -20h15

- 2 nd groupe - début 8h30 - Licence 1 et 2,10340 étudiants en 2012 : 8h30 - 10h30 ; 10h45 - 12h45 (pause méridienne) 13h45 - 15h45 ; 16h00- 18h00 ; 18h15-20h15.

Ø Effets attendus :

- étalement de la pointe du matin ;

- allongement de la durée de la pause du matin pour L3 et M1 ;

- dès 10h45, retour à un horaire commun pour l'ensemble des étudiants ;

- une fin des cours de fin de journée plus tardive, mais ne concernant qu'un faible nombre d'étudiants (20h15 au lieu de20h actuellement).

Une charte destinée à formaliser l'engagement de l'ensemble des participants au groupe de travail de ne pas modifier leurs propres horaires de fonctionnement pour une période d'un an renouvelable, est validée et signée le 21 septembre 2012 (Université Rennes 1 et 2, CHU, les deux lycées Coëtlogon et Victor et Hélène Basch, le CROUS, les mutuelles étudiantes LMDE et SMEBA, Rennes Métropole).

VI) Résultats

Impact du décalage de Rennes 2 ; Lissage de la pointe

L'évaluation de l'expérimentation, établie par le prestataire de transport Kéolis à partir des données billettiques (validations en entrée dans le métro) et de comptages et observations sur le terrain (semaine 46), confirment :

- Un écrêtement de l'heure de pointe du matin (7h40 - 8h00) de 5 % en moyenne, le flux se reportant sur la tranche horaire 8h 15 principalement ;

- Une amélioration du confort et de la sécurité ;

- Une baisse de la charge moyenne des rames : -17 % à la station Pontchaillou ;

- Une suppression de la saturation de l'escalier de sortie à la station Villejean Université aux alentours de 8h.

Les principaux points noirs du métro ont donc été résolus.

Ces résultats ont été obtenus dans un contexte d'augmentation significative de la fréquentation du métro :

+ 6 % de 7h40 et 8h00, contre 2,7 % de fréquentation globale du métro. Cette augmentation s'avère particulièrement marquée en ce qui concerne la population étudiante (+ 3,3%) ;

L'université se dit également satisfaite de cette modification et note l'amélioration du niveau de confort dans les rames.

Lors du Conseil Étudiant de la Vie Universitaire (CEVU) du 1/02/2013 la reconduction de la modification des horaires a été validée sans limite de temps.

Sélectionnée parmi les dix finalistes des trophées SNCF, cette expérimentation a été remarquée par la Direction de la SNCF-Transilien, qui en préconise l'extension pour décongestionner les rames des trains et RER bondés. .

Elle ouvre également le débat sur la question de la mise en place d'incitations financières accordées aux entreprises qui accepteraient de reconsidérer leurs horaires pour agir sur les flux des transports en commun, notamment par l'effet d'une ristourne sur le versement transport.

Elle a par ailleurs bénéficié - et continue de bénéficier - d'une couverture médiatique locale nationale exceptionnelle (exemple : Les échos, Libération, le Point, Le télégramme, France 3, BFM, Radio France Armorique, La Gazette des communes, 20 Minutes, Ouest France, le Mensuel de Rennes...

Sur le territoire de Rennes Métropole, il-est envisagé de développer d'autres actions pour favoriser l'étalement des hyperpointes de déplacement, en particulier à l'abord des zones d'activité, et ce, en lien avec les plans de déplacement d'entreprise accompagnés par le Conseil en mobilité de Rennes Métropole.

22. Les politiques temporelles comme thème de campagne à Paris

« Lancer la révolution des horaires » : programme électoral de Mme Nathalie Kosciusko-Morizet.

« Je donnerai à chaque Parisien la liberté de vivre à son rythme »

9h-17h, ce n'est plus le rythme de vie des Parisiens. Le temps passé dans les transports, les contraintes professionnelles, ou, tout simplement, les aléas de la vie moderne ont considérablement allongé les journées de la plupart d'entre nous. Un salarié parisien sur trois a des horaires de travail décalés en soirée ou le week-end.

La ville doit s'adapter à ces nouveaux rythmes. Il n'est pas normal que la plupart des infrastructures municipales ferment leurs portes entre 18 et 19h ou que chaque arrondissement, parfois chaque service municipal, décide de ses propres horaires. Courir pour récupérer un enfant à la crèche avant 18 heures, trouver porte close à la piscine de son quartier ou ne pas pouvoir emprunter un livre à la bibliothèque municipale pendant tout l'été est non seulement aberrant, c'est une source de stress supplémentaire et un affront aux contribuables qui financent ces services publics. Nous proposons que la ville s'adapte aux nouveaux modes de vie des Parisiens en lançant la révolution des horaires.

1. Étendre les horaires d'ouverture des crèches

Aujourd'hui, les parents doivent récupérer leurs enfants avant 18h. En théorie, les crèches municipales ferment à 18h30, mais dans les faits les parents sont obligés de venir chercher leurs enfants à 18h au plus tard. Ceux qui le peuvent ont recours à une nounou, les autres doivent quitter leur travail plus tôt.

Ø Fixer l'heure de fermeture effective des crèches à 19h30

Ø Harmoniser les horaires d'ouverture des écoles le matin avec ceux des crèches

Ø Développer une offre associative de crèches ouvertes de 7 à 22h, offrant une solution aux parents qui partent très tôt le matin au travail ou rentrent tard le soir.

Ø Encourager le développement des crèches d'entreprises à proximité du lieu de travail des parents

Ø Créer un service de « crèche de secours »

2. Unifier les horaires des équipements culturels et sportifs

Sur 79 bibliothèques, médiathèques et centres de documentation, 16 sont complètement fermés pendant l'été... Et 2 seulement restent accessibles après 19h. Quant aux 38 piscines municipales, bien malin celui qui s'y retrouve dans leurs horaires : chacune a les siens ! Par exemple, seule une vingtaine ouvrent après 20h, et encore, parfois un jour par semaine. Enfin, les trop nombreuses fermetures exaspèrent les nageurs.

Le saviez-vous ? Baignade interdite pendant les vacances : Pendant les vacances de printemps 2013, 40 % des piscines municipales étaient fermées pour travaux. L'été dernier, 7 bassins étaient encore fermés.

Ø Dans chaque arrondissement, une bibliothèque ouverte au moins deux soirs par semaine jusqu'à 21h

Ø Au moins 1 piscine ouverte dans chaque arrondissement jusqu'à 22h chaque soir de la semaine

3. Une vraie nocturne par semaine dans les mairies d'arrondissement

Les mairies d'arrondissement ouvrent aujourd'hui de 8h30 à 17h en semaine, sauf le jeudi où elles font nocturne jusqu'à... 19h30 ! Le samedi, seul le service d'état-civil ouvre de 9h à 12h30.

Ø Ouvrir les mairies d'arrondissement une fois par semaine jusqu'à 21h

Nous ouvrirons également tous les services à la population le samedi matin, en contrepartie d'une fermeture le lundi matin.

Ø Permettre de faire ses démarches dans tous les arrondissements.

Les Parisiens doivent aussi pouvoir accomplir dans n'importe quelle mairie d'arrondissement toutes les démarches simples de la vie courante, telles que les inscriptions à l'école ou à la crèche. Cela permettra d'effectuer ces formalités dans une mairie proche de son lieu de travail.

4. Faire rouler le métro en semaine jusqu'à 2h du matin et toute la nuit le week-end

Les transports publics s'arrêtent trop tôt. Le métro parisien ferme en moyenne à 1h du matin en semaine et à 2h le week-end. Un tiers des travailleurs de nuit se retrouvent dans une situation difficile du fait de la précarité de leur emploi souvent faiblement rémunéré, d'horaires décalés et variables, et de l'éloignement de leur lieu de travail. Quant aux bus, la fréquence diminue fortement après 21h et les usagers doivent faire face à de nombreuses irrégularités pendant le service.

Ø Faire fonctionner le métro jusqu'à 2 heures du matin en semaine

Ø Faire circuler le métro toute la nuit le vendredi et le samedi,

Nous commencerons par les lignes automatiques.

Ø Renforcer le réseau nocturne de bus Noctilien et améliorer sa régularité

Le saviez-vous ? 1 actif parisien sur 2 travaille régulièrement entre 20h et minuit.

5. Ouvrir les magasins le soir et le dimanche

Les magasins ne sont pas autorisés à ouvrir le dimanche, sauf trop rares exceptions. Aujourd'hui, les Parisiens qui travaillent ne peuvent faire leurs courses que le samedi, tandis que les touristes n'hésitent plus à prendre l'Eurostar pour aller faire leur shopping à Londres : le manque à gagner pour l'emploi à Paris est considérable.

Ø Étendre le périmètre des zones touristiques

Cette extension permettra aux commerces de travailler le dimanche, en particulier la zone Opéra/Grands Magasins et le quartier Elysée (Montaigne, Faubourg Saint-Honoré)/Vendôme.

Ø Développer au cas par cas l'ouverture le dimanche dans les zones plus ciblées

Ces zones seront par exemple Montmartre, Bercy Village ou le quartier asiatique dans le 13e arrondissement.

Ø Ouvrir le dimanche dans tous les quartiers où les commerçants en feront la demande.

6. Développer l'offre de marchés

Les marchés sont encore aujourd'hui inaccessibles à de nombreux Parisiens. Non pas qu'il n'y en ait pas assez à Paris (la ville en compte 93, dont les marchés aux puces), mais parce que leurs horaires les rendent inaccessibles à beaucoup en semaine.

Ø Consulter les Parisiens, quartier par quartier pour développer, en fonction de leurs besoins, les marchés le soir en semaine.

23. « Et si on ouvrait davantage les bibliothèques? », Ouest-France le 10 février 2014

Article d'Alice Adéjès. -

En France, la plupart des bibliothèques n'ouvrent que 40 heures par semaine. Trop peu pour en faire de hauts lieux de culture et de rencontres, estiment les signataires d'une pétition lancée par l'association Bibliothèques sans frontières. Regard sur quelques expériences d'ouverture élargie, menées à Nantes, Rennes et Laval.

Mathilde et Yasmine s'aèrent les poumons, devant leur bibliothèque universitaire, à Nantes. Leur fac est entourée d'arbres, éloignée du centre.

Il est encore tôt dans l'après-midi, mais elles savent déjà qu'elles ne resteront pas longtemps travailler leurs cours de droit ici. Cette 'bibli' ferme à 19 h. Après ça, elles tenteront de bosser chez elles. Et pourquoi pas dans une bibliothèque municipale? « Mais il y a des gamins qui courent partout, non? ». « C'est bruyant, et je ne pense pas trouver mes bouquins de cours là-bas. » De toute façon, la « municipale » ne ferme pas beaucoup plus tard.

Les horaires d'ouverture, en France, se limitent à 40 heures hebdomadaires en moyenne. Il y a de quoi passer pour des ringards, quand nos voisins européens atteignent pour la plupart 80 à 100 heures par semaine. Quant aux Américains, leurs bibliothèques universitaires sont ouvertes 20 heures sur 24. Là, c'est sûr, on ne fait pas le poids...

En quelques semaines, une pétition de l'association Bibliothèques sans frontières a rassemblé 11000 signatures pour élargir les horaires le soir et le week-end.

« Les livres n'ont pas besoin de dormir, laissez donc lire ceux qui n'ont pas sommeil », commente un signataire. Une évidence, selon le président de l'association, l'historien Patrick Weil. « Les gens sont frustrés ! Un enfant qui prépare un exposé pour le lundi ne peut pas le travailler le dimanche en bibliothèque ! C'est un lieu de travail, de rencontres, de découvertes, un service public essentiel. ».

Trop cher, trop compliqué, répondent les élus. Car les mairies gèrent seules le budget des bibliothèques, aidées parfois d'une métropole ou d'un conseil général. L'État ne les subventionne pas, à moins d'un projet d'agrandissement ou de rénovation du bâtiment.

La pétition encourage les maires à élargir les horaires, et à augmenter ainsi le temps de travail des bibliothécaires. Et donc, leur salaire. Forcément, les élus, ça les fait grincer des dents. Mais les lecteurs grognent aussi, déplore une salariée de bibliothèque municipale : « En semaine, à 18 h 30, tout le monde sort du boulot... Alors, quand il ne reste que dix minutes avant la fermeture pour trouver le bon bouquin, c'est la foire d'empoigne au guichet d'emprunt ! »

« Les livres n'ont pas besoin de dormir »

Quelques initiatives ont toutefois réussi à émerger. À Nantes, la bibliothèque universitaire du pôle Santé a obtenu, en 2011, le label NoctamBU. Elle peut ainsi ouvrir jusqu'à 23h30 en semaine et le dimanche. La directrice des bibliothèques universitaires nantaises, Hélène Grognet, avait estimé alors le budget annuel à 160 000. L'État avait soutenu le label et financé le projet. Mais lorsqu'elle a voulu faire renouveler sa subvention pour 2014, on lui a répondu que c'était fini.

