Rapport d'information n° 484 (2013-2014) de M. Stéphane MAZARS , fait au nom de la Mission commune d'information sur le sport professionnel, déposé le 29 avril 2014
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ANNEXE 1 - LISTE DES PERSONNES
AUDITIONNÉES
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ANNEXE 2 - LISTE ET COMPTES RENDUS DES
DÉPLACEMENTS
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DÉPLACEMENT AU SIÈGE DE LA
FÉDÉRATION FRANÇAISE DE TENNIS (Roland-Garros)
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DÉPLACEMENT DANS LES HAUTS-DE-SEINE ET
À PARIS
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DÉPLACEMENT AU CENTRE NATIONAL DU
RUGBY
(Marcoussis)
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DÉPLACEMENT EN ALLEMAGNE
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DÉPLACEMENT À LONDRES
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ANNEXE 3 - COMPTES RENDUS DES AUDITIONS
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Jeudi 31 octobre 2013
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Mme Claudie Sagnac, adjointe au directeur des
sports du ministère de la jeunesse et des sports M. Dimitri
Grygowski, chef du bureau du sport professionnel et de l'économie du
sport, et M. Denis Roux, chef du bureau des équipements
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M. Stanislas Bourron, sous-directeur des
compétences et des institutions locales à la direction
générale des collectivités locales du ministère de
l'intérieur
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Mercredi 6 novembre 2013
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MM. Jean-Marc Todeschini et Dominique Bailly,
auteurs d'un rapport d'information fait au nom de la commission des finances
et de la commission de la culture sur le financement public des grandes
infrastructures sportives
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Mercredi 13 novembre 2013
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M. Jean-Marie Darmian, maire de Créon,
représentant de l'Association des maires de France (AMF)
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M. Pascal Bonnetain, conseiller de la
région Rhône-Alpes et président de la commission des sports
de l'Association des régions de France (ARF)
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M. Robert Cadalbert, président de la
communauté d'agglomération de Saint-Quentin-en-Yvelines,
co-président de la commission des sports de l'Association des maires de
grandes villes de France (AMGVF)
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Mercredi 20 novembre 2013
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M. Jacques Thouroude, président de
l'Association nationale des élus en charge du sport (ANDES)
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Mercredi 27 novembre 2013
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Mercredi 11 décembre 2013
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M. Bruno Retailleau, sénateur et
président du conseil général de la Vendée
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Mercredi 15 janvier 2014
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Mercredi 22 janvier 2014
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Mercredi 29 janvier 2014
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Mercredi 26 février 2014
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Mercredi 9 avril 2014
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MM. Rémi Duchêne, inspecteur
général de l'administration et Bertrand Jarrige, inspecteur
général de la jeunesse et des sports, co-auteurs du rapport de la
mission d'évaluation de la politique de soutien au sport professionnel
et des solidarités avec le sport amateur
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Mercredi 16 avril 2014
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M. Mathieu Moreuil, directeur de l'action
européenne de la première division de football au Royaume-Uni
(Premier League)
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Mercredi 23 avril 2014
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ANNEXE 4 - ÉTUDE DE LÉGISLATION
COMPARÉE
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NOTE DE SYNTHÈSE
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MONOGRAPHIES PAR PAYS
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ALLEMAGNE
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ESPAGNE
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ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE
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ITALIE
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ROYAUME-UNI (ANGLETERRE)
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LISTE DES DOCUMENTS UTILISÉS
N° 484
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2013-2014
Enregistré à la Présidence du Sénat le 29 avril 2014 |
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la mission commune d'information sur le sport professionnel et les collectivités territoriales (1) par
M. Michel SAVIN,
Président
M. Stéphane MAZARS,
Rapporteur
Sénateurs.
Tome II : Annexes.
(1) Cette mission commune d'information est composée de : M. Michel Savin , président ; M. Stéphane Mazars , rapporteur ; M. Dominique Bailly, Mme Corinne Bouchoux, MM. Philippe Darniche, Alain Dufaut, Mme Michelle Demessine, MM. Jean-Jacques Lozach et Jean-Marie Vanlerenberghe, vice-présidents ; Mme Françoise Boog, MM. Pierre Bordier, Jean Boyer, Mme Françoise Cartron, MM. Gérard César, Francis Delattre, Michel Delebarre, Ambroise Dupont, Jean-François Humbert, Michel Le Scouarnec, Pierre Martin, Rachel Mazuir, Mme Danielle Michel, MM. Alain Néri, Hervé Poher, Bernard Saugey, Robert Tropeano et Maurice Vincent. |
ANNEXE 1 - LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES
Jeudi 31 octobre 2013
Auditions
M. Michel-Pierre Prat , conseiller maître à la Cour des comptes
M. Alain Serres , conseiller à la chambre régionale des comptes de Languedoc-Roussillon
Mme Claudie Sagnac , adjointe au directeur des sports au ministère de la jeunesse et des sports, accompagnée de M. Dimitri Grygowski, chef du bureau du sport professionnel et de l'économie du sport, et de M. Denis Roux, chef du bureau des équipements sportifs à la direction des sports
M. Stanislas Bourron , sous-directeur des compétences et des institutions locales à la direction générale des collectivités locales
Mercredi 6 novembre 2013
Auditions
M. Claudy Lebreton , président de l'Assemblée des départements de France (ADF)
M. Jean-Marc Todeschini , sénateur de la Moselle et M. Dominique Bailly , sénateur du Nord, auteurs d'un rapport d'information sur le financement public des grands équipements sportifs
Mercredi 13 novembre 2013
Auditions
M. Jean-Marie Darmian , maire de Créon, représentant l'Association des maires de France (AMF)
M. Pascal Bonnetain , conseiller de la région Rhône-Alpes et président de la commission des sports de l'Association des régions de France (ARF)
M. Robert Cadalbert , président de la communauté d'agglomération de Saint-Quentin-en-Yvelines, co-président de la commission des sports de l'Association des maires de grandes villes de France (AMGVF)
Mercredi 20 novembre 2013
Auditions
M. Sébastien Sémeril , adjoint au maire de Rennes, délégué au sport, et vice-président de Rennes-Métropole, représentant l'Assemblée des communautés de France (AdCF)
M. Jacques Thouroude , président de l'Association nationale des élus en charge du sport (ANDES)
Mercredi 27 novembre 2013
Table ronde sur le modèle économique des stades
M. Jean-Pascal Gayant , économiste du sport, professeur de l'université du Maine
M. Etienne Tête , conseiller de la Région Rhône-Alpes et conseiller municipal de Lyon
M. Alain Caldarella , directeur général de l'Océane Stadium du Havre
M. Damien Rajot , directeur opérationnel de Vinci Stadium
M. Jean-Michel Aulas , président de l'Olympique Lyonnais
Mercredi 11 décembre 2013
Auditions
M. Jean-François Guillot , directeur général du Centre national de développement du sport (CNDS)
M. Bruno Retailleau , président du conseil général de Vendée
Mercredi 15 janvier 2014
Table ronde sur la place des stades dans la cité
Mme Borina Andrieu , directeur général en charge du développement et de la communication du cabinet d'architectes Wilmotte et associés et M. Ralf Levedag , architecte
M. Jérôme Latta , rédacteur en chef des Cahiers du football
M. Brieux Férot , secrétaire général de l'association Tatane
M. Paul De Keerle , directeur financier et administratif de la fédération française de rugby
M. François Clément , architecte
Mercredi 22 janvier 2014
Table ronde consacrée aux fédérations sportives
M. Pierre Camou , président de la fédération française de rugby
M. Jean-Pierre Siutat , président de la fédération française de basketball
M. Joël Delplanque , président de la fédération française de handball
M. Arnaud Dagorne , directeur général adjoint de la fédération française de volleyball
M. Victoriano Melero , directeur de cabinet du président de la fédération française de football
Mercredi 29 janvier 2014
Table ronde consacrée aux ligues nationales de sport professionnel
M. Paul Goze , président de la ligue nationale de rugby, accompagné de M. Emmanuel Eschalier, directeur général
M. Jean-Paul Aloro , président de la ligue nationale de volley, accompagné de M. Mathieu Charpentier, directeur
M. Dominique Juillot , vice-président de l'Association nationale des ligues de sport professionnel et premier vice-président de la ligue nationale de basketball, accompagné de Mme Christine Lombard, directrice générale
M. Jean-Pierre Hugues , directeur général adjoint de la ligue de football professionnel, accompagné de M. Jérôme Perlemuter, responsable des affaires juridiques
M. Étienne Capon , directeur général de la ligue nationale de handball.
Mercredi 5 février 2014
Auditions du rapporteur
M. Jean-Philippe Ascensi , délégué général de l'agence pour l'Éducation par le sport (APPELS)
MM. Jöel Muller, José Ruiz, Thibaud Dagorne, Niels Gouisset et Sylvain Rossetto , représentant la fédération des entraîneurs professionnels (FEP)
Mercredi 26 février 2014
Table ronde consacrée à la diffusion audiovisuelle du sport professionnel
M. Daniel Bilalian, directeur général adjoint de France Télévisions, en charge des sports
M. François Pellissier, directeur délégué de TF1 Production, en charge des sports
M. Arnaud Simon, directeur général d'Eurosport France
M. Florent Houzot, directeur de la rédaction de beIN SPORTS
M. Vincent Chaudel, expert Sport du cabinet Kurt Salmon
Mercredi 9 avril 2014
Audition conjointe de :
- M. Richard Olivier , président de la direction nationale de contrôle de gestion pour la ligue de football professionnel, accompagné de M. Belsoeur, président du comité stratégique des stades et de Mme Cécile Huet, responsable des affaires juridiques de la Commission de contrôle des clubs professionnels
- M. Philippe Ausseur , président de la Commission de contrôle de gestion de la direction nationale de conseil et de contrôle de gestion pour la ligue nationale de basketball, accompagné de Mme Marie DVORSAK, contrôleur de gestion
- et M. Jean-Christophe Rougé , membre du conseil supérieur de la direction nationale d'aide et de contrôle de gestion pour la ligue de rugby, accompagné de M. Marc Le Nerrant
Audition
MM. Rémi Duchêne , inspecteur général de l'administration, et Bertrand Jarrige , inspecteur général de la jeunesse et des sports, co-auteurs du rapport de la Mission d'évaluation de la politique de soutien au sport professionnel et des solidarités avec le sport amateur
Mercredi 16 avril 2014
Table ronde consacrée au sport féminin :
Mme Véronique Pecqueux-Rolland , ex-internationale de handball féminin, membre du Bureau directeur de la fédération française de handball
Mme Nathalie Dechy , ancienne joueuse de tennis professionnelle française, membre du comité de pilotage de Roland-Garros
Mme Marie-Françoise Potereau , présidente de l'association Fémix Sports, directrice technique nationale adjointe de la fédération française de hockey sur glace
MM. Patrick Iliou et Olivier Blanc, directeurs généraux adjoints de l'Olympique Lyonnais, accompagnés de M. Laurent Arnaud, directeur RSE d'OL Fondation
Audition
M. Mathieu Moreuil , directeur de l'action européenne de la Premier League
Jeudi 17 avril 2014
Auditions du rapporteur
M. Cédric Dufoix , secrétaire général de l'Olympique de Marseille (OM), accompagné de Mme Lucie Venet en charge du fonds de dotation OM attitude
Mme Katia Mourad , chargée de communication au Montpellier Hérault Sport Club
Mercredi 23 avril 2014
Audition
M. Denis Masseglia , président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF)
Jeudi 24 avril 2014
Audition du rapporteur
M. Jean-François Soucasse , directeur général du Toulouse Football Club (TFC)
ANNEXE 2 - LISTE ET COMPTES RENDUS DES DÉPLACEMENTS
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DÉPLACEMENT AU SIÈGE DE LA FÉDÉRATION FRANÇAISE DE TENNIS (Roland-Garros)
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MERCREDI 4 DÉCEMBRE 2013
LISTE DES PERSONNES RENCONTRÉES À ROLAND-GARROS
M. Gilbert Ysern , directeur de Roland-Garros et directeur général de la FFT
M. Alain Riou , directeur général adjoint de la FFT
COMPTE RENDU DES ENTRETIENS
EFFECTUÉS
À ROLAND-GARROS
Réunion avec MM. Gilbert Ysern, directeur de Roland-Garros et directeur général de la fédération française de tennis (FFT) et Alain Riou, directeur général adjoint de la FFT
Le chiffre d'affaires total du tennis français en 2012 était de 2,2 milliards d'euros, pour une valeur ajoutée de 1 milliard d'euros.
Les internationaux de Roland-Garros ont généré à eux seuls 289 millions d'euros de valeur ajoutée dont 277 millions bénéficient à l'agglomération parisienne.
Le tennis français emploie 27 800 personnes dont 18 130 à temps plein. Parmi ces derniers, 48 % sont issus des clubs amateurs affiliés aux structures fédérales. Ce nombre important d'employés est spécifique au tennis, nombre de sports ayant un chiffre d'affaires équivalent mais un nombre d'employés à plein temps plus faible.
Le tournoi de Roland-Garros emploie à lui seul 4 700 personnes chaque année dont 680 à plein temps.
La contribution nette du tennis français au financement public s'élevait à 144 millions d'euros pour l'année 2012 (237,2 millions d'euros d'impôts et taxes payés pour 92,9 millions d'euros de subventions reçues de la part des pouvoirs publics.) Le tournoi de Roland-Garros à lui seul est à l'origine de 54 millions d'euros d'impôts et taxes récoltés par l'État.
Cet impact économique et social global du tennis français est fortement dépendant du tournoi de Roland-Garros dont la pérennité est menacée par un contexte concurrentiel croissant. Afin de pallier les risques de délocalisation à long terme, une modernisation des infrastructures est préconisée.
Cette modernisation est en effet essentielle pour garantir l'avenir du tournoi et éviter sa disparition dans les décennies à venir. Les autres tournois majeurs ne cessent d'investir dans les infrastructures et prennent de l'avance pour l'accueil du public et des joueurs. Les internationaux de France sont ainsi le dernier tournoi majeur à ne posséder aucun court couvert permettant pourtant d'assurer la continuité du spectacle même en cas de pluie.
Roland-Garros a par ailleurs un important besoin d'espace afin de pouvoir accueillir les 460 000 spectateurs annuels. Ce projet de modernisation ne pourra se réaliser s'il ne s'inscrit pas en harmonie avec le quartier. D'où la volonté de la FFT de renforcer le caractère de « stade urbain » de Roland-Garros et de réaliser l'extension sur les serres d'Auteuil tout en respectant le patrimoine architectural des lieux.
Les enjeux liés à la préservation du tournoi sont d'autant plus importants que les externalités de sa suppression seraient négatives. D'une part, la disparition de l'apport économique essentiel à l'ensemble du tennis français et à l'agglomération parisienne. D'autre part, celle de la contribution du tournoi au rayonnement de Paris et de la France dans le monde.
Il a été estimé que les travaux généreront 184 millions d'euros de valeur ajoutée en France. Parmi ceux-ci, 96 millions le seront en rémunération de salariés par une mobilisation moyenne de 900 emplois par an. 8,5 millions d'euros de TVA devraient être collectés par l'État.
Il existe un fort potentiel en matière d'emplois et notamment dans l'enseignement de la pratique tennistique. Une centaine d'emplois pourrait ainsi être créée mais dans les conditions actuelles, les directeurs de club ne sont pas incités à faire ce choix.
Il y a d'importants besoins en infrastructures couvertes et nous devons aussi accentuer nos efforts sur la terre battue. Le Centre national pour le développement du sport (CNDS) participe au financement de ces projets mais les aides publiques restent faibles, le tennis souffrant d'une image de « sport bourgeois » ne nécessitant pas un appui public important. Nous devons avoir aussi des gymnases de plus de 10 000 places pour accueillir les manches de coupe Davis. Parmi nos concurrents directs, nous sommes le pays le moins bien doté en palais omnisports de grande taille.
Il est nécessaire d'augmenter le nombre de licenciés car, aujourd'hui, seul un pratiquant sur quatre est licencié de la fédération.
La tendance n'est pas à la création de nouveaux tournois, du fait notamment de la concurrence croissante au niveau mondial et de l'émergence de nouveaux pays souhaitant organiser des compétitions. L'objectif est donc plus la préservation des tournois existant.
S'agissant de Roland-Garros, le terrain et les infrastructures sont la propriété de la ville de Paris et une convention de 50 ans, signée avec la municipalité, autorise l'exploitation des infrastructures en échange d'une redevance annuelle, assise sur le chiffre d'affaires, qui oscille entre 6 et 7 millions d'euros.
La FFT autofinance les infrastructures, leur entretien et leur rénovation.
La modernisation du site sera financée à 50 % par les fonds propres de la fédération et la subvention de la mairie, le reste du projet étant financé par l'emprunt. La subvention de la mairie de Paris pour le financement du projet de modernisation sera de 20 millions d'euros sur un budget total de 340 millions d'euros. La mairie de Paris garantit par ailleurs à hauteur de 50 % l'emprunt de la FFT. L'État n'apportera aucune aide financière au projet, ce que regrette la FFT.
Les autres collectivités territoriales ont été assez peu sollicitées sur le plan financier, mais leur soutien est espéré pour pouvoir mener à bien le projet d'extension du site sur une partie des serres d'Auteuil.
Étant donné le besoin d'espace, certains préconisaient une délocalisation qui ne semble pas souhaitable dans la mesure où elle serait une atteinte à l'essence même du tournoi, dont l'un des atouts majeurs est sa situation intra urbaine et sa proximité avec des lieux aussi emblématiques que la tour Eiffel. Une telle délocalisation signerait l'arrêt de mort des Internationaux de France.
DÉPLACEMENT DANS LES HAUTS-DE-SEINE ET À PARIS
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MERCREDI 18 DÉCEMBRE 2013
LISTE DES PERSONNES RENCONTRÉES À NANTERRE
M. Jean Donnadieu , président du club de la Jeunesse sportive des Fontenelles (JSF) de Nanterre
M. Gérard Perreau-Bezouille , premier adjoint au maire de Nanterre, coprésident de la fédération française des clubs omnisports (FFCO)
M. Mathieu Desvalois , représentant la ligue nationale de basketball
LISTE DES PERSONNES RENCONTRÉES AU SIÈGE DE LA SOCIÉTÉ VEGA
M. Cyrille Dechenoix , conseiller général des Hauts-de-Seine en charge du sport
M. Georges-Henry Bediou , directeur marketing et communication du Racing Metro 92
M. Franck Boucher , ancien directeur général du Racing Metro 92, en charge du projet Aréna 92
M. Pascal Simonin , directeur de VEGA
LISTE DES PERSONNES RENCONTRÉES AU PARC DES PRINCES
M. Jean-Claude Blanc , directeur général délégué du Paris Saint-Germain (PSG)
M. Philippe Boindrieux , directeur administratif et financier du Paris Saint-Germain (PSG)
COMPTE RENDU DES ENTRETIENS EFFECTUÉS
À NANTERRE
Réunion avec MM. Gérard Perreau-Bezouille, premier adjoint du maire de Nanterre et Jean Donnadieu, président de la JSF Nanterre
M. Gérard Perreau-Bezouille, premier adjoint du maire de Nanterre . - Nanterre est une ville de proche banlieue dont le revenu médian est la moitié de celui des villes limitrophes. Le sport est un phénomène social essentiel à Nanterre.
Le club municipal et les différents clubs privés ont fusionné il y a 35 ans pour former le grand club omnisport actuel.
Celui-ci signe tous les trois ans une convention d'objectifs qui précise l'ensemble des relations avec la ville.
Le club connait actuellement, au travers de sa section basketball, une expérience unique du plus haut niveau français. Le modèle développé par le club de Nanterre est alternatif dans le paysage sportif actuel. Un seul joueur du FC Barcelone de basketball (que Nanterre a battu le 31 octobre 2013) gagne le salaire de l'ensemble des joueurs de la JSF Nanterre.
Nanterre a un modèle à part résultant de l'alchimie d'un territoire avec un club sportif. La ville de Nanterre possède par ailleurs un grand maillage d'équipements avec 14 salles pour 90 000 habitants. Cependant, ces équipements ne sont pas adaptés au haut niveau et c'est sur ce point que se porte actuellement la réflexion avec le club.
M. Jean Donnadieu, président de la JSF Nanterre . - Ce qui nous arrive est incroyable. On a mesuré plus de 4 000 retombées médiatiques pour le titre de champion de France, plus que pour celui du Paris Saint-Germain. Il y a quelque chose d'anormal dans ce qui se passe actuellement. Nous savons que cet épisode est exceptionnel et qu'il va avoir une fin. Nous nous posons donc actuellement énormément de questions sur les modalités qui permettraient de pérenniser notre passage en Pro A.
Cela fait 60 ans que je suis au club. Je ne peux que souligner l'importance des hommes dans notre aventure. À l'origine nous avons eu quelques difficultés avec la mairie. Catalogués comme « club de droite » face à une mairie communiste, nous n'étions pas énormément soutenus. La première convention avec la mairie remonte à 1989. Nous nous efforçons depuis de nous inscrire dans le tissu social de la ville. Les résultats sportifs ne sont pas notre objectif premier. Le soutien que nous attendons et recevons de la ville de Nanterre n'est pas seulement un soutien financier ou en infrastructures. Il est essentiel pour nous que la ville adhère à notre projet, qui doit en retour répondre à ses propres objectifs.
Le rôle des collectivités territoriales est essentiel pour le club. Notre ambition aujourd'hui n'est pas de faire mieux sportivement mais de continuer à exister, de pérenniser le projet et la collectivité a un rôle majeur à jouer.
La majorité politique du conseil général des Hauts-de-Seine est à droite et celle du conseil régional d'Île-de-France est à gauche. Nous percevons du département une subvention qui a augmenté ces dernières années et s'élève aujourd'hui à 94 000 euros. Cependant, dans le même temps, le Racing Metro 92 reçoit plus d'un million d'euros du conseil général. Quant au conseil régional, il ne met à notre disposition que 15 000 euros et ne nous sollicite que pour obtenir des places VIP ( Very important person ).
Les relations avec les collectivités d'échelon supérieur à la commune sont donc un peu difficiles. Pourtant notre apport pour le rayonnement du département et de la région est extraordinaire et mériterait d'être mieux soutenu.
M. Gérard Perreau-Bezouille . - Sur la question des équipements, la pratique est que leur financement revienne aux collectivités et que leur animation soit à la charge des clubs et des associations. Nous avons augmenté la capacité du palais des sports de 1 100 à 1 550 places l'année dernière. Nous avons par ailleurs lancé un appel d'offre afin d'atteindre les 3 000 places. L'agrandissement des infrastructures fait partie des engagements municipaux pour le prochain mandat. Nous mettons l'accent sur la polyvalence des lieux. Il est essentiel que puissent s'y tenir d'autres types de rencontres sportives ainsi que des spectacles.
Nous avons 8 000 adhérents à l'association sportive municipale et la commune souhaite cultiver une pratique omnisport sans se limiter au basketball.
M. Jean Donnadieu . - L'objectif du maintien en Pro A nous semble raisonnable et suffisant. La montée en Euroligue cette année a bousculé pas mal de choses, nous n'avions pas anticipé ces résultats. Notre budget est aujourd'hui de 4 millions d'euros quand celui d'un club comme le Paris Saint-Germain s'élève à 430 millions d'euros. Le projet perdurera si nous gardons les pieds sur terre. Il n'y a pas de recette dans le sport, seuls les hommes sont importants.
Gérard Perreau-Bezouille . - Nous allons investir pour l'agrandissement des infrastructures, sans pour autant céder à la folie des grandeurs. Nous cherchons des moyens de sécuriser les résultats de la JSF au plus haut niveau.
Il est important de souligner que l'apport municipal n'est pas seulement financier. Nous mettons des bénévoles à disposition pour la mise en place des infrastructures le jour des événements et jouons un rôle important d'intermédiaire entre les entreprises privées et les clubs sportifs.
COMPTE RENDU DES ENTRETIENS EFFECTUÉS
AU
SIÈGE DE LA SOCIÉTÉ VÉGA
Réunion avec MM. Pascal Simonin, directeur de VEGA, Franck Boucher, conseiller du Racing Metro 92 et ancien président du même club, et Cyrille Déchenoix, conseiller général 92 en charge des sports.
L'Aréna 92, futur stade du Racing Metro qui sera implanté à Nanterre, est un projet privé à 100 %. Le choix du financement privé offre l'avantage de la rapidité mais ferme un grand nombre de soutiens politiques. Un partenariat public-privé a été un temps envisagé mais il nous est apparu finalement trop complexe. Ce mode de fonctionnement nivelle les compétences, ce qui n'est pas souhaitable.
Notre objectif est de créer un équipement aussi polyvalent que possible. Le rugby ne représentera que 12 matchs par an, soit un peu moins de 2 % du temps. Nous voulons construire une salle de spectacles dans laquelle on jouera au rugby. Il n'est plus possible aujourd'hui de construire un stade de cette taille uniquement pour le rugby. Il faut créer de la valeur et profiter de la proximité avec le quartier de la Défense. Cet emplacement est idéal car déjà très bien desservi. Les alentours de l'enceinte étant déjà aménagés pour amener des foules importantes, le financement a été plus facile à envisager.
Nous profitons aussi de la proximité de la Défense et du terrain de trois hectares pour installer 30 000 m 2 de bureaux sur le site du stade. La moitié de ces bureaux ont été vendus au conseil général des Hauts-de-Seine. La vente de l'ensemble des bureaux nous rapporte 167 millions d'euros alors que le projet global en coûte 358 millions.
La moitié des 191 millions d'euros restants seront financés en fonds propres et le reste sera emprunté. Une fois le stade construit, il générera trois sources principales de revenu, les revenus liés au nomage, le loyer de la société d'exploitation et les commerces qui s'installeront sur le site du stade.
Un revenu annuel de 10,5 millions d'euros par an est garanti au Racing Metro 92. Ce résultat peut augmenter en fonction des résultats.
Le choix de la polyvalence pose certaines difficultés, notamment par rapport au planning : alors que la date d'un concert est déterminée plus de 18 mois à l'avance, celle d'une rencontre sportive n'est connue que dans les trois semaines qui précèdent. Il faut donc que le passage de la disposition sport à la disposition spectacle puisse se faire très rapidement et l'aréna sera aménagée afin que ce changement s'effectue en moins de 24 heures.
Nous ne dépendons de personne et notre relation avec la ville de Nanterre n'a été effective que lors du processus d'élaboration du projet. La ville a intérêt à ce que notre projet aboutisse, car elle touchera la taxe sur les spectacles et l'aréna entraînera des créations de richesses directes ou indirectes conséquentes. Une convention existe avec la municipalité, offrant des avantages de part et d'autre. Cette relation avec la collectivité n'est pas capitalistique, c'est une relation de partenariat.
Le principal problème que nous avons rencontré a été d'ordre administratif. Les recours ont été très nombreux, parfois abusifs, et nous avons perdu beaucoup de temps à attendre les décisions de justice sur ces recours. Contrairement à ce qu'aurait pu faire une collectivité, nous ne pouvions engager le chantier sans avoir résolu ces questions.
Le schéma que nous avons mis en place est un schéma unique. Il ne pourrait être mis en place ailleurs. C'est le résultat d'une conjonction de circonstances favorables. L'équilibre que nous sommes parvenus à mettre en place pour l'Aréna 92 n'est pas reproductible.
COMPTE RENDU DES ENTRETIENS EFFECTUÉS
AU PARC
DES PRINCES
Réunion avec MM. Jean-Claude Blanc, directeur général délégué du Paris Saint-Germain (PSG) et Philippe Boindrieux, directeur administratif et financier du Paris Saint-Germain (PSG)
Philippe Boindrieux, directeur administratif et financier du Paris Saint-Germain (PSG) . - Le chiffre d'affaires du Paris Saint-Germain a connu une extraordinaire croissance. L'arrivée d'investisseurs qataris en 2011 l'a fait passer d'environ 90 millions d'euros en 2009-2010 à plus de 400 millions d'euros aujourd'hui.
Le PSG entretient des relations avec trois principales collectivités territoriales. Il y a tout d'abord la ville de Paris, ensuite la ville de Saint-Germain-en-Laye, du fait de la localisation du centre d'entraînement, et enfin le conseil général des Yvelines.
Au sein même du PSG, il existe trois entités qui entretiennent des relations avec les collectivités. La société anonyme sportive professionnelle (SASP) du PSG, la fondation PSG et le centre de formation d'apprentis sur les métiers du sport.
Les relations avec la ville de Paris ont beaucoup évolué au cours de ces dernières années. Le club bénéficiait auparavant d'une subvention de 2,5 millions d'euros par an. Celle-ci a peu à peu baissé pour finalement disparaître.
Dans le même temps, la contribution du PSG est restée importante, avec la taxe sur les spectacles qui s'élève à 6 millions d'euros par an ainsi que la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises qui s'élève à 5,5 millions d'euros. Il y a une bonne entente avec la ville et une certaine proximité. Si le PSG ne dépend pas financièrement de la ville de Paris, il ne pourrait être ce qu'il est sans Paris.
La ville de Paris verse une subvention de 150 000 euros à la fondation PSG. La ville de Saint-Germain-en-Laye loue des terrains au PSG et finance les travaux du centre de formation à hauteur de 50 %. S'agissant du Parc des Princes, la ville de Paris a signé une délégation de service public (DSP) avec la Société d'Exploitation Sports et Événements du club (SESE). Le PSG paie actuellement une redevance annuelle à la ville de 500 000 euros. Cette DSP prend fin en juin 2014.
Dans la première version du projet de rénovation du stade, avant 2011, un bail emphytéotique administratif était envisagé. Un appel d'offre a été lancé auquel trois entités ont répondu. Ce chantier paraissait à l'époque difficilement finançable et le programme de rénovation s'est progressivement vidé de son attractivité. C'est à ce moment-là que Qatar Sports Investments (QSI) est intervenu. Le projet de rénovation a alors été relancé, l'idée du bail emphytéotique a été abandonnée et une convention d'occupation domaniale (CODP) a été envisagée. L'intégralité des travaux de rénovation seront financés par le PSG. La SESE reste le cocontractant. Cette rénovation doit se faire dans un délai court avec en ligne de mire l'Euro 2016.
Une CODP de 30 ans a donc été signée avec une redevance fixe d'un million d'euros par an. Une redevance variable de 3,5 millions d'euros s'y ajoute si le club fait le choix du nomage (donner au stade le nom d'une marque). Il n'a jamais vraiment été question de devenir propriétaire du Parc des Princes, la ville n'ayant jamais souhaité le céder.
Jean-Claude Blanc, directeur général délégué du Paris Saint-Germain (PSG) . - À chaque club son modèle. Il n'existe pas de modèle unique de pleine propriété qui soit idéal. Aujourd'hui de plus en plus de clubs sont propriétaires car on assiste à un désengagement des collectivités territoriales sur la question des infrastructures. Lorsque l'on construit son stade, il existe un risque et lié notamment au contrat pour la construction ainsi qu'au délai de réalisation. En effet, détourner le regard du sportif pour un investissement de cette importance n'est pas habituel pour un club et cela représente un vrai risque.
L'utilisation du Stade de France a été envisagée mais elle semble impossible. D'une part, ce ne sont pas les racines du club, qui est ancré dans la partie ouest de Paris, et les supporters sont attachés à ces racines. D'autre part, le Stade de France n'est pas à proprement parler un stade de football. La proximité avec les joueurs est insuffisante du fait de la présence d'une piste d'athlétisme et il est difficile d'y créer une ambiance. Faire évoluer le Stade de France afin qu'il réponde mieux à nos attentes aurait coûté très cher.
Notre projet est plutôt de transformer le Parc des Princes en stade à l'anglaise, consacré uniquement au football et avec un public proche des joueurs. Cela dit, si nous souhaitons nous concentrer sur le football, et s'il y a en région parisienne un déficit de grandes salles couvertes, nous avons bien conscience du rôle moteur que pourrait jouer notre club dans d'autres disciplines.
S'agissant de l'aléa sportif, la responsabilité revient d'abord aux acteurs du sport. Il est évidemment nécessaire de choisir où l'on veut être en étant conscient de ses propres capacités. Il faut pouvoir se doter en effectifs et financièrement en conséquence. L'idée d'une ligue fermée avancée par certains ne pourra pas se concrétiser en Europe. Il y a une tradition de la promotion-relégation qui fait partie de la culture sportive. Cependant, d'une ligue à l'autre, le fossé économique est très important. La ligue pratique donc une aide à la descente et une aide à la montée qui me semblent nécessaires pour accompagner les clubs dans ces évolutions positives ou négatives.
La taxe dite « à 75 % » sera très lourde, voire injuste, pour le PSG, qui paiera plus de la moitié des contributions totales. Cependant, les propriétaires sont respectueux de la fiscalité française et ils donneront au club les moyens de payer cette taxe. Mais ce n'est pas un bon signal à l'heure où beaucoup de clubs cherchent des investisseurs et notamment étrangers.
DÉPLACEMENT AU CENTRE NATIONAL DU RUGBY
(Marcoussis)
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MERCREDI 5 FÉVRIER 2014
LISTE DES PERSONNES RENCONTRÉES À MARCOUSSIS
M. Pierre Camou , président de la fédération française de rugby
M. Paul De Keerle , directeur financier et administratif de la fédération française de rugby
M. Olivier Keraudren , directeur des activités sportives et juridiques
M. Francis Chouat , maire d'Évry
M. Stéphane Raffalli , maire de Ris-Orangis
COMPTE RENDU DES ENTRETIENS
EFFECTUÉS
À MARCOUSSIS
Réunion avec MM. Pierre Camou, président de la fédération française de rugby et Paul De Keerle, directeur financier et administratif de la fédération française de rugby
M. Pierre Camou, président de la fédération française de rugby, FFR . - Le Centre national de rugby (CNR) a été inauguré en 2001 et regroupe les joueurs, les entraîneurs et les équipes techniques sur un même site.
La fédération française de rugby, fondée en 1919, est une association reconnue d'utilité publique en 1922 ayant reçu quatre délégations (conformément à l'article L. 131-14 du code du sport) pour gérer le rugby à XV, le rugby à 7, le rugby à V ainsi que le rugby de plage. Le siège de la fédération française de rugby se situe à Marcoussis, un site intégrant également un centre national. Il faut ajouter à ces structures les 34 comités territoriaux qui gèrent les 440 000 licenciés en 2013 (contre 280 000 en 2007) se répartissant dans les 1 843 clubs affiliés. La FFR dispose d'une organisation interne classique composée d'une assemblée générale, d'un comité directeur et d'un bureau fédéral. L'organisation opérationnelle repose sur 114 collaborateurs permanents et 54 cadres techniques mis à la disposition de l'État dans le cadre de la délégation de service public.
La fédération française de rugby gère plusieurs activités. Au plan sportif au cours de la saison 2012-2013 elle a ainsi délivré 62 titres fédéraux et challenges, arbitré 30 399 rencontres officielles, et géré les équipes nationales. Elle a notamment oeuvré pour le développement du rugby à 7, une discipline à part entière devenue discipline olympique, mais surtout une perspective importante de développement notamment pour le rugby féminin. La fédération française de rugby est également présente au niveau international puisque la France est un acteur majeur de toutes les instances internationales de ce sport.
La fédération française de rugby et la ligue nationale de rugby ont, par convention, mis en place un nouveau dispositif relatif à la préparation et la mise à disposition du « XV de France » avec l'idée de créer un groupe « XV de France » mais surtout de limiter le nombre de matchs afin d'économiser les joueurs. En contrepartie la FFR s'engage à payer 23 millions d'euros sur la durée totale de la Convention dont 1 300 euros par joueur et par jour de mise à disposition.
La FRR est dotée d'un budget de 100 millions d'euros en 2013-2014, budget qui a doublé en 10 ans puisqu'il s'établissait en 2000-2001 à 50 millions d'euros. 54 % du budget est consacré au soutien au développement du rugby professionnel et amateur ; 39 % est consacré au fonctionnement administratif et sportif ; 4 % à l'amortissement et aux provisions ; et 3 % aux impôts et taxes (impôt sur les sociétés ou encore taxe spectacle...). Les ressources de la FFR proviennent à 57 % des partenariats et des droits TV ; à 22 % des recettes des matchs ; à 12 % des cotisations ; à 2 % des séminaires organisés sur le site du CNR ; et à 7 % des subventions. Au total le bilan de la FFR fait apparaître un actif et un passif de 112 millions d'euros, 49 millions d'euros de capitaux permanents et 33 millions d'euros d'actifs immobilisés. La billetterie représente 500 000 billets, et le CNR totalise de son côté 60 000 repas, 20 000 nuitées, et un coût de construction et du terrain de 46 millions d'euros.
M. Paul De Keerle, directeur administratif et financier de la fédération française de rugby . - Le projet de grand stade de la FFR est une « construction territoriale qui va lier une association sportive et quatre collectivités territoriales ». Le projet a été initié par la fédération française de rugby pour développer son sport. Elle a ainsi lancé un appel d'offres territoriales et les villes ont été mises en concurrence. C'est un projet qui repose donc sur un partenariat original entre plusieurs maîtres d'ouvrage : la ville de Ris-Orangis ; la ville de Bondoufle, l'agglomération d'Évry centre Essonne, le conseil général de l'Essonne, et bien sûr la FFR. L'originalité de ce projet est qu'il émane des territoires dans une logique décentralisée et ne repose pas sur un modèle de partenariat public privé, ce qui le distingue fortement du modèle du Stade de France.
Le rugby est aujourd'hui un sport en pleine croissance puisqu'on ne compte pas moins de 1 843 clubs qui assurent un maillage territorial pour les 440 000 licenciés. C'est dans cette perspective qu'est envisagé le projet de stade par la FFR. L'enjeu pour cette dernière est de promouvoir les valeurs du rugby (« le rugby, des valeurs pour la vie »), et de développer le rugby amateur et professionnel notamment à travers le XV de France.
La FFR souhaite être propriétaire de son infrastructure afin de pouvoir jouer ses propres matchs. La FFR ne veut plus être tributaire du calendrier d'autres disciplines sportives, comme le football par exemple, ni des contraintes de calendrier des autres stades, ni des conditions météo. Ce nouveau stade doit permettre à la FFR de gérer suffisamment en amont ces propres compétitions et de vendre sa billetterie. À titre d'exemple, à cause de l'Euro 2016 la FFR n'a pour l'instant pas trouvé de stade pour accueillir la finale du Top 14 de la saison 2015-2016. Maîtriser la programmation permettra de mieux maîtriser les revenus, sachant que les ressources issues des matchs du XV de France représentent en moyenne plus des trois quarts des recettes annuelles totales de la FFR.
Le projet est avant tout un projet architectural, imitant le modèle d'une « citadelle imprenable ». Le choix a été fait, à l'issue des différentes études, d'une aréna multifonctionnelle et polyvalente. L'idée de la FFR de pouvoir disposer d'un stade qui permettra d'accueillir tous types de manifestations sportives, culturelles et économiques de pleine jauge et de moyenne jauge tout au long de l'année. Le stade disposerait d'une capacité de 82 000 places pour permettre au nombre habituel des spectateurs du XV de France d'assister au match. Ce chiffre a été déterminé pour nous permettre de rivaliser avec des stades comme celui de Twickenham par exemple. Le choix d'un toit rétractable a également été fait et il n'existe pas en France d'autres stades de cette envergure qui dispose d'une telle caractéristique. Avec ce toit, le gestionnaire sera en capacité de proposer une offre inédite de grands concerts tout au long de l'année. En outre, une couverture permet de garantir la qualité du jeu et le confort des spectateurs en cas de pluie. La pelouse mobile a également été retenue afin de coulisser depuis l'extérieur vers l'intérieur en moins de deux heures. Ce type de pelouse rétractable présente l'avantage d'utiliser l'enceinte le reste du temps en l'équipant d'une dalle de béton et d'arrivée électrique permettant d'organiser des événements comme des concerts, des séminaires, des salons, des conventions, ou encore des événements sportifs tels que des matchs de handball, de basketball, de volleyball et même de l'athlétisme grâce à une piste indoor . En clair, la FFR présente un projet de stade tout usage. Il est par ailleurs prévu d'installer quatre écrans géants diffusant des informations comme à la télévision afin d'enrichir la qualité du spectacle pour ceux qui se trouvent au coeur du stade. Une tribune proche du terrain est également prévue et les aménagements intérieurs reposants sur des « grands plateaux » doivent permettre la lisibilité du jeu quelle que soit sa place dans les tribunes. Enfin, des grandes places d'accueil sont prévues pour accueillir les spectateurs au début du match et éventuellement leur proposer des options de restauration dans une ambiance festive.
Le modèle financier du projet de grand stade a été construit à partir d'hypothèses prudentes réalisées par le cabinet de conseil McKinsey. Ce modèle économique prévoit 17 grands événements dans l'année : cinq matchs du XV de France, la finale du Top 14, 4 autres matchs de rugby et 6 autres événements sportifs ou culturels. Si les marges les plus importantes seront réalisées sur les matchs de rugby, le business plan repose à la fois sur la location des loges à l'année (65 millions d'euros), sur la vente de places VIP ainsi que sur les recettes de billetterie (17 millions d'euros). De façon complémentaire elle escompte des recettes en provenance de la panneautique et des partenaires (13 millions d'euros), ainsi que de la location du stade pour d'autres événements.
Selon les projections, le grand stade permettra le remboursement complet des emprunts grâce à une marge annuelle de 10 millions d'euros générés par les matchs du XV de France. Au cours des 20 premières années d'exploitation les charges se répartiront entre le remboursement de la dette (57 millions d'euros) et les charges d'exportation (42 millions d'euros). Après 20 ans d'exploitation, quand les emprunts auront été remboursés, le stade dégagera des marges beaucoup plus importantes.
Le business plan s'appuie aussi sur une hypothèse de financement du stade assuré exclusivement par la FFR : 200 millions d'euros sur fonds propres et 400 millions d'euros sur emprunts bancaires, pour un coût total de 600 millions d'euros. Ce business plan a été soumis à des stress tests afin de tester la solidité des hypothèses financières : il apparaît solide même en hypothèse basse.
Le modèle du stade est celui de Twickenham à Londres (82 000 places), du millénium à Cardiff (74 500 places), ou de Murrayfield à Édimbourg (67 130 places), mais également le stade Roland-Garros qui a eu un impact considérable sur le développement du tennis en France. La FFR considère que cet exemple permet de comprendre l'importance de la maîtrise de son stade dans le développement d'un sport : maîtriser son stade c'est maîtriser sa programmation est donc maîtriser ses revenus.
Ce stade est aussi un projet, porteur d'une ambition territoriale. Pour les territoires concernés il s'agit d'un projet symbole et fédérateur autour d'une identité forte pour un territoire qui souffre encore d'une image dégradée. Pour les habitants de l'Essonne, un territoire jeune, c'est un projet dynamique et ambitieux pour un territoire de la deuxième couronne parisienne, qui doit donner une vraie impulsion à l'économie locale avec des perspectives importantes de création d'emplois, lors de la phase de travaux, mais aussi dans l'exploitation du stade après la finalisation des aménagements. Ce stade va devenir un marqueur du sud parisien comme Disneyland l'a été pour Marne-la-Vallée. En ce sens, ce projet doit répondre à l'objectif de rééquilibrage des pôles de développement en Île-de-France et s'inscrit parfaitement, selon ses promoteurs, dans le Grand Paris.
La FFR privilégie de grands axes pour développer l'activité autour du stade : le premier est un projet de village de loisirs qui proposera des activités tournées vers le sport, les loisirs, la nature et le bien-être et qui aura vocation à devenir une véritable adresse touristique sud francilienne ; le second concerne un projet de création d'un pôle d'excellence dédiée à la filière sport en France, qui pourrait permettre de développer une filière économique intégrée en regroupant les infrastructures, les acteurs et les compétences.
Les collectivités territoriales concernées disposent de terrains disponibles sans aucune servitude (le site de l'ancien hippodrome de Ris-Orangis a en effet été acquis par la communauté d'agglomération et est aujourd'hui en friche ce qui permet d'éviter toutes les contraintes habituelles et blocages éventuels dans le cadre de ce type de projet d'aménagement) mais surtout reliés à des infrastructures routières et autoroutières ainsi qu'à des transports en commun (RER et trains). Cette dernière dimension apparaît fondamentale dans un territoire qui se situe au carrefour des principaux actes de transports franciliens (les axes routiers de l'A6, de la Nationale 7 et de la francilienne, des aéroports d'Orly et de Roissy, les gares TGV de Massy et de Juvisy ainsi que les trois lignes de RER B, C et D). Il est notamment prévu de moderniser et d'optimiser la branche Sud des RER C et D, mesures inscrites dans le schéma directeur du STIF pour un coût estimé à 500 millions d'euros.
Le projet s'inscrit également dans un modèle durable sur le plan environnemental (démarche durable, promotion d'éco-quartiers au coeur de l'Essonne, développement de la filière des éco-activités) mais également sur le plan social. Il doit permettre de développer l'emploi local et la réinsertion des personnes en difficulté.
La FFR et les collectivités territoriales ont pris des engagements respectifs.
S'agissant des collectivités territoriales, c'est la garantie d'emprunt qui est stratégique et qui sera assurée par le département à concurrence d'un montant maximum estimé à ce jour à 450 millions d'euros. Cette garantie d'emprunt se justifie selon le maire de Ris-Orangis par le caractère d'intérêt général du projet. Par cette garantie le projet pourra bénéficier de la signature du conseil général et gagner en crédibilité auprès des investisseurs.
De son côté, la FFR s'engage à prendre en compte des publics prioritaires pour le projet (les jeunes, les travailleurs handicapés, les allocataires des minima sociaux, grâce à l'introduction de clause d'insertion dans les marchés de construction et d'entretien et d'exploitation du grand stade et des équipements associés), mais aussi à développer des activités au bénéfice du territoire (pépinière d'entreprises, centres de formation sur les métiers du sport, mise à disposition du stade pour l'organisation de manifestations d'intérêt départemental) et à intégrer les politiques publiques portées par le département (développement durable, action éducative et citoyenne autour des valeurs du sport et du rugby).
Une partie du financement repose enfin sur un emprunt obligataire de 5 millions d'euros sur une durée de 50 ans dans le cadre d'une souscription publique. La méthode est pratiquée dans les pays anglo-saxons ainsi qu'en Espagne. Il ne s'agit pas d'un produit de placement mais plutôt d'un accompagnement financier autour de valeurs partagées de la part de personnes privées fières de participer symboliquement à ce projet collectif.
DÉPLACEMENT EN ALLEMAGNE
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MARDI 11 ET MERCREDI 12 FÉVRIER 2014
LISTE DES PERSONNES RENCONTRÉES EN ALLEMAGNE
M. Emmanuel Cohet , consul général de France à Munich
M. Florent Cheval , consul général adjoint à Munich
M. Michel Giacobbi , consul général de France à Düsseldorf
M. Jürgen Muth , directeur général du stade Allianz Arena de Munich
Mme Nadine Huber , directrice marketing du Bayern Basketball
Mme Edith Rubenbauer , conseillère de la ville de Munich chargée de l'éducation et du sport
Dr. Michael Gerlinger , directeur des affaires juridique du FC Bayern Munich
M. Bodo Menze , responsable des relations internationales du FC Gelsenkirchen-Schalke 04
MM. Claudio Kasper et Michael Scharold , adjoints de la directrice financière du club
M. Klaus Hermandung , adjoint au maire de Gelsenkirschen en charge du tourisme et de la culture et Dr. Schrader
Pr. Dr. Christoph Breuer , directeur de l'Institut d'économie et de management du sport auprès de l'Université Allemande du Sport de Cologne
COMPTE RENDU DES ENTRETIENS EFFECTUÉS
EN
ALLEMAGNE
Mardi 11 février 2014 - Munich
Visite du stade de l'Allianz Arena avec M. Muth, directeur général
Le stade Allianz Arena se situe à 15 kilomètres de Munich et le coût de sa construction s'est élevé à 340 millions d'euros. Son inauguration a eu lieu en 2005 après 30 mois de travaux. Il n'y a pas eu de réaménagement depuis. Sa capacité d'accueil est de près de 70 000 places.
Historiquement, il y avait déjà un stade olympique dans la ville de Munich (le vieux stade municipal qui appartient à la ville et qui a été construit pour les Jeux olympiques de 1972) mais les équipes de football souhaitaient disposer d'un stade dédié à leur sport. La municipalité de Munich ne s'est pas opposée à un tel projet mais a souhaité que soient respectées deux conditions : d'une part, les 340 millions d'euros nécessaires à la construction du stade devaient être intégralement financés par des investisseurs privés et aucun argent public ne devait être mobilisé pour cette opération ; d'autre part, ce projet devait recueillir l'accord de la population et un référendum a donc été organisé à l'initiative du conseil municipal qui s'est traduit par un vote favorable aux deux tiers de la population. Ce référendum pour la construction d'une infrastructure sportive à Munich est le seul exemple en Allemagne.
En 2001, après le résultat positif du référendum, les autorités ont recherché un site et les équipes d'architectes de renom ont réalisé un projet. C'est la ville de Munich qui disposait du foncier et a fait le choix d'un bail emphytéotique, ce qui implique qu'à l'issue de ce bail c'est la ville qui redeviendra propriétaire de l'infrastructure.
En Allemagne, les collectivités territoriales et les villes en particulier donnent surtout des garanties. Elles usent principalement du cautionnement pour que les clubs puissent se procurer des prêts à taux réduits. Elle se refuse en revanche à donner des subventions directes aux clubs pour ne pas être en contradiction avec la législation communautaire sur les aides d'État.
En moins de trois ans et demi, on est passé de la conception initiale à l'achèvement de la construction, la volonté partagée des collectivités territoriales, des acteurs économiques, et des citoyens, de disposer d'une telle infrastructure a été décisive. À l'époque le choix a été de limiter à 66 000, ce qui paraît pertinent aujourd'hui, car le FC Bayern arrive à remplir son stade à chaque match.
Le stade compte deux clubs résidents : le FC Bayern de Munich et le Bayern 1860. Le public des deux clubs résidents est très différent : pour le FC Bayern, il s'agit surtout d'un public d'abonnés. À l'origine, il y avait une seule société dans laquelle chaque club disposait de 50 % des parts. Mais le FC Bayern a ensuite racheté la totalité des parts du Bayern 1860. Les deux clubs se sont surtout mis d'accord pour rendre compatibles leurs calendriers de match, et même si les deux équipes ont des matchs sur le même week-end il est techniquement possible de préparer à nouveau le stade en moins de 24 heures. Les prix des billets oscillent entre 15 et 100 euros.
Le stade n'accueille que le football comme discipline sportive, et il n'y a pas d'autres exploitations commerciales du terrain. Seuls les espaces de type loges et salles sont loués pour des événements privés. Cela résulte d'une condition posée par la municipalité à l'époque : dans ce stade, seuls les matchs de football peuvent être disputés. Toutes les autres activités doivent avoir lieu dans le vieux stade olympique. Dans les espaces intérieurs, les gestionnaires ont toute latitude pour organiser les activités qu'ils souhaitent.
Allianz est le principal partenaire du stade du club. Les grandes entreprises allemandes achètent ou louent des loges VIP . Les prestations offertes dans ces loges sont d'une qualité exceptionnelle et constituent une ressource essentielle pour la société d'exploitation. La ville ne dispose pas de loges, mais a la garantie de disposer d'un quota de places dans le stade. Allianz détient des droits de nomage jusqu'en 2031. Elle possède à ce titre l'exclusivité de la publicité dans le stade hors des jours de match, mais partage les espaces publicitaires les jours de match. La société du FC Bayern est propriétaire de l'infrastructure. L'intérêt pour le club est de bénéficier de la renommée d'Allianz et surtout de la garantie d'un partenariat à long terme. Les responsables du FC Bayern insistent sur l'importance du nomage d'Allianz, leur club disposant lui aussi tout comme Francfort et Düsseldorf d'un partenariat avec une grande entreprise.
Il existe trois modèles de développement et d'exploitation des stades en Allemagne : le stade municipal (la majorité des cas en Allemagne, le stade appartenant à un club et le stade appartenant à des gérants indépendants). Le deuxième et le troisième modèle sont des modèles de gestion privée beaucoup plus développés pour les clubs de la Bundesliga .
Malgré le principe de non-subventionnement, il y a eu une mobilisation de financements publics de façon indirecte. C'est le cas pour les infrastructures de transport reliant le stade puisque l'autoroute a été financée par l'État. La République fédérale a dû financer l'aménagement de l'autoroute sur quatre voies, qui était indispensable, alors que les routes d'accès et le métro ont été financés par la Ville et le Land de Bavière. C'est surtout la ville qui a investi dans les infrastructures et c'était d'ailleurs une des questions posées dans le cadre du référendum aux citoyens. La municipalité a saisi l'opportunité de la construction du stade pour moderniser son réseau transport. La ville avait également posé comme condition, la création de 11 000 places de parking et de 350 places de stationnement pour les autobus, dont le coût d'investissement de 60 millions d'euros n'est pas récupérable pour l'exploitant.
La gestion privée permet au club d'avoir la main sur les revenus issus de la billetterie et de l'hospitalité (exploitation des loges). Le business model repose sur un chiffre d'affaires de 50 millions d'euros par an perçus par la société d'exploitation. Les recettes sont issues de la billetterie et du merchandising ; de la location des loges (17 millions d'euros) ; du nomage ; de la location du stade au club Munich 1860 ; des événements privés et des revenus des parkings. S'agissant des risques de l'aléa sportif, le business model repose sur « des hypothèses très conservatrices » anticipant la seule présence du FC Bayern en Bundesliga , c'est-à-dire sans prendre en compte les revenus issus de la Champions League . La valeur comptable du stade inscrit à l'actif de la société concessionnaire est de 200 millions d'euros.
La société concessionnaire, désormais possédée à 100 % par le FC Bayern, est propriétaire de l'infrastructure et loue celle-ci tant au club du FC Bayern qui joue en Ligue 1 qu'au club Munich 1860 qui joue en Ligue 2, selon des tarifs différenciés afin de tenir compte du fait que le premier club est beaucoup plus rentable que le second. La société d'exploitation est aujourd'hui dans une phase bénéficiaire. Les charges d'emprunt bancaire et d'intérêts seront payées dès 2020 et le stade sera complètement amorti en 2025. Elle envisage plusieurs pistes pour diversifier ses revenus : les tours organisés sont une source de financement croissante, le stade accueillant 400 000 visiteurs par an, et le musée du FC Bayern connaît lui aussi une augmentation de ses revenus.
La gestion de l'enceinte est une des problématiques importantes auxquelles les gestionnaires doivent faire face tant du point de vue de l'éclairage que de l'entretien de la pelouse. En effet, compte tenu de l'insuffisance de l'ensoleillement naturel, la pelouse doit être exposée à un ensoleillement artificiel.
L'aréna emploie 22 permanents travaillant pour la société concessionnaire, 100 personnes travaillant lors de l'organisation d'événements et 1 500 personnes pour les jours de match. Il y a très peu de bénévoles.
Pour les matchs nationaux, l'Allemagne a mis en place un système de rotation des stades au niveau national. C'est ainsi que l'équipe nationale joue dans une douzaine de villes différentes. C'est à la fédération allemande de football de payer à chaque fois pour la location de l'enceinte sportive utilisée.
Les exigences des instances internationales du football à l'égard des stades (normes, télévision, aménagement) deviennent trop contraignantes et posent des questions en termes de rentabilité même du stade.
Entretiens avec des responsables du FC Bayern Basketball à l'Audi Dome
Le club de basketball du FC Bayern est géré par une association et non pas par une société à capital. Le club compte 3 000 abonnés, qui dépendent d'une tarification en cinq catégories. Il s'agit aujourd'hui de la meilleure équipe de basketball d'Allemagne.
Ce club joue dans un stade qui appartient la ville de Munich et qui est donc loué pour l'occasion. Le club supporte donc le loyer annuel ainsi que les frais d'entretien de chauffage.
La capacité d'accueil du stade est de 6 700 spectateurs, les matchs attirant en moyenne 6 000 spectateurs. Le personnel est employé par l'association et il n'y a donc pas de mise à disposition d'agents de la part de la ville. L'association fonctionne avec un budget de 9 millions d'euros par an.
Des réflexions sont actuellement en cours pour construire une nouvelle enceinte en 2018 avec une capacité d'accueil de 10 000 places. Le partenaire qui souhaite aujourd'hui porter ce projet d'aréna multifonctions couverte est la société Red Bull. Mais la priorité de Red Bull pour cette nouvelle enceinte potentielle reste le hockey et rien n'est décidé à l'heure actuelle sur la multi-utilisation avec le basketball. Le propriétaire de cette nouvelle enceinte serait soit la ville, soit le FC Bayern, soit la société Red Bull, les discussions étant toujours en cours.
L'Audi Dome accueille aussi d'autres événements sportifs ou des conférences, les concerts et les spectacles étant plus rares dans cette enceinte. La ville loue l'infrastructure à l'équipe de basketball et attend donc que l'utilisation des lieux soit dédiée principalement à ce sport.
Le contrat de nomage avec la société Audi est une source de revenus importante et court jusqu'en 2016. La location des espaces lounge et VIP permet également de dégager des recettes complémentaires.
L'aménagement intérieur a été pensé pour que les gradins soient le plus proche possible du terrain.
Entretien avec Mme Edith Rubenbauer, conseillère de la ville de Munich chargée de l'éducation et du sport
En Allemagne, il existe une interdiction pour les collectivités territoriales de subventionner les clubs professionnels. Les seules aides qui existent sont destinées aux jeunes. La ville de Munich est propriétaire de l'Audi Dome. C'est pourquoi elle a financé sa rénovation. Elle le met à disposition de la section basketball du FC Bayern de Munich contre un loyer à tarif réduit. Le niveau de la redevance est libre et ne fait pas l'objet d'un contrôle du juge mais elle doit être fixée à un niveau raisonnable. Il y a un projet de nouvelle salle que la ville regarde de manière favorable et dans lequel elle est impliquée.
Il existe par ailleurs un projet à Munich d'une grande école des sports qui pourrait ouvrir en 2017 ou 2018 et qui est porté par le Land .
Un référendum a été organisé suite à une décision du conseil municipal sur l'opportunité d'accueillir les Jeux olympiques d'hiver à Munich en 2022. La participation a été de 29 à 35 % selon les régions concernées et le résultat a été négatif.
Entretien avec le Dr. Michael Gerlinger, directeur des affaires juridique du FC Bayern Munich, puis visite des infrastructures du siège
En France, les relations entre les collectivités territoriales et les clubs sportifs sont beaucoup plus continues qu'en Allemagne. En dehors de la sécurisation des stades, les collectivités territoriales sont en réalité très peu liées aux clubs sportifs dans notre pays.
Le FC Bayern est avant tout une association sportive qui regroupe plusieurs disciplines comme le basketball, le handball ou encore les échecs. S'agissant du football, l'association sportive a créé une société anonyme chargée de gérer le football professionnel uniquement. L'association sportive est davantage en lien avec les collectivités territoriales.
C'est la société anonyme qui a la propriété du stade de l'Allianz Arena. La gestion est donc totalement privée. Les Allemands sont en effet très favorables à la possession des infrastructures par les clubs. Avant la construction de l'Allianz Arena, le FC Bayern louait l'Olympia Stadium à la ville. Le stade privé est la base de l'avenir du sport, car il permet au club de disposer d'une infrastructure générant de l'argent, ce qui permet ensuite de se payer des joueurs de renommée mondiale et donc d'offrir du grand spectacle au public.
Le budget de la société anonyme est de 400 millions d'euros par an. Elle regroupe 500 employés permanents en plus des saisonniers. Entre 35 et 40 % des recettes sont issues de la billetterie et entre 35 et 40 % sont issus du merchandising . Seulement 20 à 22 % des ressources proviennent des droits TV, ce qui crée une plus faible dépendance à l'égard de cette ressource. Le club espère tirer une source de revenus complémentaires grâce à l'exploitation sur Internet du match et des meilleurs moments en rediffusion.
Le rachat par le FC Bayern des parts du club Munich 1860 dans le stade (soit 50 %) a été rendu nécessaire par la faillite de ce dernier. Aujourd'hui, le stade est une infrastructure partagée entre deux clubs : le FC Bayern de Munich et le Munich 1860. C'est ce qui explique les changements de couleur du stade, la possibilité technique de changement chromatique des murs de l'enceinte ayant été envisagée dès la conception.
Le FC Bayern de Munich ne serait pas affecté si le Munich 1860 souhaitait trouver un autre stade. Le business model du FC Bayern n'en souffrirait pas. Aujourd'hui, le FC Bayern n'est absolument pas dépendant financièrement.
En plus du stade, les locaux du siège du club ainsi que le centre d'entraînement sont la propriété de la société anonyme du FC Bayern.
Les relations avec la ville se résument à des relations avec une autorité qui règle les questions de sécurité et d'organisation lors des matchs (forces de police, gestion des supporters, accès au stade, pompiers, etc.).
Mercredi 12 février - Düsseldorf
Accueil de M. Bodo Menze, responsable des relations internationales du FC Gelsenkirchen-Schalke 04 et de M. Jérôme Barton, représentant la ville qui ont accompagné la délégation toute la journée puis réunion avec MM. Claudio Kasper et Michael Scharold, adjoints de la directrice financière du club (modèle économique des clubs de foot, questions du financement des stades, de leur entretien, de leurs autres utilisations...) et visite du stade Veltins Arena par M. Rüdel.
M. Bodo Menze, responsable des relations internationales du FC Gelsenkirchen-Schalke 04 . - C'est en 1997 qu'a eu lieu l'inauguration de l'Arena, aujourd'hui baptisée Veltins Arena. Le coût de la construction de cette infrastructure s'élève à 160 millions d'euros, dont le financement a été assuré par des emprunts bancaires du club et par des investissements de la part de partenaires privés. Le stade constitue donc un actif pour le club.
La marque Veltins est celle d'une brasserie allemande qui possède les droits relatifs au nomage du stade. Ce partenaire a acheté les droits et alimente en bière les lieux de restauration dans le stade, ce qui constitue une source considérable de revenus.
M. Claudio Kasper, adjoint de la directrice financière du club . - FC Gelsenkirchen-Schalke 04 est aujourd'hui un groupe sportif comprenant une société mère, organisée sous la forme d'une structure réunissant une société financière, une association et sept filiales. Le montage complexe est organisé ainsi :
1) une société émettrice d'obligations actuellement liquidation ;
2) une fondation pour les projets sociaux, tels que l'aide aux enfants défavorisés ;
3) « l'Arena management », la société qui gère la billetterie (notamment les concerts) et la restauration pour le public. Elle possède sa propre filiale qui gère la restauration et qui a été vendue ;
4) la société d'exploitation des droits du club et du stade ;
5) une société créée pour des raisons purement fiscales gérant deux autres sociétés en commandite, dont une société en commandite de construction du stade, qui est propriétaire de l'infrastructure et qui perçoit le loyer issu de l'occupation de l'enceinte sportive. Le capital de cette société est possédé à la fois par la ville qui est minoritaire et par des actionnaires privés qui sont majoritaires. C'est cette société qui détient 100 % de la propriété du stade.
La ville étant actionnaire du stade, elle perçoit une partie des bénéfices lorsqu'il y en a.
Le FC Gelsenkirchen-Schalke 04 représente 120 000 membres de l'association qui payent une cotisation annuelle et qui sont prioritaires pour l'achat de billets lors des matchs. Le stade a une capacité d'accueil de 62 000 personnes tandis que le club a un chiffre d'affaires de 200 millions d'euros par an (le chiffre d'affaires total des clubs de la Bundesliga en 2012-2013 s'établissant à 2 milliards d'euros), 400 employés en contrat à durée indéterminée et 1 000 personnes intérimaires ou auxiliaires.
Il incombe à un conseil de surveillance, élu par l'assemblée générale de l'association, de désigner la présidence. Un des objectifs à long terme fixé par l'association est le développement du sport pour les jeunes.
La situation du football professionnel en 2012 fait apparaître le classement suivant : la ligue anglaise est en tête, suivie de la ligue allemande, de la ligue espagnole, de la ligue italienne, et de la ligue française. Les Allemands font la promotion d'un football durable c'est-à-dire sans dette. Les clubs allemands sont inquiets de la problématique de l'endettement des clubs italiens ou espagnols. Par ailleurs, ils désapprouvent les investissements financiers considérables du PSG notamment pour l'achat des joueurs. Pour eux, il s'agit d'une question d'équité sportive.
Les dirigeants du FC Gelsenkirchen-Schalke ne sont pas opposés à la limitation de la part des salaires des joueurs dans les dépenses globales du club. Le salary cap (plafonnement) existe aux États-Unis pour la ligue de basketball ou encore de hockey. Toutefois si un tel plafonnement était mis en place, les joueurs trouveraient d'autres moyens pour accroître leurs revenus, tels que l'introduction en bourse par exemple.
Ce modèle de gestion repose sur un équilibre de recettes entre la billetterie, le sponsoring , et le merchandising. Il convient d'insister sur l'équilibre entre les recettes de billetterie et les apports des investisseurs privés. La gestion est d'ailleurs soumise au contrôle de l'UEFA.
Ce modèle de gestion est consolidé par le caractère équilibré des sources de financement. Le chiffre d'affaires du club repose : à 31 % sur l'exploitation des droits TV (répartis nationalement par la ligue) ; à 20 % sur les recettes de billetterie des matchs ; à 31 % sur le sponsoring et la publicité ; et à 20 % sur l'organisation d'autres événements (concerts, conférences etc.).
L'Arène multifonctions est un concept très important car elle permet de diversifier le business model . Le stade génère ainsi 23 millions d'euros de chiffre d'affaires par an. Cette contrainte de la multifonctionnalité oblige toutefois à gérer la complexité de la coordination du calendrier des artistes avec les événements sportifs.
Entretien avec les représentants de la Mairie de Gelsenkirchen, représentée par MM. Klaus Hermandung, adjoint en charge du tourisme et de la culture et Dr. Schrader.
Le FC Gelsenkirchen-Schalke 04 est en quelque sorte le « joyau de la ville », car grâce à ce club de football la ville est mondialement connue. En quelque sorte le sport constitue une vitrine de communication et de publicité pour la municipalité.
La ville de Gelsenkirchen entretient d'excellentes relations avec les différents clubs sportifs mais oriente son action de soutien financier sur d'autres sports que le football.
La municipalité finance les sports qui ne disposent pas de revenus générés par les investisseurs privés comme le football.
Elle est favorable à un modèle basé sur la propriété privée de l'infrastructure sportive car cela permet de limiter les risques financiers pour le contribuable allemand.
Rencontre avec le Prof. Dr. Christoph Breuer, directeur de l'Institut d'économie et de management du sport auprès de l'université allemande du sport de Cologne.
À l'origine, les stades appartenaient aux villes qui se portaient caution du club en cas de problèmes. De nos jours, seuls deux stades de football appartiennent à des clubs, celui de Munich, dont les coûts d'exploitation ne seraient pas couverts par les recettes du fait du coût d'entretien trop élevé, et celui du Schalke 04 qui ne serait pas non plus rentable.
Les clubs qui connaissent une relégation en deuxième division doivent supporter une perte de recettes d'au moins un tiers.
En Allemagne, le rôle des collectivités territoriales reste moins important qu'en France en matière de sport professionnel. Les fédérations financent le sport de haut niveau tandis que les Länder financent le sport de masse. En cas de faillite d'un club, la ville serait forcée d'apporter son concours, aucune ville ne pouvant se priver de la notoriété d'un club.
Le cas de Munich reste à part. Comme à Paris, il y a beaucoup de spectateurs. Mais en Allemagne, il n'y a pas assez d'événements dans les stades pour qu'ils soient rentables. Les stades ne peuvent être financés uniquement par les matchs même quand deux clubs utilisent le même stade.
En Allemagne, il existe une réglementation particulière qui impose à l'association sportive de détenir au moins 50 % du capital du club afin d'éviter les investissements éphémères, notamment étrangers. Par ailleurs, le système allemand des licences est plus strict que le « financial fair-play ». Le nomage concerne le nom des stades et pas celui des clubs.
DÉPLACEMENT À LONDRES
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MERCREDI 19 ET JEUDI 20 FÉVRIER 2014
LISTE DES PERSONNES RENCONTRÉES À LONDRES
Son Excellence M. Bernard Emié , ambassadeur de France auprès du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord
M. François Courant , chef de cabinet de l'ambassadeur de France auprès du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord
M. Philip Brook , Chairman de The All England Lawn Tennis Club (Wimbledon)
Mlle Sarah Clarke , Championships Director
MM. Richard Knight , Stadium Director de Twickenham, et Nigel Cox, Head of Stadium Events
Mme Helen Pritchard , Stadium Event Manager - directrice de l'événementiel du stade de Twickenham
M. Michael Lloyd , Assistant Manager du stade de l'Arsenal Football Club
M. Mathieu Moreuil , directeur de l'action européenne de la première division de football au Royaume-Uni ( Premier League )
COMPTE RENDU DES ENTRETIENS
EFFECTUÉS
À WIMBLEDON
Mercredi 19 février 2014
Entretien avec M. Philip Brook, Chairman of The All England Lawn Tennis Club (AELTC) et Mme Sarah Clarke, Championships Director
L'AELTC recouvre deux activités : un club de tennis privé et un comité d'organisation du championnat.
Principales étapes historiques :
1868 : création d'un club de crocket à Wimbledon (sur un autre site).
1877 : organisation d'une compétition de tennis afin de lever des fonds pour l'entretien du terrain de crocket (rouleau compresseur) - 20 participants, tous anglais de sexe masculin.
1922 : changement de site suite au succès de la compétition - premier tournoi organisé sur l'actuel court central.
1993 : nouveau plan stratégique de rénovation des infrastructures (250 millions de livres).
1997 : construction du court n°1, suivie des courts n°2 et n°3.
2009 : achèvement de la couverture du court central (15 000 places), après trois années de travaux intermittents pour permettre la tenue du championnat.
2012 : fin du premier cycle de rénovations.
2013 : création de la Fondation Wimbledon pour centraliser la gestion des activités caritatives.
2014 : nouveau cycle de rénovations à l'horizon 2025-2030, le montant devant dépasser les 250 millions de livres du plan précédent, afin de conserver la position en tête des championnats mondiaux.
La première étape du nouveau plan sera la couverture du court n° 1, actuellement en phase de conception : les travaux devraient durer trois ans et le toit sera normalement opérationnel en 2019. La forme de ce nouveau toit devrait permettre d'y installer le système de climatisation, nécessaire au maintien de bonnes conditions de température et d'humidité pour la pelouse. Cette installation avait dû être construite en sous-terrain pour le court central, ce qui est à la fois plus onéreux et plus complexe à réaliser.
La gestion de l'espace, saturé pendant le championnat, est également l'une des préoccupations de ce nouveau programme d'investissements. Deux terrains annexes (n° 14 et n° 15) ont été temporairement supprimés afin de construire des vestiaires en dessous.
Le site est ouvert toute l'année, et comprend notamment un musée qui attire environ 100 000 visiteurs par an. En dehors du championnat, il n'accueille pratiquement aucun autre événement (exceptions : Jeux olympiques, Coupe Davis). Le tournoi attire chaque année 500 000 spectateurs, et ce nombre pourrait facilement doubler, tant la demande est forte. Un système de loterie permet de gagner des places, et un quota de billets reste réservé à la vente sur place le jour-même. Le club reste très attaché à cette tradition, qui permet de conserver une certaine mixité sociale dans les tribunes. Le club emploie 150 personnes de façon permanente, tandis que 10 000 personnes travaillent sur le site pendant le tournoi.
Deux ressources contribuent au financement des infrastructures : le loyer payé par la société organisatrice du tournoi et la vente des abonnements (2 500 sièges vendus pour 5 ans au tarif de 25 000 livres, soit une recette de 60 millions de livres sur 5 ans.).
Les autres ressources (droits TV et billetterie) ne financent pas les infrastructures : les profits du tournoi sont intégralement reversés à la Long Tennis Association (LTA), qui décide librement de leur usage.
Il n'y a aucune relation financière avec les collectivités publiques : ni subventions, ni garanties d'emprunt. En revanche, le club travaille étroitement avec les collectivités sur les questions d'urbanisme (réduction des nuisances pour les riverains) et de sécurité (délivrance d'un certificat autorisant la tenue du championnat). Le club mise beaucoup sur la concertation locale pour éviter les recours juridiques qui, en pratique, ne sont pas très nombreux. Les relations avec TFL (l'équivalent du STIF) sont étroites, le site se trouvant à la confluence de deux hubs de transports publics.
Les pays émergents ne sont pas considérés comme une menace dans ce domaine, en raison de l'ancrage historique des tournois du « Grand Chelem », que tous les joueurs du monde rêvent de remporter. Il est en revanche essentiel de continuer à faire ressentir aux joueurs qu'ils participent aux quatre meilleurs tournois du monde (Wimbledon, US Open, Roland-Garros et Open d'Australie), qu'il s'agisse de la qualité des infrastructures, du montant des prix distribués ou des points attribués au classement.
De nombreux investissements sont ainsi réalisés depuis une quinzaine d'années sur ces quatre sites, afin qu'ils puissent conserver leur place dans le peloton de tête. Le sport est devenu un business à part entière : il faut investir et innover « dans la tradition ».
Les neuf autres tournois ATP (Indian Wells, Miami, Monte-Carlo, Madrid, Rome, Canada, Cincinnati, Shanghai, Paris), situés juste en dessous du peloton de tête, développent eux-mêmes d'ambitieux projets d'infrastructures (ex : couverture de six terrains à Madrid).
Il n'existe aucune estimation de l'impact économique de Wimbledon. Les revenus générés par le tournoi permettent de distribuer des primes à tous les joueurs et de financer le développement du tennis au Royaume-Uni.
COMPTE RENDU DES ENTRETIENS
EFFECTUÉS
À TWICKENHAM
Entretien avec MM. Richard Knight (Stadium Director) et Nigel Cox (Head of Stadium Events). Visite avec Mme Helen Pritchard (Stadium Event Manager).
La Rugby Football Union (RFU) a acheté le terrain en 1907 et construit une première tribune en 1908. Depuis, le stade a fait l'objet de plusieurs restructurations, pour atteindre une capacité de 82 000 places. Actuellement, la partie la plus ancienne a été rénovée au début des années 1990 et la plus récente achevée à la fin des années 2000.
Les trois premières tribunes ont coûté 20 millions de livres chacune, tandis que la rénovation de l'aile sud a couté 120 millions de livres. Cette dernière a été conçue pour être utilisée 365 jours par an et intègre :
- un hôtel de 150 lits, dont 6 suites avec vue sur le terrain, transformées en loges à l'occasion des matchs ;
- des espaces pour héberger des conférences et salons professionnels, transformés en salles de réception le jour des matchs ;
- un club de sport Virgin de 1 500 membres ;
- le siège de la fédération.
Le stade accueille en moyenne 1,2 million de spectateurs par an pour des matchs nationaux et internationaux (essentiellement de rugby à XV). S'y ajoutent 300 000 visiteurs annuels au titre des autres activités (concerts, événements religieux). Le prix d'une place varie entre 45 et 95 livres, et 10 000 places sont destinées à être vendues en package VIP dont le prix oscille entre 600 et 900 livres.
La RFU est propriétaire du stade et de ses abords (parcs de stationnement). Elle bénéficie de l'intégralité des recettes du stade. Les matchs internationaux sont la principale source de revenus. Un seul d'entre eux permet de couvrir l'ensemble des charges d'exploitation. La RFU a dégagé un bénéfice de 150 millions de livres en 2013. Ces profits financent les activités sportives (rugby amateur) et les équipements.
LA RFU fonctionne comme une coopérative, dont les activités s'apparentent à celles d'une charity (association à but non lucratif). Par conséquent, il n'y a pas d'actionnaires. La RFU finance elle-même la modernisation des infrastructures, au besoin en ayant recours à l'emprunt. Elle n'est pas endettée, et la dernière opération a été totalement remboursée en 2013. Aucun financement public n'est nécessaire. En revanche, le stade verse une taxe professionnelle et une taxe sur les billets vendus. Les effectifs de la RFU s'élèvent à 550 employés permanents et jusqu'à 3 000 personnes sont mobilisées les jours de match.
Un nouveau programme d'investissements est à l'ordre du jour en prévision de la coupe du monde 2015 : 75 millions de livres vont être mobilisés pour financer le déplacement des écrans (qui seront accrochés au toit afin de libérer 600 places supplémentaires), le remplacement de la pelouse, la modernisation des installations pour les joueurs et la rénovation des espaces VIP .
Le contentieux avec les riverains est presque inexistant. Le stade existe de longue date, les opérations de construction ne concernent que des rénovations. Quant aux nuisances les jours de match, elles sont gérées par un important travail en amont.
Une étude sur les retombées économiques du stade a été conduite en 2005. Ses conclusions sont largement positives. Les opérations de rénovation du stade n'exercent plus d'effet d'entraînement sur le quartier, dans la mesure où celui-ci est déjà entièrement urbanisé. En revanche, la municipalité de Twickenham bénéficie de l'image du rugby, et la RFU s'implique dans le développement des activités locales.
Des marges de progrès existent en matière d'infrastructures de transport. Au départ, le stade a été construit en rase campagne. Il est désormais intégré à un large ensemble urbain, dont la desserte n'est pas optimale : 40% des spectateurs utilisent les transports en commun pour assister aux matchs.
En l'absence de contrainte financière, l'option de nomage du stade n'est pas envisagée, d'autant plus qu'il s'agit d'un sujet fortement émotionnel. Il n'est guère davantage projeté de couvrir le toit : cela ne correspond pas à l'esprit du rugby et ne repose sur aucune rationalité économique pour les autres activités. L'offre de stades (Wembley, Olympic Stadium) est trop développée à Londres pour que cette opération soit rentable.
Entretien avec Son Excellence M. Bernard Emié, ambassadeur de France auprès du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord
La France peut rayonner grâce au sport. Ainsi, Arsène Wenger, le manager du club d'Arsenal, est le sportif français le plus connu en Angleterre. Par ailleurs, le championnat français de rugby est considéré comme le premier au monde.
