III. L'ÉMERGENCE DE LA DEMANDE

Si cet impératif a valeur générale, il trouve sa pleine pertinence lorsqu'il s'agit des services publics : il y a lieu de trouver un équilibre entre l'offre et la demande. Cette démarche est à privilégier.

A. UN NOUVEL ÉQUILIBRE OFFRE-DEMANDE

Chacun doit comprendre que « servir le ou les publics » dans le respect des textes qui nous régissent, et de celui des statuts des agents qui participent à cette mission, ne peut s'accomplir qu'en réponse aux attentes de la population.

La question des horaires d'ouverture et de fermeture est posée : le temps des usagers ne saurait être ignoré. Ceci ne saurait être traité unilatéralement, uniformément, invariablement.

Pendant très longtemps, ce thème de l'adaptation des horaires des services publics n'a pas fait débat : la référence à une conception juridique classique l'explique.

En voici la constance : le service public sert l'intérêt général, défini unilatéralement par la puissance publique incarnée par l'État et ses prolongements.

Trois principes s'imposent :

• l'égalité : celle des citoyens, des « administrés », des usagers. La mise en oeuvre fait appel à l'acte unilatéral, à la gratuité et à la neutralité ;

• la continuité : elle découle de la permanence de l'État. Le statut du personnel, la responsabilité de la puissance publique (État, collectivités territoriales) servent ce principe ;

• la mutabilité (ou l'adaptation) : cette approche, plus récente et d'ordre qualitatif, répond à l'évolution des besoins. Ce troisième principe interroge les spécialistes quant à sa valeur juridique, d'autant qu'il semble répondre plus à des règles de gestion qu'à une écoute directe des usagers. Pendant longtemps, les juristes ont eu une conception restrictive de ce principe : le service public, du fait de sa nature, a ses exigences.

Indépendamment de ces remarques, ce dernier principe ouvre, depuis le début des années 1990, une nouvelle orientation qui en appelle à la qualité, à l'accessibilité, à la simplicité, à la rapidité, à la transparence, à la médiation, à la participation, à la responsabilité 39 ( * ) .

Retrouver la logique de la demande ne signifie pas s'aligner systématiquement sur elle. Les demandes sont diverses, elles obéissent à des motivations multiples.

Des inégalités d'expression existent. L'important est de veiller à leur pluralité, d'établir un dialogue, un débat pour aboutir à des priorités, à des décisions et à des mises en oeuvre.

Des lieux, des institutions, des moments, des techniques existent pour conjuguer offre et demande. C'est affaire d'institutions, d'associations, de syndicats, de comités d'usagers, de mouvements de consommateurs.

Pour ce qui concerne notre sujet, il est important de bien cerner le temps de celles et ceux qui travaillent, qui circulent, qui ont des obligations familiales, des contraintes de communication.

La demande peut être celle du jour, celle de la nuit. Elle peut être durable, éphémère, événementielle, prévisible, imprévisible... Elle peut être suscitée par le loisir, la participation démocratique.

Tout projet politique doit répondre à une demande : l'important sera de l'identifier et de se libérer de l'instant, de l'immédiateté, de la pression médiatique qui oublie le futur ; parfois aussi de la susciter : Jean Vilar, soucieux d'un « théâtre service public », s'interrogeait toujours sur le « non public », ce public éloigné de l'art qu'il convenait d'accueillir, d'aller chercher.

Les politiques territoriales décentralisées sont particulièrement intéressées : du fait de leur proximité, de la diversité des situations, de la variation de celles-ci, elles sont les mieux à même de connaître les attentes locales, d'en délibérer et de décider en fonction des éléments dont elles disposent.


* 39 Droit administratif, Georges Dupuis, Marie-José Guesdon, Patrice Chrétien, Sirey, 12 e édition, 2011, page 580. Pour se convaincre de cette évolution, il suffit de comparer cette édition avec la première, qui date de 1986. Il faut rendre hommage aux spécialistes de « science administrative » qui ont justifié ce mouvement au nom de la transparence, de l'explication, de la confiance : construire avec un public victime de la complexité, de l'incompréhension, du mépris, du temps perdu (cf. Charles Debbasch, Science Administrative, Dalloz, 1971). Cet auteur plaide pour une politique de relations publiques (définie comme « un effort de liberté, planifié et soutenu pour établir et maintenir une compréhension mutuelle entre une organisation et son public » Émile Simon, Traité de Science administrative, Mouton, 1966, page 488). Il recommande la nécessité de modifier les horaires. Le rapport Rueff-Armand recommandait déjà, en 1960, des « horaires adaptés aux besoins du public » !

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