« Impossible de revenir en arrière, c'était une trop grande réussite. On s'est tournés vers la fac, elle a aménagé son budget et c'est elle qui nous finance maintenant. »

Tellement ouverte, la BU Santé, qu'elle déborde. Remplie d'étudiants en médecine, ou d'autres campus, dont les biblis ferment autour de 19h. « Entre le frigo, la télé, l'ordinateur, mon téléphone, je n'arrive pas à me concentrer pour travailler chez moi », confie Marie, 19 ans. Alors, comme ses camarades, elle investit les lieux, quitte à réserver sa place dès 7 h du matin, même le dimanche.

« Pour nous, c'est aussi un lieu de rendez-vous, explique François, 20 ans. Quand on butte sur un cours, les autres sont là pour nous aider. On sort s'aérer avec des amis, on se redonne de l'énergie. Mais ça, c'est quand on a une place... ». Avec 390 sièges, la bibliothèque sature très vite. Mais initiative positive, elle emploie 10 étudiants tuteurs qui, pour 500 par mois, comblent les heures d'ouverture supplémentaires. « Tout le monde y gagne », sourit la directrice.

Autre réussite, à Laval, en Mayenne, où la petite bibliothèque Legendre se métamorphose le dimanche. Record de fréquentation, avec 200 visiteurs en moyenne. Concerts, expositions, lectures de contes, l'endroit est devenu un lieu de sortie culturelle au même titre que les musées de la ville. « Le samedi, c'est toujours speed, les visiteurs n'ont pas le temps de rester. Les gens qui viennent le dimanche sourient plus, se réjouit son directeur, Olivier Michaud. Pas besoin de séparer la famille, avec l'un qui emmène les enfants à la bibliothèque une demi-heure, pendant que l'autre fait les courses. »

Selon Patrick Weil, le complexe des Champs Libres, à Rennes, est aussi un succès : « les Rennais ont été moins nombreux que les Nantais à signer notre pétition, j'en conclus qu'ils sont plus satisfaits. »

Si cette immense bibliothèque ouvre effectivement les soirs et dimanches, depuis déjà huit ans, elle suscite tout de même quelques critiques. Ses plages d'ouvertures, notamment, commencent assez tard dans la journée.

Une fois la pétition achevée, Patrick Weil ira plaider auprès des élus. « La bibliothèque est un lieu d'avenir. C'est là qu'on apprend à travailler en collectivité et ça, c'est très formateur. »

24. La campagne, hors du temps ?

Auteur : Marie Danjean 113 ( * ) - article paru dans l'ouvrage « urgences temporelles », sous la direction de Dominique Royoux et Patrick Vassallo, Sylepse, 2013.

Les territoires ruraux sont dans l'inconscient collectif des espaces où le temps s'égrène lentement. On y vivrait au rythme des saisons, en y goûtant des produits de bonne qualité, en connaissant ses voisins, et entretenant avec eux des échanges réguliers. C'est une image aisément véhiculée par la communication des industries touristique et agroalimentaire et qui flatte notre goût naturel pour l'authenticité. Mais c'est aussi une image que revendiquent les habitants, et parmi eux une certaine proportion d'élu-es et de décideur-euses.

Mais peut-on encore dire que la campagne est préservée du phénomène d'accélération? Les familles qui résident en milieu rural seraient-elles protégées de la désynchronisation des rythmes qui bouscule le quotidien des habitant-es des zones urbaines? Les espaces ruraux ont-ils intégré la gestion des temps individuels ou mené des actions impactant les temps collectifs ?

Nouveaux défis dans les territoires ruraux

Auparavant, à la campagne, «rural» et «agricole» étaient presque synonymes. L'activité se trouvait près de chez soi, les enfants vivaient le plus souvent de l'affaire familiale (exploitation agricole, commerce, artisanat) ou se voyaient confiés à une proche relation (ami ou parent) pour leur entrée dans le monde professionnel. On avait tendance à partager, avec la précédente génération, tant ses temps de travail que ses temps de loisirs.

Parce qu'on travaillait à proximité, et pour des raisons patrimoniales et pratiques, ce mode d'organisation se traduisait dans l'habitat : on habitait en famille ou on faisait construire aux alentours. Ainsi sont nés des hameaux que les locaux pouvaient associer à un nom de famille.

Aujourd'hui, rares sont celles et ceux dont le parcours d'entrée dans la vie active (études, formation, emploi) ne les conduit pas à s'éloigner, même à durée déterminée, du lieu d'origine et du noyau familial. Que ce soit pour y trouver du savoir, du travail, un cadre de vie ou un environnement social, la mobilité s'est généralisée et les habitant-es des territoires ruraux se sont ouverts, comme les résident-es d'autres territoires, à des paysages, des rythmes et de modes de vie nouveaux.

En Drôme, nos travaux d'observation des temps social dépeignent un portrait des rythmes des populations installées et territoires ruraux relativement proche de ceux observés dans les centres urbains. À titre d'exemple, en Val-de-Drôme, une étude sur le temps des familles ayant pour objet d'harmoniser les horaires d'accueil des jeunes enfants, a permis de constater que 70% des parents interrogés travaillaient en horaires atypiques. Sur ce même territoire, un diagnostic sur le temps des jeunes (les 11-24 ans) fait émerger des attentes fortes d'équipements et de services : piscine, magasins et commerces, stades, skate-parcs et champs de bosses. Pendant qu'en ville, on reconquiert les toits des immeubles pour en faire des potagers, la campagne rêve de cultures urbaines.

Deux éléments viennent accélérer la convergence des rythmes urbains et ruraux: la voiture et l'accès à internet.

D'une part, la pratique généralisée de l'auto-solisme conditionne fortement l'organisation spatiale et temporelle des territoires ruraux. Les territoires sont prévus pour la voiture et modelés pour elle. La dispersion de l'habitat, la faiblesse des réseaux de transport la concentration des lieux d'emploi et de services, les distances et désynchronisation des rythmes de travail motivent un usage massif de la voiture individuelle pour rejoindre des bourgs-centres rare ment conçus pour les piéton-nes. Comme en ville, on y constate des difficultés de stationnement, un enjeu fort de régulation de la vitesse, un bétonnage massif des abords extérieurs au profit de l'implantation de zones commerciales, zones d'activité ou zones artisanales.

D'autre part, une alternative à cette mobilité s'est offerte avec le développement des connexions internet et de l'accès aux nouvelles technologies. C'est aujourd'hui devenu un critère de choix d'implantation pour les nouveaux arrivants. En Drôme, tandis que la fibre optique commence à s'installer, certains espaces restent des « zones blanches», des hameaux, des quartiers dans lesquels aucun réseaux de téléphonie mobile n'est disponible ou qui ne sont pas le desservis par le haut-débit.

Les politiques et les choix en matière d'aménagement territorial ont donc un indéniable impact pour sur les temporalités des territoires ruraux, et leur impriment un rythme, rapide ou lent, qui conditionne l'installation ou le départ des populations, et par conséquent, le dynamisme des espaces.

Quelle gestion du temps dans les espaces ruraux ?

Les politiques temporelles sont de manière générale peu connues, mais sur les territoires urbains, elles s'imposent peu à peu comme moteurs de solutions efficaces et pertinentes à des problèmes visibles (congestions routières aux heures de pointe, saturation des sports, etc.).

En milieu rural, leur connaissance, même si elle progresse, reste rare. Leur visibilité et par conséquent, leur application est presque inexistante. Avant d'expérimenter leur mise en oeuvre en Drôme, Aider s'est attaché à repérer des initiatives similaires, sans pour autant découvrir d'expérience complète de prise en compte des rythmes de vie et de coordination des temps individuels et collectifs.

Si les acteurs du développement territorial en milieu rural ont encore peu intégré les modes d'action des politiques temporelles à leurs pratiques, la gestion des temps individuels et collectifs n'est pourtant pas absente des projets et actions qu'ils mettent en oeuvre. Il existe en effet une approche naturelle et intuitive des questions de temps, guidée par le bon sens.

C'est ainsi que certaines communes ont procédé à des études sociologiques pour mieux connaître les horaires où l'éclairage public était le plus pertinent. Dans un souci d'économies d'énergie et de budget, elles ont choisi de dresser des socio-types de leurs habitant-es pour calquer l'intensité de l'éclairage nocturne sur leurs horaires d'usage des espaces publics, sans pour autant définir sciemment leur démarche comme une action temporelle.

Quand les questions de temps rythmeront l'action des territoires ruraux

Les espaces à dominante rurale ont vécu de profondes mutations économiques, sociétales et technologiques qui ont modifié le profil des habitant-es et bouleversé les rythmes locaux. Après une période de confusion, aujourd'hui des modèles durables de développement territorial émergent.

A l'heure actuelle, les politiques temporelles complètent avec justesse les diagnostics territoriaux mis en oeuvre dans les zones rurales, parce qu'en s'attachant à repérer les pratiques réelles des habitant-es, elles fournissent une image renouvelée de l'organisation des bassins de vie. Elles ouvrent d'importantes perspectives, tant en termes de constats que d'actions possibles, pour contrer la dévitalisation des territoires ruraux et ralentir l'accroissement de la mobilité grâce à des actions durables qui permettent à court terme une relocalisation et une redynamisation de l'économie et des services, et à moyen terme, une reconstruction du lien social.

En complément de l'intuition des acteurs, et des outils existants pour aménager les territoires, les politiques temporelles apportent des méthodologies complémentaires, un regard nouveau, simplement parce qu'en observant les modes de vie de celles et ceux qui font vivre les territoires aujourd'hui, elles permettent d'orienter l'organisation territoriale de demain, et d'anticiper les évolutions de besoins en matière d'urbanisme et de services à la population.

25. La nuit, un temps particulier ?, Conférence de Luc Gwiazdzinski114 ( * ) du 29 septembre 2005

Pourquoi la nuit ? Pourquoi s'intéresser à la nuit urbaine ? Je vais tout d'abord vous parler un peu de moi-même. Je viens du Territoire de Belfort, frontalier de la Suisse, mais je suis né dans le «pays haut », du côté de Longwy, de Villerupt. C'était un pays de sidérurgie, un pays où il ne faisait jamais nuit. Quand j'étais gamin, on ne voyait pas les étoiles parce que le ciel était rouge, parce que de l'acier coulait en continu dans les laminoirs.

Je suis aussi issu d'une famille où l'on se levait très tôt. Une partie de la famille travaillait à la mine, une autre dans la sidérurgie et une autre encore dans la boulangerie. On était un peu dans ces nouveaux horaires, dits atypiques, où la nuit a une large part. Tout cela a contribué à me façonner un imaginaire de la nuit.

À l'âge de 18-19 ans, j'ai eu la chance de découvrir New York. J'ai été fasciné par cette ville qui ne s'arrête jamais. Je vous renvoie aux textes de Fernand Léger sur New York, qui en parle beaucoup mieux que moi.

Et puis, par la suite, j'ai travaillé, en tant que chercheur, sur la question des barrières et des frontières. J'ai commencé par les frontières qui me concernaient : celles du grand-duché de Luxembourg, celles de l'Allemagne et de la Suisse. A partir de cet espace-là, je me suis demandé si, quand les frontières administratives tombent, avec la construction de l'Europe, des frontières perdurent malgré tout entre ces différents pays. Ensuite j'ai glissé sur une autre problématique : comment se promène-t-on dans la ville ? J'ai constaté que l'on ne se déplace pas d'un point A à un point B en ligne droite. Quand on suit quelqu'un par GPS, expérience que l'on mène actuellement à Belfort avec des personnes volontaires, on obtient ce que les Italiens appellent des mobilités zigzagantes. Dans notre mouvement dans la ville, on rencontre des obstacles physiques, mais aussi des obstacles que j'ai appelés cognitifs, ou perçus. Il existe une ville réelle, contre laquelle on bute : un mur, une rue, une barrière, des travaux, mais il y a aussi des barrières mentales, dues à notre représentation de la ville. Il y a des endroits que l'on associe à un mauvais souvenir (une agression ou une mauvaise odeur, par exemple) ou, au contraire, à un moment heureux. Ce marquage conditionne notre circulation dans la ville. Ce marquage diffère en fonction de la lumière (jour ou nuit). Un exemple très simple : celui des parcs urbains. En journée, ce sont des endroits agréables, qu'on a envie de traverser. Le même parc, qui attire en journée, peut faire peur la nuit, et ce ne sont pas les mêmes populations qui le pratiquent le jour ou la nuit. Quand on étudie la ville, cela me semble une évidence, il faut donc travailler sur cette notion de temps.