Les Anglais, pour leur part, ont conscience que la Premier League se situe au premier rang au monde et ils sont fiers de pouvoir faire rayonner des villes qui ne seraient pas connues autrement. Il n'y a pas de crainte en Angleterre d'une mainmise du privé sur le sport et tout est fait pour que les clubs britanniques gardent leur avantage comparatif. À Londres, le stade est au centre de la ville, ce qui explique les nombreux projets éducatifs et sociaux développés par un club comme Arsenal, en particulier dans les écoles. Les clubs anglais ont conscience de leur fonction sociale pour animer les quartiers les plus défavorisés. Il s'agit d'une action volontaire de leur part, qui s'explique également par le moindre rôle social des collectivités territoriales.
La France pourrait utilement s'inspirer du modèle anglais et l'on peut penser que si les collectivités territoriales cessaient de financer les clubs, les acteurs privés ne manqueraient pas de se manifester. Il y a une réflexion courageuse à mener sur le « qui fait quoi ». En Angleterre, la répartition des rôles est très claire. La nécessité pour notre pays de réaliser 50 milliards d'euros d'économies pourrait constituer une opportunité pour remettre à plat le rôle des acteurs en France vis-à-vis du sport professionnel.
Visite de l'Emirates Stadium d'Arsenal en présence de M. Michael Lloyd, Assistant Manager et M. Mathieu Moreuil, directeur de l'action européenne de la première division de football au Royaume-Uni ( Premier League )
La jauge de l'Emirates Stadium est de 60 000 places, ce qui permet d'éviter les sièges vides et de préserver l'ambiance lors des matchs. Le stade a été construit en 2004 pour un coût de 370 millions de livres sterling. Un maximum de trois concerts par an a été autorisé par les autorités locales alors que le club souhaitait pouvoir en organiser six. La pelouse quant à elle est changée chaque année.
Le prix d'une loge VIP dans l'Emirates Stadium peut s'élever jusqu'à 27 000 £ par personne et par an. Le prix des loges collectives s'élève en moyenne à 20 000 £ par an pour une loge de douze personnes, le prix variant selon la localisation et le service demandé.
Le club d'Arsenal a une équipe de six personnes uniquement dédiée au démarchage des entreprises pour vendre les loges et les places premium .
ANNEXE 3 - COMPTES RENDUS DES AUDITIONS
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Jeudi
31 octobre 2013
M. Michel-Pierre Prat,
conseiller maître à la Cour des comptes et M. Alain Serres,
conseiller à la chambre régionale des comptes de
Languedoc-Roussillon
M. Michel Savin, président . - Nous accueillons MM. Michel-Pierre Prat, conseiller maître à la Cour des comptes et Alain Serre, conseiller à la Chambre régionale des comptes de Languedoc-Roussillon, auteurs du rapport public thématique sur les collectivités territoriales et les clubs sportifs professionnels, en lien avec l'objet de notre mission commune d'information. Quels ont été le résultat de votre rapport et ses suites éventuelles ?
M. Michel-Pierre Prat, conseiller maître à la Cour des comptes . - Notre rapport de 2009 concernait d'abord le suivi financier du soutien des collectivités territoriales aux clubs professionnels. Les montants et les modalités dépendent de la taille de la collectivité, de l'importance des clubs, de la discipline sportive, le football bénéficiant généralement de bien plus de moyens que le volleyball ou le handball. Le rapport de forces est défavorable aux collectivités, qui doivent faire face à des demandes d'aide urgente ou de mise aux normes des installations. Nous avons recommandé de mettre en place des outils de chiffrage.
Nous nous sommes intéressés aux relations partenariales entre les collectivités et les clubs ; nous avons recommandé de conditionner l'aide à des contreparties en termes de missions d'intérêt général : formation, lutte contre la violence dans les stades ou initiatives d'intégration. Nous avons constaté une grande confusion entre les clubs professionnels - régis par les ligues - et les associations sportives supports, qui dépendent des fédérations, lesquelles sont titulaires d'une délégation de service public. Il est important de bien distinguer ces deux correspondants des collectivités. Nous ne sommes pas partisans d'une forte modification des plafonds, bien identifiés comme celui de 2,3 millions d'euros pour les concours financier.
Nous n'avons pas procédé à un suivi systématique depuis la publication du rapport en 2009, mais le Sénat a toute faculté de demander au Gouvernement de s'y consacrer. Les contrôles courants fournissent cependant quelques illustrations des conséquences graves qui se manifestent lorsque les relations entre collectivités, clubs et associations sportives ne sont pas équilibrées.
Nous avons recommandé à l'État d'établir un bilan des relations entre associations et collectivités, ce qui à notre connaissance n'a pas été fait par les services du ministère. Nous avons abordé la question de la mise à disposition, par les collectivités, des équipements sportifs. Dans notre enquête, nous avons noté une grande différence entre la France et les autres pays européens, où les clubs sont propriétaires de leur stade, ou les États-Unis, où ils sont franchisés pour quatre ou cinq ans, ce qui évite l'aléa sportif : pas de yo-yo d'une division à l'autre. Les systèmes français, où les collectivités sont propriétaires, comporte beaucoup d'anomalies - mises à disposition à titre gratuit ou presque, absence de convention - qui sont autant de sources de conflits et de contentieux. La collectivité est souvent prise au piège des exigences du club résident.
Nous nous sommes enfin penchés sur le remplacement ou la rénovation d'équipements réalisés dans les années soixante à quatre-vingt et devenus obsolètes, ou ne répondant plus aux normes. Dans la dernière période, la production de nouvelles normes s'était ralentie. D'autres ont pris le relais pour imposer de nouvelles contraintes : je songe aux exigences formulées par l'Union des associations européennes de football (UEFA) pour l'organisation de l'Euro 2016. Même lorsqu'un club assure la construction de se équipements, les infrastructures d'accès restent à la charge de la collectivité : à Lyon, elles ont coûté presque aussi cher que le stade lui-même. Nous ne sommes pas favorables à un bouleversement des textes actuels, mais plutôt à un bilan assorti de contrôles. Nous avions également recommandé à l'État de fixer des principes concernant la redevance pour mise à disposition des installations ; d'imposer le respect de règles prudentielles dans le cas où l'État est sollicité directement ; et même de prévoir dans certains cas des autorisations par le préfet, après audit de la situation financière et juridique.
Nous préconisions seulement deux mesures nouvelles. D'abord, le respect de la règle des quatre C : signer une convention systématiquement, exiger une présentation correcte des comptes, communiquer dans une véritable transparence et contrôler par soi-même l'utilisation des aides consenties, sans attendre l'intervention ultérieure de de la chambre régionale des comptes. Cette règle doit être combinée avec celle des cinq E : efficacité, efficience, économie, expérimentation - signer d'abord une convention renouvelable d'un an, ensuite seulement une convention pluriannuelle - et évaluation. Il serait enfin souhaitable que toute initiative importante soit précédée d'une délibération de la collectivité sur l'ensemble des enjeux, afin que les citoyens soient correctement informés, ce qui aurait aussi pour vertu d'éviter bien des recours et des retards.
M. Alain Serre, conseiller à la Chambre régionale des comptes de Languedoc-Roussillon . - Le suivi du rapport n'a pas pu être fait systématiquement, car nous avions contrôlé plus de cent clubs professionnels ; mais les contrôles effectués par les chambres régionales des comptes depuis lors ont confirmé nos analyses.
Les conventions de subventions d'intérêt général sont trop souvent laconiques. Rien n'est prévu, en général, pour vérifier que les missions d'intérêt général sont correctement assurées. L'Union sportives de arlequins perpignanais (USAP), club de rugby de Perpignan, se bornait, pour retracer l'action de formation, à inclure dans sa brochure une photo d'enfants à l'entraînement - la même photo tous les ans ! À Montpellier, la subvention au titre de la formation reçue par le club de rugby a décuplé l'année où celui-ci a connu des difficultés financières. À Montpellier toujours, mais dans le handball, lorsqu'un grand joueur international est revenu dans son club d'origine, ce retour a été financé par la collectivité.
En Provence-Alpes-Côte d'Azur, la chambre régionale des comptes a recommandé l'augmentation de la redevance d'occupation du stade vélodrome : les travaux de couverture pour l'Euro 2016 ayant occasionné le gel d'un quart des places, la subvention a été divisée par dix. Les travaux dans les onze stades de l'Euro 2016 ont été effectués, pour la plupart, dans le cadre de partenariats public-privé (PPP). C'est un choix dangereux. Au Mans, le club, jadis en Ligue 1, est maintenant en CFA 2 et n'utilise plus le stade, pour lequel la collectivité continue de payer... L'aléa sportif prive les collectivités de réelles garanties.
M. Stéphane Mazars, rapporteur . - Vous avez parlé de rapport de forces pour décrire la relation tripartite entre collectivité, association sportive et club. Pouvez-vous en dire plus ?
M. Alain Serre . - Le club tire sa puissance de l'opinion publique. La collectivité n'a d'autre choix que de le soutenir, sous l'oeil des médias, et pour des raisons de notoriété. Elle est en situation de faiblesse et ne sait même pas précisément quelle utilisation est faite de ses concours financiers, subventions d'intérêt général ou prestations de services : reprise du logo de la collectivité, achat de places, location de loges. Le bloc communal est le premier contributeur, à 80 % ou plus, mais région et département sont également concernés. Les collectivités ignorent si elles dépassent les plafonds, 2,3 millions d'euros pour les subventions et 1,6 million pour les prestations de services - dont le texte ne précise d'ailleurs même pas s'ils sont à comprendre en hors taxe ou toutes taxes comprises. Notre recommandation était donc que les conventions conditionnent le versement des subventions à la réalisation, effective, vérifiable, d'objectifs d'intérêt général.
M. Michel-Pierre Prat . - Certaines collectivités ont commencé à le faire. S'il y a une modification législative à opérer, c'est bien celle-là. Elle faciliterait les contrôles de la chambre régionale des comptes et rétablirait un réel partenariat.
M. Stéphane Mazars, rapporteur . - Ces plafonds doivent-ils être les mêmes pour tous les sports ? Certaines disciplines bénéficient de droits de retransmission audiovisuelle confortables, contrairement à d'autres.
M. Michel-Pierre Prat . - Il est tentant de dire que les grands clubs n'ont pas besoin d'aide. Mais une intervention du législateur dans ce domaine empiéterait sur la libre administration des collectivités territoriales. Les situations sont diverses ; pourquoi interdire la contractualisation avec un grand club, si celui-ci rend un vrai service en retour ? C'est le rôle des élus d'être attentifs. Faisons-leur confiance ! Il semble difficile de faire un tri entre les sports.
M. Michel Savin, président . - Le plafond de 2,3 millions d'euros s'applique-t-il aux seuls clubs ou aussi aux associations ?
M. Alain Serre . - Pour revenir un peu en arrière, le régime des aides devait s'interrompre en 1999. Avant cela, il existait une différence entre le football de Ligue 1, de Ligue 2, et les clubs de sports de salle. M. Prat et moi divergeons sur ce point : cette proportionnalité me semblait bonne. Les subventions ne représentent que 2 à 4 % du chiffre d'affaires des clubs de Ligue 1, contre 70 à 80 % pour les clubs de volleyball ou de handball.
Le plafond de 2,3 millions ne s'applique qu'aux clubs professionnels, les associations sportives étant soumises au régime général des subventions aux associations, qui ne sont pas soumises à limitation pourvu qu'il y ait un intérêt local. Mais il existe souvent une certaine porosité. À Montpellier, l'association sportive, largement subventionnée, achetait massivement des places au club de rugby. Si le club dépasse certains montants de masse salariale et de recettes payantes, il doit automatiquement devenir une société anonyme sportive professionnelle (SASP). Les relations qu'il entretient avec l'association doivent être régies par une convention, mais celle-ci est parfois mal rédigée.
M. Stéphane Mazars, rapporteur . - Ces critères sont-ils pertinents ? Sont-ils toujours bien lisibles sur le terrain ?
M. Alain Serre . - Cette question est derrière nous puisque tous les clubs professionnels se sont transformés en SASP. La distinction entre professionnels et amateurs est désormais claire.
M. Ambroise Dupont . - Les chambres régionales des comptes suivent souvent un thème général pour la France entière lorsqu'elles vérifient les comptes des collectivités : cela a-t-il été le cas pour ce rapport ?
M. Michel-Pierre Prat . - Oui, nous avions retenu un thème général, tout en tenant compte des différences, tailles des communes, disciplines sportives,... Nos recommandations s'appuient sur des études pratiques. Le suivi a été fait par des études ponctuelles, car une étude plus large aurait demandé un engagement fort de toutes les chambres ; mais rien n'empêche le Sénat de demander un nouveau rapport à la Cour. Les contrôles récents montrent que là où nos recommandations ont été appliquées, les relations ont été assainies. Une sécurisation des conventions éviterait bien des catastrophes, y compris sur les garanties - indolores au départ - données par les collectivités. Les contribuables du Mans auront à payer pendant des années encore un stade qui ne sert plus. Je pourrais également citer Beauvais, ou Istres dont le stade est désormais surdimensionné pour un club rétrogradé.
On peut s'interroger sur le projet de la fédération française de rugby de construire un stade de 80 000 places en Île-de-France, où existent déjà le Stade de France, un stade Jean-Bouin rénové, Charléty, et bientôt Nanterre. La fédération cite en exemple les Anglais, propriétaires de Twickenham, alors que ces derniers le sont depuis le début du XX e siècle et que le modèle économique est très différent du nôtre. Un nouveau stade, pour quelques matchs, avec des coûts d'entretien incompressibles, est-il raisonnable ? Je rappelle que la fédération de rugby est titulaire d'une délégation de service public émanant de l'État.
M. Alain Dufaut . - Vous évoquez le manque de suivi financier. Ancien adjoint au sport dans une ville qui abrite un club de rugby de première division, j'ai vu comment les choses se passent concrètement. Les élus sont conviés une fois par an à l'assemblée générale. Si le club est en déficit, les collectivités sont automatiquement amenées à verser une subvention exceptionnelle. Il faut changer ce système qui engendre la dépendance mais ne pas le remplacer par un dispositif de contrôle trop lourd, car les collectivités n'auraient pas le temps matériel de l'appliquer. En outre, les élus ne souhaitent pas donner l'impression qu'ils s'immiscent dans la vie interne du club, au risque de braquer contre eux certains bénévoles.
Autre point : vous n'avez pas évoqué le sujet délicat de la mise à disposition de personnel par des collectivités, qui peinent parfois à vérifier la réalité des temps de travail.
M. Alain Serre . - Une difficulté est aussi que les budgets des collectivités sont présentés en année civile et ceux des clubs en saison sportive. Les délibérations doivent en principe déterminer la saison sportive pour laquelle la subvention est versée, mais ce n'est pas toujours le cas.
Les mises à disposition de personnel sont des subventions en nature, et doivent donc être comptabilisées dans les concours financiers. Vous avez raison de signaler le manque de transparence des clubs à l'égard des collectivités : les rapports des commissaires aux comptes sont souvent peu diserts et si l'on n'a pas accès au rapport spécial, on n'apprend pas grand-chose. Jusqu'au jour où l'on est informé que les fonds propres sont insuffisants et qu'une procédure d'alerte va être déclenchée. Quelle autre solution, alors, que de verser des subventions d'équilibre, qui n'ont pas de réalité juridique ?
M. Michel-Pierre Prat . - Il suffirait de mesures simples, une convention, une obligation de délibération de la collectivité, pour améliorer la situation.
M. Alain Serre . - Actuellement, les problèmes de redevance se règlent devant les juridictions administratives ; la Cour administrative d'appel de Lyon a rendu une série d'arrêts à la suite de recours de contribuables. La jurisprudence nous dit comment procéder pour déterminer le niveau pertinent de redevance : à une part fixe, correspondant à l'amortissement du stade et aux frais d'entretien calculés au prorata de l'occupation par le club résident, doit s'ajouter une part variable fonction des recettes de billetterie. Peut-être la loi pourrait-elle fixer ce mode de calcul ?
M. Michel-Pierre Prat . - Cela fait partie des cinq recommandations que nous avions faites à l'État, plutôt que de toucher aux plafonds. Mais cela demande au ministère des sports un suivi qui n'est pas toujours une priorité pour lui. Or il est important pour les collectivités et les contribuables, car les engagements financiers sont lourds.
M. Stéphane Mazars, rapporteur . - Le décret de 2006 sur les normes sportives interdit aux fédérations d'imposer des normes à portée commerciale. Qu'en pensez-vous ?
M. Alain Serre . - Les fédérations ne peuvent imposer des normes commerciales, mais les collectivités, dans les faits, sont incitées à construire des stades qui donnent satisfaction aux fédérations, sous peine d'une répartition des droits TV défavorable au club résident. L'UEFA, enfin, a imposé des normes étonnantes pour l'Euro 2016 telles que l'épaisseur des sièges d'invités ou la taille des espaces pour le public et les invités.
M. Michel-Pierre Prat . - Nous avons noté un grand progrès dans la connaissance des normes par les collectivités. C'est pourquoi nous n'avons pas fait de recommandation dans ce domaine. Ce n'est pas l'urgence.
M. Michel Savin, président . - Je reviens à votre quatrième C : la communication, la transparence. Comment concrètement empêcher un dérapage comme celui du Mans ?
M. Michel-Pierre Prat . - Une délibération, pour les collectivités, serait l'occasion de communiquer sur les enjeux. Les choses se passent souvent en petit comité et au dernier moment. Une saison se termine, le président du club vient voir le maire : « je ne pourrai reprendre la saison prochaine que si vous m'aidez... ». Je crois au bon sens des citoyens et des élus. Au moins décideront-ils en connaissance de cause.
M. Alain Serre . - Les clubs sont des sociétés privées, avec lesquels les collectivités ont des relations ambiguës. C'est la raison pour laquelle ils veulent devenir propriétaires des stades : c'est un actif dans leur bilan, et un centre de profit, car les équipements comptent maintenant des restaurants, des cinémas, des garderies ou des piscines... Leur situation est étrange : des sociétés privées, dont les moyens de production appartiennent à une collectivité mais sont mis à leur disposition quasi exclusive. Les relations étaient plus claires quand il s'agissait d'acteurs associatifs.
M. Michel-Pierre Prat . - On peut aussi le présenter autrement : ce sont des entreprises privées, dont les contraintes justifient une aide de la puissance publique, laquelle peut avoir certaines exigences en retour.
M. Stéphane Mazars, rapporteur . - C'est aussi un secteur économique de poids, avec des sociétés qui s'apparentent de plus en plus à des fournisseurs de spectacle. Dans leurs relations avec les collectivités, la source de difficulté ne serait-elle pas l'aléa sportif ?
M. Alain Serre . - Le système français, qui veut que le club change de division selon ses résultats de l'année, diffère du système anglo-saxon, où la sélection est fixée pour quatre ou cinq ans. Les franchises comportent toutefois des règles : les salaires sont bloqués par le salary cap , la répartition des droits TV est égalitaire et la draft permet aux clubs les moins bien classés de choisir en priorité leurs joueurs.
Cela ne correspond pas à notre tradition, mais l'aléa sportif est en effet porteur de risque pour le club, et indirectement, pour la collectivité.
Mme Françoise Cartron . - La démarche rationnelle, raisonnable, rigoureuse que vous recommandez et que les élus aimeraient avoir est malheureusement difficile à maintenir dans un domaine où dominent l'émotion, le passionnel, la médiatisation à outrance. C'est du vécu, car je suis élue de l'agglomération bordelaise : si nous n'avions pas décidé de construire un nouveau stade, Bordeaux aurait été exclue de l'Euro 2016, et cela était inconcevable ! Bègles est dans le Top 14 : pour rester dans la course, il lui faut répondre aux contraintes des télévisions et faire des travaux urgents. Je me sens écartelée.
M. Michel-Pierre Prat . - C'est pourquoi nous sommes modestes dans nos recommandations. Avec une présence un peu plus forte de l'État et quelques outils qui pourraient être proposés par la loi, il ne resterait plus que l'aléa sportif. L'argument de la notoriété n'est pas forcément valable. Auxerre justifiait ses investissements en indiquant que le nom de la ville était connu jusqu'en Afrique. Je ne suis pas certain que les ventes de vin sur place en aient été modifiées.
Quelques outils simples, en revanche, pourraient aider les collectivités - et aussi les clubs, qui parfois se bercent d'illusions en oubliant que la notoriété se perd aussi rapidement qu'elle se gagne.
M. Michel Savin, président . - Je vous remercie.
Mme Claudie Sagnac, adjointe au directeur des sports du ministère de la jeunesse et des sports M. Dimitri Grygowski, chef du bureau du sport professionnel et de l'économie du sport, et M. Denis Roux, chef du bureau des équipements
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M. Michel Savin, président . - Nous aimerions que vous dressiez pour nous l'état des lieux des relations entre les collectivités territoriales et le milieu du sport professionnel.
Mme Claudie Sagnac, adjointe au directeur des sports du ministère de la jeunesse et des sports . - Je suis accompagnée de deux de mes collaborateurs, n'ayant pas en charge le sport professionnel dans mes attributions. Ils pourront répondre aux questions pour lesquelles je n'ai pas de réponse.
La politique publique de soutien au sport professionnel a fait l'objet d'une évaluation dans le cadre de la modernisation de l'action publique, tel qu'il l'a été défini par le Comité interministériel de modernisation de l'action publique le 18 décembre 2012. Le comité de pilotage mis en place pour suivre cette évaluation comprenait d'ailleurs des parlementaires. Le rapport définitif est sorti en septembre-octobre 2013.
Le 11 février 2013, le Premier ministre a demandé à la ministre des sports, de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative une évaluation entre le sport et le sport amateur.
Afin de réaliser cette mission conjointe avec le ministère de l'intérieur et le ministère délégué au budget, les trois ministres ont demandé à leurs inspections générales de désigner des inspecteurs ayant en charge, sous la coordination du directeur des sports, les modalités de financement du sport professionnel, la solidarité entre sport professionnel et sport amateur, à travers les différents transferts financiers opérés.
Le diagnostic s'est établi autour de quatre axes de travail. On a vu qu'il était difficile de définir le périmètre de l'évaluation.
La mission s'est attachée à décrire le panorama des acteurs du sport professionnel dans le football, le rugby, le basketball, la natation et le cyclisme.
La mission s'est également penchée sur l'examen des politiques menées en faveur du sport professionnel, afin de déterminer leurs objectifs, leurs leviers d'action et d'examiner les indicateurs et les résultats obtenus.
Enfin, ils se sont livrés à un examen critique de l'impact de l'action publique et de la mesure de son efficience, notamment concernant la gestion des équipements sportifs.
À l'issue du Comité de pilotage du 28 mai 2013 au cours duquel a été présenté le diagnostic, la ministre a demandé aux inspecteurs généraux, par courrier en date du 14 juin 2013, d'approfondir leurs propositions selon trois orientations :
- la gouvernance et régulation du sport professionnel ;
- la solidarité avec le sport amateur et protection de la formation ;
- l'intervention des collectivités, avec la question essentielle du développement et de la modernisation des équipements sportifs.
La mission a présenté 28 propositions. Celles-ci ne conduisent pas à changer radicalement les conditions dans lesquelles sont exercées les activités sportives professionnelles, mais constituent surtout des propositions d'adaptation du cadre réglementaire et financier, avec l'objectif d'assurer la pérennité de l'activité des clubs et l'équité des compétitions, ainsi que le renforcement des instruments de solidarité avec le sport amateur, conformément aux orientations fixées.
Ces propositions pourraient être reprises dans le projet de loi de modernisation du sport que la ministre compte déposer au premier trimestre 2014.
Cinq défis ont été identifiés par la ministre à l'occasion du comité de pilotage :
- le premier concerne la sécurisation du déroulement des compétitions sportives ;
- le deuxième a trait au renforcement de la transparence et du contrôle de l'activité économique des clubs professionnels ;
- le troisième est celui des acteurs évoluant autour des joueurs et des clubs, dont certains participent d'une dérégulation dangereuse ;
- le quatrième consiste à faire des enceintes sportives un outil de développement pour les clubs professionnels ;
- le cinquième est de clarifier et de renforcer les relations, notamment financières, entre les parties prenantes du sport professionnel.
Enfin, l'intervention du ministère revêt essentiellement deux formes. En premier lieu, l'État a d'abord un rôle de contrôle juridique. Le ministère constate par arrêté la conformité des statuts de la ligue avec les dispositions prévues aux articles du code du sport et approuve également la convention liant la fédération à la ligue qu'elle a créée, dont le contenu doit comprendre les dispositions prévues dans le code du sport.
Plus que par la fixation de normes juridiques qui incombent à toutes les administrations centrales, c'est par la régulation que l'État intervient dans le domaine du sport professionnel, sous l'angle d'une régulation juridique par l'encadrement des structures qui régissent le sport professionnel tant au niveau local, les clubs sportifs devant se constituer en sociétés sportives et se soumettre au contrôle d'un organe de contrôle des comptes, qu'au niveau fédéral, avec la gestion du secteur professionnel sous forme d'une ligue et l'adaptation des législations fiscale et sociale, du travail liées à la professionnalisation.
L'État intervient également dans le domaine de la prévention de la violence lors des manifestations sportives et dans d'autres aspects, en particulier la lutte contre le dopage et la lutte contre les fraudes liées aux paris sportifs, en coordination avec les autorités indépendantes mises en place dans ces deux secteurs - Agence française de lutte contre le dopage (AFLD) ou Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL).
La régulation économique conduit à l'encadrement du droit à l'information sportive, à l'encadrement du régime des subventions publiques, à l'agrément des centres de formation des clubs professionnels à qui sont destinées ces subventions, dans le respect de la protection des clubs formateurs et des jeunes stagiaires qui y évoluent, à la fixation des conditions de retransmission et de commercialisation des droits d'exploitation audiovisuelle des compétitions sportives, à la réglementation de l'exercice de la profession d'agent sportif, et à la mise en place de directions nationales de contrôle et de gestion des comptes des clubs.
La question de la régulation du football professionnel est au coeur des analyses menées par plusieurs rapports : rapport d'information sur le fair-play financier, rapport de la mission d'évaluation de la politique de soutien au sport professionnel et des solidarités avec le sport amateur, rapport du groupe de travail pour un football durable ; que la ministre a demandé à M. Glavany de bien vouloir présider. Les conclusions sont attendues d'ici fin janvier. Les propositions de régulation du sport professionnel issues de ces rapports sont étudiées par le ministère et pourraient trouver leur place dans le projet de loi de modernisation du sport.
De manière concrète, la direction des sports s'assure au plan juridique du respect des dispositions qu'elle a édictées ; nous délivrons l'agrément des centres de formations des clubs professionnels avec l'appui de nos services déconcentrés régionaux, les directions régionales de la jeunesse, des sports, et de la cohésion sociale (DRJSCS) et les directeurs techniques nationaux (DTN) qui les contrôlent.
Nous avons délégué au directeur régional l'approbation des conventions signées entre les associations et les sociétés. Ces dernières peuvent être également sollicitées par le préfet dans le cadre du contrôle de la légalité des concours financiers des collectivités territoriales aux clubs professionnels. C'est la circulaire de 2002 qui régit l'ensemble de ces dispositions, tant pour les subventions, avec un seuil maximum, que pour les prestations de services ou concernant l'interdiction d'emprunt.
M. Stéphane Mazars, rapporteur . - Pouvez-vous nous dresser le bilan de la place du sport professionnel dans la société française : poids économique, disciplines concernées, situation du sport féminin ?
Mme Claudie Sagnac . - La direction des sports s'est récemment réorganisée et a créé un bureau spécifique de l'économie du sport et du sport professionnel, une connaissance plus importante de ce sujet était nécessaire.
Les ressources du sport professionnel sont estimées à un peu moins de deux milliards d'euros pour la saison 2011-2012. Plus de 70 % provient du football.
Les ressources du sport professionnel sont essentiellement constituées des recettes de billetterie, de la valorisation des droits TV, du sponsoring et du mécénat. Elles ne constituent qu'une dimension de l'impact économique de l'ensemble du secteur et de l'activité économique et sociale. Le secteur continue à afficher une croissance dynamique et le seul secteur du football bénéficie d'un chiffre d'affaires d'environ 5 milliards d'euros pour la saison 2011-2012, soit environ 25 000 emplois.
Très peu de disciplines possèdent un secteur professionnel féminin. Parmi les sports collectifs, on trouve uniquement la Pro A féminine de volleyball. Quatorze clubs, comptant 133 joueuses, font partie de la ligue nationale de volleyball, constituée en personne morale distincte, qui gère également la Pro A et la Pro B masculine.
La Pro A féminine de basketball compte 14 clubs et 214 joueuses ; elle est gérée par une ligue interne, la ligue féminine de basketball. Au handball, il existe une compétition appelée ligue féminine, avec dix clubs et 103 joueuses. Aucun de ces clubs n'est constitué sous forme d'une société sportive, ne dépassant pas les seuils prévus à l'article R. 122-1 du code du sport. Les recettes s'élèvent à 1,2 million d'euros, pour 800 000 euros de masse salariale. Au basketball et au handball, toutes les joueuses ne bénéficient pas d'un contrat de travail à temps plein.
Il n'existe pas, dans le football ni le rugby, de championnat féminin professionnel, bien que l'Olympique Lyonnais (OL) ait constitué une équipe féminine professionnelle championne d'Europe à plusieurs reprises.
Pour favoriser le développement du secteur professionnel, le ministère est pleinement engagé dans des actions du programme gouvernemental qui visent à l'égalité entre les femmes et les hommes. Lors du dernier comité interministériel du 27 novembre 2012, une série de mesures ont été prises, visant à la féminisation des instances dirigeantes des fédérations sportives, au développement des pratiques afin de corriger les inégalités d'accès, à la féminisation de l'encadrement technique, à la réussite des sportives de haut niveau, et la lutte contre les discriminations et les violences faites aux femmes dans le champ du sport.
Le ministère accompagne financièrement cette opération et met des moyens humains à la disposition des fédérations et des associations, des cadres techniques s'occupant de ces thématiques.
Nous portons une attention particulière au plan de féminisation de l'encadrement, des pratiquants, des juges et arbitres, des sportifs de haut niveau et des dirigeants.
En 2014, nous avons commencé les nouvelles négociations avec les fédérations sportives, 2013 ayant été une année de transition. Nous allons conclure des conventions pluriannuelles sur la période 2014-2017. Ce sera un moment propice pour déterminer les stratégies et les démarches à mettre en place visant au développement de la pratique féminine.
Pour 2013, 5,93 millions d'euros sont fléchés sur la thématique du sport féminin, contre 6 à 7 millions d'euros en 2012, les chiffres n'étant pas encore arrêtés.
Nous espérons que les plans de féminisation demandés aux fédérations et la féminisation de l'encadrement conduiront à un renforcement du sport féminin et, par voie de conséquence, à un développement plus important du secteur professionnel féminin.
M. Stéphane Mazars, rapporteur . - Comment le ministère définit-il le sport professionnel ? On sait qu'il existe des critères à partir desquels on doit passer de la forme associative à la société commerciale. Il n'empêche que nous connaissons tous, sur nos territoires, des associations qui conservent cette forme juridique, faute de pouvoir répondre aux critères. Or, ces clubs associatifs fonctionnent comme de véritables clubs professionnels.
Mme Claudie Sagnac . - La difficulté est en effet de cerner le périmètre du sport professionnel.
M. Dimitri Grygowski, chef du bureau du sport professionnel et de l'économie du sport . - Il existe des difficultés de repérage en matière d'appréciation du secteur économique professionnel. Les chiffres dont nous disposons permettent d'évaluer à 2 milliards d'euros les ressources propres et les droits TV.
Ces ressources ont un impact démultiplié dans l'économie française ; c'est une particularité de ce secteur. Quant au sport dans l'économie française, il existe une mission statistique partagée entre les services jeunesse et sport. Il est évalué à environ 36 milliards d'euros pour 2010-2011, soit un peu moins de 1,8 % du produit intérieure brut (PIB) français.
C'est une définition assez large du poids économique du sport professionnel. Si on raisonne en termes de chaîne de valeur - comme le fait l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) - on est dans une situation intermédiaire, au sein de l'Union européenne. L'intensité économique du sport, en France, serait donc moins élevée que celle de l'Allemagne ou de la Grande-Bretagne. Il y a encore un potentiel important de développement du poids économique du sport en France - et surtout du sport professionnel. C'est à la fois un point positif et un point négatif de ce secteur, qui génère de la valeur ajoutée et des emplois qualifiés.
Mme Claudie Sagnac . - Le ministère a une double approche pour définir le périmètre du sport professionnel. En premier lieu, le sport professionnel est une branche du sport fédéral. Lorsque l'activité fédérale englobe un secteur de pratiques professionnelles, la fédération en fixe généralement les contours, en précisant les compétitions ouvertes aux professionnels. Les sportifs professionnels sont ceux qui participent à ces compétitions.
Ce sont majoritairement des salariés. C'est le modèle dominant que l'on retrouve surtout dans les sports collectifs - basketball, cyclisme, football, handball, hockey, rugby, volleyball.
La seconde approche consiste à identifier les sportifs, en tant que personnes, qui évoluent au plus haut niveau de leur discipline et qui vivent des revenus de leur pratique, souvent en tant que travailleur indépendant. Ils sont rémunérés pour leur participation aux compétitions, et bénéficient de contrats de sponsoring ou de partenariat, mais sans appartenir aux secteurs professionnels du cadre fédéral que j'ai cités. Il s'agit plutôt de disciplines comme le golf, la natation, le tennis, le tennis de table.
M. Stéphane Mazars, rapporteur . - Peut-on identifier la part des aides publiques parmi les ressources allouées au secteur professionnel ?
M. Dimitri Grygowski . - Le chiffre de 36 milliards d'euros que j'ai cité correspond à la dépense sportive française. La moitié est le fait des dépenses des ménages - textile, habillement. Le reste concerne les dépenses publiques, avec une très forte prépondérance des dépenses des collectivités territoriales, pour environ 10 milliards d'euros.
M. Michel Savin, président . - Pouvez-vous cibler ces dépenses ? Cela me paraît une somme très importante !
M. Dimitri Grygowski . - Le partage entre les dépenses d'équipement et les dépenses de fonctionnement est très équitable. Les collectivités territoriales françaises consacrent 5 milliards d'euros par an aux équipements. À titre de comparaison, les dépenses culturelles des collectivités territoriales sont inférieures de 25 % aux dépenses sportives.
M. Stéphane Mazars, rapporteur . - Le ministère mène-t-il avec les fédérations et les ligues une réflexion sur l'aléa sportif ?
Mme Claudie Sagnac . - Une réflexion est menée dans le football, précurseur en la matière, et dans le cadre du groupe Glavany. La façon d'assurer la pérennité des clubs constitue pour nous un souci majeur. On connaît les difficultés qui ont eu lieu au Mans ou ailleurs.
À l'étranger, les clubs sont propriétaires de leurs investissements. Il nous faut trouver un modèle économique différent de celui qui existe actuellement. Le groupe Glavany a tenu une ou deux réunions à ce sujet.
M. Dimitri Grygowski . - Nous avons, dans le cadre de la commission sur le football durable, essayé d'ébaucher un modèle permettant au football français de s'autofinancer et de maximiser l'impact de cet autofinancement sur les territoires. Disposer de recettes annexes permettant aux clubs de limiter la dépendance vis-à-vis des droits TV est un facteur de succès. Il existe toutefois une certaine incompatibilité entre la nécessité de financer les équipements et l'aléa sportif.
L'aléa sportif constitue une des spécificités de l'organisation du sport français au sein de l'Union européenne. La réflexion que nous menons porte sur une modulation théorique de l'aléa sportif dans l'organisation des compétitions, ainsi que sur les conséquences économiques d'une rétrogradation ou d'une moindre performance sportive.
Mme Françoise Cartron . - Vous êtes-vous penchés sur les différences de rémunération des sportives ? J'ai été frappée entre les sommes que peuvent percevoir un basketteur professionnel et une basketteuse professionnelle : c'est une véritable injustice.
Mme Claudie Sagnac . - Nous sommes bien conscients du phénomène.
Il est souvent plus difficile d'obtenir des droits TV pour retransmettre des compétitions féminines que pour diffuser des rencontres masculines. Nous travaillons sur ce sujet avec le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), de même que sur la retransmission des compétitions où interviennent des personnes en situation de handicap - encore que les Jeux de Londres aient permis un grand pas dans ce domaine.
Les salaires des femmes et des hommes ne sont en effet pas les mêmes. Nous avons imposé des quotas concernant les dirigeants, l'accès à des postes de responsabilité et les entraîneurs. En matière de salaires, nous ne disposons pas d'instrument pour faire en sorte que la basketteuse professionnelle soit rémunérée au même niveau que le basketteur. Il faut donc travailler sur ce sujet et étudier ce qui peut être fait.
M. Ambroise Dupont . - Pouvez-vous nous apporter des précisions sur la répartition des 36 milliards d'euros que vous avez évoqués. A-t-on une idée de la part d'argent privé et d'argent public ?
M. Dimitri Grygowski . - La part de la puissance publique s'élève à un peu plus de 40 %. La plus grande partie des dépenses publiques relève des collectivités territoriales, avec une segmentation 50-50 entre les dépenses de fonctionnement et les dépenses d'équipement.
La part du financement privé, au-delà des dépenses des ménages, représente moins de 10 % de la dépense sportive globale, soit environ 3,5 milliards d'euros. On retrouve là les recettes de sponsoring , le mécénat, les accords de partenariat.
M. Stéphane Mazars, rapporteur . - Quelle est l'approche de votre ministère concernant les infrastructures sportives : grands stades ou autre ?
S'agissant du sport en salle, quelle est la politique du Gouvernement en matière d'organisation de grandes compétitions internationales ? Quelles orientations souhaiterait-il que les collectivités prennent concernant le mode de réalisation de ces infrastructures ?
Mme Claudie Sagnac . - Le recensement des équipements sportifs permet au ministère de connaître la situation actuelle. S'agissant des stades, on pense que la France sera à niveau pour l'Euro 2016.
Pour ce qui est des salles, le rapport Constantini est toujours d'actualité. La France manquerait de quelques salles pour organiser des événements de niveau mondial. On peut aussi se demander s'il faut que l'équipement ne soit dédié qu'à la compétition mondiale. À Londres, lors des Jeux olympiques, la piscine a été démontée et est partie remontée à l'étranger.
Cela étant dit, les championnats mondiaux de handball se préparent pour 2017 ; on pense qu'ils auront le même effet que l'Euro 2016 sur les stades...
Au-delà du recensement, on connaît les petits projets qui sont en préparation, dès lors qu'ils ont demandés une subvention au CNDS ; on tient par ailleurs à jour un tableau des grands équipements identifiés pour la préparation, tant au niveau des stades qu'au niveau des salles. Peut-être existe-t-il un manque en natation pour accueillir une grande compétition ou, en sport de glace, un anneau de vitesse. Faut-il que ce soit une infrastructure pérenne, ou peut-on parler d'infrastructures éphémères ? Le modèle doit être étudié au cas par cas...
Pour l'instant, ce sont les collectivités locales qui ont des projets qui s'engagent dans ce type d'investissement. Il faut non seulement assurer celui-ci, mais également le fonctionnement. L'infrastructure ne doit donc pas être surdimensionnée. Le ministère n'a pour le moment pas d'avis prescriptif, les collectivités étant seules maîtres d'ouvrage.
M. Stéphane Mazars, rapporteur . - Réalisez-vous une analyse des partenariats public-privé (PPP) en matière d'équipements sportifs ?
Mme Claudie Sagnac . - Nous pensons que le PPP n'est pas la meilleure des solutions.
Sur les onze stades retenus pour l'organisation de l'Euro, quatre font l'objet d'un PPP : Bordeaux, Lille, Marseille et Nice.
La formule de PPP revêt deux défauts majeurs. Le premier est de présenter des charges financières de long terme qui rigidifient les budgets des commanditaires. On peut parfois affecter à un club un risque trop important, l'aléa sportif pouvant l'amener à ne pas être en mesure de supporter sa part. De fait, c'est la collectivité territoriale ou l'État qui devront alors se substituer à lui.
On paie donc très cher, durant de longues années, sans savoir comment le club va évoluer sur une trentaine d'années.
M. Dimitri Grygowski . - Quel que soit le mode de financement, l'intérêt des clubs sportifs est de saisir cette opportunité pour générer une véritable profitabilité. Ceci suppose un effort de formation du mouvement sportif pour valoriser ses équipements.
M. Michel Savin, président . - C'est un autre métier.
M. Stéphane Mazars, rapporteur . - Pouvez-vous nous dire un mot de la situation du Mans ?
Mme Claudie Sagnac . - Le Mans a été réalisé sous forme de concession, comme le Stade de France. La ville a déjà dû indemniser le concessionnaire, en raison de la descente du club de plusieurs niveaux. Ceci résulte d'un aléa sportif très important et de la précarité du montage financier mis en oeuvre pour la construction de l'équipement. L'analyse du risque n'a peut-être pas été suffisamment approfondie et rigoureuse. Ni la collectivité, ni le club n'auraient pu imaginer que l'on puisse en arriver à un tel résultat.
Il faut donc dé-corréler l'aléa sportif du dimensionnement de l'équipement, et réfléchir à d'autres outils et à d'autres contrats juridiques susceptibles de mieux protéger les collectivités territoriales en cas de rétrogradation. Certains mécanismes pourraient permettre d'amortir cet aléa.
M. Michel Savin, président . - Grenoble est un exemple comparable, à la différence que l'aléa sportif s'est conjugué à l'aléa économique, les partenaires du club ayant quitté celui-ci. C'est aujourd'hui la collectivité qui assume la redevance, soit plus de 1,5 million par an. Comment alerter les collectivités sur de tels risques ?
M. Dimitri Grygowski . - On est là dans le cadre d'investissements consentis par les collectivités territoriales, et à la limite de l'exercice prescriptif. Le parc français ayant été considérablement renouvelé, on a aujourd'hui une idée des bonnes pratiques de financement. À Grenoble, une partie de l'emprunt était indexée sur le franc suisse...
M. Denis Roux, chef du bureau des équipements . - Il est bon de se pencher sur les mauvaises expériences pour en tirer les leçons, mais il en existe aussi de bonnes, comme Le Havre, où le stade a été pensé en amont avec le club. Votre mission pourrait peut-être s'intéresser à cette expérience heureuse.
M. Michel Savin, président . - Pouvez-vous développer ?
M. Denis Roux . - Je ne connais pas le détail du dossier, mais le club du Havre a été associé à la gestion et à la conception même du projet.
S'il y a un conseil à donner aux collectivités, c'est de travailler main dans la main avec les clubs. La collectivité n'est pas uniquement là pour l'infrastructure, le club étant dissocié de l'intendance. Ce doit être, dès le départ, un partenariat solide.
Mme Françoise Cartron . - Les grandes salles peuvent-elles être polyvalentes ?
Mme Claudie Sagnac . - S'agit-il d'une polyvalence dans le domaine du sport professionnel ou de la pratique sportive ?
Mme Françoise Cartron . - Je pense aux grands événements sportifs internationaux, mais aussi culturels, qui ne sont pas légion...
Mme Claudie Sagnac . - Les grandes salles peuvent être polyvalentes, comme le Palais omnisports de Paris-Bercy (POPB), ou Montpellier.
S'il y en a trop, et qu'elles ne sont pas assez distantes, il sera difficile d'avoir un programme suffisant pour les remplir. Celles-ci coûteront donc cher en fonctionnement, et il sera difficile de les amortir. Il faut considérer les choses du point de vue de l'aménagement du territoire.
Pour ce qui est de la polyvalence des équipements et des disciplines, je n'y vois aucun problème.
M. Denis Roux . - Il existe selon moi trois catégories d'équipements sportifs : ceux qui s'adressent au grand public, ceux qui sont destinés aux sports professionnels et ceux qui comportent des équipements de spectacles - concerts, spectacles sportifs. On peut y faire de tout. Les championnats de natation qui se sont tenus à Barcelone ont eu lieu dans une piscine spécialement construite pour l'événement. On était là dans le spectacle, et non dans le sport professionnel.
M. Alain Dufaut . - À Avignon, tous les gymnases sont utilisés en juillet par le festival. Désormais, lorsqu'on fait des réfections ou que l'on crée de nouvelles enceintes sportives, on y intègre les fonctionnalités spécifiques aux activités théâtrales, les vestiaires sportifs pouvant faire office de loges de théâtre.
Mme Claudie Sagnac . -Toutes les villes n'ont pas la chance d'accueillir chaque année un événement tel que le festival d'Avignon.
M. Alain Dufaut . - En effet, mais il faut y réfléchir. L'argent public est ainsi bien mieux utilisé.
M. Ambroise Dupont . - De la même manière, les jeux équestres mondiaux vont se tenir au stade Michel-d'Ornano.
M. Stanislas Bourron, sous-directeur des compétences et des institutions locales à la direction générale des collectivités locales du ministère de l'intérieur
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M. Michel Savin, président . - Monsieur Bourron, pouvez-vous nous dresser l'état des lieux des relations entre les collectivités territoriales et le milieu sportif professionnel ?
M. Stanislas Bourron . - La direction générale des collectivités locales (DGCL) s'intéresse à la compétence sportive des collectivités, le code des sports prévoyant leur capacité à intervenir sur ces questions. À ce titre, elle suit également ces sujets sous l'angle de des règles d'intervention financière des collectivités locales vis-à-vis du monde sportif professionnel. Un certain nombre de dispositions très spécifiques concernent les sociétés sportives. Aujourd'hui, la question est de savoir qui peut intervenir et aider le monde sportif dans cet univers.
Le sujet a été notamment abordé lors des débats à propos de la loi du 16 décembre 2010, qui envisageait de déterminer des compétences exclusives ou partagées, selon les cas. Le sport avait, à cette occasion, fait l'objet de grandes discussions pour savoir si les collectivités devaient toutes, comme aujourd'hui, pouvoir continuer à intervenir - régions, départements, blocs communaux, intercommunalités et communes.
Le gouvernement de l'époque avait dans l'idée de restreindre les possibilités d'intervention à l'un ou l'autre des niveaux de collectivité. Les interventions du monde sportif, amateurs mais surtout professionnel, et les échanges avec les élus ont rapidement démontré que cette piste ne rencontrait pas d'adhésion.
Le choix a été fait de maintenir la possibilité pour les trois niveaux de collectivités locales d'aider le monde sportif sous toutes ses formes, du sport amateur jusqu'au sport professionnel, selon des règles très particulières.
Cette situation peut soulever quelques difficultés. On peut en effet parvenir à des financements croisés, et éprouver des difficultés pour identifier le partenaire privilégié de la structure sportive professionnelle, qui peut aussi jouer sur le fait qu'il existe plusieurs co-financeurs, comme prévu dans les textes.
Le droit, depuis 1999, a strictement encadré les possibilités d'intervention des collectivités en matière de sport professionnel. On peut appliquer un certain nombre de dérogations aux règles d'intervention économique classiques applicables à des entreprises ou à des associations, tant sur le montant des subventions qui peuvent être accordées que sur leurs critères. Elles doivent notamment répondre à un certain nombre de motifs d'intérêt général, qui doivent avoir été déterminés par le règlement. Certains critères sont plus contraignants, comme ceux portant sur les conditions de garantie ou d'aides directes aux activités économiques.
Tout ceci répond à une logique toujours d'actualité : éviter un engagement trop massif des collectivités à l'égard du sport professionnel, assez demandeur d'un engagement financier public important, qu'il s'agisse des équipements ou du soutien aux clubs, qui peuvent représenter des sommes assez importantes.
Est-ce satisfaisant ? Si vous nous auditionnez aujourd'hui, c'est peut-être que vous avez une vision plus modérée de la qualité de notre régime juridique actuel.
Par ailleurs, une mission d'évaluation, dont le rapport a été publié cette année, s'est intéressée à la question de la politique sportive et, notamment, aux relations entre les collectivités et les financements publics du sport professionnel.
L'arrivée de l'Euro 2016 nécessite également une modernisation des équipements sportifs de grande ampleur, qui a fait apparaître les difficultés que l'on rencontre, tant dans les montages que dans le fonctionnement quotidien de ces structures et des sociétés sportives qui les occupent.
Un autre élément d'actualité, très prégnant pour la DGCL, réside dans la question des normes, sujet récurrent mais qui, dans l'univers sportif, a pris une forte ampleur ces dernières années. Cette question concerne l'ensemble du champ, à travers des règlements fédéraux et internationaux - qualité, types d'équipements, conditions dans lesquelles ceux-ci ont été construits ou aménagés. Ces sujets retombent sur les collectivités, qui restent pour l'essentiel propriétaires des équipements publics dans lesquels évoluent les différentes équipes sportives. Ces décisions, prises en dehors des collectivités, vont de fait s'imposer à elles. Si elles ne les appliquent pas, ces dernières peuvent perdre la possibilité de voir leur équipe accéder à un certain nombre de niveaux sportifs, ou limiter leur évolution.
Ceci a fait l'objet d'un travail avec le ministère des sports. Le Conseil national des sports, où siège la DGCL, a souhaité inscrire cette question à son ordre du jour, afin d'avoir une approche plus rigoureuse des règlements fédéraux.
D'autre part, la Commission consultative d'évaluation des normes (CCEN) demeure attentive à ces problématiques, qui représentent des montants d'investissements importants pour les collectivités.
La DGCL et les deux ministères dont elle dépend suivent ces questions avec attention. Il n'en reste pas moins que nous ne sommes pas dans une politique dédiée, le ministère des sports devant jouer tout son rôle dans l'animation et la vie du mouvement sportif national.
Nous veillons à préserver les marges de manoeuvre et les garanties nécessaires pour que les collectivités ne soient pas placées dans une situation d'asymétrie avec le monde sportif, ce qui serait malvenu.
M. Stéphane Mazars, rapporteur . - Pouvez-vous nous éclairer sur le montant des sommes allouées par les collectivités au sport professionnel, qu'il s'agisse des subventions d'équipements ou des subventions versées au titre des contrats de partenariat entre les collectivités et les clubs ?
M. Stanislas Bourron . - Je ne connais pas la réponse. Nous ne disposons pas de chiffrage des subventions de fonctionnement. Nous avons bien évidemment connaissance, concernant les dossiers complexes et lourds qui remontent jusqu'à Paris, des subventions d'investissement qui peuvent être versées, mais nous n'assurons pas le suivi statistique de l'ensemble des subventions versées par les communes ou les intercommunalités en matière d'équipements sportifs ou de subventions de fonctionnement. C'est un travail qui est techniquement possible, mais qui exigerait la remontée automatique des informations de l'ensemble des budgets des collectivités, dont nous ne disposons pas aujourd'hui.
Néanmoins, d'après les différents travaux qui ont pu être menés, les taux de subvention d'un certain nombre d'équipes va de 60 à 100 % de la masse salariale. Ces taux, qui ont été indiqués dans le rapport de la Cour des comptes de 2009, font apparaître que le montant d'interventions publiques peut être très important, selon les types d'activité, mais aussi selon la taille et le type d'équipes dont on parle - sociétés sportives importantes ou associations d'ampleur plus limitée...
M. Stéphane Mazars, rapporteur . - Aujourd'hui, les aides versées par les collectivités sont plafonnées, que ce soit au titre de l'achat des prestations ou au titre des missions d'intérêt général qui peuvent être rendues par les clubs sportifs. Ces plafonds vous paraissent ils pertinents ? Doivent-ils, selon vous, être les même dans toutes les disciplines ?
M. Stanislas Bourron . - Le plafond de 2,3 millions d'euros, pour les missions d'intérêt général, est très encadré. Le fait qu'un secteur d'activité ait déterminé un plafond maximum d'intervention est assez original. Cela me semble assez inédit. Cela signifie que le législateur a souhaité demeurer attentif. Ces sommes, selon le code du sport, ne concernent que des missions d'intérêt général, elles-mêmes listées.
Le droit, à mon sens est assez satisfaisant. Nous n'avons pas de remontées spécifiques demandant une évolution, à la hausse ou à la baisse. Nous avons cependant parfois quelques interrogations sur les conditions concrètes d'application de ce droit.
Le plafond peut toutefois être ponctuellement dépassé, du fait des subventions croisées, ce qui n'est pas normal. Ceci peut toutefois se régler grâce à quelques améliorations organisationnelles, notamment en obligeant les sociétés sportives à présenter l'état réel des dossiers déposés et des subventions obtenues, afin que chaque collectivité puisse se prononcer en toute connaissance de cause, sur la base d'éléments précis.
On sait aussi que toutes ces subventions n'ont pas pour destination finale les missions d'intérêt général prévues par les textes. Il s'agit parfois de subventions de fonctionnement plus globales, qui ne sont pas toujours dédiées à une opération spécifique.
Il n'est par ailleurs pas simple d'effectuer un contrôle sur la subvention en tant que telle. Je pense en particulier au contrôle de légalité, qui exigerait de vérifier, pour chaque subvention, le dossier de demande, afin de s'assurer qu'il répond bien aux critères du règlement. L'exercice est complexe. La question porte plus, à notre sens, sur les conditions dans lesquelles on peut arriver à faire respecter ces dispositions que sur une évolution à propos de laquelle nous n'avons, à ce jour, pas eu de demandes majeure.
On peut, il est vrai, envisager de faire varier ces montants selon les types de sport. On peut aussi prendre en compte l'importance de la commune ou de l'équipe au niveau national, les capacités d'animation d'une grande équipe de football n'étant pas de même nature que celle d'une équipe professionnelle de plus petite ampleur, et pouvant amener des soutiens plus importants.
Le risque, en faisant sauter le plafond, est que les subventions ne soient plus utilisées aux fins prévues par les textes.
M. Stéphane Mazars, rapporteur . - On sait que la mise à disposition d'infrastructures sportives à des clubs résidents doit se faire moyennant redevances. Celles-ci, souvent minorées, ont bien des fois données lieu à litige. Est-il opportun de définir des critères pour fixer ces redevances ? Si oui, lesquels ?
M. Stanislas Bourron . - Il me semble qu'il s'agit d'un problème qui ne concerne pas que le monde sportif. Cette question se rencontre dans la plupart des sujets liés à l'occupation du domaine public, voire à propos des délégations de services publics (DSP).
On sait qu'il existe un enjeu de valorisation du domaine public pour les collectivités, pour qui il s'agit de ne pas « plomber » une activité économique par une redevance insupportable. Ceci peut donc expliquer les raisons pour lesquelles le contrôle des redevances est généralement assez faible.
S'agissant de l'univers sportif, je n'ai pas évoqué la circulaire de 2002, rédigée en collaboration avec le ministère des sports, concernant les concours financiers des collectivités locales au monde sportif, qui était peut-être insuffisante sur ce point. Depuis lors, le code général de la propriété des personnes publiques (CGPPP) est venu rappeler les conditions dans lesquelles les redevances pour occupation du domaine public doivent être établies.
La difficulté réside dans les conditions dans lesquelles ces dispositions sont mises en oeuvre. Le CGPPP n'est pas très ancien ; néanmoins, il a déjà pris en compte ce que les jurisprudences ont pu dire sur la question des redevances. On n'assiste donc pas à une défaillance des bases juridiques : on se trouve face à un équilibre économique précaire, la redevance entrant dans des échanges plus larges, destinés à la déterminer. Je ne prétends pas que ce soit satisfaisant, je constate ce qui se passe.
Il conviendrait que les dispositions liées à la redevance soient appliquées de façon plus stricte. On sait que l'équilibre entre sociétés sportives et collectivités est souvent complexe. Il n'est pas toujours simple d'arriver à identifier précisément quels avantages retirés par la société sportive permettraient de faire varier la redevance.
On constate aussi que le contrôle du juge est assez faible. Il existe une grande marge de manoeuvres, sauf à constater une redevance quasi nulle pour un équipement très important ou surdimensionné. C'est plus rare en ce sens, il est vrai.
M. Stéphane Mazars, rapporteur . - Beaucoup de collectivités locales ou de clubs veulent s'équiper de grandes salles destinées à la pratique du sport, dans la perspective de l'Euro 2016. Quel regard portez-vous sur ces infrastructures sportives - Plan Grand Stade, Aréna - et sur les différents montages juridiques et financiers opérés aujourd'hui ? Quelle est votre vision de la situation à travers l'expérience du Mans ou de Grenoble ?
M. Stanislas Bourron . - Nous sommes très attentifs à tous ces dossiers, la loi de 2011 ayant ouvert un certain nombre de possibilités pour les stades dédiés à l'Euro 2016. C'est ce type d'équipement extrêmement coûteux qui a déclenché le plus d'innovations juridiques de la part des collectivités.
Notre souci est de veiller attentivement au respect des règles de commande publique. L'exercice ne se passe pas si mal, mais les contraintes qui pèsent sur les finances publiques des collectivités ont pu amener à rechercher des contrats de partenariat ou des délégations de service public (DSP) externalisant une partie du coût. Ces montages ont été créés à cette fin, et sont tout à fait légitimes.
La maîtrise d'ouvrage publique de ces gros équipements prenant en charge la totalité de l'investissement est beaucoup plus rare et a tendance à se raréfier. Les montages privé-public sont nécessairement plus complexes et peuvent se révéler plus coûteux s'ils ont été mal préparés. Notre souci est donc de rappeler les règles et les grands principes liés à ce type de contrats. Les DSP doivent ainsi comporter un risque d'exploitation, sous peine d'être considérées comme des marchés. On ne peut donc avoir une DSP dans laquelle l'opérateur ne craint rien quoi qu'il arrive, où la collective locale prend tout en charge. Ceci ne peut fonctionner.
Certains contrats de partenariat peuvent également avoir des coûts qui s'accroissent et qui sont, en volumétrie globale, très importants pour la collectivité. Notre souci est donc de réaliser un travail d'analyse préalable, avec les collectivités qui le sollicitent, concernant les conditions du montage, puis, au moment du contrôle de légalité, si besoin est, de faire valoir les règles applicables, en traiter au mieux les opérations de mise en oeuvre. Beaucoup de contentieux ont été déclenchés localement à propos du stade de Lyon, après l'intervention de la puissance publique. Le soutien de l'État et des collectivités est donc indispensable à la bonne mise en oeuvre des opérations.
Ces outils sont aujourd'hui indispensables, étant donné les volumes financiers à mobiliser sur des opérations de cette nature. On imagine mal qu'une opération puisse se faire en maîtrise d'ouvrage directe, simplement financées par un tour de table de collectivités publiques. La difficulté est d'éviter de tomber dans des montages qui mettent la collectivité locale en situation de difficulté, voire de fragilité juridique, en exposant potentiellement les élus à un risque pénal, si le montage juridique n'est pas conforme.
La pression des grands opérateurs sportifs qui veulent bénéficier de ces équipements est importante. Il faut donc parvenir à trouver le juste équilibre entre le besoin de faire évoluer ces équipements et le respect des règles aujourd'hui applicables.
Les difficultés qu'on a pu rencontrer sont sans doute le fruit d'un déséquilibre dans le choix qui a été fait, ou d'une mauvaise appréciation de la situation. Ces contrats comportent un engagement dans le temps et des clauses de résiliation extrêmement chères. Dès qu'on entre dans un partenariat public-privé (PPP), la collectivité prend donc un risque et doit vraiment réaliser un travail en amont pour éviter de s'engager à long terme dans des choix qui pourraient se retourner contre elle.
M. Michel Savin, président . - Existe-t-il d'autres systèmes que l'on pourrait préconiser aux collectivités ? Celles-ci prennent en effet parfois seules les risques, et se retrouvent confrontées à des aléas sportifs ou économiques, et doivent gérer un équipement sans club résident, ce qui coûte très cher.
M. Stanislas Bourron . - Nous n'avons franchement pas, aujourd'hui, de feuille de route précise à ce sujet. J'ai évoqué le fait qu'une mission a été lancée pour évaluer la politique sportive et l'intervention des collectivités publiques en la matière. Votre propre mission va contribuer à apporter des éléments à ce sujet, et l'on va sans doute s'acheminer vers des évolutions législatives ou réglementaires.
À ce stade, nous n'avons pas de mandat pour faire évoluer ce point. Mon sentiment est qu'il faut éviter de recourir - ce qui a pu être le cas dans un certain nombre de situations - à des outils juridiques afin de leur faire accomplir des choses pour lesquelles ils ne sont pas faits.
Quelle que soit la situation locale, si les choses ne se sont pas passées comme elles auraient dû, c'est qu'on a voulu aller plus loin avec un outil juridique qui n'était pas adapté. Cela se retourne généralement contre la collectivité, ce qui lui est préjudiciable.
Faut-il aller jusqu'à interdire certains types d'outils aux collectivités pour des opérations d'infrastructure sportive ? Je ne sais pas... Faut-il fixer une participation maximale de fonds publics ? Cela nous semble être une position assez dure, la puissance publique intervenant de façon importante sur ces équipements.
Ne doit-on pas aller, demain, vers un modèle bien plus privatisé, où les équipements publics d'ampleur nationale seront totalement financés par les clubs concernés ? Même si on arrivait à cette solution extrême, qui peut exister dans certains pays étrangers, les collectivités locales seraient nécessairement sollicitées. À Lyon, il a fallu intervenir du fait de l'existence d'un maillage global - aménagement urbain, transports, insertion économique, réflexion globale sur l'aménagement du territoire. Cela ne peut se faire de façon exogène vis-à-vis du fonctionnement des collectivités publiques. Un système totalement privatisé exigerait de toute façon un partenariat étroit entre l'opérateur privé et la collectivité publique, qui lui est nécessairement associée, du fait de ses compétences de base.
Par ailleurs, on voit aussi évoluer les modèles de ces infrastructures. Le temps du simple stade semble, pour l'univers sportif de haut niveau, de plus en plus éloigné. On voit arriver des modèles bien plus complexes, comme les arénas, très développées, à l'étranger. Le sport tient une certaine place dans cette logique, mais cela devient un équipement sportif, culturel, et économique très important. On profite en fait de l'attractivité du site pour installer autour un certain nombre de services annexes, voire des bureaux ou des logements, l'équipement sportif devenant un lieu de développement de la ville et d'aménagement urbain.
Il ne me semble pas envisageable que les collectivités locales, dont c'est une des missions premières, ne soient pas en première ligne dans la définition de tels projets et dans leur accompagnement. L'intervention publique garde là tout son sens, au-delà du problème du strict financement de l'équipement sportif et du montant sur lequel on intervient.
C'est peut-être cette complexité qui a amené à durcir les mécanismes juridiques. Aujourd'hui, les DSP et les contrats de partenariat sont des outils qui permettent, si l'on s'y tient, de répondre aux besoins. On doit éviter trop d'ingéniosité, comme on peut encore parfois en rencontrer.
M. Stéphane Mazars, rapporteur . - Le ministère des sports prépare une loi pour le début 2014. La DGCL y est-elle associée ? Si c'est le cas, va-t-elle faire en sorte de permettre aux collectivités territoriales de participer au développement du sport professionnel, en protégeant mieux les partenaires ? On nous a parlé de rapports de force au détriment des collectivités.
M. Stanislas Bourron . - Oui, nous sommes associés à la loi que doit présenter le ministère des sports, qui nous a saisis d'orientations. Je ne sais si ce texte sera voté début 2014 ; à ce stade, on en est encore à des orientations sur lesquelles va devoir se développer un travail interministériel. Les réflexions du ministère répondent pour partie aux interrogations que vous pouvez avoir. J'ai relevé parmi elles quelques éléments.
Le premier rejoint la question des risques de concurrence d'équipements sportifs. Il s'agit là d'une logique de schémas. Nous sommes plus dubitatifs pour ce qui est des logiques « régionalisantes », consistant à préconiser l'endroit où tel ou tel équipement serait le mieux situé. Ceci poserait par ailleurs des problèmes constitutionnels de libre administration...
La planification de ces équipements doit se faire dans le cadre d'un échange entre les différents niveaux - sauf à changer complétement les règles du jeu. Dans la mesure où tout le monde est en mesure d'intervenir, ou de subventionner des équipements, il convient de participer et d'échanger. Certains schémas peuvent comporter des politiques de développement sportif, qui constituent des moyens de subventionnement différents.
On n'a guère avancé s'agissant du croisement des subventions, mais cela pose la question de savoir si l'on doit limiter la possibilité de financements croisés de ces projets en identifiant un partenaire privilégié. Pourquoi pas ? On peut envisager une logique de chef de file. Cela soulève également la question des compétences de chacun : tant qu'une collectivité est compétente, elle peut toujours intervenir financièrement. Enfin, on va aussi travailler sur les conditions d'agrément des installations sportives.
Un autre élément peut vous intéresser : il s'agit de la question des centres de ressources, d'expertise et de performances sportives (CREPS). Le ministère des sports souhaiterait voir évoluer ce modèle, avec une forme de décentralisation des équipements et des agents, dans une logique proche de celle des établissements publics locaux d'enseignement (ÉPLE), décentralisant aux régions les 16 CREPS qui subsistent aujourd'hui. Cette réflexion avance. Je ne sais quel sera le support, si support il doit y avoir.
Quant à l'adhésion des collectivités territoriales aux fédérations sportives, cette possibilité, qui a peut-être déjà été écartée, me laisse dubitatif à titre personnel. Comment une collectivité locale, personne morale, pourrait-elle être présente dans une fédération sportive ?
Cela répond à l'idée de mieux faire valoir le point de vue des collectivités locales en amont, dès la fédération, ce qui est intéressant vis-à-vis de la problématique des normes, dont on voit bien qu'elles pèsent beaucoup sur les collectivités.
Ceci ne réglera pas pour autant le problème, car c'est au niveau international que se décide une partie de ces normes, les fédérations françaises n'ayant qu'un rôle de déclinaison. Je ne crois pas que le projet de loi puisse prévoir que les collectivités publiques françaises siègent dans ces fédérations. C'est là une limite.
Il y a parfois aussi un certain mélange des genres. Vous évoquiez la difficulté à se faire entendre de certaines sociétés sportives. Il n'est guère aisé, lorsqu'on est trop impliqué, de se comporter en partenaire à part égale.
Mme Françoise Cartron . - Certaines fédérations imposent aux petites communes des normes ahurissantes et déconnectées des réalités, qu'il faut mettre en oeuvre en trois mois, comme un passage souterrain pour accéder au terrain de jeu, par exemple ! C'est ce qui explique le souhait des élus locaux de faire entendre leur voix.
M. Stanislas Bourron . - C'est pour nous une préoccupation quotidienne, qu'il n'est pas toujours simple de faire entendre - mais j'ai bon espoir. Le ministère des sports réorganise ses mécanismes depuis quelques mois, en laissant aux élus une place plus importante dans le cadre du Conseil national des sports et de la Commission d'examen des règlements fédéraux relatifs aux équipements sportifs (Cerfres). Cette dernière voit passer tous les règlements sportifs fédéraux. Elle est maintenant présidée par un élu et doit, à notre sens, permettre de stopper les évolutions les plus problématiques.
On dispose depuis quelque temps d'un mécano permettant d'intervenir en amont, ainsi que vous le souhaitiez, sans entrer dans la fédération. Il est en effet désormais possible de faire valoir l'impossibilité de réaliser certains travaux, soit au regard de leur volume, soit au regard des délais demandés. Il faut que les élus désignés pour siéger dans ces instances soient les parfaits représentants des collectivités dont ils émanent, afin d'imposer leurs points de vue.
Il peut parfois exister des conflits entre certaines logiques d'amélioration des équipements sportifs ou des savoir-faire, et les contraintes matérielles qui nous rattrapent tous, particulièrement en ce moment.
Les collectivités locales appelées à siéger dans ces instances doivent être très attentives : elles pourront ainsi limiter - voire supprimer - les dérapages qu'on a pu identifier.
M. Michel Savin, président . - Quels points notre mission pourrait-elle mettre en avant ?
M. Stanislas Bourron . - Votre mission, dans son principe, et dans les thématiques que vous avez souhaité aborder, touche à des thèmes importants. Il serait intéressant qu'elle puisse, sans risque, ni contentieux, parvenir à fournir un cadrage aux collectivités et aux opérateurs sportifs, afin de faire évoluer les infrastructures. Peut-être faut-il aussi établir des recommandations prudentielles ?
La libre administration, constitutionnellement reconnue pour les collectivités, nous amène cependant à être réservés à propos de mesures trop contraignantes - interdiction de subventions, délimitations drastiques... Le droit ne l'interdit pas, mais il faudrait éviter de tomber dans des situations contestables. Les collectivités doivent, si elles sont compétentes, pouvoir intervenir avec une relative marge de manoeuvres, le législateur pouvant les contraindre, mais dans une mesure répondant à l'intérêt général.
Difficile, donc, d'échapper à toute intervention. Cela pourrait régler beaucoup de débats, mais semble compliqué - sauf à considérer que les collectivités n'ont plus à intervenir en matière sportive. Je pense que notre pays aurait quelque difficulté à survivre à une telle évolution.
Mercredi 6 novembre 2013
M. Claudy Lebreton,
président de
l'Assemblée des départements de France (ADF)
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M. Michel Savin, président . - Monsieur le président, quelle est votre vision des relations entre les collectivités territoriales et le monde du sport professionnel ?
M. Claudy Lebreton, président de l'Assemblée des départements de France . - Tout d'abord, merci d'avoir invité l'ADF à s'exprimer sur le sujet qui est le vôtre, qui fait suite, si ma mémoire est bonne, à un rapport de la Cour des comptes.
Le sport est une compétence partagée, qui n'a jamais été clairement définie dans les lois de décentralisation. Les choses se sont organisées avec le temps. Le mouvement sportif lui-même épouse souvent totalement l'organisation territoriale de la République. Il n'a pas été nécessaire de créer des compétences, de les préciser ou de les clarifier.
De fait, en fonction des départements, de leur histoire, de leur situation économique et sociale, les politiques sportives se sont nouées au fur et à mesure du temps. Il y a dans cette compétence, comme dans d'autres, une situation que je ne puis toutefois qualifier d'homogène, même s'il existe de grandes lignes que l'on retrouve un peu partout.
C'est dire le lien des départements et du sport avec les institutions du sport que sont les comités départementaux, qui oeuvrent dans chaque discipline sportive, et le Comité départemental olympique et sportif français (CDOSF).
Sur les 10 milliards d'euros que mobilisent chaque année les collectivités territoriales, plus de 8 milliards d'euros viennent du bloc local. Les intercommunalités investissent depuis peu le monde du sport ; on les retrouve plus dans les équipements que dans le fonctionnement, même si certaines interventions se font maintenant dans le milieu du sport professionnel. Les départements interviennent quant à eux à hauteur d'un milliard d'euros et plus.
En matière d'équipements, il existe un accompagnement des départements au titre de l'aménagement du territoire ; ceux-ci apportent leur contribution avec d'autres - l'État, les régions ou l'Europe - en matière de stade et de salles.
Nous sommes également présents dans tout ce qui concerne l'organisation et l'animation (comités départementaux, football, basketball...), ainsi que dans les sports scolaires, du fait de nos compétences en matière de collèges, de sport santé et de sport nature. Tout ceci est lié au volontarisme de chaque assemblée départementale. On rencontre, en France, tous les cas de figure possibles. Difficile pour nous d'être exhaustifs à propos de cette question.
Vous m'avez demandé de centrer mon propos sur le sport professionnel. On y retrouve des pratiques et des disciplines comme le football, mais aussi des clubs de basketball, de volleyball, de handball, de cyclisme, le cyclisme étant financièrement supporté par les villes en Bretagne et notamment dans les Côtes-d'Armor.
Les départements financent également les stades, les grands équipements sportifs, les salles départementales de sport, les grands équipements tels que les piscines de compétition. Ils peuvent également participer au financement de centres de formation d'éducateurs ou d'entraîneurs.
Dans un certain nombre de cas, peu nombreux il est vrai, certaines équipes professionnelles jouent dans de petites villes. Il peut alors arriver que le financeur local qui a le plus de moyens soit le département.
Ainsi, le club de football « En avant de Guingamp », qui joue en championnat professionnel de première division dans une ville de 8 000 habitants, n'aurait jamais vu le jour sans le conseil général des Côtes-d'Armor. Le stade de 20 000 places est financé par un syndicat mixte à 55 % avec les collectivités locales. La ville a peu de moyens financiers. Le bloc local n'a pas la capacité de porter un sport à ce niveau.
Je pourrais aussi prendre l'exemple du club de basketball de Saint-Brieuc, en première division nationale, dont le plus gros financeur public est le département. La capacité financière de Rennes, Lorient ou d'autres grandes villes n'a rien à voir avec celle des départements.
Je suis passionné par ce sujet. On a connu dans le passé des périodes assez flamboyantes, où les collectivités intervenaient dans le fonctionnement des clubs professionnels, qui n'avaient alors pas de statut de sociétés anonymes, ou autres, comme aujourd'hui. J'ai connu, il y a vingt ans, la période où les clubs était portés par des sociétés d'économie mixte (SEM).
J'observe que nombre de collectivités territoriales, pour des raisons financières ou politiques, voire éthiques, se sont désengagées et ont permis aux clubs de trouver un certain nombre de subsides qui ne proviennent pas de la collectivité publique. S'agissant du basketball, le volleyball ou le handball, les choses sont beaucoup plus compliquées. La part du financement des clubs publics peut atteindre 30, 40 ou 50 %. On y retrouve la ville, le département, et, parfois, la région.
Au-delà des aspects financiers, il existe une multitude de moyens d'accompagnement. Dans le sport amateur de haut niveau, semi-professionnel, certains joueurs sont employés par les collectivités territoriales. On les recrute dans le cadre d'un emploi contractuel. En contrepartie, ils assument une fonction. Notre créativité en la matière est sans limite.
M. Alain Néri . - Nous manquons surtout de courage !
M. Claudy Lebreton . - Peut-être, mais c'est largement partagé, à droite comme à gauche !
Il me paraît aujourd'hui souhaitable de reconsidérer les politiques publiques de développement du sport dans notre pays, notamment la participation des collectivités. Je pense qu'il faut revenir à certaines valeurs et à certains fondamentaux concernant le sport de masse, la distinction entre sport de haut niveau et sport semi-professionnel n'étant guère aisée. On est là dans une zone qui peut apparaître un peu floue. Faut-il y réglementer ou légiférer ? C'est de votre responsabilité, mais c'est une réalité à laquelle nous sommes confrontés.
Il m'est difficile d'affirmer qu'il existe une politique unique. Cela dépend de chaque territoire, aucun n'ayant la même réalité économique, sociale, ou financière. Chacun est donc obligé d'apporter des réponses différentes. Ainsi, le club de Luzenac, ville d'Ariège de 2 000 habitants, bénéficie-t-il du soutien de l'entreprise de talc Morange.
C'est pourquoi il convient de définir les grandes lignes si l'on veut y voir clair.
M. Stéphane Mazars, rapporteur . - Vous avez indiqué qu'on pouvait difficilement parler de schéma unique dans les relations entre les départements et le sport professionnel. Certains éléments objectifs s'imposent cependant à tout le monde, notamment le niveau des aides publiques apportées aux clubs professionnels. Estimez-vous qu'il faille changer les choses ?
N'y a-t-il pas un problème de lisibilité par rapport à ces aides ? On ne doit pas franchir certains seuils, mais il est parfois difficile pour une collectivité de savoir ce que fait son voisin. Vous semble-t-il opportun de légiférer et de modifier le système actuel ?
En second lieu, avez-vous connaissance de la manière dont les choses se passent dans les relations entre la collectivité et un club professionnel ? Les conventions sont-elles bien suivies ? Est-on capable d'avoir du recul et une parfaite lisibilité par rapport à ce que fait un club professionnel, en contrepartie de la subvention qu'il reçoit ? Le système actuel ne vous semble-t-il pas devoir être amélioré ?
M. Claudy Lebreton . - Je suis assez effaré de la façon dont certains présidents gèrent leur club, surtout lorsqu'ils sont chefs d'entreprise. S'ils gèrent leur entreprise comme leur club, il y a lieu d'être inquiet. C'est tellement passionnel, et de moins en moins rationnel, que l'on peut en arriver à faire n'importe quoi.
Un principe doit être totalement respecté, celui de la transparence. On ne peut plus accepter qu'un certain nombre de choses se fassent dans l'opacité la plus totale. Cela peut conduire à des aventures. Certaines collectivités s'y sont malheureusement un peu trop aventurées. C'est humain.
Je pense qu'il faut étudier la façon dont on pourrait apporter de la transparence dans le sport professionnel. Je parle d'expérience. Je me souviens d'une mauvaise gestion d'un club de football professionnel que le conseil général a mis en lumière : le club a été obligé de s'arrêter de fonctionner et des poursuites ont même été engagées contre les dirigeants, les élus, garants des deniers publics, ayant estimé que cela ne pouvait durer.
Le sport professionnel est-il un spectacle, une entreprise économique ? Les clubs de Sochaux, de Guingamp ou autres n'évoluent pas dans le même monde que l'Olympique Lyonnais (OL), Marseille ou Paris. L'approche du financement est complétement différente. Je trouve personnellement assez sain qu'il existe encore, dans le sport professionnel, des personnes qui parient sur la formation des jeunes, mais un certain nombre de clubs ne sont plus dans ce champ. Il faut organiser la transparence.
Ce n'est pas aux collectivités de financer le sport professionnel. Les équipements sont de notre responsabilité : que des collectivités, pour des questions d'image et d'intérêt économique, proposent certaines prestations, ou que cela puisse servir à des opérations exemplaires, comme pour le sport scolaire - à condition que ce soit par conventionnement - pourquoi pas ? Toutefois, selon moi, il faut veiller à mieux organiser la relation entre l'argent public et le sport professionnel. Je pense que beaucoup partagent mon point de vue. Certains présidents de département, ici présents, peuvent en témoigner, comme Jean-Jacques Lozach ou Rachel Mazuir.