Enfin, dernier élément, qui renvoie à la réflexion sur les villes la nuit en Europe. Quand vous consultez les fichiers des bibliothèques ou des organismes de statistiques pour obtenir des informations sur la nuit, vous constatez qu'il existe très peu de données. J'ai appelé cela la « nuit des données ». Essayez par exemple de savoir combien de policiers travaillent la nuit en France. C'est un chiffre noir. On dispose de très peu d'informations. Il y a vraiment un travail d'exploration à mener. Je suis géographe, né avec deux siècles de retard puisque, quand on est géographe, on a notamment envie de découvrir les taches blanches qui figurent sur les planisphères. La nuit m'est apparue comme une tache blanche, mais plutôt un espace-temps qu'un morceau d'espace. Ce goût pour la nuit part aussi d'un goût pour l'inconnu.

Pour explorer la ville la nuit, il faut essayer de se donner un cadre méthodologique. Mais il faut surtout avoir des convictions.

Première conviction, il existe bien, dans nos villes - et pas simplement à New York. -, une vie après le jour : pour ceux qui s'amusent, pour ceux qui travaillent aussi (on les oublie trop souvent), pour ceux qui s'approvisionnent.

Deuxièmement, j'ai la certitude que la nuit a beaucoup à dire au jour. Parce que la ville de nuit c'est une caricature de ville le jour. Explorer la ville la nuit, ses potentiels, ses contradictions, ses inégalités, permet donc de mieux comprendre la ville de nuit mais aussi celle de jour, voire éventuellement de découvrir des ferments - ou ce que l'on appelle, en termes de prospective, des signaux faibles -, c'est-à-dire d'éventuels éléments de l'avenir de la ville.

Mon intervention s'articulera autour de trois propositions. Première proposition : changer de regard sur la ville, vous donner à voir la ville autrement. Deuxième proposition : explorer la ville par ses nuits. Une dernière proposition enfin, en forme de prospective, dans laquelle j'ai essayé de glisser un petit peu d'humour c'est d'imaginer Rennes en 2047 : comme une ville qui réfléchit un petit peu autrement à ses nuits.

Première proposition : changer notre regard sur la ville. Il s'agit d'abord de considérer que la ville n'est pas utilisée par ses seuls résidents, que l'on appelle par ailleurs ; les citoyens, c'est-à-dire ceux qui y votent, mais bien évidemment aussi par des usagers diurnes ou nocturnes, des travailleurs, des visiteurs et des touristes, qui n'y ont pas le droit de vote. Peut-être qu'un jour l'idée d'une citoyenneté éphémère, pour reprendre l'expression d'Annah Arendt, finira par s'imposer qui sera permise par les nouvelles technologies. J'entre dans Rennes et, d'un simple clic, j'en deviens citoyen pour dix heures ; s'il y a un débat, j'ai droit d'y participer. Pourquoi pas ?

Je vous propose donc de réfléchir la ville comme une pulsation. Une ville, en journée, attire une certaine population, jusqu'à une heure du matin environ, vers le centre ou la proche périphérie ; puis, la nuit, la ville délocalise son sommeil. Ce qui pose un vrai problème. Je vote là où je dors, et non pas là où je vis. C'est la démocratie du sommeil. Les Français font en moyenne 20 kilomètres à vol d'oiseau pour rejoindre leur lieu de travail et votent à un endroit dont ils sont absents pendant la journée, pendant la semaine, voire le week-end (on n'a alors qu'une envie, c'est de partir plus loin, de découvrir d'autres endroits). Il y a donc un décalage.

Il faut aussi réfléchir la ville non pas « à plat », mais en essayant de la cartographier en trois dimensions. Une profession sait à la fois réfléchir la ville en trois dimensions et gérer des chantiers, donc le temps : ce sont les architectes. Aujourd'hui, en termes de visualisation, pour tenir compte de la complexité de la société, cette vision en 3 D est importante. Ma 3 D consiste par exemple à imaginer Rennes. Vous êtes un deus ex machina dans la ville de Rennes, vous disposez d'un énorme pinceau à l'aide duquel vous effacez les habitants, vous conservez simplement les bâtiments, la cité urbaine, la coquille de la ville. Vous obtenez une ville, de la profondeur, de la hauteur. Puis vous ajoutez la dimension temps. Vous obtenez un labyrinthe dont il manque les clés symboliques, plus simplement l'information. Car ce labyrinthe évolue au fil des heures, des semaines, des saisons, au moment de la solde ou de la paie de ses habitants. Il s'agit donc de penser la ville en termes de comme un système d'horaires.

Appuyons-nous sur quelques exemples. Celui des commerces dans la ville, qui font partie de ce que j'appelle l'offre urbaine. Si vous avez faim entre 3 et 4 heures du matin à Strasbourg, je vous souhaite bon courage. Il y a bien sûr les stations-service, où vous pouvez acheter des sandwichs à un prix prohibitif. L'offre urbaine pose problème en termes d'accessibilité aux services. Si l'on considère la nuit comme un arrêt des activités, on peut effectivement parler de nuit du commerce alimentaire.

Deuxième exemple, celui de l'usine PSA-Peugeot-Citroën (15 000 salariés, près de 300 hectares) implantée près de Belfort. J'y ai mené une étude, un plan de déplacements d'entreprise. Chez Peugeot, on travaille désormais - depuis trois ans - de nuit, le dimanche et même au mois d'août. Le site de Belfort est situé entre celui de Mulhouse (13 000 salariés), au nord, et celui de Sochaux (15 000 salariés), au sud. Nous sommes dans le cadre d'une activité en continu, ce qui pose, en termes de rythme et médiation, un certain nombre de questionnements.

Troisième exemple, celui d'un « attracteur éphémère », le stade de Sochaux qui attire 20 000 personnes par soir de match, ce qui posait des problèmes en termes de mobilité : l'autoroute était bloquée, le train n'était pas utilisé, les horaires des bus n'étaient pas adaptés. A partir d'une représentation - une carte animée heure par heure - qui montre l'arrivée des spectateurs au stade, le remplissage des parkings, etc., on a pu mettre en place de nouveaux réseaux de transport. . .

Quatrième exemple, celui du réseau de bus de Belfort, à partir duquel on a élaboré le réseau « heure par heure ». Il s'agit tout simplement d'un outil de dialogue avec la population destiné à repenser les horaires. On a étudié l'offre de transport heure par heure. On se rend compte qu'à partir de 19h30 il y a un problème de desserte. Alors que par ailleurs on parle de droit à la mobilité et de droit à la ville, on voit apparaître des inégalités, que je qualifie, de spatiotemporelles. Voilà donc quelques exemples qui doivent nous inciter à regarder la ville un peu autrement.

Deuxième proposition, une fois que l'on a modifié notre regard, que l'on est un peu perturbé, on va essayer d'investir la nuit urbaine.

Premier constat : la nuit est longtemps restée - même si le pouvoir a toujours cherché à contrôler la nuit urbaine - un domaine oublié, que ce soit par les édiles, les techniciens de l'aménagement, ou même les chercheurs. On a continué à penser la ville comme si elle fonctionnait 16h/24 et du lundi au samedi. Désormais, évidemment, on a une autre approche. Mais pendant longtemps il y a eu très peu de travaux, de réflexions, sur cette question de la nuit. J'ai parlé en introduction de la nuit des données. Quand on fait de la prospective, de l'aménagement du territoire, des schémas d'urbanisme ou autres, on réfléchit essentiellement sur du spatial, on intègre très peu la dimension temps. C'est le rôle des Bureaux du temps, des SCOT (schémas de cohérence territoriale), des PLU (plans locaux d'urbanisme), d'inciter à aussi réfléchir en termes de temps.

Même notre quotidien est victime de cet oubli. Prenons l'exemple des agendas : essayez de prendre un rendez-vous après 22 heures et de l'inscrire dans un agenda papier. C'est difficile parce qu'ils s'arrêtent généralement à 22 heures. Alors, deux explications : soit on a oublié la nuit, soit ce sont des rendez-vous qui n'ont pas à être notés dans un agenda. Je penche plutôt pour la deuxième explication. Les Italiens ont inventé « horario de la luna », un agenda pour noter leurs rendez-vous de la nuit.

Par contre, ceux qui avaient investi la nuit, ceux qui y avaient réfléchi, ce sont les écrivains, les artistes - celui qui me fascine le plus sur la nuit c'est Novalis. Les artistes, c'est vrai qu'on les imagine toujours de nuit, dans un endroit enfumé, en train de discuter, de réfléchir et d'imaginer.

Aujourd'hui, une nouvelle peuplade investit la nuit, ce sont les industriels et les commerçants. Il va pour le moins falloir prendre en compte cette dynamique, qui risque de nous poser des problèmes.

Pourquoi ne s'est-on pas intéressé plus tôt à la nuit ? La nuit c'est d'abord un moment du sommeil. On a besoin de dormir entre six et neuf heures par jour. Ce moment est évidemment centré sur la nuit. Deuxième élément d'explication : la lucarne magique qui phagocyte les soirées, c'est-à-dire la télévision. Selon des statistiques parues dans Télérama la semaine dernière, les Français passent quotidiennement en moyenne trois heures et vingt minutes devant leur télévision, un temps centré notamment sur la soirée. Et le temps passé devant la télévision, c'est évidemment un temps que l'on ne consacre pas à rencontrer les autres ni à se promener dans la ville. Troisième difficulté : penser simultanément l'espace et le temps.

Après ces préalables, essayons de définir la nuit. Le mot « nuit » vient du latin nox qui désigne la période de temps au cours de laquelle le soleil disparaît sous l'horizon. Mais qui s'en aperçoit, à Rennes, du soleil qui disparaît sous l'horizon ? Qui s'en aperçoit à Belfort ou à Strasbourg ? Soyons plus précis : la nuit apparaît comme une discontinuité essentielle. Nous sommes structurés par cette alternance jour/nuit. Dans la Genèse, dans toutes les mythologies, on retrouve cette thématique de l'alternance. Il y a eu un jour, il y a eu une nuit. La nuit c'est le temps des ténèbres, de l'obscurité, du sommeil et puis, par extension, le temps du repos social, lequel est symbolisé, aujourd'hui encore dans les pays qui connaissent des problèmes de sécurité, par le couvre-feu. Le couvre-feu, à l'origine, c'était l'arrêt de toutes les activités. Cette notion n'est pas réservée aux dictatures. C'est même une thématique qui réapparaît régulièrement» On a parlé, il y a quelques années, de couvre-feu pour les adolescents en France. Dans nos villes, il y a des couvre-feux, des fermetures des portes de la cité. À Strasbourg, une cloche sonne chaque jour à 22 heures, c'est un héritage du Moyen Age. À l'origine, la Zehnerglock signifiait à une partie de la population - les Juifs - qu'elle devait quitter la ville. Il y a régulièrement un débat à Strasbourg à propos de la suppression de cette cloche. Ghardaïa et les villes saintes du sud de l'Algérie sont également soumises à ce système de fermeture des portes. Le couvre-feu, c'était aussi l'arrêt de toute activité et l'interdiction de faire du feu, tout simplement parce qu'une partie de nos villes étaient construites en bois. La ville donc, tout comme l'être humain, est encore rythmée par l'alternance jour/nuit.

Définir la nuit est difficile aussi parce que le terme est très ambigu. La nuit, c'est le temps des conspirations, le moment où l'on réinvente le monde. La conspiration de la nuit peut aboutir à la révolution du matin. La nuit, c'est donc le moment où tout paraît possible, où l'on réinvente. Bien sûr, tout ne résiste pas à la lumière du jour. La nuit correspond aussi à ce qui est indéterminé : s'y mêlent les cauchemars, les monstres, les rêves. Nos esprits sont marqués par le siècle dit des Lumières, donc de la raison. La nuit effraie parfois parce que l'on n'arrive pas à bien la comprendre, ni à la dominer : c'est une part de nous-mêmes qui souvent nous échappe.

La nuit, c'est aussi le moment de la transgression et du plaisir. On est structuré par l'alternance. L'enfant devient adolescent avec sa première nuit blanche, quand il fait le mur. L'initiation au plaisir, au sexe, à l'alcool, à la drogue, se fait avec rite ou sans rite, la plupart du temps en soirée ou la nuit.

Enfin, je vous livre cette définition empruntée aux cruciverbistes, pour qui la nuit est ce qui peut être blanc et noir à la fois. Difficile de trouver plus ambigu.