M. Stéphane Mazars , rapporteur . - Parvenez-vous à identifier le niveau de dépenses liées au sport professionnel ?
M. Claudy Lebreton . - Nous n'avons pas mené d'enquête sur le sport professionnel. Le fait que vous vous soyez saisis de ce sujet va nous permettre de conduire une étude sur l'intervention des départements en la matière.
M. Stéphane Mazars, rapporteur . - Sera-t-elle achevée avant le mois de mars ?
M. Claudy Lebreton . - Oui.
M. Stéphane Mazars, rapporteur . - Arrive-t-on à mesurer les retombées économiques en faveur d'un département ? Votre propre cas peut-il être présenté ? Qu'amène l'activité de spectacle sportif aux territoires ?
M. Claudy Lebreton . - On peut considérer qu'un club professionnel structuré sur le plan économique est une entreprise de spectacles sportifs. Le club de Guingamp constitue une PME de 60 salariés. Allez interroger les bars et les restaurants de la ville un soir de match : ils vous diront que c'est certainement la meilleure recette du mois ! Cela génère donc une certaine activité économique. Il faut consulter les économistes du sport qui ont écrit sur le sujet.
Je serai plus prolixe à propos des événements sportifs et, en particulier, des retombées du Tour de France, ayant organisé un championnat de France de cyclisme professionnel qui a drainé 120 000 personnes. Les retombées peuvent aller d'un à dix, voire d'un à vingt par rapport à l'investissement public. En termes d'image, c'est incontestable. La ville de Guingamp serait-elle connue en France sans son club de football professionnel ? Une campagne de communication, pour arriver à un tel niveau de notoriété, aurait coûté bien plus cher.
Le sport professionnel a incontestablement une influence économique positive sur les territoires. C'est ce qui explique que beaucoup d'élus, quelle que soit leur sensibilité politique, soient assez sensibles à ce phénomène.
Je ne veux pas aller plus loin, car cela pourrait nous entraîner, au-delà du sport, dans des questions très philosophiques pour notre société.
M. Stéphane Mazars, rapporteur . - Que pensez-vous de l'aléa sportif, qui fragilise le modèle économique, comme au Mans, ou à Grenoble ? N'existe-t-il pas un risque pour les partenaires des clubs, notamment les collectivités, d'accompagner ce développement sportif, les investissements pouvant être réduits à néant si le club se trouve relégué ?
M. Claudy Lebreton . - Quand on pense au sport professionnel, c'est le football qui vient à l'esprit. On ne pense pas au basketball ou aux autres sports.
Dans les grandes villes, le département n'est pas en première ligne. Certaines collectivités sont au plus haut niveau depuis des années. Sur trente ans, les clubs bougent peu. On retrouve les mêmes. Certes, il existe des exceptions, mais les choses restent assez stables.
Il est vrai que cela représente un risque pour un certain nombre d'équipements. Toutefois, Guingamp, en 25 ans, n'est jamais descendu en dessous du national. La rentabilité sur 25 à 30 ans est donc assurée. Dans d'autres cas, cela peut poser certains problèmes.
Le Mans dispose de suffisamment d'atouts pour revenir, avec le temps, plus sûrement qu'une ville de 50 000 habitants. Certaines d'entre elles, qui ont peu de moyens financiers, jouent parfois à un haut niveau pendant quelques années, et réussissent à financer un club, un équipement, mais la chose pour elle est plus risquée que pour d'autres.
M. Alain Néri . - On aborde là un problème extrêmement important, au vu des dérives qui gangrènent le sport professionnel.
Le sport professionnel est aujourd'hui constitué d'entreprises internationales, qu'il nous est difficile de contrôler. Quand des sommes considérables circulent, on est en droit de se poser des questions. Lorsque les clubs sportifs professionnels se tournent vers les collectivités locales, alors qu'ils sont capables de dépenser sans compter et sans contrôle, on doit s'interroger. Même si la direction nationale de contrôle de gestion (DNCG) exerce une surveillance, cela n'empêche pas les aventures.
Si les conseils régionaux, les conseils généraux ou les villes ne mettaient pas dans ces entreprises l'argent public qu'ils y placent, cela n'empêcherait pas ces dernières de fonctionner. Il s'agit de doses homéopathiques. Même la subvention de la mairie de Paris au Paris Saint-Germain (PSG) ne doit représenter qu'une partie infime de ses ressources. De plus, je ne suis pas sûr que les collectivités soient en mesure de contrôler l'utilisation de l'argent public qu'elles versent.
Vous avez par ailleurs évoqué le sport amateur. On ne doit pas l'opposer au sport de haut niveau. L'un et l'autre se nourrissent mutuellement. En outre, le sport amateur est dans une période particulièrement difficile, et connaît une baisse des licenciés, particulièrement dans le domaine du football. Certes, elle peut s'expliquer par une offre de disciplines plus grande. Néanmoins, en France, 3 000 clubs de football amateurs ont disparu en deux ans. Quelques clubs professionnels dotés de moyens exceptionnels qui jouent en national Ligue 1 ou 2 n'ont plus ni ressources, ni sponsors, ni spectateurs.
Ceci pose un grave problème, car on est en train de tarir la source. Il existe des clubs de national dans l'incapacité de parvenir à la fin de la saison, faute de pouvoir effectuer des déplacements. Il en va de même pour le basketball : comment des clubs de national II ou III de Clermont-Ferrand peuvent-ils faire pour aller jouer en Corse ?
Si les collectivités veulent participer au financement des clubs sportifs professionnels, elles ne doivent donc pas utiliser la ligne « sports », mais la ligne « communication ».
M. Jean-Jacques Lozach . - Demain, dans les grandes villes, les stades de football ne seront plus seulement enceintes sportives, car on se dirige actuellement vers des sites multifonctionnels. En la matière, la France a d'ailleurs pris beaucoup de retard par rapport aux autres pays européens. La baisse des droits de retransmission va d'ailleurs dans le sens de la multifonctionnalité des stades.
Un débat a eu lieu en 2011, à l'Assemblée nationale et au Sénat, au sujet de la formule administrative la plus appropriée concernant la relation entre une collectivité et la construction d'un équipement sportif, en particulier dans la perspective de l'Euro 2016, avec tout un débat sur les baux emphytéotiques administratifs (BEA). Quelle est, à vos yeux, la formule la plus adaptée entre le tout privé, le tout public et les BEA ?
En second lieu, on sait que les collectivités locales sont les premiers financeurs publics du sport en France, avec l'État, le monde sportif et les entreprises. Pensez-vous que les collectivités soient, de manière générale, suffisamment représentées dans les instances sportives, en particulier au conseil d'administration du CNDS ?
Enfin, les centres de ressources, d'expertise et de performance sportives (CREPS) ont connu beaucoup de restructurations, voire de disparitions. Pensez-vous que l'interlocuteur des collectivités doive être uniquement la région, ou voyez-vous les conseils généraux s'impliquer dans ce type d'établissement public ?
M. Rachel Mazuir . - Quand on parle de sport professionnel, peut-on mettre toutes les disciplines dans le même panier ? Toutes les rémunérations ne sont pas identiques à celles qu'on rencontre dans le football. Certains sports attirent le monde économique plus facilement que d'autres.
Le football compte environ 2,5 millions de licenciés, alors que le handball, le basketball, ou le rugby n'en comptent que 400 000. Les joueurs qui évoluent en CFA 1, voire en national, perçoivent 1 500 à 2 000 euros par mois, pour un très haut niveau technique.
Quand le département de l'Ain alloue une subvention d'un million d'euros aux petits clubs, qu'il s'agisse de football ou de basketball, c'est pour venir en aide à tous ceux qui sont derrière, tels que les jeunes joueurs ou les bénévoles. D'ailleurs le département fournit très souvent l'Olympique Lyonnais en joueurs professionnels de hauts niveaux. Apporter une subvention de ce type ne me gêne pas, à condition de rester bien sûr dans les règles.
Pour le cyclisme, les choses sont un peu différentes. Selon moi, il faut inscrire le Tour de France au patrimoine national. Amaury sport organisation (ASO) est la première entreprise mondiale dans ce domaine. Toutefois, on ne nous demande pas notre avis pour passer dans le département, au prétexte que les routes sont gratuites. Il y a deux ans, cela nous a coûté 170 000 euros pour quelques heures, sans que cela nous rapporte quoi que ce soit. Il en va de même pour les clubs de deuxième division, qui voyagent en avion et ne restent plus sur place.
Cette année, le passage du Tour de France va à nouveau coûter 170 000 euros. Toutefois, ASO ne publie par ses résultats. J'ai appris par hasard qu'en 2010, après impôt, ASO avait distribué 21,6 % du chiffre d'affaires à ses actionnaires. C'est ce qui me gêne : il faudrait que la société participe un peu. Quand j'aurais l'occasion de revoir M. Prudhomme, je lui demanderai de participer un peu ou de ne pas venir aussi souvent.
Mme Michelle Demessine . - Si on mélange le football avec les autres disciplines, on ne s'y retrouvera jamais. Il faut donc placer ce sport à part. Je ne sais si vous partagez cet avis...
Globalement, je pense que le sport professionnel apporte une certaine dynamique. On parle beaucoup de ses inconvénients, mais il faut également considérer ses avantages.
Pensez-vous par ailleurs qu'il soit important de rendre les filières plus visibles ? Presque tous les sports professionnels sont issus d'une filière, en lien avec les clubs locaux, mais aussi les spectateurs.
Le mot de « spectacle sportif » n'est pas un gros mot. Les équipes professionnelles dont nous parlons rassemblent dans nos villes un grand nombre de spectateurs tous les quinze jours. On se pose beaucoup moins de questions sur l'utilisation des subventions qu'on alloue au secteur de la culture, alors que le sport réunit des centaines de personnes dans les salles et sur les terrains.
La question qui se pose est celle de la relation entre la collectivité et les clubs professionnels, qui a besoin de s'améliorer. Je suis adjointe aux sports à la mairie de Lille, qui compte de nombreux clubs, auxquels on peut ajouter ceux de la communauté urbaine. Je pense que le sport professionnel, en dehors du football, a besoin de se doter de structures de fonctionnement beaucoup plus performantes, même si les DNCG ont apportés beaucoup de sécurité dans ce domaine.
Ne pourrait-on exiger des garanties en la matière lorsqu'un club atteint un certain niveau de professionnalisme ? Bien souvent, tout est entre les mains du président.
Il faut aussi se pencher sur les problèmes de démocratie interne, ce qui pourrait résoudre bon nombre de difficultés. Quel est votre sentiment à ce sujet ?
M. Alain Néri . - On mélange les sujets. Les structures relatives aux clubs professionnels ont été mises en place lorsque Roger Bambuc était ministre des sports. Je suis d'ailleurs l'auteur de l'amendement qui a créé les sociétés à objet sportif. Jusqu'à cette époque, les sociétés amicales de petites communes comme la mienne avaient le même statut associatif que les grands clubs. C'était totalement aberrant. Aujourd'hui, le club professionnel a un statut de société à responsabilité limitée (SARL). On trouve, à ses côtés, une association qui porte le même nom, assure l'animation et s'occupe des jeunes et de la formation.
Le financement par les collectivités d'associations chargées de la formation et de l'éducation populaire est un sujet différent du financement d'une société à objet sportif, qui possède un statut du club professionnel. Une telle société n'a pas un fonctionnement démocratique. C'est bien pourquoi on ne peut y être représenté, et qu'elles font ce qu'elles veulent. Dans ces conditions, il faut savoir où et comment s'impliquer dans le fonctionnement. Si c'est dans le fonctionnement des associations, il n'y a pas de problème, s'agissant de la structure professionnelle, cela soulève de véritables questions.
M. Claudy Lebreton . - Julie Bresset est une championne olympique costarmoricaine, médaillée d'or de VTT à Londres. Elle veut devenir fonctionnaire territoriale. Son statut de salariée du ministère de la défense, mise à disposition du conseil général, lui permet de faire du sport tous les jours, sans quoi elle ne serait pas au niveau qu'elle occupe.
Je pourrais également citer Ladji Doukouré, grand athlète, salarié du conseil général de l'Essonne.
Je pense qu'il faut une définition du sport professionnel. Elle existe sûrement, mais les clubs professionnels sont affiliés à une fédération, comme les clubs amateurs, qui jouent en troisième division départementale ou au niveau professionnel. Alain Néri a raison : on a voulu donner aux clubs professionnels un statut juridique. Cela va dans le bon sens, les hommes et les femmes qui y évoluent sont des travailleurs professionnels.
La situation du sport professionnel est extrêmement disparate. Même en tennis, certains joueurs désirant vivre de leur sport sont cantonnés dans un statut intermédiaire. Entre le Paris football club, Guingamp et Luzenac, le fossé est énorme, et il en va de même dans un certain nombre d'autres disciplines, individuelles ou collectives. Je serais curieux de voir comment les choses sont organisées dans le domaine de la natation.
Je pense d'autre part que la transparence est nécessaire. Guingamp avait pour projet de réaliser un centre de formation professionnelle, tout club professionnel devant en posséder un. On a demandé au club qu'il nous fournisse un budget de fonctionnement et j'ai voulu une transparence totale : nous sommes allés jusqu'à leur demander le montant des salaires des joueurs professionnels du club, en prenant l'engagement que cela resterait confidentiel. Quand une entreprise demande à la collectivité une aide publique, jusqu'où peut-on aller, sachant que nous devons rendre des comptes ?
C'est un vrai débat, qui vaut pour le monde économique, mais aussi pour le monde culturel. Comparaison n'est pas raison, mais c'est une réalité, même si les choses ne sont pas de même nature. Les élus doivent faire preuve de courage et de responsabilité. Si l'on veut maintenir un climat de confiance entre le club professionnel et les dirigeants, il faut y parvenir.
Si le sport professionnel peut s'organiser sans financement public, tant mieux pour la collectivité. On sait cependant qu'un grand nombre de clubs sportifs ne pourront jouer à un certain niveau sans financement public, ne serait-ce qu'en matière d'équipements.
Toutes les possibilités existent pour les collectivités : régies municipales avec loyers de haut niveau, partenariat public-privé (PPP) ou, délégations de service public (DSP), mais cela entraîne forcément des conséquences en fonction du degré d'implication des collectivités.
En 2010, lorsqu'il a été question de faire figurer la compétence du sport dans la loi, le mouvement sportif a pris peur et est venu voir l'ADF. L'organisation d'alors leur convenait fort bien, même si, en cas de problèmes, ils se retournent plus vers l'État que vers les collectivités territoriales, alors que l'essentiel du financement public du sport en France vient de ces dernières. Pour autant, ne faut-il pas clarifier les choses ? Les clubs sont extrêmement demandeurs en la matière. Il est vrai que c'est la performance de nos champions qui entraîne les jeunes à exercer une activité sportive.
Compte tenu du contexte financier et de la diminution des moyens des collectivités territoriales, je pense que les CREPS relèvent plutôt de la responsabilité des régions, s'agissant de formation professionnelle. On en est cependant à un stade où il serait intelligent de mutualiser un certain nombre de centres de formation.
Certains comités départementaux ont leurs propres centres de formation. Sans doute aurait-on intérêt à rapprocher les structures afin de faire des économies. C'est peut-être aux régions et aux territoires de trouver leur propre solution, afin de ne pas imposer un modèle unique à toute la France.
On aurait également pu aborder le financement des métiers d'encadrement du sport, mais on n'est plus là sur le sujet du statut professionnel.
M. Michel Savin, président . - Je vous remercie monsieur le président.
MM. Jean-Marc Todeschini et Dominique Bailly, auteurs d'un rapport d'information fait au nom de la commission des finances et de la commission de la culture sur le financement public des grandes infrastructures sportives
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M. Michel Savin, président . - Messieurs Jean-Marc Todeschini et Dominique Bailly vont à présent nous présenter le rapport d'information qu'ils ont rédigé au nom de la commission des finances et de la commission de la culture sur le financement public des grandes infrastructures sportives.
M. Jean-Marc Todeschini . - Le rapport que nous avons établi est issu des travaux de contrôle que j'ai pu mener, en tant que rapporteur spécial de la commission des finances, sur la question du financement public des grands équipements sportifs - notamment par le Centre national pour le développement du sport (CNDS) - et la construction et la rénovation des stades de l'Euro 2016 de football.
Dominique Bailly a, quant à lui, mis en place dans sa commune d'Orchies un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) pour la construction d'une salle de basketball. Il a donc une expertise certaine des écueils que peuvent rencontrer les collectivités territoriales en matière de financement.
J'approuve ce qu'a affirmé Claudy Lebreton lors de l'audition précédente : les collectivités territoriales subissent effectivement des pressions et c'est de ce fait que nous sommes partis pour élaborer notre rapport. Nous nous sommes également appuyés sur divers travaux tels que les rapports de David Douillet et de Bernard Depierre, députés, et la vaste étude de la Cour des comptes sur les clubs sportifs professionnels et les collectivités territoriales.
Nous avons, avec Dominique Bailly, mené de nombreuses auditions et effectué plusieurs déplacements.
Le constat a été souvent dressé mais on ne peut que le répéter : les clubs d'élite des principaux sports pratiqués en France évoluent dans des stades et des salles de capacités relativement limitées. Ainsi pour le football, la capacité moyenne des stades de Ligue 1 s'établit à un peu plus de 29 000 places - contre, par exemple, plus de 38 000 en Premier League anglaise - et en Pro A de basketball, une salle moyenne accueille 4 500 spectateurs.
On peut également remarquer que le plus grand stade - le Stade de France - et la plus grande aréna - le Palais omnisport de Paris-Bercy (POPB) - construits en France n'ont pas de club résident. Valérie Fourneyron, ministre des sports, a engagé l'an passé un bras de fer avec le consortium de gestion du Stade de France, pour suspendre la compensation financière versée au titre d'absence de club résident. Quant au POPB, ses dirigeants considèrent une telle absence comme un atout, les 35 événements sportifs annuels étant envisagés comme des événements parmi d'autres.
Un rapide examen du statut des stades et des salles des clubs d'élite confirme la prédominance du modèle public en France : 19 des 20 stades de Ligue 1, 12 des 14 stades du Top 14 et la totalité des 18 salles utilisées en Pro A de basketball appartiennent à des collectivités. S'il existe une diversité un peu plus forte pour ce qui concerne les modes d'exploitation, le modèle dominant étant celui de l'exploitation par la collectivité elle-même, le club résident n'est, dans un tel schéma, qu'un simple locataire acquittant une redevance.
Il résulte de ce qui précède que les propriétaires d'enceintes sportives utilisées par des clubs professionnels - c'est-à-dire presque toujours des collectivités - se retrouvent à la croisée de pressions de diverses origines pour agrandir ou améliorer à leurs frais cet équipement.
Des pressions peuvent évidemment s'exercer à l'occasion de l'organisation en France de grandes compétitions internationales. Il faut souligner que les cahiers des charges des organisateurs de ces compétitions sont de plus en plus fournis. Le préfet Lambert, que nous avons entendu, a relevé que le cahier des charges de la Coupe du monde de 1998 comptait 15 pages, contre 500 pour celui de l'Euro 2016. Les exigences relatives aux stades d'accueil sont beaucoup plus fortes que par le passé. Il est vrai que les villes peuvent choisir de ne pas postuler.
On a atteint de tels niveaux que l'Union des associations européennes de football (UEFA) a décidé qu'après l'Euro 2016, l'Euro 2020 n'aurait pas lieu dans un seul pays, mais dans plusieurs villes européennes dotées d'infrastructures opérationnelles. Il sera en effet de plus en plus difficile de trouver un pays acceptant d'investir seul des montants nécessaires à une telle opération.
Hors des grands événements, les fédérations et les ligues, nationales ou européennes, ont également des exigences croissantes. Certes en France, les fédérations et les ligues ne peuvent imposer en matière d'équipements sportifs des règles dictées par des impératifs d'ordre commercial, mais on voit fleurir les licences club ou les labels stades fondés sur des critères commerciaux. À défaut de conditionner l'engagement des clubs en compétition, le respect de certaines de ces normes conditionne l'attribution d'une partie des droits TV, ce qui engendre une véritable pression.
En Europe, les organisateurs ont moins de scrupules et peuvent conditionner l'inscription de clubs au respect des normes commerciales ou télévisuelles dans l'enceinte d'accueil. Pour l'année sportive en cours, il est particulièrement significatif que les trois champions nationaux 2013 n'évoluent pas dans des lieux conformes au cahier des charges européen.
Ainsi en basketball, Nanterre devra quitter le palais des sports municipal pour se rendre à la Halle Carpentier, à Paris, afin de jouer l'Euroligue, cette salle ayant dû elle-même subir des réaménagements.
En handball, le PSG Hand évoluera également à la Halle Carpentier et non à Coubertin, sa salle habituelle pour disputer les autres compétitions.
En volleyball, la salle Robert-Grenon du Tours-Volley ne respecte pas davantage le cahier des charges de la Ligue des champions. Les tourangeaux bénéficieront néanmoins d'une dispense pour la saison en cours, mais ont été invités à trouver une autre solution dès l'année prochaine s'ils devaient de nouveau se qualifier.
Enfin, les pressions subies par les collectivités peuvent être simplement locales, le club étant en droit de faire valoir ses propres besoins de développement, avec un écho médiatique dans la presse régionale qui met la pression sur les élus et les collectivités territoriales.
M. Dominique Bailly . - Ces pressions s'illustrent parfaitement dans le cas du stade de football de Montpellier, celui-ci ayant vécu des évolutions importantes, qui ont amené à engager des dépenses en vue de l'améliorer.
En effet, au cours des deux dernières décennies, une modification des plans du stade a été réalisée à l'occasion de la Coupe du monde de football de 1998. La capacité du stade a été portée de 23 500 places - dont 7 500 debout - à 35 500 places, toutes assises. De plus, un centre de presse et un salon officiel ont été créés. Le coût de ces travaux s'est élevé à environ 20 millions d'euros.
De nouveaux travaux plus modestes, d'un montant total de quatre millions d'euros destinés à accueillir la Coupe du monde de rugby de 2007, ont également été menés. Ces travaux ont inclus l'installation d'une nouvelle pelouse, la rénovation des vestiaires, de l'éclairage et de la sonorisation.
Des travaux de réfection ont à nouveau eu lieu pour plus de trois millions d'euros, incluant en particulier le changement de l'ensemble des sièges du stade dont les dossiers n'étaient pas aux normes de l'UEFA, à l'occasion de la qualification du club de football de Montpellier pour l'édition 2012-2013 de la Ligue des champions.
Enfin, bien que la ville ne doive pas accueillir de matchs de l'Euro 2016 de football, l'agglomération a annoncé d'importants travaux, d'un montant de l'ordre de 50 millions d'euros, afin de faire de la Mosson un équipement haut de gamme doté de nouvelles places de stationnement et d'une meilleure accessibilité pour les personnes handicapées.
Comme nous allons le voir, certaines initiatives ont été prises, afin de répondre au décalage entre l'état des infrastructures françaises destinées à accueillir le sport d'élite et les meilleurs standards européens en la matière.
L'État n'est pas complétement absent, mais ce n'est pas à son niveau qu'a lieu l'impulsion. Ainsi, le plan football lancé en vue de l'Euro 2016 ne consiste pas en une véritable planification de l'État, mais plutôt en un engagement de soutien juridique et financier aux initiatives locales.
Concrètement, ce plan s'est traduit par un engagement d'appui financier à hauteur de 160 millions d'euros, portés par le CNDS. Il a d'ailleurs été nécessaire de prendre des dispositions législatives et réglementaires spécifiques, afin que les stades exploités sous le régime du bail emphytéotique administratif (BEA) ou portés par un acteur privé soient éligibles à ce soutien.
Un plan similaire devait concerner le handball dans la perspective de l'organisation du championnat du monde de 2017, mais le financement adéquat n'ayant pas pu être trouvé, il a été suspendu.
Il faut souligner que l'octroi de ces aides est conditionné à la décision de la Commission européenne, à laquelle a été notifié le régime d'aide du plan football au titre des aides d'État. Malgré des échanges fournis entre le Gouvernement et la Commission, cette dernière n'a toujours pas rendu sa décision quant à la compatibilité de ces aides avec le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne.
Le cas des stades de l'Euro 2016 pourrait donc éclaircir le droit communautaire en la matière, avec cette difficulté que, bien qu'effectuées à l'occasion d'un événement international, les améliorations en partie financées par le CNDS profiteront ensuite à des clubs professionnels, c'est à dire à des sociétés commerciales.
Pour en venir aux initiatives les plus récentes, on constate que la règle de la propriété publique de l'équipement demeure, avec l'exception toutefois bien connue de l'Olympique Lyonnais (OL).
On remarque toutefois une plus grande diversité pour ce qui concerne les modèles d'exploitation : au Havre, un club occupant gère le nouveau stade par le truchement d'une filiale, et le nombre de partenariats public-privé tend à s'étendre, comme au Mans, à Lille, à Marseille, à Dunkerque, Bordeaux ou Nice...
Néanmoins, dans tous les cas, et même dans les schémas les plus privés, un fort soutien public apparaît indispensable pour mener les projets à bien.
À Lyon, où nous nous sommes rendus, le maître d'ouvrage du projet est l'OL, qui compte exploiter l'infrastructure pour son propre compte. Sans soutien public, le projet n'aurait toutefois sans doute jamais vu le jour. Ce soutien, qui s'est révélé indispensable pour mettre définitivement le futur stade sur les rails, s'est manifesté :
- sur le plan juridique, par l'insertion d'un article au sein de la loi du 22 juillet 2009 de développement et de modernisation des services touristiques déclarant d'intérêt général les enceintes sportives ;
- sur un plan juridique et financier, par l'octroi d'une subvention du CNDS de 20 millions d'euros pour un projet privé ;
- enfin, sur un plan strictement financier, par l'octroi d'une garantie de 40 millions d'euros du conseil général du Rhône, ainsi que d'un prêt obligataire de 20 millions d'euros de la Caisse des dépôts et consignations.
Enfin, la fédération française de rugby (FFR) ambitionne de se doter d'un stade de 82 000 places, comportant un toit rétractable et une pelouse amovible. Ce stade serait situé à Ris-Orangis, dans le département de l'Essonne, et son coût serait d'environ 600 millions d'euros. Le plan de financement reste à définir, mais la fédération souhaiterait des apports uniquement privés. Par rapport aux projets de clubs, la FFR ne subit pas l'aléa sportif. Néanmoins, le nombre d'événements qu'elle pourra assurer elle-même est moins important que celui de clubs engagés dans des championnats réguliers.
La FFR indique ainsi faire reposer l'équilibre financier de son ouvrage sur une hypothèse de 17 à 20 événements par an, dont cinq à six rencontres du XV de France. Ce stade ne serait pas uniquement réservé au rugby, la fédération souhaitant au contraire un équipement multimodal, capable d'accueillir d'autres sports, ainsi que des concerts.
M. Jean-Marc Todeschini . - Je suis convaincu que ce dernier projet ne verra pas le jour avant longtemps. Il n'est pas possible d'avoir aujourd'hui deux grands stades à Paris. Certes, ses promoteurs insistent sur le fait qu'il se fera sans argent public, mais les investissements publics vont exploser si l'on veut y amener les infrastructures.
M. Lebreton a affirmé être d'accord pour que les clubs soient propriétaires de leurs infrastructures : certaines collectivités, pour des raisons historiques, estiment qu'il est hors de question de se séparer de leurs installations, comme Saint-Etienne, par exemple.
Nous avons essayé de proposer des pistes de financement, comme en Allemagne et en Angleterre, où les clubs sont propriétaires de leur outil de travail et de leurs investissements. Dans l'hexagone, les clubs n'investissent que dans les salaires et pratiquement pas dans l'outil de travail.
Malgré quelques propositions d'ordre législatif ou réglementaire, il s'agit donc plutôt de publier un recueil de bonnes pratiques et de souligner les pièges à éviter.
L'idée-force des propositions est bien que chacun des acteurs impliqués sur ces dossiers soit à sa place, et assume pleinement ses responsabilités sans se défausser sur les autres, qu'il s'agisse des collectivités, des clubs professionnels, de l'État, ou des organisateurs de compétitions sportives.
Le plus important nous a paru que les collectivités territoriales calibrent leur projet. Il est absolument crucial de ne pas se laisser saisir par la folie des grandeurs, en se lançant dans une opération de construction ou de forte rénovation d'un grand équipement sportif. Ce qui, formulé ainsi, semble aller de soi, est en fait beaucoup plus difficile à tenir, sous l'effet des multiples pressions subies par les élus locaux, que j'ai déjà énumérées. Une ou deux années de résultats exceptionnels du club résident peuvent également forcer une décision précipitée et aboutir à la réalisation d'une enceinte surdimensionnée par rapport aux besoins réels à moyen et à long termes.
Les stades de football d'Istres, aujourd'hui en Ligue 2, de Grenoble et du Mans, ces deux derniers étant engagés en championnat de France amateurs, constituent des exemples d'infrastructures formatées pour la Ligue 1, voire pour l'Europe, dont les collectivités propriétaires doivent assumer la charge, alors même que les clubs résidents ne peuvent plus attirer le public.
Les collectivités décisionnaires doivent donc prendre une décision froide, dégagée des événements et des succès immédiats, fondée sur de réels besoins de long terme.
À cet égard nous avons relevé avec intérêt que, dans le cadre de leurs projets privés, les établissements financiers avec qui l'OL a contracté des emprunts ont demandé à son président, Jean-Michel Aulas, de lui fournir un plan de financement fondé sur un scénario de présence de l'OL en Ligue 2 pendant trois ans.
Il s'agit d'une démarche intéressante qui devrait guider tout projet, public ou privé : la lourdeur de ces investissements de long terme et la « glorieuse incertitude du sport » devraient conduire les futurs propriétaires à évaluer sérieusement la rentabilité de la nouvelle enceinte dans un scénario résolument pessimiste. Si, dans ce cas, la perte de la collectivité était trop élevée, il serait préférable de réduire la taille du projet. En tout état de cause, les conséquences financières d'un tel scénario devraient figurer clairement dans le débat public, préalablement à la décision finale.
Le stade du Havre est à l'équilibre en Ligue 2. S'il remonte en Ligue 1, il sera bénéficiaire.
L'idéal serait qu'un échelon territorial soit le modérateur : région ou communauté urbaine, en fonction des équipes réparties sur le territoire.
De plus, dans tous les cas, les collectivités gagnent à partager leurs expériences et les meilleures pratiques, plutôt qu'à prendre ce type de décisions lourdes de manière isolée. Une association comme l'Association nationale des élus en charge du sport (ANDES) peut fournir le cadre de ces échanges.
Dernier point sur ce sujet, à propos des partenariats public-privé (PPP). À l'issue de nos travaux, nous ne condamnons pas en bloc un modèle. Les PPP peuvent et doivent même, selon la loi, permettre la réalisation de projets dont la complexité dépasse la compétence de la maîtrise d'ouvrage publique. De plus, ils offrent des facilités de financement en étalant la charge financière de la collectivité dans le temps. Enfin, l'exploitant est un véritable professionnel, dont l'intérêt sera d'optimiser la gestion de l'équipement.
Nous tenons simplement à attirer l'attention de chacun sur ces limites, voire sur les dangers du modèle. En plaçant un intermédiaire entre la collectivité et le club, on peut rendre plus complexes les relations entre acteurs et empêcher le club de prendre lui-même en charge son destin au fil des ans mais, en étalant la charge dans le temps, le PPP peut inciter des collectivités à s'engager dans un projet trop grand, au risque de subir de graves déconvenues si le club résident périclite.
J'ajoute qu'on a tendance, dans ces cas-là, à présenter des scénarios idylliques aux collectivités territoriales. Or, on sait tous que trois grands stades du même secteur ne pourront jamais faire 36 concerts par an chacun. Nous avons donc trouvé les scénarios bien trop optimistes dans le cadre de ces PPP.
M. Dominique Bailly . - En parlant de la responsabilité de chacun, nous avions notamment à l'esprit l'évolution des rapports entre les clubs et les collectivités.
Certes, nous l'avons dit, il n'existe pas de modèle idéal. Par exemple, nos travaux nous ont menés à Saint-Etienne, où l'agglomération Saint-Etienne Métropole pilote la rénovation de Geoffroy-Guichard, stade dont nous comprenons qu'il fait partie intégrante du patrimoine public local. Dans un cas comme celui-ci, les pouvoirs publics assument la dépense devant les citoyens, charge à eux de maîtriser la taille et l'évolution du projet. En outre, le club n'a pas exprimé de souhait de modifier ses relations avec le propriétaire de son stade.
Toutefois, il nous semble que, dans de nombreux cas, l'implication des clubs dans l'exploitation voire dans la propriété de leur stade serait une façon utile de les responsabiliser, de sorte que chacun soit bien à sa place.
Nous avons parlé de Lyon, à la fois exemple et contre-exemple tant les difficultés de ce club, pourtant très structuré, risquent de ne pas inciter beaucoup d'autres à s'engager dans une maîtrise d'ouvrage privée. Il existe cependant d'autres solutions, comme le BEA ou des conventions d'occupation attribuant la gestion du stade ou de la salle au club résident.
Nous avons étudié un tel modèle de près au Havre. Le club a été associé dès l'origine au projet de nouveau stade, décidé et financé par l'agglomération havraise (CODAH). Le Havre athletic club (HAC) en assure l'exploitation au travers d'une filiale, et a même payé quelques améliorations, comme la cuisine centrale qu'il a souhaité disposer dans l'enceinte, qui livre plus de 2 000 repas par jours dans les restaurants scolaires et permet de dégager des ressources financières autres que la billetterie classique. La société de gestion règle donc les charges d'entretien du locataire et verse une redevance de l'ordre d'un million d'euros par an à l'agglomération, en essayant de dégager ce revenu sur les activités extra-sportives.
Dans une telle optique, il pourrait être souhaitable de faciliter des transferts de droits ou de propriété, en permettant aux collectivités territoriales de soutenir financièrement les clubs pour réaliser un projet privé, ou acquérir en tout ou partie un équipement public.
Dans tous les cas, le principe de responsabilité impose de faire payer le juste prix de la location au club résident. La chambre régionale des comptes de Provence-Alpes-Côte d'Azur a récemment mis en lumière le cas de la ville de Marseille, à la fois pour le choix d'un PPP que la chambre n'a pas jugé optimal, et pour le très faible montant de la redevance réclamée à l'Olympique de Marseille (OM), soit 50 000 euros par an au lieu de 8 millions d'euros, selon la chambre. Il est clair que ce type de situation se rencontre dans d'autres lieux.
L'État doit, à notre sens, rester à sa place. Dans le cas ordinaire d'infrastructures au sein desquelles évoluent des clubs professionnels, il doit limiter son action au co-financement des seules enceintes destinées à l'accueil de grands événements internationaux organisés en France, dans l'attente de la levée définitive du risque communautaire.
En outre, il devrait assumer lui-même ses engagements financiers, et ne pas les faire porter par le CNDS. Pour l'Euro 2016, le coup est déjà parti et les réalités budgétaires sont bien connues.
Un mot enfin sur l'État propriétaire du Stade de France. Nous nous félicitons bien sûr de la conclusion du récent accord avec le Stade de France, qui met fin, pour au moins quatre ans, au système de pénalités pour absence de club résident, que le Sénat a critiqué à de nombreuses reprises par le passé.
Pour l'avenir, nous ne pouvons que constater que si l'Île-de-France comptait sur son sol deux stades de plus de 80 000 places sans club résident, le risque serait grand qu'ils ne se livrent une concurrence féroce en organisant les mêmes événements et, au bout du compte, que l'un des ouvrages périclite, ce qui coûterait très cher à la puissance publique.
La meilleure démarche nous semble donc l'encouragement par l'État d'un accord durable entre le Stade de France et la FFR, qui respecterait au mieux l'intérêt des parties.
M. Stéphane Mazars, rapporteur . - Bien que vous ne prôniez pas un mode juridique plutôt qu'un autre pour construire une infrastructure sportive, vous semblez estimer que le PPP peut être dangereux. Pouvez-vous être plus explicite - car on sait que certains PPP, tels que celui de Lille, fonctionnent bien - et nous donner des précisons sur ce qui s'est passé au Mans ?
L'infrastructure sportive est aujourd'hui essentielle pour les clubs professionnels. C'est à travers elle que l'on pourra développer un modèle économique, tel que le modèle allemand, qu'on nous présente comme le plus vertueux au plan européen, voire mondial.
Avez-vous pu vous pencher sur les capacités respectives des différents dispositifs que vous nous avez présentés - PPP, maîtrise d'ouvrage directe, etc. - à générer du chiffre d'affaires ?
On peut penser de prime abord que le modèle lyonnais, s'il arrive à amortir l'équipement, pourra se démarquer des autres clubs, grâce à des rentrées financières assez conséquentes. C'est le pari d'Arsenal, en Angleterre, qui s'est privé durant quelques années de joueurs de renom, au grand dam des supporters, pour financer son infrastructure.
M. Alain Néri . - Comment évaluez-vous les risques liés à l'évolution des crédits du CNDS ? À une certaine époque, on avait envisagé une répartition entre part nationale et part régionale. Si l'on s'engage dans des dépenses somptuaires, je crains qu'il ne reste pas grand-chose pour la part régionale et les infrastructures des petits clubs.
Nous sommes tous attachés à l'éthique sportive, mais ne risque-t-on pas de voir les clubs essayer d'introduire les ligues fermées dans le sport professionnel pour éviter l'aléa sportif ?
M. Jean-Marc Todeschini . - Les PPP ne nous ont pas semblé sécurisants pour les collectivités territoriales. Ils peuvent être tentants, mais il faut avoir une taille suffisante et les villes moyennes n'ont pas les moyens de s'engager dans ce dispositif. Je ne sais pas si l'Olympique Lyonnais va dégager des bénéfices lui permettant d'investir dans le recrutement de joueurs. Le club va devoir rembourser ses emprunts quel que soit l'aléa sportif.
La ministre a obtenu la garantie que les dépenses du Centre national pour le développement du sport (CNDS) liées aux stades de l'Euro 2016 seraient compensées à l'euro près dans son budget. Nous proposerons un amendement visant à prolonger d'un an le prélèvement spécial sur la Française des jeux (FDJ).
La ministre a également mis fin à tous les autres financements, et en particulier au système des grandes salles, qui ne relèvent pas de la mission du CNDS. On repart sur des financements plus sains, et on conforte le CNDS dans sa mission de soutien au sport pour tous. Je pense que l'on est sur la bonne voie.
Comme le Stade de France, le grand stade projeté par la fédération française de rugby n'aura pas de club résident, mais il bénéficiera de l'activité de l'équipe de France et sera moins soumis à l'aléa sportif. Il sera même en mesure d'accueillir la finale de la coupe d'Europe de football. Il devrait y avoir une vraie concurrence entre les deux grands stades. Cela dit, le stade de la FFR n'en n'est encore qu'à l'état de projet.
Parmi les personnes que nous avons interrogées sur l'aléa sportif, certaines prônent des ligues semi fermées, qui garantirait à un club accédant à une division supérieure de ne pas redescendre avant trois années. Même si ce n'est pas la conception du sport que nous préférons, nous pensons qu'il faudrait peut-être réduire le nombre de descentes, afin de sécuriser davantage les clubs. Quoi qu'il en soit, je ne suis pas favorable à ce que l'on suive l'exemple de l'Allemagne, où les habitudes et les comportements ne sont pas les mêmes qu'en France.
M. Dominique Bailly . - Même si cela peut fonctionner dans certains cas, nous nous interrogeons sur le PPP, car un investissement public sur trente ans est considérable et doit être engagé par des entités importantes telles que la communauté urbaine de Lille. A contrario , le dispositif mis en place au Havre nous semble présenter un intérêt certain.
Nous ne sommes pas favorables aux ligues fermées qui suppriment l'aléa sportif. On peut cependant limiter le nombre de descentes annuelles.
S'agissant du CNDS, nous préconisons que l'État prenne ses responsabilités pour les dépenses liées à des manifestations internationales. La mission du CNDS est de se consacrer à l'activité sportive quotidienne dans les territoires.
M. Jean-Marc Todeschini . - Le Mans nous avait été présenté comme une solution idéale, l'aléa sportif n'étant pas pris en compte par la collectivité, mais par les investisseurs. Or, si le club dépose le bilan, ce sera bien la collectivité territoriale qui supportera la charge.
M. Ambroise Dupont . - Vous avez répondu en partie à mes questions à propos du choix que nous avons opéré il y a une douzaine d'années en autorisant les collectivités territoriales à financer le sport professionnel.
Mes réserves portaient à l'époque sur les évolutions du financement public. Or, aujourd'hui, le financement public dans le sport professionnel est de plus en plus important, ce qui soulève un certain nombre de questions.
Vous avez évoqué l'exemple du Havre, qui est certes intéressant, mais également la place de l'État dans le développement du sport professionnel. Je pense que l'État doit garder la main s'agissant des grands équipements, au moins en tant que chef de file.
Mme Michelle Demessine . - L'aléa n'est pas propre au sport ; l'activité touristique est elle aussi sujette à beaucoup d'aléas. Nous devons nous en accommoder et nous y adapter : une collectivité ne pourra exiger un même montant de loyer d'un club relégué dans une division inférieure.
La situation financière du CNDS n'est pas imputable au financement des stades de l'Euro 2016, prévu et compensé par une augmentation du pourcentage prélevé sur la FDJ, augmentation qu'il conviendrait peut être de prolonger. Il s'agissait d'une dotation supplémentaire, qui est aujourd'hui gelée et attend d'être dépensée.
Les PPP ne sont ni une panacée, ni un système à diaboliser. Certaines déplorent le fait que le PPP impose de régler des dividendes à la société, mais les stades ne vont pas produire beaucoup de dividendes, précisément à cause de l'aléa sportif. Pour qu'un PPP réussisse, il faut que la structure ait les moyens de le porter, car. Un PPP demande une ingénierie énorme et mobilise énormément de monde, côté collectivité et côté entreprise : à Lille, pendant cinq ans, 50 personnes de la communauté urbaine ont travaillé uniquement sur le stade et ceci dans tous les domaines. Le PPP est surtout valable pour les stades multifonctionnels et je vous présenterai les choses lors de notre déplacement à Lille.
M. Jean-Jacques Lozach . - Je partage les conclusions du rapport, qui sont un appel à la sagesse et à la raison dans une période financièrement délicate.
Le financement du sport professionnel par les collectivités est interdit en France depuis la loi Pasqua de 1995 et celles-ci interviennent par le biais des équipements, de la formation ou de la communication.
L'État n'étant pas en pointe sur le financement des équipements sportifs, si ce n'est par le truchement du CNDS, et les régions et départements étant dans la situation financière que l'on sait, les clubs professionnels risquent de ne trouver comme interlocuteurs que les communes et les agglomérations. Il va donc falloir changer la culture des clubs concernés et se rapprocher sans doute du modèle allemand dont on parle sans arrêt.
Fort heureusement, la question ne se pose pas pour tous les grands équipements sportifs : lorsque la fédération française de tennis a voulu rénover Roland-Garros, elle n'a pas demandé de financement public. De même, la France vient d'obtenir l'organisation de la Ryder Cup pour 2018 et je ne pense pas qu'un seul euro d'argent public soit investi dans la rénovation du golf de Saint-Quentin-en-Yvelines.
Mme Michelle Demessine . - La puissance publique est toujours sollicitée, par exemple pour financer l'accessibilité aux stades sans laquelle ils ne pourraient fonctionner. C'est le cas pour le stade qui doit voir le jour dans l'Essonne : l'investissement est certes entièrement privé, mais les collectivités devront prendre les travaux d'accessibilité à leur charge.
M. Michel Savin, président . - Lors de l'élaboration de votre rapport, avez-vous répertorié tous les projets de grande infrastructure ? Le niveau d'équipement des stades de plein air est-il satisfaisant ?
M. Jean-Marc Todeschini . - Il est difficile de répondre. Nancy s'est désisté et le maire de Metz, contre les pressions du club et de la presse et contre le président du conseil général prêt à apporter son financement, a décidé de ne pas donner suite. Il a fort bien fait, Metz étant redescendu en national. Cela dit, les stades existants devraient pouvoir suffire pour l'Euro 2016.
Le problème du financement public va venir de l'Europe. On peut craindre une distorsion de concurrence entre les clubs français, qui sont des sociétés privées : certains bénéficieront d'un stade rénové et les autres ne joueront plus dans la même cour.
Au plan européen, la ministre et son cabinet nous ont répété que rien n'est définitivement arbitré.
Mme Michelle Demessine . - Elle nous a dit qu'il ne manquait que le papier.
M. Jean-Marc Todeschini . - Nous l'avons auditionnée : pour le moment, il n'existe pas de garantie juridique.
Les collectivités doivent se saisir des questions d'accessibilité pour tous types d'entreprises s'installant sur leurs territoires. Si les élus de l'Essonne se battent pour le grand stade de rugby, c'est bien parce qu'ils espèrent un regain d'activité. Nous sommes tous pareils : nous souhaitons voir nos collectivités se développer.
Je ne crois pas que la construction des stades relève de la responsabilité de l'État. Aujourd'hui, les collectivités s'interrogent lorsqu'il s'agit de financer deux clubs, comme à Istres et Marseille, par exemple.
En tout état de cause, ce n'est pas à l'État de décider où doivent s'implanter les grands clubs, qui sont des entreprises privées.
Quant à l'aléa sportif, on le rencontre peut-être dans bien des domaines, mais certains clubs s'engageraient certainement plus volontiers s'il n'existait pas. Ils seraient très certainement désireux d'être propriétaires de leur outil de travail, qui deviendrait alors rentable.
Par ailleurs, le CNDS est certes en mauvais état, mais les choses pourraient se remettent en ordre. Sur les 160 millions d'euros engagés, seuls 120 millions d'euros sont provisionnés. La ministre garantit l'équilibre, mais 138 millions d'euros ont déjà été fléchés. Il faut donc à tout prix prolonger les prélèvements supplémentaires en faveur du CNDS.
M. Dominique Bailly . - Peut-être faut-il réfléchir aux capacités d'accueil. Certains dirigeants de club, ou certains élus, ont sûrement vu trop grand. L'aléa sportif ou l'engagement financier doivent donc être mieux évalués.
Investir aujourd'hui pour trente ans dans des salles de 15 000 places est-il raisonnable pour une collectivité ? Ces salles de 15 000 places, demandées par certains représentants de ligues ou de fédérations, sont-elles nécessaires en France ? Je n'en suis pas persuadé. Mieux vaudrait peut-être mailler le territoire avec des structures de 5 000 places. Si l'État décide un jour d'accompagner l'organisation d'un championnat d'Europe de sport en salle, d'autres moyens existent qui s'appuient sur des innovations techniques : les Anglais nous ont montré l'exemple en mettant en place des installations ponctuelles.
M. Michel Savin, président . - Je vous remercie.
Mercredi 13 novembre 2013
M. Jean-Marie Darmian, maire de Créon, représentant de l'Association des maires de France (AMF)
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M. Michel Savin, président. - Nous recevons aujourd'hui M. Jean-Marie Darmian, maire de Créon, en Gironde, et représentant de l'Association des maires de France (AMF).
Pouvez-vous nous dresser l'état des lieux des relations entre les collectivités territoriales et le milieu du sport professionnel ?
M. Jean-Marie Darmian, maire de Créon, représentant l'Association des maires de France (AMF). - Je suis co-responsable, à l'AMF, du groupe de travail sur le sport, représentant de l'AMF au sein du Conseil national du sport, ainsi qu'au sein du Haut conseil de la vie associative, et secrétaire adjoint de l'AMF pour quelques mois encore, ayant décidé de mettre un terme à mes mandats électifs.
J'ai été, durant 22 ans, journaliste sportif. Mon point de vue ne repose donc pas sur une vision strictement politique du monde du sport.
Les relations entre l'AMF et le milieu du sport professionnel sont complexes. La loi de 1984 fondant les relations entre les collectivités et le sport professionnel stipule que les collectivités peuvent aider ou subvenir aux besoins des clubs sportifs ou des associations qui, d'une manière ou d'une autre, incitent à la pratique sportive. Les collectivités territoriales, qu'elles soient départementales, régionales, ou communales, n'ont donc pas, ès qualités, de lien direct avec le sport professionnel, si ce n'est à travers leurs modes de financement. Dans les années 1970-1980, quelques maires avaient associé la collectivité territoriale à la vie du club par le biais de sociétés d'économie mixte (SEM). La plus célèbre était alors celle de Lille.
Le second mode de financement était celui de la subvention directe, comme à Marseille, au temps du président Leclerc et de Gaston Defferre : on demandait une subvention, que l'on obtenait. Quand il n'y avait plus d'argent, on en demandait une nouvelle.
La troisième solution, que des clubs célèbres ont utilisée durant des années, était la caution d'emprunt. Les mairies se portaient garantes de l'engagement des clubs professionnels à l'égard des banques, faisant jouer les cautions. On a ainsi vu des joueurs professionnels payés par des emprunts à vingt ou trente ans.
La situation n'est toujours pas clarifiée. Votre mission aura un rôle important à jouer de ce point de vue, la ministre des sports voulant refonder par une loi les rapports entre sport professionnel et sport amateur. Actuellement, il n'existe pas de code précis d'activité.
Les subventions directes des communes au titre du sport professionnel atteignent des chiffres relativement faibles, mais les subventions « annexes » (achat de places, sponsoring partenarial, travail avec les centres de formation, prestations de communication ou présence de joueurs lors de manifestations) représentent des montants conséquents. Le montant de subventions autorisé par la loi est très faible. Pour certains clubs, elle se limite à 30 000 euros. On peut estimer que c'est très peu, mais cette somme est affectée aux centres de formation. L'AMF, quant à elle, serait plutôt favorable à une loi allant vers le sport pour tous.
La participation des collectivités territoriales aux grandes manifestations sportives constitue un autre problème. En matière d'investissements, la difficulté majeure vient du fait que les collectivités territoriales investissent à long terme sur des performances sportives aléatoires.
J'ai siégé au Comités des grands équipements sportifs (COGEQUIS) qui devait approuver, avant toute demande de subvention au Centre national pour le développement du sport (CNDS), les appels de fonds effectués par les collectivités territoriales pour les grands stades et les arénas. Nous avions de mal à juger de la rentabilité économique d'un équipement qui atteignait parfois des sommes extraordinaires. Le CNDS a été en grande partie vidé de ses fonds du fait de l'aide, à la rentabilité réelle mal définie, apportée aux grands équipements de la coupe d'Europe de football, ainsi qu'aux arénas.
L'AMF n'encourage pas les collectivités territoriales à participer directement à l'équipement dédié au sport professionnel, sauf si cet équipement présente un intérêt en matière de sport de masse.
Le troisième point que je veux évoquer devant vous concerne le problème des relations contractuelles entre une collectivité et un club professionnel, lorsque celui-ci ne fonde ses recettes que sur des résultats sportifs. En effet, tout aléa sportif entraîne automatiquement un déséquilibre financier, qu'il s'agisse de football, de rugby ou de basketball. La ville de Strasbourg s'est ainsi retrouvée brutalement sans club professionnel, et a été obligée d'assurer le maintien d'un stade qui lui coûtait, selon l'enquête que j'avais menée, 20 000 euros par semaine, sans qu'un match n'ait lieu dans cette enceinte.
Comment une collectivité territoriale peut-elle établir des relations avec le sport professionnel si elle n'a pas de garantie sur la fiabilité de la structure qui va l'exploiter -sauf si des utilisations annexes justifient cet investissement et garantissent son fonctionnement ? Il appartient à la loi de clarifier la situation.
Vous savez que l'Europe se partage aujourd'hui en services d'intérêt général économique ou non économique. Il sera a priori difficile de considérer les structures professionnelles sportives comme ne présentant pas un intérêt général économique. La subvention indirecte deviendra donc impossible dans la quasi-totalité des cas. On peut compter sur la Cour des comptes pour relever ce point.
Quant au service d'intérêt général non économique, il faudra démontrer la valeur sociale de l'engagement de la structure, ce qui réduira considérablement la participation des collectivités territoriales.
Il manque actuellement, en France, 30 000 équipements sportifs de proximité. Or, ceux-ci ne peuvent plus être subventionnés par le CNDS. Il faudra donc que la loi revoie la manière de concevoir les investissements.
Le souhait de l'AMF est de plafonner les investissements publics, afin de ne pas entraîner la chute de la collectivité. Dans beaucoup de pays d'Europe, ces investissements sont assurés par l'entreprise sportive elle-même, et non par la collectivité territoriale.
Pour autant, l'AMF n'a pas, dans ce domaine, de politique déterminée, le sport professionnel touchant moins de 200 villes sur 36 000 communes.
Vous avez par ailleurs posé une question sur la refonte des compétences. Si des collectivités doivent être concernées, l'AMF estime que cela ne peut se faire qu'à l'échelle des régions. On voit bien que la plus grande partie des gens qui fréquentent un stade de football ne vient pas nécessairement de la ville dans laquelle est implanté le stade, mais d'une région bien plus large. Ce n'est donc pas nécessairement à la ville centre de supporter les dépenses, ni de faire fonctionner les clubs professionnels.
M. Stéphane Mazars, rapporteur. - Est-il aisé de définir aujourd'hui si un club relève ou non du statut professionnel ?
M. Jean-Marie Darmian. - On pense toujours au football, au basketball, au handball, ou au rugby, mais certains sports professionnels, comme le golf, ne s'adressent aux collectivités territoriales que pour subventionner des manifestations. Il en va de même pour le Tour de France, pour lequel les collectivités locales, ne sont certes pas les principales contributrices, mais sont néanmoins sollicitées. Il existe donc une ambiguïté dans la définition de la structure professionnelle.
Le professionnalisme devrait impliquer que les sportifs vivent intégralement des recettes de leur activité. Or, mis à part, l'Olympique Lyonnais (OL) ou le Paris Saint-Germain (PSG), il n'existe pas de club que l'on puisse considérer comme professionnels à temps plein. C'est ce que la loi devrait essayer de clarifier
M. Stéphane Mazars, rapporteur. - L'AMF connaît-elle le montant que les communes consacrent au sport professionnel ?
M. Jean-Marie Darmian. - Je crois qu'il n'existe pas d'exemple, en France, de club sportif professionnel n'ayant pas recours aux collectivités pour l'entretien de leurs installations. Ces prestations sont généralement sous-estimées - certains clubs de football anglais requérant jusqu'à douze jardiniers -, et l'entretien d'un stade est financièrement supérieur aux exonérations de taxes sur les spectacles qui peuvent être effectuées.
En second lieu, il est très difficile d'identifier les subventions, beaucoup de collectivités contournant la réglementation par l'achat de places. La prochaine loi va aborder la question et je crois savoir que les collectivités ne pourront acheter des places qu'à condition de les redistribuer selon des critères sociaux.
Il existe par ailleurs dans les stades des contrats de publicité qui ne sont pas toujours payés selon les tarifs du marché et constituent des subventions déguisées : là où un annonceur paierait 15 000 euros, la collectivité consentira à un effort qui pourra atteindre le double.
Une autre forme d'aide réside dans la mise à disposition d'installations qui ne sont pas celles dans lesquelles se déroule la compétition, comme des centres de formation ou d'entraînement qui, pour beaucoup, appartiennent aux collectivités locales.
Beaucoup de communes accordent des exonérations de taxes sur les spectacles, qui peuvent être très importantes. Cette part est variable chaque année, en fonction du choix des matchs.
Quand on cumule toutes ces pratiques, on parvient à des sommes conséquentes atteignant probablement un milliard d'euros tous sports confondus. Ces sommes ne sont pas réellement identifiables dans le budget des communes, certaines collectivités ne subventionnant pas directement le sport, mais des associations supports servant à transférer les fonds, sans qu'on puisse le vérifier. Ceci diminue les charges qui incombent aux clubs, comme celles, au football, des centres de formation.
M. Stéphane Mazars, rapporteur. - Peut-on avoir une idée de ce que rapporte aujourd'hui le sport professionnel ?
M. Jean-Marie Darmian. - C'est un vrai débat. Le sport professionnel, lorsqu'il traite avec les collectivités territoriales, parle en termes d'image ou de temps de diffusion, affirmant, dans le cas du Tour de France par exemple, qu'une campagne de promotion coûterait infiniment plus cher que ce que paye la commune pour être choisie comme ville étape.
Selon les organisateurs sportifs, il est incontestable que les collectivités territoriales tirent un bénéfice indirect de la notoriété que confère la pratique du sport professionnel. Bourgoin-Jallieu est bien la preuve de ce que cela peut apporter à une ville sur le plan économique et en termes de notoriété. Ceci vaut aussi pour les entreprises qui participent à la vie du club.
Si les grandes entreprises s'intéressent aux clubs professionnels pour les retombées, les maires ne peuvent y être indifférents. Cela dit, si la notoriété d'un club apporte beaucoup à une ville, cet apport peut être éphémère disparaître aussi vite qu'il est apparu.
M. Stéphane Mazars, rapporteur. - Vous avez évoqué les possibilités d'exonération de la taxe sur les spectacles. A-t-on une idée de ce que rapporte le spectacle sportif aux communes ?
M. Jean-Marie Darmian. - Il rapporte à peu près l'équivalent de l'exonération. En général, il s'agit d'une cote mal taillée. Tout dépend du choix politique effectué par la collectivité, et des rapports avec le club. Certaines mairies ne pratiquent aucune exonération.
Mme Michelle Demessine. - Il existe des frais de nettoyage.
M. Jean-Marie Darmian. - L'exonération est double, les frais d'entretien du stade n'étant pas récupérés.
Lorsque Le club de rugby de Bègles utilise le stade de Bordeaux, les frais s'élèvent à 92 000 euros. Lorsque ce même club joue à Bègles, dans un stade plus petit, les frais sont d'environ 12 000 euros. Il y a certes une différence de fréquentation, mais de nombreuses places sont gratuites. C'est la retombée économique de la diffusion télévisée qui permet de vivre.
M. Pierre Martin. - Les Allemands s'en tirent mieux car la fréquentation de leurs stades a largement augmenté.
M. Stéphane Mazars, rapporteur. - A-t-on un schéma type de répartition entre la commune et l'intercommunalité ou l'agglomération ?
M. Jean-Marie Darmian. - C'est un débat que le législateur devra trancher à l'occasion de la loi sur les compétences des métropoles. Les équipements sportifs doivent-ils faire partie de ces compétences ? Toute collectivité peut certes décider que les clubs d'un certain niveau sont d'intérêt communautaire, et que les autres restent d'intérêt communal, mais le débat sur le sport professionnel devra être tranché en fonction des compétences qui seront attribuées aux métropoles.
Toutefois, de moins en moins de communes assument seules la responsabilité des relations avec le sport professionnel. Les choses se font à l'échelon d'entités beaucoup plus larges que la commune centre.
M. Michel Le Scouarnec. - Les chiffres m'étonnent : il manquerait 30 000 équipements de proximité. Beaucoup d'efforts sont pourtant réalisés par les collectivités locales.
M. Jean-Marie Darmian. - Il s'agit d'une étude du ministère des sports, qui a été réalisée il y a trois ans. Elle mentionne un ratio par nombre d'habitants portant sur les équipements structurants tels que les salles omnisports, les piscines, les terrains de jeux et les pistes d'athlétisme.
M. Michel Le Scouarnec. - Ces chiffres englobent-ils les équipements scolaires ?
M. Jean-Marie Darmian. - Non. C'est là un vrai débat. L'AMF est très concernée par ce sujet. On en arrive à avoir des normes de stade pour l'éducation nationale, pour les fédérations et pour le sport pour tous.
Il arrive que l'on doive détruire le sautoir d'un stade scolaire à cause d'une nouvelle discipline d'enseignement de l'athlétisme appelée quintuple bond, ou encore faire des pistes de 80 mètres au lieu de 100 mètres. L'AMF ne cesse de se battre pour la polyvalence des équipements : Bordeaux, qui a un superbe vélodrome, ne s'en sert parfois que deux fois dans l'année.
M. Michel Le Scouarnec. - S'il manque effectivement 30 00 équipements, ne va-t-on pas considérer que le CNDS doit être utilisé à d'autres fins que pour le sport pour tous ? Si le manque est si criant, il est urgent de changer la donne, et l'AMF peut jouer un rôle important dans ce domaine.
M. Jean-Marie Darmian. - L'AMF demande que ces structures ne soient pas utilisées uniquement pour le sport professionnel.
M. Michel Savin, président. - J'entends bien votre inquiétude, mais cette question ne concerne pas notre mission, qui porte sur les relations entre le sport professionnel et les collectivités. Le manque d'équipements doit donc s'inscrire dans un autre débat.
M. Alain Néri. - Si on multiplie les normes, on ne s'en sortira pas. Il faudra bien finir par faire la distinction entre le club professionnel, société à objet sportif ou société anonyme, et le club omnisports, en expliquant aux fédérations que les conseilleurs ne sont pas les payeurs. Certaines conditions sont certes nécessaires à la pratique du sport, mais il faut également que chacun reste raisonnable, en particulier les fédérations. Elles doivent écouter les collectivités, qui mettent la main au portefeuille.
M. Stéphane Mazars, rapporteur. - Pensez-vous que l'on puisse améliorer la représentation des collectivités dans le mouvement sportif ?
M. Jean-Marie Darmian. - Oui, au CNDS, les élus n'ont qu'une voix consultative, que ce soit à l'échelon régional ou national, même si la ministre des sports est en train de modifier le fonctionnement du Centre et des comités régionaux. Les élus sont bien les payeurs, mais ils ne sont que de simples observateurs.
Faut-il que les élus intègrent de droit les organes de direction des clubs professionnels ? Pour l'AMF, la réponse est non. L'expérience prouve que c'est très dangereux en termes de responsabilité des élus, et encore davantage en termes de morale et de fonctionnement des clubs.
S'agissant des normes, le problème vient du fait que les fédérations ou les ligues de football ou de rugby font pression sur les clubs en affirmant que, sans quatre plates-formes de télévision, ils ne pourront accéder au sport professionnel. Ceux-ci se retournent alors vers les collectivités propriétaires du stade pour qu'elles mettent aux normes un équipement qui va rapporter au club et non à la collectivité, cette dernière ne touchant pas de royalties sur les droits TV.
Le poids qu'a pris la télévision dans le monde du sport professionnel est tout à fait disproportionné : bientôt, on arrivera à faire jouer des matchs à midi, devant des stades vides, la recette étant alors assurée par la télévision et non par le spectateur. Or, pour les collectivités territoriales, la finalité est de faire en sorte que les personnes se déplacent pour aller voir le match.
M. Rachel Mazuir. - Même chose pour le Tour de France : la publicité et la télévision décident.
M. Jean-Marie Darmian. - Mais l'élu est obligé de faire refaire les routes à neuf.
M. Rachel Mazuir. - 170 000 euros.
M. Alain Néri. - Cela dit, une fois les routes goudronnées, elles le restent.
M. Michel Savin, président. - Vous avez parlé d'un certain flou par rapport au suivi des subventions. L'AMF a-t-elle des propositions à faire en ce domaine ? Doit-on l'inscrire dans une loi ?
M. Jean-Marie Darmian. - L'AMF propose d'instituer une sorte de déclaration annuelle, qui permettrait de retracer tous les financements publics dont bénéficient les clubs professionnels.
Vous le savez, l'expert-comptable d'une association, quelle qu'elle soit, doit, à la fin de chaque exercice, faire état de toutes les conventions particulières passées entre l'association et ses membres. Je pense que ceci pourrait s'appliquer à la comptabilité des clubs et à celle des collectivités, de manière qu'à la fin de l'exercice apparaissent toutes les subventions, directes ou indirectes, consenties au club par les collectivités, avec mention de leur nature.
Ces relevés ne figurent pas dans les bilans des clubs, et je crois qu'il faudrait y remédier, de telle manière que l'on voie le rapport entre l'aide publique et le fonctionnement privé du club.
M. Pierre Martin. - L'AMF a mené, il y a quelques années, des négociations avec les différentes fédérations sportives. J'y participais. Nous avions attiré l'attention des fédérations sur le fait qu'elles ne pouvaient exiger quoi que ce soit dès lors qu'elles ne payaient pas. Des conclusions en ont été tirées et les différentes fédérations ont pris des engagements à ce sujet.
M. Jean-Marie Darmian. - Je n'ai parlé que des équipements demandés par les ligues professionnelles ayant un rapport avec le club : éclairages pour la télévision, plates-formes, places neutralisées, sécurité, accès aux vestiaires, etc. Ce ne sont pas les fédérations qui l'imposent, mais bien les ligues professionnelles.
Il ne faut pas confondre ces demandes avec celle des fédérations, qui réclament aux maires une pelouse pour un stade de division d'honneur : ces demandes ont pour but un profit financier plus qu'une amélioration de l'installation.
M. Stéphane Mazars, rapporteur. - Beaucoup de clubs professionnels sont demandeurs de nouvelles infrastructures sportives et font référence à l'exemple allemand. Certains se sont lancés dans des projets relativement ambitieux, sous diverses formes telles que les partenariats public-privé (PPP) ou la maîtrise d'ouvrage directe.
L'AMF a-t-elle engagé une réflexion sur les différents moyens de faire fonctionner une infrastructure sportive, notamment au regard des exemples de Strasbourg, du Mans, ou de Grenoble ? Comptez-vous attirer l'attention du ministère sur ces moyens de financement ?
M. Jean-Marie Darmian. - L'AMF, siégeant à la COGEQUIS, a été contrainte de mener cette réflexion. Une des premières décisions de la ministre des sports a été de supprimer le COGEQUIS, à la demande de l'AMF, de façon à ne pas entraîner automatiquement des subventions de l'État pour la construction de certains équipements. Certaines obligations pèsent en effet sur les collectivités qui désirent s'engager dans des compétitions, comme la coupe de l'Union des associations européennes de football (UEFA). Or, un signal d'alerte vient d'être émis à l'occasion du referendum de Munich, dimanche dernier : pour la première fois dans l'histoire, des communes, de la banlieue munichoise, ont refusé que Munich se porte candidate aux Jeux olympiques, pour ne pas financer des équipements sans avoir la certitude qu'ils pourront avoir une utilisation ultérieure.
C'est un enchaînement sans fin. Le stade olympique de Montréal n'a, par exemple, plus aucune utilité. Personne ne se sert plus de sa pelouse. On y a d'ailleurs réalisé une biosphère et installé des animations.
L'AMF demande donc que la majorité des équipements sportifs liés au monde professionnel soient pris en charge par les exploitants, ou par ceux qui vont y exercer une activité économique. Une collectivité ne peut investir dans une aréna pour la mettre à disposition d'une société à but lucratif. Des délégations d'exploitation, ou des délégations de service public (DSP), peuvent exister. Les collectivités ne sont pas tenues de demeurer en régie directe. Des choix peuvent être effectués au départ. Financer des stades de 45 000 places, dans lesquels la collectivité va s'engager sur une longue durée, sans être certaine de la rentabilité de l'équipement, c'est courir le risque de servir de caution à un emprunteur dont on n'est pas sûr qu'il aura toujours des revenus.
Mme Michelle Demessine. - L'exemple de Londres, à cet égard, est très intéressant.
M. Jean-Marie Darmian. - Ils n'ont réalisé que des équipements démontables.
M. Rachel Mazuir. - A-t-on dressé un bilan social et financier des événements du Mans, de Grenoble, ou de Strasbourg ? Des clubs de Ligue 1, comme celui de Grenoble, se sont retrouvés en championnat de France amateur 2 (CFA2), avec des annuités à payer. Certaines équipes devaient avoisiner la centaine de personnes. Ces gens se sont tous retrouvés au chômage du jour au lendemain. Lorsqu'il s'agit d'une entreprise, on assiste à des manifestations ; ici, on ne sait rien et on n'en parle pas.
M. Jean-Marie Darmian. - Ce sont les aléas du sport professionnel. Un club peut être européen durant une année, bâtir sa stratégie financière sur cet élément, puis rétrograder l'année suivante, en ayant embauché 100 personnes entre-temps. C'est une question de masse salariale et de contrats à long terme.
Je crains que l'on en arrive à réduire le nombre de clubs professionnels au minimum, afin qu'ils fassent tous partie de l'élite. C'est une tentation.
C'est le professionnalisme, sans l'incertitude du sport.
Mme Françoise Cartron. - Certaines décisions, comme celle d'accueillir la coupe d'Europe de football se prennent en petits comités et s'imposent ensuite directement aux collectivités, avec toute la pression médiatique et locale que l'on connaît. On est alors dans une sorte d'étau, où la libre administration des collectivités est mise à mal. On doit, en outre, décider très rapidement d'investissements lourds, pour satisfaire un choix auquel on n'a pas toujours été associé au départ.
M. Alain Néri. - Le risque que présentent les ligues fermées est majeur. Des tentatives ont déjà eu lieu, comme celle de M. Murdoch.
Les collectivités ne sont pas, comme les clubs, membres de l'UEFA. Que les clubs s'arrangent donc avec elle. Les royalties de l'UEFA tombent bien dans les caisses du club et non dans celle de la commune. Les clubs commandent, mais ne paient pas, et ne prennent pas de risque. Ce n'est pas ainsi que l'on doit gérer les choses.
Je crois qu'il faut rappeler à la raison les clubs et la ligue professionnelle. C'est la ligue professionnelle qui dirige tout. Or, elle est avant tout composée de présidents de club. Il est, dans ces conditions, urgent de clarifier les relations entre les collectivités et ces structures, qui ne sont même pas associatives.
Le cas le plus difficile à résoudre est effectivement celui de la pression que subissent les maires, lorsqu'une équipe monte. Il fut un temps où les collectivités étaient amenées à garantir les emprunts des clubs. Heureusement, on s'en est sorti en légiférant, et je me demande si nous ne devrons pas traduire dans la loi le travail que nous sommes en train de conduire ici.
Mme Michelle Demessine. - Tout n'est pas noir, tout n'est pas blanc, et on n'est pas toujours le dos au mur. Certes, les instances sportives abusent des normes, et je pense qu'il faudra avoir un dialogue permanent plus fort à ce sujet, mais chacun sait que toutes les disciplines -hormis le football- ne vivent que grâce aux collectivités. Il ne faut pas attendre que le club établisse seul son projet. La collectivité peut fort bien prendre position en amont, et expliquer qu'elle n'est pas prête à suivre. Il faut poser clairement le problème.
M. Rachel Mazuir, rapporteur. - Quelle est la position de l'AMF sur le financement des grandes infrastructures par les collectivités locales ? Estime-t-elle qu'il faut limiter les aides à 50 % ?
M. Jean-Marie Darmian. - L'AMF préconise une limitation en pourcentage, mais je ne puis vous apporter de réponse quant au niveau. Il conviendrait toutefois de respecter les équilibres réels de financement public pour le compte d'une exploitation privée. Je pense qu'il faudrait que vous réfléchissiez à un plafond. Si un maire mettait à la disposition d'une structure privée des équipements parfois financés à 80 % par la commune, il subirait les foudres de la Cour des comptes.
J'aimerais, en conclusion, vous transmettre un certain nombre de demandes de l'AMF.
Il faut avoir conscience de l'évolution du sport professionnel. Certaines disciplines ne sont pas concernées par nos réflexions. Roland-Garros est ainsi entièrement autofinancé. Il faut jeter les bases d'une réflexion globale portant sur le sport professionnel. L'AMF ne veut pas se laisser entraîner dans des débats avec chaque fédération. Nous souhaiterions que votre rapport redéfinisse les relations entre les collectivités territoriales et le sport professionnel, afin de ne pas ouvrir la porte à des situations ambiguës ou complexes. L'AMF réclame une clarification.
En second lieu, l'AMF souhaite identifier les chefs de file et les interlocuteurs, ainsi que leur niveau de responsabilité : communes centres, métropoles ou régions. Selon moi, les centres de formation doivent dépendre des régions, et non de la commune ou du département.
Par ailleurs, l'AMF désirerait voir figurer dans les comptes des clubs la mention de toutes les aides indirectes accordées au sport professionnel. Les associations ne parlent que de subventions : l'AMF veut insister sur la notion de soutien, qui n'est pas la même chose. Dans un milieu économique tendu, l'AMF réclame une certaine transparence sur cette question. Il ne s'agit pas d'exiger des comptes analytiques de la part des communes, mais de faire en sorte qu'apparaissent, au moins dans les comptes du club, toutes les aides indirectes accordés par les collectivités, comme les exonérations de taxes, par exemple.
Enfin, l'AMF demande que toutes les relations entre le monde professionnel et les collectivités territoriales soient régies par des conventions soumises au vote de ces collectivités, de manière qu'il n'y ait aucune ambiguïté dans ce domaine.
M. Pascal Bonnetain, conseiller de la région Rhône-Alpes et président de la commission des sports de l'Association des régions de France (ARF)
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M. Michel Savin, président. - Nous poursuivons nos travaux et entendons à présent M. Pascal Bonnetain, conseiller de la région Rhône-Alpes, et président de la commission des sports de l'Association des régions de France (ARF).
M. Pascal Bonnetain. - Je tiens à vous présenter les excuses du président Alain Rousset, qui n'a pu se joindre à nous. Je suis accompagné de Claire Bernard, permanente à l'ARF.
Le sport professionnel concerne aujourd'hui toutes les régions, même s'il existe des compétences particulières ou des chefs de file en la matière. La région Rhône-Alpes compte 950 athlètes de haut niveau, trois clubs de football de première division, deux clubs de rugby en Top 14 et 12 clubs professionnels au total. Le sport nature représente aussi une part non négligeable de l'ensemble, puisqu'il constitue un enjeu économique important pour le tourisme en Rhône-Alpes.
Nous nous concentrerons aujourd'hui sur le sport professionnel. Nous sommes tenus à une grande transparence en matière d'intervention des collectivités dans ce domaine, où nous avons des compétences s'agissant de la formation. C'est la raison pour laquelle nous sommes à même d'aider les clubs professionnels qui disposent d'un service de formation des apprentis.
Les collectivités ne se structurent toutefois pas toujours autour des clubs professionnels, Oyonnax ou Evian Thonon Gaillard, historiquement, ne représentant pas des institutions comme l'Olympique Lyonnais (OL) ou Geoffroy-Guichard.
Nous sommes donc tenus de nous intéresser aux centres de formation, ainsi qu'aux lycées et aux centres de formation d'apprentis (CFA), qui relèvent de la compétence de la région. C'est pourquoi nous soutenons les centres de formation et aidons les jeunes à assister à des matchs de basketball féminin, de football, de volleyball, de rugby, même si nous ne mettons pas à leur disposition des places en tribune d'honneur.
Enfin, nous avons également une mission d'aide aux équipements devant accueillir de grands événements, comme l'Euro 2016, et sommes chargés de rénover certains stades -OL, Geoffroy-Guichard. Certaines collectivités, comme Le Mans ou Grenoble, ont connu des difficultés, n'ayant pas hésité à recourir à des partenariats public-privé (PPP). Elles doivent ensuite payer leurs équipements pendant plusieurs mandats, et l'effet à long terme peut être dévastateur. Les stades du Mans ou de Grenoble ont ainsi été mis en oeuvre pour des équipes qui n'ont pu tenir leur rang.
L'argent des collectivités est rare ; le débat public est de plus en plus important, d'autant que la presse assiste aux assemblées plénières. Il faut donc que les collectivités prennent garde à la façon dont elles distribuent l'argent aux clubs professionnels qui, dans l'opinion publique, apparaissent comme favorisés. On doit aux citoyens une certaine transparence, les contrôles de légalité exigeant que cet argent ne soit pas dévoyé.
Enfin, les régions apportent une aide de 24 millions d'euros aux clubs professionnels sur l'ensemble du territoire, répartie entre la communication et les centres de formation. Il n'existe pas de mise à disposition de personnels territoriaux auprès des clubs professionnels.
M. Michel Savin, président. - La parole est au rapporteur.
M. Stéphane Mazars, rapporteur. - Vous avez évoqué la place des régions dans la formation. M. Darmian, avant vous, nous a dit qu'il serait bon de clarifier les compétences en la matière, et de les attribuer définitivement aux régions. Qu'en pensez-vous ?
M. Pascal Bonnetain. - Je le crois en effet.
Les compétences sportives, quant à elles, sont liées aux communes, aux communautés de communes, aux départements et aux régions. Or, il n'existe pas de chef de file. Il va falloir trouver une stratégie en matière d'égalité et d'aménagement du territoire. La région doit réagir et s'adapter à des changements d'environnement tels que la réformes du Centre national pour le développement du sport (CNDS), qui est en cours, ou l'évolution attendue des centres de ressources, d'expertise et de performance sportives (CREPS) vont vraisemblablement relever des régions. La région va donc devenir chef de file sur de multiples sujets qui la concernent.
Chacun de vous a déjà essayé de réaliser une piscine ou un gymnase. L'intérêt est de parvenir à un financement suffisant, afin de permettre un effet de levier. Aujourd'hui, la région touche des fonds européens. Le président du conseil régional va donc essayer de gérer cette réalisation non seulement avec le CNDS, mais également avec ces fonds. Il est important que chaque schéma de cohérence territoriale (SCOT), qui constitue une structure cohérente, ait une piscine couverte. J'habite en milieu rural : les enfants ont besoin de savoir nager et de faire de la gymnastique. Le milieu rural nécessite donc de tels équipements, et il faut utiliser les ressources de l'urbanisme dont nous disposons, comme le SCOT. C'est la raison pour laquelle la formation constitue, selon moi, une compétence qui doit revenir à la région.
M. Stéphane Mazars, rapporteur. - Les régions aident-elles parfois le sport professionnel individuel ?
M. Pascal Bonnetain. - Nous n'en avons pas d'exemple. Les seuls à être quelque peu rémunérés sont les skieurs, qui ont également des contrats de partenariat avec les stations. La région aide cependant ses 950 sportifs de haut niveau. Elle a, à cette fin, créé un team.
M. Stéphane Mazars, rapporteur. - Existe-t-il des agents territoriaux parmi ces sportifs de haut niveau ?
M. Pascal Bonnetain. - Ce type de convention ne se pratique plus guère. Un agent de la région, champion olympique de Handisport, a été intégré dans l'équipe territoriale. Il s'agit d'une reconversion. Les collectivités redoutent les emplois fictifs.