La nuit suscite des représentations très contrastées, mêlant un aspect négatif et un aspect positif. Pour une partie de la population, la nuit fait peur, elle renvoie à des angoisses millénaires. On parle même de petite mort à propos de la nuit. Elle fait peur aussi parce que 80 % de notre perception vient de la vue. Si on la supprime ou qu'on n'en conserve que 20 %, on entre dans quelque chose de plus animal : les odeurs, les sons, le toucher, c'est-à-dire quelque chose d'un peu exacerbé, soit en positif, soit en négatif. Pour 60 % des personnes interrogées, la nuit c'est dangereux. Et plus on vieillit, plus on a peur la nuit. Mais la nuit peut également représenter un moment de liberté.

Je vous demande d'accepter cette idée d'une colonisation de la nuit, de penser la nuit comme un Far West. On assiste en effet à un phénomène de grignotage qui s'est mis peu à peu en place au cours des siècles. L'homme a toujours rêvé de repousser la nuit, de faire la lumière pour repousser les bêtes sauvages, les monstres. La conquête de la nuit a d'abord été rendue possible par le progrès technique, depuis le feu jusqu'aux lampes à sodium sur les autoroutes aujourd'hui. Ensuite, il a fallu l'affirmation politique. Les différents pouvoirs ont toujours essayé de contrôler la nuit. Je vous renvoie à la notion de Roi-Soleil, à la théorie des deux corps, selon laquelle le corps du roi s'endort la nuit, mais le corps politique, lui, reste éveillé. Dès Louis XIII, le roi de France était appelé le « chasse-ténèbres ». La France était ce pays où le soleil ne se couchait jamais. Charles Quint avait déjà travaillé à l'élaboration de ce concept, qui correspond à l'affirmation d'une continuité politique.

Finalement la nuit de nos villes, c'est un peu comme un théâtre. La scène, c'est la ville. On commence par mettre de la lumière, des acteurs apparaissent parce que l'on a fermé les portes et que l'espace est sécurisé. Une ville apparaît : c'est la ville de garde, incarnée par la police, mais aussi par le personnel de santé. Cette ville veille pendant que le reste de la population dort, se repose.

Et puis il y a l'apparition de la fête, à partir d'un cadre sécurisé, à partir du moment où une partie de la population, l'aristocratie notamment, dispose de moyens suffisants, et de temps. On assiste à l'époque baroque à une explosion des fêtes nocturnes. On peut retrouver de belles pages dans la littérature sur ces grandes fêtes nocturnes en Angleterre ou en France. Au XIX e siècle, cette notion de fête se banalise, connaît une diffusion de plus en plus large, à partir d'un certain nombre de lieux ouverts la nuit en ville, les estaminets par exemple. On assiste alors à l'apparition du by night. C'est Paris Ville lumière, ce sont les Expositions universelles. J'ai retrouvé l'article d'un journaliste, qui, en 1889, pendant l'Exposition universelle conseillait de visiter tel endroit et découvrir Paris autrement. Ce n'est donc pas tout à fait nouveau, notre histoire de découverte et de traversée de ville.

La nouveauté aujourd'hui, c'est ce phénomène de diurnisation, le fait que des activités du jour entrent dans la nuit. Est-ce une phase ultime de l'artificialisation de la ville ? L'homme a toujours voulu échapper au rythme de la nature. Il s'est fabriqué une coquille - la ville - qui a ses rythmes propres, de plus en plus continus. On est donc passé de la nuit à la ville de garde. Aujourd'hui, il y a les activités de garde, les activités festives et puis des activités du jour qui grignotent la nuit. Le phénomène s'inscrit dans un contexte nouveau, qui se caractérise par la mondialisation de l'économie certes, mais aussi surtout par l'individualisation des modes de vie et le développement des technologies de l'information et de la communication, qui rendent possible une certaine ubiquité, tout au moins la possibilité de dialoguer en pleine nuit avec un interlocuteur habitant à l'autre bout de la planète, où il fait jour.

La diminution du temps de travail a dégagé des marges de temps, même si 34 % des Français estiment ne pas avoir la maîtrise de leur temps. De nouveaux besoins sont apparus et aujourd'hui se dégage une nouvelle figure de la ville : la ville à la carte. On veut tout, partout et à toute heure, mais sans toujours en mesurer les conséquences.

Voilà retracée une évolution sur la longue durée, comme aurait dit Braudel. Aujourd'hui, notre quotidien est confronté à une série de pressions nouvelles. Je vous propose une liste de ces pressions sur la nuit :

• la mise en lumière des villes. D'une mise en lumière sécuritaire, de garde, on est passé à une mise en lumière pour l'agrément, qui va jusqu'à la cacolumie, l'excès de lumière - trop de lumière tue la lumière ;

• le développement d'une industrie en continu, qui cherche à optimiser ses moyens de production ;

• la banalisation des services 24h/24. Aujourd'hui, n'importe quel artisan affiche la mention « 24h/24 » sur son véhicule professionnel - même s'il ne se déplace pas toujours. Quand c'est effectivement le cas, il facture son intervention très cher mais, comme ce sont toujours des urgences, le client est prêt à payer ;

• le développement des distributeurs automatiques. Nous disposons de distributeurs automatiques de monnaie, accessibles 24h/24, depuis des années déjà. Aujourd'hui, des épiceries automatiques s'installent auprès des points de flux. Ces magasins proposent 100 ou 200 références, de la boisson au papier toilette. Ils font jusqu'à 60 % de leur chiffre d'affaires en pleine nuit ;

• la fin du couvre-feu médiatique. Lorsque j'étais gamin, la fin des programmes était annoncée par la mire puis la neige sur l'écran après l'intervention de la speakerine. Aujourd'hui, la télévision émet 24h/24 ;

• le développement du travail de nuit. En Europe, 18 à 20 % de la population active est concernée. Tous les secteurs sont touchés, y compris le monde agricole, avec des moissons ou des labours de nuit ;

• le développement des commerces de nuit, et aussi des bars, des discothèques, des lieux de nuit ;

• le développement des nuits thématiques - Notte bianca (à Rome), la Nuit des musées, etc., démarches qui connaissent un succès fou ;

• le développement des services de mobilité nocturne. A partir du moment où une partie de la population est dehors la nuit, pour la fête ou pour le travail, se pose la question des services, notamment des transports de nuit. C'est une question de philosophie. Soit on interdit le travail de nuit, on ferme, on impose le couvre-feu, on obtient un pays fermé la nuit. Soit on laisse ouvert. Dans ce cas, ceux qui sont dehors, pour leur travail notamment, ont autant le droit à un bus et à un certain nombre de services que ceux qui y sont le jour Sinon on admet qu'il y a des citoyens de jour et des citoyens de nuit, et donc une citoyenneté à deux niveaux, ou à deux vitesses. Je pense aussi à la question des crèches, qui fait débat un peu partout en France aujourd'hui, c'est-à-dire les demandes d'ouverture tardive des crèches par les parents qui travaillent selon des horaires atypiques. Il y a aussi le décalage de l'heure d'endormissement : on dort une heure de moins que nos grands-parents et on se couche beaucoup plus tard qu'eux.

La question de la nuit est d'actualité dans tous les pays européens. Citons l'Italie avec le débat sur l'heure de fermeture des établissements de nuit (Berlusconi, à une voix près, n'a pas pu imposer la fermeture des discothèques à 3 heures du matin ). Mentionnons les débats à propos de l'ouverture plus tardive des commerces ou la grève des urgences dans les hôpitaux en France. En Allemagne aussi, l'ouverture des commerces en soirée ou le dimanche a fait l'objet d'âpres débats. Depuis 2003, des points de vente situés autour des gares peuvent rester ouverts.

Il y a périodiquement des projets de loi pour interdire le travail de nuit - c'est un retour de balancier -, mais ils n'ont pas beaucoup de succès. Il y a un projet de métro de nuit à Paris, où la SNCF et la RATP ont mis en place le Noctilien, un réseau de transport de nuit, en septembre.

Enfin, je vous invite à observer les conséquences de l'entrée en vigueur à Londres, à partir du mois de novembre, du « Licensing Act », qui met fin à l'interdiction de vente d'alcool dans les pubs au-delà de 23 heures. Il s'agit notamment d'éviter les problèmes liés aux attroupements à la sortie des pubs.

Tous ces exemples doivent nous inciter à mener la réflexion suivante : face à ces pressions, qu'en est-il de la nuit aujourd'hui, en France et dans les autres pays européens ? J'ai essayé de borner la nuit dans le temps, puis dans l'espace. Premier type de bornage, élaboré à partir d'une liste d'indicateurs concernant le fonctionnement de nos villes : consommation d'électricité, de gaz, circulation de piétons, de cyclistes, de bus... Quand on examine l'offre de services, on s'aperçoit que la nuit aujourd'hui, dans les grandes métropoles, est un espace-temps très court, un creux de trois heures, compris entre 1h30 et 4h30 du matin. Plus ces grandes métropoles sont internationales, plus la ville est ouverte la nuit. Il y a ensuite une graduation en fonction de l'échelon urbain. Cet espace-temps de trois heures environ, c'est le coeur de la nuit, et puis il y a les marges. Des marges, grignotées, plutôt le soir mais aussi un peu le matin.

Nous autres géographes - c'est le cas des sociologues aussi -, consacrons une partie de notre temps à essayer de continuer à différencier la ville de la campagne. Un critère le permet encore : c'est l'alternance jour/nuit. Il suffit de sur: voler une région de nuit. On constate alors cette coupure. ville/campagne. En termes de lumière, d'offre de transports, de services, il existe encore un vrai creux dans nos campagnes. On constate ce phénomène qu'a décrit le philosophe Michel Serres : autrefois des métropoles cloutaient la planète, un peu comme les étoiles cloutent le ciel ; désormais, on a des nébuleuses urbaines, c'est-à-dire des taches de lumière la nuit, puis de loin en loin des sombrières, c'est-à-dire des endroits où subsiste encore un peu de sombre. On n'est plus dans un rapport nature/culture, on a basculé dans une autre logique.

Deuxième type de bornage spatial, c'est le décalage centre/périphérie. Quand on traverse les villes, on constate qu'il y a vraiment des limites d'exténuation des réseaux, qu'il fait bien plus nuit en banlieue qu'en centre-ville, où le patrimoine, notamment, est éclairé. On peut même parler à ce propos de manipulation, de mise en avant d'une certaine image de la ville - patrimoniale - par rapport à un autre type de ville.

A propos des bornes spatiales, précisons enfin que les centralités dans la ville ne sont pas définies une fois pour toutes. La centralité se « déplace » au fil des heures.

Je vous propose de considérer la ville, la nuit, comme un archipel. D'ailleurs, quand on est noctambule, que l'on est amoureux de la nuit ou que l'on travaille sur la nuit, on repère vite dans son quartier la personne qui, à 2 heures du matin, a encore sa petite lumière allumée. Plus on avance dans la nuit, plus les pôles allumés se réduisent. Entre îlots de l'archipel nocturne, l'accessibilité intra-urbaine est limitée. En l'absence de ligne spécifique, les transports publics sont arrêtés. Les taxis sont moins nombreux et surtout plus chers. Le temps d'accès est allongé et le coût d'accès à l'espace urbain est augmenté. L'accessibilité interurbaine aussi est réduite. Les transports par bus sont quasi inexistants la nuit, le transport ferroviaire est réduit, l'aéroport est fermé : on n'accède donc plus à la ville, un peu comme s'il existait des ponts-levis spatiotemporels.

À l'intérieur de la ville même, se met en place une certaine géographie, avec des quartiers qui dorment, d'autres qui travaillent en continu, certains qui s'amusent, d'autres encore qui s'approvisionnent. Évidemment, c'est une image idyllique. Dans les faits, ils ne sont pas séparés, ils s'interpénètrent. Des différences marquées apparaissent entre les espaces en continu temporel (quartiers situés près des gares, des aéroports, ou au bord des autoroutes) et des espaces en rythme circadien, c'est-à-dire où l'on suit le rythme du soleil - on dort la nuit et on s'active le jour -, ce qui peut engendrer des conflits.

Premier type de conflit : les nuisances sonores. Dans l'est de la France, on se souvient de l'affaire DHL, un transporteur de colis à la recherche d'un aéroport où baser son activité - une activité internationale de flux, 24h/24 donc -, qui s'est heurté à l'opposition des riverains de l'aéroport de Strasbourg. Le problème vient de l'absence d'aménagement du territoire à long terme, puisqu'on a laissé la ville s'approcher du cône de bruit de l'aéroport, d'où ce conflit entre une ville qui essaie de dormir et une ville en continu. Les nuisances sonores sont également un sujet important à Rennes, comme dans toutes les villes universitaires en Europe. L'Université génère une vie sociale, une forme de socialisation : la soirée étudiante. Et on se retrouve cette fois confronté à des frottements entre la ville qui dort et la ville qui s'amuse.