M. Stéphane Mazars, rapporteur. - Votre région compte beaucoup de rénovations d'infrastructures sportives. De quelle façon la région s'y prend-elle pour soutenir ces divers projets ?
Les clubs cherchent à développer un modèle économique viable, comme en Allemagne. C'est le cas du stade Geoffroy-Guichard de Saint-Etienne, de Lyon, financé par le club, même si les collectivités participent à l'aménagement des abords du stade, et de Grenoble, où le projet sportif était lié à des investisseurs étrangers, qui sont aujourd'hui désengagés, mettant ainsi le club en difficulté.
Pensez-vous qu'il faille que les collectivités limitent leurs investissements dans ce domaine ?
M. Pascal Bonnetain. - En région Rhône-Alpes, le débat sur le stade des Alpes et celui sur l'Euro 2016 sont, par chance, arrivés au même moment. Ceci nous a permis de privilégier la maîtrise d'ouvrage publique par rapport à la maîtrise d'ouvrage privée.
Nous sommes quelque peu dubitatifs pour ce qui est des PPP, mais on ne peut empêcher une initiative privée concernant le stade de Lyon. On sait que celui-ci comportera des fonds publics, et que les collectivités devront mettre en oeuvre des transports collectifs, mais ceux-ci serviront également à la population. Étant donné l'état du stade de Geoffroy-Guichard, il fallait bien l'aider. Certains de nos partenaires politiques n'y étaient pas favorables, mais il s'agit d'un stade historique, où l'on doit accueillir correctement le public.
Nous avons tenté de prendre les meilleures décisions, même si l'on est montré du doigt lorsqu'on investit de l'argent dans un club professionnel. Cela fait partie d'un débat que nous avons eu en assemblée plénière, devant les journalistes. Il faut que les collectivités restent les acteurs de l'intérêt général. C'est fondamental !
M. Rachel Mazuir. - Lorsqu'on évoque les structures nouvelles que l'on veut mettre en place, on pense surtout à ce qui se fait en Allemagne. On oublie que les stades y sont systématiquement pleins tous les dimanches, ce qui est loin d'être le cas chez nous. C'est la même chose en Angleterre. Il s'agit d'une culture différente.
On dit que les régions sont les chefs de file en matière de sport professionnel. La France compte 22 régions. Deux ont une puissance financière réelle, l'Île-de-France et Rhône-Alpes. Jean-Pierre Raffarin dit qu'il serait sans doute pertinent que notre pays ne comporte que huit à dix régions - et je suis d'accord avec lui. Il faut donc aussi, me semble-t-il, prendre cette dimension en compte.
S'agissant des SCOT, ceux-ci n'ont rien à voir avec la région, l'apprentissage de la natation commençant à l'école élémentaire !
J'approuve cependant l'aide que Rhône-Alpes apporte aux centres de formation. C'est là le vrai rôle des régions, et il faut s'en tenir à cette dimension. Le reste me paraît extrêmement aléatoire, s'agissant des superstructures. Je souhaite que les choses réussissent à Lyon. À Bourg-en-Bresse, nous avons construit une salle pour le basketball : lorsque nous aurons fini les matchs, j'aimerais bien savoir à quoi elle va servir ! Les spectacles n'attirent aujourd'hui plus assez de monde ! La démarche des responsables politiques est donc compliquée...
M. Pascal Bonnetain. - S'agissant des SCOT, je voulais parler d'équipements. Il faut rechercher l'égalité des territoires. Je préside la commission chargée de ce sujet au sein du nouveau CNDS : il faut en avoir une vision partagée.
Il n'est pas nécessaire de créer de nouveaux outils -on en a trop- mais utiliser ceux qui existent, et considérer les équipements en fonction du nombre d'habitants. Le SCOT est aujourd'hui un outil réglementaire.
M. Rachel Mazuir. - Nous sommes d'accord !
M. Michel Savin, président. - Vous avez parlé de la participation des régions à la rénovation ou à la construction d'équipements sportifs dédiés au sport professionnel. Sur quels critères se basent les régions pour apporter leur aide ? Un travail est-il réalisé en amont avec les clubs ?
M. Pascal Bonnetain. - La première étape est la maîtrise d'ouvrage public. Il faut, en second lieu, savoir à quoi peut servir l'équipement à court, moyen et long termes. Aujourd'hui, un investissement se fait pour vingt ou trente ans, et doit être modulable, afin d'accueillir d'autres activités.
J'en reviens à la formation... Nous peinons à avoir des gymnases en bon état : il peut donc être intéressant de jumeler ces équipements avec les lycées.
M. Pierre Martin. - Les centres de formation sont souvent intégrés aux clubs, et certains transferts, conséquents, commencent déjà à avoir lieu. Comment cela se passerait-il si la région avait une compétence totale en matière de centres ? Beaucoup de joueurs de 16 ans sont partis soit en Espagne, soit en Angleterre !
Par ailleurs, c'est la France qui a été candidate à la coupe d'Europe, et non les clubs. Les collectivités ont été consultées et ont donné leur avis ! Or, certaines métropoles qui n'ont pas été retenues le regrettent aujourd'hui. D'un autre côté, on trouve que cela coûte cher. Certains points de vue sont difficiles à comprendre !
M. Pascal Bonnetain. - J'ai été, dans le passé, directeur de CREPS. Il est vrai que les centres de formation professionnelle auraient intérêt à traiter avec l'ensemble des structures de formation, dont on ne comprend pas toujours les arcanes.
J'ai également travaillé sur la question des jeunes joueurs africains. Nous avons le devoir, en tant qu'organisme public, d'exercer un suivi. Accompagner les centres de formation et les stagiaires, c'est permettre à tous d'avoir une vie de sportif en tant qu'entraîneur, arbitre, stadier, alors que les clubs professionnels ont tendance à ne s'intéresser qu'aux joueurs.
M. Pierre Bordier. - On n'a pas abordé la question de la notoriété. Je suis élu de l'Yonne : tout le monde a entendu parler d'Auxerre, mais personne ne sait où est la Bourgogne ! Qu'en pensez-vous ?
M. Pascal Bonnetain. - Le sport professionnel est un vecteur de communication important. Les équipes de première division jouissent d'une forte représentativité sur le territoire. Lors de la victoire de la coupe du monde de football, L'Équipe a vendu plus de 1,5 million d'exemplaires, contre le quart habituellement.
Les jeunes qui pratiquent un sport de haut niveau ne parviennent pas tous au sommet. C'est pourquoi on devrait toujours leur conseiller de poursuivre parallèlement leurs études. Dans le sport professionnel, on les incite à arrêter leurs études en leur faisant miroiter des salaires mirobolants : s'ils se blessent ou s'il y a trop de candidats sur le marché, ils se retrouvent sans métier et sans formation. Cette problématique doit faire partie de la réflexion publique.
M. Alain Néri. - Le Stade de France est un bel outil, qui a cependant été beaucoup décrié. Il a néanmoins lourdement pesé pendant des années sur le budget de la jeunesse et des sports, et l'on finit à peine d'éponger le contrat léonin signé à l'époque avec le consortium du Stade de France ! Ces sommes auraient pu servir à construire un certain nombre d'équipements sportifs, prenant ainsi en compte l'aménagement du territoire.
Certaines villes, qui ont été retenues pour la rénovation de leur stade, déclinent à présent l'offre, considérant que cela coûte trop cher. La participation ne doit pas pousser à la dépense, comme on l'a vu dans certains cas.
Ceci commence d'ailleurs à poser problème : les normes que nécessitent les équipements sportifs sont telles que l'UEFA, faute de pouvoir réhabiliter tous les stades d'un seul pays, devra organiser la coupe d'Europe à travers l'Europe. Elle-même s'interroge donc sur l'efficacité et le rendement des investissements -même si elle ne paye pas !
La première compétence des conseils régionaux est la formation. Or, les collectivités vont être de plus en plus obligées de se recentrer sur leurs compétences. Il sera plus utile de faire un effort en matière de formation que de se disperser dans des investissements comportant des participations croisées, qui ne sont pas toujours clairement identifiées.
Je suis pour une formation pluridisciplinaire de haut niveau, qui prépare à la carrière sportive, mais également pour la reconversion. Le secteur qui compte le plus fort pourcentage de chômeurs est le football, avec tous les drames humains que cela comporte. Le métier de stadier ne devant guère susciter de grandes motivations, il faut donc prévoir des reconversions.
Le problème des jeunes africains se pose également. Les fameuses académies de football africaines envoient des jeunes en Europe, après que la famille leur ait payé un billet d'aller simple. Quand le jeune n'est pas retenu dans un centre de formation professionnelle, on le retrouve dans la rue sans papiers ! Ayant honte d'avoir échoué, il n'ose même pas demander à sa famille de l'aider à rentrer au pays. Ces cas sont dramatiques ! La formation est donc essentielle, et l'on devra, dans le cadre de la future loi sur le sport, rétablir le paiement par les clubs professionnels de la cotisation sur la formation, supprimée par un précédent Gouvernement.
Pour le reste, la participation des collectivités au financement des clubs professionnels devrait être prise sur la ligne budgétaire « communication » : au moins, les choses seraient-elles claires ! On ne peut parler de formation lorsque deux joueurs professionnels viennent assister à l'entraînement des cadets. C'est se moquer du monde !
On dit que les régions doivent participer au développement des équipes professionnelles : les subventions, pourtant parfois élevées, ne correspondent parfois même pas à deux mois de salaire du joueur le mieux payé ! Si l'on n'en donne pas, cela ne mettra pas en péril le fonctionnement du club !
Je suis donc favorable à ce que vous vous recentriez sur la formation !
M. Pascal Bonnetain. - C'est bien l'objectif ! Dans un période où l'argent est rare, il ne faut pas faire n'importe quoi. Pour autant, l'emploi de stadier n'est pas un emploi de seconde catégorie. Cela fait partie de la reconversion.
M. Alain Néri. - Vous savez comment pratiquent les clubs professionnels : on propose aux parents de payer leur loyer, et la famille pousse le jeune à rester à tout prix au centre de formation !
M. Michel Savin, président. - L'encadrement par une collectivité pourrait éviter ces dérives. C'est un sujet que la mission devra creuser...
M. Pascal Bonnetain. - C'est tout l'intérêt de la gouvernance. La région, à travers les CREPS, peut avoir un droit de regard sur la formation professionnelle, surtout s'il y a de l'argent public à la clé !
M. Philippe Darniche. - Il y a encore cinq ans, j'étais président d'un centre de formation de rugby : les choses ont beaucoup changé ! S'il y a encore des dérives dans le football, elles concernent hélas beaucoup des clubs liés à l'Afrique noire.
J'adhère à la remarque concernant l'implication des CREPS dans la gestion des centres de formation. Dans celui que je présidais, tous les enfants étaient au lycée, et le directeur faisait le tour des établissements chaque semaine. Parmi les treize élèves qui ont passé le baccalauréat, douze l'ont décroché !
M. Michel Savin, président. - Avez-vous des propositions ou des réflexions à nous soumettre en matière de relations entre le sport professionnel et les collectivités ?
M. Pascal Bonnetain. - Nous répondrons de façon exhaustive aux questions que vous nous avez transmises, et nous ferons également des propositions. Il convient de faire certains choix en matière de gouvernance, d'interventions et d'économies d'argent public.
Dans le domaine des clubs professionnels, il ne faut pas se cantonner au football, mais aussi tenir compte du hand-ball ou du basketball, qui n'ont pas les mêmes moyens -sans oublier le football professionnel féminin.
Les collectivités s'intéressent désormais moins à un championnat régional, auquel elles doivent contribuer, qu'aux grandes épreuves sportives - courses, raids, marathons, etc. Elles en font la promotion, et les commerçants s'y retrouvent. Jean-Luc Rougé, président de la fédération de judo, veut ainsi organiser des rencontres sur l'herbe, très peu de spectateurs venant maintenant dans les dojos. Le sport est en mutation. Les gens ont envie de voir du sport professionnel, et surtout de pratiquer.
Un certain nombre de débats ont lieu en ce moment. Faites-nous confiance : l'ARF et Alain Rousset feront des propositions.
M. Robert Cadalbert, président de la communauté d'agglomération de Saint-Quentin-en-Yvelines, co-président de la commission des sports de l'Association des maires de grandes villes de France (AMGVF)
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M. Michel Savin, président. - Mes chers collègues, nous recevons M. Robert Cadalbert, co-président de l'Association des maires de grandes villes de France (AMGVF).
Quels sont les rapports entre votre association et le monde professionnel sportif en termes de participation, de soutien financier, et d'aide aux infrastructures ?
M. Robert Cadalbert. - Je suis également président de la Communauté d'agglomération de Saint-Quentin-en-Yvelines, qui achève le vélodrome olympique, décidé dans le cadre du projet olympique Paris 2012, qui sera livré le 13 décembre prochain. Nous travaillons sur ce dossier avec la fédération française de cyclisme. Je suis, par ailleurs, depuis peu, président de la Commission d'examen des projets de règlements fédéraux relatifs aux équipements sportifs (CERFRES), dans le cadre du Centre national pour le développement du sport (CNDS).
Les relations entre les collectivités territoriales et le sport professionnel couvrent deux problématiques, celle des aides publiques et celle de l'utilisation des équipements.
Les collectivités locales sont évidemment soumises à un rapport de force qui ne leur est guère favorable. La pression qu'exerce la population sur les élus à travers ses associations sportives vous est familière. On ne peut toujours y répondre. Si on a aujourd'hui relativement dépassé l'opposition entre sport de masse et sport d'élite, la question du spectacle sportif amène une toute autre dimension dans ces affaires.
Il existe par ailleurs des plafonds en matière de subventions. Les conventions avec les clubs ne sont pas très claires, chaque cas étant particulier - aides en nature, exonération de la taxe sur les spectacles, mise à disposition de personnel, etc. On a du mal à uniformiser ces multiples paramètres. Quoi qu'il en soit, les élus sont demandeurs de davantage de règles.
Tout comme votre mission commune d'information, nous sommes bien conscients de l'importance d'une certaine rigueur, afin d'analyser l'effort financier, direct ou indirect, que les collectivités consentent aux clubs, en particulier professionnels, en matière d'aides publiques. Ces aides sont, bien sûr, intégrées dans une convention, dont le cadre est plus ou moins ouvert mais, dès qu'on aborde le domaine professionnel, les choses deviennent plus floues. Tous les élus réclament donc davantage de réglementation et de transparence dans ce domaine.
En échange de ces aides financières, il est nécessaire que le club professionnel et la collectivité partagent la même politique. Les propositions de votre mission commune d'information nous intéressent donc de ce point de vue, en ce qu'elles permettraient de libérer les maires de pressions excessives.
Pour ce qui est des équipements sportifs - mise à disposition, construction, développement - les nouvelles réglementations internationales ou fédérales nous obligent souvent à modifier tel gymnase ou tel terrain. Cela fait trois ans que je me bats avec l'Union cycliste internationale (UCI) et la fédération française de cyclisme, dans le cadre de la construction du vélodrome de Saint-Quentin-en-Yvelines, pour en connaître les règles exactes applicables aux pistes de BMX , qui ont changé un nombre incalculable de fois, et qui peuvent générer des surcoûts significatifs !
L'utilisation des équipements par les collectivités territoriales et les clubs, professionnels ou non, internationaux, voire nationaux, pose de réelles difficultés. Il est important que la contractualisation ait lieu dès la programmation d'un besoin. Or, il existe quatre ou cinq formules juridiques de construction. J'ai personnellement l'expérience du partenariat public-privé (PPP), que je défends, car il peut, dans certains cas, correspondre à des besoins particuliers qu'il est indispensable d'élaborer à l'avance.
La programmation et la construction d'un équipement doivent toujours se faire par rapport à son exploitation, afin d'équilibrer les comptes et déterminer les bénéficiaires de telle ou telle valorisation.
Le PPP a été dès le départ fort bénéfique à la construction du vélodrome olympique de Saint-Quentin-en-Yvelines. Certes, il s'est écoulé dix ans entre la décision et la réalisation, mais on a pensé l'équilibre financier de l'exploitation et le vieillissement de l'équipement, dont nous deviendrons propriétaires dans trente ans. La conception, la réalisation et l'exploitation ont été pensés en même temps, afin de répondre aux besoins de l'équipement sportif et à la façon d'équilibrer les comptes.
Comme le relèvent nombre de rapports, seule la mutualisation des équipements peut permettre leur valorisation et leur équilibre financier. Ce n'est pas toujours facile lorsqu'il faut réhabiliter ou changer un équipement vieillissant. Le partenariat ne porte pas seulement sur la construction, mais également sur l'exploitation. Nous sommes d'ailleurs intéressés aux éventuels bénéfices.
Dans ce cas, le PPP constitue un bon outil, qui oblige à approfondir les bilans, même si l'on peut trouver d'autres façons de le faire. Le PPP est toujours intéressant en cas de recettes annexes importantes.
Je parle souvent de PPP pour la construction, et de partenariat public marchand pour l'exploitation. Dans le cas du vélodrome de Saint-Quentin-en-Yvelines, le service public ne peut gérer celui-ci à un coût acceptable, pas plus que le secteur marchand, mais la mutualisation des deux le permet. On a ici un projet sportif international de haut niveau, et l'on accueille la fédération française de cyclisme, qui jouit d'une certaine stabilité. Dans tous les cas, il s'agit de gérer le risque de construction et d'exploitation d'un équipement avec le futur utilisateur. Le club résident peut en effet descendre, mais on doit avant tout, dès le départ, veiller à l'équilibre financier.
Quel type de structure juridique faut-il donc choisir, hormis celle que je viens d'évoquer ? Ce dernier est très spécifique : il bénéficie en effet de recettes annexes à hauteur de 50 %, la fédération française de cyclisme ne payant que la moitié du coût du vélodrome... Comment, dès lors, permettre l'équilibre des recettes annexes supplémentaires ? Il faut, pour ce faire, des équipements polyvalents, comme le centre de hockey que nous sommes en train de construire à Cergy, avec une patinoire pour le hockey et une autre pour le patinage. On voit bien, à travers ces exemples, qu'on a intérêt à pousser les fédérations nationales et internationales à adopter des équipements polyvalents.
Je dois dire que nous sommes en phase avec vos travaux et ne voulons plus être pris en sandwich entre la population et les clubs, et apparaître en position de faiblesse pour négocier !
M. Stéphane Mazars, rapporteur. - Que se passe-t-il sur le terrain entre la ville et l'intercommunalité ? A-t-on des schémas types de répartition des compétences concernant le fonctionnement des clubs professionnels en matière d'équipements ?
M. Robert Cadalbert. - C'est une question de taille. L'intercommunalité est un outil qui permet de créer des équipements sportifs qu'on ne peut réaliser seul. Ceci pousse souvent les clubs à se regrouper. Deux villages qui veulent accéder à un niveau international ont intérêt à se réunir pour avoir un équipement à la hauteur de leurs ambitions.
L'agglomération de Saint-Quentin-en-Yvelines n'aurait jamais pu mener seule à bien le projet de vélodrome. C'est une opération de 74 millions d'euros. Sans aide globale, notre collectivité n'y serait pas parvenue.
Nous n'arrivons par exemple pas à monter le projet de grande piscine à Aubervilliers. Le regroupement permet aux intercommunalités de mieux négocier avec les clubs, et les clubs en compétition sont souvent amenés à se rapprocher pour atteindre des niveaux supérieurs. C'est une question de bon sens.
M. Stéphane Mazars, rapporteur. - Les aides directes des collectivités en faveur du sport professionnel doivent s'inscrire en deçà de certaines limites : pensez-vous qu'il faille repousser ces dernières ? Est-il nécessaire d'en avoir ? Faudrait-il, selon vous, différencier les choses en fonction du fait qu'il s'agit de sport masculin ou de sport féminin, ou en fonction des disciplines ? Aujourd'hui, certains sports pourraient se passer des collectivités locales ; d'autres, même dans le cadre professionnel, ne pourraient vivre sans leur aide. Existe-t-il une réflexion au sein de votre association à ce sujet ?
M. Robert Cadalbert. - Je crois surtout que ces aides, qui sont multiples, nécessitent une certaine transparence, qu'elles prennent la forme d'exemption de taxe sur les spectacles, de mise à disposition de personnel, voire d'aides à la signalisation, qui, pour une collectivité, peut revêtir un coût très important. Il convient de le chiffrer et de le codifier.
On ne connaît pas le montant de la subvention. Nous avons déjà fait une enquête et sommes prêts à en reconduire une nouvelle, avec un questionnaire plus pointu. On est actuellement dans un certain flou. Il serait bon d'avoir une idée du coût.
M. Stéphane Mazars, rapporteur. - Avez-vous fait des études pour savoir combien cela rapporte, au-delà de la notoriété que peut amener le sport professionnel à une collectivité ? Arrive-t-on à mesurer l'impact réel sur l'économie locale ?
M. Robert Cadalbert. - Votre seconde question est presque aussi difficile que la première. Les retombées économiques des grandes manifestations, voire du vélodrome, sont assez floues. Il en y a toutefois. En effet, sans l'Olympique de Marseille (OM), que serait Marseille ?
Il est sûr que le sport de haut niveau et le sport professionnel ont un impact important sur l'économie d'une ville et sur son image. Depuis que nous développons le vélodrome, des entreprises s'installent à côté. Ce n'est jamais la seule cause, mais c'est une dynamique. On a tous à l'esprit l'exemple du Stade de France. Sans lui, la Plaine Saint-Denis n'aurait certainement pas le même visage. Comment le quantifier ? C'est difficile, mais les retombées existent.
Peut-on avoir des outils plus précis pour le faire ? Il existe pour cela un tas de cabinets d'audits. Le Boston consulting l'avait fait pour les Jeux olympiques de Paris 2012 : les retombées allaient de quelques milliards à quelques dizaines de milliards d'euros !
Nous avons mené des études à propos du vélodrome et sur l'arrivée de la fédération française de cyclisme : cette installation a déjà des retombées économiques évidentes. Les quantifier demeure très difficile.
M. Stéphane Mazars, rapporteur. - La fédération ne peut être touchée par l'aléa sportif : vous êtes donc sûrs de l'avoir dans vos murs année après année, contrairement aux clubs, qui peuvent être sanctionnés par la descente d'une équipe. Pour le coup, c'est tout le projet économique qui est mis à mal !
M. Robert Cadalbert. - C'est pourquoi l'analyse du risque est indispensable. Tout équipement sportif comporte des risques. Comment les calculer ? Accueillir la fédération française de cyclisme présente moins de risque que d'héberger un club de football, même si la fédération envisage d'y placer en résidence une équipe professionnelle. Il faut quantifier le risque, chercher à le minimiser en ayant plusieurs clubs sur un même équipement, et plusieurs activités.
Dans le cas précis du vélodrome, nous avons discuté avec le constructeur et avec la fédération française de cyclisme, afin d'aboutir à un équilibre financier acceptable. Plus un équipement sportif est mutualisé et polyvalent, mieux on se porte !
C'est le cas de toutes les arénas, qui peuvent accueillir de nombreux sports professionnels - football en salle, basketball, handball - et avoir plusieurs clubs résidents, minimisant ainsi le risque.
M. Alain Néri. - Les expériences malheureuses de Grenoble, du Mans, et de Strasbourg font prendre leurs précautions aux collectivités.
Le Stade de France n'avait pas de club résident mais, du fait du contrat signé avec le consortium, c'est le ministère de la jeunesse et des sports qui continue à payer, même si l'on voit le bout du tunnel. Cette affaire dure depuis 1996 et a lourdement hypothéqué les possibilités de financement du ministère, qui n'a pas un budget tellement florissant. Il en va de même si la fédération française de cyclisme a des difficultés à payer, on se retournera vers le ministère ! Il n'y a pas de risque, mais c'est néanmoins de l'argent public qui peut être mis à contribution.
Il existe cependant une difficulté avec les stades à usages multiples. Certaines activités peuvent être réalisées sur le même équipement - basketball, handball, volleyball, tennis - si l'on tient compte, au départ, des différentes dimensions. Cependant, des stades comme ceux de Marseille ou du Parc des Princes, sont aujourd'hui totalement obsolètes. Les tribunes sont si loin du terrain que ce n'est pas jouable ! Quant à la compétition cycliste, elle y est difficilement spectaculaire.
Il ne faut donc pas trop d'usages multiples, sous peine d'arriver à un équipement certes généraliste, mais qui ne conviendra à personne ! Les collectivités doivent mener une large réflexion avant de s'engager dans cette voie. Les propositions que vous faites me paraissent donc, par certains côtés, intéressantes.
M. Robert Cadalbert. - Il n'y a pas de règle générale. Néanmoins, il convient de bien prévoir la programmation, la construction, en même temps que l'exploitation et l'entretien de l'équipement, que l'on ne prend généralement pas assez en compte. C'est tout l'intérêt du PPP.
Il faut donc intégrer d'emblée l'équilibre d'exploitation, ce qu'on n'a certainement pas fait suffisamment pour le Stade de France. On aurait pourtant évité ainsi quelques erreurs, jusque dans la conception même du stade.
M. Dominique Bailly. - Je ne reviendrai pas sur le débat à propos des PPP, mais je n'ai pas de cette méthode une vision aussi optimiste que la vôtre, qu'il s'agisse des investissements ou du fonctionnement -bien que le PPP puisse s'appliquer à quelques opérations.
Je vous suis cependant à propos de la nécessaire transparence à laquelle vous avez fait allusion, le stade vélodrome de Marseille en étant un très bon exemple : 50 000 euros par an pour sa mise à disposition, alors que celle-ci en vaut 8 millions d'euros, selon les estimations de la Chambre régionale des comptes (CRC) ! Il reste donc un certain chemin à parcourir pour savoir qui paie quoi. C'est de l'argent public !
Or, dans le contexte économique et social actuel, il faut demeurer vigilant, les élus locaux que nous sommes étant parfois incités à aller au-delà du raisonnable. Notre mission commune d'information pourra peut-être apporter quelques éléments législatifs pour sécuriser l'ensemble du dispositif.
M. Robert Cadalbert. - Soyons clairs : je ne suis pas là pour défendre les PPP, mais pour soutenir une expérience, et surtout pour attirer l'attention sur le fait que, lorsqu'on construit des équipements, il faut en maîtriser la programmation, la construction et l'exploitation. C'est la démarche que je défends, qui est obligatoire dans le PPP.
Le dialogue compétitif entre le constructeur, le partenaire avec lequel on signe la convention, et l'exploitant est très important. C'est l'ossature même d'un PPP. On peut certes les retrouver ailleurs, mais laisser un loyer à nos enfants plutôt qu'une dette ne me convient pas !
Nous venons également de recourir à un PPP pour construire la faculté de médecine. On a par ailleurs tous en tête l'exemple de l'hôpital du Sud francilien... Ce n'est pas parce qu'on a signé une convention qu'on s'arrête de s'occuper de l'équipement et qu'on laisse faire le constructeur - au contraire !
Toutes les dérives viennent de ce que ce ne sont pas les payeurs qui ont été les décideurs. Les constructeurs disent oui à tout, puis viennent voir la collectivité pour lui présenter la facture ! C'est ce qui nous serait arrivé avec le vélodrome si nous n'avions pas été attentifs ! Mes équipes ont suivi le PPP quotidiennement. Quand la fédération française de cyclisme et Bouygues, le constructeur, se sont mis d'accord sur les normes des pistes de BMX, on nous a dit que cela coûtait 3 millions d'euros. J'ai exigé que l'on reste dans les sommes prévues initialement ! C'est un état d'esprit et une façon de travailler profitable pour tout le monde.
Le PPP a été signé il y a huit ans : il va s'achever dans les délais prévus et au prix arrêté au départ ! C'est la première fois qu'un équipement aussi important de la ville nouvelle de Saint-Quentin-en-Yvelines ne comporte ni avenant financier, ni augmentation de coût. Conservons donc ce que le PPP a de bon en matière de conception, de réalisation et d'exploitation -que l'on peut d'ailleurs retrouver dans d'autres montages.
J'ai parlé en introduction de partenariat public marchand. La mutualisation est le seul moyen de faire fonctionner ensemble les activités de service public et de service marchand. Sans cela, aucun des deux ne peut parvenir à un équilibre financier acceptable.
M. Philippe Darniche. - Mon département, la Vendée, ne compte pas de grand club professionnel de football ou de rugby. Pour autant, il s'est construit sur ma commune, à l'initiative du conseil général, une structure polyvalente permettant la pratique d'une vingtaine de sports, sans club occupant, mais avec mise à disposition des locaux pour des manifestations de portée régionale ou nationale. Nous allons accueillir, les 31 janvier, 1 er et 2 février prochains, le premier tour de coupe Davis France-Australie et avons déjà reçu la première phase des championnats d'Europe féminin de basketball.
L'aréna qui a été réalisée est une salle totalement modulable. Beaucoup de départements, notamment ruraux, doivent gérer un problème de mise à disposition d'un équipement pour un certain nombre de fédérations sportives. Nous avions, quant à nous, tenu des États généraux sportifs avant de faire ressortir ce besoin. Nous sommes arrivés, en fin de compte, à réaliser une construction qui peut à la fois accueillir un certain nombre de sports, mais également des manifestations culturelles - opéras, opérettes, tours de chant, etc. Il existe en outre un dojo départemental de grande dimension. Résultat : l'équipement est occupé chaque semaine.
Après environ un an et demi d'exploitation de ce petit zénith, les demandes d'occupation sont considérables, et les frais d'exploitation sont aujourd'hui couverts par les locations. L'engouement a été extraordinaire, et les retombées économiques indéniables. Pourtant, nous sommes aux portes d'une ville de 50 000 habitants, La Roche-sur-Yon, qui n'est pas très importante.
Un certain nombre de maires et de représentants de notre département, ou de la région, se rendent aujourd'hui compte qu'il existe une possibilité de construire des équipements certes un peu cher - 55 millions d'euros - mais dont le fonctionnement est ensuite assuré, à condition de suffisamment travailler la modularité. Nous avons, pour ce faire, bénéficié de l'assistance d'un grand architecte, Paul Chemetov. Même si l'on n'est pas là dans le sport strictement professionnel, cela demeure une belle expérience !
M. Michel Savin, président. - La seule difficulté de ce type d'équipement est de le gérer avec un club résident...
M. Philippe Darniche. - La formule que nous avons adoptée est en effet préférable, car elle ne nous prive pas d'une modularité maximum !
M. Michel Savin, président. - Les locations des équipements sont souvent sous-estimées. Votre association a-t-elle abordé ce sujet ?
M. Robert Cadalbert. - Nous l'avons abordé, mais nous ne l'avons pas quantifié. Comparer chaque équipement à un prix de location au mètre carré risque d'être compliqué...
M. Dominique Bailly. - Les CRC le font très bien !
M. Robert Cadalbert. - En tout état de cause, il faut convenablement comparer les prix et les relier au bénéfice qui est tiré de l'opération.
La présence d'un club résident complique effectivement les choses, celui-ci ayant tendance à se considérer chez lui, et estimant avoir droit à tout sans payer. Un usage polyvalent évite ce genre de situation. Pour le stade vélodrome de Saint-Quentin-en-Yvelines, les choses sont un peu plus compliquées : il est polyvalent, mais la piste centrale ne se démonte pas...
M. Philippe Darniche. - C'est là toute la difficulté !
M. Robert Cadalbert. - Le quart Sud-Ouest de l'Île-de-France ne comporte pas de salle de 5 000 places. Avec la fermeture du Palais omnisports de Paris-Bercy (POPB), nous avons failli récupérer le PSG handball et Nanterre pour les matchs de coupe d'Europe !
M. Alain Néri. - Vous allez devoir construire les gradins sur la piste !
M. Robert Cadalbert. - La polyvalence n'est jamais idéale. Il faut accepter des compromis !
M. Alain Néri. - Il faut être sérieux. On ne peut nous vendre des choses qui dépassent l'entendement !
M. Michel Savin, président. - C'est ce que fait le palais des sports de Grenoble...
Avez-vous des demandes spécifiques à adresser à la mission commune d'information ?
M. Robert Cadalbert. - Nous sommes demandeurs de règles. Plus on pourra faire de comparaisons, moins nous serons soumis à la dictature des clubs, par exemple en matière de loyers...
M. Dominique Bailly. - Le montant des loyers que perçoit Marseille va être attaqué par la CRC. C'est illégal !
M. Robert Cadalbert. - Si les comparaisons se font à l'échelon européen, ce sera encore mieux !
M. Michel Savin, président. - Cela aura peut-être pour conséquence de limiter les participations financières... Je pense qu'on est, dans certains cas, largement au-dessus des plafonds !
M. Dominique Bailly. - L'Europe étudie en effet de près les investissements publics destinés à la réalisation des stades retenus pour l'Euro 2016, l'investissement public pouvant ensuite permettre à une société privée de tirer profit de ces équipements. Il faut donc que les choses se passent dans la transparence.
M. Robert Cadalbert. - Il faut tout prendre en compte. Dans le cas du grand stade de rugby que nous poussons, avec Francis Chouat, à Evry, on parle de 600 millions d'euros. Certes, l'investissement est entièrement privé, mais combien de centaines de millions d'euros seront-ils nécessaires pour desservir le stade par les transports en commun, la participation de la ZAC aux équipements publics étant nécessaire ? Le calcul sera difficile, mais il faut se poser la question !
L'AMGVF est prête à collaborer avec vous pour recenser tous ces éléments. Nous pouvons, par exemple, transmettre un questionnaire à nos adhérents à propos de l'aide qu'apportent les collectivités territoriales au sport business qu'est le sport professionnel.
Nous sommes également prêts à vous recevoir sur de grands équipements. Je vous invite en particulier à l'inauguration du vélodrome de Saint-Quentin-en-Yvelines, le 30 janvier prochain, lors de la rencontre France-Angleterre !
Mercredi 20 novembre 2013
M. Sébastien Sémeril, adjoint au
maire de Rennes, délégué au sport, et
vice-président de Rennes-Métropole, représentant
l'Assemblée des communautés de France (AdCF)
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M. Michel Savin, président. - Nous allons procéder à l'audition de M. Sébastien Sémeril, représentant de l'Association des communautés de France (AdCF).
Je lui cède la parole pour qu'il nous présente la position de l'AdCF par rapport à la problématique que constituent les rapports entre les collectivités territoriales et le monde du sport professionnel...
M. Sébastien Sémeril, représentant de l'Assemblée des communautés de France. - Merci de nous accueillir en ce lieu prestigieux. Je vous prie d'excuser l'absence de notre président, Daniel Delaveau, que j'essaierai de représenter dignement devant vous cet après-midi, autour d'un sujet qui nous intéresse en tant que collectivité locale, mais aussi en tant que communauté d'agglomération, communauté de communes et future métropole. En effet, si vous interrogez l'AdCF, c'est sans doute à l'aune de l'avenir et de ce qui pourrait se présenter à nous.
Le sport est en évolution, c'est une évidence, voire une lapalissade, particulièrement le sport professionnel. On constate depuis quelques années un équilibre, fondement de l'organisation sportive en France, entre le sport amateur et le sport professionnel. Cet équilibre, parfois difficile, est essentiel pour l'harmonie et le développement de nos territoires.
Nous sommes fiers de défendre, sur l'ensemble de nos territoires, métropolitains ou ruraux, la pratique du sport pour tous, et d'honorer ainsi l'image de la France à travers des performances sportives, olympiques ou internationales.
Cet équilibre est cependant de plus en plus précaire, et parfois contradictoire. Il nous amène à opérer des choix de plus en plus difficiles à porter au sein d'une collectivité locale, quelle qu'elle soit, entre le modèle du sport amateur, consubstantiel à la cohésion sociale de nos territoires, et le sport professionnel, qui évolue et nécessite de plus en plus de moyens, engendrant de plus en plus de discussions citoyennes.
Même s'il n'a pas vocation à accompagner l'ensemble des performances sportives, le maire est cependant sollicité au premier chef, en cas de montée sportive, comme en cas d'incident financier. Les élus peuvent également subir des pressions à propos de problématiques ponctuelles.
Si le sport professionnel évolue, c'est sans doute aussi parce qu'il est, à l'image du football, dans un développement pluriel. De plus en plus de sports d'équipe se professionnalisent - rugby, volleyball, handball - et se féminisent. Il n'y a en effet pas de raison que le sport féminin reste en arrière, alors que l'on peut avoir une ambition sportive pour nos jeunes athlètes féminines. Ces phénomènes peuvent provoquer un goulot d'étranglement difficile à assumer, qui peut rendre certains choix difficiles
Le sport professionnel évolue aussi financièrement : on constate ainsi une course effrénée en matière de rémunération des athlètes, qui se professionnalisent également, et sans doute plus vite que les structures elles-mêmes. Les budgets sont amputés par cette inflation salariale. Il suffit, par exemple, de considérer le volume des transactions dans le football et le coût qu'elles représentent pour constater la dérive de ces dernières années. Certains surcoûts peuvent mettre les budgets communaux, intercommunaux, départementaux ou régionaux en difficulté, ceux-ci devant traiter bien d'autres sujets, comme la situation économique et sociale de notre pays, ou la compétence sociale.
On trouve, à côté de cela, une volonté de remettre l'ouvrage sur le métier, et de penser le sport par rapport aux années futures, dans une recherche d'équilibre entre sport amateur et sport professionnel.
On constate aussi une mutation en matière d'équipements. On peut passer d'un budget de fonctionnement à un budget d'investissement, avec des exigences accrues, qui amènent parfois à une certaine incompréhension s'agissant de normes, malgré quelques encadrements réglementaires, comme à propos des circulaires encadrant les normes visant un simple développement commercial et économique, sans lien avec la pratique de l'activité sportive.
Il n'empêche que certaines évolutions peuvent, aujourd'hui encore, amener de véritables difficultés. Lorsqu'on ajoute aux normes fédérales internationales d'autres normes légales, comme celles de la consommation énergétique, ou de l'accessibilité, les équipements structurants peuvent atteindre des montants extrêmement élevés, et mettre en péril le difficile équilibre qui existe entre le sport amateur et le sport professionnel. Il est toujours délicat de choisir entre la rénovation d'équipements de proximité, au nom du sport pour tous, et la construction d'équipements structurants, comme une aréna, qui n'a pas simplement vocation à accueillir des activités sportives, mais qui constitue également un outil de spectacles.
Beaucoup de questions se posent aujourd'hui concernant l'encadrement du sport professionnel. Il est vrai que les agglomérations, les communautés de communes, les intercommunalités, et les métropoles peuvent être interrogées, et l'on pourrait se poser légitimement la question de savoir si ces futures métropoles n'ont pas vocation à s'occuper, demain, de sport professionnel.
Il ne faudrait toutefois pas que les communes, par exemple, utilisent l'argument pour se débarrasser des difficultés, et s'en décharger sur les intercommunalités en pensant que le problème est ainsi réglé. Communes et intercommunalités mènent en effet le même combat et ont les mêmes difficultés.
L'échelon intercommunal peut, en revanche, être pertinent en termes d'aménagement du territoire et d'harmonisation des équipements, mais l'intercommunalité peut être interrogée au même niveau que les régions, qui pourraient également jouer un rôle d'aménagement du territoire sportif, notamment dans des logiques de réflexion et de complémentarité des équipements.
Est-il toujours pertinent de voir apparaître deux pistes d'athlétisme couvertes pouvant accueillir des manifestations sportives à moins de cent kilomètres l'une de l'autre ? Est-il toujours pertinent d'avoir ce type d'approche dans une logique d'intérêt général du territoire national ? Je n'ai pas prétention de pouvoir répondre à ces questions, mais je crois qu'il est utile que nous les partagions, à travers une réflexion globale sur le sport professionnel.
Il est vrai que l'approche de l'AdCF se fait en lien avec l'actualité et avec la dernière réforme législative concernant le concept de métropole. Derrière tout ceci se trouve un enjeu de travail collaboratif entre les collectivités territoriales. C'est une manière de dire qu'il nous faut trouver un compromis entre cette clause de compétences générale, à laquelle les élus sont extrêmement attachés, et la nécessité absolue, au regard des enjeux qui sont devant nous, d'assurer une certaine harmonie, une certaine forme d'arbitrage, afin que les choses soient mieux coordonnées sur un territoire, quel qu'il soit.
C'est aussi une nécessité, car il est utile de partager ce type d'approche de manière globale, à l'échelle d'un territoire métropolitain, avec l'ensemble des communes.
La facilité serait de considérer que les équipements de proximité, qui ont vocation à répondre aux besoins de la population au quotidien, relèvent du champ communal. Il appartient donc au maire de la commune, en sollicitant des subventions des collectivités locales, d'assumer ce rôle de développement et de promotion du sport pour tous. Pour un champ plus structurant d'équipements ayant vocation à regrouper une aire de vie plus grande que l'échelon communal, l'échelon pertinent peut être l'intercommunalité, qui permet de penser une aire de vie, avec ses besoins structurants, sans retard, l'enjeu étant devant nous, qu'il s'agisse de la problématique des arénas ou de la rénovation des stades.
C'est là une vraie question. J'espère que nous aurons des réponses...
M. Michel Savin, président. - Je n'ai pas entendu la vôtre !
M. Sébastien Sémeril. - Il s'agit d'une piste de réflexion. Elle est peut-être mal formulée, mais c'est une piste. Il ne s'agit que de bon sens. Une commune, quelle qu'elle soit, même une des dix premières grandes villes de France, est-elle de nos jours en mesure de porter la construction, sur un mandat, d'une aréna de 10 000 places, d'un stade de 60 000 places, d'un Zénith, etc. ? Je ne le crois pas ! Il est donc absolument nécessaire de penser les équipements structurants à l'échelle supra-communale ! Peut-on l'envisager à l'échelon intercommunal ? Pourquoi pas ? Peut-être convient-il toutefois de faire la différence entre des agglomérations urbaines et des communautés de communes ! L'échelon pourra être plus large que celui d'une intercommunalité, et être envisagé au niveau de la région.
C'est la raison pour laquelle il me semble que le couple région-métropole, ou région-intercommunalité, peut être intéressant. Il apportera une vision d'ensemble coordonnée de l'aide à l'investissement et à l'aménagement sportif du territoire. Il faut que l'on suive l'évolution des moeurs et des activités. Il n'est pas rare de voir des personnes faire 150, 200 ou 300 kilomètres pour assister à un match de gala : cela nécessite une approche spécifique entre des équipements dits de proximité, des équipements intermédiaires, et de gros équipements qui ont vocation à faire rayonner un territoire plus large que celui d'une ville, d'une intercommunalité ou d'un département.
Voici notre réponse. Elle est bien évidemment soumise à discussion, de vraies fausses bonnes idées pouvant toujours exister. À nous de la partager pour ôter l'ivraie du bon grain !
Un autre sujet intéresse en tout état de cause tous les élus que nous sommes, et nous préoccupe : il s'agit de l'évolution des normes. Il existe aujourd'hui un corpus législatif et réglementaire qui encadre leur évolution : je crois qu'il faut le renforcer, surtout en cette période où le cumul des normes vient alourdir les factures de nos investissements et freine, de fait, les investissements.
Les collectivités locales portent principalement les investissements sur nos territoires ; lorsque vous ajoutez la problématique de la consommation énergétique celle de l'accessibilité et de l'évolution des normes, qui peuvent être édictées par les fédérations, voire les ligues professionnelles, la facture est lourde, et c'est souvent l'organisation du mouvement sportif qui est pénalisée !
Le danger réside aussi dans une opposition de plus en plus prégnante entre le sport amateur et professionnel, que nous n'avions pas l'habitude de rencontrer sur nos territoires. L'unité du modèle sportif est même remise en question.
Ne verrons-nous pas demain, dans le cadre des élections municipales, des candidats - quels qu'ils soient - revendiquer un parti pris total pour accompagner le sport amateur, au nom d'une égalité des pratiques et au détriment du sport professionnel ? Le modèle sportif français a toujours défendu ces deux aspects, mais l'évolution du sport professionnel, ces dernières années, nous incite à une très grande prudence ! Le football est une chose, mais si l'on y ajoute le rugby, qui a vocation à se développer sur l'ensemble des territoires, le handball, le volleyball, la gymnastique, etc., on risque de se retrouver dans un étau !
Il conviendrait en second lieu d'éviter que les élus soient mis dans l'obligation de privilégier telle discipline par rapport à telle autre : sur quelle base, sur quel motif ? Le modèle sportif, à travers l'évolution du sport professionnel est, de fait, interrogé dans sa composante, dans sa genèse, dans ses fondamentaux et dans ses fondements.
Je voudrais conclure à travers un exemple qui me paraît symptomatique de ce que nous traversons dans le milieu sportif. Il s'agit de l'organisation de l'Euro 2016 de football. Notre pays est, après sa qualification pour le Brésil, puissance invitante. Il serait utile de se pencher sur le déroulement du processus de choix des villes hôtes.
Des normes internationales nous sont en effet imposées par la fédération internationale de football association (FIFA), relayées par l'Union des associations européennes de football (UEFA), et appliquées à la lettre par la fédération française de football. Le cahier des charges de l'UEFA n'était pas négociable, et on n'a pas voulu ouvrir cette boîte de Pandore. Or, la France s'apprête à accueillir, dans quelques années, une manifestation d'ampleur internationale - troisième discipline pratiquée sur notre territoire - en ayant oublié le Grand Ouest et l'Est, régions qui fournissent pourtant le plus de licenciés...
Mme Michelle Demessine. - C'est parce qu'elles ne l'ont pas voulu !
M. Sébastien Sémeril. - J'entends bien, mais à Rennes, nous avons plutôt été applaudis par la population pour avoir refusé. Je ne suis pas dans le parti pris, mais dans un constat objectif. Nous sommes capables, au nom du respect d'un certain nombre de normes, d'organiser une manifestation internationale d'envergure au détriment du modèle sportif, tel que nous avons pu le connaître ces dernières années ! Si l'on n'y prend garde, cette situation risque de se développer, et l'on arrivera à ne plus accueillir les grandes manifestations sportives que dans les grandes métropoles urbaines qui seront capables de construire des équipements aux normes, au mépris de d'aménagement sportif de nos territoires !
En tant qu'élus locaux, ces évolutions nous inquiètent : si ce parti pris se perpétue, ces manifestations sportives ne pourront plus avoir lieu sur l'ensemble du territoire, et les choses ne seront plus comme avant.
C'est un sujet extrêmement difficile dont vous vous êtes saisis. L'AdCF est très heureuse d'y contribuer modestement, à travers sa réflexion.
M. Michel Savin, président. - La parole est au rapporteur.
M. Stéphane Mazars, rapporteur. - Vous représentez les communautés de France, mais vous êtes également élu local de Rennes, où vous êtes à la fois adjoint aux sports et vice-président de la communauté urbaine.
Aujourd'hui, le sport professionnel a des rapports avec les collectivités locales à l'échelon du club professionnel. Est-il facile de définir un sport professionnel, un sportif professionnel, une activité sportive professionnelle ?
Les collectivités interviennent à la fois dans le fonctionnement et dans le financement des infrastructures sportives. À travers l'exemple rennais, ou celui de la communauté urbaine, mais également à travers les expériences de terrain qui remontent de votre association, pouvez-vous nous donner le schéma type du fonctionnement et de l'investissement par rapport à la répartition des compétences entre bloc communal, commune et intercommunalité ?
M. Sébastien Sémeril. - C'est une question qui nous taraude, surtout à la veille d'échéances électorales, certains ayant bien compris que c'est le moment de rencontrer le président de l'agglomération ou le maire de la commune. C'est un sujet complexe.
Je ne reviens pas sur l'investissement. Il me semble qu'il serait pertinent de distinguer les équipements de proximité, à l'échelon communal, voire intercommunal. Qui, mieux qu'un élu local ou communal, peut identifier les besoins de la population, et le bon emplacement de l'équipement ?
En revanche, en matière d'équipements structurants, voire intermédiaires - terrains-gymnases de handball, avec une tribune de 1 500 places - il est de plus en plus difficile, à l'échelle d'une commune, de répondre aux coûts et aux surcoûts que cela engendre.
La séparation entre l'équipement de proximité et l'équipement structurant me semble donc intéressante, si l'on veut bénéficier d'un développement harmonieux et de compétences bien organisées.
On vit, à travers l'évolution du monde sportif professionnel, une réflexion globale sur les relations juridiques entre communes, départements, régions ou intercommunalités et clubs professionnels. Certes, la subvention est une base, et a été encadrée par la loi Buffet, mais la question est de savoir si ce modèle est le bon par rapport à l'approche économique.
Une subvention n'est pas une prestation. La ville de Rennes a, avec le stade rennais, une relation totalement transparente. Certes, le club est porté par un actionnaire principal majeur, en la personne de M. Pinault, ce qui facilite les relations contractuelles, mais permet également de constater l'échange entre le club professionnel et la collectivité. La convention d'occupation du terrain d'entraînement et du stade équivaut à un prix ; nous prévoyons en face le même montant de prestations - achats de places, enseignes, communication, loges, etc.
Le package est donc globalisé, et permet de montrer à la population que le stade rennais ne lui coûte pas ou, en tout cas, qu'il existe des compensations matérielles. Nous ne sommes pas dans un modèle de subventions. Lorsque nous avions été auditionnés par la commission Séguin, nous avions d'ailleurs été cités en exemple.
Au-delà du cas rennais, il est intéressant de se poser la question, avec les juristes, de la pertinence du modèle de subventions et de prestations. Selon moi, une prestation, sous forme d'appels d'offres ou de marchés publics permet de clarifier les choses. La collectivité, lorsqu'elle donne des moyens financiers, dispose en effet, en contrepartie, des éléments matériels pour justifier le coût de la prestation, alors que le risque d'une subvention est de voir celle-ci partir chaque année, sans évaluation, ni suivi.
Ce sont des questions légitimes. Lorsque l'adjoint au maire de Paris propose au conseil municipal une subvention de 1,5 million d'euros pour le PSG, il est légitime qu'un certain nombre d'élus et la population se posent des questions, compte tenu de l'arrivée de l'actionnaire il y a trois ans...
Le modèle juridique de la subvention peut interpeller de par sa nature. La réponse est sans doute une plus grande transparence, avec un rapport synthétique de clôture de l'exercice permettant de vérifier le niveau des subventions publiques et leur utilisation, et de vérifier qu'elles correspondent bien aux objectifs initiaux. Entrer dans le champ de la prestation permettrait de confirmer que les clubs professionnels sont, comme ils le revendiquent, des entreprises de spectacle sportif, que l'on peut considérer comme telles.
Cette piste de travail permettrait de clarifier les choses, dans une logique de bon équilibre entre sport amateur et sport professionnel. On entend en effet encore dire, dans le sport amateur, que le maire continue à payer les salaires des joueurs du stade rennais ! Il y a donc là un vrai sujet...
M. Christophe Bernard, secrétaire général de l'AdCF. - 63 % des communautés de communes exercent une compétence sur les équipements sportifs, et 65 % sur les groupements urbains. Il n'y a donc pas un énorme décalage entre les deux. Quand on entre dans le détail, les réalités locales sont toutefois plus nuancées.
L'idée d'aller vers une relation de haut niveau avec les métropoles laisse cependant quelque peu pantois. Laisser sa chance à l'exploit sportif hors de chemins nationalement balisés est quelque peu délicat. C'est ce qui explique, je pense, pourquoi les parlementaires ont cherché à éviter de renvoyer la compétence du sport à telle ou telle collectivité.
Cela étant, ne pas choisir de chef de file permet d'autres choix. C'est en ce sens que l'idée des conférences territoriales de l'action publique (CTAP) est intéressante. Évoquer, au plan régional, le positionnement d'un équipement dans sa dimension d'aménagement du territoire, est important ; ne pas fermer toutes les portes à des initiatives hors du champ de la métropole l'est également. Les choses étant très différentes d'une région à une autre, opérer la régulation dans une enceinte comme une CTAP, avec des lignes de partage sur lesquelles les différentes collectivités se sont entendues régionalement, nous paraît une bonne voie pour se garder d'une loi trop normée au plan national, qui pourrait passer à côté de réalités territoriales extrêmement variées.
M. Stéphane Mazars, rapporteur. - Les entreprises de spectacle que vous avez évoquées posent deux problèmes...
Est-il logique que celles-ci, qui veulent développer un modèle économique, ne soient pas propriétaires des infrastructures ?
Par ailleurs, ne faut-il pas faire une distinction entre certaines disciplines, entre le sport masculin et le sport féminin ?
N'est-il pas de la responsabilité des pouvoirs publics d'être présents là où les disciplines en ont besoin, et un peu moins là où elles peuvent, à terme, au travers de certaines infrastructures sportives, développer une économie propre ?
M. Sébastien Sémeril. - Ce sont là des questions compliquées.
La notion de propriété d'infrastructure perturbe beaucoup nos discussions. Les clubs professionnels, notamment de football, sans doute les plus avancés dans leur modèle économique, nous le disent. La difficulté, dans une logique de pérennité de l'entreprise, réside dans l'immobilisation, qui fait défaut au plan comptable. La seule valorisation par le biais des joueurs pose vraiment question.
On peut invoquer aussi l'histoire du modèle sportif, et la place des collectivités locales. Nous sommes, la plupart du temps, propriétaires de nos infrastructures, et l'attachement de la population à celles-ci est puissant. Je ne suis pas sûr que le vélodrome de Marseille soit vendable, mais c'est une question qu'il est sans doute utile de poser, avec toutes les difficultés que cela comporte en termes patrimoniaux et en termes d'attachement au territoire, à travers un stade où l'on est allé enfant.
Il faut pouvoir dépassionner le débat. Le même débat a eu lieu lorsqu'on a abordé la question de l'appellation. On a vu les mêmes problématiques : les professionnels étaient dans une logique pragmatique, considérant qu'il s'agissait d'un mode de ressources intéressant pour le club ; ceux qui étaient attachés à l'histoire du site et de la ville y étaient radicalement opposés. Je ne suis toutefois pas sûr que ces derniers soient favorables à une augmentation de deux points de l'impôt local afin de financer la modernisation du stade. C'est là l'ambivalence française !
Un texte de loi peut-il trancher ces questions ? Je ne suis pas sûr que l'on puisse uniformiser un mode de gestion unique à l'échelle nationale. On peut peut-être imaginer une approche différente entre les équipements existants et les équipements à venir. C'est une manière de répondre à la question. On peut aussi s'interroger sur le modèle économique que constituent les partenariats public-privé (PPP), outil juridique très utilisé pour construire de grands équipements sportifs comme les arénas, face à un risque qui ne porte que sur la collectivité, et non pour moitié sur l'opérateur privé. On voit comment la collectivité du Mans se retrouve aujourd'hui en difficulté avec son stade...
Vous posez par ailleurs la question du caractère pluriel du sport professionnel. Les budgets sont fonction de l'attrait médiatique des disciplines. Si les clubs professionnels sont aujourd'hui principalement accompagnés par les collectivités locales, le sport féminin l'est encore plus, et nous ne voyons pas, sur nos territoires, quels qu'ils soient, d'évolution en ce domaine.
En revanche, les réflexions portées par quelques fédérations sur l'obligation faite à certains clubs d'avoir une équipe féminine me semblent intéressantes à creuser. Ne pas dissocier le sport féminin du sport masculin est donc essentiel.
Mme Michelle Demessine. - Les débats qui tournent autour du sport généreront toujours des réactions démesurées. Je pense qu'il nous appartient de nourrir le débat, afin de montrer la réalité des choses, et leur donner du sens.
Vous avez affirmé que certaines régions avaient été exclues de l'Euro 2016 : c'est une volonté politique de leur part, les plus riches étant bien sûr mieux à même de répondre que d'autres, j'en conviens ! Une candidature est celle d'un pays, non d'une ville ou d'une région. C'est au moment où cette candidature est posée qu'il faudrait que les choses soient plus formalisées. Or, lorsqu'un pays est candidat, il est prêt à lâcher sur certains points. C'est ce qui est arrivé pour l'Euro 2016, avec un contrat national où tout n'était pas précisé.
Il est cependant possible de résister de l'intérieur. Je fais partie du Comité des villes : on peut discuter avec l'UEFA, qui se rend bien compte que les conditions sont aujourd'hui plus difficiles, et qui réfléchit, face aux difficultés, à des matchs qui se dérouleraient dans plusieurs pays. Ils commencent à intégrer le fait qu'ils ont été très exigeants par rapport aux possibilités des collectivités. Ils l'ont d'ailleurs bien compris avec l'Ukraine et la Pologne.
Il est difficile d'être normatif. Combien de grands équipements posent problème en France, et pourquoi ? Nous sommes en effet quelque peu sous-équipés. Comment faire pour répondre à ces deux questions ? Vouloir définir des normes risque d'entraver certaines dynamiques locales. Or, on ne peut exiger la même référence de tout le monde.
La meilleure des digues, c'est celle que constituent des élus responsables et raisonnables. Il faut aussi un véritable projet. Pendant longtemps, on rêvait d'un équipement sportif avant de réfléchir à un projet.
Par ailleurs, il ne faut pas nous laisser entraîner par les architectes. Il existe des équipements sportifs peu chers, et très convenables.
Vous avez raison sur le fait que les agglomérations et les régions sont les deux partenaires principaux, ainsi que les grandes villes d'ailleurs - mais celles-ci se tournent de plus en plus vers leur agglomération. Le mouvement est en train de se faire.
Pour avoir une politique sportive professionnelle et viser de grands équipements, il faut être doté, à l'intérieur de la collectivité, de services d'ingénierie sportive adaptés. Souvent, il n'y en a pas assez dans nos structures. C'est un des moyens qui permet d'éviter de se tromper !
M. Michel Savin, président. - Si j'ai bien compris, le coût de l'équipement mis à la disposition du club de Rennes correspondrait au montant que reversent la ou les collectivités au club. Ceci ne concerne-t-il que la structure professionnelle ?
Disposez-vous en second lieu d'autres exemples que le football - sport de salle, handball, basketball, volleyball, hockey ?
M. Sébastien Sémeril. - Nous sommes en effet dans des logiques de prestations et non de subventions. Cela s'explique aussi par les compétences attribuées aux communautés d'agglomération.
Vous le savez, la gestion des équipements sportifs ne permet guère aux intercommunalités d'exprimer une politique sportive, contrairement à la compétence générale que peuvent avoir les communes. Les prestations des services de communication permettent donc de répondre à des besoins, mais aussi de rendre les choses lisibles, transparentes et opposables.
Le stade rennais, comme l'ensemble des collectivités concernées par un club professionnel, perçoit une redevance d'occupation. On vit là un grand paradoxe, le juge administratif n'ayant de cesse de rappeler aux collectivités locales que les redevances d'occupation du domaine public - petit manège sur la place principale de la ville, etc. - doivent se faire en fonction de la loi du marché, ce qui vaut aux territoires d'être très souvent retoqués.
À côté de cela, les redevances de certains clubs professionnels sont fonction des territoires. Cela peut aller d'une somme raisonnable et adaptée à l'exonération totale. Ceci explique pourquoi un certain nombre d'élus se sont élevés contre la fin de l'exonération totale de la taxe sur les spectacles, craignant en retour des difficultés en matière de dotation.
Il y a là un souci. Je suis d'accord sur le fait qu'on ne doive pas systématiquement rechercher l'uniformité, mais il existe un principe d'égalité et d'équité de traitement. Une fois cette redevance arrêtée, il est normal que la collectivité propriétaire puisse en tirer un loyer.
La particularité de notre territoire fait que ce montant nous permet d'établir une base de travail et de discussions, dans une logique de prestations avec le club. La convention d'occupation de la route de Lorient et du Centre d'entraînement représente un million d'euros par an ; en contrepartie, nous achetons pour un million d'euros de prestations.
C'est une écriture comptable qui permet de rendre les choses transparentes et de ne pas être dépendants. Il s'agit d'une relation intelligente : on peut se dire les choses et les rendre surtout opposables. Chaque Rennais peut observer ce qui se passe ; on n'est plus dans l'abstraction, et cela permet de connaître le niveau des relations financières entre la collectivité et le club professionnel.
M. Stéphane Mazars, rapporteur. - Le stade peut organiser des spectacles...
M. Sébastien Sémeril. - Oui, mais les contraintes du championnat sont telles que la chose est difficile. En revanche, le stade a une activité accessoire d'accueil de congrès, qui peut lui assure 10 % de recettes supplémentaires chaque année.
Quant aux autres clubs, nous appliquons la même modalité juridique -prestations de communication, achat de places, etc. Ceci permet à la population de découvrir différentes disciplines. Nous n'accordons pas de subventions, considérant que celles-ci sont réservées au sport amateur. On est alors dans une logique de conventions d'objectifs, en lien avec le domaine socio-sportif. On demande aux associations de promouvoir certaines disciplines féminines dans des quartiers populaires, dans le cadre du vivre ensemble. Ceci permet une plus grande lisibilité, et évite que l'on nous reproche une éventuelle opacité dans ces relations.
M. Michel Savin, président. - Parlez-vous des villes ou des agglomérations ?
M. Sébastien Sémeril. - Des deux.
M. Michel Savin, président. - N'existe-t-il pas des doublons ?
M. Sébastien Sémeril. - Aujourd'hui, les relations avec le stade rennais relèvent de la puissance communale. L'agglomération est avec les clubs professionnels qui émergent, et a pris le relais de la ville de Rennes.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - La ville d'Arras, dont je suis conseiller municipal, ne connaît pas le problème du football professionnel. Nous avons néanmoins un club féminin de football de haut niveau, et un club de basketball féminin professionnel. Ville comme agglomération interviennent en prêtant l'équipement, sans demander de redevance. Nous apportons des prestations, ainsi que des subventions, une association étant adossée à la société anonyme à objet sportif (SAOS). Nous imposons nos exigences en matière de formation des jeunes, etc.
L'AdCF a-t-elle réalisé une analyse des pratiques dans ce domaine ? Il existe en effet une disparité assez importante en la matière, et l'on est parfois rattrapé pas des contrôles de légalité, alors que ce n'est pas le cas de tout le monde ! Il serait important d'avoir une vision qui nous permette d'avancer en toute sécurité.
M. Michel Savin, président. - Certaines collectivités peuvent aller très loin, et inciter des clubs à faire pression sur les élus locaux.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - C'est ce qui s'est passé dans le basketball féminin !
M. Alain Dufaut. - Nous sommes aujourd'hui au coeur des réflexions qui doivent alimenter notre mission commune d'information. Il nous appartiendra, dans nos conclusions, d'indiquer quelques pistes afin d'améliorer les choses.
J'ai été adjoint au sport d'une ville de 90 000 habitants ; je connais donc bien la problématique. Il est évident qu'il faut désormais se diriger vers des solutions où le sport amateur relève de la commune -je parle des investissements. Pour tout ce qui est professionnel et qui sert un grand bassin de vie, il faut impérativement que ce soient les agglomérations.
Vous avez annoncé 63 % d'agglomérations : il en reste environ 40 % à convaincre ! Il existe des blocages : les communes périphériques continuent à bénéficier des avantages sportifs de la ville centre, mais les maires ne veulent surtout pas mettre le doigt dans cet engrenage. Étant élu d'Avignon, j'ai la double problématique de la culture et du sport.
Toute la difficulté est de se rapprocher de l'agglomération. Le système que vous nous avez exposé est idyllique, mais il n'est pas toujours réalisable. On est en permanence confronté à des demandes de subventions d'équilibre et au yo-yo sportif des clubs. Il faut donc réajuster les crédits. Ce n'est pas évident, mais nous sommes ici pour proposer des solutions !
M. Sébastien Sémeril. - Je suis bien conscient des difficultés. C'est un modèle qui n'est pas transposable, dont la genèse remonte à un accord entre M. Edmond Hervé, à l'époque sénateur-maire de Rennes, et M. François Pinault. Quinze ans après, cet accord demeure.
Du fait de la diversité des modèles, nous souffrons aujourd'hui de l'absence de visibilité globale. La première subvention des collectivités locales est en effet la mise à disposition d'équipements sportifs aux normes, mais on oublie trop vite la mise à disposition de personnel, la gestion des équipements, la gratuité de la redevance, l'exonération totale ou partielle de la taxe sur les spectacles, etc.
Je pense qu'il nous manque un encadrement juridique permettant de dresser un tableau complet, transparent et global de l'accompagnement sportif de chaque club, afin de pouvoir véritablement les comparer. En effet, les écarts peuvent très bien s'expliquer, la subvention pouvant varier d'un à deux, surtout lorsque l'entraîneur est salarié de l'intercommunalité, que trois joueurs sont fonctionnaires de telle ou telle commune, etc. La valorisation fait donc défaut.
Je ne dis pas qu'il faut supprimer le modèle de subventions, et se diriger vers un schéma de prestations. Je suis plutôt favorable au modèle de subventions -qui, je le pense, demeurera pour le sport féminin. En revanche, je pense qu'il faut appliquer la même transparence aux subventions et aux prestations.
Je voudrais enfin répondre à Mme Demessine à propos de la question de l'Euro 2016. C'est un débat qu'il faut dépassionner. Je suis d'accord avec vous pour reconnaître que c'est négociable, mais après que le choix ait été fait. Or, compte tenu de l'application à la lettre de ces normes, on a fait le choix, dans une fédération qui a une délégation de service public (DSP), de rayer certains territoires.
Vous l'avez dit, l'UEFA se rend compte de la difficulté -je passe les détails des mouvements sociaux qu'on a pu constater au Brésil il y a deux mois. Elle estime que la solution consiste à travailler avec plusieurs pays. Je vous alerte sur cette situation : seules trois ou quatre grandes métropoles pourront recevoir de grandes manifestations sportives, et le reste deviendra un désert national. C'est la conséquence de ce choix, alors qu'on aurait pu adapter les normes, grâce à des critères objectifs de strates de populations ! Comment expliquer qu'on a le même niveau d'exigence à Paris et à Morlaix ? Comment expliquer que nous ne tenions pas compte de l'aire de vie, de la strate démographique des villes hôtes, pour classifier et catégoriser l'exigence du cahier des charges ?
Une ville qui veut accueillir une finale de l'Euro doit répondre à certaines nécessités, mais l'on devrait, dans une logique d'animation du territoire, adopter une vision politique, et non une vision qui empêche une large frange de la population, dont nos jeunes, passionnés par leur discipline, d'assister à des matchs internationaux dans leur stade de prédilection. Je le regrette en tant qu'élu !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - Cela dépend du sport. Vous faites uniquement référence au football. Notre collègue Dominique Bailly a accueilli, à Orchies, petite ville du Nord, la finale de l'Euro de basketball !
M. Christophe Bernard. - On n'a pas de remontées d'analyses pour toutes les communautés d'agglomération, notamment les 65 % qui sont engagées en matière d'équipements sportifs. Le fondement même de l'intercommunalité est souvent une intercommunalité équipementière. À 80 %, les communautés ont été fondées sur les déchets et les piscines.
Il nous faudrait mener, en commun avec l'ANDES, un travail sur ce sujet. Nous serions bien entendu heureux que votre mission commune d'information s'en charge, mais si, d'aventure, ce n'était pas le cas, ce serait pour l'AdCF et l'ANDES un sujet intéressant.
Enfin, certains équipements sportifs lourds, en limite du champ sportif professionnel, commencent effectivement à poser quelques problèmes à certaines fédérations : dojos, salles de hockey sur glace, patinoires, ou piscines, partagées entre une pratique de loisirs et une pratique sportive.
Nombre de centres aqua-récréatifs ne correspondent pas vraiment à la mise en valeur de bassins olympiques et suscitent des interrogations de la part des fédérations. Il faut en discuter, car il en va du positionnement de fédérations sportives qui, comme dans le domaine de la natation, ont fait oeuvre de résultats intéressant ces derniers temps. Il faut donc les encourager. D'autres disciplines méritent également d'être approchées. Il ne faut pas les occulter au prétexte que d'autres champs subissent des pressions médiatiques parfois opportunes.
M. Jacques Thouroude, président de l'Association nationale des élus en charge du sport (ANDES)
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M. Michel Savin, président . - Nous recevons M. Jacques Thouroude, président de l'Association nationale des élus en charge du sport (ANDES).
Monsieur Thouroude, pouvez-vous nous présenter les actions de l'ANDES, et nous faire part de vos remarques à propos de notre mission commune d'information, dont le but est de réfléchir aux relations entre le monde du sport professionnel et les collectivités locales ?
M. Jacques Thouroude, président de l'Association nationale des élus en charge du sport (ANDES) . - L'ANDES est une association d'élus en charge des sports. On y retrouve des maires, des sénateurs, des députés, des conseillers régionaux, et des conseillers généraux. Cet ensemble d'élus a une problématique à gérer, celle des sports. C'est avant tout un échange d'expériences et de bonnes pratiques. C'est ce qui nous relie les uns et les autres, au-delà de nos convictions personnelles. Notre but est de servir le sport sur nos territoires.
Cette association est née en 1994. J'en suis le président fondateur. Elle regroupe aujourd'hui plus de 3 500 villes, et est assez réactive, notamment grâce à Internet. C'est une structure qui compte sept collaborateurs, très proche de l'Association des maires de France (AMF). Nous travaillons également avec l'Association des départements de France (ADF) et l'Association des régions de France (ARF), voire avec les communautés.
Le sport évolue. Cette association a vu le jour en même temps que le rugby professionnel. Je suis issu de la terre d'ovalie - Castres, champion de France, territoire qui, comme Biarritz, Bayonne, Albi ou d'autres régions du Sud-Ouest de la France, ne sont pas de grandes métropoles. On a néanmoins des équipes professionnelles. Allait-on se faire manger comme au football ? Si les budgets avaient été du même ordre que ceux du ballon rond, nos collectivités n'auraient pu suivre...
Nous avons très vite constitué une commission sur le sport, la ruralité, et les zones de montagne -la commission des grandes villes et du sport professionnel- et avons produit un rapport permettant de fournir des pistes au ministère et au Conseil national du sport (CNS), dans lequel nous siégions également. Ceci nous a permis d'avoir une vision générale de ce qui se faisait en termes de pratiques sportives.
Les ligues et les collectivités se sont très vite retrouvées en opposition, certains élus ne voulant pas toujours payer. Je me souviens des réunions que nous avons eues lorsque la ligue professionnelle de football a dit, au mois de mai-juin, qu'il fallait passer de la Ligue 2 à la Ligue 1, et ajouter 12 000 places supplémentaires à notre stade : il fallait faire les appels d'offres en trois mois, ce qui était impossible !
Frédéric Thiriez a finalement ramené le nombre de places supplémentaires à 7 000, mais nous voulions que l'on puisse prendre en compte la notion de bassin de vie et de bassin d'emploi. Il existe, au football, une jurisprudence qui porte le nom d'Istres. Pendant un an, Istres, qui n'avait pas de stade, a joué à Nîmes, à Montpellier, en attendant que son stade soit terminé, malgré la pression du préfet, qui essayait d'en retarder la création sur le plan administratif, considérant qu'Istres ne pouvait se maintenir. Ce nouveau stade a finalement été réalisé. C'est aujourd'hui un perchoir à mouettes ! C'est dramatique, s'agissant d'argent public !
Nous avons donc estimé qu'il ne fallait plus recommencer. Il faut aussi que les ligues aient la notion de l'argent public et étudient l'évolution des clubs sur trois ans, s'agissant de ligues ouvertes.
Nous sommes par ailleurs dans une privatisation des recettes et une socialisation des dépenses. Lorsqu'on est en déficit, il n'existe qu'un interlocuteur, le maire ! Bien évidemment, la presse et les medias exercent une pression considérable sur les élus, ce qui est inacceptable.
Mme Michelle Demessine . - Surtout dans le football !
M. Jacques Thouroude . - C'est pareil au rugby ! Il faut faire une différence entre les sports en salle et les sports de stade. Il ne faut pas mettre tous les oeufs dans le même panier.
Dans les sports en salle, c'est le maire qui devrait être président de la structure, compte tenu de l'apport financier qu'il amène. Au volleyball ou au handball, on va de 70 à 80 % de participation des collectivités territoriales. On est donc majoritaire, rien que sur le plan financier.
Dans les sports de stade, c'est la télévision qui gouverne et fixe les horaires de retransmission, de matchs, non les ligues, qui sont issues d'une évolution de la délégation de service public (DSP) entre l'État et les fédérations. Or, on a laissé faire. Les ligues se sont créées un statut et ont créé une jurisprudence. Les élus n'ont jamais légiféré, mis à part avec la loi Voynet ou la loi Pasqua, qui a limité le montant des prestations et des subventions. On ne leur a donc pas demandé de nous rendre compte. On ne connaît pas la teneur des financements croisés. Dans leurs délibérations, les conseils municipaux doivent obligatoirement fournir les financements en annexe. Aucun ne le fait, sauf un ou deux. Il faut reconnaître que nous sommes submergés d'autres démarches administratives.
L'autre élément à prendre en compte est la culture du territoire et son histoire. On ne peut y échapper. Ce concept doit selon nous être basé sur la concertation, l'équité, et la transparence. Ces trois principes sont fondamentaux. La concertation doit se faire partout, mais il faut aussi une certaine équité. Nous sommes d'accord avec Sébastien Sémeril, avec qui nous avons beaucoup de réunions, pour considérer qu'on est là sur des territoires plus larges que ceux de la commune, s'agissant du sport professionnel. Je ne parlerai pas de métropole, car il n'y en a pas partout, mais d'intercommunalité, de bassin de de vie, de bassin d'emploi. On agrandit aussi l'assiette en termes de participation et de solidarité.
Nous considérons que la solidarité nationale doit s'exercer vis-à-vis des grandes infrastructures, et qu'il doit exister un aménagement du territoire équilibré.
Ceci suppose que les fédérations ne décident pas seules, comme on l'a vu pour l'Euro 2016, sans consulter les communes, ni avoir préalablement fait le point sur la notion de cahier des charges. Ce travail doit être réalisé en amont. Quand une fédération veut organiser de grandes manifestations sur nos territoires, la concertation doit s'établir entre l'État et la fédération, au titre de la DSP.
M. Michel Savin, président . - La parole est au rapporteur.
M. Stéphane Mazars, rapporteur . - Le sport professionnel dépasse aujourd'hui le cadre de la commune et de la ville.
Vous avez utilisé l'exemple du rugby. On peut se poser la question de savoir s'il ne faudra pas, demain, passer à une assiette territoriale plus large, comme chez les Anglo-saxons pour les clubs de province. On s'est parfois demandé si un club professionnel ne pourrait, demain, porter non plus le nom d'une ville, mais celui d'un département ou d'une région, voire d'une intercommunalité ou d'une communauté urbaine, qui en supportent l'infrastructure professionnelle. Les départements et les régions peuvent participer à ce débat.
Quel est votre avis sur ce point ?
M. Jacques Thouroude . - Concernant l'intercommunalité, la notion d'assise dépasse selon moi largement les limites de la commune. Pour un maire, il est gratifiant d'avoir un club champion de France qui réside dans sa commune. Un club professionnel constitue une animation dans nos territoires. Nous en avons besoin ! Or, ce besoin engendre une pression considérable.
Un maire de ma connaissance, également président de l'agglomération, a accepté, après cinq ans, d'agrandir son stade, et d'y installer des loges. La commune n'ayant plus les moyens d'emprunter, il a considéré que c'était à l'intercommunalité d'agir. Il faut toutefois que les choses se fassent dans la concertation. Selon moi, l'intercommunalité est le territoire qui me paraît le plus approprié pour cela.
Le président de mon club, ancien président de la ligue professionnelle de rugby, qui siégeait avec moi à la collectivité, était favorable à la création de provinces au sein du rugby professionnel. Il s'est toutefois heurté à l'association des présidents de clubs professionnels, qui constituent la ligue.
On est face à des personnes qui sont d'accord pour prendre un certain nombre de décisions et envoyer la facture à la commune ! Frédéric Thiriez avait obligé les clubs de football à se doter de bâches pour protéger les terrains, afin que les matchs télévisés puissent se dérouler à l'heure dite, sous peine de pénalités financières. Les clubs se sont alors tournés vers les maires pour qu'ils procèdent à cet achat. J'ai fait remarquer à Frédéric Thiriez qu'il avait redistribué 630 millions de droits TV aux clubs, qui s'en étaient servis pour acheter des joueurs et qu'il aurait pu utiliser cet argent pour acheter des bâches ! Ce n'est pas convenable. En outre, ce sont les employés municipaux qui les installent !
Nous étions quant à nous favorables au fait que les droits TVpuissent être utilisés dans le cadre de l'amélioration des installations. Or, en dehors du bail emphytéotique administratif (BEA), rien ne le permet.
En second lieu, il faudrait établir un partenariat privé-public et non un partenariat public-privé (PPP), de manière à inverser les responsabilités. Notre pays est très peu investi dans le sport. Il existe quelques mécènes, mais il nous faut une autre harmonisation et trouver les moyens juridiques pour sécuriser l'investissement privé. Je rappelle que les dotations aux collectivités vont se réduire. Il est normal que nous participions tous à l'effort de redressement collectif, mais pensez-vous que les clubs professionnels soient concernés ? Je parle ici des stades, les sports en salle n'ayant pas atteint la même maturité, faute de droits TV. Nous devons donc les accompagner.
Nous avons également réfléchi à une grille tarifaire permettant à chaque collectivité d'indiquer ses niveaux des prestations, de manière à pouvoir la calibrer de la même façon pour tout le monde.
M. Stéphane Mazars, rapporteur . - Les rapports entre les instances sportives et les collectivités sont en notre défaveur. Ceci pose le problème de la représentation des élus dans les instances qui organisent le sport professionnel en France.
L'ANDES mène-t-elle une réflexion à ce sujet ? Quels moyens préconisez-vous pour remédier au déséquilibre entre les deux partenaires ?
M. Jacques Thouroude . - Nous siégeons à la Commission d'examen des règlements fédéraux relatifs aux équipements sportifs (CERFRES). Nous sommes très attentifs à ce que nous proposent les fédérations, tout autant que la Commission consultative d'évaluation des normes (CCEN), présidée par MM. Lambert et Boulard.
Aucun contrôle n'existe pour les ligues professionnelles. Elles peuvent édicter un certain nombre de règlements. On dit qu'elles dépendent des fédérations, mais il n'y a aucun équilibre. Il serait important de soumettre les ligues à un contrôle. Il faut que chacun garde son indépendance. Si l'on travaille avec eux, on risque d'avoir le même discours. À chacun son métier et ses responsabilités.
Nous échangeons avec les fédérations lorsqu'elles proposent leur règlement. Cela a été le cas pour les patinoires. Nous avons eu une discussion ferme et avons retoqué leur présentation. Ils ont revu leur dossier.
La fédération de badminton nous avait présenté une chaise d'arbitre, alors qu'il existait déjà une chaise pour le tennis et pour le volleyball. Nous leur avons demandé s'ils s'étaient concertés pour trouver une chaise modulable. Tel n'était pas le cas... Une telle décision n'est pas souhaitable !
Il faut que le Comité national olympique et sportif français (CNOSF) travaille pour les fédérations et que l'Association nationale des ligues du sport professionnel (ANLSP) puisse être un élément modérateur. On ne doit pas nous demander toujours plus, mais nous demander mieux !
M. Stéphane Mazars, rapporteur . - Les collectivités perdent parfois et se font imposer de nouveaux règlements, de nouveaux tracés, etc. par les ligues, puis par les fédérations.
Que peut-on préconiser en la matière pour éviter d'aller au-delà de ce que l'on peut faire ?
M. Jacques Thouroude . - Quand les communes se regroupent, elles peuvent faire entendre leur voix. L'ANDES peut plus facilement intervenir auprès de telle ou telle fédération ou ligue professionnelle. J'ai rappelé ce matin à la fédération française de football (FFF) et aux ligues que nous risquions de saisir la justice pour nous départager. Or, le verdict peut déplaire aux uns comme aux autres.
Les ligues professionnelles doivent comprendre qu'il leur faut travailler avec les collectivités. On doit les encadrer juridiquement, au même titre que les fédérations, au travers de la CERFRES ou d'un autre filtre.
M. Alain Néri . - L'action que vous menez est intéressante. En effet, si les collectivités sont en ordre dispersé face à des ligues omniprésentes, celles-ci n'y arriveront pas, d'autant que les ligues disposent de moyens de communication puissants à travers les medias. Il faudra bien, un jour ou l'autre, clarifier les relations. Ce sont de plus en plus les ligues qui commandent, alors que ce sont les fédérations qui ont des DSP. Or, ce sont ces dernières qui sont chargées de l'organisation du sport en France, en liaison avec le ministère ! Certains peuvent le regretter, mais c'est ainsi.
On ne peut pas être constamment pris en otage par les ligues, en particulier à propos des normes. Certaines communes, qui ont réhabilité leur salle de basketball, sont dans l'obligation d'enlever le tapis deux ans après ! Ce n'est pas très sérieux. Il n'est qu'à considérer, pour s'en convaincre, la situation terrible que connaissent aujourd'hui les collectivités du Mans ou de Strasbourg.
Il ne faut pas non plus tomber dans le piège des ligues ouvertes, ni dans ce que connaissent les États-Unis avec l'Association nationale de basketball américaine (NBA), ou le hockey, où l'on joue ensemble à condition d'avoir l'argent suffisant pour cela. C'est là un vrai sujet de réflexion. Les équipements sportifs ne doivent pas devenir un prétexte au chantage ! Nous sommes attachés à une certaine éthique du sport ; pour cela il faut que nous soyons rassemblés et unis.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe . - C'est la même chose dans les sports féminins de haut niveau : on demande de changer le parquet, de mettre les salles aux normes européennes...
Dès qu'on discute un match d'Eurocoupe, on change de dimensions. On vous impose les panneaux d'affichage, les panneaux de basketball, sans parler du parquet, où il faut pouvoir faire jouer d'autres compétitions. Tout cela est une exigence européenne. Avez-vous des collaborations ou des correspondances à cette échelle ?
J'ai parfois le sentiment que les équipementiers ne sont pas toujours désintéressés, qu'il s'agisse d'affichage ou de paniers de basketball ! Il faudrait peut-être les faire « cracher au bassinet ». Il est vrai que c'est difficile, car ceux-ci deviennent également sponsors du club et de la fédération !
M. Jacques Thouroude . - L'ensemble des partenaires financiers figurent sur le papier à en-tête de certaines fédérations dans la colonne de gauche !
Il y a vingt ans, un président de club de gymnastique m'a demandé de changer toutes les tables de saut, les anciennes n'étant plus homologuées. Le coût de chaque table s'élevait à 2 500 euros, multiplié par l'ensemble des communes J'ai compris lorsque je me suis aperçu que le fabricant était partenaire de la fédération !
Il y a un an, notre association a rencontré Pedro Velazquez, chef adjoint de l'Unité sports de la Commission européenne, qui est en charge, depuis le traité de Lisbonne, du sport pour tous. Il a été très intéressé par notre façon de travailler, et a voulu savoir si ce phénomène existait dans toute l'Europe. Aujourd'hui, ce n'est pas le cas. Nous sommes en train de travailler sur les pays frontaliers - Belgique, Allemagne, Italie Espagne, Portugal. J'ai dit depuis longtemps aux différents ministres que j'ai pu rencontrer qu'il nous fallait une direction nationale de contrôle de gestion (DNCG) européenne. La France est le seul pays à en avoir une. Nous nous contrôlons nous-même, mais les autres font ce qu'ils veulent, avec des déficits d'organismes sociaux abyssal, comme en Italie, par exemple. Ce n'est pas convenable.
Je parlais d'équité. Il faut que les organes européens prennent en compte cette notion. On ne peut continuer à pratiquer le sport de haut niveau dans ces conditions, qu'il soit professionnel ou amateur.
M. Michel Savin, président . - Lors de nos précédentes auditions, il a été évoqué la possibilité de rattacher des centres de formation aux régions. Quel est votre avis sur ce point ?
En second lieu, faut-il à vos yeux instituer une sorte de déclaration annuelle permettant de retracer tous les financements publics dont bénéficient les clubs professionnels.
M. Jacques Thouroude . - Oui. Nous souhaitons une refonte de la circulaire de 2002 sur la notion de redevance, de manière à avoir une grille identique pour tout le monde.
Quant aux centres de formation, ce sont les régions qui les financent. Je ne trouve donc pas choquant qu'ils relèvent de leurs compétences. Il faut que l'on aille vers une clarification. On ne peut continuer ainsi. Les moyens dont nous disposons nous amènent à faire un certain nombre de choix. Il faut se poser la question de savoir si ces centres ne doivent pas être pris en charge par les régions...
M. Jean-Marie Vanlerenberghe . - Il y a centre de formation et centre de formation. Il y a ceux qui sont attachés aux clubs et ceux qui dépendent des fédérations, parmi lesquels les pôles espoirs. C'est différent...
M. Jacques Thouroude . - Je parle des clubs... Les régions interviennent déjà et les collectivités les aident aussi. Cela fait partie du cahier des charges qu'établissent les ligues.
Dans les stades, on voit bien que le classement touche plus l'infrastructure, dont le club n'est pas propriétaire, que le sport ! Il faut rappeler ici l'avis du Conseil d'État de novembre 2003, qui précise trois principes fondamentaux : la sécurité relève du domaine régalien de l'État, la règle du jeu des fédérations, la capacité d'accueil du stade des collectivités, aucune recommandation d'ordre commercial ou télévisuel n'entrant dans les obligations.
M. Michel Savin, président . - Avez-vous des recommandations ou des propositions à émettre auprès de notre mission commune d'information ?
M. Jacques Thouroude . - J'ai déjà évoqué la circulaire de 2002 sur les redevances, ainsi qu'une autorité indépendante de régulation qui s'adresse aux ligues et aux fédérations. Il ne faut pas qu'il s'agisse d'une composante issue de leurs structures.
Je crois aussi qu'il faut que les ligues soient soumises au même contrôle et à l'autorité du ministère, tout comme les fédérations. Les ligues ne peuvent échapper à l'autorité de l'État. Elles respectent les contraintes de sécurité qu'on leur impose, mais il faut que l'État puisse avoir son mot à dire sur telle ou telle pratique. Ce serait novateur, dans la mesure où cela viendrait compléter le tableau entre les fédérations et les ligues.
Mme Michelle Demessine . - Cela nous ramène à l'Europe !
M. Jacques Thouroude . - Bien évidemment. On a un important travail à faire sur le plan européen. Je ne sais toutefois pas si on le verra, tellement les choses sont longues à se mettre en oeuvre !
M. Stéphane Mazars, rapporteur . - L'infrastructure doit-elle, selon l'ANDES, être la propriété des clubs pour certaines disciplines, en fonction du niveau de professionnalisme ?
Enfin, l'ANDES préconise-t-elle un mode de mise en oeuvre des infrastructures ?
M. Jacques Thouroude . - Il convient de rappeler que les collectivités s'administrent librement. Nous n'avons pas de leçons à donner. Aujourd'hui, les clubs sont désireux d'être propriétaires de leurs propres installations.
D'autres expériences utilisent les BEA, comme à Biarritz, Oyonnax ou Grenoble. Les choses commencent à prendre corps, pour faire en sorte que le privé puisse s'investir au sein de cette réalisation, dans le cadre d'une convention avec la collectivité. Nous préconisons cependant le BEA pour que les clubs puissent utiliser une partie des droits TV, afin de réinvestir dans des domaines autres que la masse salariale ou les frais de déplacement.
Il faut peut-être faire travailler les juristes pour faire entrer le privé plus facilement et, dans le cadre du partenariat privé-public, faire en sorte que la collectivité puisse travailler sur les infrastructures extérieures à l'équipement en tant que modèle économique, analysé à partir d'un business plan .
Vous m'avez posé la question de savoir s'il ne fallait recueillir un avis de la direction des collectivités locales, dans le cadre d'un débat sur la création d'un équipement. Il existe dans le cadre des budgets primitifs, mais il faut apporter aux collectivités une analyse extérieure, sans qu'il s'agisse de celle de la Cour des comptes ou des chambres régionales.
On a besoin d'être soudés. Je suis conseiller régional, et j'en mesure toute la difficulté. Je rappelle que des programmes de campagne vont bientôt sortir. Si, demain un club professionnel réclame tel ou tel équipement, tout le budget prévu dans le plan d'investissement à cinq ans peut y passer, empêchant, dès lors, de remplir les engagements pris vis-à-vis de la population.
Si, au contraire, on fait corps, le rapport de force sera différent, et on amorcera la discussion, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. J'ai parlé de concertation, d'équité et de transparence !
Mercredi 27 novembre 2013
Table ronde sur le modèle économique
des stades
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La mission commune d'information organise une table ronde sur le modèle économique des stades. Sont entendus :
- M. Jean-Pascal Gayant , économiste du sport, professeur de l'université du Maine ;
- M. Damien Rajot , directeur opérationnel de Vinci Stadium ;
- M. Alain Caldarella , directeur général de l'Océane Stadium du Havre ;
- M. Étienne Tête , conseiller de la Région Rhône-Alpes et conseiller municipal de Lyon ;
- et M. Jean-Michel Aulas , président de l'Olympique Lyonnais.
M. Michel Savin, président . - Après nos auditions d'élus locaux, notre mission d'information souhaite examiner plus précisément la question des stades et de leur modèle économique. Les difficultés des stades du Mans, de Grenoble ou d'Istres sont au coeur de notre réflexion. Le déséquilibre des relations entre les clubs de football professionnel et les collectivités territoriales est patent. Soumises à la pression de l'opinion publique et à la nécessité de développement territorial, ou aux normes imposées par les ligues, les collectivités doivent apporter leur concours financier aux équipements. Les sommes en jeu s'élèvent à plusieurs centaines de millions d'euros pour les nouveaux stades, malgré l'incertitude quant au retour sur investissement.
Les exemples étrangers, notamment celui de l'Allemagne, où les clubs sont propriétaires des infrastructures, doivent nous éclairer sur les tendances comme sur les bonnes pratiques. Il faut évaluer les différents régimes juridiques disponibles : concession, délégation de service public, partenariat public-privé (PPP). Doit-on favoriser la propriété des grands équipements par les clubs ? Est-il nécessaire de plafonner la participation publique ? Convient-il de prévoir une étude systématique de la direction générale des collectivités locales pour tous les grands projets d'équipement, pour mieux évaluer les enjeux, notamment financiers ? Comment aider les collectivités territoriales à prendre des décisions éclairées et maîtriser l'aléa sportif ? Faut-il que mes métropoles ou les régions deviennent chefs de file des projets ?
Il serait utile d'aider les collectivités à définir si elles ont la surface financière requise pour supporter des projets, et contribuer à un maillage territorial plus harmonieux. Le rôle de l'État n'est pas non plus absent de nos réflexions, avec la question des stades d'Île-de-France et l'Euro 2016. Nos travaux, qui seront rendus au printemps, alimenteront le prochain projet de loi de programmation sur le sport.
Nos débats sont filmés et diffusés sur Internet.
M. Jean-Pascal Gayant, économiste du sport, professeur à l'université du Maine . - Les retombées économiques d'une grande infrastructure ou d'une manifestation dans un bassin économique local viennent des dépenses des spectateurs non locaux, qui constituent une injection nette de ressources. Or, dans le cas des stades, ces dépenses sont faibles - contrairement à l'organisation d'événements tels que les Jeux olympiques, le Tour de France ou un tournoi du « Grand Chelem » - et la retombée économique est très limitée. Un stade ne crée qu'un petit socle d'emplois en sus d'une éventuelle équipe professionnelle résidente. Il est illusoire de penser qu'édifier un stade est en soi un investissement à haut rendement. Cependant, pour une ville, cette édification répond à un espoir de rentabilité immatérielle, en termes d'image de marque et de cohésion sociale autour de l'identification de la population locale à une équipe sportive. La quantification de ce rendement immatériel est difficile, mais comme le bénéfice existe, il rend légitime le financement public des stades.
Ce financement est indissociable de la préservation d'une spécificité des ligues de sport professionnelles en Europe, celui de promotion et relégation, qui garantit l'ancrage géographique des clubs. Le spectateur français est très attaché au principe de méritocratie sportive attachée à un territoire, selon lequel les clubs « naissent libres et égaux en droit », et où de petites villes accèdent au plus haut niveau, comme Boulazac pour le basketball, et Guingamp pour le football. Mais le système de promotion-relégation ne sécurise pas les entreprises que sont les clubs professionnels. Comme l'indique le rapport du Sénat sur le financement public des infrastructures, une limitation des relégations pourrait atténuer cet aléa sportif, mais la légitimité du financement public des stades serait diminuée d'autant.
Ces questions sont au coeur des choix opérés par les ligues européennes, où l'Espagne et la France représentent deux extrêmes : Barcelone et Madrid dominent outrageusement en Espagne, alors que le championnat de France a sacré six clubs en six ans. Avec une répartition ciblée des droits TV et par l'absence de mécanisme de restauration de l'équilibre compétitif, la ligue peut favoriser l'émergence de titans qui accaparent les titres ou favoriser l'équité par des plafonds salariaux et une répartition des revenus de retransmission, billetterie ou merchandising .
La légitimité du financement public est d'autant plus grande qu'elle donne sa chance à chacun. On pourrait objecter que, se réalisant dans un cadre essentiellement local, ce financement peut conduire à une compétition entre les territoires. Argument pertinent quand on considère les constructions récentes et inutilisées de Grenoble, du Mans ou de Sedan. Chaque ligue doit placer le curseur entre un système fermé, sur le modèle nord-américain, où le financement public est exclu, et un système de promotion et relégation avec un système de rééquilibrage des recettes, qui rend légitime un financement public substantiel. Les ligues doivent clairement assumer ces choix. Si l'option d'un système ouvert est prise, il faut cependant limiter le financement public, car le sport reste un spectacle commercial. Il est difficile de fonder économiquement des plafonds, car la littérature scientifique sur les notions de welfare entre committed fans et uncommitted fans est encore balbutiante. Les seuils maximaux de financement public pourraient être de 50 % si 15 % des équipes étaient reléguées, et 16,6 % si 5 % étaient reléguées.
Si l'on s'intéresse au modèle économique des stades au sens strict, l'édification d'un stade ne peut être un investissement à haut rendement. Toutefois, les expériences allemande et américaine montrent qu'un stade peut être une zone de vie et d'activité plus importante si l'on favorise le divertissement familial, un environnement apaisé et des horaires non dictées par les impératifs de retransmission télévisée. En 2012, pour ne pas concurrencer la retransmission d'un match de Ligue 1 le vendredi soir, ceux de Ligue 2 avaient été décalés à 18 heures puis à 18 h 45, d'où une chute de fréquentation de 10 à 20 %.
Quant à la forme juridique des dispositifs de financement par les collectivités locales, j'approuve la mission de contrôle du Sénat qui a recommandé aux futurs propriétaires d'analyser la rentabilité de l'équipement en projet selon un scénario résolument pessimiste.
M. Étienne Tête, conseiller de la région Rhône-Alpes et conseiller municipal de Lyon . - La Cour des comptes a montré que l'avantage économique en matière d'emploi représenté par un grand stade, relevait de la croyance. Nous n'avons que peu d'études, mais si l'on recoupe les palmarès économiques publiés par des magazines tels que L'Express ou Challenges et le niveau des clubs sportifs, il n'y a aucune corrélation évidente entre la présence en Ligue 1 et le classement économique d'une ville : sur 35 clubs présents en Ligue 1 hors Paris, 20 seulement figurent dans les cinquante premières villes des classements économiques. Une région comme la Corse s'offre fréquemment deux clubs en Ligue 1 sans être un modèle de développement économique. L'effondrement de l'économie de Saint-Etienne coïncide avec la grande période de son club de football.
Le contenu en emplois du chiffre d'affaires du football est faible : environ deux emplois pour un million de chiffre d'affaires, contre sept ou huit pour le secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP). Quand un ménage préfère le football au cinéma ou au restaurant, d'une certaine manière, il détruit des emplois.
La croissance de la taille des stades dégage-t-elle de plus grandes recettes de billetterie, susceptibles de financer ceux-ci ? Le vecteur de recette principal des clubs sont les droits de retransmission TV, apparus en 2000 et 2004, qui s'élèvent à 700 millions et constituent 50 % du budget de beaucoup de clubs. La billetterie en représente 10 à 20 %. Même en l'augmentant, on ne peut espérer qu'elle finance des équipements de 300 millions ou 400 millions.
De plus, remplir un stade plus grand suppose d'offrir un plus beau spectacle et, pour cela, d'aligner des joueurs qui attirent du public par leurs résultats, ce qui a un coût. On le voit bien, en vendant de plus en plus de joueurs, l'Olympique Lyonnais n'est plus le champion qu'il a été.
L'intervention des collectivités territoriales se heurte à la règlementation, voire aux interdictions édictées par la Commission européenne : les aides pour l'Euro 2016, dont le montant est loin d'être négligeable, n'ont toujours pas été validées. Le plus privé des stades français n'est jamais entièrement privé : il bénéficie de la garantie d'emprunt du conseil général, du soutien de la Caisse des dépôts et consignations, sans parler des équipements périphériques. La légitimité des aides publiques est ici directement mise en cause, car les lois Buffet ont été validées par l'Europe. Le rapport Besson rappelle la corrélation directe entre le poids financier des clubs et la réussite en Champions League : aider les clubs les fait rentrer directement dans le champ de la concurrence européenne.
Pourquoi la grande agglomération lyonnaise n'aurait-elle pas un grand stade ? Les 70 à 100 millions de recettes supplémentaires par an ne viendront sûrement pas de la billetterie. Elles sont liées à un ensemble d'opérations sur 50 hectares, dont la cession s'est faite, selon nous - le débat juridique n'est pas clos - à une valeur en dessous du marché, et à des plus-values sur les parcelles revendues. Les clubs de ce niveau ne peuvent réaliser plus de 50 millions de recettes de billetterie par an. Ces clubs sont très riches, mais leur argent, au lieu de mettre de l'huile dans les rouages, met de l'huile sur le feu et entraîne un emballement du prix des joueurs. Par conséquent, nous recommandons un plafond global limitant le nombre de joueurs et la masse salariale par club.
M. Alain Caldarella, directeur général de l'Océane Stadium du Havre . - Notre objectif au Havre est d'être moins dépendant des aléas sportifs, avec un stade pour tous, qui soit un centre de vie accueillant d'autres manifestations : nous avons donné un concert et la fédération française de rugby est venue jouer chez nous. Le club résident a été intégré au projet. L'investissement judicieux est celui qui sert 24 heures sur 24 et 365 jours par an. Sur les 26 manifestations organisées l'année dernière 19 sont des matchs de football, et des séminaires ont lieu tous les jours.
Nous diversifions notre offre et donnons un rôle social au stade, alors même que le bassin économique du Havre est restreint. Nous nous inspirons du Stade français. Assister à un match est une fête, l'objectif étant de passer un bon moment ; et la présence du public ne doit pas être liée à un classement exceptionnel. Un stade peut vivre, et pas seulement avec un club résident.
M. Damien Rajot, directeur opérationnel de Vinci Stadium . - Vinci Stadium est une structure créée il y deux ans, pour développer un modèle économique dans les enceintes dont Vinci concessions est actionnaire. Nous sommes présents au Stade de France, au MMAréna, à l'Allianz Riviera, au stade de Bordeaux et au projet d'aréna de Dunkerque, salle d'environ 10 000 places de type américain.
Une volonté réelle de développer un nouveau modèle économique s'exprime au sein des collectivités, mais pour ce faire le monde du sport doit évoluer. Les clubs de foot ne sont pas propriétaires, parce que le modèle économique l'interdit. L'aléa sportif, que l'on pourrait pondérer, ne rassure pas les investisseurs. Surtout, créer du contenu exige de s'interroger sur les attentes des spectateurs au lieu de laisser le diffuseur dicter ses règles. Que les gens se tiennent à l'écart des stades n'est pas une fatalité.
L'Allianz Riviera à Nice a développé une vraie politique du spectateur pour fidéliser le public. L'on prend souvent pour exemple la pratique américaine : shows avant et après le match, explications sur le spectacle. Un téléspectateur a aujourd'hui plus d'informations qu'un spectateur qui a payé sa place. Le travail n'est pas fait dans ce domaine.
Avec ses zones de rencontre et ses espaces de restauration, ce stade constitue un lieu de vie. Malheureusement les incidents de la semaine dernière à Nice et leur présentation médiatique montrent que le monde sportif doit changer, et les supporters cesser leurs agissements inacceptables, si l'on veut valoriser ce nouveau modèle économique. Le sport va suivre la même voie que le cinéma, qui, en excentrant les complexes, a développé d'autres activités commerciales. Cependant, le sport a besoin de temps pour y arriver. Or, l'exigence de performance des organisations sportives à court terme est en décalage avec le temps long des stades. L'exploitant ne peut pas tout régler, les collectivités doivent parfois surinvestir, les diffuseurs et les entreprises sont complètement absents pour créer de la valeur, alors que donner son nom à un stade, comme Allianz à Nice, est très important pour cette marque. Il faut considérer l'écosystème complet pour refonder le modèle économique global du sport.
M. Michel Savin, président . - Vaste chantier...
M. Damien Rajot . - Mais nécessaire !
M. Jean-Michel Aulas, président de l'Olympique Lyonnais . - Nous devons désormais nous pencher sur les solutions pragmatiques et renoncer aux dogmes passéistes. Le Sénat, qui s'intéresse au futur, doit, comme tout entrepreneur, imaginer l'avenir différemment en tenant compte d'un monde en mutation, sauf à renoncer à toute initiative.
Dans un environnement concurrentiel européen, nous avons de nouveaux éléments de réflexion, concrets, en termes de benchmarking et d'innovation. L'économie du football - certains, peut-être pour créer une distorsion d'image, parlent de foot business - change. L'Union européenne des associations de football (UEFA) a défini une règle de financial fair-play qui conduira à exclure, pour la première fois en 2014, les clubs qui ne la respectent pas. En tant que président de l'association qui gère la mise en place de ces règles, je peux vous assurer que l'UEFA ira jusqu'au bout de ses intentions, comme Gianni Infantino, son directeur général, l'a confirmé. Le développement d'un football durable, ne passe pas par l'apport des mécènes ou des collectivités territoriales.
Regardons ce qui se fait ailleurs pour en tirer des idées d'avenir : en Allemagne les stades sont pleins à 100 %. Ils répondent à un nouveau mode de vie, avec des espaces dédiés au public, et d'excellentes normes de sécurité : les familles recherchent, en ces temps économiques troublés, la convivialité dans la sécurité. Après la construction des dix stades de la coupe du monde de 2006, le remplissage moyen est passé de 24 000 spectateurs à 48 000. Le modèle fonctionne aussi à Copenhague ou en Angleterre.
Il faut faire confiance à ce changement de business model. L'équilibre du financial fair-play ne prend pas en compte les investissements privés dans la construction des stades, pour qu'ils puissent se substituer aux collectivités territoriales. De plus, la formation est un moyen d'éviter la flambée du prix des joueurs.
Le modèle économique retenu pour la Coupe du monde de 1998 a été largement inspiré par les collectivités territoriales, contrairement à l'Allemagne qui a, en 2006, développé des structures privées. Le Bayern de Munich ou Dortmund réalisent un excédent brut d'exploitation de 50 à 100 millions ; l'Emirates Stadium est toujours plein et son club, Arsenal, est le premier du championnat anglais. Il importe de trouver, comme les autres Européens, le modèle qui substituera à l'investissement public un investissement privé. Ce n'est pas parce qu'un projet reçoit des aides publiques qu'il faut le critiquer et dire que ce n'est pas un projet privé : le Centre national pour le développement du sport (CNDS) dote l'Euro 2016 d'un certain nombre de subventions. Pourquoi les refuser au stade de Lyon, l'un des plus abouti technologiquement ?
Le nouveau modèle économique substitue à l'aléa sportif des aléas économiques et sociologiques. Allons-nous y arriver en France ? Il n'est pas possible de demander le retrait des collectivités territoriales tout en critiquant les entreprises privées, qui prennent des risques, et en les harcelant de procédures judiciaires pour retarder leurs investissements par un harcèlement de procédures.
Notre projet correspond au financial fair-play , qui s'impose internationalement pour résoudre les distorsions de concurrence ; il correspond au bassin économique. Contrairement à 1998, il ne faut pas rater l'opportunité de 2016, ou alors nous resterons avec des sous-équipements sportifs. Nous avons conçu un projet d'agglomération, comme cela se fait partout en Europe. C'est, de plus, un modèle unique : on se substitue à l'investissement public, lequel ne concerne que l'approche, c'est-à-dire la mise en oeuvre de transports publics qui profitent à tous - ils fonctionnent déjà alors que certains s'évertuent à empêcher la réalisation du stade. Concernant le benchmarking européen, 18 des 20 premiers clubs européens sont propriétaires de leur stade : pourquoi en serait-il différemment en France ? L'Allemagne qui était 14 e des nations européennes de foot figure désormais parmi les meilleures.
Nous enclenchons une spirale positive. Le positionnement formidable de ces projets ne doit rien aux droits TV - dont le montant en France est de 620 millions et non 700 millions comme cela a été dit. Savez-vous, d'ailleurs, que nous sommes le pays qui collecte le moins de droits en raison du manque d'infrastructures techniques ?
Des stades conviviaux attirent le public, dégageant des recettes qui financent des centres de formation, d'où sortent de bons joueurs. Ceux-ci assurent un spectacle de qualité, qui se vend bien. La boucle est bouclée. En Angleterre, dotée de stades privés, la vente des spectacles sportifs rapporte 1,7 milliard de recettes télévisuelles, dont 1,2 milliard à l'étranger contre 30 millions pour nous, parce que nos équipes jouent dans des infrastructures dépassées voire dangereuses. L'Euro 2016 sera l'occasion de relever ce défi sportif, économique et social.
À Lyon, la construction du stade crée 2 500 emplois sur trente mois, ce qui est remarquable dans le contexte actuel. Le préfet relève une évolution favorable des courbes régionales d'emplois - nous avons signé des accords donnant la priorité aux demandeurs d'emplois locaux. Nous créerons 1 500 emplois permanents pour l'exploitation du stade et 2 000 emplois supplémentaires en cas d'événements.
Si l'on peut diminuer le niveau d'investissement des collectivités locales, soit dans le cadre d'un investissement privé soit dans celui d'un PPP, il n'y a pas d'hésitation à avoir. À Lyon, des investisseurs se sont lancés sur un projet créateur d'emplois et vertueux sur le plan économique. Grâce à la synergie public-privé, la deuxième agglomération de France disposera d'un équipement comparable à ceux des grandes villes européennes. Laissons à la France la chance de réussir sa mutation sur le plan des équipements sportifs.
M. Stéphane Mazars, rapporteur . - Selon M. Gayant, plus l'aléa sportif est important, plus l'investissement public est légitime. Vous proposez de fixer un seuil de 50 % quand 15 % au moins des équipes sont reléguées dans le championnat chaque année. Quand vous parlez de l'investissement public, pensez-vous seulement à l'infrastructure ou incluez-vous également les transports, la voirie... ?
M. Jean-Pascal Gayant . - Ce chiffre est indicatif. Il est difficile de fonder économiquement un seuil en l'absence d'estimation des revenus dégagés par le spectacle sportif. Le chiffre de 50 % pourrait englober les infrastructures annexes.
M. Aulas joue sur du velours, car je suis plutôt partisan du modèle développé à Lyon. Il est vertueux : la construction du stade repose sur un financement privé que les collectivités accompagnent en prenant à leur charge les autres infrastructures, ce qui est globalement sain. En l'occurrence, le plafond public est certainement respecté.
Doit-on fixer un taux de relégation plus faible à l'image de ce qui se fait aux États-Unis ? Un grand nombre d'acteurs importants du football français le souhaitent ou envisagent un système de white card , lorsque des structures ayant réalisé de gros investissements sont menacées de relégation.
Il relève de la responsabilité de la ligue de positionner le curseur et d'ouvrir avec les clubs et les collectivités un débat sur le modèle choisi. Plus on va vers un financement privé, plus il peut être opportun de restreindre les relégations afin de sécuriser les investissements. Plus le financement public est important, plus la relégation se justifie pour des raisons d'équité entre les territoires.
M. Stéphane Mazars, rapporteur . - L'Olympique Lyonnais a-t-il appréhendé l'aléa sportif dans le montage financier du stade et comment l'opérateur privé l'a-t-il pris en compte ?
M. Jean-Michel Aulas . - Évidemment. Si nous ne l'avions pas fait, les banquiers, et la Caisse des dépôts, qui est, contrairement à ce qui a été dit, un investisseur comme les autres, l'auraient fait à notre place. Les investisseurs privés se sont déterminés sur la base d'hypothèses tenant compte des performances, de l'utilisation de l'infrastructure par d'autres acteurs que le club résident et d'estimations de recettes complémentaires. Celles-ci ne viennent d'ailleurs pas de droits à construire ; je démens l'affirmation inverse qui est absurde et fausse. Elles sont liées à la rentabilisation des infrastructures de la zone dans le cadre de leur utilisation par des entreprises, ce que l'on appelle le B to B , ou des particuliers, le B to C . Nous disposons d'un centre de séminaires. Nous avons créé un concept nouveau afin d'étendre le temps d'occupation des loges mises à disposition des entreprises en les couplant à des bureaux. Les spectateurs peuvent se rendre au musée du sport, faire garder leurs enfants pendant les matchs, etc. Toutes ces recettes ont fait l'objet de simulations techniques ; des organismes d'évaluation les ont vérifiées. Notre business plan est sérieux, la présence des investisseurs privés l'atteste. Les nouveaux modes de vie offrent des possibilités nouvelles de rentabiliser les stades en créant des synergies.
L'exemple du stade de Nice, régulièrement plein, en est une bonne illustration tout comme celui du stade de Lille. L'ancien stade comptait 13 000 spectateurs en moyenne annuelle, mais 40 000 depuis sa rénovation, parce que les gens ne viennent plus au stade juste pour supporter leur équipe ; ils viennent s'y divertir de diverses manières.
L'évolution est comparable à celles qu'ont connues les salles de cinéma. Les salles unitaires ont été remplacées par des multiplexes. La fréquentation totale a augmenté sans que cela puisse s'expliquer par un engouement pour le 7 e art ; en réalité, le multiplexe répond aux nouveaux intérêts et habitudes du public. Ne pas tenir compte des évolutions sociologiques constitue une erreur.
M. Damien Rajot . - Il convient de différencier la situation des clubs de Ligues 1 et 2. En Ligue 2, le taux de remplissage des stades est de 35 % seulement. Le passage de Ligue 1 en Ligue 2 est très délicat. Les recettes diminuent plus vite que les charges. C'est ce qui est à l'origine des difficultés du Mans. Nous essayons de mener une réflexion sur l'aléa sportif, mais ces stades sont conçus pour dégager des revenus en Ligue 1.
M. Stéphane Mazars, rapporteur . - Que s'est-t-il passé au Mans ?
M. Damien Rajot . - Le club a grandi trop vite. Il est passé très rapidement de Ligue 2 en Ligue 1, sa chute a été aussi rapide que son ascension. Or, les infrastructures, elles, se rentabilisent sur le long terme. Lorsqu'un club qui a beaucoup investi connaît des difficultés, ne peut-on envisager une aide financière des autres clubs à l'image de ce qui se pratique chez les producteurs musicaux ?
M. Jean-Michel Aulas . - En liaison avec le syndicat professionnel, la ligue a mis en place une licence club, attribuée en fonction de l'adéquation entre le niveau d'équipement et la captation de ressources. L'objectif est d'instaurer une régulation économique des investissements, interne à la ligue. Les recettes télévisuelles par exemple seront allouées aux clubs qui investissent pour moderniser leur équipement. Ce système peut constituer une réponse aux interrogations des collectivités sur leur niveau d'investissement.
Une question ouverte est celle du nombre de clubs qui doivent participer à la première division. Nous fonctionnons sur un modèle à 20 clubs ; il en existe d'autres.
La taille des stades doit être en rapport avec celle des agglomérations. On ne peut construire le même stade au Havre et à Lyon. Il faut être raisonnable, ce qui signifie accepter un minimum d'argent privé. L'investissement privé est à privilégier, là où cela est possible, car il implique une régulation dans le projet.
M. Dominique Bailly . - Faut-il construire des stades ? Oui, si le potentiel sportif, populaire et économique est présent. Qui construit ? Plusieurs hypothèses sont envisageables. Il faut se déterminer en fonction des territoires. Je suis moins optimiste que le président Aulas sur les opportunités offertes par le financement privé. Le cas de Lyon reste unique. Une autre possibilité est celle de la maîtrise d'ouvrage directe par la collectivité locale ; dans ce cas, il est essentiel que le club soit associé à la gestion. C'est ce qu'a bien réussi le Havre : la collectivité a investi ; en contrepartie, elle bénéficie d'un loyer. Pour le sécuriser, elle a travaillé en amont avec la société privée afin de lui assurer des recettes. La troisième voie est celle du partenariat public-privé. Dans notre rapport d'information, nous avons attiré l'attention sur les conditions de réussite de ce montage. Le PPP doit être travaillé en amont : cela a été le cas à Lille mais on a peut-être vu trop grand au Mans.
Il n'y a pas un modèle unique. Chaque projet doit être monté en fonction des spécificités du territoire, des volontés politiques et économiques locales. Au bout du bout, l'idéal est sans doute de combiner financement privé et accompagnement public, pour que l'aménagement du territoire corresponde à un projet global.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe . - Je me félicite de la qualité des échanges qui serviront les objectifs de notre mission. Contrairement à ce qui a été dit, la Ligue 2, ça peut fonctionner ! À Lens, dont je suis supporter, le stade accueille 30 000 spectateurs en moyenne. Nous avons parlé foot, parce que c'est le sport roi, mais les stades peuvent être utilisés pour d'autres sports.
Je suis convaincu qu'il faut changer de modèle, j'espère que l'Euro 2016 en sera l'occasion. Combien de temps cela prendra-t-il ? Quelles sont les conditions du succès ? À mon sens, il faut envisager une période transitoire avec un objectif clair. Sans aller jusqu'au foot business , vous avez démontré avec brio qu'il faut mener une démarche commerciale que d'autres ont empruntée avant nous. J'ai été maire d'Arras, ville jumelée avec Herten. Le stade de Gelsenkirchen, où joue l'équipe du Schalke 04, était un modèle avant ceux de Lille ou de Nice. Pourtant, il est implanté dans une zone minière, frappée par le chômage, comme celle de Lens. Le stade est rempli, parce qu'il fonctionne sur un modèle économique B to B .
Vous avez évoqué les aléas sportifs. La relégation de Lens a été un drame. Heureusement, le Crédit agricole est intervenu, puis Gervais Martel a trouvé un investisseur. Doit-on espérer des solutions de cet ordre pour tous les clubs qui descendent d'une division ? La piste d'une white card me plaît. Il faut sans doute inventer des mécanismes qui assouplissent les effets d'une relégation. Après tout, l'Allemagne et l'Angleterre connaissent des systèmes de relégation brutale.
M. Damien Rajot . - Quel est le modèle français ? Nous avons besoin d'un peu de temps pour le créer. Notre situation diffère de celle des clubs allemands ou anglais qui disposent depuis longtemps d'actifs immobiliers et d'une clientèle. Notre atout réside dans la coexistence de deux championnats de haut niveau, en football et en rugby. Le rugby offre des opportunités de développement aux stades créés à l'initiative de clubs de football, à condition de travailler sur les équipements et les calendriers, comme cela a été fait à Nice avec le Rugby Club de Toulon. Pour créer ainsi le marché, il est nécessaire qu'en amont les deux ligues et les deux fédérations se parlent - le Paris Saint-Germain (PSG) restera à part.
Les nouveaux stades doivent devenir des stades de dimension régionale qui accueillent plusieurs clubs et diverses manifestations, quel que soit leur mode de financement. Enfin, au Mans, le partenaire privé reste présent alors qu'il n'y a plus de club résident.
M. Alain Caldarella . - Un stade ne peut vivre sur dix-neuf dates de matchs de championnat. Il est important d'y organiser des événements culturels. La réflexion doit être menée localement en fonction des particularités territoriales. Si la collectivité publique investit, le projet doit être envisagé sur le long terme. Il peut être judicieux de greffer un palais des congrès sur un stade quand la ville en est dépourvue, voire un centre commercial ou un hôtel.
La ligue travaille sur ces sujets. Elle a créé une commission d'exploitation des stades. Demain, si chaque ville ouvre des salles, les sociétés exploitantes se concurrenceront entre elles - je pense à la salle Antarès au Mans. Les gestionnaires de stades doivent travailler en bonne intelligence avec les autres exploitants de salles, des salles de concert par exemple, au bénéfice du territoire.
Guingamp a été rendue célèbre par son club de football. Les Lensois naissent avec une petite cuillère du club ; à Strasbourg, le Racing Club réunit également un public nombreux. Au Havre, nous avons pour objectif de multiplier les activités pour faire connaître notre ville et notre région.
M. Jean-Michel Aulas . - Historiquement, le modèle français était basé sur l'investissement public. Cette époque est révolue, car la situation économique de l'État et des collectivités locales a changé. Ensuite est venu le PPP qui correspond à l'accompagnement privé d'un investissement public de manière à différer son coût pour le contribuable. Le financement privé est le modèle d'avenir.
Les choix doivent être faits en fonction du bassin démographique et du potentiel sportif - l'OL joue depuis 18 ans en coupe européenne, autant dire que l'aléa sportif est faible. Les équipements peuvent être plus ou moins onéreux et sophistiqués. À Lyon, nous avons opté pour des installations dotées des meilleures technologies. Le stade constitue déjà une référence au niveau européen. La fédération française de football (FFF) a retenu sa candidature pour l'Euro 2020. Sommes-nous en avance ? Lyon est la deuxième agglomération de France. L'investissement privé autorise l'option la plus ambitieuse sans peser sur les fonds publics - la subvention du centre de formation ne représente que 0,5 % du chiffre d'affaires. Il peut aussi prendre le relais en matière de fonctionnement des clubs. À Lyon, les subventions ont quasiment disparu.
M. Pierre Martin . - Personne ne possède la science infuse. Notre société évolue, soit ! Cela ne signifie pas qu'on doive imposer un modèle unique. Nous avons le droit de faire preuve d'imagination. Il faut de nouveaux lieux, de nouveaux centres de vie où les gens puissent continuer à passer des moments de bonheur et de plaisir. Le peuple de Lens va au stade avec des sandwichs et des frites pour y être heureux.
Au Mans, a-t-on bien géré la situation ? N'a-t-on pas eu les yeux plus gros que le ventre ? Le beau stade est arrivé, les bons joueurs sont partis, sans doute parce qu'on n'avait plus les moyens de les payer. Certains sont allés dans de grands clubs ; s'ils étaient restés, le club aurait échappé à ses difficultés actuelles.
Vous avez évoqué le fair-play financier. La direction nationale de contrôle de gestion (DNCG) est merveilleuse mais, malgré les souhaits de Michel Platini, nous ne pourrons l'imposer aux clubs européens du fait des différences de règles d'imposition. Regardons maintenant le droit à l'image collectif (DIC), les 75 % de taxe, comparons les transferts les plus importants réalisés en France, qui tournent autour de 10 millions et ceux de Grande-Bretagne ou d'Espagne, qui avoisinent 100 millions d'euros. La différence ne tient pas seulement à l'écart des recettes télévisuelles... L'harmonisation est indispensable pour que nos clubs suscitent un intérêt en Europe. Combien la billetterie représente-t-elle dans les nouveaux stades ? Elle a dû bien augmenter...
Deux clubs bénéficient de largesses extérieures, ils font le plein dans les stades. Ils attirent les supporters. Cela démontre que nous avons besoin de moderniser nos stades. Je suppose qu'avant de demander l'Euro 2016 des discussions ont été menées en ce sens entre tous les acteurs.
Le football est professionnel depuis longtemps ; le rugby le devient, tout comme le volleyball et le handball. Il faut être attentif à cette évolution et adapter nos installations afin qu'elles accueillent d'autres manifestations sportives et des événements non sportifs, sans transformer les terrains en champs de patates. L'objectif est d'attirer des spectateurs. Il y a une grande réflexion commune à mener pour offrir à nos concitoyens des moments de plaisir partagés dont ils ont besoin. Ne bloquons pas les choses administrativement.
M. Jean-Pascal Gayant . - Il y a dans la situation du Mans une part de mauvaise fortune. Des mauvais choix sportifs ont été opérés, puis, après la relégation, le club a gardé un gros budget. Dans une hypothèse de ce genre, la solution de la licence club ne serait pas adaptée. Le stade devait être au niveau maximal de certification - le maire explique que c'est une structure de 25 000 places et non de 30 000, comme le recommandait la ligue. La licence club prévoit qu'une part variable des recettes télévisuelles n'est plus allouée aux clubs qui n'atteignent pas le score suffisant (Ajaccio, Niort). À plus long terme, un club sportivement promu pourrait ne pas accéder à la ligue supérieure en raison de ses résultats à la licence club. Le système pousse au crime car les collectivités sont dans une surenchère de construction. Dès lors que le financement public des clubs est maintenu, le processus de certification accentue l'inefficacité sociale des dépenses. C'est précisément ce qui s'est passé au Mans dont le stade devait correspondre aux niveaux de certification maximum.
Le fair-play financier et la DNCG sont de belles et bonnes choses. La représentation nationale doit toutefois s'émouvoir qu'ils ne concernent pas les deux plus grands clubs français, dont l'un ne satisfait pas à ses obligations fiscales et sociales en France, et l'autre contourne le fair-play financier au moyen d'un artifice. Ces deux clubs sont, certes, à l'origine d'un surcroît de fréquentation mais c'est au prix d'une exemption d'une partie des règles du jeu.
M. Alain Caldarella . - En Allemagne ce ne sont pas les premier et deuxième clubs qui remplissent les stades, mais l'ensemble des clubs, car tout y a été conçu pour le confort du spectateur. L'objectif des nouveaux stades doit être de faire venir les spectateurs en multipliant les activités. Il faut assurer le spectacle, l'accueil et la sécurité. Nous pouvons nous inspirer des méthodes allemandes et anglaises en les adaptant. Nous pouvons dégager un revenu complémentaire par des activités annexes. Nous avons ainsi fait venir un petit groupe de musique, Maître Gims ; les 400 places, vendues en amont, couvraient les cachets et la fréquentation du stade a augmenté. Les stades doivent travailler ensemble pour créer une programmation intelligente qui satisfasse le public.
M. Étienne Tête . - La comparaison entre la France et l'Allemagne n'est pas toujours pertinente. Il a été indiqué tout à l'heure que la zone de population pourrait constituer un bon critère pour décider de l'implantation d'un stade. La zone urbaine de Munich est trois fois plus importante que celle de Lyon et son stade a une capacité supérieure de 25 % seulement. Il a été dit aussi qu'il fallait passer à un cycle nouveau de montages financiers. Les frontières ne sont pas aussi nettes. Il y a treize ans, pour réaliser son stade, la commune de Munich a vendu un terrain d'un peu moins de huit hectares à 192 euros du mètre carré. À Lyon, ce sont 40 hectares publics qui sont vendus à 40 euros le mètre carré. Il faut aussi différencier la réalité et le discours politique. Le transfert de Benzema annoncé à 100 millions d'euros a rapporté 32 millions.
À Lyon, le tramway ne marchera que 28 jours par an, c'est dans le dossier d'enquête publique. La collectivité finance des projets dédiés qui ne sont pas générateurs de développement économique.
La louable ambition d'utiliser des stades pour des spectacles variés se heurte à deux contraintes : une contrainte de calendrier tout d'abord. Plus le stade est grand, plus les tournées se préparent à l'avance, ce qui complique le calage des dates. Quand Johnny Hallyday est venu à Gerland, il a fallu décaler la date et indemniser le tourneur. La seconde contrainte est liée à la difficulté de trouver des spectacles de qualité. Dans les faits, à Lyon, qui a décidé de gérer en direct tous les spectacles montés à Gerland, comme à Marseille, qui a fait le choix inverse et délègue cette gestion à l'OM, peu d'événements non sportifs ont été organisés. Pour remplir une salle avec un toit, il faudrait des tournées d'hiver. Or, nous ne disposons pas d'un réseau suffisant de salles de ce niveau.
M. Alain Caldarella . - Il faut arrêter de penser que la tournée est un gage de qualité. Il est possible de gérer soi-même la production et de créer son calendrier, comme nous nous y efforçons. Il convient en premier lieu d'estimer le prix que les spectateurs sont prêts à payer et de ne pas surestimer le cachet du stade. Nous avons refusé la venue de Johnny Hallyday car le coût n'était pas raisonnable pour notre public. Les stades de province n'ont pas vocation à répliquer la programmation du Palais omnisports de Paris-Bercy. Ils doivent innover et accueillir des créations qui ont un lien avec leur région.
M. Jean-Michel Aulas . - Contrairement à ce qu'a indiqué Etienne Tête, les tramways fonctionnent aujourd'hui, même s'ils ont une configuration particulière les soirs de match.
Le stade de Lyon est modulaire. Il peut accueillir 20 000, 40 000 ou 60 000 personnes. Nous avons engagé la constitution d'une équipe féminine de niveau européen. Il est possible de fonctionner avec deux clubs résidents dans une couronne à 20 000 spectateurs. À Munich, nous avons gagné la finale féminine de la coupe d'Europe devant 60 000 personnes, ce qui prouve qu'il y a un marché du football féminin en devenir. Au passage, j'observe que Munich a trois stades et deux clubs de première division...
Nous devons aussi tenir compte, dans nos choix, des analyses de la Cour des comptes et de Bruxelles sur le prix de revient des stades. La relation entre la commune et le club résident sera tantôt conviviale dans un cadre local ou encadrée par des règles strictes, qu'elles soient françaises ou européennes, dictées par l'amortissement de l'ouvrage. À Lyon, nous intégrons le prix de revient dans le club, car la Foncière du Montout est une filiale à 100 % du club, et nous bénéficions, en conséquence, à la différence des PPP, de la totalité des recettes, liées ou non à la billetterie.
M. Damien Rajot . - Le stade de Nice, l'Allianz Riviera, a été construit en PPP. L'OGC Nice se voit reverser la totalité des recettes liées à ses matchs. Le club paie un loyer à la ville. L'exploitant assumera pendant trente ans les charges de maintenance du bâtiment et de renouvellement des équipements devenus obsolètes.
M. Stéphane Mazars, rapporteur . - Monsieur Aulas, qu'attendez-vous de la ville une fois que le stade sera construit ? Ce modèle, fondé sur la gestion de l'infrastructure sportive par le club, suppose de faire venir au stade des spectateurs en nombre et en famille pour les inciter à consommer. Est-ce possible en France ? Monsieur Rajot, vous avez évoqué le rapport inégal entre les spectateurs et les diffuseurs, ces derniers imposant leurs exigences aux organisateurs des spectacles sportifs : comment le rééquilibrer ? Les collectivités territoriales sont intéressées à la vie des stades ; elles sont attentives à ce que les prix, comme les horaires, restent accessibles.
M. Jean-Michel Aulas . - Nous attendons de la collectivité un partenariat permanent. Ainsi, à Lyon, sera créé, à côté du stade, un écoquartier, ainsi qu'un centre commercial, dans une logique de synergie. En outre, nous souhaitons que la ville joue le jeu. À Lyon, il y a trois stades : le nouveau stade, un stade privé de rugby, et le stade de Gerland, terminé en 1928, et qui, en dépit de son loyer élevé, est devenu obsolète pour accueillir des matchs de Coupe d'Europe comme le rappelle régulièrement l'UEFA. Il faut un accord . Il n'y a pas besoin d'un autre stade à Lyon et ceux qui ont investi dans le stade privé ne doivent pas être victimes de la concurrence déloyale d'un stade à financement public.
M. Jean-Pascal Gayant . - L'addiction au football est moins grande en France qu'en Angleterre, en Allemagne ou en Italie. Les Français ont des loisirs divers et n'ont pas le réflexe pavlovien d'aller au stade. Cela contribue à expliquer notre retard et nos mauvaises performances au niveau européen. Il est vrai que les habitudes sont susceptibles de changer. Toutefois, lors du précédent appel d'offres, Orange avait proposé 200 millions pour acquérir une partie des droits TV. Mais la société, qui avait surestimé la demande potentielle, a dû abandonner avant même la fin du contrat. Un modèle de ce type est possible en France, mais il n'aura pas le même succès qu'en Allemagne, où assister à un match le samedi après-midi en famille est entré dans les moeurs.
M. Damien Rajot . - C'est le focus qui va changer. Lorsque le stade est privé, le club qui négocie les droits de retransmission TV par l'entremise de la ligue, aura davantage intérêt à défendre les spectateurs, car le stade est plus important et plus coûteux à amortir et à entretenir. Le club doit trouver des recettes et donc défendre les spectateurs. Auparavant cette nécessité était masquée par le bas niveau du loyer acquitté par les clubs. Désormais le coût du stade sera une préoccupation. Il faudra d'abord remplir les stades modernes pour ensuite réévaluer les droits TV. Tel est le cercle vertueux.
M. Stéphane Mazars, rapporteur . - Il faut aussi des lieux sécurisés. Sans doute passerons-nous d'un modèle de stade rempli de supporters agitant des banderoles à une tribune aseptisée, où l'on ne tolèrera plus les bruits des voisins, ni les fumigènes et encore moins, bien sûr, les violences. Conséquence de ce nouveau modèle économique, l'ambiance dans les stades risque de changer. Le regard sur le sport sera modifié et le supporter cèdera la place au spectateur passif. Quel est votre avis ?
M. Pierre Martin . - Remplir les stades suppose des résultats sportifs, et de la sécurité. Dans mon rapport Faut-il avoir peur des supporters ? , il y a quelques années, j'avais formulé des préconisations ; elles n'ont pas toutes été appliquées. Les événements récents à Saint-Etienne ou à Nice montrent l'ampleur du chantier. Les clubs doivent régler ce problème, c'est dans l'intérêt de ce sport.
M. Michel Savin, président . - Dans un souci d'équité, ne faudrait-il pas fixer par la loi les modalités de calcul de la redevance ? La Cour des comptes a révélé des disparités entre les clubs.
Faut-il désigner une collectivité pilote ? À Lyon, par exemple, les spectateurs seront les habitants de la métropole, mais le club a aussi l'ambition d'attirer les habitants de tout le département. Le département ou la région ont-ils été associés ?
Enfin, le stade de Grenoble est vide et la collectivité verse chaque année 1,5 million au gestionnaire, faute d'équipe référente. Vous avez souligné que le monde sportif doit évoluer et certains clubs changent de modèle. Comment les collectivités territoriales sont-elles associées ? Il ne faudrait pas qu'elles ne soient sollicitées en fin de course que pour boucler des financements.
M. Jean-Pascal Gayant . - Je ne suis pas partisan de légiférer à tout crin ; toutefois, lorsqu'une collectivité a pour interlocuteur une grande entreprise du bâtiment, forte de son expérience, de ses juristes et de ses experts, elle est démunie. Aussi n'est-il pas absurde d'encadrer la redevance dans un cadre légal.
M. Alain Caldarella . - Il ne faut pas aseptiser le spectacle. Ne stigmatisons pas le football à cause des incidents provoqués par quelques individus. La réalité est tout autre ; de plus en plus de familles vont dans les stades. Sans doute peut-on séparer, comme au Havre, des tribunes réservées aux familles et celles des supporters. Reste que sans ces derniers, il n'y a pas de chants, pas de vie dans les stades. Or, il faut de l'ambiance. Il appartient au législateur de punir les débordements. Lorsque le club dépose plainte, il faut qu'il soit suivi par les pouvoirs publics. Les sponsors investissent parce qu'ils cherchent à toucher la foule, ils sont sensibles à l'ambiance collective.
Les communes ne sont pas dépourvues de conseils ; la difficulté tient à la coexistence des systèmes juridiques : délégation de service public, autorisation d'occuper le territoire, etc. Sans doute faut-il réfléchir à un modèle qui allie les avantages des uns et des autres. Enfin, s'il est souhaitable de définir une collectivité pilote, tous les acteurs doivent être associés. En effet, la principale question est celle de l'accès au stade, or il suffit de prendre le parcours du spectateur pour savoir que toutes les collectivités territoriales sont compétentes : mettons tout le monde autour de la table. Je suis d'ailleurs impatient que le tramway arrive jusqu'au stade Océane.
M. Jean-Michel Aulas . - Pendant longtemps les villes étaient libres d'aider leurs clubs, puis la loi a encadré très précisément ces subventions. Le coût de la location du stade doit s'analyser dans ce cadre. Un coût anormalement faible représente une forme de subvention.
La manière dont les médias rendent compte des questions de sécurité est faussée. Une très bonne loi confie la responsabilité du transport des supporters aux clubs qui l'organisent. À Lyon nous sommes bien organisés, les supporters élisent leurs représentants et nous les rencontrons tous les trimestres. Les problèmes à Saint-Etienne étaient dus à l'incapacité du club recevant de nous accueillir. Il y a des lois, appliquons-les. Rien n'est inéluctable : les problèmes surgissent quand on laisse se déplacer des groupes de supporters non reconnus par les clubs. J'ai été surpris par les propos de M. Valls et je lui ai demandé une entrevue.
M. Étienne Tête . - La question de la redevance est apparue à Lyon. Jusqu'en 2004, le stade était mis gratuitement à disposition de l'Olympique Lyonnais. Raymond Barre a demandé l'avis des Domaines qui a estimé la location à 1,1 million d'euros. La redevance a été fixée en 2003 à 600 000 euros. Il y a eu un contentieux. La Chambre régionale des comptes, puis la Cour des comptes ont dit le droit. Une réglementation est nécessaire pour éviter la concurrence déloyale entre les stades déjà amortis et les nouveaux. De même, la taxe sur les spectacles qu'acquittent certains clubs a été supprimée à Lyon, de sorte que le club n'a pas perdu un centime.
Il n'est pas nécessaire de prévoir une collectivité pilote, la législation existante est suffisante. Dans le cas du nouveau stade de Lyon, le département est partenaire ; la région Rhône-Alpes ne soutient que Saint-Etienne car les enjeux y sont différents. La décision de construire un nouveau stade à Grenoble en l'absence de club résident a été vivement contestée. Enfin il faudra aussi réglementer les partenariats étrangers. Enfin, la législation est suffisante pour limiter les débordements des supporters. C'est l'intérêt conjoint des clubs et de la société.
M. Michel Savin, président . - Je vous remercie.
Mercredi 11 décembre 2013
M. Jean Guillot,
directeur général du Centre national de développement du
sport (CNDS)
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M. Michel Savin, président . - Nous recevons M. Jean Guillot, directeur général du centre national du développement du sport (CNDS).
M. Jean Guillot, directeur général du Centre national du développement du sport . - Conseiller maître à la Cour des comptes, je dirige le CNDS depuis le 1 er février 2013 dans le cadre d'un détachement de quatre ans. Cet établissement public administratif, rattaché au ministère de la jeunesse et des sports, a succédé à un fonds dédié, le FNDS, en 2006, suite à l'entrée en vigueur de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). Le conseil d'administration réunit la ministre, le président du comité national olympique, des élus locaux ou nationaux et des personnalités qualifiées. Nos ressources proviennent de taxes affectées : l'une, sur les paris, nous est versée par la Française des Jeux et l'autre, dite taxe Buffet, a été instaurée en 1999. Ces recettes sont plafonnées mais garanties. Elles s'établissent respectivement à 176 millions d'euros et 40,9 millions d'euros, pour un budget global de 272 millions d'euros.
Mme Valérie Fourneyron, ministre des sports, a mis en oeuvre, depuis novembre 2012, un plan de redressement des finances du CNDS, lequel s'était égaré dans une trop grande dispersion de ses subventions. Elle a souhaité un recentrage sur l'accès au sport pour tous, femmes, jeunes, handicapés, dans les territoires carencés en particulier. Ce recentrage correspond à la préconisation formulée dans son rapport par la Cour des comptes en janvier 2013. Nous réformons donc les critères d'attribution des 132 millions d'euros de subventions de la part territoriale ainsi que des subventions d'équipement. Depuis 2010, nous finançons les stades qui serviront à l'Euro 2016, pour un montant de 160 millions d'euros. Ces aides sont, pour la première fois, contestées par la Commission européenne, qui rendra son verdict le 18 décembre. Bruxelles vérifie la compatibilité des aides aux termes du traité sur l'Union européenne. Pour la première fois, nous avons dû expliquer les montages financiers, le système de redevances entre les propriétaires d'équipements et les clubs résidents, les conventions passées avec des porteurs de projets, y compris privés, je songe à la Foncière du Montout. Nous espérons débloquer bientôt nombre de financements qui sont actuellement gelés.
Le CNDS comprend vingt-cinq personnes et dispose d'un agent comptable centralisé, ce qui en fait un payeur principal et raccourcit les délais de paiement. Lors du conseil d'administration du 19 mars 2013, la ministre a demandé que la réorientation des subventions se double d'une réforme structurelle du CNDS. Nous développons donc la déconcentration en donnant plus de poids aux collectivités territoriales et aux préfets dans la prise de décision, notamment dans les zones carencées. La Cour des comptes avait reproché au CNDS le trop grand nombre de ses subventions : il y en avait 33 000, dont les plus petites pour un montant unitaire de 750 euros. Nous revoyons la répartition mais sommes conscients des risques d'éviction - une subvention de 1 000 euros peut être très importante pour une petite association -. Nous mènerons en 2014, année test, une étude d'impact, pour apporter si nécessaire des corrections en 2015.
La ministre a souhaité une révision de la répartition territoriale des subventions. Auparavant, le principal critère d'attribution était le nombre de licenciés. Nous avons demandé à un prestataire de construire un nouveau modèle de distribution intégrant davantage de paramètres sociaux - taux de jeunes dans la population en zones urbaines sensibles (ZUS), taux de femmes pratiquant un sport, taux de pauvreté etc... - qui été adopté à l'unanimité lors du conseil d'administration du 19 novembre dernier. Reste à mettre en place un pilotage régional de ce nouveau dispositif. Dès le mois de janvier nous enverrons aux préfets son mode d'emploi. Les grands équipements resteront gérés au niveau national.
La ministre a souhaité favoriser l'apprentissage de la natation, car nombre de jeunes ne savent pas nager à l'entrée en sixième. L'éducation nationale doit faire un effort, comme les collectivités territoriales. Nous cherchons à définir une politique d'intervention qui maximise notre effet de levier. Ce que l'on a reproché au CNDS, c'est un saupoudrage. Nous avons modifié cela, en dialoguant avec le mouvement sportif et les élus locaux.
M. Stéphane Mazars, rapporteur . - Notre mission d'information porte sur le sport professionnel et les collectivités territoriales. La ministre a voulu réorienter l'action du CNDS vers l'accès au sport pour tous. Cela entre-t-il en opposition avec le financement du sport professionnel ? Si oui, où passe la frontière ? Quelles sont vos actions en faveur du sport professionnel ?
M. Jean Guillot . - Nos statuts nous orientent nettement vers le sport amateur, mais certaines structures accueillent à la fois du sport amateur et du sport professionnel. Nous savons différencier les choses et au besoin, nous réclamons un supplément d'information et n'hésitons pas à instruire à nouveau le dossier. Nous finançons, cela fait partie de nos missions, de grands évènements internationaux tels que les championnats d'Europe ou du monde, qui mêlent sport amateur et sport professionnel. En golf, la fédération a adossé à la préparation de la Ryder Cup , que nous finançons à hauteur de 6 millions d'euros, un plan d'équipement qui profitera au sport amateur et démocratisera l'accès à cette discipline. Nous avons signé une convention de développement du golf urbain, des petits centres de pitch and put pour favoriser l'éveil et la pratique familiale. Nous évitons d'aider les projets à forte dimension commerciale. Une aide à une salle de bowling , par exemple, est actuellement contestée devant la Commission européenne. Entre 2000 et 2010 nous avons financé des arénas, qui regroupent de l'événementiel, du sport professionnel et, à la marge, du sport amateur, mais nous avons exigé l'ouverture des installations aux amateurs. La frontière entre sport professionnel et sport amateur est assez floue. Telle équipe de basketball de Nanterre se professionnalise mais n'a pas de salle ; à l'inverse, telle équipe de football revient en division 2 et n'a plus besoin d'un vaste stade, mais les équipements ont été construits et ils demeurent. La frontière n'est pas nette non plus parce que les jeunes sous contrat deviennent pour certains des cadets juniors, puis des pros.
J'ajoute que nos actions contre le dopage concernent le sport amateur comme le sport professionnel.
M. Stéphane Mazars, rapporteur . - Le CNDS contrôle-t-il a posteriori l'utilisation de ses subventions ?
M. Jean Guillot . - Nous nous assurons que l'équilibre initial est respecté. Bien sûr, s'il ne l'est pas, nous n'allons pas démonter l'équipement. Mais les structures doivent évoluer pour accueillir les sportifs handicapés ou d'autres sports. Notre réseau déconcentré nous renseigne bien, notamment pour nous signaler lorsqu'un basculement s'opère vers le sport professionnel. Nous n'avons pas, en revanche, de grille stricte d'évaluation.
M. Stéphane Mazars, rapporteur . - Dans une structure mixte, comme un stade de football comprenant une piste d'athlétisme, le CNDS peut-il intervenir uniquement pour le financement de celle-ci ?
M. Jean Guillot . - Le dossier reçoit un avis de la fédération compétente, premier filtre externe qui permet d'éliminer les dossiers uniquement professionnels. Par exemple la fréquentation du mercredi est vérifiée, comme l'accès des écoles ou des associations, auquel la ministre souhaite donner la priorité. Je n'ai pas connaissance de dossiers de financement bricolés pour masquer le financement d'un équipement professionnel.
M. Stéphane Mazars, rapporteur . - Qui présente des dossiers ?
M. Jean Guillot . - Les porteurs de projet, comme les intercommunalités, les structures du mouvement sportif (Cros et Cdos), les directions régionales de la jeunesse et des sports. La base de données « subventions aux équipements sportifs » (SES) constitue un premier filtre interne. Le comité de programmation réunit ensuite les élus, le mouvement sportif, la direction des sports. Ce travail collégial permet d'identifier la véritable nature des dossiers.
M. Stéphane Mazars, rapporteur . - Si certains dossiers apparaissent financièrement disproportionnés par rapport à l'activité sportive, le CNDS alerte-t-il les collectivités ?
M. Jean Guillot . - Je n'ai pas d'exemple. Souvent les grands équipements sont demandés par les collectivités territoriales en prévision de grands événements, phénomène à l'oeuvre dans un nombre croissant de disciplines. En cas de doute, j'interroge le préfet, notamment sur la soutenabilité financière du projet. Un seul dossier a échoué. Il nous arrive de suspendre des projets insuffisamment mûrs. C'est parfois le cas outre-mer où les procédures sont complexes. En général, la collectivité reprend le projet, parfois elle le modifie : une commune, qui avait prévu un partenariat public-privé pour construire une patinoire, a finalement choisi une délégation de service public. Ainsi les dossiers incohérents sont corrigés et d'autres sont abandonnés.
M. Michel Savin, président . - Vous attendez la réponse des institutions européennes sur la compatibilité des aides de l'Euro 2016. Risquent-elles d'être remises en cause ?
M. Jean Guillot . - La Commission vérifie la compatibilité des aides par rapport aux règles européennes. Nous sommes en discussion avec elle. Elle examine les montages réalisés, les porteurs de projet, le montant des redevances versées par le club résident aux collectivités propriétaires. Sur dix stades, on compte des partenariats public-privé, des maîtrises d'ouvrage publiques classiques, ainsi qu'un projet entièrement privé porté par l'Olympique lyonnais et la Foncière du Montout, inspiré du modèle allemand et faisant appel à une ingénierie financière très complexe. Lens a aussi un projet, mais son club n'est plus en Ligue 1 et le stade de Lille n'est pas loin. Je ne sais pas comment l'Europe statuera.
M. Jean-Jacques Lozach . - Lors de la discussion du projet de loi de finances rectificative à l'Assemblée nationale, la ministre a accepté un amendement qui élargit l'assiette de la taxe Buffet aux droits de retransmission cédés à des diffuseurs français par des détenteurs de droits situés à l'étranger. Qu'en pensez-vous ? Comprenez-vous les réticences des diffuseurs français ?
L'un des objectifs du CNDS doit être l'égalité des territoires : y a-t-il des échanges entre le ministère de la jeunesse et des sports et celui du logement et de l'égalité des territoires, lors de l'instruction des dossiers ?
M. Jean Guillot . - Le CNDS a provisionné 1 million d'euros pour la promotion des sports émergents à la télévision. La taxe Buffet a été conçue quand les grandes chaînes sportives n'existaient pas. Son produit s'établit à 40,9 millions. Si les sports émergents peuvent en bénéficier, pourquoi pas ? Le dossier est ouvert. Je rappelle cependant que, selon le Conseil d'État, une taxe avec une assiette très réduite pose un problème de constitutionnalité.
Nous travaillons avec la Délégation interministérielle à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale (Datar) et l'Observatoire des territoires afin d'identifier les zones carencées : zones urbaines sensibles (ZUS), zones de revitalisation rurale (ZRR) ou autres... Nous disposons d'une base de données « recensement des équipements sportifs » (RES) qui, croisée avec la base SES, permet d'identifier ces zones: « les trous dans la raquette », si je puis dire. Mais il est difficile d'évaluer la densité des équipements et les pratiques sportives dans les territoires péri-urbains.
Mme Françoise Cartron . - M. Le Scouarnec souhaite connaître l'évolution du fonds ces dernières années. Sur la totalité des dossiers qui vous sont présentés, quel est le pourcentage retenu ?
Vous avez évoqué les lacunes en natation des élèves de sixième. Ne pourrait-il y être remédié dans le cadre de la réforme des rythmes scolaires qui dégage des plages d'activités périscolaires ?
M. Jean Guillot . - Nos ressources proviennent de fonds affectés. Grâce à l'évolution des recettes publicitaires, le produit de la taxe Buffet est plus dynamique. Si le plafonnement était supprimé, la contribution versée par la Française des jeux augmenterait de 45 ou 50 millions d'euros. Cela n'est guère envisageable. Nous nous contentons de ressources plafonnées mais stables. La ministre souhaite un cadre triennal plus rigoureux, pour éviter les dérives des engagements hors bilan. Ces engagements sont de 322 millions d'euros. Le conseil d'administration a mis en place, le 19 mars, des outils pour identifier les engagements hors bilan et leur échéancier. Le temps des conventions sans financement n'est plus. En tant qu'ordonnateur, je veillerai à ce que nous sortions de certains errements du passé.
La ministre a souhaité consacrer 15 millions d'euros à la rénovation des piscines, équipements qui vieillissent très vite. Longtemps le CNDS ne finançait que des grands bassins. Il s'intéresse désormais à des équipements plus modestes, voire mobiles ou modulaires. Nous sommes quelque peu circonspects à l'égard des centres aquatiques où le poids des sociétés commerciales est important.
Nos structures vieillissent et deviennent inadaptées. Je ne parle pas seulement des piscines. Le Palais omnisport de Bercy date de 1983 et la Halle Carpentier vieillit.
Mme Françoise Boog . - Quelles sont les relations du CNDS avec les fédérations ? Tous les sports bénéficient-ils de votre appui ? Pour financer les grands événements sportifs internationaux, accordez-vous des aides directes aux clubs ? Procédez-vous à des cofinancements avec les régions ?
M. Jean-Jacques Lozach . - Comment simplifier les dossiers ?
M. Jean Guillot . - Nous y réfléchissons. Mais la collégialité, certes facteur de lourdeur, est aussi la garantie d'un travail de qualité. Nous modernisons le dossier e-subvention pour développer le télétraitement.
Les relations avec les fédérations sont permanentes. Nous consacrons 19,5 millions d'euros, par le biais d'un fonds de concours, au fonctionnement des fédérations agréées, susceptibles d'organiser de grands événements sportifs, comme par exemple les jeux équestres mondiaux en Normandie l'an prochain. Reste que les fédérations doivent trouver d'autres financements. En effet, si une subvention du CNDS leur apporte de la notoriété, nous exigeons pour l'attribuer un budget prévisionnel de qualité. Une fédération, faute d'avoir organisé des épreuves de qualification, a ainsi dû accueillir 218 équipes à Paris. De telles bévues ont des conséquences désastreuses pour les finances. Nous contrôlons donc tout : billetterie, fonds propres, coût de la licence, produits dérivés, restauration, sponsors etc... Nous comparons, grâce à Internet, ces postes de recettes et de dépenses avec ceux de manifestations similaires à l'étranger.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe . - Discutez-vous des normes des équipements avec les fédérations ?
M. Jean Guillot . - C'est le travail de la direction des sports. Nous prenons en compte les normes Haute qualité environnementale (HQE) et veillons à l'accessibilité pour les personnes handicapées, qui est contrôlée par un architecte de la direction des sports. Nous disposons de 2 millions d'euros pour la favoriser, mais ce budget n'est pas toujours entièrement consommé, faute de dossiers suffisamment instruits. Il est plus facile de rendre accessible un équipement nouveau que de transformer un équipement ancien.
M. Michel Savin, président . - Merci.
M. Bruno Retailleau, sénateur et président du conseil général de la Vendée
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M. Michel Savin, président . - Nous recevons notre collègue M. Bruno Retailleau, en tant que président du conseil général de la Vendée. La Vendée est impliquée dans de grands événements sportifs : voile, vélo. Quelles politiques avez-vous mises en place en faveur du sport professionnel ?
M. Bruno Retailleau, sénateur, président du conseil général de la Vendée . - La Vendée est un département très sportif : un tiers des Vendéens sont licenciés. Notre département ne comprend pas de grandes villes, n'abrite pas de grandes équipes de football, mais il organise le Vendée Globe et reçoit le Tour de France environ tous les six ans.
Nous sommes, avec la Bretagne, la grande terre du vélo : 5 000 licenciés. Thomas Voeckler habite à Mouilleron-le-Captif, dans la commune de notre collègue Philippe Darniche. Il a débuté dans la section cycliste d'un lycée vendéen. Il a continué dans une équipe amateur, Vendée U. L'équipe professionnelle Europcar recrute 80 % de ses cyclistes dans cette équipe, qui transmet à ses membres les vraies valeurs de la discipline. Europcar n'ayant pas les moyens d'acheter des stars, il lui faut donc les fabriquer. Chaque année, la Vendée est le théâtre de 375 épreuves cyclistes, soit plus d'une par jour.
La Vendée est le département qui compte le plus grand nombre d'associations, notamment sportives, par rapport au nombre d'habitants. Si l'on superpose une carte de l'emploi et une carte des associations et du bénévolat, on remarque une coïncidence parfaite. Le département consacre 3 millions d'euros aux associations sportives, dont quarante-huit équipes qui jouent au niveau national, et il investit 2 millions d'euros dans les équipements sportifs ; grâce à quoi nous atteignons un taux d'équipement de soixante pour mille habitants. Nos efforts sont concentrés sur le sport amateur ; nous aidons les équipes, les comités départementaux et les communes qui construisent des équipements sportifs. Nous consacrons également 9 millions d'euros au soutien de l'équipe Europcar.
Tous les quatre ans, nous organisons le Vendée Globe. La Vendée est un grand pôle de nautisme. Bénéteau et Jeanneau sont vendéens. Nous venons également d'achever le Vendéspace , intégralement financé par le département : c'est une salle culturelle où l'on peut faire du sport. L'inverse du schéma courant des salles à vocation multiple, qui sont en fait des salles de sport où l'on organise des spectacles. La technologie constellation permet de maîtriser le temps de réverbération ; l'acoustique étant également prise en compte pour cette polyvalence. Sept comités y sont résidents. Nous accueillons aussi bien la Golden League , des rencontres de basketball féminin, Tony Parker et des joueurs de la NBA, que Roberto Alagna ou le groupe Texas. Le premier tour de la Coupe Davis, qui met aux prises l'Australie et la France, aura lieu chez nous. De nombreux bénévoles apportent un concours essentiel au fonctionnement de cette salle. Sans eux, les coûts de gestion seraient très élevés. Pour la première saison, 150 000 vendéens ont fréquenté cette salle.
M. Stéphane Mazars, rapporteur . - Votre département intervient comme partenaire, avec Europcar, comme organisateur, avec le Vendée Globe, et comme co-animateur d'événements importants, avec le Vendéspace . Qu'en retire-t-il, en termes de communication et d'animation économique du territoire ?
M. Bruno Retailleau . - Certaines choses ont un prix, d'autres, comme les valeurs du sport sont inestimables. Celles-ci sont mises à l'honneur par les nombreuses associations sportives que compte la Vendée, ce qui est hautement bénéfique dans notre société de plus en plus fragmentée et individualiste. En tant que président du département, il est de mon devoir de faire vivre ces valeurs collectives et de rassembler ces énergies. La démocratie est née en Grèce, où Athéna incarnait à la fois le civisme et les valeurs de l'exercice physique !
Les entreprises qui sponsorisent des équipes ou des événements font leurs calculs. Le Vendée Globe coûte 4 millions d'euros par édition au conseil général et en rapporte directement une quarantaine au département. À ceci s'ajoutent plus de 190 millions d'euros de retombées médiatiques : 738 heures de diffusion télévisuelle, dont 442 à l'étranger, ce qui est considérable. L'investissement est très rentable et la fierté ressentie dans le département n'est, elle, pas mesurable.
M. Alain Néri . - Il n'y a peut-être pas chez vous d'équipe de haut niveau, sauf en basketball, où une de vos équipes a joué au plus haut niveau. Vous aidez les clubs amateurs qui jouent dans les compétitions nationales. Dans plusieurs régions, le développement du sport de haut niveau se heurte à de gros problèmes. Il s'agit pourtant d'un tremplin essentiel pour de nombreux jeunes. D'importantes subventions sont octroyées, souvent sur le budget de la communication, aux clubs les plus importants. Mais pour un club de football de première division, un million d'euros, ce n'est pas grand-chose, alors que pour des clubs plus petits, c'est considérable. Les frais de déplacement et d'hébergement peuvent rapidement dépasser leurs capacités. Or, pour une entreprise, il est souvent plus intéressant de disposer d'une loge pour voir jouer un club de première division que d'aider des clubs CFA. Et les aides publiques sont ponctionnées par le sport professionnel de haut niveau. Que reste-t-il alors ? De surcroît, les spectateurs qui assistent le vendredi ou le samedi aux rencontres professionnelles ne se déplacent pas une nouvelle fois le dimanche pour les matchs amateurs. La formule que vous avez retenue devrait donc être généralisée, à mon avis.
M. Michel Savin, président . - Je rappelle que notre mission a pour objet le sport professionnel.
M. Jean-Jacques Lozach . - À entendre votre discours passionné, il serait dommage de priver les départements de la clause de compétence générale, donc de possibilités d'action dans le tourisme et le sport !
M. Bruno Retailleau . - Je me suis parfois désolidarisé de ma famille politique et j'ai voté contre plusieurs textes, y compris sous l'ancien gouvernement, pour cette raison !
M. Jean-Jacques Lozach . - Le Vendée Globe est une illustration de l'implication des collectivités territoriales dans le sport professionnel. Pouvez-vous nous rappeler son histoire ? Que s'est-il passé lors de la liquidation de la société de Philippe Jeantot ? Votre financement s'élève-t-il à 4 millions par an ou tous les quatre ans ?
M. Bruno Retailleau . - Tous les quatre ans.
M. Philippe Darniche . - J'ai proposé que nous étudiions le cas de la Vendée car il illustre la situation de nombreux départements qui n'ont pas d'équipes de premier plan. La modularité du Vendéspace est exemplaire : il peut accueillir des événements de 25 sports différents. Les retombées au plan local sont immédiates. Un hôtel a été construit à proximité ; d'autres initiatives fleurissent.