Autre conflit lié à l'activité nocturne : il est apparu dès 1996-1997dans des villes comme Lyon, Strasbourg, etc. Lié à la prostitution, c'est le conflit entre la ville qui dort et la ville « qui s'amuse ou qui travaille ». Quand la nuit tombe 22 ou 23 heures, pas de problème ; quand elle tombe à 16 heures en plein hiver à Strasbourg, les gamins qui sortent de l'école croisent les prostituées qui travaillent au pont Pasteur.

Mentionnons aussi les conflits en banlieue, que nous renvoient les images des incendies de véhicules dans certains quartiers de Strasbourg, par exemple. On constate que les voitures brûlent dans des zones éloignées du centre-ville, dans des endroits et à des heures où il n'y a plus de ville : ce sont des quartiers où il n'y a plus de commerces (il n'y en a y déjà pas beaucoup en journée), plus de police (elle s'est retirée au centre-ville), où les centres socioculturels sont fermés, où il n'y a donc plus d'encadrement social.

Autre conflit, non spatialisé celui-là : le conflit entre la terre et le ciel, je pense aux pollutions lumineuses. Pour réfléchir à ces conflits, je vous propose de revenir aux deux clés d'entrée que je vous ai proposées : la nuit, temps de la liberté ou temps de la peur.

Je pense que la nuit est un espace-temps de liberté limitée. L'être humain réagit comme les papillons : il est attiré, voire manipulé, par la lumière. De plus, il est manipulé par les médias. Les médias peuvent survaloriser un centre-ville parce qu'il est l'objet d'un travail sur l'attractivité et la qualité de la vie, mais ils peuvent aussi le dévaloriser à cause de conflits, de petites nuisances. Ils peuvent aussi surtout dévaloriser des banlieues ou des espaces périphériques, qu'on a alors tendance à éviter, même s'ils ne sont pas dangereux.

Par ailleurs, à mesure que l'on avance dans la nuit, l'offre urbaine est réduite, en nombre et dans l'espace. C'est le cas des commerces, notamment l'alimentaire. L'offre urbaine est également plus spécialisée. Essayez d'acheter un costume en pleine nuit : c'est impossible. L'espace collectif, c'est-à-dire l'espace public et les grands magasins, est réduit. La nuit, donc, il y a moins de lieux accessibles, moins de variété, moins de services et moins de qualité.

La nuit est réputée favoriser les mélanges, les rencontres, la convivialité. En fait, la ville, la nuit, génère de véritables ségrégations. Le mélange est une illusion parce que, dans la ville la nuit, chaque tribu a ses propres codes, en fonction de sa tenue et de son âge aussi éventuellement, d'où des typologies spécifiques d'accès, qu'il s'agisse des discothèques ou des bars d'ambiance. De plus, le coût d'accès à la nuit est prohibitif. Dans la ville, la nuit, tout est payant, et cher. Les espaces collectifs sont payants ; les taxis sont plus chers qu'en journée ; même le verre de bière est plus cher.

En ce qui concerne l'insécurité, la nuit - me semble-t-il -n'est pas un territoire dangereux, où il vaudrait mieux ne pas s'aventurer. S'agissant de la mortalité tout d'abord, vous connaissez cette expression qui dit : « Ah, le pauvre, il ne passera pas la nuit ! » Les chronobiologistes ont effectivement montré qu'un creux de température affecte le corps humain à 3 h 30 du matin, qu'il est donc plus fragile à ce moment-là. A ce propos, j'ai consulté les données de l'état civil et celles des hôpitaux de trois grandes villes de l'est de la France. J'ai constaté qu'on n'y meurt pas plus la nuit que le jour. Les grands accidents industriels (Three Mile Island, Bhopal, Tchernobyl) sont tous survenus en pleine nuit. Pourquoi ? Parce que l'homme n'est pas un animal nocturne : il calcule moins bien, surveille moins bien, est moins vigilant la nuit.

Quant à la délinquance de voie publique, elle est moins importante la nuit qu'en journée. C'est le cas aussi des cambriolages d'habitations. Par contre, ce n'est pas vrai pour les cambriolages de bâtiments industriels ou commerciaux, qui ont lieu, eux, plutôt la nuit. Les violences urbaines ne sont pas nocturnes au sens strict. Elles ont plutôt lieu à partir de 21 heures jusqu'à 1 heure-1h30 du matin que la nuit, entre 1h30 et 4h30 du matin.

Enfin, dernier signe d'insécurité, les accidents de la circulation : ils sont moins nombreux la nuit. Les pics d'accidents se produisent le matin à l'entrée et à la sortie des villes. Mais ils sont plus graves la nuit à cause des feux de croisement clignotants, de la vitesse ou des substances que les conducteurs ont pu ingurgiter.

En guise de conclusion, la ville, la nuit, se présente donc comme un système amputé. Les villes ne sont pas « complètes » la nuit. Certaines fonctions sont assurées : l'alimentation en énergie de la ville, l'élimination des déchets, la production (Peugeot, par exemple), la protection et la sécurité, la santé. En revanche, d'autres fonctions sont déficientes : l'offre de biens et de services (l'ouverture au public des administrations prend fin vers 16h-16h30) ou l'offre culturelle (la nuit, pas le soir) sont limitées, les loisirs sont spécialisés, la communication est limitée.

Cette alternance ville/non-ville renvoie à une question qui me semble essentielle, celle de la citoyenneté. Dans la ville, la nuit, certains droits sont respectés dans l'espace et dans le temps : le logement, la santé, par exemple. Certains droits sont respectés dans le temps, mais pas dans tous les quartiers : la sécurité ou le droit à un environnement dit sain (les entreprises rejettent leurs polluants, selon des relevés effectués à Strasbourg, plutôt le soir qu'en pleine journée). Certains droits ne sont pas respectés, ni dans l'espace ni dans le temps : ce sont les droits à la mobilité, à l'emploi, à la culture, au sport et aux loisirs. Au final, la nuit se caractérise donc par une alternance citoyenneté/non-citoyenneté.

Autre façon de conclure : considérer la nuit comme un front pionnier, à l'image du Far West. La nuit est un espace-temps qui n'est pas totalement exploré ni peuplé, mais qui subit une conquête progressive par les activités et la population du jour. La nuit est peuplée par une population singulière, majoritairement masculine. Plus on avance dans la nuit, moins on rencontre de femmes, moins elles sont seules. Les territoires sont enclavés, comme au Far West, il y a peu de moyens de transport, peu de commerces, des coûts élevés, une insécurité relative et un contrôle lointain. Ça brûle au quartier du Neuhof : les pompiers, l'armée et la police interviennent dans une zone de non-droit, nous dit-on, puis ils repartent. Ce sont des endroits où la police ne peut plus aller, car elle en est absente la nuit, ses bureaux sont fermés, donc on organise l'opération Rintintin, puis on rentre au fort.

La nuit, c'est aussi le règne des activités particulières -souvenez-vous des films de John Ford -, comme le jeu, la prostitution, la drogue, l'alcool, l'argent qui circule - on utilise un peu moins sa carte bleue. On y retrouve aussi le conflit entre les colons et les Indiens. Qui sont les colons ? Ce sont ceux qui vivent le jour et qui se disent : « Il y a un endroit super branché à Rennes, il faut que j'y aille ce week-end. » Cet endroit super branché est peuplé par des tribus de nomades (ce sont les Indiens), qui rechignent à voir les colons débarquer. Dès qu'ils arrivent, ils partent ailleurs pour créer un autre endroit branché, pendant que les colons avancent. Dans les villes de la taille de Rennes, les vrais noctambules, ceux qui vivent vraiment en rythme décalé la nuit, ne sont que 100 voire 150. Généralement, ils ont une constitution physique vigoureuse, qui leur permet de travailler le lendemain, ou alors ils sont clochards le jour et noctambules la nuit. Et puis, évidemment, l'image du front pionnier renvoie au fait que ce milieu obéit à des règles particulières.

À partir de ces constats, on peut avancer quelques pistes de travail. Comment rendre la ville plus hospitalière, plus accessible ? Cela passe par un travail sur l'espace public, sur la lumière, sur les transports de nuit, sur des pôles de services. Je ne pense pas à une ville ouverte 24h/24 mais, un peu comme dans le modèle haussmannien, elle doit pouvoir offrir des pôles, des oasis dans un désert social, qui regroupent des services publics, des services privés et quelques activités, autour des gares par exemple, où cela ne gêne personne.

Il s'agit aussi d'anticiper les conflits. Je pense au type de négociations qui ont abouti à une charte de la nuit à Lille, à l'animation nocturne pour renforcer l'attractivité de la ville. Plus on peuplera la ville en soirée, moins on aura peur.

Et puis, il y a aussi cette idée de définir un droit de la ville, dans l'espace et dans le temps. Bruxelles vient de créer un Observatoire de la nuit. Helsinki propose des crèches de nuit depuis plus de dix ans. À Oviedo, des centres sociaux restent ouverts la nuit. Les bibliothèques et les universités sont ouvertes la nuit aux États-Unis (il y a également des projets de ce type aux Pays-Bas). À New-York, des cours de justice fonctionnent la nuit. Paris vient de mettre en place le Noctilien, Amsterdam a un maire de nuit. Les astronomes font pression pour que le ciel soit classé dans le patrimoine mondial de l'humanité.

Va-t-on vers une ville en 24/7 (ouverte vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept) ? C'est à nous de le décider. Je cite Jean-Claude Vidal, qui à propos des questions de temps disait toujours : « Est-ce que le jeu en vaut la chandelle ? » Pouvoir acheter le dernier Harry Potter à minuit, profiter des soldes nocturnes sur les Champs-Élysées, faire ses courses le dimanche : très bien ! Mais cela implique que les collectivités locales proposent des services de bus. On assiste en fait au détricotage de tout un système.

À Belfort, par exemple, les faucons pèlerins, qui sont normalement diurnes, chassent désormais la nuit depuis que l'on a illuminé les alentours du château. On constate qu'ils ont modifié leur régime alimentaire. Or, contrairement au faucon pèlerin, l'homme reste un animal diurne. C'est du moins ce qu'affirme mon ami Bernard Millet, le chronobiologiste. C'est pourquoi le travail de nuit pose un vrai problème. Ceux qui travaillent de nuit disent qu'ils l'ont choisi, qu'ils gagnent plus, qu'ils subissent moins la hiérarchie, qu'ils peuvent s'occuper de leurs enfants le lendemain. C'est peut-être vrai pour l'instant, mais le jour où le travail de nuit sera banalisé, comme aux États-Unis, on gagnera la même chose la nuit que le jour. Autres problèmes liés au travail de nuit : les risques cardiaques, d'obésité, et surtout une diminution de l'espérance de vie de cinq ans.

Au slogan d'un club de vacances qui disait : « Si tu dors, t'es mort », j'opposerai la vision d'un autre ami des politiques de temps, qui rappelait qu'il n'y a pas de vie sans rythme. S'il n'y a pas de rythme, si on est dans la continuité, il n'y a pas de vie. Bernard Millet a tranché : selon lui l'homme est et restera un animal diurne.

Quant à moi, je pensais que l'on pouvait rêver de nuits plus belles que le jour. Pour sourire ensemble, je vous propose ma vision de Rennes en 2047.

A cette époque, l'homme a tout exploré, tout colonisé. Il s'ennuie un petit peu, comme aujourd'hui ; le chômage est élevé, cela n'a pas beaucoup changé de ce point de vue. Le sentiment d'insécurité est répandu, le développement séparé, l'urbanité se meurt. Il n'y a plus d'endroits où se rencontrer. Les Américains ont renoncé à aller sur Mars, il n'y a donc plus de frontière.

L'idée revient au maire de Rennes (j'ignore qui ce sera), qui s'est souvenu que, lors d'un colloque, un géographe avait proposé de faire de la nuit un espace de convivialité, de projets, pour l'emploi, contre les crispations sécuritaires et pour une nouvelle urbanité. Avec son adjointe aux politiques de transports, il a réussi à convaincre le gouvernement : une Assemblée nationale de la nuit a été élue au suffrage universel. Un gouverneur a été désigné par le président de la République pour s'occuper des DON-TON : les départements et territoires d'outre-nuit. Il occupera ce poste pour une durée de trente ans, jusqu'à l'indépendance de ces territoires. Un maire de nuit est élu dans chaque commune.

Dans les sommets du G24, le président de la République, avec son ami Lula, se bat pour une nouvelle gouvernance nocturne. Edmond Hervé a été nommé ambassadeur de la nuit auprès de l'Unesco. Tous les services publics et les transports en commun fonctionnent 24h/24, et Rennes se prend pour New York. Une journée sans télé est instaurée par le ministère de la Culture, et les citadins se réfugient dans les musées, les bibliothèques, ouverts de nuit, tout comme les piscines.