M. Bruno Retailleau . - Nous n'avons pas d'équipes en Ligue 1 de football mais nous avons tout de même deux sociétés anonymes à objet sportif : Europcar et une équipe de football en CFA 2 au Poiré-sur-Vie, que nous aidons, respectivement, à hauteur de 900 000 et 250 000 euros. Nous sommes loin des plafonnements. Nous soutenons tous les clubs selon un barème élaboré avec le Comité départemental olympique et sportif (CDOS), qui module la subvention en fonction de l'effort de formation.
Au conseil général, le directeur des sports est aussi celui de la communication et les budgets ne sont pas différenciés, à mon grand regret, car nous sommes montrés du doigt pour nos dépenses de communication, alors qu'il s'agit surtout de soutien au sport.
Quand Philippe Jeantot a lancé le Vendée Globe en 1988, personne n'y croyait. Il a couru la première édition sur le bateau Crédit Agricole . Mais les grands sportifs ne sont pas toujours des gestionnaires aguerris et sa société a déposé le bilan en 2003. Le département a racheté la marque. Nous avons créé une société d'économie mixte (SEM) : le département en possède 54 %, la ville des Sables d'Olonne 20 %, la région 8 % et une trentaine de sociétés vendéennes, parfois des petites et moyennes entreprises (PME), en détiennent ensemble 20 %. Nous sommes devenus organisateurs. Nous aidons souvent les skippers à trouver des sponsors car ils n'ont pas d'agents et ne sont pas experts en marketing. Le profil du loup de mer évolue toutefois : les navigateurs qui se lancent dans la course sont à la fois des athlètes de haut niveau, capables d'endurer le froid des cinquantièmes rugissants, et des ingénieurs, météorologues, techniciens. Le métier évolue, nous nous adaptons à ce nouvel éco-système. Le tour du monde de Bertrand de Broc a été possible grâce au fund-raising. Nous associons les écoles de voile : les skippers sont sur leur bateau pendant les trois mois qui précèdent le départ et le public vient les rencontrer. Il est souvent silencieux, recueilli devant ces héros.
M. Michel Savin, président . - Le Vendéspace pourrait-il recevoir un club résident ? Certaines équipes, en ascension, comme celle de Nanterre, champion de France de basketball, n'ont pas de lieu à elles. Où jouera Challans si le club monte au plus haut niveau ? Quel sera le rôle du département ?
M. Bruno Retailleau . - Nous avons hésité à recourir à une délégation de service public pour gérer le Vendéspace ; finalement nous avons choisi la régie directe, sensiblement plus coûteuse, 700 000 euros de plus. C'est un choix politique, je l'assume, il nous prémunit contre toute dérive commerciale et garantit la prééminence du mouvement sportif. Le cabinet extérieur, qui a réalisé pour nous une étude comparative, a confirmé la pertinence de cette solution.
Le lieu n'a pas vocation à accueillir un club résident. Challans a été relégué. Il lui arrive de jouer des matchs importants au Vendéspace . Le danger avec l'installation d'un club résident est de supprimer la polyvalence du complexe. Cet équipement départemental a vocation à accueillir des événements professionnels, certes, mais ils servent de catalyseurs au sport amateur dans la région.
M. Michel Savin, président . - Que se passera-t-il si Challans remonte en Pro A ?
M. Bruno Retailleau . - Nous accompagnerons le club. Voyez le club de Poiré-sur-Vie qui a failli remonter en Ligue 2 de football. La fédération française de football avait des exigences : mais la loi pose des limites à nos aides. Il était certes possible de conclure un bail emphytéotique. Quoi qu'il en soit, si Challans a besoin de nous, nous serons au rendez-vous, sans doute ne sera-t-il pas club résident du Vendéspace , mais la discussion reste ouverte, nous en parlerons le moment venu.
M. Michel Savin, président . - Europcar a-t-il émis des demandes d'équipement spécifiques ?
M. Bruno Retailleau . - Le Vendéspace est né d'un projet de vélodrome indoor , autour de Félicia Ballanger, championne de vélo sur piste.
Europcar n'a pas de demandes d'équipement de route. Malgré les bons résultats et l'engouement populaire que suscite l'équipe, la direction se bat en permanence. J'ai mis Jean-René Bernaudeau en contact avec des chefs d'entreprise.
M. Jean-Jacques Lozach . - Quel a été le coût du Vendéspace ?
M. Bruno Retailleau . - 50 millions d'euros.
M. Philippe Darniche . - L'indice de satisfaction du public est très élevé. Qu'il s'agisse de sport ou de spectacles culturels, l'enthousiasme est colossal.
M. Bruno Retailleau . - Le public vote avec ses pieds : 150 000 visiteurs en un an.
Mme Françoise Boog . - En tant qu'Alsacienne je suis, moi aussi, fière de Thomas Voeckler, un enfant du pays. Les retombées du rallye d'Alsace sont importantes, de l'ordre de 18 millions d'euros. Cet événement sportif n'est pas soutenu par les crédits de la direction des sports mais par ceux de l'action économique.
M. Bruno Retailleau . - Loin de moi l'idée d'accaparer Thomas Voeckler. Quant au Vendée Globe, il pourrait être soutenu, en effet, par des crédits destinés au tourisme.
M. Michel Savin, président . - Je vous remercie.
Mercredi 15 janvier 2014
Table ronde sur la place
des stades dans la cité
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La mission commune d'information organise une table ronde sur la place des stades dans la cité. Sont entendus :
- Mme Borina Andrieu , directeur général en charge du développement et la communication du cabinet d'architectes Wilmotte et associés, et M. Ralf Levedag , architecte ;
- M. Jérôme Latta , rédacteur en chef des Cahiers du football ;
- M. Brieux Férot , secrétaire général de l'association Tatane ;
- et M. Paul De Keerle , directeur financier et administratif de la fédération française de rugby, et M. François Clément , architecte.
M. Michel Savin, président . - La mission commune d'information sur le sport professionnel et les collectivités territoriales, créée début octobre, souhaite examiner plus précisément la question des stades, leur modèle économique et leur place dans la cité. Grâce à la précédente table ronde consacrée à leur modèle économique, nous avons pris la mesure des nouveaux enjeux qui président à l'avenir des stades et semblent renvoyer à leur dimension financière. Le stade devient un actif, une source de recettes à travers la billetterie, les loges, la restauration et les produits dérivés. Peut-on alors toujours parler du stade comme d'un lieu de convivialité et de vivre ensemble ? Afin de se forger son opinion, notre mission a visité différents sites au mois de décembre. Ces visites, si elles ne résument pas la diversité des situations, identifient des tendances que nous pouvons discuter aujourd'hui.
À Roland-Garros, les dirigeants de la fédération française de tennis (FFT) ont insisté sur l'histoire du site et l'identité du tournoi, très liés à la Porte d'Auteuil. À leurs yeux, « une délocalisation en banlieue aurait dévalorisé le tournoi » . L'extension du stade est ainsi devenue un enjeu stratégique, y compris pour la Mairie de Paris, et ce malgré les protestations de certains riverains. Le prestige de la compétition et l'importance des retours - notamment en termes d'emploi - justifient de trouver des solutions, quitte à transformer l'espace local au bénéfice du stade.
Lors de notre visite au Parc des Princes, nous avons constaté que les clubs composent également avec la personnalité des stades. L'enceinte parisienne est difficile à faire évoluer et impossible à faire disparaître. Ce constat peut perturber les ardeurs des investisseurs. La dimension patrimoniale peut pourtant être un atout lorsque le stade est lié à l'identité d'un club. Roger Taillibert, l'architecte du Parc des Princes, souligne les contraintes propres au stade dans la ville qui rendent difficiles les constructions de plus de 60 000 places, notamment pour assurer l'accessibilité et préserver la qualité du spectacle pour tous les spectateurs. Jean-Claude Blanc, directeur général délégué du Paris Saint-Germain, nous l'a dit : « Pour avoir de l'émotion collective, il faut être proche » . Ainsi, le club n'a jamais sérieusement envisagé de déménager au Stade de France, trop impersonnel. Le Parc des Princes est aujourd'hui plein à chaque match. Des aménagements sont envisagés pour augmenter sa capacité, sans le défigurer.
La démesure de certains stades et projets actuels pose des questions. Pourquoi construire de gigantesques enceintes dans des zones inaccessibles ? Outre le risque financier considérable, cela peut être perçu comme un manque de considération envers le public - mal placé et confronté à un temps de transport important - et être défavorable au développement d'un public familial et de proximité.
Un stade est également un équipement public qui dialogue avec son espace immédiat. L'Aréna 92 émergera prochainement à Nanterre, derrière l'Arche de la Défense, et accueillera l'équipe de rugby du Racing Metro 92. Ses concepteurs nous ont expliqué la nécessité d'une localisation au carrefour de grands réseaux de transports - RER, métro, autoroute - et de la possibilité de drainer un public proche. En cela, l'enceinte semble particulièrement bien située. Nous pouvons toutefois nous interroger sur une nouvelle tendance visant à concevoir les stades comme des salles de spectacles au sein desquelles il est possible d'organiser des compétitions sportives et non l'inverse. La gestion par des sociétés spécialisées dans le spectacle crée un risque que le public devienne uniquement consommateur et que l'ambiance des stades s'en ressente.
Gérard Perreau-Bezouille, premier adjoint de la ville de Nantes, nous l'a rappelé : « Le sport est porteur d'identité et doit s'intégrer dans un projet sportif local » . Le club de basketball de Nanterre, champion de Pro A en 2013 avec des moyens limités, constitue une fierté pour une population souvent modeste qui peut connaître un sentiment de relégation propre à la banlieue. Le projet sportif devient alors collectif et dépasse le sport. Il relie les bonnes volontés des professionnels et des bénévoles pour porter une équipe et des espoirs. La démarche importe autant que les résultats. Le maintien de l'aléa sportif fait alors sens, à un moment où beaucoup réfléchissent à la création de ligues fermées. Cette évolution n'empêche pas d'être réaliste. Les responsables de Nanterre ont ainsi décidé de limiter les investissements ainsi que la capacité de l'enceinte - à 3 000 places - afin d'éviter de futures désillusions.
La diversification à laquelle nous assistons rend difficile la comparaison entre le PSG et un petit poucet comme le club de Nanterre. Nous pouvons toutefois nous interroger sur les évolutions en cours. Le succès de Nanterre sera-t-il encore possible dans quelques années ?
Pour discuter de ces évolutions, je remercie de leur présence les intervenants d'aujourd'hui. Je laisse tout de suite la parole à Mme Borina Andrieu.
Mme Borina Andrieu, directeur général en charge du développement et la communication du cabinet d'architectes Wilmotte et associés . - Au préalable, permettez-moi de vous présenter Ralf Levedag, directeur de projet au sein de notre cabinet et notamment co-auteur du projet du stade de Nice - dont nous sommes très fiers.
L'agence Wilmotte et associés a été créée en 1975 et emploie aujourd'hui 201 personnes. Nous disposons de quatre bureaux à Paris, d'un bureau dans le stade de Nice, d'un bureau à Londres, d'antennes en Corée, en Italie et au Brésil et nous nous développons dans une vingtaine de pays. Nous possédons une fondation à destination des jeunes architectes en vue de leur apprendre à s'inscrire dans un cadre urbain relativement dense. Nous oeuvrons dans le domaine de l'architecture d'intérieur, de la muséographie, de l'urbanisme et du design industriel.
Je souhaite aborder l'exemple du stade de Nice, résultat d'un partenariat public-privé (PPP) remporté avec Vinci. L'enceinte de 35 000 places a été réalisée en seulement deux ans et s'inscrit dans l'Éco-Vallée. Son mouvement a dicté la forme même de la construction de 54 000 mètres carrés, bâtie dans un important porte-à-faux en zone sismique. Le stade de Nice est écologique et sa charpente en bois et métal est la plus grande jamais déployée. Il possède de larges déambulatoires et offre aux spectateurs une proximité avec le terrain ainsi qu'un grand confort d'utilisation.
J'insiste sur les éco quartiers développés autour du stade. Ces derniers mêlent centre commercial, bureaux et logements ainsi qu'un musée du sport rattaché à l'enceinte. Ikea s'est battu pour être présent dans cette zone dont elle constitue une locomotive bénéfique au développement de l'ensemble du périmètre. À proximité du stade se trouve également une tour en bois avec un noyau en béton, très innovante. Toutes les constructions du quartier sont écologiques.
L'aspect économique entre naturellement en jeu. L'exploitation du stade a été prise en charge par une filiale de Vinci puis reprise par Allianz Riviera. Il existe un équilibre entre les événements sportifs - nombreux mais insuffisants pour assurer l'efficacité financière du stade - et d'autres événements - concerts, conférences. Le développement commercial autour du stade est également important. Le projet que nous avions présenté à Nanterre est arrivé en seconde position. L'équilibre financier provenait, en dehors du sport, de bureaux intégrés à l'Aréna 92, de l'événementiel et du nomage.
Nous avons par ailleurs dessiné un stade pour la ville russe de Kaliningrad. La FIFA a choisi Kaliningrad pour accueillir la Coupe du Monde 2018 notamment en raison de cette enceinte urbaine qui permet un développement intéressant pour la ville. Le stade sera réalisé en deux phases, l'une de 45 000 places pour la Coupe du Monde, l'autre de 25 000 places à l'issue de la compétition - la ville d'un million d'habitants n'ayant pas besoin de davantage. Les bâtiments alentours, pour beaucoup des hôtels, accueilleront les visiteurs avant d'être transformés en logements. L'équilibre entre logements, bureaux et espaces commerciaux permet une mixité sociale et fonctionnelle.
Nous menons également un projet à Kiev, autour d'un stade de hockey sur glace. Des logements, des bureaux et un centre commercial s'étendront sur 600 000 mètres carrés et constitueront le moteur du développement de cette zone excentrée de la ville. Cet éloignement permet de construire des bâtiments de grande hauteur.
Enfin, nous présentons un stade au Qatar, aux côtés de Vinci. Notre proposition porte sur une enceinte construite en deux phases, de 45 000 places durant la Coupe du Monde 2022 à 25 000 places ensuite. Le Qatar, minuscule pays, envisage de construire dix à douze stades pour l'occasion, dont l'un de 80 000 places. Nous proposons un stade unique à énergie positive qui cumule les cellules photovoltaïques dans la terre armée et les restitue durant le match pour un refroidissement très efficace.
M. Michel Savin, président . - Je vous remercie. Je passe la parole à Jérôme Latta, rédacteur en chef des Cahiers du football .
M. Jérôme Latta, rédacteur en chef des Cahiers du football . - Votre table ronde met côte à côte le stade et la cité. Nous nous posons alors la question de l'insertion des stades dans le tissu urbain, de l'évolution de leur architecture, des moyens de transport ou encore de leur usage par les habitants. Je passerai sur cet aspect.
Le terme de cité permet d'élargir le point de vue et de considérer les rapports entre les stades et les citoyens, au travers notamment des choix des collectivités et de leurs conséquences. Cette question est saillante en France, où la rénovation et la construction de stades est en oeuvre dans la perspective de l'organisation de l'Euro 2016. Les dossiers et débats à ouvrir sont nombreux : financement public, évaluation du risque collectif, effort consenti. Les interrogations se sont multipliées assez tardivement sur l'intérêt général de ces efforts - particulièrement en période de crise - ainsi que sur le partage des bénéfices, financiers comme symboliques.
Il convient par ailleurs de s'éloigner des problématiques urbaines pour se placer au coeur de la citoyenneté, si nous pouvons considérer que le public des stades est constitué de citoyens, ce qui n'est pas certain. Les publics sont en effet les grands oubliés du débat. Depuis une quinzaine d'années, les stades se transforment. Ils deviennent l'outil de l'industrie du spectacle qu'est devenu le sport professionnel d'une part et un centre de profits destiné à multiplier les ressources d'autre part. Cette évolution a été menée précocement en Angleterre avec l'expropriation des publics populaires dans les stades de l'élite au profit d'un public au plus fort potentiel de consommation. La lutte contre les violences a servi de point de départ et de prétexte à ces changements. Ces problèmes, bien que réels, ont significativement servi un football qui s'étend et se libéralise de façon spectaculaire.
Les politiques répressives menées en France, censées cibler la frange très minoritaire des supporters violents, excluent les ultras abusivement amalgamés aux hooligans . Les interdictions administratives de stade sont aux marges de la légalité et frappent « préventivement » et sans discernement des individus qui n'ont rien à se reprocher, sans passage devant le juge. Le ministère de l'intérieur a annoncé hier que ce dispositif serait renforcé. Les interdictions de déplacements, parfois ubuesques, relèvent de cette même politique de privation de libertés individuelles. La frappante absence de dialogue montre comment les pouvoirs publics, les clubs et les médias privent de parole les publics du football. À l'automne, le ministère des sports a mis en place un groupe de travail - « Football durable » - sans représentant des publics et sans mention de cette problématique. Le principal objectif était d'assurer les compétitivités sportives et économiques des clubs. Cette démarche pose problème, car les publics se situent au coeur de l'industrie en tant que consommateurs et marchandises, vendues au travers des droits TV.
Je profite de ma présence pour demander aux élus de la République d'assurer que le débat ne soit pas laissé aux seuls acteurs économiques et institutionnels et mette les citoyens au coeur de la problématique.
M. Michel Savin, président . - Je vous remercie pour ce message. Je passe la parole à Brieux Férot, secrétaire général de l'association Tatane.
M. Brieux Férot, secrétaire général de l'association Tatane . - Tatane est un mouvement collectif constitué en 2011 pour promouvoir un football durable et joyeux. Il compte environ 6 000 signataires sur l'ensemble du territoire. La place du stade dans la cité constitue un axe de réflexion de notre travail. Les débats que nous organisons avec des architectes, sociologues, exploitants et supporters portent sur une question volontairement provocatrice : « Faut-il construire des stades ou les abattre ? »
Le stade version Tatane doit être créateur de lien social et faire sens pour les riverains et la vie de la cité. En dehors des soirs de matchs, il doit revitaliser les quartiers jusque-là difficiles. Les dirigeants de clubs amateurs et professionnels que nous avons rencontrés soulignent l'évolution de la réflexion autour du stade : désormais, la buvette ne se conçoit plus aux abords du stade - à Wembley, l'accès à la tribune se fait nécessairement par les boutiques. Pourtant, pour nous, le stade n'est pas un lieu de consommation ayant vocation à appauvrir.
Nous pensons le stade au travers d'une dynamique de quartier. À Buenos Aires, le stade de Boca Junior comprend des salles de classe et de soins pour accueillir les supporters et leurs enfants. Le stade doit s'adresser et se décider à plusieurs, comme aux États-Unis. Malgré le système de franchises, des arènes multisports impersonnelles et un lien éphémère entre le club et la ville, les supporters de Green Bay sont propriétaires du club depuis 1923, sous forme de coopérative. À qui appartient le stade ? Cette question est récurrente et fondamentale dans la conception et l'utilisation.
Le stade Tatane tient compte de l'histoire des quartiers dans la perspective de se réinventer. À Saint-Ouen, un projet prévoit de construire un nouveau stade dans les docks, alors qu'une réhabilitation du stade historique couplée avec une politique de réaménagement des quartiers alentour pouvait être envisagée. Le savoir-faire revivre est important. La vie d'un stade ne peut pas être délocalisée. Chaque citoyen doit voir l'enceinte, qui ne doit donc pas être expurgée loin du centre-ville.
La connaissance des publics est nécessaire au stade Tatane pour proposer des services adaptés et doit aller au-delà de la temporalité d'un seul événement. Lorsque le terrain côtoie salle de spectacle, lieu associatif, pépinière d'entreprises, antenne médicale ou maison des jeunes et de la culture (MJC), le brassage créé est important. Le stade est ainsi rempli de publics « alternatifs » pour devenir un lieu de vie.
Il est également nécessaire de voir comment le stade peut être sa propre source d'énergie. Le stade de Fribourg est financé par les habitants en échange d'un abonnement et d'une rémunération issue de la vente d'électricité produite sur le site.
Enfin, le stade Tatane doit permettre de déployer l'imaginaire et proposer une esthétique forte. Il doit, a minima , respecter l'architecture du quartier. Il doit traduire la complexité et la simplicité du vivre ensemble et constituer une source d'espoir.
M. Michel Savin, président . - Je vous remercie. Je laisse la parole à Paul De Keerle pour évoquer le projet du stade de la fédération française de rugby.
M. Paul De Keerle, directeur financier et administratif de la fédération française de rugby . - La fédération française de rugby (FFR) offre une mission de service public et d'intérêt général. Notre force et particularité est de participer à une ligue fermée - tournoi des six nations et tests matchs, connus jusqu'en 2018. À la sortie de la seconde guerre mondiale, nous étions en concurrence avec le rugby à XIII. Ce dernier est aujourd'hui loin des 400 000 licenciés que compte le rugby à XV. Notre richesse repose sur une compétition répétitive, de qualité et prévisible. Cette ligue fermée supprime l'aléa sportif. Lorsqu'un stade se construit, nous pouvons raisonner sur du long terme. La problématique est plus compliquée pour les clubs.
L'essentiel de nos ressources - environ 75 % - dépend du tournoi et des tests matchs. Ainsi, si nous sommes dans l'incapacité de recevoir nos adversaires, l'économie s'en ressentira. Avec cette part, nous avons construit le centre national de rugby, qui nous permet également de recevoir des équipes d'autres sports. Marcoussis est « l'équivalent » de Clairefontaine, plus moderne. La FFR finance également les déplacements des clubs de séries, ce qui est très rare parmi les fédérations. Sans ces financements, beaucoup de compétitions n'auraient pas lieu. Entre les joueurs et le staff , une équipe compte une trentaine de personnes, ce qui rend les déplacements beaucoup plus compliqués qu'au basketball. Notre sport possède des qualités en termes de valeurs et de combat collectif : nous nous battons contre un adversaire tout en respectant des règles.
Nos adversaires, notamment anglais, possèdent leur propre stade. Notre démarche n'est donc pas exceptionnelle. Les enjeux économiques dans le rugby progressent. Nous faisons face à des conflits de dates. L'Euro de football 2016 se déroulera en France ; l'ensemble des stades dédiés sera neutralisé dès le mois d'avril. Durant la même saison, la Coupe du Monde de rugby se jouera en Angleterre, reculant le démarrage du championnat des clubs professionnels. Pour se jouer au Stade de France, la finale du Top 14 devrait se tenir le 15 avril, ce qui est impossible. La finale devra-t-elle se jouer à l'étranger en 2016 ? À Barcelone, Perpignan parvient à remplir un stade de 40 000 places et Bayonne et Biarritz jouent régulièrement à San Sebastian. Nous avons rencontré des problèmes de dates au Stade de France en raison de concerts ou d'un potentiel match de barrages. Les stades en province sont principalement dédiés au football. Lorsque nous envisageons de jouer le dimanche à Lyon, nous devons vérifier qu'un match de Ligue des Champions n'est pas programmé le mercredi en raison de la pelouse. Nous avons eu de mauvaises expériences à Lyon et à Marseille. Lorsque le Rugby Club Toulonnais (RCT) a joué à Nice récemment, la pelouse a dû être entièrement refaite après deux matchs. Il en est allé de même à Lille après un match contre l'Argentine. De plus, nous ne pouvons pas prévoir un match à Lyon ou à Marseille au mois de février pour novembre puisque le calendrier de la fédération française de football (FFF) n'est établi qu'au mois de juin. Face à des enjeux importants, les stades sont indisponibles.
Pour ces raisons, nous souhaitons posséder notre propre stade. Après consultation, nous avons décidé de l'installer au sud de Paris. Le club résident ne sera pas un club parisien, mais l'équipe de France. Ainsi, le public viendra de toute la France. Les modalités de transport sont très différentes de celles du Parc des Princes ou de l'Aréna 92. Twickenham se situe à 55 minutes de la gare de Saint-Pancras. La gare de RER qui desservira notre stade est à moins de 40 minutes de la Gare du Nord. Le site est bordé par deux grandes voies, une gare RER et possède un accès direct à la gare de Massy TGV. Situé à 30 kilomètres de Paris, il sera ouvert sur l'ensemble du territoire et permettra aux gens de toute la France de venir plus rapidement et à des frais moindres.
M. François Clément, architecte . - Je suis l'un des directeurs de l'agence d'architecture Populous, spécialisée dans les équipements sportifs. Nous possédons des bureaux à Londres, Kansas City et Brisbane. Nous avons conçu et réalisé près de 50 % des stades de plus de 60 000 places construits dans le monde depuis 30 ans, ce qui représente notamment plus de 300 000 sièges de rugby. Nous étions notamment concepteurs de la tribune sud de Twickenham, du Millenium Stadium de Cardiff et de l'Aviva Stadium de Dublin. Nous nous sommes également occupés de la rénovation de plusieurs stades néo-zélandais pour la Coupe du Monde 2011. Notre agence est la seule à avoir réalisé trois stades olympiques - Sidney, Londres et Sotchi. Nous avons rénové le stade de Wimbledon. Ainsi, nous possédons l'expérience de ce que sont les stades - en ville comme en dehors, construits ou rénovés - et de la manière de les utiliser.
S'agissant de la place du stade dans la cité et de son modèle économique, j'apporterai un éclairage international à votre préambule. Vous évoquez Roland-Garros et le génie du lieu ; il est vrai que les stades sont souvent réalisés ainsi. La volonté politique était de construire l'Aviva Stadium au même emplacement que Lansdowne Road, comme cela a également été le cas pour Millenium Stadium ou Wembley. Certains stades sont toutefois rebâtis ailleurs. Avant le Stade de France, l'équipe de France évoluait au Parc des Princes et, avant cela, à Colombes. Ces décisions appellent des données très larges à prendre en compte, qui sont ou non valables selon les enceintes.
Je suis d'accord avec vos propos sur la nécessité d'une proximité pour la convivialité. Cette convivialité diffère au Stade de France car, comme tous les stades olympiques, il possède une piste d'athlétisme. À Munich, le Bayern a souhaité un nouveau stade pour cette raison. Le dimensionnement et la capacité d'un stade ne sont cependant pas déterminants dans la non-convivialité. La convivialité à Twickenham est incommensurable. Le match est seulement la mi-temps du temps passé par les gens dans le processus entier, pour aller et revenir. L'expérience est globale, bien au-delà du match.
Vous parliez des équipements publics qui constituent effectivement une spécificité française. La ligue fermée est un avantage incommensurable vis-à-vis des autres sports et fédérations. Sur la question de la consommation et des offres supplémentaires, pourquoi ne pas proposer autre chose qu'un hot-dog ? Enfin, la question de l'impact d'une reconstruction dans un tissu urbain existant se pose. Le stade doit être appréhendé comme générateur de tissu urbain. Il constitue une manne rare qu'il convient d'imaginer. Je ne parle pas des stades à l'américaine qui possèdent un immense parking et un centre commercial. Des opportunités existent pour développer un tissu urbain avec des équipements propres.
Vous avez visité des stades : cette démarche est primordiale.
M. Stéphane Mazars , rapporteur . - Je vous remercie pour ces interventions. Pouvez-vous confronter les projets sur lesquels vous travaillez - ou avez travaillé - avec la conception du stade Tatane ?
M. François Clément, architecte . - Je pense effectivement que nombre des points énoncés apparaissent dans les programmes des maîtres d'ouvrages. Si cela fait sens, il est parfois impossible de le mettre en oeuvre. Nous n'avons pas évoqué le transfert de la mono-fonctionnalité des équipements qui fait qu'un stade devient un équipement civique dans lequel divers événements peuvent être organisés. Tous ces points sont à développer.
M. Ralf Levedag, architecte . - Plusieurs problématiques sont mentionnées dans le stade Tatane. Le stade du Ray à Nice était mythique, situé en milieu urbain. Nous devions recréer une nouvelle identité, dans une zone déserte dont le stade constituait la première pierre. À l'intérieur de l'enceinte se trouvent un musée national du sport et un centre commercial. Le stade est pensé pour être multifonctionnel et accueille 200 événements chaque année.
Nous étions guidés par deux éléments qui se retrouvent dans le stade Tatane. Nous avons considéré l'événement dans le stade avec la volonté de créer un environnement chaudron, mais ouvert. Lors de l'inauguration, des architectes nous ont demandé pourquoi nous avions installé des fenêtres partout dans le stade. Cette ouverture vers l'extérieur est importante. L'espace de déambulation a été doublé afin que le lien avec l'extérieur se réalise dans la convivialité. Le stade a été pensé depuis la sortie des transports pour que chaque moment avant le match devienne un événement. L'architecture est secondaire. L'événement est large et s'inscrit dans la ville. Le stade guidera le développement du quartier.
M. Stéphane Mazars , rapporteur . - Lors de la présentation du projet de stade de la FFR, vous avez insisté sur la visibilité issue de la ligue fermée. Pensez-vous que, dans la réflexion des élus sur l'élaboration des stades, l'aléa sportif est un élément important à prendre en compte ? La conception du sport telle que nous la connaissons - compétition, prime au résultat - ne disparaît-elle pas ?
M. Jérôme Latta . - La ligue fermée constitue l'un des arguments des promoteurs du stade de la FFR. Les stades de Grenoble - financement public - et du Mans - financement PPP - sont deux exemples d'enceintes modernes désastreuses, bénéficiant pourtant de l'enthousiasme et d'une unanimité parmi les clubs, les médias et les élus ainsi que d'une architecture réussie. La viabilité des investissements publics repose sur la réussite sportive des clubs. Or, les deux ont été relégués, compromettant la viabilité économique des stades. Les conséquences sont lourdes, tant pour les clubs que pour les agglomérations.
Le Stade de France est un exemple différent. L'État avait offert la garantie qu'un club résident y évoluerait ; il s'était alors engagé pour une entreprise privée : le Paris Saint-Germain. In fine , le club a décidé de rester au Parc des Princes. La rentabilité du stade n'est désormais assurée que par l'indemnité versée par l'État et prévue au contrat. Sans cette subvention, le Stade de France n'est pas rentable.
Je considère que nous devons proscrire l'engagement d'un financement public sur un aléa sportif. Bien que Nice constitue un important bassin de population et que la taille du stade est raisonnable, sa viabilité économique globale dépendra des performances sportives du club.
Nous évoluons vers les ligues fermées pour lesquelles certains militent, sans toutefois atteindre le modèle américain. En Ligue des Champions, le système inégalitaire de redistribution des ressources assure la présence des mêmes clubs dans le tableau final et offre de plus grandes chances de réussite sportive en les enrichissant. Il s'agit des conséquences d'une dérégulation sans intervention des institutions sportives ou publiques. Le risque est de promouvoir des ligues fermées afin d'assurer la viabilité économique des stades. Ces ligues sont en contradiction totale avec le principe de promotion et relégation. Des pressions pourraient exister pour que les clubs concernés restent dans l'élite et évitent un désastre économique.
M. Paul De Keerle . - Le Stade de France dégage des ressources. Dans le cadre d'un PPP, la ville s'acquitte d'un loyer. L'État, propriétaire, a financé 50 % de la construction et paie un loyer en l'absence de club résident. L'État, à travers le ministère des finances, bénéficie toutefois d'une partie des ressources dégagées par le stade via les impôts sur les sociétés et le différentiel de taxe sur la valeur ajoutée (TVA). L'analyse macro-économique du Stade de France montre que l'État n'a pas perdu d'argent. Le budget du ministère des sports est impacté par l'absence de club résident, mais la vision doit être globale. Le concessionnaire est, de plus, largement gagnant.
Les promoteurs doivent calculer le risque lié à l'aléa sportif et développer des activités connexes. Il semble par ailleurs logique qu'un club soit relégué pour des raisons sportives, mais une descente pour des problématiques financières et de gestion est plus gênante. Les organes européens et français sont conscients de ces enjeux et installent des garde-fous. Nous avons la chance d'évoluer dans une ligue fermée et d'échapper à cette question.
Les ligues fermées sont paradoxales. Il est effectivement impossible d'y entrer ou d'en sortir. Aux États-Unis, la Cour Suprême a demandé un partage égalitaire des ressources afin d'assurer une concurrence sportive. Dans certains championnats européens, l'existence de cette inégalité n'est pas évidente. Même si les petits clubs ne peuvent pas intégrer les ligues fermées, les champions changent, ce qui n'est pas le cas dans nos championnats.
M. Stéphane Mazars, rapporteur . - Nous entendons que le développement d'une autre économie dans les stades permet de limiter l'aléa sportif. N'est-ce pas de la poudre aux yeux, compte tenu des difficultés d'une gestion combinée des programmations sportives et musicales ? N'existe-t-il pas un risque de concurrence au niveau national ? Le modèle économique de ces stades est-il sérieux ?
M. Paul De Keerle . - La multifonctionnalité a effectivement ses limites, mais des pistes existent. Nous imaginons notre stade sans pelouse. Cette option est plus compliquée lorsqu'un club résident évolue dans l'enceinte. La pelouse synthétique est une solution. Dans les petits clubs qui ont opté pour ces pelouses, l'espace devient praticable pour de nouvelles activités. Il n'existe aucune solution miracle, mais des manières d'optimiser l'utilisation.
M. Jérôme Latta . - La multifonctionnalité est un argument de promotion d'une rénovation du parc de stades français, au même titre que le nomage. La pertinence de ces arguments est malheureusement remise en cause une fois les enceintes construites - l'Allianz Riviera de Nice est un contre-exemple. Le stade de Lille, avec sa pelouse partiellement rétractable, est un exemple opérationnel de la multifonctionnalité. Elle doit permettre d'accueillir 27 000 spectateurs dans la fosse. Des problèmes techniques se posent toutefois, comme nous l'avons constaté avec l'annulation d'un concert de Depeche Mode en raison de l'absence de chauffage dans la salle. Un programme d'étude a été mis en place en toute hâte. La question de la programmation se pose également, seuls deux concerts étant programmés sur l'année à Lille, ne permettant pas d'apporter les ressources nécessaires à la rentabilité du stade. Il en est de même au Mans. L'offre est insuffisante pour fournir des spectacles à l'ensemble des enceintes, surtout si celles-ci se multiplient.
Enfin, la multifonctionnalité a un coût, notamment avec la pelouse rétractable qui n'assure pas une rentabilité réellement supérieure à une pelouse classique.
Mme Michelle Demessine. - Votre argumentation est à charge. Le produit, la démarche et le métier sont nouveaux. Le pire est de construire un stade utilisé uniquement une fois tous les quinze jours.
M. Jérôme Latta . - La réussite n'est pas celle annoncée. Il semble qu'un contentieux existe à Lille, où la municipalité ne paierait pas l'ensemble des sommes dues à l'exploitant.
Mme Michelle Demessine . - La municipalité ne paie rien puisqu'elle a passé un contrat avec Eiffage, qui supporte le risque.
M. Paul De Keerle . - Des paiements sont simplement bloqués en raison de problèmes sur la réception du bâtiment.
M. François Clément . - À Lille, le concert de Depeche Mode n'a pas été annulé en raison de l'absence de chauffage, mais parce que le contrat prévoit l'annulation lorsque la température est inférieure à 17 °C - il faisait 14 °C ce soir-là.
Les stades des équipes nationales et des clubs doivent être distingués, car les problématiques sont différentes. Outre l'équipe nationale de football, Wembley est utilisé par des équipes de rugby pour certains matchs importants. La pelouse a été changée à plusieurs reprises avant de trouver la bonne. Quinze concerts sont par ailleurs organisés chaque année, ce qui est impossible à Lille en raison du calendrier du club. Twickenham accueille les matchs de l'équipe nationale de rugby, mais également cinq concerts par an, trois week-ends de rugby à VII - avec 180 000 personnes à chaque fois - ainsi que des matchs des Harlequins.
La multifonctionnalité va de pair avec la modularité afin que l'enceinte puisse indifféremment accueillir des événements à 20 000, 40 000 ou 80 000 personnes. Le financement modèle n'a pas encore été trouvé. Quel modèle économique permet de redévelopper les stades dans le système français ?
M. Ralf Levedag . - La notion de temps doit être considérée dans la réflexion. La MMAréna, l'Allianz Riviera de Nice ou le Grand Stade de Lille sont de jeunes enceintes. Le stade de Nice a été imaginé avec un horizon de 30 ans. Son bilan économique garantit un grand concert par an.
La notion de temps est également importante sur le plan sportif, car un club relégué peut remonter dans l'élite. L'économie ne se crée pas uniquement dans le stade, mais autour. L'Allianz Riviera, outre un événement majeur annuel, accueille 200 autres événements dans l'année pour s'assurer des ressources. Le centre commercial entre également dans l'équilibre financier global du stade.
Enfin, la notion de temps compte dans la culture du spectateur qui se développera autour des enceintes créées aujourd'hui. Il existe en Europe de beaux exemples de stades qui fonctionnent à plein chaque week-end grâce au lieu et à la convivialité. Cette culture ne peut pas s'installer immédiatement.
Mme Borina Andrieu . - L'éducation du consommateur prend du temps. La qualité de l'espace public alentour et des transports est importante dans cette optique.
M. Alain Néri. - Vous allez formater les nouveaux spectateurs pour les adapter au stade ; c'est une possibilité.
Notre mission s'intéresse aux problématiques sportives. Vos réponses sur les ligues fermées m'inquiètent. Pour rentabiliser l'outil, le budget des clubs doit être garanti. Les budgets actuels sont déraisonnables et les sommes engagées irréelles. J'ai connu un championnat de France de rugby à 64 clubs. Les spectateurs venaient car les joueurs étaient locaux, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui. La formation est excellente, notamment dans le football et le rugby. Les jeunes rugbymen champions du monde des moins de 20 ans ne sont pourtant pas titulaires dans leur club. À certains postes, nous constatons en équipe de France que nous ne possédons aucun joueur de classe mondiale, car ceux-ci ne jouent pas dans leur club. Un problème d'éthique et de formation sportive se pose. Il semble que les équipes proposent un spectacle en se désintéressant du classement puisque les montées et relégations n'existent plus. La recherche de progression et l'esprit d'équipe disparaissent. Ce constat nous inquiète dans notre conception du sport.
Le mercato d'hiver - heureusement que la loi interdit le mercato à l'année - amène les joueurs à évoluer dans une équipe à laquelle ils n'appartiendront plus quelques mois après. La motivation est impactée. Je m'inquiète de la dérive de marchandisation du sport et de sa prise d'assaut par l'argent, au nom de la rentabilisation des équipements.
M. Paul De Keerle . - Le rugby gaélique irlandais est une ligue fermée dans laquelle un joueur est obligé de jouer pour sa province natale, ce qui démontre l'absence de lien entre ces ligues et l'internationalisation du sport. De plus, les règles du marché du travail s'imposent à tous. Dans le rugby, beaucoup de joueurs viennent du Pacifique. Cette question dépasse le cadre de votre mission.
M. Michel Savin, président. - Monsieur Férot, vous parlez de revitaliser les quartiers et les services à la personne. Vous citez des stades étrangers possédant des équipements publics en leur sein. Tatane est-elle associée à la réflexion de certains stades en France ?
M. Latta évoquait le coût pour les collectivités : à Grenoble, le coût du stade est de 1,9 million d'euros. Avez-vous des exemples dans lesquels les collectivités associent le stade avec des équipements publics utilisés toute l'année ?
M. Brieux Férot . - Nous ne sommes pas directement associés à l'exploitation des stades, mais nous ciblons les élus et les architectes en amont. Ces derniers donnent leur propre lecture du cahier des charges publiques sur les façons de promouvoir la place du citoyen et de l'associatif dans la vie du stade. Les collectivités doivent se demander si ne pas considérer la montée sportive comme un objectif constitue un risque politique collectif. Cette discussion a eu lieu à Nanterre où le club de basketball est monté dix fois en quinze ans avec à sa tête une équipe concernée par les questions publiques. La montée en Pro A nécessitait de fédérer les partenaires pour que le modèle économique global soit adéquat. L'objectif était de construire un projet de territoire sur le long terme. Des acteurs privés et publics sont concernés. Le coût sportif ne doit pas rattraper la réflexion. Le projet sportif doit être pensé sur le long terme ; c'est lui qui impacte les montées et descentes des clubs, et non la présence d'argent frais.
Nous l'avons peu investiguée, mais la dimension interdisciplinaire du sport est intéressante. Peut-on parler en France de politique publique sportive ? Un élu doit cibler les équipes qu'il aide. Les fédérations, notamment dans le cadre de votre mission, peuvent-elles réfléchir à des pistes sur la manière d'accompagner différents clubs de différents sports dans des projets de territoire interdisciplinaire ?
L'élargissement ou non des droits TV à de nouvelles épreuves doit également être regardé. Ces sommes pourraient financer de tels projets sportifs sur le plus long terme.
Enfin, les enjeux de développement de l'emploi dans les territoires, autour des stades, sont importants d'un point de vue politique. Il convient toutefois d'identifier les emplois. La présence de maisons des jeunes et de la culture (MJC), d'associations ou de pépinières d'entreprises au sein des stades permettra d'accueillir et de créer des emplois qui doivent, peut-être, être intégrés au modèle économique global d'un site.
M. Jérôme Latta . - Nous voyons émerger une nouvelle génération de stades qui s'éloignent du coeur des villes. Historiquement - et ce constat est flagrant en Angleterre - les enceintes sont intégrées dans le tissu urbain. Les arénas, sans généraliser les situations, s'écartent du centre pour être construites en périphérie. Le coût du foncier est une explication, notamment à Décines pour le stade de Lyon. Ces choix posent question quant à l'intégration dans la vie citoyenne. Ils n'entrent ainsi plus dans l'idéal défendu par Tatane en vue d'une intégration dans les quartiers, auprès de différents publics. Les projets d'aménagements urbains qui en découlent diffèrent, en reposant essentiellement sur le commercial et l'immobilier d'entreprise. La question se pose sur la nature de l'aménagement urbain et ses conséquences.
Le stade du Red Star à Saint-Ouen est réellement intégré dans la ville. La municipalité promeut une nouvelle enceinte construite dans les nouveaux quartiers, près de la Seine. L'opposition des supporters est vive. Ces derniers proposent un projet de rénovation s'inspirant sur les exemples anglais. Le débat est intéressant et exemplaire sur les conséquences du choix du lieu des stades.
M. Ralf Levedag . - Depuis l'époque romaine, le rêve d'un architecte est d'intégrer un stade dans la ville. Deux points sont toutefois difficiles à marier : l'accessibilité et l'acoustique- contrainte énorme dès lors que l'enceinte est ouverte.
Nous devons éviter de construire des stades « satellites », éloignés de la ville et cernés de parking, au prétexte du prix du foncier. Cette solution de facilité est la plus mauvaise en raison de la distance créée autour de l'enceinte. Pour cette raison, nous avons intégré le parking dans le stade de Nice. Plutôt que de placer le stade dans la ville, nous ramenons la ville vers le stade.
Mme Borina Andrieu . - Le stade de Kaliningrad est un réel exemple de développement dans la ville d'un quartier entièrement abandonné et sur des terrains meubles partiellement inondables. Dans son choix pour l'organisation de la Coupe du Monde 2018, la fédération internationale de football association (FIFA) a opté pour ce stade urbain qui permet un développement intelligent de la ville autour d'une mixité sociale.
Le visage de l'enceinte, que vous évoquiez en introduction, est également important. Nous réalisons peu de projets de stades, car chacun est pensé à l'image du lieu où il s'installe. Nous travaillons actuellement sur un projet près de Venise. Compte tenu de l'extension de la ville, le stade se situera sur la terre ferme, près de l'aéroport. Nous imaginons une enceinte reliée à la ville par un canal et accessible en bateau. Nous souhaitons une structure reconnaissable et intégrée.
M. Jérôme Latta . - La question de l'accessibilité est paradoxale. Le Parc des Princes se trouve en lisière de Paris. Il est à la fois peu et très accessible grâce à sa proximité géographique et les transports en commun qui le desservent.
M. Ralf Levedag . - Le Parc des Princes ne serait pas construit comme tel aujourd'hui.
M. Jérôme Latta . - Lorsque le projet du Stade de France a été présenté, beaucoup soulignaient le manque de parking. À l'usage, nous constatons pourtant que le stade est particulièrement bien desservi par le RER et le métro. La réussite est relative car, malgré sa réussite architecturale et sa forte identité, à l'intérieur, la visibilité et l'acoustique sont désastreuses. L'aménagement urbain est toutefois très cohérent autour de la Plaine Saint-Denis. Les logements et divers équipements publics ont été bien développés. La réussite d'un stade dépend pour beaucoup de la réussite globale du projet d'aménagement urbain. À Lyon, des interrogations subsistent sur cette réussite à terme sur les questions de rattachement, de desserte et sur le coût global pour la communauté.
M. François Clément . - Il ne faut pas oublier le temps de la ville et de sa création. Nous avons récemment participé à une conférence au Palais Brongniart. Un dirigeant de l'Espanyol Barcelone a expliqué que le club avait vendu le terrain sur lequel se trouvait le stade, pour sortir de la ville, au motif que la ville serait présente à cet endroit dans 50 ans. Cette construction prend du temps. La deuxième couronne actuelle sera peut-être intégrée à Paris d'ici 50 ans. À l'inverse, Arsenal a décidé de racheter une friche industrielle à moins d'un kilomètre d'Highbury pour construire son nouveau stade. La réflexion est différente entre les clubs et les nations. Un club reste chez lui.
L'impact de la multifonctionnalité doit être relativisé. Tous les stades de France n'accueilleront pas 50 concerts par an. Cette relativisation doit pousser les clubs à mettre le sport au coeur de leur économie et à s'assurer que tous les publics viendront dans des conditions identiques - nourriture, toilettes - quelle que soit la place achetée. Les clubs ont le pouvoir de remettre le sport au coeur de leur économie. Les ligues inférieures sont également concernées. Ces dispositions sont possibles même si le stade appartient à la ville et que le club en est uniquement locataire.
M. Paul De Keerle . - Twickenham n'a pas été construit dans le centre de Londres : la ville s'est agrandie. Il en est de même à Colombes où le stade a été construit sur un hippodrome en bordure de ville. Il est impossible de construire sur l'Ile de la Cité, trop chère et trop contraignante. Les stades sont implantés en périphérie, car ils doivent être accessibles, que les terrains sont moins chers et les contraintes moins nombreuses. Le stade que nous allons construire fait 70 mètres de haut ; il est inenvisageable de le construire dans le 16 e arrondissement de Paris. De la même manière, il est quasiment impossible d'augmenter la jauge du Parc des Princes, puisque cela impliquerait de gagner en hauteur.
M. François Clément . - En Angleterre, Twickenham est surnommé « cabbage patch », soit le « champ de choux » en référence au terrain sur lequel il est construit.
M. Stéphane Mazars, président. - Je souhaite revenir sur l'accès au stade par les publics. Nous passons d'un match de football ou de rugby à un spectacle sportif. En Angleterre, où les hooligans ont été chassés des stades, le public est désormais familial et consomme à l'intérieur de l'enceinte, en dehors du spectacle sportif. Dans le même temps, les stades sont aseptisés, les spectateurs restent assis. Nous trouvons-nous à un tournant dans notre manière d'appréhender le sport où le supporter devient spectateur au sein des infrastructures ? Le modèle économique passe peut-être par là. Avez-vous cette problématique en tête à l'aune d'un projet ? Pouvez-vous, architectes, assurer aux collectivités que leur projet permettra la mixité - entre supporters et public familial, entre personnes modestes et plus aisées ?
M. Jérôme Latta . - Avant de laisser les concepteurs répondre, je reviens sur l'exemple anglais que nous évoquions. Les clubs anglais ne restent pas chez eux. Highbury était un chef-d'oeuvre architectural trop exigu compte tenu des ambitions d'Arsenal. L'architecture de l'Emirates Stadium, partiellement financé par le nomage, est terne et sans personnalité. Au début du projet, l'argumentaire d'Arsenal reposait sur la possibilité de permettre à davantage de supporters d'accéder au stade en passant d'une jauge de 35 000 places à une jauge de 60 000. Dans le même temps, le prix des places a fortement augmenté en Angleterre - particulièrement à Arsenal - jusqu'à être parmi les plus élevés d'Europe. En Allemagne, nous avons assisté à une vague de construction pour la Coupe du Monde 2006. Les clubs garantissent pourtant une politique de prix accessibles pour les publics populaires. Le rapport entre les prix les plus bas pratiqués en Allemagne et ceux constatés en Angleterre est de 1 à 10. Les nouveaux stades servent les projets d'augmentation des ressources qui passe par une plus grande sélectivité des publics. L'exemple est notable en France avec le Paris Saint-Germain dont la nouvelle politique des propriétaires et la dissolution des clubs de supporters va dans ce sens. Le public est plus calme, mais un problème de fond se pose.
M. Paul De Keerle . - Serge Blanco raconte qu'avant le premier match de Biarritz délocalisé à San Sebastian, contre une équipe irlandaise, les autorités espagnoles s'interrogeaient sur les modalités d'acheminement des supporters des deux clubs afin de prendre les mesures adéquates - bus, escorte policière, tribunes séparées. À leur grand étonnement, le club a indiqué que les supporters des deux équipes arrivaient de divers endroits, dans les mêmes transports et seraient mélangés dans les gradins. Il n'existe pas de recette magique. La convivialité est naturelle dans le rugby. Malgré la violence sur le terrain, les tribunes sont en fête.
Les normes en vigueur et la sécurité dans les stades coûtent cher. Ce coût doit être supporté par quelqu'un. Le prix des places augmente alors nécessairement. Nous voulons un stade de 80 000 personnes, ouvert à tous et permettant la mixité. Pour que certains spectateurs paient seulement 10 ou 15 euros, d'autres doivent payer davantage. Ce raisonnement doit être celui d'un sport social.
M. Michel Savin, président. - Les médias imposent-ils des contraintes aux architectes dans la construction des stades ?
M. François Clément . - Les contraintes techniques ne sont pas une spécificité des médias. Nous devons nous assurer que l'éclairage est adéquat pour des retransmissions et que les plates-formes télé soient installées conformément aux demandes des médias. Les attentes diffèrent selon les pays, les chaînes et les sports. En France, Canal+ et France Télévisions mettent en place des dispositifs différents. De même en rugby, la caméra couvre l'ensemble du terrain, alors que les plans sont plus nombreux en football.
Nous n'avons pas de contraintes spécifiques pour assurer la convivialité. Certains maîtres d'ouvrages veulent parfois reproduire ce qu'ils ont vu ailleurs. Il est intéressant pour un architecte de concevoir un stade qui assure la convivialité, en plus de la visibilité. Le stade de la fédération française de rugby est organisé en millefeuille avec un déambulatoire grand public ouvrant directement sur la jauge et permettant la proximité de 29 000 places. À l'étage, nous retrouvons un balcon de 10 000 places au premier niveau et 3 000 places sur deux niveaux de loges. Au-dessus, une seconde jauge accueille 39 000 personnes. Cette organisation assure la convivialité, d'une part, une proximité pour l'ensemble des spectateurs, d'autre part.
Nous retrouvons des pratiques issues du football américain suivant lesquelles les maîtres d'ouvrages demandent que l'ensemble de la tranche entre les 22 mètres soit utilisé pour des places à prestation. En tant que concepteur, nous tentons de répondre aux attentes du maître d'ouvrage. Pour assurer la convivialité, nous avons proposé d'installer des plateformes de 25 mètres ouvertes sur la jauge haute, notamment pour améliorer l'acoustique.
M. Ralf Levedag . - La question de la convivialité est difficile à gérer, car peu de lieux reçoivent des hooligans comme des personnes âgées. Les premiers sont escortés directement depuis l'autoroute et installés derrière des grilles dans le stade. Ces problématiques sont plus culturelles que réglementaires ; nous les abordons avec les autorités. Une partie demande des restrictions, l'autre souhaite limiter les restrictions. L'enjeu est de trouver un compromis et d'aboutir, à terme, vers une culture permettant à ces deux mondes de vivre l'événement ensemble. La réussite économique du projet dépend de cette mixité. Les ultras mettent l'ambiance, ils ne peuvent pas être sortis du stade, car la qualité du ressenti des VIP en pâtirait. Ces questions ne relèvent pas seulement de l'architecte ou de la sécurité publique. La principale difficulté est d'assurer les retombées économiques tout en rassemblant autour du sport.
M. Jérôme Latta . - Les principales contraintes sont imposées par les organisateurs. L'union des associations européennes de football (UEFA) augmente constamment ses exigences en termes de normes, notamment dans la capacité des stades - ce qui exclut automatiquement les petits pays ne disposant pas d'un parc de stade suffisant. Des contraintes techniques, d'équipements ou encore sur le nombre de places réservées aux médias sont également imposées.
La notion de convivialité me pose problème, car elle possède une connotation marketing. L'installation d'écrans géants et de sono constitue l'une des premières adaptations des stades aux nouvelles normes. Dans la plupart des stades de Ligue 1, les messages publicitaires sont désormais diffusés à la mi-temps des matchs et nuisent à cette convivialité.
S'agissant de l'offre de places au sein des stades, nous constatons que le nombre d'emplacements VIP et de loges est en constante augmentation. Cette évolution ne relève pas d'une contrainte fixée par les organisateurs, mais d'une réalité économique. Des problèmes d'ambiance se posent alors.
Par ailleurs, les mesures prises en Angleterre ne peuvent pas être appliquées en France. L'enracinement de la culture sportive et le volume de fréquentation des stades sont, en effet, bien supérieurs en Angleterre. La transposition des modèles fait naître le risque de surdimensionnement des équipements. Au mois de novembre, un rapport sénatorial soulignait ce risque. Le modèle d'éviction du public populaire est impossible en France, car le public est insuffisant pour remplir les stades de l'élite. La politique d'offre doit donc être raisonnable.
M. Michel Savin, président. - Nous évoquions l'aléa sportif et ses conséquences sur les situations financières des collectivités. Au vu de vos expériences internationales, quelles sont vos préconisations pour minimiser les risques pris dans les financements ? Un montage privé-public apparaît-il plus adapté ? Quelle doit être la taille de la collectivité qui porte ces équipements pour les clubs - ville, métropole, département, région ? Le modèle de Lyon, dont la structure est entièrement financée par le privé, est-il le bon ?
M. Paul De Keerle . - Aux États-Unis, la National football league (NFL) ponctionne une réserve sur les droits TV afin de rénover les stades. Ce financement devrait relever des clubs, mais le développement économique de ces derniers est pensé à court terme. Les collectivités se positionnent sur du moyen terme. Le sélectionneur de l'équipe de France de rugby attend des joueurs qu'ils soient prêts pour le tournoi ; à l'inverse, un club souhaite que les joueurs soient en forme dès le mois de septembre. Si l'un d'entre eux est fatigué au moment d'un match important, il jouera quand même. La vision de la préparation physique est différente. La problématique du club en raison des montées et descentes complexifie sa réflexion et ses prises de décision.
M. François Clément . - En France, les clubs n'étant pas propriétaires de leur stade, ils ont des réticences à intervenir sur sa capacité. En conservant des enceintes peu accueillantes, les personnes qui souhaitent dépenser un peu d'argent et passer une bonne soirée n'ont plus qu'une seule raison de venir : le match lui-même. Si l'expérience repose entièrement sur le match, les spectateurs doivent être de réels supporters. Il apparaît nécessaire de trouver des montages avec les collectivités afin que les clubs puissent intervenir sur leur outil de travail.
M. Paul De Keerle . - Le PPP représente un engagement en biens. Le montant est remboursé par loyers. Si un emprunt apparaît au bilan, je ne suis pas certain que cela soit le cas pour un PPP dans les comptes publics.
M. Jérôme Latta . - Depuis longtemps, le modèle économique préconise que les clubs soient propriétaires de leur stade. Pourtant en France, historiquement, les enceintes sont la propriété des collectivités. Les droits TV dans le football ont explosé au cours des quinze dernières années en Europe. Comme le montre un rapport sénatorial, cette manne a malheureusement servi à une augmentation de la masse salariale plutôt qu'au développement des infrastructures. De surcroît, l'effet d'aubaine amène les clubs à compter sur l'effort public réalisé dans le cadre de l'organisation de l'Euro 2016 - pour laquelle l'État investit seulement 160 millions d'euros sur le milliard global. Les clubs sont responsables de ce manque de développement. Arsenal - qui possède, certes, davantage d'atouts économiques que les clubs français - s'est raisonnablement endetté afin de construire son stade. L'enceinte assure une rentrée d'argent substantielle. À Lyon, Jean-Michel Aulas fait un pari similaire. Même si l'investissement est entièrement privé, les collectivités locales doivent s'engager pour les aménagements alentour.
M. Paul De Keerle . - Le développement autour des stades est effectivement nécessaire et relève de la responsabilité publique. Euro Disney ne se serait jamais implanté à Marne-la-Vallée sans la construction du RER, qui sert également les habitants. Le coût des transports ne s'est jamais ajouté à celui du parc.
M. Jérôme Latta . - Le bilan doit être réalisé en définitive, selon la réussite ou non du projet d'aménagement urbain associé au stade. Les investissements doivent être mesurés afin que leur rentabilité ne dépende pas uniquement des résultats sportifs du club concerné. Les collectivités doivent estimer les bénéfices attendus. La question du partage des bénéfices dans le cadre des PPP est cruciale. Nous constatons, notamment au Mans, une privatisation des bénéfices et une mutualisation des pertes. Il convient de faire attention aux discours trop enthousiastes. Il est dommage que l'engouement, parfois autosuggéré, autour de l'Euro 2016 ait laissé croire que le nomage assurerait la rentabilité ; des débats auraient permis de vérifier ces affirmations.
M. Michel Savin président - Madame, messieurs, je vous remercie pour votre participation. Je vous invite à nous faire part de vos remarques additionnelles par écrit. Nous n'hésiterons pas à vous recontacter si nous avons d'autres questions.
Mercredi 22 janvier 2014
Table ronde
consacrée aux fédérations sportives
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La mission commune d'information organise une table ronde autour des fédérations sportives. Sont entendus :
- M. Pierre Camou , président de la fédération française de rugby ;
- M. Jean-Pierre Siutat , président de la fédération française de basketball ;
- M. Joël Delplanque , président de la fédération française de handball ;
- M. Victoriano Melero , directeur de cabinet du président de la fédération française de football ;
- M. Arnaud Dagorne , directeur général adjoint de la fédération française de volleyball.
M. Michel Savin, président . - Depuis le mois d'octobre, notre mission commune d'information a entendu les associations d'élus locaux, puis a étudié le modèle économique du sport professionnel et la question du financement des stades et de leur place dans la cité. Nous nous sommes rendus à la fédération française de tennis, à Nanterre - pour rencontrer les responsables du club de basketball ainsi que les concepteurs de la future Aréna 92 - et nous avons été reçus par la direction du Paris Saint-Germain (PSG).
L'implication des collectivités territoriales dans le sport professionnel demeure importante, même si une nouvelle tendance se fait jour dans certaines disciplines voyant émerger des clubs souhaitant se financer avec des capitaux privés. Même dans ces cas, l'intervention publique n'est pas nulle. À Lyon, les collectivités financent les équipements publics autour du stade ; à Nanterre, elles garantissent le montage financier de l'Aréna 92 ; au Paris Saint-Germain, la commune entend rester propriétaire du stade.
Les relations entre les collectivités territoriales et le sport professionnel demeurent riches et complexes. Une intervention publique est indispensable dans l'émergence d'un club comme celui de Nanterre en basketball ou le succès d'une épreuve telle que le Vendée Globe Challenge. Dans d'autres cas, les collectivités se sentent moins partenaires que contributeurs sans pouvoir de décision. Nous le savons, les collectivités peuvent être enrôlées dans le financement de stades ne correspondant pas nécessairement à des besoins pérennes ou n'ayant fait l'objet d'aucune étude préalable rigoureuse - comme cela fut le cas au Mans ou à Grenoble. Elles sont parfois sollicitées plus que de raison en vue d'adapter les équipements sportifs à l'évolution de la réglementation ou aux besoins des diffuseurs. Elles sont trop souvent appelées à combler les déficits des comptes en fin de saison, sans posséder de vision claire quant à l'utilisation de ces fonds publics.
Un besoin de transparence se fait ainsi sentir, sans qu'il ne remette en cause l'intérêt des collectivités territoriales pour le sport professionnel. L'émergence d'un sport spectacle, souvent très éloigné de l'éthique du sport, pose la question de la légitimité de l'intervention des collectivités locales et de l'équité des compétitions. Dans ces conditions, comment pouvons-nous améliorer la régulation du secteur afin qu'il se développe harmonieusement ? Comment préserver l'aléa sportif, fondement de la légitimité de ces interventions, sans fragiliser les investissements ?
Pour discuter de ces évolutions, je remercie de leur présence les intervenants d'aujourd'hui. Je laisse la parole à M. Pierre Camou.
M. Pierre Camou, président de la fédération française de rugby . - Je vous remercie pour votre invitation. Nous vous accueillerons à notre tour avec plaisir au Centre national de rugby (CNR) au mois de février.
Votre mission se limite au cadre du sport professionnel. L'histoire entre le sport et les collectivités est une histoire longue et réciproque. Dans l'intérêt de tous, celle-ci doit se poursuive au-delà du monde professionnel, sur l'ensemble du territoire français. Quel que soit le sport, nous devons former des jeunes joueurs et pratiquer ensemble afin d'être des acteurs dans la cité. Voilà le message que nous essayons de faire passer.
Dans le sport de compétition - qui connaît des dérives à tous les niveaux - il est souvent demandé à la collectivité de combler un budget. Est-ce son rôle ? Je n'en suis pas certain. La mission d'un club est-elle de contribuer au rayonnement de la cité à travers ses résultats ? Est-elle, au-delà, d'être un acteur de la cité dans un monde en pleine évolution ? En tant que représentant de fédération, je me pose cette question. À ce titre, je suis, que nous le voulions ou non, le représentant de l'État. Or, l'État doit faire vivre ensemble une communauté qui vient tant de Saint-Paul-lès-Dax, de Saint-Jean-Pied-de-Port que de Paris. Tout un chacun appartient au même groupe. Nous ne pouvons pas vivre au dernier étage si des gens ne sont pas présents à la base. Le sujet, au-delà du sport professionnel, concerne les territoires. Vous, sénateurs, êtes acteurs du territoire. Je comprends et partage les problématiques relatives au financement ou aux demandes pressantes parfois adressées aux collectivités. Je crois d'ailleurs qu'il est aussi du rôle de l'État et de l'élu de dire « non ». Je suis ravi de donner un point de vue à un débat que j'estime, toutefois, aller au-delà du sport professionnel et de ses équipements.
M. Jean-Pierre Siutat, président de la fédération française de basketball . - La fédération française de basketball compte plus de 500 000 licenciés, dont 40 % sont des femmes. Nous participons à deux types de compétitions : les compétitions nationales et les compétions de club. La sélection nationale fonctionne par bloc, les joueurs se réunissant l'été pour concourir en championnat d'Europe, championnat du monde ou aux Jeux olympiques. L'année 2013 a été extraordinaire avec le titre de champion d'Europe décroché par les hommes et la seconde place chez les femmes. Les clubs évoluent pour leur part de septembre à juin.
La particularité du basketball de club est d'être géré au plus haut niveau par deux sociétés privées : la NBA - dont le budget annuel atteint près de 5 milliards de dollars - et l'Euroligue - qui organise la Ligue des champions du basketball à laquelle Nanterre participe. L'Euroligue est reconnue par la fédération internationale, mais gère elle-même son activité. Elle demande aux clubs engagés dans la compétition de respecter un cahier des charges, qui prévoit notamment un budget et un niveau de jauge minimums. Sur ce dernier critère, Nanterre a pu passer en raison de sa proximité avec Paris, attractive pour l'Euroligue.
Les budgets des clubs professionnels se situent entre 4 et 4,2 millions d'euros en Pro A. Les financements publics représentent environ 1,5 million d'euros. Les clubs français participant à l'Euroligue atteignent péniblement 5 à 5,5 millions. Un budget de 8 à 12 millions est nécessaire pour faire partie des seize meilleures équipes et 25 millions d'euros pour intégrer le dernier carré. Les différences de charges sociales sur les salaires pèsent. Comment les clubs français peuvent-ils devenir compétitifs au niveau européen ? Le faut-il ? Cette compétitivité passe par des équipements adéquats.
Le triptyque que nous connaissons, composé des subventions publiques, des recettes de billetterie et des partenariats « locaux » a ses limites. Les droits TV générés sont insuffisants pour avancer significativement. Nous devons donc trouver d'autres solutions. Nous sommes persuadés qu'il est possible d'atteindre le plus haut niveau dans les grandes métropoles - Paris, Lyon, Marseille. Ces dernières peuvent disposer des capacités nécessaires en termes d'équipements et de public potentiel. Le développement de clubs en bi-sports représente également une opportunité. En Espagne, en Turquie ou en Russie, un second sport est souvent adossé à un club de football. Le Paris Saint-Germain en fait actuellement la démonstration. Nous pouvons imaginer que cet axe se développe en France, avec le handball ou le basketball. Enfin, les mécènes représentent une source de revenus à développer. Vous l'avez dit, nous sortons du sport professionnel pour entrer dans le sport spectacle. La montée en puissance des budgets qui en résulte aide toutefois le sport amateur que je défends. D'importantes passerelles existent entre les deux. Une performance au plus haut niveau permet de valoriser les activités sur les territoires.
J'ai participé à la mission d'évaluation à la politique de soutien au sport professionnel diligentée par la ministre de la jeunesse et des sports. Le diagnostic et les propositions qui en ont découlé sont intéressants.
M. Joël Delplanque, président de la fédération française de handball . - Le handball s'éveille au professionnalisme. Comme l'a expliqué Pierre Camou pour le rugby, notre fédération s'est également construite par un partenariat avec les collectivités publiques. Ce partenariat se manifeste par une offre de pratiques ainsi que par la volonté de s'adresser à tous les publics. Comme la fédération française de basketball, nous comptons environ 40 % de femmes parmi nos licenciés. L'éveil au professionnalisme accompagne la notoriété dont nous bénéficions actuellement. L'arrivée du Qatar à Paris et la volonté des dirigeants du club de s'élargir au handball masculin, voire féminin, est un phénomène particulier. Cette démarche s'inscrit peut-être dans l'optique de la construction d'un club omnisports évoqué par Jean-Pierre Siutat.
M. Alain Néri . - Il s'agit davantage d'une entreprise omnisports.
M. Joël Delplanque . - Ce phénomène est nouveau pour nous. Le club était proche de la liquidation financière, il y a deux ans. Aujourd'hui, il bénéficie du premier budget national avec près de 14 millions d'euros. Le budget moyen est de 6 millions d'euros chez les hommes et 1,5 million d'euros chez les femmes. Environ la moitié des revenus provient de soutiens publics.
L'éveil au professionnalisme nous a permis de profiter de l'expérience de nos collègues, notamment dans le contrôle national de gestion. Nous sommes particulièrement stricts sur cet aspect. Ce contrôle a parfois été douloureux, mais il a permis d'améliorer l'économie générale et la structuration des clubs masculins comme féminins.
Nous découvrons également la gestion des grands équipements. Même s'ils font gravement défaut en France, ils émergent. Leur modèle économique fera évoluer nos compétences de gestion ainsi que nos relations avec les tiers. En plus des collectivités et des clubs, nous travaillons avec les gestionnaires. Les discussions se déroulent désormais davantage à trois qu'à deux, chacun cherchant son intérêt avec des responsabilités distinctes. Cette question centrale mériterait d'être débattue, tant les capacités à générer des ressources nouvelles et à accueillir de grands événements sont primordiales - à condition, comme cela a été dit, que l'objectif soit d'être concurrentiel à l'échelle européenne. Les grands équipements se trouvent partout en Europe, sauf en France. Lorsque Bercy sera rénové en 2015, il deviendra plus approprié à ce qu'il se fait à l'étranger. Nous ne disposerons toutefois que d'une seule salle de cette taille.
Notre discipline s'éveille au professionnalisme et à la notoriété avec de très modestes moyens. Les droits TV rapportent 1,5 million d'euros à la fédération et 800 000 à la ligue professionnelle. Nous sommes loin de ce que vous évoquiez dans vos propos liminaires. Nous restons compétitifs, mais pour combien de temps ?
M. Victoriano Melero, directeur de cabinet du président de la fédération française de football . - Je tiens à excuser l'absence de Noël Le Graët, retenu par des obligations professionnelles, mais dont vous connaissez l'attachement aux relations entre les collectivités territoriales et le sport.
Vous l'avez dit, ces relations sont riches et complexes. Elles sont riches de par leurs interactions et complexes en raison des déboires sur lesquels nous nous focalisons souvent - au Mans et à Grenoble notamment. Les relations sont plus complexes que ce que ces éléments factuels laissent penser. Aujourd'hui encore, nous appréhendons mal les retombées économiques et sociales d'un club professionnel dans la cité.
Comme le disait Pierre Camou, les relations doivent être élargies à la discipline dans son ensemble. La fédération française de football représente 2 millions de licenciés inscrits dans 17 000 clubs sur le territoire - soit près d'un club pour deux collectivités locales - et plus de 300 000 bénévoles qui assurent l'enseignement de la pratique et jouent un rôle éducatif. Ces activités se déroulent dans des infrastructures détenues par les collectivités locales. Nous nous focalisons souvent sur l'utilisation de ces équipements par les clubs amateurs, mais nous ne devons pas oublier les bénévoles qui les animent et occupent le terrain des activités éducatives nécessaires à la vie de la cité.
Nos quarante clubs professionnels constituent la vitrine du sport. Vous mettez en exergue la modernisation des stades, en raison notamment des contraintes télévisuelles. Pourtant, le premier objectif de ces rénovations est de diversifier les sources de revenus des clubs professionnels, encore majoritairement issus des recettes médias. Le second objectif est d'accueillir des événements internationaux - finales de compétitions européennes, etc. Au-delà de l'Euro 2016, nous avons la faculté de postuler à l'accueil d'événements à la dimension internationale inégalée. La masse salariale doit être appréhendée par rapport au marché continental en raison des compétitions européennes qui participent pour beaucoup au financement des clubs professionnels.
La discipline doit ainsi être considérée dans son ensemble - car la vitrine bénéficie à l'intérêt des clubs amateurs - et doit intégrer la dimension européenne et non seulement française, sous peine de se trouver dans une situation difficile sur le plan international.
M. Arnaud Dagorne, directeur général adjoint de la fédération française de volleyball . - Je tiens à excuser le président de la fédération, retenu par des obligations professionnelles.
Je rejoins nombre des propos tenus jusqu'ici. Notre fédération compte 127 000 licenciés, dont 47 % de femmes, dans 1 700 clubs. Il existe aujourd'hui trois divisions - deux masculines et une féminine. La ligue professionnelle a été créée en 1987 et la fédération en 1936. La relation des clubs professionnels avec les collectivités territoriales est forte. Divers rapports ont récemment mis en exergue l'important taux de financement public constaté dans le volleyball. Nous constituons le dernier des sports collectifs en termes de chiffre d'affaires et en nombre de licenciés. Pourtant, comme les autres fédérations, nous avons entamé, il y a plus de six mois, une réflexion qui porte aussi bien sur les clubs professionnels qu'amateurs. Nos 1 700 clubs maillent la promotion de notre sport sur l'ensemble du territoire métropolitain et outre-marin. Je rejoins Victoriano Melero sur l'importance des bénévoles : il n'y aurait pas de volleyball professionnel sans leur contribution dans chaque club.
Votre mission, très riche et très large, doit également appréhender les équipes nationales. Au-delà des besoins récurrents des clubs professionnels, ceux des équipes nationales lors des rencontres amicales et des tournois sont importants. Par leur rayonnement et selon les villes choisies, ces matchs assurent une animation territoriale. Nous comptons huit équipes nationales, depuis les moins de 16 ans jusqu'aux équipes A, en plus du beach-volley. Nous nous félicitons de la dynamique actuelle de nombreuses collectivités dans la création d'arénas d'environ 5 000 places pour accueillir des rencontres de volleyball. Depuis 1986, la France n'a pas organisé de compétitions européennes. Les investissements réalisés à Trélazé et peut-être à l'avenir à Dunkerque et à Bordeaux, permettraient d'accueillir prochainement une manifestation internationale comme le souhaite la fédération à l'issue de la Heider Cup - le handball et d'autres sports bouchant l'horizon d'ici-là.
Le recours aux nouvelles salles est très important dans la relation que nous instaurons avec les collectivités et les clubs, pas seulement professionnels. En volleyball, la saison s'étend du 15 mai au 15 novembre. Le partage avec les clubs est ainsi particulier. Je le répète, les équipes nationales sont très importantes, notamment sur les questions de redevance, d'accompagnement ou d'animation, évoquées lors d'une précédente commission.
La mission citée par Jean-Pierre Siutat a débouché sur d'excellentes propositions quant à une réforme des circulaires liées aux subventions, à la présentation d'un compte d'emploi des subventions ou encore à la mise à plat des questions de redevances. Nous souscrivons à ces propositions. Nous sommes toutefois plusieurs ici à partager diverses observations sur des mesures plus contestables portant sur les formes de régulations du sport professionnel et de haut niveau. La fédération est une institution possédant une mission de service public par délégation de l'État. La régulation est effectuée au quotidien à travers les conseils prodigués aux clubs, aux collectivités - sur les modalités de constructions de salles - mais également par la direction nationale du contrôle de gestion (DNCG) - en place depuis 1987 dans le volleyball.
M. Stéphane Mazars, rapporteur . - Je vous remercie pour votre présence ainsi que pour vos propos liminaires. Cette mission porte sur la relation entre les collectivités territoriales - préoccupation chère au Sénat - et le sport professionnel. Surveillez-vous le sport professionnel ou déléguez-vous cette tâche aux ligues ? Pouvez-vous dresser, pour chaque discipline, le partenariat type entre une collectivité et un club en termes d'infrastructures - mise à disposition, redevance - et de financement ? J'entends la notion de « collectivité » au singulier comme au pluriel.
M. Jean-Pierre Siutat . - Dans le basketball, nous déléguons la gestion du haut niveau à la ligue. La division féminine est directement gérée par la fédération à travers une commission dédiée. La régulation et le contrôle de gestion sont réalisés par la ligue. Nos liens sont, bien sûr, très étroits ; nous nous réunissons tous les quinze jours au sein d'une commission mixte.
Les relations entre les clubs et les collectivités sont diverses. La clause de compétence générale amène les collectivités à agir dans tous les domaines. Les équipements sont utilisés en contrepartie d'une contribution payante. Des éducateurs sont mis à disposition dans le secteur amateur et les collectivités versent une subvention traditionnelle de fonctionnement. Une agglomération ne possédant pas de compétences en sport peut participer au financement à travers les prestations de services - visibilité, places, lien social. Les clubs perçoivent par ailleurs une aide au travers de la formation, souvent versée par le conseil régional.
D'autres pays, tels que l'Allemagne, ont renversé la situation : le propriétaire loue les services d'un club, ce qui assure à ce dernier un budget ainsi que des événements dans la salle. Il n'y a pas de raison que nous ne puissions pas adopter un tel système.
M. Pierre Camou . - La ligue professionnelle gère trente clubs. Nous avons, dans la douleur, signé une convention au mois de décembre. Les difficultés rencontrées s'explique par la mise en exergue des équipes de France, quel que soit le sport. L'équipe nationale est constituée de joueurs fournis par le monde professionnel, ce qui crée des problèmes de mise à disposition. La fédération doit servir la France : les clubs ont-ils ce même devoir ?
Le Top 14 et la Pro D2 ont délégation pour gérer le championnat. Le conseil supérieur conserve le suivi financier des clubs. Les subventions publiques représentent 6 % du budget des clubs du Top 14 et 12 % en Pro D2. Les partenariats apportent près de 50 % des revenus. La part restante provient de la billetterie.
Deux clubs sont propriétaires de leurs enceintes : Clermont-Ferrand et Toulouse. D'autres souhaitent en construire. Le rugby est souvent un sport de ville moyenne, de préfecture voire de sous-préfecture. Les relations avec les élus sont différentes et fluctuantes, selon notamment l'histoire du club et son ancrage dans la collectivité. Les relations sont souvent bonnes, car le club fait connaître sa cité. Il n'existe pas de forme unique. Le conseil municipal est responsable devant ses électeurs de l'argent public qu'il dépense. La relation dépend donc des résultats du club. Je rejoins vos interrogations sur le rattrapage des déficits et les décisions qui doivent être prises quant à la poursuite des subventions.
M. Joël Delplanque . - Nous comptons dix clubs féminins professionnels - douze à compter de la saison 2016/2017 - et quatorze clubs masculins. La ligue masculine a été créée après les championnats du monde 2001 et la ligue féminine après les championnats 2007. Le championnat féminin compte deux sociétés sportives, contre dix chez les hommes.
La régulation est déléguée par convention à la ligue. La signature n'a pas été simple non plus, mais probablement plus que dans le rugby. Dans cet effort de régulation, nous avons ressenti le besoin de faire converger les procédures. La ligue et la fédération souhaitent ainsi créer une commission nationale de contrôle commune. Il s'agit actuellement d'une simple déclaration d'intention. Ces dispositions faciliteront l'accession et la relégation des clubs. Pour les préparer à l'accession au professionnalisme, nous avons créé un dispositif intermédiaire ouvert aux clubs volontaires afin que la marche ne soit pas trop haute.
Les difficultés de gestion au quotidien avec les collectivités sont liées à la mise à disposition des installations. Les conflits de calendrier sont gérés autant que faire se peut, mais la planification est difficile. Les impératifs audiovisuels sont également difficiles à gérer. Dans les sports en salle, le tapis est important pour le spectacle sportif. Son installation, son nettoyage et sa désinstallation requièrent du temps. Le problème des tracés nous soucie également. Les installations sportives ayant généralement une vocation éducative, elles sont prioritairement bâties pour les éducateurs. Nous nous heurtons ainsi aux exigences du spectacle sportif, notamment en termes d'éclairage.
Nous délocalisons de plus en plus d'événements afin de nous tourner vers des salles possédant des capacités d'accueil plus adaptées à des matchs importants - finales, derbies. Nous devons imaginer la carte idéale des équipements sportifs répartis sur l'ensemble du territoire. Le sport ne rapporte pas au gestionnaire. Notre modèle économique nous oblige à disposer de ces équipements pour être compétitifs au niveau européen. Sinon, nous devons renoncer. Je comprends que les coûts sont importants, mais pourquoi ces équipements existent-ils à l'étranger ?