Les scolaires, dès l'âge de 14 ans, et les étudiants ont le choix entre un enseignement diurne ou nocturne. Depuis des années déjà, Rennes est devenue le centre européen du spectacle de nuit. Son université de la nuit a été lancée en 2005, après un colloque. Hambourg, Milan, Madrid, Porto et Rotterdam suivent le mouvement. Il a fallu revoir la notion d'intercommunalité, pour mettre en place des intercommunalités temporelles, et non pas uniquement spatiales comme aujourd'hui. Concernant le développement économique, la nuit est transformée en zone franche. Les entreprises qui travaillent la nuit sont exonérées de taxe professionnelle, la TVA de nuit est diminuée, une prime d'aménagement du temps a été créée. Les avantages qui découlent de ces mesures sont en partie redistribués aux salariés.

Toute ouverture d'un commerce de jour - parce que l'on y s'oppose à leur développement - est soumise à l'accord préalable du Haut Comité de la nuit (nouvelle appellation du Bureau du temps). En termes d'aménagement du territoire, un schéma de nuit, concernant l'ouverture des commerces et la politique de la lumière, a été mis en place dans chaque commune. Enfin, chaque commune met à disposition un terrain, un dazibao spatial, où, comme cela s'est passé au Far West, si l'on est capable d'y construire sa maison en une nuit, on en devient propriétaire.

Rennes est devenue la capitale du Nigbt Art : des pépinières artistiques de nuit permettent l'éclosion de nouveaux talents. Pour répondre aux exigences de protection, des réserves de nuit et des zones d'obscurité et de silence ont été mises en place. On a aussi lancé la manifestation Nuit noire, consistant une fois dans l'année à éteindre toutes les lumières de la ville de Rennes. La luciole est devenue l'emblème de la République française - ou européenne. En ce qui - concerne le bien-être, des toilettes publiques ouvertes la nuit ont été installées dans chaque quartier, des hamacs ont été disposés dans chaque arrêt de bus.

Résultat : l'insécurité a diminué et, plus que jamais, pour renvoyer à Richard Bohringer, on peut dire que « c'est beau une ville la nuit ».

26. La construction d'un projet éducatif territorial

Circulaire n° 2013-036 du 20 mars 2013 adressée aux préfets de région et de département (DRJSCS, DDCS / DDCSPP), aux rectrices et recteurs d'académie ; aux directrices et directeurs académiques des services de l'éducation nationale ; aux inspectrices et inspecteurs chargés des circonscriptions du premier degré ; aux directrices et directeurs d'école.

Le projet éducatif territorial (PEDT), mentionné à l'article D. 521-12 du code de l'éducation, formalise une démarche permettant aux collectivités territoriales volontaires de proposer à chaque enfant un parcours éducatif cohérent et de qualité avant, pendant et après l'école, organisant ainsi, dans le respect des compétences de chacun, la complémentarité des temps éducatifs.

Ce projet relève, à l'initiative de la collectivité territoriale compétente, d'une démarche partenariale avec les services de l'État concernés et l'ensemble des acteurs éducatifs locaux. À l'occasion de la nouvelle organisation du temps scolaire qui se met en place dans les écoles primaires à compter de la rentrée 2013, cette démarche doit favoriser l'élaboration d'une offre nouvelle d'activités périscolaires, voire extrascolaires, ou permettre une meilleure mise en cohérence de l'offre existante, dans l'intérêt de l'enfant.

La présente circulaire a pour objet de préciser les objectifs et les modalités d'élaboration d'un projet éducatif territorial, et de faciliter la coopération entre les collectivités territoriales engagées dans cette démarche de projet et les services de l'État chargés de l'accompagner jusqu'à sa contractualisation .

I - Les objectifs et les principes

Le projet éducatif territorial est un outil de collaboration locale qui peut rassembler, à l'initiative de la collectivité territoriale , l'ensemble des acteurs intervenant dans le domaine de l'éducation : le ministère de l'éducation nationale, le ministère des sports, de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative, les autres administrations de l'État concernées (ministère de la culture et de la communication, ministère délégué à la ville, ministère délégué à la famille, notamment), les caisses d'allocations familiales ou la mutualité sociale agricole, les autres collectivités territoriales éventuellement impliquées, ainsi que des associations de jeunesse et d'éducation populaire, ou d'autres associations et institutions à vocation sportive, culturelle, artistique ou scientifique notamment, et des représentants de parents d'élèves.

L'objectif du projet éducatif territorial est de mobiliser toutes les ressources d'un territoire afin de garantir la continuité éducative entre, d'une part les projets des écoles et, le cas échéant, les projets des établissements du second degré et, d'autre part, les activités proposées aux enfants en dehors du temps scolaire. Il doit donc permettre d'organiser des activités périscolaires prolongeant le service public d'éducation et en complémentarité avec lui . Il peut être centré sur les activités périscolaires des écoles primaires ou aller jusqu'à s'ouvrir, selon le choix de la ou des collectivités intéressées, à l'ensemble des temps scolaire, périscolaire et extrascolaire, de l'école maternelle au lycée, à l'instar de certains projets éducatifs locaux actuels.

Le projet éducatif territorial permet un partenariat entre les collectivités territoriales qui en ont pris l'initiative et les services de l'État afin de soutenir des actions correspondant à des besoins identifiés sur chaque territoire. Il favorise les échanges entre les acteurs tout en respectant le domaine de compétences de chacun d'entre eux, et contribue à une politique de réussite éducative et de lutte contre les inégalités scolaires ou d'accès aux pratiques de loisirs éducatifs. La commune ou l'EPCI assure la coordination des actions et leur conformité avec les objectifs retenus. Un comité de pilotage réunit l'ensemble des acteurs pour élaborer et suivre la mise en oeuvre du projet éducatif territorial.

Dans le cadre de la consultation des conseils d'école sur l'organisation des activités périscolaires, en application de l'article D. 411- 2 du code de l'éducation, ceux-ci sont associés à la réflexion sur l'élaboration des PEDT.

Le projet éducatif territorial est élaboré à l'initiative de communes ou d'établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et destiné aux enfants scolarisés sur le territoire de ces collectivités. Il formalise l'engagement des différents partenaires à se coordonner pour organiser des activités éducatives et assurer l'articulation de leurs interventions sur l'ensemble des temps de vie des enfants, dans un souci de cohérence, de qualité et de continuité éducatives.

Il prévoit prioritairement, mais non exclusivement, des activités proposées pendant le temps périscolaire aux jeunes scolarisés dans les écoles primaires du territoire concerné. Ce temps est lié aux horaires de début et de fin de l'école, ainsi qu'à l'horaire de la pause méridienne, arrêtés par le directeur académique des services de l'éducation nationale en application des articles D. 521-10 à D. 521-13 du code de l'éducation modifiés par le décret n° 2013-77 du 24 janvier 2013 relatif à l'organisation du temps scolaire dans les écoles maternelles et élémentaires.

Les activités éducatives que propose le projet éducatif territorial peuvent s'articuler, le cas échéant, avec les projets d'éducation artistique et culturelle mis en oeuvre sur le temps scolaire, de même qu'avec les projets conçus sur le temps extrascolaire notamment en matière d'offre d'activités physiques et sportives (APS).

L'élaboration, la mise en oeuvre et le suivi du projet éducatif territorial relèvent des collectivités territoriales et de leurs partenaires, notamment associatifs, qui doivent présenter les garanties nécessaires au regard de la sécurité physique et morale des mineurs.

Elles sont garantes de sa qualité.

Les activités proposées dans ce cadre n'ont pas de caractère obligatoire, mais chaque enfant doit avoir la possibilité d'en bénéficier.

Le projet éducatif territorial prend la forme d'un engagement contractuel entre les collectivités, les services de l'État et les autres partenaires. Des conventions complémentaires peuvent, le cas échéant, lui être adossées pour préciser la nature et le niveau des moyens mobilisés par chacun des organismes partenaires.

II - L'appui des dispositifs existants

Le projet éducatif territorial prend en compte l'offre périscolaire existante et peut s'appuyer sur les différents dispositifs qui peuvent déjà exister dans les communes concernées.

Ainsi, il peut s'appuyer sur les projets éducatifs locaux (PEL) et les contrats éducatifs locaux (CEL) existants : ces derniers constituent, par leurs finalités et les moyens qu'ils mobilisent, un cadre de collaboration locale visant à l'articulation et à la complémentarité de tous les temps et acteurs éducatifs. Ils pourront tenir lieu d'avant-projet en vue de l'élaboration d'un projet éducatif territorial (voir §3 - La méthode et le calendrier). Cela nécessitera éventuellement une adaptation des projets actuels pour tenir compte des modifications des rythmes éducatifs.

Les collectivités territoriales, souhaitant contractualiser avec l'État dans le cadre de la politique de la ville, pourront intégrer les activités du projet éducatif territorial dans les actions éducatives du contrat de ville . Inversement, les actions éducatives conçues dans le cadre du contrat de ville pourront servir de base, le cas échéant, au projet éducatif territorial.

Afin de nourrir son volet artistique et culturel, le projet éducatif territorial peut prendre en compte les dispositifs de contractualisation existant dans le domaine culturel : contrat local d'éducation artistique (CLEA), projet territorial d'éducation artistique (PTEA), contrat « territoire lecture » (CTL) ainsi que les enseignements artistiques spécialisés dispensés sur le territoire.

Il peut également être articulé avec le contrat local d'accompagnement à la scolarité (CLAS) piloté dans le cadre des comités départementaux de soutien à la parentalité.

Le projet éducatif territorial se construira en cohérence avec le contrat « enfance - jeunesse » (CEJ) , que de nombreuses collectivités ont conclu avec les caisses d'allocations familiales.

L'accompagnement éducatif après la classe proposé aux élèves des écoles de l'éducation prioritaire et des départements d'outre-mer a également vocation à être articulé avec le projet éducatif territorial.

Enfin, le projet éducatif territorial peut s'élargir aux activités extrascolaires afin d'assurer une complémentarité des activités éducatives tout au long de l'année.

III - La méthode et le calendrier

La construction du projet éducatif territorial suppose au préalable :

• de délimiter un périmètre d'action cohérent (la commune ou l'EPCI compétent ou un territoire plus large intéressant plusieurs collectivités territoriales) ;

• d'identifier les besoins, notamment en fonction des caractéristiques du public scolaire (voir, ci-dessous, les éléments de cahier des charges) ;

• de définir les grandes priorités communes aux différents partenaires en matière d'éducation ;

• d'analyser les principales ressources du territoire concerné (inventaire de l'offre locale d'activités dans les champs culturel, artistique, sportif, etc.).

Pendant la phase d'élaboration du projet éducatif territorial, les collectivités qui souhaiteront être accompagnées peuvent bénéficier de l'aide d'un groupe d'appui départemental, mis en place par le préfet de département (DDCS/DDCSPP) et la direction des services départementaux de l'éducation nationale (DSDEN), avec le concours éventuel d'autres services de l'État, des caisses d'allocations familiales et caisses de la mutualité sociale agricole) et du conseil général. Ce groupe veillera, dans toute la mesure du possible, à associer les services compétents des collectivités et les associations dont l'expertise est reconnue dans la mise en oeuvre de projets éducatifs.

Cet accompagnement pourra se poursuivre pendant toute la phase d'élaboration, jusqu'à la signature du projet afin de faciliter la mise en place d'activités périscolaires ou d'adapter l'existant au futur projet éducatif territorial.

Dans un premier temps , la collectivité propose aux services de l'État partenaires un avant-projet précisant :

• le périmètre du territoire concerné ;

• les données générales relatives au public concerné (nombre d'écoles, d'enfants concernés, etc.) ;

• les ressources mobilisées (humaines et matérielles) et les domaines d'activités prévues (sport, activités culturelles et artistiques, éveil citoyen, etc.) ;

• le cas échéant, les demandes de dérogation à l'organisation du temps scolaire, élaborées en fonction du PEDT, à solliciter avant une date qui sera communiquée aux maires et présidents d'EPCI par le directeur des services de l'éducation nationale (DASEN).

Dans un second temps , la collectivité qui a l'initiative du projet éducatif territorial approfondit la concertation avec la direction des services départementaux de l'éducation nationale et la direction départementale de la cohésion sociale (DDCS/DDCSPP), ainsi qu'avec les autres partenaires éventuels du projet, afin de l'enrichir en tenant compte des éléments de cahier des charges, lequel doit indiquer :

• l'état des lieux (activités périscolaires et extrascolaires existantes, besoins non satisfaits, atouts et contraintes) ;

• les publics cibles (nombre d'enfants, classes d'âge) et les modalités de leur participation ;

• les objectifs poursuivis en matière éducative et les effets attendus ;

• les activités proposées (en cohérence et en complémentarité entre elles et avec les projets d'école) ;

• les tarifs des prestations éventuellement facturées aux familles ;

• l'articulation avec les éventuels dispositifs existants ;

• les acteurs (services et associations) engagés ;

• le cas échéant, l'articulation avec les activités extrascolaires (petites et grandes vacances) et/ou avec les activités périscolaires proposées aux élèves de l'enseignement secondaire ;

• la structure de pilotage (composition, organisation) ;

• les modalités d'information des familles ;

• les éléments prévus dans le bilan annuel (nombre d'enfants concernés, actions menées, etc.) ;

• les modalités d'évaluation (périodicité et critères).

Le projet est transmis à la direction des services départementaux de l'éducation nationale et à la DDCS/DDCSPP qui organiseront conjointement l'examen des éventuelles demandes de dérogation en matière d'horaire des écoles et/ou des conditions d'encadrement.

Le projet éducatif territorial prend la forme d'un engagement contractuel signé entre la collectivité porteuse, le préfet, le DASEN par délégation du recteur et les autres partenaires, auquel le conseil général peut s'associer, notamment pour adapter les transports scolaires.

La signature par le préfet ou son représentant du projet éducatif territorial permet de bénéficier des dérogations aux conditions d'encadrement (voir annexe 5 ).

La durée maximale de cet engagement est de trois ans.

Le conseil départemental de l'éducation nationale (CDEN) est informé des PEDT réalisés dans le département.

IV - Le fonctionnement

a) Les intervenants

Le projet éducatif territorial s'appuie sur les personnels d'animation, et mobilise le mouvement associatif (associations complémentaires de l'enseignement public, mouvements de jeunesse et d'éducation populaire, mouvement sportif local, institutions culturelles, associations locales, etc.). Il peut également mobiliser les bénévoles et les associations de parents.

Pour les accueils collectifs de mineurs, notamment les accueils de loisirs périscolaires, organisés dans le cadre d'un projet éducatif territorial, la qualification des membres de l'équipe d'animation doit être conforme à l'article R. 227-12 du code de l'action sociale et des familles. Lorsque des activités physiques y sont organisées, les qualifications des intervenants pour ces activités sont précisées à l'article R. 227-13 du même code.

Le maire ou le président de l'EPCI peut par ailleurs recourir à des enseignants volontaires pour assurer l'encadrement du temps périscolaire, comme cela est déjà parfois le cas aujourd'hui. Les enseignants sont alors rémunérés et assurés pour cette activité par la collectivité.

b) Les locaux

Les activités prévues dans le cadre d'un projet éducatif territorial, comme toute activité périscolaire organisée par la commune, peuvent se dérouler dans les locaux et les équipements scolaires conformément à l'article L. 212-15 du code de l'éducation.

Celui-ci prévoit que le maire ou le président de la collectivité propriétaire des bâtiments de l'école peut y organiser des activités à caractère sportif, culturel ou socio-éducatif pendant les heures où les locaux ne sont pas utilisés pour les activités liées aux besoins d'enseignement. Il doit consulter le conseil d'école sur le projet d'organisation de ces activités.

Le maire ou le président de l'EPCI peut aussi, sur le temps dont il assure la coordination, accueillir les enfants dans un autre lieu que l'école, sous réserve que les enfants soient confiés à la sortie de l'enceinte scolaire à un ou plusieurs adultes. Le trajet jusqu'au lieu du déroulement de l'activité se fera alors sous la responsabilité de ce(s) dernier(s). En conséquence, il convient de veiller à ce que le déplacement ne soit pas trop long et que le parcours puisse s'effectuer en toute sécurité.

c) Les activités

Les activités proposées dans le cadre du projet éducatif territorial ont vocation à s'adresser à tous les enfants . Elles doivent favoriser le développement personnel de l'enfant, de sa sensibilité et de ses aptitudes intellectuelles et physiques, son épanouissement et son implication dans la vie en collectivité. Elles ne doivent pas se limiter à des activités dites d'éveil, mais prendre en compte l'enfant dans toutes ses dimensions et dans son environnement. Elles doivent rechercher la cohérence et la complémentarité entre elles et avec le projet d'école.

Ainsi organisé, le projet éducatif territorial a l'ambition de mieux articuler les différents temps de l'enfant en s'appuyant sur la mobilisation de tous les acteurs impliqués, et de donner une nouvelle cohérence à la journée de l'enfant, afin de contribuer à mettre en place les conditions de sa réussite scolaire et de son épanouissement.


* 1 Introduction d'un séminaire « Temps et Territoire », Christel Alvergne, DATAR, 11 janvier 2001.

* 2 Ceci n'est pas nouveau. En faire plus en moins de temps a toujours été une préoccupation. Vers 1750, on améliore le réseau routier, on creuse des canaux. La vitesse des calèches double entre 1814 et 1848. La malle-poste de Berlin à Cologne diminue son temps de liaison de 130 heures à 78 heures.

* 3 Voir « Urgences temporelles », Dominique Royoux, Patrick Vassallo, édition Syleps, 2013, pages 169 et suivantes.

* 4 Il y a des temps pour les mots : l'adolescence est une invention des psychologistes, fin XIXe, début XXe, pour décrire une période de crise. La vieillesse est une idée neuve (diversement appréciée : « un naufrage » pour Charles de Gaulle).

* 5 Indépendamment de l'allongement de la vie, les effets de la hiérarchie sociale demeurent. En 1980/1989, l'espérance de vie à 60 ans pour un ingénieur était de 22,3 ans, 17,1 ans pour un manoeuvre et 19,3 ans pour un petit commerçant. Le risque décès de 60 à 75 ans baisse suivant que l'on appartient à la catégorie des ingénieurs ou des manoeuvres.

* 6 Éloge à la mobilité : essai sur le capital temps libre et la valeur travail, Jean Viard, éditions de l'aube, 2008.

* 7 La durée du travail a été réduite de moitié à 14% de la vie éveillée d'un Français. La fin du chômage, Jean Boissonnat, Calman Lévy, 2001. Estimation du temps hors travail au cours de la vie : 25 000 heures en 1800, 45 000 en 1945, 135 000 en 1975, 170 000 heures en 2000.

* 8 Premières synthèses, Ministère de l'Emploi et de la Solidarité, mai 2001.

* 9 Rapport sur la question des exceptions au repos dominical dans les commerces : vers une société qui s'adapte en gardant ses valeurs , Jean-Paul Bailly, décembre 2013 .

* 10 Mutations de la société française : pour mieux comprendre la mobilité aujourd'hui, retour des enquêtes 2007, Kéolis. Enquête quantitative réalisée par le cabinet MMC, entretiens téléphoniques réalisés auprès de 3 300 actifs dans 11 agglomérations ; 18 700 journées de travail ont été enquêtées et décrites.

* 11 Horaires atypiques et contraintes dans le travail : une typologie en six catégories , DARES, mai 2009, n°22.2.

* 12 Les cahiers de la DG-Trésor, n°2010-01, juin 2010.

* 13 Le temps des villes, Edmond Hervé, rapport à Nicole Péry et Claude Bartolone, 2001.

* 14 Le temps des femmes, Dominique Meda, Flammarion, 2001, p. 16.

* 15 Le temps des villes, Edmond Hervé, rapport à Mme Nicole Péry et M. Claude Bartolone, 2001.

* 16 La dernière enquête « emploi du temps » de 2010 évalue à 3h07 le temps consacré quotidiennement aux tâches domestiques, soit autant de contraintes temporelles supplémentaires, et un allongement des journées. Les femmes sont les plus concernées, puisque que près des 2/3 des tâches sont effectuées par elles.

* 17 La difficulté de concilier travail-famille : ses impacts sur la santé physique et mentale des familles québécoises, Institut national de santé public du Québec, mars 2005.

* 18 Rapport final de la commission « Dagindeling » - aménagement des temps quotidiens, 1998.

* 19 Le temps des villes, Edmond Hervé, rapport à Mme Nicole Péry et M. Claude Bartolone, 2001.

* 20 Le temps des villes, Edmond Hervé, rapport à Mme Nicole Péry et M. Claude Bartolone, 2001.

* 21 Idem.

* 22 En 1999, les femmes consacraient journellement 3h48 au travail domestique (3h49 en 1986), contre 1h59 pour les hommes (1h51 en 1986). Enquête Emploi du Temps 1986/1989.

* 23 Le cycle de sommeil du citadin a évolué : les Français s'endorment en moyenne à 23h, au lieu de 21h il y a cinquante ans. Des médiateurs de la nuit ont été institués dans un certain nombre de villes.

* 24 Fin de l'extrait du rapport de 2001 : le temps des villes, Edmond Hervé, rapport à Mme Nicole Péry et M. Claude Bartolone.

* 25 La DATAR avait pris l'heureuse initiative de créer un groupe de réflexion « Temps et Territoire », qui travaillait avec le service recherche et développement de la Communauté d'Agglomération de Poitiers.

* 26 Villes et politiques temporelles, Institut des villes, Documentation Française, 2008. Alors président de l'Institut des Villes, votre rapporteur avait initié ce travail et sait gré à son successeur, Bruno Bourg-Broc, maire de Châlons-en-Champagne, d'en avoir assuré la continuité.

* 27 Cf. Annexe 4.

* 28 Urgences temporelles, l'action publique face au temps de vivre, Dominique Royoux, Patrick Vassallo, Syllepse, 2013.

* 29 Op. cit., page 107.

* 30 Le Ministre qui voulait changer la vie, André Henry, Corsaire Edition, 1996, page 30. À la demande du Ministre, René Teulade, élabore un rapport sur les horaires souples et suggère la tenue d'Assises sur le temps de vivre.

* 31 Bâtir la civilisation du temps libéré, André Gorz, Editions Les liens qui libèrent, 2013. Dans cette livraison, l'auteur (1923-2007) reproduit des articles publiés entre 1974 et 1993. Il a été cofondateur du Nouvel Observateur sous le pseudonyme de Michel Bousquet.

* 32 Op. cit. page 23.

* 33 Op. cit. page 27. Dès 1972, le Président Georges Pompidou tenait ce raisonnement.

* 34 Op. cit. page 42. Avec la diminution du temps de travail (35 heures puis 28 heures ou 25 heures), André Gorz imaginait « l'auto organisation de réseaux d'échanges de services dans les quartiers, immeubles et communes, l'auto organisation de groupements d'entraide mutuelle fondés non pas sur le paiement en argent mais sur l'échange de temps . »

* 35 Op. cit. page 37.

* 36 La France de l'an 2000, Alain Minc, rapport au Premier ministre, Commissariat Général au Plan, 1994. Editions Odile Jacob, pages 94 et suivantes (« Faire l'impossible pour l'emploi »).

* 37 Le Monde, 29 avril 2014.

* 38 Le chapitre 2 « origine et diffusion des politiques temporelles en Europe et en France » de l'ouvrage Villes et politiques temporelles op. cit. détaille ces thématiques et leur histoire (pages 39 et suivantes).

Si l'Union européenne y a sa part, l'Italie apparaît comme le pays d'origine de ces politiques temporelles grâce au mouvement féministe, aux lois votées, à l'implication des collectivités (Milan, Gènes, Venise, Turin, Rome, Catane, Bolzano, Pesaro...), aux institutions mises en place, aux expériences réussies.

Grâce à des échanges universitaires et à des rencontres d'acteurs territoriaux, une diffusion des politiques temporelles s'est faite en Allemagne, en Espagne, aux Pays-Bas. En France, l'émergence des politiques temporelles est due à la recherche, aux colloques, à la DATAR, à l'adoption des 35 heures, à la publication de différents rapports qui ont influencé certaines collectivités territoriales.

* 39 Droit administratif, Georges Dupuis, Marie-José Guesdon, Patrice Chrétien, Sirey, 12 e édition, 2011, page 580. Pour se convaincre de cette évolution, il suffit de comparer cette édition avec la première, qui date de 1986. Il faut rendre hommage aux spécialistes de « science administrative » qui ont justifié ce mouvement au nom de la transparence, de l'explication, de la confiance : construire avec un public victime de la complexité, de l'incompréhension, du mépris, du temps perdu (cf. Charles Debbasch, Science Administrative, Dalloz, 1971). Cet auteur plaide pour une politique de relations publiques (définie comme « un effort de liberté, planifié et soutenu pour établir et maintenir une compréhension mutuelle entre une organisation et son public » Émile Simon, Traité de Science administrative, Mouton, 1966, page 488). Il recommande la nécessité de modifier les horaires. Le rapport Rueff-Armand recommandait déjà, en 1960, des « horaires adaptés aux besoins du public » !