M. Victoriano Melero . - Dans le football, les compétitions professionnelles masculines ont été déléguées à la ligue de football professionnel. Le lien institutionnel entre la fédération et la ligue est particulièrement fort. Le président de la ligue siège au comité exécutif de la fédération et inversement. Les clubs professionnels participent aux assemblées générales de la fédération à hauteur de 33 %.
La convention établit également des liens financiers, avec une contribution de 16 millions d'euros du football professionnel à la fédération à travers le fonds d'aide au football amateur. Des actions communes sont menées par la fédération, la ligue, l'Union des clubs professionnels de football (UCPF) et l'Union nationale des footballeurs professionnels (UNFP), notamment pour sensibiliser les jeunes au fair-play .
Il n'existe pas de convention type. Les relations dépendent des particularités locales. Les propriétaires du Paris Saint-Germain aimeraient avoir la propriété du Parc des Princes. Certaines collectivités souhaiteraient se débarrasser de cette propriété, ce qui n'est pas le cas à Paris. Le stade de Lens repose sur un bail emphytéotique tandis que Lille a opté pour un partenariat public-privé (PPP) et Lyon pour un financement privé partiellement garanti par les collectivités locales. Les considérations locales décident du modèle le plus approprié.
Nous constatons toutefois, dans les stades rénovés et nouveaux, une augmentation importante des loyers payés par les clubs à la collectivité. Aujourd'hui, malgré sa nouvelle infrastructure, Lille ne dégage pas de bénéfice substantiel compte tenu notamment du loyer conséquent défini à la conclusion du PPP.
M. Arnaud Dagorne . - Les trois divisions professionnelles sont déléguées à la Ligue. Depuis 1987, le contrôle de gestion est organisé sur le modèle du football, avec une instance pour les clubs professionnels, une instance pour les clubs fédéraux et une commission d'appel commune à la fédération et à la Ligue. Les membres qui composent cette commission sont indépendants et possèdent des compétences techniques (experts-comptables, commissaires aux comptes, juristes). La fédération et la ligue mettent à disposition des ressources humaines. Le contrôle est très strict.
Compte tenu de nos moyens modestes, nous n'entrons pas dans les nouveaux financements du sport. Tours, le premier club de volleyball français, possède le plus fort ratio de participation publique avec 45 % de ses fonds issus du public. Ces ratios sont très élevés dans les clubs, car nos salles ne sont pas suffisamment accueillantes, malgré des matchs de bonne qualité. De plus, nous ne bénéficions pas de recettes issues des droits TV. Au contraire, les clubs doivent s'acquitter de 50 000 euros de droits de production pour participer à la compétition européenne. La fédération et la ligue contribuent à l'existence d'une chaîne française pour diffuser ces matchs et permettre la qualification des clubs. Notre économie, comme celle de l'équipe nationale, est vraiment différente des autres sports. Lors de notre qualification en janvier pour les championnats du monde, beIN SPORTS a pris à sa charge les frais de production - ce qui est rare dans le volleyball. Nous n'avons toutefois bénéficié d'aucun droit de retransmission et avons payé une redevance à la Mairie de Paris pour la mise à disposition de la Halle Carpentier.
L'économie générale repose sur la billetterie et les partenariats privés. Les collectivités sont des partenaires privilégiés pour les clubs. Nous jouons un rôle de formation - à travers 25 centres professionnels - et d'animation avec les jeunes. Les équipements sont mis à disposition en échange de redevances, dans des proportions moindres que celles constatées dans d'autres sports.
M. Stéphane Mazars, rapporteur . - Nous notons l'émergence d'un sport spectacle. Il ressort de notre mission et de vos propos, que le modèle économique repose sur une maîtrise des infrastructures. L'aléa sportif est-il compatible avec les impératifs financiers ?
Nous entendons également que les salles doivent recevoir des rencontres sportives, mais également des concerts et tout événement permettant d'accroître les ressources. Est-ce véritablement tenable ? Les artistes à même de remplir de grandes salles étant peu nombreux, la capacité à générer des profits n'est-elle pas un leurre ?
La situation en France est souvent comparée à ce qui se fait à l'étranger. En Allemagne, en Angleterre ou aux États-Unis, les infrastructures sont modernes et remplies en permanence, ce qui permet de générer des profits. Le public français est-il comparable avec ces publics ? Les Français consomment-ils autant de spectacles sportifs que leurs homologues étrangers ? Ne sommes-nous pas davantage diversifiés dans nos choix ? Lorsqu'ils évoluent en seconde division, les clubs de football allemands attirent toujours 15 à 20 000 spectateurs par match, ce qui n'est pas le cas en France. Au-delà de l'inconfort, l'affluence en France semble très liée aux résultats.
M. Joël Delplanque . - L'aléa sportif est consubstantiel au sport. Supprimer l'aléa, c'est supprimer le sport.
M. Michel Savin, président . - Peut-on réduire cet aléa ?
M. Joël Delplanque . - Il se régule au travers des contrôles économiques. Nos activités sont structurées et nos ressources diversifiées. Sans une salle adéquate, il est impossible d'être attractif pour un nouveau public.
Les zéniths se multiplient. À l'étranger, tous les équipements sont réunis au sein d'une structure. En France, les clubs coûtent de l'argent. Aussi, avant de construire un équipement, une collectivité locale ou un investisseur privé mènent des études de marché. À Montpellier, Georges Frêche a souhaité construire une aréna en constatant que le zénith et le parc des expositions n'étaient plus à même d'accueillir de grands rendez-vous - concerts, salons - et que le club de handball était champion d'Europe à l'époque. Le sport n'est arrivé qu'en troisième position dans la réflexion. La convention prévoit que le club de handball joue seulement cinq à six fois par an dans l'enceinte. Le maître d'oeuvre doit définir ce modèle économique avec la collectivité ou l'investisseur privé, au bénéfice de la pérennisation du club.
Les salles de 3 à 5 000 places sont souvent exclusivement sportives. La question de la multifonctionnalité se pose à compter de 7 000 places. L'Arena de Cologne est une référence en Europe. Elle accueille 160 événements par an, majoritairement non sportifs. Nous devons réfléchir à la construction d'une salle par région ou par grande région afin de pérenniser nos clubs et être concurrentiel à l'échelon international.
M. Stéphane Mazars, rapporteur . - Que pensez-vous de la capacité du public français ?
M. Joël Delplanque . - Qui aurait imaginé que Stade Toulousain-Racing Metro remplisse le Stade de France ? Montpellier-Nîmes en première division de handball a rempli l'aréna de 8 000 places. L'enjeu combiné à un équipement de qualité permet d'attirer le public.
M. Jean-Pierre Siutat . - Nous nous sommes posé la question de l'aléa sportif sur le plan européen. L'éventualité d'une ligue fermée est rejetée.
En France, nous mettons en place des labels clubs qui imposent une charte qualité. Nous testons également des Wild Cards . En dehors des montées et descentes traditionnelles, nous suggérons les projets économiques de clubs de Pro B dont nous estimons qu'ils possèdent les capacités nécessaires pour accéder à la Pro A. Cette mesure a été reprise dans le cadre de la mission d'évaluation. Nous envisageons également de modifier le nombre de relégations et d'accessions. Chez les filles, nous allons passer à une seule descente afin de sécuriser les clubs et d'organiser l'avenir. Enfin, nous étudions la possibilité d'organiser des licences. Les collectivités territoriales s'intéressent à une équipe lorsque celle-ci est au plus haut niveau. Or, il arrive qu'un club soit relégué le temps que sa salle soit construite. Aussi, nous proposons que le système de licence raccourcisse le temps de latence.
Bercy constitue la seconde plus grande salle de basketball en France, mais la 156 e en Europe. Nous avons insisté avec Joël Delplanque pour récupérer la salle démontable de Londres de 16 000 places, à vendre pour 15 millions d'euros. Cette proposition n'a pas été suivie d'effet. La décentralisation a permis de belles choses, le pouvoir de décision et le monde sportif se sont rapprochés. Nous avons dépensé trop d'argent dans le fonctionnement. En générant des équipements avec ces fonds, nous ne serions pas dans cette situation aujourd'hui. Les budgets des clubs ont augmenté avec la masse salariale des joueurs. Nous avons créé une filière de personnes - les agents - qui nous posent aujourd'hui des problèmes.
Chaque fois que les événements sont attractifs, les salles sont remplies. Nous refusons du monde lors des matchs des équipes de France. Nous pourrions remplir des salles de 30 000 places. Nous ne sommes pas plus bêtes que les autres.
M. Victoriano Melero . - L'aléa sportif est effectivement consubstantiel au sport. Des systèmes d'aide à la relégation sont en place dans le football. Des problèmes de gestion sportive sont toutefois inhérents aux clubs concernés. Nous entendons souvent que, pour un club comme l'Olympique Lyonnais, une non-qualification pour la Ligue des champions correspond à une relégation. Le club n'est pourtant pas en dépôt de bilan.
La France n'hésite pas à financer des zéniths et à établir des régimes particuliers pour les artistes. Dès que le spectacle devient sportif, ces dispositions disparaissent. L'évolution sur le droit à l'image collectif a été abandonnée du jour au lendemain, laissant aux clubs un manque à gagner de plus de 40 millions d'euros. Les mesures ne sont pas accompagnées de manière pérenne. Les rapports se suivent - Seguin, Denis et bientôt Glavany - et les recommandations sont toujours similaires, mais jamais mises en oeuvre. L'Olympique Lyonnais s'est introduit en bourse en 1999 dans l'optique de construire son stade : la première pierre a été posée en novembre 2013. La situation économique du club est, de fait, compliquée. Si, comme à Arsenal, le stade avait été construit dans les cinq années qui ont suivi, il pourrait aujourd'hui rivaliser avec Paris ou Monaco. Tout le monde a conscience que le sport est devenu spectacle, mais nous ne donnons pas les outils permettant de répondre au sport du XXI e siècle.
M. Pierre Camou . - Le délai entre la décision et l'action est effectivement long. Je pense qu'il ne faut pas, dans une communauté, investir uniquement pour un sport. Il convient de se demander pourquoi nous investissons, comment nous investissons et quel est l'équipement général disponible dans la cité. Tout le monde est demandeur, au-delà du monde sportif. La multifonctionnalité fonctionne, mais elle ne doit pas reposer sur le sport.
Je suis mal placé pour répondre sur l'aléa sportif, car nous sommes le seul sport à en être dépourvu. En tant que fédération française de rugby, je joue le tournoi des six nations. Même en terminant dernier une année, je suis toujours présent l'année suivante. Je sais que je reçois l'Angleterre et l'Irlande tous les deux ans et je connais mon calendrier jusqu'en 2019. La problématique de l'aléa sportif est vraie pour les collectivités, mais également pour les financeurs privés qui demandent un plan à moyen et long terme. Des propositions sont émises afin de posséder une visibilité sur le capital, immobilier ou financier.
Je suis partisan de la politique de l'offre et de sa qualité. L'offre que nous proposons, la façon dont nous la construisons et le bonheur qu'ont les gens à venir dans une enceinte sportive pour autre chose que le spectacle sportif, sont des éléments clés. La réflexion sur ce point doit être commune. Elle concerne les collectivités, les clubs et les fédérations.
M. Arnaud Dagorne . - L'aléa sportif permet de sanctionner, en dehors de la DNCG, des choix de gestion qui conduisent les clubs à descendre. Certains dirigeants, par leurs décisions et parfois par leur entêtement, mènent leur équipe à la relégation. Si ces gens ne sont jamais sanctionnés, ils ne laissent pas leur place. Le Stade Français ne serait jamais revenu à ce niveau si les portes étaient restées fermées depuis le début de la ligue professionnelle.
S'agissant de la diversification des ressources et de la multifonctionnalité, je pense que des choses bien plus terre-à-terre doivent être conçues avec les architectes et les contributeurs au sein des collectivités : les salles de réception, à dimension raisonnable selon la localité de l'équipement. Lorsque Georges Frêche et son agglomération financent un stade sans donner la gestion de la brasserie au club, ils cultivent un certain mode de financement.
Le volleyball n'a pas besoin de salles. La simple rénovation de certaines structures - éclairage, électricité - annexes aux équipements existants suffit pour diversifier les ressources. Nous pourrions ainsi accueillir la collectivité, une direction de service ou des entreprises pour un séminaire ou une rencontre avec les joueurs. Avec une facturation raisonnable, ces fonds additionnels réduiraient le taux de subvention. L'activité de séminaire liée au sport est importante ; certaines fédérations l'ont compris.
Pour attirer les spectateurs au spectacle sportif, le club doit réfléchir à une logique d'investissement, ce qui n'est pas nécessairement le cas dans le fonctionnement associatif des clubs. Le volleyball possède peu de sociétés sportives, mais lorsque vous avez la volonté d'investir, d'animer votre territoire et de présenter les manifestations proposées aux étudiants, aux comités d'entreprises et aux entreprises, vous pouvez intéresser et faire venir des spectateurs.
Nous avons joué, il y a trois semaines, à la Halle Carpentier le tournoi qualificatif aux championnats du monde. La région Île-de-France nous a demandé comment nous entendions favoriser la réussite populaire de l'événement. Nous avons diffusé l'information à l'ensemble de nos clubs et de nos licenciés et investi en spots radio et en affiches dans le métro, pour un budget de plusieurs milliers d'euros. Grâce à ce dispositif, nous avons fait salle comble le samedi et le dimanche. Les collectivités territoriales sont de plus en plus exigeantes quant aux actions des organisateurs pour parfaire la manifestation. Grâce à cette logique d'investissements, aux équipements et à des animations dignes du spectacle proposé, les résultats sont positifs. Le faire savoir est aussi important que le savoir-faire.
Mme Michelle Demessine. - Cette discussion est très intéressante. Je rejoins les propos de Jean-Pierre Siutat. Les collectivités sont davantage placées dans l'accompagnement que dans la définition du projet, ce qui explique sans doute que nous nous trouvions dans cette situation. Les structures et organisation sont en cause. Nous sommes partenaires, mais nous ne décidons pas ensemble. Aujourd'hui, nous ignorons l'ambition de la France en matière de développement du sport professionnel. Or, les collectivités pourraient s'y rapporter pour réfléchir. Il ne s'agit pas d'une critique ; le sport est ainsi organisé.
Toutes les questions tournent autour des équipements et des moyens financiers par rapport à une ambition européenne. Peut-on vivre un championnat national sans ambitions européennes ? Nous parlons beaucoup de l'excellence des pays européens, mais leur organisation du sport est très différente. Nous sommes excellents en matière de formation et de proximité, ce que nous ne retrouvons pas à l'étranger. Nous n'avons jamais réellement approché ce paradoxe. Compte tenu des investissements engagés, les élus se posent de nombreuses questions. Il est nécessaire de leur expliquer les raisons de ces besoins parfois jugés pharaoniques et les objectifs fixés pour le sport et pour le pays.
Nous avons peu évoqué le secteur économique. Les différences avec le reste de l'Europe sont également marquées sur ce point. Leur secteur économique est bien plus engagé financièrement dans le sport professionnel. Peut-être n'arrivons-nous pas à définir une ambition plus globale.
M. Jean-Pierre Siutat . - En France, tout le monde et finalement personne ne s'occupe du sport. Le Comité olympique, dont je suis vice-président, a mené cette réflexion. Qui est décideur ?
Les comparatifs du haut niveau avec l'international sont effectivement courants. Notre tissu associatif est extraordinaire en France ; nous devons le mettre en avant. Ce tissu existe car le haut niveau est performant. Dans le même temps, les équipes nationales réussissent grâce aux bonnes performances des clubs. Les niveaux ne peuvent pas être dissociés. Nous ne pouvons toutefois pas tout faire. Les ressources et les territoires doivent être optimisés.
M. Joël Delplanque . - Le Sénat, maison des collectivités locales, a souvent été l'endroit dans lequel les fédérations sportives ont été le mieux entendues. Vous nous interrogez sur le sport professionnel, mais l'ambition de nos fédérations est d'abord d'offrir le sport à tous.
Nos 36 000 communes et notre fort pouvoir fédéral nous distinguent de nos voisins. Nous attendons votre aide dans la réflexion sur les équipements, très structurants pour la pratique du haut niveau comme pour le sport de masse. Les citoyens ont des exigences de plus en plus grandes et se tournent vers des équipements privés lorsqu'ils en ont les moyens. Les équipements publics restent rustiques, car ils sont principalement dédiés au scolaire. Lorsque nous souhaitons les utiliser pour le spectacle sportif, nous nous heurtons aux problématiques d'éclairage et de tracés.
Un concept de plan organisant le territoire afin de fournir les équipements adéquats est envisageable. La multifonctionnalité est portée par le concept d'aréna. Les salles de 4 000 places sont plus facilement gérées en régie directe, à condition que les équipements soient adaptés à des événements quotidiens et, au-delà, internationaux. Le renoncement à une coupe d'Europe permettrait d'économiser 200 000 euros dans notre sport. Il est pourtant impossible de refuser de se confronter dès lors que nous sommes des compétiteurs.
M. Alain Néri . - Ce sujet nous préoccupe depuis des années. Les rapports parviennent toujours aux mêmes résultats, puisque les personnes interrogées sont toujours les mêmes.
Pierre Camou évoquait les clubs, mais il s'agit désormais de sociétés ayant un objet sportif. La loi prévoit que le logo et le nom demeurent la propriété du club.
Vous indiquez par ailleurs que le rugby est un sport de préfecture, mais la composition du Top 14 montre le contraire. Il est compréhensible que les investissements incitent à réduire les risques, mais la suppression de l'aléa sportif pose problème.
En tant que représentants des fédérations, vous avez la charge de l'organisation du sport en France. Il s'agit d'une mission de service public. Le sport de haut niveau, le sport amateur et le sport de masse se nourrissent les uns des autres. Le sport professionnel est régi quasiment entièrement par l'argent, avec des dérives notables dans certaines disciplines - visibles dans les montants des salaires et des transferts. La pérennité du sport me préoccupe. L'argent qui circule à flots dans certaines disciplines nous amène à ne plus savoir quelle équipe représente notre cité. Plus aucun joueur n'est originaire de la région. La structure des clubs intermédiaires se pose. La situation est paradoxale, notamment en rugby, avec des joueurs sélectionnés en équipe de France, mais remplaçants dans leur club. Les joueurs formés en France ne jouent pas au plus haut niveau alors qu'ils ont été champions du monde espoir. Nous pencherons-nous un jour sur l'avenir des clubs intermédiaires ? Sans spectateur et sans sponsor, les clubs reposent entièrement sur les collectivités locales, qui sont alors confrontées à un choix entre les clubs intermédiaires ou le sport de très haut niveau.
M. Pierre Camou . - J'aurais souhaité vous avoir à mes côtés lors des discussions sur notre convention.
Le rugby se diversifie. Aujourd'hui, les clubs de préfectures et de sous-préfectures souffrent, notamment dans le pays basque. Il convient de distinguer les personnes qui se rendent au match lorsque le club évolue dans l'élite et les supporters. Ces derniers restent. 5 000 personnes étaient présentes à Montauban il y a quelques jours, alors que le club rencontrait Rodez dans un match de Fédéral 1.
Un amendement a été présenté afin de rompre le lien entre l'association et la structure professionnelle. Heureusement, celui-ci a été rejeté par l'Assemblée nationale. La convention entre l'association support et la section professionnelle doit être validée par la Préfecture et par l'État. Je partage vos propos. L'équilibre est instable. Les actionnaires sont là, mais pour combien de temps ? Que devient le club une fois qu'ils sont partis ?
M. Michel Savin, président . - Ma question s'adresse aux présidents des fédérations de basketball, de handball et de volleyball. La fédération française de rugby travaille sur un projet de stade : imaginez-vous travailler ensemble à la construction d'un équipement de grande jauge à partager à trois ?
M. Joël Delplanque . - À Paris, notre souci est commun. Coubertin est inadapté aux normes internationales et Bercy s'avère parfois trop grand pour nos événements. Nous militons pour une salle d'au moins 10 000 places en Île-de-France. Afin de porter un projet à l'international, il est important que la salle se trouve à proximité de Paris compte tenu de l'attractivité de la ville. Le raisonnement serait le même en région, sur une carte que nous étudierions en fonction des clubs présents dans nos disciplines.
M. Jean-Pierre Siutat . - Paris peut absorber les compétitions organisées par les clubs, les fédérations et les instances internationales pour nos trois sports. L'aménagement du territoire empêchera une concurrence au haut niveau sur une même salle.
En réponse à M. Néri, je rappelle que nous ne sommes pas responsables de l'arrêt Bosman. Nous ne pouvons plus parler de nationalité. Il est difficile pour nos équipes de protéger le produit de notre formation. En basketball, les joueurs partent aux États-Unis ou en Europe, où ils sont mieux payés. Nous serions ravis de jouer avec les purs produits de notre formation.
M. Joël Delplanque . - Nous attendons avec impatience la convergence fiscale et sociale en Europe. Les inégalités sont tangibles.
M. Stéphane Mazars, rapporteur . - La question du président porte sur la possibilité pour vos trois fédérations de porter un projet de salle et d'en être les gestionnaires, comme la fédération française de rugby souhaite le faire.
M. Jean-Pierre Siutat . - Nous avions ce projet, il y a quelques années, mais nos équipes nationales sont installées à l'Institut national du sport, de l'expertise et de la performance (INSEP), où les investissements ont été importants. De plus, une telle structure pourrait amener à délaisser les territoires.
M. Joël Delplanque . - Le projet portait sur une salle à Colombes. Il n'a finalement été proposé qu'au handball, avant de se heurter à son modèle économique. Nous avons besoin très rapidement d'un équipement intermédiaire à Paris. Cette salle fait gravement défaut à nos clubs et à l'échelon international. Au-delà de nos trois fédérations, des sports tels que le karaté pourraient en profiter.
M. Pierre Martin . - Pour qu'un sport se développe, il doit bénéficier de l'aura d'une équipe, d'équipements et de la collectivité.
Le football allemand est actuellement au sommet. À Munich comme à Dortmund, la majorité des joueurs sont allemands ; ce n'est pas le cas en France. Les basketteurs partent en NBA ( National Basketball Association ), les footballeurs partent en Angleterre et en Espagne. Nos équipes nationales sont parfois constituées uniquement de joueurs évoluant à l'étranger. Les championnats français perdent certainement en attractivité. La situation est inverse dans le rugby, où les joueurs étrangers viennent en France. Un autre problème se pose alors pour l'équipe nationale puisque certains postes sont majoritairement occupés par des étrangers dans les clubs.
Que faut-il changer pour être aussi attrayant que les championnats de football anglais, espagnols ou italiens ? Le PSG possède des joueurs vedettes. Le club remplit les stades, à Paris comme en dehors, et les remplirait probablement s'ils étaient plus grands.
M. Victoriano Melero . - L'excellence de la formation à la française est une bonne nouvelle. Après l'Amérique du Sud, nous sommes le premier pays exportateur de joueur. Ce point démontre l'unité du football amateur et professionnel.
Les marchés anglais ou espagnols proposent des conditions économiques plus favorables, ce qui explique le départ des joueurs. La fédération anglaise de football a par ailleurs adopté une stratégie de vente des droits TV à l'étranger qui assure d'importants revenus. En Allemagne, cet avantage économique est dû à la réfection des stades, au travail de formation inspiré du modèle français et à un montant de charges sociales dix fois inférieur.
Les stades doivent être rénovés pour que nous puissions nous améliorer. L'absence de concertation entre les collectivités locales, les clubs et les exploitants pose toutefois problème. L'exploitant, au-delà du sportif, possède une vision économique. La volonté de multiplication des ressources crée des tensions entre le club résidant et le propriétaire. Vous évoquiez le spectacle sportif ; nous devons réfléchir sur le régime existant afin de le transposer au sport professionnel.
M. Joël Delplanque . - Les équipements doivent être la priorité.
M. Michel Savin, président . - Le besoin est réel pour les sports de salles. Les stades de football et de rugby sont-ils adaptés pour recevoir les compétitions internationales ?
M. Victoriano Melero . - Non, mais nous espérons qu'ils le seront pour 2016.
M. Pierre Camou . - Nous partageons uniquement le Stade de France, que nous ne pourrons pas utiliser pour la finale du Top 14 en 2016 en raison de l'Euro. J'espère que la rencontre se déroulera en France.
Dans des villes moyennes, certains équipements ont besoin, a minima , d'être améliorés, principalement pour le confort du spectateur. Il ne s'agit pas nécessairement de tout reconstruire.
M. Jean-Pierre Siutat . - Je vous encourage à vous rendre à l'O2 Arena de Londres ou dans une salle de NBA pour constater que nous ne sommes pas au niveau. Dès lors que nous payons autant de charges sur les salaires avec un budget de 4 millions d'euros, nous ne pouvons pas être compétitifs sur le plan européen. Les salles génèrent des revenus.
M. Arnaud Dagorne . - En volleyball, la Pologne compte cinq fois plus de licenciés que la France. Nous étions au même niveau il y a cinq ans, mais elle a construit des équipements et mené une politique fédérale aboutie. La Pologne vient d'accueillir les championnats d'Europe et organisera les championnats du monde en 2014, dans quatre salles de 20 000 places. Le volleyball est devenu le premier sport du pays, devant le football. Les choix en termes d'équipements sont importants, car ils constituent le moteur du développement d'une discipline.
M. Stéphane Mazars, rapporteur . - Les élus se plaignent souvent des normes nationales ou internationales imposées par les fédérations sur les équipements. Est-ce réellement une réflexion que vous menez ? La portez-vous au niveau européen ? Le dialogue pourrait-il être amélioré avec les collectivités locales sur ce point ?
M. Joël Delplanque . - Dans le handball, les relations sont perturbées par le nettoyage des sols, la cohabitation mais surtout l'utilisation de colle. Avec la fédération internationale, nous travaillons avec un nouveau partenaire pour imaginer une autre qualité de sol permettant d'éviter l'usage de colle, parfois objet d'arrêtés municipaux.
M. Jean-Pierre Siutat . - La ligne des trois points a été reculée à la demande de la fédération internationale afin d'améliorer le jeu au haut niveau. Cette disposition a fait l'objet de beaucoup de débats et a posé problème en France, car les coûts sont à la charge des collectivités. Nous avons négocié un étalement sur quatre ans de la mise aux normes.
Je me bats pour que toutes les modifications demandées ne passent pas, telles que l'abaissement du cercle dans le basketball féminin.
M. Stéphane Mazars, rapporteur . - Les médias imposent parfois leurs règles pour les retransmissions. Les fédérations sont-elles attentives à ce point ? Parvenez-vous à vous faire entendre dans les négociations ?
M. Arnaud Dagorne . - Pour les événements majeurs, les clubs et les équipes nationales amènent leur propre sol afin qu'il soit adéquat à la pratique du volleyball. Les clubs et la fédération investissent dans chaque manifestation. Entre les hommes et les femmes, seule la hauteur du filet change.
S'agissant des besoins télévisuels, nous développons depuis un an un dialogue avec l'Association nationale des élus en charge du sport (ANDES) pour que les évolutions soient pluriannuelles. Il est nécessaire que les engagements budgétaires soient lisibles. J'ai constaté dans le rugby de bonnes pratiques avec les diffuseurs pour étaler ces évolutions. Les collectivités, en ne consultant pas suffisamment les fédérations et les ligues, engagent toutefois des frais inutilement. La ville de Mont-de-Marsan, sans avertir ni la ligue, ni Canal+, a installé des loges et une plate-forme télévisuelle qui ont dû être revues durant l'été à la suite de la montée du club.
Les responsabilités sont réciproques. L'ANDES doit dialoguer avec l'ensemble des fédérations pendant que nous poursuivons notre structuration afin de répondre à vos exigences. Les avancées dans les fédérations sont visibles depuis quinze ans.
M. Victoriano Melero . - Une discussion existe avec les médias. Certaines contraintes sont inhérentes à la retransmission. Si le niveau de lux nécessaire n'est pas atteint, une diffusion en prime time est impossible. En coupe de France, les choix des stades sont dictés par la possibilité ou non d'assurer une telle retransmission.
S'agissant des normes plus générales, un rapport sur l'inflation normative a été remis par le maire du Mans, Jean-Claude Boulard. Nos normes portent davantage sur la taille des vestiaires et sur l'espace alloué aux arbitres. La fédération a décidé de geler ces éléments pour les deux années à venir. Un système dérogatoire prend par ailleurs en compte les contraintes économiques immédiates et n'oblige pas la collectivité à investir dès qu'un club est promu. De plus, le décret modifié d'avril 2013 oblige à passer devant le Conseil national du sport (CNS) avant de faire évoluer une norme qui impacterait les collectivités.
M. Stéphane Mazars, rapporteur . - Les intérêts du monde sportif, des collectivités locales et des diffuseurs sont contradictoires. La création d'une haute autorité vous semble-t-elle pertinente ?
M. Victoriano Melero . - Beaucoup d'autorités cohabitent déjà, en lien avec les collectivités, le monde sportif ou les deux. Je ne crois pas que l'ajout d'une nouvelle instance règle les problèmes. Les textes permettent aux autorités de contrôler les agissements. La Cour des comptes a mis en exergue l'absence de contrôle des autorités préfectorales dans les relations entre le club, la société anonyme à objet sportif (SAOS) et l'association support. L'État possède les outils pour contrôler la nature des relations entre le sport professionnel et le sport amateur, mais ne les utilise pas. Si un lieu de communication et d'échanges s'avère nécessaire, il est préférable de créer une commission aux instances existantes.
M. Alain Dufaut . - Nous avons récemment rencontré le cas d'un club promu en première division, à qui il a été demandé d'augmenter la capacité du stade de 6 000 à 17 000 places afin de pouvoir jouer en Ligue 1. Les collectivités ne respectent pas toujours les règlements d'appel à la concurrence, ce qui les met en difficultés. Les travaux ont coûté 8 millions d'euros. Le club, mal préparé, a été relégué dès la première saison. Aujourd'hui, 2 000 spectateurs assistent à chaque match en moyenne. Il est nécessaire d'améliorer le système dérogatoire pour au moins deux ou trois ans. Les investissements publics sont lourds. Les citoyens ont l'impression que l'argent pourrait être mieux utilisé, y compris dans le domaine sportif.
M. Victoriano Melero . - Le système dérogatoire de la fédération vaut jusqu'au national. La ligue de football professionnel a mis en oeuvre une licence club qui établit des prérequis. Ces derniers participent au spectacle sportif. Le club doit avoir les moyens d'intéresser les diffuseurs pour retransmettre les matchs. Les contraintes sont lourdes, mais elles s'inscrivent dans la logique du développement. Lorsque vous recevez le PSG, il est important d'avoir un minimum de places dans l'enceinte sportive afin de donner toute sa puissance au spectacle.
M. Pierre Martin . - Avec l'AMF, nous avons reçu la fédération française de football il y a deux ans. La fédération décide de la taille des stades et des équipements nécessaires, sans demander son avis au partenaire - souvent la collectivité. Nous avons fortement progressé. La fédération ou la ligue ne peuvent pas imposer ces contraintes aux clubs sous peine de relégation. Dans le cadre d'un partenariat avec les collectivités, il est important d'avoir des règles communes acceptées. Je vous encourage à poursuivre cette harmonisation. Les mesures dérogatoires vont dans le bon sens.
Alain Néri évoque les étrangers qui évoluent en France ; j'ai mené une enquête sur ce sujet. Nos joueurs quittent les clubs français à 17 ans - Varane, Pogba, Griezmann. Il semble qu'il n'y ait pas de rupture entre ce que nous attendons pour ces joueurs et ce qu'ils vivent. Dans le même temps, nous recueillons des joueurs africains de 15 ou 16 ans, que nous retrouvons sans-papiers trois ans plus tard. Les fédérations doivent se pencher sur cette question. Après un passage en Belgique ou aux Pays-Bas, les joueurs reviennent et une dérogation est demandée à la fédération et à la préfecture. Un vrai problème se pose, à la fois social et dans l'image que nous donnons du sport.
M. Alain Néri . - Les équipements doivent être planifiés. Une salle peut être utilisée pour plusieurs sports, ce qui n'est pas le cas des stades. Auparavant, le Parc des Princes comprenait une piste cycliste et une piste d'athlétisme en plus du terrain. Les pistes éloignant les tribunes, la qualité du spectacle ne répond plus aux besoins. De plus, la succession des matchs abîme la pelouse.
La création d'une haute autorité ne me semble pas pertinente. Nous sommes à même de réfléchir à des commissions nationales de planification et d'organiser la relation entre les collectivités locales et les clubs. Les collectivités locales paient pour environ 80 % des équipements : elles doivent avoir l'assurance que ces investissements sont pérennes. Les frais de fonctionnement générés ne sont pas négligeables. Le stade doit être entretenu. Il est également vrai qu'un stade vide est mauvais psychologiquement.
M. Stéphane Mazars, rapporteur . - L'idée n'est pas de créer une haute autorité supplémentaire. Le nombre d'organismes intervenant pour réguler le sport est important. La question d'une mutualisation, en vue de n'avoir qu'un seul interlocuteur, peut se poser.
M. Pierre Camou . - Nous ne devons pas oublier que le mouvement sportif est autonome. La Cour des comptes rappelle qu'il doit maîtriser ses propres événements. La démarche de notre fédération va vers cette responsabilisation. Certains pays ont l'habitude de construire par eux-mêmes, alors que nous construisons avec l'État, la région et la municipalité. Il s'agit pour la collectivité de recevoir chez elle plutôt que de laisser la propriété du stade au secteur privé. Nous sommes tous responsables de notre propre histoire.
M. Joël Delplanque . - La diversité des situations économiques est évidente. Le périmètre du sport professionnel et les processus d'accès doivent être définis dans chaque discipline. Le passage de dix à douze clubs en D1 féminine prévoit un processus d'accompagnement des clubs volontaires. Nous rencontrons les municipalités des clubs qui souhaitent s'engager et leur présentons un cahier des charges. La règle du jeu est connue. L'accession est moins brutale.
M. Michel Savin, président . - Nous avons reçu les représentants de la Cour des comptes, qui nous ont remis leur rapport. Nous constatons qu'au rugby comme en football, les différences entre les redevances payées sont énormes selon les villes. Cette situation pose un problème d'équité sportive entre deux clubs évoluant à un même niveau. Pensez-vous qu'une règle de calcul applicable à l'ensemble des clubs d'une compétition soit nécessaire ? À qui cette décision revient-elle ?
M. Pierre Camou . - Le propriétaire est la ville ou la communauté de communes. Il lui revient de décider du montant du loyer qu'il souhaite faire payer. Je ne peux pas, en tant que fédération, lui dicter la relation à instaurer dans son territoire. Les élus peuvent toutefois étudier les bonnes pratiques constatées.
M. Joël Delplanque . - Les politiques tarifaires diffèrent selon les salles et impactent le modèle économique de la gestion. Une instance de régulation qui déciderait du prix interviendrait de fait dans la gestion de la commune et dans la délégation de service public. Cette démarche me semble compliquée.
M. Jean-Pierre Siutat . - Si nous régulons ce financement indirect, il faut alors réguler le financement direct. Bercy n'est pas rentabilisé par le sport. Nous bénéficions de réductions tarifaires par rapport à d'autres spectacles - ce qui est indispensable pour que nous puissions y jouer.
M. Victoriano Melero . - Cette problématique rejoint la taxe sur les spectacles. Le préfet vérifie par ailleurs le montant des loyers. Encore une fois, l'État a les moyens de contrôler, mais doit les mettre en oeuvre.
Mme Françoise Boog . - Notre mission s'adresse au sport professionnel. Vous avez évoqué le monde associatif. Aussi, je tiens à rendre hommage aux bénévoles pour les valeurs de respect, de partage et de solidarité qu'ils apportent à nos enfants.
Joël Delplanque évoquait l'éveil du sport. Dans ce contexte, comment gérez-vous les réductions des partenariats et des dotations des collectivités en raison de la crise ?
M. Joël Delplanque . - Nous nous en sortons bien malgré la crise. Le soutien des collectivités locales se maintient. Le cas du Paris Saint-Germain est à part. Même dans le secteur féminin, nous sommes passés de 750 000 euros de budget minimal en 2008/2009 à 1,4 million cette saison.
M. Arnaud Dagorne . - La disparité de la taxe sur les spectacles est cruelle dans beaucoup de sports, au même titre que la redevance.
Je tiens à vous alerter sur un sujet important. Vous parlez d'aléa sportif et des normes imposées aux collectivités à l'intersaison. Nous sommes également confrontés à un aléa spécifique au sport : la judiciarisation de nos activités. Les clubs contestent parfois les décisions des fédérations et des ligues, notamment en termes de contrôle de gestion. Vos travaux, comme la loi à venir, doivent appréhender les contentieux du contrôle de gestion. Une décision de première instance peut faire l'objet d'un appel, puis d'un recours au Comité olympique sur les aspects techniques. Le mouvement sportif demande que la conciliation en matière de contrôle de gestion soit supprimée afin que le dossier passe de la décision d'appel au tribunal administratif. Nous devons définir la division dans laquelle joue un club en attente d'une décision et nous assurer que les ligues et fédérations prennent leurs responsabilités. Quelques clubs sont concernés chaque saison, dans beaucoup de sports. Ce point doit être considéré dans la régulation du sport professionnel que nous évoquons aujourd'hui.
M. Victoriano Melero . - Cette demande est portée par le Comité national olympique et sportif français (CNOSF) et l'ensemble du mouvement sportif.
M. Joël Delplanque . - Les procédures s'étalent et empêchent de construire le calendrier.
M. Victoriano Melero . - Sans cette multiplicité des recours, la situation du Mans serait probablement meilleure.
M. Stéphane Mazars, rapporteur . - Connaissez-vous le taux d'infirmation ou de confirmation de la décision par la commission de régulation ?
M. Victoriano Melero . - La conciliation doit juger en équité. Or, l'équité n'a pas sa place dans ces questions économiques et juridiques.
M. Michel Savin, président . - Je vous remercie pour votre présence ainsi que pour la qualité de vos réponses. Vous pouvez, si vous le souhaitez, nous faire parvenir d'éventuelles remarques et propositions additionnelles. Nous pourrons également être amenés à vous solliciter à nouveau par écrit.
Mercredi 29 janvier 2014
Table ronde
consacrée aux ligues nationales de sport professionnel
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La mission commune d'information organise une table ronde consacrée aux ligues de sport professionnel qui réunit :
- M. Paul Goze , président de la ligue nationale de rugby ;
- M. Jean-Paul Aloro , président de la ligue nationale de volleyball ;
- M. Dominique Juillot , vice-président de l'Association nationale des ligues de sport professionnel et premier vice-président de la ligue nationale de basketball ;
- M. Jean-Pierre Hugues , directeur général de la ligue de football professionnel ;
- M. Étienne Capon , directeur général de la ligue nationale de handball.
M. Michel Savin, président . - La mission commune d'information sur le sport professionnel et les collectivités territoriales a été créée début octobre. Nous avons entendu les associations d'élus locaux, puis nous nous sommes intéressés au modèle économique du sport professionnel, au financement des stades et à leur place dans la cité. Nous nous sommes rendus à la fédération française de tennis, à Nanterre - pour rencontrer les responsables du club de basketball ainsi que les concepteurs de la future Aréna 92 - et nous avons été reçus par la direction du Paris Saint-Germain. La semaine dernière, nous avons réuni les présidents de fédérations lors de notre seconde table ronde.
Il ressort de ce travail que l'implication des collectivités territoriales dans le développement du sport professionnel est importante, même si une nouvelle tendance se fait jour dans certaines disciplines voyant émerger des clubs souhaitant se financer avec des capitaux privés. Les relations entre les collectivités territoriales et le sport professionnel demeurent riches et complexes. Une intervention publique est souvent indispensable pour permettre l'émergence d'un club comme celui de Nanterre en basketball ou le succès d'une épreuve telle que le Vendée Globe Challenge. Dans d'autres cas, les collectivités se sentent moins partenaires que contributeurs sans pouvoir de décision. Nous le savons, les collectivités peuvent être impliqués dans le financement de stades ne correspondant pas nécessairement à des besoins pérennes ou n'ayant fait l'objet d'aucune étude préalable rigoureuse - comme cela fut le cas au Mans ou à Grenoble. Elles sont parfois sollicitées plus que de raison en vue d'adapter les équipements sportifs à l'évolution de la réglementation ou aux besoins des diffuseurs. Elles sont trop souvent appelées à combler les déficits des comptes en fin de saison, sans posséder de vision claire de l'utilisation de ces fonds publics.
Un besoin de transparence se fait ainsi sentir, sans remettre en cause l'intérêt des collectivités territoriales pour le sport professionnel. L'émergence d'un sport spectacle, souvent très éloigné de l'éthique du sport, pose la question de la légitimité de l'intervention des collectivités locales et de l'équité des compétitions. Dans ces conditions, comment pouvons-nous améliorer la régulation du secteur afin qu'il se développe harmonieusement ? Comment préserver l'aléa sportif, fondement de la légitimité de ces interventions, sans fragiliser les investissements ? De quels équipements et de quelles formations les clubs ont-ils besoin pour poursuivre leur développement ?
Pour discuter de ces questions, je remercie nos interlocuteurs pour leur présence. Je laisse à chacun la parole afin de vous situer dans le cadre de notre mission, puis le rapporteur et les sénateurs présents vous poseront leurs questions.
M. Étienne Capon, directeur général de la ligue nationale de handball . - Je tiens à excuser l'absence de Philippe Bernat-Salles, retenu dans l'un de nos clubs à Dunkerque. Je vous remercie pour cette invitation. C'est un plaisir d'échanger avec vous sur nos problématiques.
Les liens entre le sport professionnel et les collectivités sont nombreux : aides publiques, partenariats publics, infrastructures sportives. De nombreuses incompréhensions existent avec les collectivités locales, mais il convient de souligner les bonnes pratiques et les succès rencontrés dans les partenariats engagés. En décidant de ne pas se désengager du sport professionnel, les collectivités appuient ces réussites.
M. Jean-Paul Aloro, président de la ligue nationale de volleyball . - Je préside depuis 2008 cette ligue que j'ai contribué à créer. La ligue nationale de volleyball a été la seconde à voir le jour, après celle de football. Nous gérons trois divisions, dont une féminine, ce qui fait d'elle une ligue importante.
650 joueurs et joueuses professionnels évoluent dans 40 clubs dont le budget moyen en Ligue A est de 1,6 million d'euros.
M. Dominique Juillot, vice-président de la ligue nationale de basketball . - Patrick Wolff, le président de l'Association nationale des ligues de sport professionnel (ANLSP), m'a demandé de dire quelques mots sur cette organisation qui regroupe les ligues professionnelles de sports collectifs de salles et de plein air. Cette association a vu le jour afin de répondre aux problématiques communes telles que les veilles législative et télévisuelle, le lobbying réalisé en amont des évolutions législatives en France et en Europe. Il me semble utile d'aborder régulièrement ces problématiques communes.
La ligue nationale de basketball gère deux divisions professionnelles, de 16 et 18 clubs, pour un chiffre d'affaires d'environ 100 millions d'euros. La moitié des revenus provient de partenariats privés, 30 % de subventions publiques - un peu plus en Pro B - tandis que les 20 % restant sont issus du merchandising et de la billetterie.
Nous mettons en place un label afin de structurer les clubs et de leur donner des pistes de progrès. Ce dispositif n'a pas pour but d'ajouter des contraintes aux collectivités. En tant qu'élu, je sais que ces contraintes existent, mais elles diminuent. Nous expérimentons également un système d'invitations ; il s'agit d'une piste intéressante pour le sport professionnel. Ce modèle est à mi-chemin entre le modèle classique de montées et descentes en vigueur en France et en Europe et le modèle de la National basketball association (NBA) qui évolue en ligue fermée. Ce modèle intermédiaire permettrait d'inviter les clubs en fonction de critères clairement définis - équipements, organisation, capacité à mobiliser des partenaires privés dans une zone de chalandise intéressante - afin de les amener au plus haut niveau. Le système permet à deux clubs de Pro B d'accéder à la Pro A autrement que par ses résultats sportifs. Une commission indépendante de la ligue - comprenant notamment des membres du ministère des sports - étudie le potentiel des zones dans lequel le basketball est actuellement insuffisamment développé. Aucun club ne s'est dégagé l'année dernière. Cette année, huit ont candidaté ; nous espérons que deux pourront se détacher. Ce modèle a l'avantage d'augmenter à la fois le nombre de matchs et la sécurité pour les clubs et les collectivités, puisque deux équipes seront reléguées parmi 18 clubs et non plus parmi 16. Tout le monde regarde ce système avec intérêt. J'espère que deux villes émergeront.
Une commission Aréna travaille avec le ministère des sports afin de définir les équipements nécessaires aux clubs de basketball pour être compétitifs en Europe. Le budget moyen d'un club de Pro A - environ 5 millions d'euros - est insuffisant pour intégrer le top seize européen qui nécessite 8 à 10 millions d'euros. Le problème majeur des sports de salle réside dans l'absence d'infrastructures en France. Ce sujet est débattu depuis des années, sans qu'aucune salle ne soit construite. Dans le même temps, des pays moins avancés économiquement parviennent à se développer.
M. Jean-Pierre Hugues, directeur général de la ligue de football professionnel . - Je tiens à excuser l'absence de Frédéric Thiriez. Puisque vous avez déjà rencontré la fédération française de football, je me limite au football professionnel. Les subventions versées par les collectivités locales peuvent paraître minimes par rapport à d'autres sports, puisqu'elles représentent environ 2 % du chiffre d'affaires du football professionnel - qui s'élève à 1,3 milliard d'euros. Les partenariats des collectivités locales s'élèvent pour leur part à 26 millions d'euros. Si les clubs sont des partenaires de premier rang pour les collectivités, la ligue entretient également des rapports fréquents avec les collectivités sur le territoire. Je sollicite chacune d'entre elles pour l'élaboration du calendrier général de compétition afin de vérifier qu'il n'y ait aucun doublon. Nous sommes sollicités lorsque les villes ont un projet, comme cela fut le cas avec Michelle Demessine lors de la préfiguration du stade de Lille. Nous avions alors rencontré des citoyens lillois qui se posaient des questions sur l'évolution du sport professionnel. La discussion est également particulièrement dense avec certaines collectivités sur des sujets ponctuels. Ainsi, à Caen, nous nous sommes assurés que les jeux équestres mondiaux se dérouleraient sans inconvénient pour le club de football. De même, nous nous sommes plusieurs fois rendus à Bastia pour vérifier que la participation des clubs locaux aux championnats satisfasse l'ensemble des parties. Dans nos contacts approfondis avec les collectivités, tout le monde fait preuve de bonne volonté et connaît parfaitement les dossiers.
Nous constatons une évolution très progressive des tentatives d'appropriation des enceintes par le privé. L'Euro 2016, qui sera une réussite en termes de rénovation et de construction, sera compliqué à analyser en termes de progrès dans les protocoles de gestion des équipements entre les clubs, les collectivités et les opérateurs - Vinci, Eiffage. Si le modèle de l'Olympique Lyonnais est facile à appréhender, ceux de Marseille ou Bordeaux le sont plus difficilement. Nous assistons dans l'ensemble à une tentative de professionnaliser ces enceintes sur le long terme.
Dans le cadre des normes définies par la fédération, la ligue intervient auprès des collectivités lorsque nous estimons que certains stades méritent une amélioration de leurs équipements. Les mesures ne sont jamais prises unilatéralement par la ligue. En principe, les collectivités nous demandent notre avis dans l'optique de mener les travaux. De notre point de vue, ces relations sont constructives. Elles sont organisées par des textes clairs que chacun doit respecter. Le football, comme les autres sports professionnels, se dirige vers un modèle de licence pour que les clubs accèdent aux compétitions de l'élite dans des conditions financières balisées. Cette évolution est lourde, mais elle n'implique pas que les règles du Conseil d'État soient détournées.
Je ne perçois aucune tension particulière et je ne pense pas que les intérêts de certains sont floués. Les collectivités sont largement à la hauteur de leurs tâches. Le dialogue s'est également développé avec les pouvoirs publics locaux depuis quelques années, notamment avec les préfectures sur les questions de sécurité. Des problèmes de principe se posent parfois, autour de la notion de sport spectacle qui oublierait les valeurs sportives et les règles d'équité. Pour des raisons économiques, nous pourrions être tentés de questionner le principe de relégation, mais le débat n'existe pas, car les clubs ne le souhaitent pas. Le sport spectacle n'est donc pas le prélude à une ligue fermée.
M. Paul Goze, président de la ligue nationale de rugby . - La ligue nationale de rugby est une ligue de quinze ans, relativement jeune. Nous gérons deux divisions et trente clubs, avec un budget de 80 millions d'euros cette année et 120 millions l'année prochaine. Le chiffre d'affaires des deux divisions s'élève à environ 350 millions d'euros.
Les collectivités entretiennent surtout des relations avec les clubs. La ligue intervient principalement pour les projets d'évolutions de stade et de réglementation. Depuis le début, nous tentons de rationaliser les rapports entre les clubs en adoptant différentes mesures. Le salary cap évite par exemple l'explosion de la masse salariale. Nous avons également fait une proposition relative aux joueurs issus des filières de formation afin de remettre la formation au centre de la réflexion. Contrairement à beaucoup de ligues dans lesquelles la France n'est pas premium dans le monde, notre championnat est le plus valorisé dans le rugby, ce qui crée des contraintes.
Les subventions publiques représentent 3 % du budget du Top 14 et 5 % de la Pro D2.
Pour les années à venir, notre principale problématique dans notre relation avec les collectivités concerne les stades. Dans cette optique, nous avons créé un label stade qui sera en place la saison prochaine. Pour des raisons géographiques, nous n'avons pas bénéficié des rénovations et des constructions liées à la coupe du monde 1998 ou à l'Euro 2016. Il s'agit d'un sujet de développement de notre sport dans les prochaines années.
Le rugby cherche à se stabiliser et à se réguler afin de proposer des compétitions équilibrées. Comme Jean-Pierre Hugues, nous n'envisageons pas de passer en ligue fermée, ce modèle ne rejoignant pas la mentalité française. Nous essayons toutefois de stabiliser les situations afin de favoriser les investissements.
M. Stéphane Mazars, rapporteur . - Le football et le rugby n'envisagent pas d'adopter un modèle de ligue fermée. Le basketball opte pour un système à mi-chemin en invitant en Pro A des clubs émergents en fonction de différents critères. Si la relégation d'un club et les investissements engagés dans les infrastructures mettent en danger son équilibre économique, le repêchez-vous ?
M. Dominique Juillot . - Nous le repêchions l'année dernière, mais nous ne le ferons pas cette année. Nous avons constaté un effet d'aubaine chez les clubs qui rencontraient des difficultés en décembre. Ces derniers présentaient alors un dossier qui ne rentrait pas dans nos critères. Nous recherchons en effet des agglomérations « nouvelles » afin d'accompagner des clubs émergents dans la division inférieure et dont les collectivités souhaitent soutenir les partenariats privés pour atteindre le haut niveau rapidement. Des agglomérations telles que Marseille, Châlons-Reims, Lille ou Rouen présentent ce potentiel de compétitivité.
Mme Christine Lombard, directrice général de la ligue nationale de Basketball. - Seuls les clubs de Pro B peuvent se porter candidats. Dès lors que nous souhaitons conserver l'aléa sportif, un club de Pro A descendra et restera, a minima , en Pro B l'année suivante.
M. Stéphane Mazars, rapporteur . - Prenons un exemple pour bien comprendre votre modèle : si Marseille évolue en Pro B et présente un dossier, vous pouvez l'inviter en Pro A. La ville peut accompagner la montée et financer une infrastructure sportive. Si le club est relégué à l'issue de la saison, la ville se trouve alors avec un équipement neuf dont elle n'a pas besoin.
M. Dominique Juillot . - Il est du rôle de la ligue d'accompagner le club, notamment dans sa gestion, et de s'assurer que son dossier est solide afin de limiter les risques de relégation l'année suivante. Cette situation est toutefois possible.
M. Stéphane Mazars, rapporteur . - Nous avons en tête les exemples de Grenoble et du Mans où les collectivités ont accompagné un projet sportif. Elles sont désormais directement impactées par les mauvais résultats sportifs.
M. Dominique Juillot . - Le critère financier est important ; un budget minimum est fixé, au moins égal à la moyenne des clubs de Pro A. Ce critère donne davantage d'assurance de rester au plus niveau. Nous souhaitons conserver le système de montées et descentes. Aussi, le principe d'invitations fonctionnera une seule fois, lorsque le nombre de clubs en Pro A passera de 16 à 18. Les chances d'être relégué se réduisent, de 2 sur 16 à 2 sur 18. Nous discutons avec Serge Blanco, car le Top 14 de rugby est également confronté à ce risque de voir un club historique descendre. Le système que nous proposons ne répond toutefois pas entièrement à la problématique de sécurisation.
Mme Christine Lombard. - La présence d'une aréna est un critère parmi d'autres ; il n'est pas prépondérant. Le but n'est pas de posséder un équipement neuf, mais d'ancrer le rugby dans une région.
M. Étienne Capon . - Dans les années à venir, un passage de la D1 de handball à 16 clubs est souhaitable. Nous privilégions un système classique de montées et descentes ainsi que des invitations. Nous ne souhaitons pas annuler la relégation, car un problème d'éthique se poserait. Selon nous, il convient d'opter pour une ligue fermée ou de conserver le système de montées et descentes pour tous, mais pas de choisir un modèle à mi-chemin.
M. Paul Goze . - Pour éviter que deux clubs descendent parmi les 14 du championnat, nous avons envisagé de passer à 16 équipes. La problématique du nombre de matchs se pose toutefois. Contrairement à d'autres sports, il est impossible en rugby de jouer de manière trop rapprochée. Nous étudions la possibilité de ne reléguer qu'un seul club.
Afin de faire émerger de nouvelles villes, notre réflexion porte sur la Pro D2. Nous envisageons un championnat spécifique accessible sur dossier. Celui-ci se situerait au niveau de la Fédérale 1 et permettrait aux clubs de monter en Pro D2. Une ligue fermée n'est pas envisageable en rugby. Puisque les descentes sont trop importantes par rapport au nombre d'équipes et qu'il est difficile d'augmenter le nombre de clubs, notre approche tend à permettre le développement en Pro D2 de zones où le rugby est peu implanté.
M. Jean-Pierre Hugues . - La problématique du Mans dépasse le cadre du football : elle relève des partenariats public-privé (PPP). La commission Glavany, qui a mis en exergue l'imprudence de la collectivité, préconise de mettre en place un réseau de conseil informel à même de donner son avis sur les opérations réalisées. Je pense toutefois que les collectivités ont les moyens techniques et intellectuels de vérifier les contrats qu'elles signent. L'évolution dans la gestion des équipements met tout le monde en difficulté. Vinci, dans le cadre d'un plan pluriannuel d'occupation, nous demande de prévoir un calendrier de rencontres sur plusieurs années. Or, nous ignorons les clubs qui seront présents en championnat à ce moment-là. Les intérêts des clubs, des collectivités et du gestionnaire sont contradictoires. Un interlocuteur direct est préférable à une relation tripartite. Ce modèle a été choisi pour des raisons de financement. La situation du Mans est regrettable mais, heureusement, d'autres montages fonctionnent. Dans la majorité des projets, les clubs sont stables, les gestionnaires d'équipement réalisent leurs objectifs et les finances des villes ne sont pas atteintes. Le dossier du Mans n'est pas bouclé puisque des actions juridiques sont en cours. Ce cas est unique.
M. Stéphane Mazars, rapporteur . - Dans le cadre de notre mission, nous nous sommes intéressés à l'économie recherchée par les clubs à travers la gestion de leurs infrastructures. Vous l'avez dit, les grandes salles font défaut. Le football sera satisfait après les rénovations liées à l'Euro 2016 et le rugby voit des projets émerger. À chaque présentation de projet par les sports de salle ou de plein air, deux aspects interviennent : le spectacle sportif et la multifonctionnalité. Nous sommes toutefois songeurs, car les grands artistes à même de remplir les salles sont limités. Les stades peuvent-ils accueillir des spectacles compte tenu des problématiques de calendriers ? Les concerts sont prévus un ou deux ans à l'avance, alors que vous connaissez uniquement les rencontres sur une année.
Pensez-vous par ailleurs que la France dispose d'un public potentiel pour le spectacle sportif équivalent à l'Angleterre ou à l'Allemagne pour le football ? Dans ces pays, les clubs accueillent 20 000 personnes même lorsqu'ils se situent en dernière position du championnat ou évoluent en deuxième division. Nous ne possédons peut-être pas cette culture du spectacle sportif.
Enfin, des enceintes multisports sont-elles envisageables ? Une superposition pourrait permettre de posséder une seule et même enceinte pour deux clubs résidents. Cette question fait débat dans les sports de plein air en raison des dates et de l'état des pelouses.
M. Jean-Paul Aloro . - En volleyball, Ajaccio possédait une salle de 600 places ; le club parvient désormais à remplir les 1 600 sièges de sa nouvelle structure. Je suis persuadé que le potentiel est identique à Avignon, à Narbonne ou à Chaumont, obligé de se délocaliser pour les rencontres de coupe d'Europe.
Le basketball, le handball et le volleyball peuvent s'entendre sur ces sujets. Un problème se pose si trois clubs professionnels sont présents dans la même ville. Un rapide tour d'horizon montre toutefois que ce risque de cohabitation n'existe pas réellement. Actuellement, nous peinons à organiser les finales de Championnat de France à Paris en raison du nombre d'événements pour le peu de salles disponibles.
M. Paul Goze . - La capacité du public français à remplir un stade est une problématique culturelle qui peut évoluer. En quinze ans, nous avons triplé l'affluence des matchs de rugby.
Deux écueils se font jour dans une cohabitation avec le football. La problématique du calendrier peut s'étudier, mais la question de la pelouse est plus délicate. Nous pouvons imaginer un système de pelouse rétractable interchangeable, même si ce dispositif semble compliqué. La cohabitation pose également des difficultés dans le partage des habitudes du club résident et dans la distinction des centres d'entraînement. À Toulouse, le stade sert au football et, par intermittence, au rugby. Une cohabitation en continu de deux clubs professionnels de haut niveau apparaît compliquée.
M. Jean-Pierre Hugues . - Nous avons l'expérience de ce partenariat, souvent difficile. La coupe du monde de rugby a pu se tenir en France car nous avons adapté notre calendrier pour que les équipes nationales jouent dans des stades de football. Le processus a été compliqué, mais nous l'avons fait avec plaisir. De la même manière, l'Euro 2016 entraînera des difficultés pour le rugby, puisque les terrains seront inutilisables à compter de début mai. À la ligue nationale de rugby et à la ligue de football professionnel, des équipes de gestion des calendriers étudient ces problématiques.
La fédération et la ligue sont régulièrement en concurrence avec le rugby pour l'utilisation du Stade de France en fin de saison. Les discussions sont parfois compliquées. Je partage l'opinion de Paul Goze : il est possible d'organiser des événements ponctuels. Il est toutefois plus difficile de faire cohabiter deux modèles différents en termes de public, de sécurité et de pratique sportive. La cohabitation est sans doute plus facile dans les sports de salle.
Une expérience permanente a peu de chance de prospérer. Les municipalités et les préfectures ne le souhaitent d'ailleurs pas nécessairement.
M. Étienne Capon . - Il est envisageable d'accueillir plusieurs clubs résidents dans une même salle. Des exemples existent, notamment à Toulouse où le handball et le volleyball cohabitent régulièrement. Une solution ingénieuse a dû être trouvée pour le sol.
Il est parfois plus difficile de conjuguer le sport et les spectacles en raison de la lourdeur d'organisation et de l'immobilisation de la salle. Ces activités sont plus rentables que le sport, mais elles requièrent d'établir le calendrier très en amont. Comme les ligues de football et de rugby qui collaborent dans l'élaboration de leurs calendriers, nos trois ligues harmonisent les leurs afin de permettre une fluidité dans la tenue des trois championnats.
M. Dominique Juillot . - Nous constatons que le public s'adapte à la capacité des salles dans lesquelles les clubs évoluent, proportionnellement à la taille de la population. L'Espagne compte douze salles de plus de 12 000 spectateurs, l'Allemagne en compte dix et la Slovénie et la Lituanie deux chacune. Ce n'est pas le cas en France où les deux plus grandes salles se trouvent à Montpellier et à Pau, avec 7 500 places. Cette situation est impensable dans un pays comme le nôtre.
Ma conception de l'organisation du sport diffère selon les agglomérations. Lorsque la population est importante et les budgets présents, la cohabitation de plusieurs sports est possible. Dans les régions comprenant plusieurs villes de taille moyenne - comme la Bourgogne - nous devons mutualiser les sports en analysant l'histoire de chacun dans la région et le soutien apporté par les collectivités. Certaines nations procèdent ainsi. La concurrence épuise les collectivités, les publics et les partenaires privés. Un partenariat dépourvu d'assurance à moyen terme est difficilement gérable. Beaucoup de régions sont confrontées à ce problème. Nous discutons de ces sujets depuis longtemps, bien au-delà des visions partisanes. Peut-être que les contraintes économiques de la collectivité et de l'ensemble de la société nous obligeront à mettre ce sujet sur la table.
M. Alain Dufaut . - Comme Dominique Juillot l'a dit, notre pays manque cruellement de salles de 5 à 10 000 places pour assurer la polyvalence entre les trois disciplines. Les belles installations et les affiches sportives attirent les publics, qui peuvent être mixés entre les sports. Les fédérations et les ligues possèdent une vision de l'ancrage local et des positionnements idéaux à trouver. Il vous revient de faire passer le message aux collectivités. Nous sommes tous preneurs. Dans ma ville, les trois sports peuvent cohabiter dans une même salle. Un festival se déroule en juillet, ce qui ne pose pas de problème de calendrier. Avignon n'est pas la seule ville à offrir cette opportunité. Les possibilités sont différentes dans les stades.
M. Jean-Jacques Lozach . - La part de subventions directes des collectivités locales au sport professionnel est très faible - 2 à 5 % - même s'il est vrai que ces montants s'additionnent parfois sur un même territoire. Connaissez-vous la répartition entre les différents échelons de collectivités ? Compte tenu du débat actuel sur les compétences exclusives des départements et des régions, l'une devra se substituer à l'autre pour que les niveaux de subvention se maintiennent.
Nous réfléchissons à une manière de concilier la glorieuse incertitude du sport et la nécessité d'introduire une forme de sécurisation des investissements des collectivités et des clubs. Nous constatons au niveau législatif, dans le cadre de l'action publique territoriale, un renforcement des métropoles. Avez-vous le sentiment qu'à moyen terme, nous nous acheminons vers des clubs professionnels de métropole ? Une organisation autour de 14 métropoles présenterait le désavantage de déserter le Centre, Orléans, Châteauroux, Clermont-Ferrand, Poitiers ou Limoges étant trop petites pour être considérées comme des métropoles.
M. Dominique Juillot . - Le football et le rugby sont peu financés par les collectivités ; les droits TV représentent leur principale source de revenus. Ce n'est pas le cas en basketball. 70 % de nos subventions publiques proviennent de la ville ou de l'agglomération, 15 % sont issues des départements - qui se désengagent de manière globale, même si d'importantes disparités existent - et 15 % viennent de la région. Nous disposons d'une marge de manoeuvre à cet échelon si nous nous basons sur la formation, compétence prioritaire de la région. La possibilité pour nous de percevoir la taxe d'apprentissage dans les centres de formation est une évolution importante. Des centres de formation d'apprentis (CFA) des métiers du sport ont mutualisé cette taxe d'apprentissage avec les pôles afin d'abonder les cadres futurs de la formation. Si cette possibilité nous est retirée, d'importants financements disparaîtront. Il convient d'être prudent dans la réforme de la formation professionnelle.
D'une certaine manière, nous encourageons la création de métropoles. Les clubs des grandes agglomérations sont plus à même d'être compétitifs en Europe. J'ignore si ce développement est positif ou non.
M. Paul Goze . - La métropolisation est une tendance très forte dans le Top 14, où nous avons perdu des villes de tailles moyennes telles que La Rochelle, Montauban, Mont-de-Marsan, Albi ou Dax, au profit de plus grandes villes. Lyon devrait monter en Top 14 la saison prochaine, remplaçant une nouvelle ville de taille moyenne. Cette tendance devrait se poursuivre.
Les subventions des collectivités proviennent à 60 % de la ville, à 25 % du département et à 15 % de la région. Ces subventions représentent 3 % des budgets du Top 14 et 5 % de la Pro D2. Les droits TV constituent jusqu'à 15 à 20 % des budgets des clubs professionnels - Top 14 et Pro D2 confondus.
M. Jean-Pierre Hugues . - Le ratio est différent dans le football où les droits TV représentent environ 50 % des budgets. La répartition des subventions des collectivités est très variable. Certaines utilisent de manière coordonnée le plafond maximal d'aides publiques et concentrent leurs efforts sur un club ; c'est le cas à Montpellier. Dans l'ensemble, les communes sont celles qui participent le plus à l'effort de subventions, puis les régions et les départements. Les données fournies par la direction nationale de contrôle de gestion (DNCG) montrent d'importantes disparités selon les collectivités. Certaines mettent en place des actions coordonnées au niveau régional, d'autres avancent en ordre dispersé. Ces documents sont à votre disposition.
Notre histoire récente prouve que nous ne disposons pas d'une grande capacité de contrôle des montées et des descentes. Nous avons provisoirement perdu Lens qui possède un grand public de football et l'Est de la France disparaît des championnats professionnels depuis la rétrogradation de Strasbourg. Nous sommes inopérants dans l'orientation des projets sportifs vers des métropoles à grand public. Ces situations relèvent, non pas d'un choix stratégique d'une municipalité, mais d'un investisseur. Olivier Sadran a permis la renaissance du football à Toulouse, un investisseur russe est présent à Monaco et les Qataris investissent à Paris. Ces opportunités, saisies ou non par les personnes possédant les moyens financiers nécessaires, modifient la carte. Ces trois exemples montrent que les investissements concernent toutes les tailles de villes. J'ignore si le renforcement financier, administratif et urbanistique des villes suffirait à concentrer les projets des investisseurs sur les métropoles.
Un équilibre est effectivement nécessaire entre la compétition et la sécurisation. Nous avons étudié le modèle collectiviste américain qui permet la pérennité des clubs, mais il est inacceptable tant pour l'ambiance sportive française que pour la fédération internationale de football association (FIFA) ou l'Union des associations européennes de football (UEFA). Le Japon adopte un modèle mixte qui empêche les relégations vers les championnats amateurs. Le football français devrait rester dans un modèle classique. Les tentatives de notre président de passer à 18 clubs en Ligue 1 pour des raisons économiques et de calendrier n'ont pas convaincu les clubs. Certains considèrent que si les droits TV rattrapent ceux constatés en Allemagne ou en Italie, les indemnités de relégation devront être considérablement augmentées afin d'aider les clubs historiques à remonter rapidement. Le modèle anglais, qui prévoit ces indemnités, permet aux grandes équipes de constamment évoluer en Premier League . Les structures des clubs historiques français sont très lourdes à financer ; sans une remontée rapide, les créanciers peinent à faire venir des investisseurs extérieurs.
Mathieu Charpentier, directeur de la ligue nationale de Volleyball. - En volleyball, les subventions publiques représentent 63 % des budgets des clubs. Nous dépendons de ces subventions, comme le football dépend des droits TV. Toute dépendance étant mauvaise, nous tentons de réduire ce ratio. Le label LNV (ligue nationale de volleyball) va dans ce sens. Il ne s'agit pas d'une contrainte supplémentaire pour les collectivités, mais d'une aide à la structuration et à la professionnalisation des clubs. Plus le ratio est faible, plus il est valorisé dans le label. Nous souhaitons une dépendance moins forte des clubs, mais nous ne contrôlons pas les subventions octroyées par les collectivités. Les maires ou les conseillers généraux souhaitent parfois soutenir le seul club professionnel de leur territoire.
M. Michel Savin, président . - Lorsqu'un club accède à la première division, la ligue impose-t-elle des règles en termes d'aménagement des équipements pour accueillir les compétitions et les médias ? Le club est-il tenu de se mettre en règle rapidement ? Il semble préférable de lui laisser deux à trois ans pour s'assurer de sa stabilité sportive. Les ligues et les fédérations sont-elles donneuses d'ordres ?
M. Dominique Juillot . - La loi indique que les ligues n'ont pas autorité pour imposer des normes. Pour la pérennité du club, il est toutefois nécessaire de posséder les équipements adéquats afin de bénéficier des recettes de billetteries et d'accueillir les partenaires privés. Les ligues préparent les clubs à l'accession à la division supérieure et au plus haut niveau. Un club a davantage de chances de se maintenir s'il est préparé et si son enceinte est remodelée. Dès lors que les collectivités accompagnent moins les clubs, ces derniers doivent se donner les moyens d'accueillir des partenaires privés.
Les clubs montent parfois rapidement, sans posséder la structure nécessaire. Sur ce point, Nanterre est cas typique. Si la collectivité n'avait pas financé l'ensemble des frais supports du club - qui paie uniquement la masse salariale - celui-ci n'aurait pas pu jouer en Euroligue, car la Halle Carpentier n'est pas adaptée. La ville a décidé d'agrandir la salle pour la porter à 3 500 places. Si ces travaux sont réalisés durant l'été, Nanterre sera capable de se stabiliser. Sans ces aménagements, le club ne survivra pas plus de deux ans. Le sport professionnel ne peut pas vivre sur les seules subventions, sans billetterie ni financement privé. La situation serait par ailleurs inéquitable par rapport à d'autres clubs obligés de réduire leur masse salariale, leurs dépenses marketing ou leurs frais administratifs.
M. Stéphane Mazars, rapporteur . - Les ligues se permettent-elles de juger de l'équité entre les clubs selon les capitaux étrangers reçus, le montant des subventions perçues ou encore du montant de la redevance due ?
M. Dominique Juillot . - Cette équité constitue l'une de nos préoccupations, mais nous n'avons aucune prise dessus. En investissant, un élu prend un risque politique. Les financements des Zéniths, des maisons de la culture ou des espaces d'arts ne font pas l'objet d'autant de questionnements. Pourtant, contrairement à ces structures, le nombre de bénévoles exerçant dans le sport professionnel est important, y compris parmi les présidents de clubs. Sur 100 personnes nécessaires à l'organisation d'un match de basketball, 70 sont bénévoles. Si un élu trouve son intérêt dans ce subventionnement, il en va de sa responsabilité. Pourquoi devrions-nous réglementer ces éléments ? Des lois existent sur les plafonds des subventions. Nous sommes contrôlés tous les deux ou trois ans.
M. Paul Goze . - L'équité est une chimère, si ce n'est dans le sport américain où les recettes sont mutualisées. Ce système apparaît paradoxal dans un pays aussi libéral, qui prône pourtant l'équité dans le sport afin que le résultat soit aussi indécis que possible. Il n'est pas adapté à notre mentalité. Dans le rugby, nous essayons de mutualiser les ressources. Les débats sont nombreux. Nous sommes loin de l'équité. Le modèle américain implique notamment la création de franchises et l'absence de montées et de relégations. Ce système est éloigné du système de clubs régissant le sport européen depuis des décennies. Dès lors que nous n'entrons pas dans ce modèle, l'équité parfaite est impossible. Vous n'empêcherez pas qu'il y ait davantage d'argent à Paris qu'à Perpignan, même si je le regrette.
M. Jean-Pierre Hugues . - Le sport américain fonctionne ainsi car il n'est pas exposé à la compétition internationale ; il évolue en vase clos. L'aléa sportif est très grand. Une partie des droits TV est répartie équitablement entre les clubs de Ligue 1 et en intégralité en Ligue 2. Il n'existe pas en Europe de montant maximum d'investissement pouvant être consenti par un repreneur afin de favoriser les desseins sportifs qu'il a en tête. Le fair-play financier ne corrige pas ce point ; il permettra de contrôler le sponsoring et certains déséquilibres financiers entre les clubs, mais ne comprimera pas les dépenses pour établir l'égalité. La Formule 1 est le seul sport prévoyant un tel plafond de dépenses.
Les mécanismes d'autorégulation liés au fonctionnement des DNCG freinent les ambitions de recrutement des clubs en s'assurant que les dépenses sont raisonnées. La masse salariale de plus de la moitié des clubs professionnels est sous contrôle et certains sont interdits de recrutement pour éviter les dérives et introduire des éléments d'équité.
Mathieu Charpentier . - Un décret nous interdit de réglementer sur les critères de montées et descentes. La DNCG opère toutefois un contrôle des budgets prévisionnels pour que le club ne se mette pas en danger lors de sa montée.
Les subventions sont sans lien avec l'équité, dès lors que les montants sont votés dans le respect des procédures et des plafonds. La DNCG contrôle la production des documents et la conformité des budgets. Le sénateur Dufaut connaît bien la problématique de la rupture d'équité puisque le club d'Avignon a plusieurs fois été sanctionné en raison des distorsions constatées entre les budgets et les comptes réalisés. Les DNCG contrôlent les masses salariales de 90 % des clubs de volleyball.
M. Alain Dufaut . - Les normes sont terriblement contraignantes pour les collectivités. Jean-Pierre Hugues indiquait précédemment que les fédérations imposent des normes. Pourtant, de mémoire, la fédération française de football nous a dit que celles-ci étaient définies par la ligue.
Lors de sa montée en première division, Avignon a eu trois mois pour aménager un stade de 17 000 places, pour un coût de 8 millions d'euros. Le club est redescendu l'année suivante. Même si nous sommes bien classés, l'affluence moyenne se situe aux alentours de 1 800 spectateurs. Un citoyen qui constate que le stade est vide se pose la question de la pertinence de sa construction.
M. Jean-Pierre Hugues . - La ligue n'a pas la capacité à émettre des normes sportives. La fédération a récemment dégradé les normes pour les clubs de National afin de tenir compte de la pression des collectivités locales, tout en maintenant celles de la Ligue 1 et de la Ligue 2. Les clubs passant du National à la Ligue 2 devront ainsi combler un écart encore plus important.
Les propos de mon collègue de la fédération sont étonnants puisqu'une commission fixe les normes. À la ligue, nous préparons les montées des clubs en les conseillant sur des critères financiers et humains. Nous leur recommandons également d'assurer un accueil correct des télévisions. Nous ne fixons jamais d'obligation de mise aux normes.
Lorsque Créteil est devenu professionnel, le club et la ville souhaitaient que des travaux soient rapidement effectués. Nous avons discuté afin que les aménagements fondamentaux permettant de recevoir le public dans un certain confort soient réalisés. Le club a ainsi pu bénéficier des autorisations nécessaires pour entrer dans un championnat professionnel. La ville, qui a anticipé le besoin, possédait davantage de compétences techniques que le club pour piloter ces aménagements.
La ligue a perdu sa capacité à imposer un nombre de places minimal. Nous avons perdu un contentieux et payé d'importants dommages financiers. Les exemples que vous citez ne peuvent plus se reproduire.
M. Stéphane Mazars, rapporteur . - De quand date cette jurisprudence ?
M. Jean-Pierre Hugues . - Elle date de 2003.
M. Stéphane Mazars, rapporteur . - Il est impossible d'imposer des aménagements de stades à des fins commerciales ou de confort, mais l'obligation est souvent implicite. Des problèmes se posent dans la retransmission des matchs, par exemple si la luminosité est insuffisante. Les médias imposent-ils à la ligue des contraintes dans les contrats ?
En basketball, les changements réguliers des configurations sportives obligent les collectivités à revoir l'aire de jeu. Envisagez-vous une maîtrise de ces réglementations ?
M. Paul Goze . - Les clubs n'ont aucune obligation à se plier aux normes télévisuelles. Ils sont toutefois indirectement sanctionnés si les retransmissions depuis leur stade sont impossibles. Canal+ est réticent à diffuser les matchs qui se jouent à Perpignan en raison de zones d'ombres constatées dans le stade. Le club ne bénéficie de quasiment aucune retransmission en premium le soir.
M. Jean-Pierre Hugues . - Les contrats qui nous lient aux diffuseurs n'incluent aucune exigence relative au nombre de lux. Le passage à la haute définition oblige toutefois à demander aux clubs de renforcer leurs équipements. Parfois, ces aménagements ne sont pas réalisés ou sont mal faits, mais il n'y a jamais de sanction sportive. L'unique sanction est que le diffuseur opte pour une autre équipe et une autre enceinte pour son match premium . L'état de la pelouse, sa qualité technique et visuelle ou encore le taux de remplissage des gradins jouent un rôle dans la décision du diffuseur, car ils impactent le spectacle sportif. Encore une fois, il n'existe aucune contrainte juridique.
M. Dominique Juillot . - En basketball, les obligations d'éclairage sont imposées par le diffuseur. La ligue a dû intervenir pour que Canal+ diffuse un match de Nanterre, en dépit d'un mur visible d'un côté du terrain. Un mur ou une tribune vide sont terribles pour une retransmission télévisée.
Une seconde contrainte, spécifique au basketball, provient de la gestion des coupes d'Europe pas un organisme privé. L'Euroligue impose des normes aux clubs, qui doivent faire ce qu'ils peuvent pour y répondre - nombre de sièges, confort, caméras. Dans la seconde coupe d'Europe, la France est le seul pays à ne pas bénéficier d'un diffuseur qui prenne en charge les frais de diffusion. Le club est obligé de produire des images pour l'équipe visiteuse qui retransmet la rencontre dans son pays. Le coût se situe entre 20 000 et 30 000 euros de sous-traitance pour chaque match. Nous sommes en retard sur ce point, même par rapport aux pays de l'Est. Le sport professionnel français se trouve encore à l'âge de pierre.
M. Jean-Paul Aloro . - Les diffuseurs ne versent aucun droit TV au volleyball. Aussi, nous n'imposons aucune pression financière aux clubs dans l'amélioration de leurs équipements en vue d'une retransmission en championnat.