* 40 Tout projet exige la transversalité. Joël Lelostec, directeur du développement commercial de Schneider Electric déclare dans le journal Le Monde du 29 avril 2014 : « Dans un marché mondial et concurrentiel comme aujourd'hui, les entreprises doivent réussir à innover en permanence tout en maîtrisant leurs coûts. Voilà pourquoi elles ne peuvent plus impliquer une seule équipe centralisée pour développer un projet. Elles ont besoin de s' ouvrir à toutes les fonctions et à tous les profils culturels pour acquérir une vision plus large des réalités, répondre aux attentes des marchés locaux et s' adapter aux contraintes liées au terrain. »

* 41 Faciliter le ménage dans un local concerne tout aussi bien le choix du mobilier qu'il faut déplacer, que la nature de revêtement du sol, la situation des locaux techniques, le matériel utilisé..., autant de spécialités et de généralités à mobiliser.

* 42 La délégation « temps » peut être unique. Elle peut être jumelée avec une autre thématique, si possible forte (exemple : égalité, prospective, développement...).

* 43 Conseil d'État, M. Cazorla, 7 juillet 1993, n°139329.

* 44 Op. cit. page 17.

* 45 Cf. notamment annexe 21.

* 46 Également appelée fondation de Dublin.

* 47 La commission « Dagindeling ».

* 48 Concejalía de juventud, memoria del año 2012, ayuntamiento de Oviedo.

* 49 La révolution culturelle du temps libre, 1968-1988, Joffre Dumazedier, Edition Meridiens-Klincksieck, 1988.

* 50 Dominique Méda, Hélène Perivier, Le deuxième âge de l'émancipation, Seuil, 2007.

* 51 « Travail et famille : l'équation pas si impossible », le Monde du 22 octobre 2013.

* 52 Cf. « Résoudre le casse-tête de la garde des enfants », Alternatives Économiques Poche, septembre 2013.

* 53 Le service est financé par la CAF.

* 54 Compte rendu de l'audition de M. Patrice Vuidel.

* 55 Cf. annexe 13.

* 56 Cf. en annexe la note de la direction stratégie et rayonnement urbain de Rennes métropole expliquant le contexte, le projet, la mise en place de ce projet et les résultats constatés.

* 57 Voir notamment le compte rendu de l'audition de Mme Chrystelle Amblard.

* 58 Propos de Mme Bénédicte Tilloy, responsable de SNCF Transilien.

* 59 Compte rendu de l'audition de Mme Lucie Verchere-Tortel.

* 60 A méditer : « se donner du mal pour les petites choses, c'est parvenir aux grandes avec le temps » Samuel Beckett.

* 61 Pour complément : « Temps des Villes » op. cit., pages 22 et suivantes.

* 62 Saluons l'initiative de « Montpellier Agglomération » qui a élaboré un Schéma Directeur Temps et Territoire qui se veut document « de réflexion, d'innovation, de coordination, de régulation, autour des questions de temps pour améliorer l'aménagement de notre territoire, de ses services et de sa qualité de vie » Jean-Pierre Moure, Note de la fondation Jean Jaurès, octobre 2013 (annexe 8).

* 63 Recueil édité chaque année par le ministère de la Culture. Depuis plusieurs années, un temps a fait son apparition : le temps de la nuit.

* 64 Avec cette généralisation, l'usager s'interroge pour savoir si cette ouverture concerne son quartier ou seulement le centre-ville. L'expérimentation permet d'identifier ce qui fonctionne ou pas.

* 65 Une enquête de l'UCV (Union du grand commerce de centre-ville) de mars 2013 montre que cette demande est très différente suivant qu'il s'agisse de Marseille, de Nice (deux villes où la demande est très forte), de Biarritz ou de Bordeaux (demande plus faible).

* 66 La communauté de Rennes Métropole a organisé, les 6 et 7 mars 2006, un important colloque sur ce thème. Cf. La formation tout au long de la vie, Presses Universitaires de Rennes, 2006.

* 67 Loi n°2014--288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie locale.

* 68 Philippe Monod-Broca « Les diagnostics urgents de l'abdomen » Revue Chirurgie 1985, pages 418-524. Henri Mondor publia de nombreux ouvrages. L'un des plus connus « Diagnostic urgent- abdomen », publié en 1929, résultat de dix années de travail, fut traduit en de très nombreuses langues.

* 69 Pacte Santé Territoire. Document ministériel du 10 février 2014.

* 70 Les cahiers de l'Alliance, n°7, avril 2014, Editions Alliance du commerce, Paris.

* 71 Op.cit.

* 72 Cf. Christophe Bouton « le temps de l'urgence », Arléa 2013 ; « quand l'urgence dévore le temps de vivre », La Croix du 1 er avril 2014. En décembre 2013, les autorités civiles des États-Unis et d'Europe ont levé l'interdiction d'utiliser les téléphones mobiles, tablettes et ordinateurs portables lors des décollages et atterrissages.

* 73 Agnès da Costa, chef de projet marketing d'Orange, Le Monde, 23 avril 2014.

* 74 Le travail en réseaux donne aux cadres le don d'ubiquité, Le Monde du 27 avril 2014.

* 75 Différents termes font référence au télétravail : le télétravail à domicile, les télécentres : des personnes viennent travailler sur des lieux collectifs, centres de coworking : ce sont des lieu où l'on vient se connecter lorsqu'on est de passage.

* 76 Revue « Service public territorial » CNFPT, n°12, 2014. Toutes les études du CNFPT sont sur cnfpt.fr>onglet « S'informer » > rubrique « Nos études ».

* 77 Plus particulièrement à la Direction Générale Prospective et Développement Durable (DGPDD), sous-direction de la stratégie et rayonnement métropolitain, dans le service Prospective, Évaluation et Développement Durable" (SPEDD). Ce transfert a eu lieu en 2010. Le bureau des temps est devenu un pôle avec un responsable, une chargée de mission et un assistant, correspondant à 2,5 équivalents temps plein.

* 78 Suite aux dernières élections municipales, les fonctions exercées par Jocelyne Bougeard, désormais en charge des relations internationales et des relations publiques, le sont par Katja Krüger. En ce qui concerne la métropole, Bernard Poirier n'exerce plus de mandat métropolitain depuis les dernières élections.

* 79 Pour en savoir plus sur le SDiTT consulter la note de la Fondation Jean Jaurès en annexe du rapport.

* 80 Cf. annexe 5.

* 81 La retranscription de l'audition reprend le contenu d'une note de février 2014 portant sur les « Éléments de bilan sur les politiques temporelles de la ville de Paris de 2001 à 2014 ».

* 82 Voir « Le temps des parents après une naissance », par Denis Bauer, Études et résultats n°483, avril 2006.

* 83 « Les conditions d'une paternité active », par Dominique Méda, dans Conciliation travail-famille : attention travaux, par Chantal Nicole-Drancourt (dir.), coll. Logiques sociales, L'Harmattan, 2009. Voir aussi Les temps des femmes. Pour un nouveau partage des rôles, par Dominique Méda, Flammarion, 2001.

* 84 « After the Family Wage : Gender Equality and the Welfare State », par Nancy Fraser, Political Theory vol. 22, n°4, 1994.

* 85 Délais : - 4 à 6 mois donnés à l'autorité saisie (préfet pour le PACC et le président de la structure intercommunale pour le PACT) pour l'instruction de la demande ;

- 2 mois donnés au préfet de département (PACT) ou au préfet de région pour approuver ou rejeter la création de la zone, et déterminer son périmètre ; à l'expiration de ce délai, la proposition faite par l'autorité en charge de l'instruction sera réputée acceptée.

* 86 Le guide méthodologique est disponible sur le site de Tempo territorial : http://tempoterritorial.free.fr/

* 87 Cf « interminables files d'attente : supermarché, commissariat, préfecture, palais de justice, hôpital, cinéma, musée ... on fait la queue partout » (Le Monde, 10 juin 2011).

* 88 Note n° 10 - Fondation Jean-Jaurès / Observatoire de l'innovation locale - 14 octobre 2013 - www.jean-jaures.org

Les collectivités locales et leurs acteurs inventent chaque jour nos vies de demain. Dans de nombreux domaines, les initiatives des territoires participent à faire émerger une France durable, solidaire et citoyenne. L'Observatoire de l'innovation locale de la Fondation Jean-Jaurès s'emploie à repérer, analyser et valoriser ces innovations. Il est le lieu où se découvre et se partage une invention locale porteuse de solutions pour notre société tout entière.

* 89 Voir le dossier « L'Homme débordé : peut-on retrouver le temps ? », Philosophie magazine, no 57, mars 2012.

* 90 Cf. le chrono-aménagement à Grenoble.

* 91 A l'instar des villes « cittaslow », qui prônent le bien vivre et s'engagent à ralentir le rythme de vie de leurs citoyens.

* 92 Mindmap réalisé par Chrystelle Amblard, chargée de mission « temps et territoire », communauté d'agglomération de Montpellier.

* 93 Ici, il conviendrait de pouvoir repérer les rythmes de la vie dominicale, ce que ne permettait pas cette enquête (mais aucune enquête à notre connaissance ne produit de telles données, sauf l'enquête emploi du temps à travers l'usage de semainiers. Mais pour l'instant ces données n'ont pas été exploitées). On peut ici imaginer que regarder la télévision est une activité qui, pour les actifs, se déroulent en fin de journée, tandis que pour les retraités cette activité peut se dérouler sur l'ensemble de la journée.

* 94 On observera que l'enquête ayant été effectuée en septembre/octobre, les 6 mois précédents incluent la période des congés. Signe d'une assez faible mobilité durant les congés annuels.

* 95 L'écart observable entre la part de ceux qui indiquent travailler le dimanche dans le tableau 1 avec la part de ceux qui ont répondu par l'affirmative à la question précise « vous arrive-t-il de travailler le dimanche (plus de deux heures) » vient de ce que, dans le tableau 1, plusieurs réponses étaient possibles et les répondants ont pu cocher les activités qui leur paraissaient caractériser le dimanche.

* 96 Il s'agissait dans cette enquête d'une question ouverte « quelles sont les activités que vous souhaiteriez pouvoir pratiquer le dimanche ? » à laquelle les personnes répondaient avec leurs propres mots. Ces réponses ont ensuite été recodées en les regroupant par nature d'activités.

* 97 « se promener », « balade », « randonnée » ont été codées comme activités sportives.

* 98 Intervention préparée dans le cadre de la rencontre franco-suisse des urbanistes « concevoir la ville pour vivre le temps », juillet 2013. Plus d'information sur la mission « temps et services innovants » sur www.espacedestemps.grandlyon.com.

* 99 Enquête Kéolis.

* 100 Enquête covoiturage Grand Lyon, avril 2013.

* 101 www.tempoterrorial.free.fr

* 102 Chiffres ADEME.

* 103 Lverchere-tortel@grandlyon.org

* 104 Jean Marc Jancovici, expert, bilan carbone ADEME.

* 105 « les entreprises au défi de l'ubiquité », Futuribles, mars 2011.

* 106 Cisco n'est pas forcément neutre puisqu'il vent des solutions techniques facilitant le travail à distance.

* 107 Étude de Cabinet Forrester, indépendant, autre étude du cabinet Stratégy Analytics.

* 108 Cf news de Chronos mai 2011.

* 109 Cf. www.paristechreview.com/pourquoi la révolution douce du télétravail ne prend pas, 24 mars 2011.

* 110 Cf. www.paristechreview.com/pourquoi la révolution douce du télétravail ne prend pas, 24 mars 2011.

* 111 Cf. article de Futuribles.

* 112 Direction stratégie et rayonnement métropolitain - service prospective, évaluation et développement durable - dossier suivi par Evelyne Reeves : e.reeves@agglo-rennesmetropole.fr

* 113 Avant de rejoindre l'équipe de l'Agence associative de développement territorial (Aider), elle a coordonné des projets culturels et de solidarité internationale. Elle a également administré une structure d'accès aux soins pour les publics en situation d'addiction. Basée en Drôme, l'Aider vise l'émergence et l'expérimentation d'actions innovantes et alternatives. Elle intègre les politiques temporelles à ses modes d'action depuis 2008.

* 114 Luc Gwiazdzinski est géographe, professeur à l'université de Strasbourg. 11 dirige la Maison du temps et de la mobilité de Belfort et poursuit depuis les années 90 une réflexion sur la nuit urbaine et s'emploie à trouver des solutions pratiques aux problèmes posés par l'éclatement des rythmes urbains. 11 est l'auteur de La ville 24h/24 (éd. de L'Aube, 2003) et La nuit, dernière frontière de l'aube (éd. de L'Aube, 2005).

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