M. Étienne Capon . - L'avis du Conseil d'État en 2003 a entraîné des problèmes, non pas tant sur le pouvoir normatif des ligues que sur l'absence de pouvoir normatif dans l'exploitation des salles. Les collectivités ne peuvent plus se reposer sur une norme pour justifier leur investissement puisqu'aucune norme n'existe en matière d'infrastructure sportive. Ce point nous pose problème en handball. La ligue a été créée en 2004, soit après le décret. L'absence de référentiel explique sans doute le retard accumulé dans les salles qui tarde à se rattraper.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe . - Les problèmes sont identiques dans le sport féminin. J'ai été maire d'Arras. Les aménagements liés aux nouvelles normes sont très coûteux. Elles modifient les équipements pour un résultat aléatoire et souvent ponctuel. Sans le concours des fédérations nationales pour réguler les normes européennes et internationales, il est impossible de s'organiser. J'ai entendu que la volonté des sports de salle est d'organiser leur diffusion sur le territoire. Vous ne pouvez pas exercer seuls ; vous devez trouver des appuis au niveau européen. La pression est la seule solution. Les fédérations ne peuvent pas y parvenir seules ; elles ont besoin d'un appui européen.
Le football féminin veut se développer. Eurosport a récemment diffusé Arras-Lyon à 20 h 45. Comme il manque des lux dans le stade et que la diffusion est imposée, le club a dû trouver un autre stade. Les moyens ne sont pas pris pour développer le sport de haut niveau en France.
J'entends depuis longtemps les propos de M. Goze sur le système d'invitations. Arras possède une tradition de rugby. Sans les aides de la fédération et de la ligue, il sera difficile d'étendre le marché du rugby professionnel à l'ensemble du territoire, tant celui-ci est concentré dans le sud-ouest - outre Paris et Lyon. Les supporteurs sont présents et les collectivités demandeuses, mais les ligues et fédérations doivent leur répondre.
M. Paul Goze . - Nous avons joué les demi-finales de Top 14 à Lille et à Nantes. Nous ne recourons pas à un système d'invitations. Nous proposons une compétition au niveau de la Fédérale 1, seulement ouverte aux clubs dont les dossiers ont été acceptés. Il s'agit d'un championnat à part à l'issue duquel deux équipes monteront en Pro D2, en remplacement des deux qui seront reléguées.
Nous avons pu instaurer le salary cap dans le rugby en raison du peu de concurrence internationale. Le fait que nous soyons leader nous permet de prendre ces dispositions. Le salary cap régule les masses salariales et facilite la gestion entre les équipes. Les écarts de rémunération nuisent à la compétition et à la qualité des matchs. Il s'agit là d'une particularité de notre sport.
M. Dominique Juillot . - Le schéma de concurrence européen pose la question du retard pris en France. Nous sommes parfois obligés de mettre très rapidement les installations aux normes européennes. Une salle doit contenir 5 000 places. En France, elles contiennent majoritairement entre 3 500 et 4 500 sièges. Pourquoi sommes-nous si frileux ? Le coût n'explique pas tout, car il se trouve davantage dans le fonctionnement que dans la construction. Nos salles sont trop coûteuses - environ 30 % plus chères qu'en Espagne ou en Italie - et trop longues à construire - environ six à sept ans. Le système de normes et de recours complexifie les démarches. Lyon est un exemple, mais il n'est pas le seul. Notre système démocratique est poussé à l'extrême. Les salles évoluent grâce aux obligations de procéder à des améliorations.
Nous avons mis en place un système qui compile un match pour les réseaux sociaux et la télévision. Six de nos seize salles de Pro A ne sont pas connectées à Internet pour permettre d'appliquer ce dispositif.
J'évoquais la mutualisation. Il existe dans votre région, madame Demessine, trois clubs qui évoluent en première division. Les trois peuvent se trouver en situation difficile. Le pouvoir politique a un rôle à jouer puisqu'il finance les clubs.
Mme Michelle Demessine . - Nous y parviendrons.
M. Michel Savin, président . - Le rugby travaille à la construction d'un équipement propre, géré par la fédération et Lyon construit un stade financé par des fonds privés. Vous évoquiez le manque d'une infrastructure pour accueillir des compétitions internationales et des finales de handball, volleyball et basketball. Menez-vous une réflexion commune autour du partage d'un équipement digne de ces rencontres ?
M. Jean-Paul Aloro . - J'ai entendu parler du projet d'augmentation de la capacité de la Halle Carpentier, mais nous ne sommes pas impliqués.
M. Dominique Juillot . - Nous menons des réflexions avec le handball, car le Paris Saint-Germain, pourrait s'intéresser à d'autres sports. Nous avons trouvé des terrains vierges à la périphérie de Paris. La collectivité accepte de les céder à un prix intéressant afin que les Qataris y construisent des infrastructures. Des discussions existent avec les collectivités. Dunkerque possède des clubs au plus haut niveau en Basketball et en Handball ; les deux vont cohabiter.
M. Stéphane Mazars, rapporteur . - Je me permets de préciser cette question : la fédération française de rugby souhaite financer une infrastructure dont elle sera propriétaire ; le volleyball, le handball et le basketball s'accordent pour dire qu'il manque une grande salle à Paris. Existe-t-il une réflexion afin que les trois fédérations ou ligues portent un projet commun privé afin de satisfaire ce besoin ?
M. Dominique Juillot . - Nous nous sommes renseignés avec la fédération pour reprendre la salle olympique de Londres qui était démontable. Le coût de l'opération était de 15 millions d'euros. Nous n'avons toutefois trouvé ni le terrain ni un club résident à même de l'occuper. Il est très compliqué de réunir tous les éléments.
Personnellement, je ne suis pas favorable à un financement privé des infrastructures, car il s'agit d'un travail régalien. Les partenariats public-privé sont envisageables, mais il est du rôle de la collectivité d'assurer des infrastructures sportives.
Mathieu Charpentier . - Au regard de la réaction de la ministre sur le projet de la fédération française de rugby, je voudrais connaître son opinion pour un projet privé, commun à nos trois fédérations, qui concurrencerait Bercy. Une telle démarche n'est pas souhaitable et n'est pas souhaitée par l'État français. Les ligues et fédérations pourraient participer, même financièrement, mais difficilement être porteuses du projet.
Mme Michelle Demessine . - Les investissements apparaissent dangereux pour certains élus. Dans le même temps, vous soulevez de réels besoins qui ne semblent pas pharaoniques.
Je pense que l'intercommunalité deviendra l'interlocuteur principal du sport professionnel. Les attentes dépendent d'une collectivité de cette taille, hormis pour certaines grandes villes à même de rivaliser. Nous sommes à la croisée des chemins, car les intercommunalités ne disposent pas toutes d'une compétence sportive. Les collectivités font preuve d'un manque de politique sportive qui explique le retard pris dans les salles. Nous prouvons aujourd'hui que nous parvenons à nous entendre. Du temps sera toutefois nécessaire pour qu'une visée sportive soit partagée par les collectivités et le mouvement sportif. Nous devons mieux élaborer ces fusions pour rassembler des énergies. Je n'ai pas réussi avec le basketball - probablement car nous voulions aller trop vite - mais les projets s'imposeront. Nous avons réussi ces fusions en rugby, en athlétisme, en water-polo et en natation grâce au travail en intercommunalité sur les équipements et le développement du sport professionnel dans le territoire. Les élus lancent un appel. Vous devez en lancer un auprès des collectivités. C'est ainsi que nous trouverons des solutions aux problèmes.
M. Étienne Capon . - À la lecture des différents rapports sur le sport professionnel, et particulièrement sur les infrastructures, les projets soulignent la nécessité pour les collectivités de disposer de plusieurs points de vue. Or, les ligues et les fédérations ne sont pas consultées sur ces thématiques. Nous comptons pourtant des personnes formées, qui possèdent un oeil extérieur lucide et connaissent la situation sur les territoires. Le pouvoir normatif a été retiré aux ligues, mais un avis différent sur un projet est bénéfique à la collectivité.
M. Dominique Juillot . - Comme vous, je souhaite que le sport professionnel soit régi à l'échelle de l'agglomération. Vous dites également que le temps viendra pour la mutualisation, mais nous devons être vigilants, car si les infrastructures sont déjà prises, un problème se posera dans l'identification des clubs choisis. Nous devons avancer rapidement, car lorsqu'une ville possède déjà sa structure, il est difficile de l'abandonner pour mutualiser les équipements. Nous avons rencontré l'ensemble des agglomérations pour accélérer ces démarches.
Mme Michelle Demessine . - Ces mutualisations prennent trois ou quatre années.
M. Dominique Juillot . - Le vote des budgets dans les agglomérations est souvent difficile, car les intérêts divergent.
M. Michel Savin, président . - Il n'existe pas réellement de problématique autour des stades puisque les conditions d'accueil du public sont correctes. En revanche, nous entendons que les sports de salle manquent cruellement d'équipements pour évoluer aux niveaux nationaux et internationaux. Vous avez besoin de salles de plus de 5 000 places. Il n'est pas souhaitable d'attendre les investisseurs extérieurs. Un débat doit avoir lieu entre les collectivités, les fédérations, les ligues et l'État sur le financement de ces structures.
M. Stéphane Mazars, rapporteur . - La demande des clubs d'avoir la main sur la gestion des équipements est forte. Il semble que les ligues sont plus réservées sur cette question.
M. Dominique Juillot . - Je suis représentant de la ligue, mais également président d'un club professionnel. Si nous devons nous lancer dans un montage financier ou attendre un investisseur pour financer nos infrastructures, rien ne serait fait. Même dans le football, combien de clubs ou d'agglomérations ont les moyens de construire ? Les montages économiques avec les collectivités ont également leurs limites.
M. Jean-Pierre Hugues . - Ces gestions ne sont peut-être pas souhaitées par les collectivités d'accueil pour des raisons politiques. Pour la majorité de nos clubs, la capacité financière des investisseurs est insuffisante. Le problème du sous-financement des clubs se pose déjà ; il serait accru si de nouveaux projets de stades devaient être développés. L'accueil du public est effectivement très correct et s'améliorera avec le temps.
M. Paul Goze . - Cinq clubs du Top 14 évoluent dans des stades de moins de 10 000 places alors que la fréquentation moyenne en championnat est de 13 500 spectateurs. Comme l'a dit Jean-Pierre Hugues, même s'il semble que les clubs souhaitent évoluer, peu de propriétaires peuvent les soutenir et se lancer dans un tel financement. La volonté potentielle est freinée par la capacité à financer ces investissements.
Peu de nos stades ont profité de la coupe du monde 1998 ou de l'Euro 2016. Un travail important doit être réalisé dans l'amélioration de nos stades. Le contenant fait le contenu. Nous disons que le public est moins actif que dans d'autres pays, mais il faut comparer les stades. Nous revenons à l'éternelle question de la poule et de l'oeuf. Le développement des stades serait porteur du développement des publics vers le sport.
M. Stéphane Mazars, rapporteur . - Nous vous avons transmis quelques questions complémentaires ; nous analyserons vos contributions écrites avec plaisir. Nous souhaitons notamment une précision sur le niveau de subvention des collectivités territoriales auprès des clubs professionnels.
M. Michel Savin, président . - Nous vous remercions pour votre participation.
Mercredi 26 février 2014
Table ronde
consacrée à la diffusion audiovisuelle du sport
professionnel
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La mission commune d'information organise une table ronde consacrée à la diffusion audiovisuelle du sport professionnel. Sont entendus :
- M. Daniel Bilalian , directeur général adjoint de France Télévisions, en charge des sports,
- M. François Pellissier , directeur délégué de TF1 Production, en charge des sports,
- M. Arnaud Simon , directeur général d'Eurosport France,
- M. Florent Houzot , directeur de la rédaction de beIN SPORTS
- M. Vincent Chaudel , expert Sport du cabinet Kurt Salmon et vice-président de l'association sport et citoyenneté.
M. Michel Savin, président . - La mission commune d'information sur le sport professionnel et les collectivités territoriales a été créée pour réaliser un état des lieux sur les relations entre les collectivités et les clubs professionnels. Nous avons auditionné les associations d'élus locaux, les représentants des fédérations et des ligues professionnelles ce qui nous a permis de prendre la mesure de l'émergence d'une nouvelle industrie, d'une véritable filière économique autour du sport professionnel qui possède son propre modèle économique et repose à la fois sur des investissements dans des équipements modernes - stades ou arénas - et sur une diversification des ressources avec un nouveau triptyque composé de la billetterie, des partenariats et des droits TV.
Dans cette mutation économique, notre pays connaît une situation singulière qui se caractérise par le fait que les collectivités locales sont à la fois largement propriétaires des stades et parties prenantes au financement même des clubs au travers de subventions et des achats de prestations. Autant dire que cette situation devient de plus en plus rare en Europe comme nous avons pu le constater il y a peu lors de nos déplacements au Bayern de Munich et à Londres où nous avons rencontré les dirigeants du tournoi de Wimbledon, ceux de la fédération anglaise de rugby à Twickenham et ceux du club d'Arsenal.
Nombreux sont les acteurs du sport professionnel français qui ont pris conscience de cette évolution. Nous avons auditionné en particulier Jean-Michel Aulas sur le projet de grand stade de Lyon. Nous nous sommes déplacés sur le site de la future Aréna 92. Nous avons également répondu à l'invitation de la fédération française de rugby (FFR) qui souhaitait nous présenter son projet de grand stade. Autant de projets financés principalement sur fonds privés avec un modèle économique fondé largement sur des recettes nouvelles et diversifiées.
Nous avons constaté qu'une partie du sport professionnel a vocation à s'organiser en dehors de toute aide publique. Mais que va-t-il advenir des clubs qui ne pourront bénéficier d'un investisseur providentiel ou qui se retrouveront en difficulté ? Aujourd'hui, de nombreuses collectivités sont encore sollicitées plus que de raison pour assurer le financement des équipements sportifs afin de les mettre en conformité avec les exigences des fédérations ou des ligues pour permettre, en particulier, la diffusion audiovisuelle des événements sportifs. Nous avons ainsi rencontré le club de basketball de Nanterre, champion de France l'année passée, qui a participé à la coupe d'Europe et qui a beaucoup de difficulté à organiser ses matchs.
Voilà pourquoi nous avons souhaité organiser cette table ronde avec les diffuseurs audiovisuels. Les Français sont de plus en plus nombreux à s'intéresser aux retransmissions d'épreuves sportives, pourtant notre pays reste insuffisamment équipé en stades et surtout en arénas, ce qui explique que nous accueillons peu de rencontres internationales même si l'Euro 2016 devrait changer la donne pour le football.
L'intérêt des diffuseurs devrait être de pouvoir disposer d'un spectacle de qualité à proposer à leur audience ce qui implique un certain niveau dans les disciplines et des équipements adaptés aux retransmissions. Un questionnaire vous a été transmis par le rapporteur qui vous a interrogé sur le niveau d'équipements sportifs de notre pays et son adaptation aux retransmissions audiovisuelles, sur les projets de nouveaux équipements, sur les normes fixées pour ces retransmissions, sur les perspectives de développement du sport professionnel ainsi que sur l'affectation d'une partie de droits TV au financement direct des équipements sportifs. J'ajouterai pour ma part une question suite à notre déplacement à Londres où nous avons appris que les droits internationaux audiovisuels de la Premier League de football étaient répartis de manière plus équilibrée entre les différents clubs qu'en France. Que penseriez-vous d'un tel dispositif pour assurer une certaine équité entre les clubs ?
Pour discuter de ces différentes questions, je remercie de leur présence MM. Daniel Bilalian, directeur général adjoint de France Télévisions, en charge des sports, François Pellissier, directeur délégué de TF1 Production, en charge des sports, Arnaud Simon, directeur général d'Eurosport France, Florent Houzot, directeur de la rédaction de beIN SPORTS et Vincent Chaudel, expert Sport du cabinet Kurt Salmon et vice-président de l'association sport et citoyenneté. Je tiens à excuser le directeur des sports de Canal+ qui ne peut participer pour des raisons professionnelles à cette table ronde.
Je rappelle que nos débats sont filmés et diffusés en direct sur Internet et qu'un live-tweet est organisé sur le compte officiel du Sénat.
M. Daniel Bilalian, directeur général adjoint de France Télévisions, en charge des sports . - Les chaînes thématiques de sports et les chaînes évènementielles n'ont pas exactement les mêmes attentes : les nôtres sont assez simples par rapport aux vendeurs et aux acteurs du sport : nous voulons disposer d'installations convenables, comme en Grande-Bretagne, mais les Anglais sont des sportifs, ce que ne sont pas les Français. Les Anglais vivent pour et par le sport : ils ne vont pas au restaurant ni au cinéma de toute la semaine pour assister au match. Les installations des clubs de deuxième ou de troisième division anglaise valent largement celles du Parc des Princes...
La privatisation des stades est un enjeu politique : avant de privatiser le stade municipal de Marseille, le maire y réfléchira à deux fois... Le nomage est un procédé difficile à imposer en France où nous avons des stades qui portent le nom de grands résistants ou de grands sportifs ; certains ne sont pas très vendeurs... Difficile dans ces conditions de vouloir appliquer des méthodes anglo-saxonnes ou allemandes. La fédération française de rugby veut construire un stade parce que la fédération anglaise possède le stade de Twickenham, mais cette dernière l'a acheté il y a un siècle et il est rentabilisé depuis longtemps.
Pour le football, des installations vont être nécessaires, mais il va y avoir une telle différence entre les deux clubs leaders et les autres que la compétition va se résumer au choc entre les deux premiers.
Actuellement, le prix de la diffusion est souvent imposé par le vendeur. J'ai dans mon bureau le contrat du tournoi des cinq nations de 1976 : un document de trente lignes écrites à la main et tâché de graisse... aujourd'hui, le même contrat fait environ 150 pages parce que les vendeurs ont de grandes exigences de production. Ainsi, l'année dernière, nous avons été obligés d'annuler un match de rugby France-Irlande, ce qui a coûté à France Télévisions 130 000 euros, alors que je n'avais fait qu'appliquer les normes imposées par le vendeur. Chaque année, de nouvelles exigences techniques apparaissent et nous n'avons même plus le temps de rentabiliser les matériels que nous achetons.
L'Euro 2016 va sans doute permettre à divers clubs d'améliorer leurs installations. Le financement doit-il être privé ou public ? S'il est public, c'est à dire financé par les impôts, les Français, qui ne sont pas idiots, mettront en rapport l'augmentation de leur taxe d'habitation pour financer les stades et les salaires des joueurs. Mieux vaut donc un financement privé.
M. François Pellissier, directeur délégué de TF1 Production, en charge des sports . - Je rejoins ce que vient de dire M. Bilalian sur le marché audiovisuel : il existe deux types de diffuseurs, les gratuits comme France Télévisions et TF1, et les diffuseurs payants. Notre groupe a tendance depuis trois ou quatre ans à se recentrer sur les grands évènements sportifs car ce sont des spectacles fédérateurs en termes d'audience. Les droits augmentent de façon exponentielle et nous sommes obligés de procéder à des arbitrages alors que le contexte économique est assez difficile. Les chaînes thématiques payantes s'adressent, elles, aux fans et aux supporters. Nous ne pouvons plus nous permettre d'avoir accès à la Ligue des champions de football ou à la Formule 1.
Nous sommes souvent mis devant le fait accompli avec les contrats signés avec des ayants droit. Ces contrats sont assortis de conditions drastiques et nous avons peu de marge de manoeuvre sans compter que les stades, même les récents, ne sont pas toujours adaptés à la diffusion et à la production audiovisuelle. Ainsi, dans certains stades, impossible de faire entrer un semi-remorque ou encore des emplacements des caméras qui laissent à désirer. Beaucoup de paramètres, qui devraient être pris en compte en amont, ne le sont pas suffisamment. La fédération de rugby nous a demandé quels seraient nos besoins pour le futur stade, mais c'est rarement le cas.
Nous voulons offrir à nos téléspectateurs le plus beau spectacle possible, ce qui passe par des droits accessibles mais aussi par des conditions de travail et de production adaptées à nos métiers.
M. Florent Houzot, directeur de la rédaction de beIN SPORTS . - Je suis d'accord avec mes confrères sur la distinction entre diffuseurs gratuits et diffuseurs payants. Les premiers s'orientent de plus en plus sur des grands évènements sportifs qui ne sont pas récurrents. Depuis deux ans, l'arrivée de beIN SPORTS est une bonne nouvelle pour le sport puisque les budgets des clubs ne reposent pas seulement sur un évènement annuel. Notre chaîne diffuse près de quinze disciplines différentes. Évidemment, le football est la vitrine, car sans lui, impossible de diffuser du basketball, du volleyball ou du handball. Grâce aux droits que notre chaîne verse aux fédérations, aux ligues ou aux organisateurs internationaux, elle contribue au financement des clubs. Le PSG Handball, qui n'a pas de salle pour accueillir des clubs qui viennent jouer la Ligue des champions de handball, est obligé d'annexer la Halle Carpentier et il doit harmoniser son calendrier avec l'équipe de basketball de Nanterre qui joue dans cette même salle, d'où des problèmes de programmation. Il est urgent que les différents intervenants du monde du sport, que ce soient les politiques, les vendeurs d'un évènement, les clubs mais aussi les diffuseurs se mettent autour d'une table dès le départ. Nous regrettons que tel n'ait pas été le cas pour le nouveau stade de Lille où nous avons diffusé le premier match : la zone technique ne reçoit pas les liaisons Internet ni de signal GSM. Dès la conception d'un stade, tout le monde doit être convié pour élaborer le meilleur projet possible.
Notre pays a beaucoup de retard dans le domaine des infrastructures, non pas pour le football, mais pour les autres sports comme le basketball ou le rugby. Lorsque nous avons des difficultés à produire, les coûts s'envolent, ce qui implique que les droits diminuent.
M. Arnaud Simon, directeur général d'Eurosport France . - Merci pour votre invitation. Eurosport est un groupe international détenu à 51 % par le groupe américain Discovery et à 49 % par TF1. Eurosport est une sorte de miracle permanent puisque cette chaîne est reçue par près de 120 millions de foyers dans 54 pays et en 22 langues. En France, Eurosport est une chaîne populaire, généraliste et accessible. Populaire, parce que nous sommes reçus par 9 millions de foyers alors que nous sommes une chaîne payante, accessible car peu chère - quelques dizaines de centimes par mois - généraliste car nous sommes très attachés au football, au rugby, mais aussi au ski, aux sports mécaniques, à la natation, au cyclisme.
Quand nous diffusons la coupe de France de football, nous sommes obligés de nous adapter aux installations, très diverses. Nous essayons également de développer des disciplines, comme le football féminin : nous croyons beaucoup à la D1 féminine, mais certains clubs doivent demander aux clubs masculins l'autorisation de jouer sur leur pelouse... Nous manquons en France de petits stades modernes. Ainsi, Juvisy, qui est un club phare de la D1 féminine, évolue malheureusement au stade Bondoufle qui ressemble à ceux des pays de l'Est, d'où notre difficulté à produire un spectacle convivial.
Nous avons été les premiers à montrer du biathlon en direct à la télévision : désormais Martin Fourcade est un héros national et c'est tant mieux. Nous essayons d'être ancrés dans l'aménagement du territoire du sport français.
M. Vincent Chaudel, expert Sport du cabinet Kurt Salmon . - Je suis atypique à cette table puisque je ne représente pas de média. En 2010, j'avais publié une tribune « Sports et médias : une relation interdépendante construite en cinq mouvements majeurs ».
Le problème est complexe et il faut prendre garde aux fausses bonnes idées. Vous avez tous dit qu'en plus des droits TV, il convient de prendre en compte d'autres coûts. Si l'on veut que les médias accompagnent le sport, ils doivent y trouver leur compte avec un retour sur investissement. Aujourd'hui, les crispations se font autour du contenant, à savoir les infrastructures. Pendant 50 ans, elles se sont en effet très peu renouvelées. Les collectivités accompagnaient la performance mais aujourd'hui le parc des stades et des salles arrive en fin de vie. Le renouvellement des infrastructures coûte très cher et c'est bien souvent les collectivités territoriales qui en assument la charge. Mais l'aléa sportif a du mal à cohabiter avec l'importance des investissements : voyez le malheureux cas du Mans.
Pour le contenu, il faut faire une distinction entre sports individuels et sports collectifs et nous interroger sur notre capacité à générer des talents en France. Très peu de sportifs ont une véritable dynamique sur Twitter et sur Facebook... Quand Amélie Mauresmo gagne un tournoi du « Grand Chelem », il est facile de promouvoir le tennis féminin ; cette tâche est beaucoup moins facile quand aucune française n'est dans le Top 10 mondial...
Autre fausse bonne idée : promouvoir le football féminin. Le montrer, c'est bien, mais pas au Parc des Princes devant 5 000 spectateurs ! Il faut trouver un écrin adapté. Aux États-Unis, le soccer a été présenté dans un premier temps dans les stades immenses du football américain, ce qui le desservait. Désormais, les matchs ont lieu dans des stades à taille pertinente et le soccer se développe.
En 50 ans, le sport a considérablement évolué : nous sommes passés d'une dépendance à l'argent public - essentiellement des subventions municipales - à une télé-dépendance. Le réflexe serait de dire qu'il suffit d'agir sur les médias pour régler les problèmes. Les collectivités vont devoir procéder à des arbitrages, ce qui implique un changement de culture puisque des choix vont s'imposer.
Quel est le rôle social d'un club ? En France, il existe un décalage par rapport à nos voisins : l'ancrage populaire et l'attachement aux clubs ne sont absolument pas les mêmes, probablement à cause de notre culture centralisatrice. Nous avons un club par ville, alors que tel n'est pas le cas en Grande-Bretagne ou en Allemagne.
Le rôle social du club est d'animer la cité : pour être attractive, une ville a besoin d'activité économique, académique, culturelle mais aussi sportive. Voyez l'exemple de Montpellier.
Il faut aussi envisager les clés de répartition entre une culture horizontale et une culture verticale : doit-on à tout prix considérer l'échelon 1, 2 et 3 de façon différente ou doit-on prévoir des solidarités ? Les gens s'intéressent à l'échelon 1 d'une compétition : par exemple, pour le sport automobile, les spectateurs veulent voir de la Formule 1, pas du GP2. Quels que soient les moyens que vous mettrez pour diffuser une division 2, l'intérêt général ne sera pas au rendez-vous. En revanche, l'intérêt local l'emportera, d'où le rôle d'animation de la cité. Il peut être intéressant d'imaginer des mécanismes de solidarité non pas financiers mais de talents, par exemple en donnant des temps de jeux à de jeunes joueurs. Il s'agit alors de gouvernance et les médias n'ont pas voix au chapitre en ce domaine.
M. Stéphane Mazars, rapporteur . - Merci d'avoir répondu à notre invitation.
M. Bilalian estime que la France ne peut être comparée à la Grande-Bretagne ou à l'Allemagne. Nous nous sommes déplacés dans ces pays et nous avons visité des infrastructures sportives : effectivement, il y a une véritable appropriation du lieu où se pratiquent les disciplines par les supporters et un réel attachement aux clubs.
Aujourd'hui, nos interlocuteurs nous disent que ce décalage est dû au manque d'infrastructures pour les sports de salle ou de plein air. Les clubs sportifs veulent désormais s'approprier leurs infrastructures : Lyon va construire son propre stade et la FFR le veut aussi. Les clubs nous disent que ces projets sont viables car il y aura demain un engouement des spectateurs. Nous sommes dubitatifs. Une infrastructure suffira-t-elle à créer du lien et à susciter l'engouement des spectateurs ?
M. Daniel Bilalian . - Notre pays n'est pas un pays sportif au sens où l'entendent les Anglo-Saxons, les Allemands ou les Américains. D'abord, nous n'avons pas de sport scolaire ou universitaire, alors qu'aux États-Unis le championnat universitaire de basketball est presque au niveau de la NBA. Dans les établissements scolaires français, le sport n'est pas valorisé. Pour faire du sport en France, il faut donc aller dans un club. Dans le meilleur des cas, les collèges ont un terrain de handball ou un panneau de basketball...
Construire de beaux équipements pour créer un besoin me semble une fausse bonne idée. Les Anglais vont au stade de Twickenham ou à l'Emirates Stadium d'Arsenal avant le match, ils y restent après. En outre, les stades sont dans la ville en Grande-Bretagne ; c'est essentiel : il serait dramatique d'éloigner Roland-Garros car les spectateurs se sentiraient repoussés. Non, le stade ne crée pas une atmosphère sportive et les performances, en France, sont essentielles, ce qui n'est pas vrai en Grande-Bretagne.
Regardez ce qui s'est passé au Mans ! Un beau stade, mais une fois que le club est descendu en deuxième division, il n'y a plus eu de spectateurs ! En Grande-Bretagne, les gens iront voir Portsmouth en troisième division parce que c'est leur club, mais aussi parce que c'est la seule sortie possible : aux États-Unis et au Royaume-Uni, la vie culturelle est beaucoup plus limitée. Le prix des places doit également être pris en compte dans vos réflexions.
En outre, sur TF1, un stade plein est synonyme d'évènement, alors qu'un stade vide, c'est un non-évènement. Avec l'arrivée des chaînes thématiques, les chaînes évènementielles ne diffusent plus que des évènements. Ainsi, Canal+ diffuse le Top 14 de rugby et nous co-diffusons la finale. Les spectateurs viennent voir la finale sur notre chaîne, parce que c'est une fête !
Enfin, le football britannique est mieux filmé que chez nous car dans leurs stades, les caméras sont placées plus bas sur les gradins, même si cela doit supprimer des places. En France, les caméras sont placées en haut, ce qui libère des places, mais la qualité de retransmission s'en ressent. Lors de la construction du stade de Lille, on ne nous a rien demandé : il est flambant neuf, mais inadapté.
M. Florent Houzot . - La fédération de rugby a-t-elle vraiment intérêt à construire un stade pour dix matchs par an ? Pourquoi ne pas réaliser des pôles omnisports pour mutualiser les structures qui pourraient alors servir 30 ou 40 fois par an ?
M. Vincent Chaudel . - Le spectateur est l'élément moteur du business model sportif ; un record du monde enregistré devant un stade vide, comme cela a eu lieu à Charléty récemment, n'en est pas un. Sans spectateur, le frisson est absent. Même si la billetterie ne constitue pas le coeur du modèle économique, la vente de billets génère de la création de valeur pour les annonceurs et diffuseurs.
La création d'infrastructures nouvelles peut augmenter les recettes et la consommation mais si elle ne s'appuie pas sur une culture sportive enracinée, elle ne sera pas durable. La relégation du club entraînera une baisse immédiate de fréquentation.
Un stade ne se construit pas pour cinq ans. Il faut imaginer le stade de demain. Que proposer au téléspectateur pour l'arracher à son salon - dans lequel il peut revoir un but au ralenti, consulter des statistiques pendant le match - et le faire venir ? Il faut lui donner la possibilité de disposer des mêmes outils dans le stade qu'à son domicile, ce que l'on appelle la problématique du stade connecté. Le renouvellement des infrastructures doit intégrer cette approche. Il n'y a pas lieu d'opposer spectateurs et téléspectateurs, ils constituent deux types de consommateurs à satisfaire. Cela ne nécessite pas nécessairement la construction de stades toujours plus grands, mais il est clair qu'il faut renouveler les infrastructures, qui sont plus coûteuses qu'hier : autrefois, il suffisait de tribunes, d'un toit et de vestiaires...
M. Arnaud Simon . - Les deux notions de confort et de famille sont importantes. Nous remplirons les stades si on peut y être mieux en famille et y disposer des mêmes possibilités qu'à la maison, la faculté d'utiliser Twitter par exemple. Les stades ne doivent pas être trop éloignés des centres-villes. Je suis sceptique sur le futur grand stade de rugby au coeur de l'Essonne. Il promet d'être beau... mais inaccessible. Il faut être au coeur des cités ou concevoir un complexe autour du stade, avec des boutiques, un cinéma où belle-mère et enfants pourront aller pendant le match. C'est la vision de Jean-Michel Aulas à Lyon. Il a su faire venir un nouveau public féminin et créer un univers global « Olympique Lyonnais ». Nous vivons dans une société de confort. La démarche du PSG qui propose de choisir sa place, de commander sa bière à l'avance est intéressante. Aujourd'hui au Stade de France la bière coûte neuf euros ! Il faut faciliter la vie, faciliter l'accès. Les multiplex ont sauvé le cinéma ; ils sont des lieux de vie. Les stades intermédiaires de dix ou douze mille places gagneraient à être repensés sur ce modèle, ils se rempliraient. Le football féminin aura besoin de ce type de stade. Le gigantisme est inutile : il est dévalorisant de jouer devant des tribunes vides.
M. François Pellissier . - Tout ce qui vient d'être dit est juste. Il ne faut pas cristalliser le débat autour du stade ou des droits TV. Nous parlons de clubs professionnels, c'est-à-dire d'entreprises de spectacle. Ils doivent développer un modèle économique qui fonctionne. En Allemagne et au Royaume-Uni, les stades sont pleins. Cela ne sera peut-être jamais le cas en France, où nous sommes sans doute moins sportifs. Le modèle économique doit intégrer tous les paramètres : la billetterie, le confort du stade, le marketing, le sponsoring , les droits TV. Il convient de trouver le bon équilibre entre eux et de mener une réflexion adaptée à la région d'implantation. Pour remplir le stade, le match doit être intéressant. Il s'agit d'obtenir 40 000 spectateurs dans le stade et 4 à 5 millions de téléspectateurs dans un écosystème cohérent.
M. Daniel Bilalian . - Dans le système de financement des clubs de football, la première année suivant la signature du contrat sur les droits TV, le club achète des joueurs, il les conserve la deuxième année, les revend la troisième et répare les fuites de la tribune présidentielle la quatrième. Le cycle est immuable.
Pour résoudre cette difficulté et transformer les clubs professionnels en entreprises économiques viables, la ligue fermée constitue une solution. C'est ce que font les Américains. Le club qui a acquis une licence dispose d'une zone de chalandage. Ce système supprime l'aléa financier des investisseurs... qui n'hésitent donc pas à investir. Ce qui s'est passé au Mans ne serait plus à craindre... Dans un monde dirigé par l'argent, où la construction et la gestion d'un stade supposent des partenariats financiers, il n'y a guère d'alternative. Un système ouvert fidèle à l'esprit de Coubertin est-il encore possible ? Le sport est devenu un spectacle. Aujourd'hui, le PSG s'exporte à la manière du Bolchoï... mais n'est-ce pas l'état d'esprit de notre époque ?
M. Florent Houzot . - Il n'y a pas lieu de craindre l'arrivée des investisseurs. Grâce au PSG et à Monaco, les droits TV du championnat de France ont été multipliés à l'étranger par trois ou quatre. Cet argent revient ensuite dans le circuit par l'intermédiaire de la ligue et des fédérations.
En France, les habitudes sont difficiles à bousculer. La ligue de football professionnel a imaginé de vendre les droits des matchs français à l'étranger. Cela nécessite de modifier les horaires des matchs. Certains clubs se plaignent... tout en revendiquant le bénéfice de la vente des droits. Les Espagnols programment déjà de nombreux matchs le dimanche à 12 heures pour le marché asiatique, tout comme les italiens. Et il ne s'agit pas des clubs de bas de classement. Il ne faut pas trop attendre des collectivités et des diffuseurs dans la recherche de revenus supplémentaires. Les diffuseurs sont souvent montrés du doigt alors qu'ils ne choisissent pas les horaires. Ils achètent un évènement avec une case horaire. Ils ont aussi des budgets à respecter. Les clubs sont des entreprises et doivent prendre leurs responsabilités sans hésiter à bousculer les habitudes.
M. Stéphane Mazars, rapporteur . - Vous n'êtes pas associés en amont dans la conception des infrastructures. Quelles sont vos principales exigences pour retransmettre des spectacles sportifs en matière d'aménagement des stades ? Comment les formalisez-vous avec les organisateurs des compétitions ?
M. Arnaud Simon . - Sortons du football. Un effort de consultation est parfois réalisé avant la construction d'un stade, d'une aréna. C'est le cas par exemple pour la nouvelle piscine de Tourcoing. Nous avons été interrogés, en qualité de partenaire de la fédération française de natation, sur nos besoins en termes d'éclairage, de câblage, d'emplacement des caméras, de puissance de la régie. Cela progresse. L'éclairage est essentiel depuis le passage à la haute définition : la HD, c'est 1 200 Lux le soir. Très souvent, nous ne les avons pas en Ligue 2 ce qui nous empêche de retransmettre certains matchs joués dans des villes petites ou moyennes où le match est une fête.
Le grand prix de France de moto du Mans, qui avait disparu, est devenu un grand prix populaire qui attire plus de 150 000 personnes grâce à sa créativité : il y a des concerts, un village pour les enfants, un ticketing inventif... C'est un exemple à suivre.
M. Stéphane Mazars, rapporteur . - Comment formalisez-vous vos exigences ?
M. Daniel Bilalian . - Nous répondons à des exigences plus que nous ne les fixons. En dehors de l'éclairage nous n'avons pas de demandes techniques. Nous voulions retransmettre la finale de football féminin organisée à Saint-Brieuc et valoriser cette compétition. Cela n'a pas été possible en raison d'un manque de lumière. Il nous faudrait soit délocaliser soit avancer l'heure du match. Les principales exigences sont celles du vendeur, elles concernent le nombre de matchs en prime time , le nombre de caméras... Nous demandons seulement un spectacle de qualité et la possibilité d'accéder à l'intimité des joueurs car c'est ce que le public attend. La position des caméras dépend de la conception du stade. Parfois le diffuseur apporte des idées, comme la cable cam .
M. Stéphane Mazars, rapporteur . - Lorsque les clubs présentent des demandes aux collectivités locales, ils expliquent qu'elles sont imposées par la fédération qui en renvoie la responsabilité aux diffuseurs...
M. Daniel Bilalian . - Nos demandes en matière d'éclairage ne relèvent pas du caprice. L'annulation du match de rugby du tournoi des six nations nous a coûté 130 000 euros.
M. Arnaud Simon . - Plus le stade est petit, plus nous avons de surcoûts car nous devons rajouter des moyens. Les chaînes de télévision améliorent la façon de capter et de montrer les évènements sportifs, elles proposent des angles nouveaux. Ensuite, les fédérations et les ligues s'approprient ces nouveautés et les imposent comme standards dans leurs appels d'offre. C'est une sorte de course à l'échalote... et chacun se renvoie la balle.
M. Daniel Bilalian . - Chaque chaîne veut améliorer sa retransmission. Puis on essaie de nous faire payer plus cher le produit que nous achetons.
M. Stéphane Mazars, rapporteur . - Pour faire vivre le spectacle sportif, l'intérêt de la compétition est primordial. Or, le championnat risque de perdre de sa saveur du fait de la prédominance du PSG et de Monaco. Un des moyens de lui redonner de l'intérêt est de modifier la répartition des droits TV. Avez-vous votre mot à dire en ce domaine ? En avez-vous le désir ? La clef de répartition actuelle n'influe-telle pas sur le niveau de la compétition ?
M. Daniel Bilalian . - Je vois mal la ligue nous autoriser à intervenir dans ce débat. La répartition des droits TV est fondamentale pour le football. Les billetteries étant peu importantes, les budgets des clubs sont dépendants des droits de retransmission.
M. Florent Houzot . - Ce n'est ni l'intérêt des diffuseurs ni leur travail de se mêler de la redistribution financière entre clubs. Le diffuseur doit rester libre de sa programmation. Son rôle est de valoriser le produit qu'il achète. Chacun son métier !
M. Daniel Bilalian . - La seule chose que peut demander le diffuseur c'est de pouvoir choisir les matchs.
M. Florent Houzot . - On parle beaucoup de la capacité des stades, mais il faut aussi évoquer la qualité de leurs pelouses, mauvaise en France, ce qui est dommageable pour les diffuseurs. En Grande-Bretagne, on peut jouer le 25 décembre. En France, les matchs sont souvent reportés ce qui induit des coûts. Un match annulé est parfois reprogrammé le soir d'un autre évènement important... ce qui ne permet pas une bonne optimisation. Cela a été le cas hier d'un match Bordeaux-Lorient reprogrammé en même temps qu'un match de la Champions League .
M. Arnaud Simon . - Outre l'état des pelouses, nous subissons les effets négatifs d'une compréhension extensive du principe de précaution et de sécurité. Face à un risque de crue de l'Aube, un match a été reporté à Troyes, tout comme un match à Rouen en raison d'un incident dans une usine faisant craindre des émanations toxiques. Il a été impossible de programmer en prime time un match de football au Mans parce qu'un match de basketball était prévu à la même heure et que la police estimait cette coexistence trop risquée. La préfecture a imposé de programmer en diurne un match Cannes-Saint-Étienne pour des raisons de sécurité...
M. Vincent Chaudel . - Je voudrais m'élever contre certaines fausses bonnes idées, telle que celle selon laquelle une équipe très forte nuit à l'intérêt du championnat. Le championnat espagnol est passionnant malgré la prédominance du Barça. En France, le PSG fait office de locomotive. Il génère de très bon taux de remplissage lorsqu'il se déplace à l'extérieur. Le problème est moins d'avoir un trop gros club que de ne pas avoir de grand club. Dans la France des années quatre-vingt-dix, l'équilibre entre les clubs affaiblissait nos représentants au niveau européen. La complexité du système tient à la coexistence entre une compétition nationale et une compétition continentale. Il faut permettre aux petits clubs de vivre et aux gros d'être compétitifs. De ce point de vue, la France et l'Allemagne, à la différence de l'Espagne ou de l'Italie, ont atteint un bon équilibre.
M. Pierre Martin . - Vous travaillez avec de nombreux partenaires, municipalités, fédérations, ligues dont les plus exigeants ne sont pas les payeurs. Le spectacle est nécessaire et doit être ouvert aux familles. Même si nous n'avons pas l'esprit sportif anglais, certaines villes ont montré qu'il était possible de fidéliser le public autour de clubs : le Racing, le Grand Reims, les Verts, l'OL, aujourd'hui le PSG... Il nous faut des grands clubs de ce type qui attirent les foules. Leur taxation est problématique. Les quatre millions d'euros de redressement infligés à l'OM auraient pu être mieux utilisés pour rénover les équipements. Le PSG remplit les stades mais s'attire des réflexions négatives.
Notre environnement financier est moins favorable qu'en Allemagne ou au Royaume-Uni. Dans ces pays, les chaînes de télévision versent plusieurs milliards de droits ; en France, ce sont des millions. Vous dévalorisez vous-même le championnat français en payant moins ! Pourtant le public est là qui réclame un spectacle de qualité. Il génèrera des recettes par l'augmentation de la fréquentation des stades et des droits TV. Mais pour occuper la première place, l'argent est indispensable, même s'il n'est pas suffisant. La réussite du PSG, de Monaco, d'Arsenal en sont l'illustration. Arsenal a refait le stade à grand frais, il a dû limiter les achats de joueurs jusqu'à mettre en péril ses résultats, puis les choses se sont retournées, le club a de nouveau acheté des joueurs et remonte ses scores. S'il devient champion d'Angleterre, il aura fait la démonstration de ce qui serait réalisable en France aussi.
M. Daniel Bilalian . - Si vous venez de ce côté-ci de la table nous expliquer que nous ne payons pas assez cher, vous passerez un mauvais moment ! Il y a une grande différence entre les situations de Madrid et du Barça et celles du PSG et de Monaco. Les clubs espagnols, endettés, fonctionnent comme des clubs ordinaires dans lesquels les investissements doivent être rentabilisés. Ce n'est pas le cas du PSG ou de Monaco dans lesquels les investisseurs ont un projet politique et non financier.
M. François Pellissier . - Nous dépensons déjà beaucoup pour les droits ! Nous sommes heureux de retransmettre les matchs de l'équipe de France mais cela ne nous fait pas gagner d'argent. Il faut remettre les choses à leur place. Le football français dépend pour plus de 50 % de ses recettes des droits TV, ce qui n'est pas le cas du football anglais. Si les chaînes payaient davantage, les clubs seraient encore plus dépendants. Il est préférable de construire un modèle économique équilibré. La responsabilité en incombe aussi à la ligue.
M. Daniel Bilalian . - Aucun diffuseur ne se rembourse sur un achat de match. Notre revenu direct correspond à environ un tiers du prix. La diffusion des matchs augmente notre part de marché d'audience moyenne sur l'année, ce qui permet ensuite à notre régie publicitaire de vendre plus cher le temps d'antenne aux annonceurs.
M. Michel Savin, président . - En France, la répartition des recettes entre billetterie, droits TV et animations diverses est moins équilibrée qu'ailleurs, mais les choses évoluent ; certains stades projettent d'augmenter leurs revenus grâce à des activités non sportives. Cette évolution vous inquiète-t-elle ?
M. Arnaud Simon . - Cela ne nous inquiète pas, mais il faut rester réaliste. De nombreux plans de financement de stades sont fondés sur des prévisions de recettes issues d'activités culturelles. Mais en dehors de Johnny Hallyday, de Mylène Farmer et d'Indochine quel artiste français peut remplir un stade ? Et le salut n'est pas à attendre des artistes étrangers : ils ne viendront pas tous en tournée chez nous. Depeche Mode a annulé un concert prévu à Lille car le stade n'était pas chauffé.
M. Alain Néri . - Le constat est que les stades de football se vident globalement.
M. Arnaud Simon . - La fréquentation ne baisse pas pour les matchs de football et de rugby. Elle augmente dans le Top 14 de rugby.
M. Alain Néri . - Ce n'est pas l'information que nous avons. Vous nous fournirez les chiffres.
Une question se pose et nous indispose. Pour faire du chiffre d'audimat, la programmation des matchs ne correspond pas toujours aux souhaits des spectateurs. En Ligue 2, on nous dit qu'il faudrait programmer le vendredi à 18 heures. Les provinciaux ont droit à un spectacle sportif le soir, même si cela n'intéresse pas les Parisiens, surtout lorsque les finances locales sont mises à contribution. La France ce n'est pas Paris et un bout de terre autour ! La programmation doit être faite en fonction de l'intérêt sportif. Déplacer l'horaire d'un match dans une compétition serrée peut influer sur les résultats ; il n'est pas indifférent de connaître le résultat du match du concurrent.
Vous posez le problème des aléas qui affectent la diffusion de certains matchs. Vous avez pris l'exemple du Mans. Le match de basketball était programmé de longue date, mais le match de coupe de France n'était pas connu puisqu'il dépendait des éliminations préalables.
M. Arnaud Simon . - Je m'étonnais juste qu'une ville sportive comme Le Mans ne soit pas capable de supporter l'organisation de deux matchs le même soir.
M. Alain Néri . - Le Mans a du mal à remplir ses stades. Il aurait été intelligent d'organiser une concertation pour décaler le match de coupe de France. Les droits TV constituent une manne. Certains de mes collègues veulent les augmenter, mais M. Bilalian semble réticent. L'inflation exponentielle des droits TV et de l'argent qui circule ne pourra pas durer éternellement ; la bulle explosera. Le budget du ministère de la jeunesse et des sports est stable à 0,20 % du budget de la France. Il n'y a pas assez d'argent pour le sport et trop d'argent dans le sport. Il y a quelques années une partie des droits TV étaient reversés au sport amateur, je me demande s'il n'y a pas une réflexion à mener en ce domaine.
M. Daniel Bilalian . - La taxe Buffet existe toujours, mais elle est payée par les ligues et les fédérations seulement pour les droits payés en France. Initialement, le diffuseur devait se substituer au vendeur et payer à sa place la taxe sur les droits payés à l'étranger. Quelqu'un - le Conseil constitutionnel je crois - a été raisonnable et a mis le holà à cette absurdité.
M. Florent Houzot . - Certains nous ont accusés de vouloir la mort de la Ligue 2 parce que nous diffusions les rencontres à 18 h 45 : cette case horaire n'était pas de notre ressort ; en fait, la Ligue 2 ne voulait pas mettre en concurrence un match de Ligue 1 et de Ligue 2. Ces matchs coûtent autour de 10 millions d'euros ; ce n'est pas rien. Pourtant, nous avons dû diffuser des matchs avec des banderoles anti-beIN SPORTS !
M. Alain Néri . - On ne peut pas toujours contrôler les supporters.
M. Florent Houzot . - Certains feraient bien de ne pas accuser les diffuseurs et d'assumer leurs responsabilités. Comme nous nous considérons comme des partenaires, nous avons proposé à la ligue de les diffuser en multiplexe à 20 heures, alors que ce n'était pas évident ! Cela n'a rien changé à l'affluence dans les stades ! Ce n'était donc pas un problème de case horaire.
M. François Pellissier . - Nous travaillons aussi sous contrainte. Notre marge de manoeuvre pour installer nos caméras est étroite. Les sponsors nous sont parfois imposés par les ayants droit. Il nous faut bien pourtant un peu de recettes en face de nos dépenses ! Nous ne sommes pas là pour donner de l'argent et obéir aux ordres. C'est un message que nous avons du mal à faire passer. Nous sommes des partenaires, mais aussi des clients, et nous payons pour un produit.
M. Alain Néri . - Les collectivités territoriales paient les investissements dans les stades mais ne participent pas à la fixation des droits.
M. Jean-Jacques Lozach . - Des clubs comme Arsenal en Angleterre ou le Bayern de Munich ont une dépendance à la télévision de 22 % seulement, tout en ayant une politique active en faveur des jeunes. J'ai malgré tout l'impression - à tort ou à raison, vous me le direz - que le processus d'attribution des droits TV pourrait être plus transparent. Les contraintes des collectivités - code des marchés publics, contrôles de la chambre régionale des comptes - sont connues et j'ai l'impression que vos procédures manquent de transparence. Les collectivités doivent satisfaire des demandes très diversifiées, encourager le plus grand nombre de pratiquants et de pratiquants potentiels dans un nombre de sports toujours plus grand : elles sont donc sensibles à leur médiatisation, qui influe sur le financement du sport amateur, à travers la taxe Buffet, le Centre national pour le développement du sport (CNDS) et les politiques des fédérations. Sur le long terme, n'avons-nous pas un intérêt commun à l'élargissement des disciplines médiatisées ?
M. Daniel Bilalian . - Si nous voulons alléger les contraintes administratives, n'en rajoutons pas ! Ce qui est certain, c'est que l'adage « diffusion égale audience » est complètement faux. Certains sports sont confidentiels par nature : un spectateur ne comprend pas instinctivement les règles de l'escrime ou du judo aussi vite que celles du cyclisme ou du football, et ne parle pas du tir à la carabine en zigzags ! Le million d'euros que le ministère met à disposition de certains sports pour se faire connaître ne devra pas rendre la diffusion obligatoire, l'obligation retombant sur le service public ; ce ne serait pas rentable. Nous accompagnons des sports comme le football ou le rugby féminins, mais avec beaucoup de prudence, en diffusant quelques matchs emblématiques. Si un groupe n'a pas de reproches à se faire pour la promotion des sports olympiques, c'est bien le nôtre. Le Comité national olympique et sportif français (CNOSF), a voulu, il y a deux ans, fonder une chaîne consacrée à l'olympisme. L'État n'a pas voulu que le service public se porte candidat. Le résultat, c'est un échec : l'Équipe 21, où il y a plus de football et de rugby que de sports olympiques. C'est dommage, nous avions proposé une vraie chaîne olympique.
Je vous rassure sur la clarté des procédures d'attribution des droits : c'est très notarial. Les appels d'offres des fédérations ne laissent pas de place à la discussion. Vous recevez un cahier des charges, et vous devez vous distinguer par la qualité de votre offre et le prix que vous acceptez de payer, les deux critères étant soumis à une péréquation. Une autre façon de faire est pour le vendeur de consulter tous les diffuseurs éventuels - il ne doit pas en oublier un seul, sous peine de contentieux, comme lorsque Canal+, nullement candidat, a contesté un appel d'offres qui stipulait que le diffuseur devait être gratuit. La France avait échappé à la concurrence avant l'arrivée d'une multinationale qui a changé la nature du marché et face à laquelle nous ne sommes que des petites et moyennes entreprises (PME). Il y a certes des occasions de contestation juridique dans l'attribution des droits, mais pas de combines.
M. Florent Houzot . - BeIN SPORTS appartient à un groupe qatari au niveau international, venu en France pour créer deux chaînes de sport complémentaires aux chaînes existantes. Si les droits ne sont pas comparables en France et au Royaume-Uni, c'est en raison de l'absence de concurrence en France, surtout avant notre arrivée. Pourtant, le juste prix est dans l'intérêt à long terme bien compris de tous : si les droits ne sont pas assez élevés, les joueurs s'en vont, le niveau baisse et l'audience fuit. Malheureusement, la France a parfois pour habitude de voir les investisseurs étrangers d'un mauvais oeil.
M. François Pellissier . - Il faut bien distinguer dans l'offre télévisuelle le payant du gratuit. Tous les sports ne sont pas éligibles à une audience fédératrice familiale pour laquelle nous avons l'obligation de rassembler plusieurs millions de téléspectateurs. C'est le cas des Jeux olympiques et de la coupe du monde de football, mais pas d'autres sports ou d'autres compétitions faits pour le marché du payant. Certes, les téléspectateurs aimeraient voir un peu de grand prix de Formule 1 et de matchs du PSG, mais ils le peuvent d'ores et déjà grâce aux extraits diffusés dans des émissions et au journal télévisé (JT).
M. Rachel Mazuir . - La différence essentielle avec l'Allemagne et la Grande-Bretagne est que là-bas, les stades sont pleins ! Londres compte sept à huit clubs de football professionnel, Madrid - où les enfants sont inscrits comme socios du Real dès leur naissance - en compte trois ! Chez nous, on en est loin, sans aller jusqu'à Monaco ...
M. Daniel Bilalian . - ...où ce sont les joueurs qui connaissent les spectateurs par leur nom ! En France, la direction nationale de contrôle de gestion (DNCG) contrôle strictement les clubs français. Qu'arriverait-il si elle contrôlait les clubs espagnols ? Les Américains ont peut-être la solution avec les ligues fermées et le salary cap , qui permettent une gestion beaucoup plus rationnelle que la nôtre, avec moins de déficits et plus de régularité entre les clubs. Le salary cap évite aussi ce qui apparaît comme choquant pour moi, comme pour des millions de gens. Les gouvernements européens pourraient facilement mettre en place un tel système.
Mme Michelle Demessine . - Je ne sais pas si la solution passe par plus d'argent, plus de droits TV ; le problème n'est pas tellement les droits TV, mais le niveau inimaginable des salaires de joueurs. Je ne sais pas si le modèle américain est le seul : d'autres pays semblent aussi équilibrés, mais avec un engouement plus fort, c'est certain, comme en Angleterre.
Vous avez parlé du stade de Lille. On ne peut effectivement pas faire des équipements multifonctionnels partout ; il leur faut une zone de chalandise suffisante. Il faudra donc le réguler. Si le stade de Lille est un prototype auquel nous ne sommes pas habitués, il ne faut pas enterrer le modèle. Il faut du temps pour construire une nouvelle activité dans laquelle de toute manière, le sport continuera de dominer.
M. Arnaud Simon . - Encore faut-il en être capable. Il ne faut pas être dépendant d'une seule source de financement, qu'il s'agisse d'investissements étrangers comme à Monaco et à Lens, ou des droits TV. Le marché n'est pas extensible : combien de ménages sont prêts à payer un abonnement à une chaîne payante aujourd'hui ?
Eurosport s'est toujours pensée avec un coeur de service public et un portefeuille d'entreprise privée. C'est une chaîne bon marché - l'abonnement ne coûte que quelques centimes d'euros - mais qui peut développer et montrer au public de nouvelles disciplines. Nous pouvons diffuser des disciplines confidentielles, mais vous ne remplissez pas Bercy avec un groupe de jazz ! Contre l'idée reçue des méchants payants opposés aux gentils gratuits, n'oublions pas le soutien des chaînes payantes à certains sports, alors que le gratuit recherche par nature les événements fédérateurs. Eurosport suit un modèle entre les chaînes du top premium et les chaînes gratuites.
Mme Françoise Boog . - Dans des sports confidentiels, certaines fédérations payent-elles pour que leurs compétitions soient diffusées ?
M. Arnaud Simon . - Cela arrive. Nous avons ainsi un accord avec la fédération internationale du sport universitaire (FISU).
M. Florent Houzot . - Ce n'est pas notre cas. Mais au-delà des compétitions qui nous servent de vitrine, nous diffusons les compétitions de quinze disciplines, du basketball, du handball ou du rugby à treize au judo ou à l'athlétisme. Nous avons répondu positivement à des fédérations désireuses d'une diffusion pour convaincre leur fédération internationale d'organiser en France une compétition, comme la fédération française de volleyball, qui a ainsi pu se qualifier sur son terrain pour le championnat du monde. Mais les fédérations doivent parfois prendre conscience de nos coûts : les championnats du monde de ski de Val d'Isère nous ont ainsi prévenu au dernier moment qu'ils voulaient utiliser deux pistes au lieu d'une, ce qui représente un coût de production double pour nous.
M. Daniel Bilalian . - Bien des gens croient que nous n'en faisons pas assez. À la radio, il est possible de faire sans argent si on a du talent. À la télévision, c'est impossible : rien qu'en vous disant bonjour, j'ai dépensé 20 000 euros chez EDF ! À la radio, un direct avec Kiev coûte 40 euros - le prix d'un coup de téléphone -, à la télévision, 15 000 euros ! Nous sortons de la diffusion des Jeux olympiques d'hiver sur lesquels 200 personnes ont travaillé ; nous préparons ceux de Rio, cela coûte des millions d'euros. Mais comme c'est le service public - comme EDF ou la SNCF - nos succès n'étonnent pas ; en fait, nous nous réjouissons quand on ne nous reproche rien ! Nous favorisons certains sports tels que le patinage, en chute libre en dehors des Jeux olympiques, en les produisant sans payer de droits de diffusion. Autrefois, la concurrence se faisait entre les gratuits ; aujourd'hui, c'est entre les payants : nos contraintes économiques sont trop strictes. Nous nous réservons pour quelques événements, comme les matchs de l'équipe de France de football et de rugby, le Tour de France - qui est pour les Français un moment de joie simple dans la redécouverte de leur pays et a peu de choses à voir avec le sport - et Roland-Garros.
M. Michel Savin, président . - Nous vous remercions pour la qualité de vos réponses.
Mercredi 9 avril 2014
MM. Richard Olivier,
président de la direction nationale de contrôle de gestion
pour
la ligue de football professionnel - Philippe Ausseur, président de la
commission de contrôle de gestion de la direction nationale de conseil et
de contrôle de gestion pour la ligue nationale de basketball et
Jean-Christophe Rougé, membre du Conseil supérieur de la
direction nationale d'aide et de contrôle de gestion pour la ligue de
rugby
M. Michel Savin , président . - À l'heure où le nouveau Premier ministre entend engager une réforme territoriale ambitieuse et impliquer fortement les collectivités territoriales dans la recherche d'économies, le contrôle des finances des clubs est un sujet sensible. Un rapport d'une mission d'inspection publié en juillet 2013 a pointé un certain nombre de dysfonctionnements. Aussi avons-nous souhaité rencontrer des responsables de directions nationales de contrôle de gestion (DNCG).
M. Richard Olivier, président de la DNCG pour la ligue de football professionnel, est accompagné de M. Belsoeur, président du comité stratégique des stades et de Mme Cécile Huet, responsable des affaires juridiques de la commission de contrôle des clubs professionnels ; M. Philippe Ausseur, président de la commission de contrôle de gestion de la direction nationale de conseil et de contrôle de gestion pour la ligue nationale de basketball, est venu avec Mme Marie Dvorsak, contrôleur de gestion ; M. Jean-Christophe Rougé, membre du conseil supérieur de la direction nationale d'aide et de contrôle de gestion pour la ligue de rugby, avec M. Marc Le Nerrant.
M. Richard Olivier, président de la DNCG pour la ligue de football professionnel . - Nos interlocuteurs sont les clubs, davantage que les collectivités territoriales, même si celles-ci jouent un rôle important auprès d'eux. Les faillites récentes de clubs, que nous avons réussi à différer jusqu'au terme des championnats, ont eu un fort impact sur les finances locales, notamment lorsque les collectivités territoriales concernées avaient fait construire des stades.
Notre mission est de nous assurer de la pérennité des clubs, notamment pour garantir l'équité sportive des championnats. Nous supervisons une quarantaine de clubs, qui sont auditionnés deux fois par an par une commission de dix-huit personnes, comportant des fiscalistes, des juristes, d'anciens dirigeants de clubs... Cela nous donne une appréciation raisonnable de la santé financière de l'ensemble des clubs. Quand l'un d'entre eux est en difficulté, nous lui demandons d'apporter des fonds propres supplémentaires.
Nous devons également contribuer à la régulation économique des championnats. Tout le monde n'interprète pas cette mission de la même manière. Devons-nous réguler le nombre de participants ? Les présidents de clubs s'y opposent.
Pour évaluer la santé financière des clubs, nous examinons leurs comptes prévisionnels avant le début de la saison. Depuis vingt-cinq ans que nous existons, aucun club n'a fait faillite pendant un championnat. Cela pourrait arriver, cela dit. Le plus gros risque, évidemment, ce sont les stades.
M. Philippe Ausseur, président de la commission de contrôle de gestion de la direction nationale de conseil et de contrôle de gestion (DNCCG) pour la ligue nationale de basketball . - Nous sommes garants, aussi, de la pérennité des clubs, partant de l'équité des championnats : nous devons éviter la défaillance d'un club en cours de championnat. Nous avons aussi une mission de conseil, notamment sur des sujets fiscaux et sociaux. Nous centralisons les contrôles et alertons les clubs sur les risques auxquels ils sont exposés. La DNCCG comporte huit personnes, dont trois experts-comptables, un juriste et d'anciens présidents de clubs ou des personnalités du basketball, n'ayant bien sûr plus aucune fonction dans un club ou dans une instance nationale.
Les collectivités territoriales sont essentiellement vues comme des sponsors, dont le calendrier financier diffère de celui des clubs, qui va du 1 er juillet au 30 juin. Nous cherchons à obtenir d'elles qu'elles confirment leurs engagements de subventions le plus tôt possible, afin que les clubs puissent construire leurs budgets.
Les équipements dont notre sport a besoin sont plus modestes que ceux nécessaires au football : il s'agit de salles, qui peuvent avoir d'autres usages. En France, il y a très peu de nouvelles salles.
M. Richard Olivier . - Le football a tout asséché !
M. Philippe Ausseur . - Exactement !
M. Richard Olivier . - En football, nous sommes tous bénévoles. Mes effectifs sont de quatre personnes, soit deux fois moins que pour le basketball. Il s'agit de deux spécialistes de finance, d'un juriste et d'un administrateur. L'essentiel, pour nous, est constitué par les auditions.
M. Philippe Ausseur . - Nous avons trois experts-comptables, mais les autres sont des bénévoles ! Notre personnel représente environ 1,5 équivalent temps plein. Nous voyons les clubs une ou deux fois par an, et leur réclamons un arrêté comptable au 31 décembre, visé par les commissaires aux comptes, sur lesquels nous nous appuyons autant que possible.
M. Jean-Christophe Rougé, membre du conseil supérieur de la direction nationale d'aide et de contrôle de gestion (DNACG) de la ligue nationale de rugby . - Créée après celle de football, la ligue nationale de rugby s'est calée sur son système de contrôle de gestion des clubs professionnels. La DNACG se compose d'une commission de contrôle des championnats professionnels comprenant dix membres (des experts-comptables et un avocat fiscaliste) et d'un conseil supérieur réunissant des personnalités issues du monde de l'entreprise ou de l'administration. La commission contrôle les documents comptables, établit les autorisations de masses salariales en début de saison, et dialogue avec la ligue nationale de rugby sur les questions de réglementation, quand le conseil participe aux principales décisions et sanctions. La commission de contrôle rend compte devant le conseil supérieur. Ses membres touchent une indemnité. Chaque expert-comptable est en charge du suivi de certains clubs pour toute la saison, et éventuellement pour la saison suivante, mais pas davantage, afin d'assurer un brassage. Des auditions régulières sont complétées par des visites sur place, qui renforcent la relation avec les conseils de chaque club, et parfois avec les représentants des collectivités territoriales.
Nous dialoguons beaucoup avec les responsables de la ligue nationale, ce qui nous a amenés à participer à l'évolution de la réglementation. Ainsi, à notre initiative, le règlement de la ligue nationale de rugby prévoit désormais pour les clubs un fonds de réserve obligatoire, proportionnel aux masses salariales engagées, afin d'amortir l'éventuelle défaillance d'un sponsor. Nous travaillons actuellement sur un salary cap , qui plafonnerait la masse salariale en valeur absolue et non plus relative. Nous réclamons aux clubs des états financiers au 31 décembre et au 31 mars, ce qui donne une vision assez précise pour l'année suivante.
Les recettes des matchs ne représentent que 19 % des produits d'exploitation des clubs professionnels de rugby. Pouvoir recevoir du public représente pour eux un atout financier considérable. Cet état de fait peut conduire à des délocalisations ou des relocalisations dont les résultats peuvent être spectaculaires, comme on le voit quand le club Bègles-Bordeaux joue au stade Chaban-Delmas.
M. Stéphane Mazars , rapporteur . - Vous adressez-vous uniquement aux clubs professionnels ? Comment les identifiez-vous ?
M. Philippe Ausseur . - En basketball, le critère est la participation aux championnats Pro A, qui concerne 16 clubs, et Pro B, qui rassemble 18 clubs.
M. Richard Olivier . - Il en va de même pour le football : les clubs qui participent au championnat de France de Ligue 1 et de Ligue 2 doivent disposer du statut professionnel. Un club rétrogradé peut conserver le statut professionnel pendant deux saisons.
M. Jean-Christophe Rougé . - Pour le rugby, seuls les clubs qui participent aux championnats professionnels (14 en première division ; 16 en deuxième division) sont concernés. Nous échangeons avec la commission de contrôle de niveau fédéral pour homogénéiser nos analyses.
M. Philippe Ausseur . - Même chose pour le basketball.
M. Stéphane Mazars , rapporteur . - Quelle est la situation financière actuelle des clubs ? Que représentent pour eux les apports des collectivités territoriales ?
M. Philippe Ausseur . - Le millésime 2012-2013 a été bon : les situations nettes et les résultats nets ont tous deux progressé. Pour la première fois, les résultats cumulés de la Pro A et de la Pro B étaient positifs. Espérons que nous y sommes pour quelque chose ! Nous avons alerté les clubs sur les aléas que la crise faisait peser sur les recettes de sponsoring , qui représentent environ 48 % du total, quand les recettes des matchs s'élèvent à 15 % en Pro A. Les subventions des collectivités territoriales, elles, constituent 29 % des budgets. Les résultats sont équivalents en Pro B.
M. Richard Olivier . - Les résultats ont été un peu meilleurs que l'année passée, mais ils peuvent se détériorer les années prochaines. Le football vit des entreprises : une grande partie des recettes est constituée par des abandons de créances qu'elles consentent. Sans cela, tout le système s'effondre. Voilà pourquoi nous nous opposons au fair-play financier.
Le coût des stades est une variable majeure. La plupart des clubs doivent faire appel aux collectivités territoriales pour les financer. Celles-ci considèrent ensuite - à juste titre - qu'elles en sont propriétaires, et qu'elles doivent les gérer. Les clubs se sentent alors privés de leur principal outil.
M. Jean-Christophe Rougé . - En Top 14, les subventions des collectivités territoriales ont représenté 4 % du budget en 2012-2013. Les contrats de prestation de service atteignent un montant à peu près équivalent : les collectivités territoriales privilégient le sport comme support de communication. En deuxième division, la part des subventions des collectivités territoriales est double. Ces montants incluent la société professionnelle et l'association, de manière à ce que celle-ci ne vienne pas trop en aide à celle-là.
Peu de clubs ont effectué des investissements dans des stades, suite à une expérience malheureuse en ce domaine. Les outils réglementaires et financiers nécessaires à de tels investissements ne sont souvent pas à leur portée. Pour un tel investissement, les banques prêtent à douze ou quinze ans, de sorte que l'amortissement financier ne coïncide pas avec l'amortissement comptable. Le bail emphytéotique concerne plutôt le terrain.
M. Stéphane Mazars , rapporteur . - Vous avez évoqué un salary cap dans le rugby. Quels sont les points de vue sur la question dans les milieux du football et du basketball ? Comment articuler les exigences du fair-play financier et les vôtres ?
M. Richard Olivier . - Nous ne sommes pas favorables à un salary cap car la loi nous permet d'adapter à chaque club les contraintes que nous lui fixons. La contrainte de salary cap n'est pas assez complète : il faudrait l'étendre aux frais d'exploitation pour éviter les détournements. Mieux vaut adapter les contraintes à chaque club, et y inclure les frais d'exploitation, en en retranchant les frais de formation, parce que les centres de formation équilibrent leurs comptes, et que les indemnités de mutation sont normées.
M. Alain Belsoeur, président du comité stratégique des stades . - Il nous arrive de limiter la masse salariale des joueurs sous contrat d'un club, puisque ces contrats doivent être homologués par la ligue. Le montant des subventions des collectivités territoriales représente 1 % en Ligue 1 et 8 % en Ligue 2.
M. Philippe Ausseur . - Bien que la notion de salary cap vienne du basketball américain, la ligue française y est opposée. Nous disposons déjà de mesures claires de limitation de la masse salariale. Un salary cap est une sanction pour certains, un danger pour d'autres. Mieux vaut respecter l'économie propre de chaque club.
M. Jean-Christophe Rougé . - J'approuve ces analyses. Il faut aussi prendre en compte le droit à l'image donné à chaque joueur. Le rugby est confronté à une croissance trop rapide des salaires, dont le marché s'est emballé. Un salary cap était devenu indispensable. Le plafond a été déterminé en fonction du montant maximal engagé par le club qui a la plus forte masse salariale : il s'agit d'une valeur absolue. Bien sûr, nous tenons compte de la spécificité de chaque club. L'an dernier, nous avons prononcé sept mesures de limitation salariale à titre provisoire, sur un total de trente clubs et nous en avons maintenu trois.
M. Richard Olivier . - Mieux vaut le fair-play a priori , qui consiste à contrôler la masse salariale sur la base des comptes prévisionnels - ce que font les DNCG. Le contrôle a posteriori du fair-play fait par l'UEFA intervient quand il est trop tard.
M. Stéphane Mazars , rapporteur . - En 2013, un rapport formulait des interrogations sur l'indépendance des DNCG. Il la qualifiait de « fragile », car ne reposant que « sur l'éthique individuelle des experts et des dirigeants des organisations sportives » ; il pointait encore « un risque élevé de conflits d'intérêts dans des organisations où le pouvoir de décision, tant en matière de règles que de mise en oeuvre des contrôles, appartient à ceux qui doivent observer ces règles et sont soumis à ces contrôles . » Êtes-vous suffisamment indépendants ?
M. Richard Olivier . - Cela vise-t-il le sport amateur ou professionnel ? Nous avons eu ce débat avec la ligue. Il s'est accentué ces dernières années. J'ai toujours considéré qu'il ne fallait pas toucher à une construction fragile : le mieux est l'ennemi du bien. Le système de DNCG marche superbement : aucune faillite n'est intervenue depuis vingt-cinq ans. Les auditions n'ont jamais posé problème, et ont évité tout incident de parcours pendant le championnat. Les relations au jour le jour avec les ligues ont sans doute donné lieu à quelques tiraillements. Il n'empêche que ce système étant au coeur du football, il sent ses évolutions mieux que ne le ferait une instance éloignée. L'essentiel est que les clubs puissent effectuer toute la saison.
M. Philippe Ausseur . - Le basketball est le premier sport à avoir mis en place un contrôle de gestion. Depuis vingt ans, la DNCCG est devenue vraiment indépendante, aussi bien par rapport aux clubs que par rapport à la ligue, dont aucun représentant ne siège à la DNCCG. Les décisions de la DNCCG sont souveraines. Le premier appel se fait devant elle, le deuxième devant la fédération : la ligue n'a pas le moindre pouvoir sur ses décisions. De plus, l'une de nos missions est d'anticiper les problèmes et d'apporter du conseil. Les permanents de la ligue nationale nous aident dans cette tâche. Nous allons ainsi beaucoup plus loin.
M. Jean-Christophe Rougé . - Je suis entré à l'organisme qui a préparé la ligue professionnelle sous l'égide de la fédération française de rugby en 1996. J'ai connu trois présidents de cette ligue. À chaque changement, j'ai remis ma démission ; à chaque fois, elle m'a été refusée. Il n'y a jamais eu d'intervention politique de la ligue ou de la fédération dans les décisions ou les sanctions que la DNACG a prises. Si nous avons pu alerter les dirigeants de ces instances de problèmes qui apparaissaient, ils ne sont pas intervenus pour autant. Seules deux des quinze personnes qui composent le conseil supérieur ont eu une pratique du rugby dans leur jeunesse. Sept des dix membres de la commission de contrôle découvrent le rugby à travers leur fonction.
Mme Cécile Huet, responsable des affaires juridiques de la commission de contrôle des clubs professionnels . - Le cadre légal préserve bien cette indépendance : la DNACG garde la main sur les objectifs qu'il fixe.
M. Alain Néri . - Le libellé de vos fonctions est clair : qu'il ajoute au contrôle de gestion le conseil ou l'aide, votre rôle est de salubrité publique. C'est important pour les clubs, comme pour leur environnement : il leur faut faire face à la pression grandissante des supporteurs qui aiment sans compter...
M. Richard Olivier . - Tout à fait !
M. Alain Néri . - Vous avez un rôle primordial lorsque la passion l'emporte sur la raison. J'ai entendu des voix dernièrement s'indignant que le Paris Saint-Germain (PSG) ait perdu le match avec un budget de 100 millions d'euros. Heureusement que le budget ne détermine pas le résultat !
Je suis favorable à l'encadrement de ces entreprises un peu particulières, qui vivent certes peu des subventions publiques, mais beaucoup du sponsoring , c'est-à-dire de subventions privées. Des DNCG européennes, voire mondiales ne correspondraient-elles pas davantage au sport d'aujourd'hui ? Je le vois près de chez moi : même dans le rugby, le club de Montferrand, qui ne comptait que des joueurs du cru, n'en compte plus qu'un ou deux. Il faudrait, comme pour le dopage, étendre ce modèle à l'Europe, puis au monde.
M. Philippe Ausseur . - Il y a beaucoup d'autres entreprises qui fonctionnent sur un modèle atypique : les journaux gratuits, qui dépendent exclusivement de la publicité...
M. Alain Néri . - Je n'ai pas dit que j'étais favorable aux journaux gratuits !
M. Philippe Ausseur . - L'important, c'est la manière dont le club fait face à l'aléa sportif, qui détermine le retour sur investissement d'une collectivité ou d'une personne privée comme M. Aulas. Dans ma discipline, le basketball, les États-Unis ont résolu le problème en créant une ligue fermée, ce qui garantit que l'outil sera bien exploité.
M. Alain Néri . - Mais du point de vue de l'éthique ...
M. Philippe Ausseur . - Quant à l'extension des DNCG, elle me semble compromise par un cadre juridique, des charges sociales et des règles concernant les subventions propres à chaque État. Ce qui n'empêche pas qu'il en faudrait dans tous les pays.
M. Richard Olivier . - Il y aurait aussi un problème de gouvernance : qui fixerait les critères ?
M. Maurice Vincent . - À Lyon, M. Aulas n'investit pas 400 millions d'euros comme vous le dites, mais 135 en commun avec M. Seydoux, le reste étant financé par des emprunts bancaires garantis par le département et la métropole.
M. Richard Olivier . - C'est juste. J'aurais dû parler de fonds propres.
M. Maurice Vincent . - D'après vous, quel que soit le modèle choisi (maîtrise d'ouvrage publique ou PPP), l'idée des collectivités qui réalisent un investissement est de faire du stade un objet qui leur soit propre, ce qui pose des problèmes dans la gestion par le club. Au contraire, je crois qu'elles cherchent à concilier l'intérêt du club avec les règles de la comptabilité publique et le retour sur investissement, ce qui passe par la redevance d'occupation du stade.
M. Richard Olivier . - Le rôle de Vinci n'est pas clair.
M. Maurice Vincent . - Les élus recherchent l'équilibre.
M. Alain Belsoeur . - Je suis président du comité stratégique des stades de la ligue de football professionnel : les clubs n'obtiennent pas, loin s'en faut, le surplus de bénéfices qu'ils pouvaient espérer de stades plus grands : Lille, passé de 15 000 à 35 000 spectateurs, ne touche pas un centime de plus.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe . - Vous m'étonnez !
M. Alain Belsoeur . - Je parle du résultat net.
M. Dominique Bailly . - C'est à cause du PPP !
M. Alain Belsoeur . - Pas seulement, mais c'est un vrai problème. L'US Valenciennes nous dit que son nouveau stade lui coûte plus cher. La France a été candidate à l'Euro 2016 pour moderniser ses équipements, comme l'Allemagne avec la coupe du monde 2006. Mais que faisons-nous collectivement pour suivre son modèle ? Entre 2000 et maintenant, sa Ligue 1 est passée de 20 000 spectateurs - comme nous aujourd'hui en comptant les 20 % de places gratuites - à 45 000. Attention à notre modèle économique : nous risquons de nous retrouver avec des éléphants blancs. Le football français est financé à 11 % seulement par l'activité sportive, contre 25 à 30 % en Allemagne ou en Grande-Bretagne. La différence de chiffre d'affaires entre Bundesliga et Ligue 1 est de 500 millions : c'est énorme ! Les Français sont 10 à 11 millions à se dire passionnés par le football, mais ils ne viennent pas au stade. Il nous faut par conséquent nous inspirer des bonnes pratiques en matière d'accueil, de prestations, de sécurité pour leur donner envie de venir. C'est un travail d'intérêt national qui concerne bien entendu les collectivités.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe . - Les services de contrôle de gestion des clubs sont essentiels pour les collectivités, mais à la seule condition qu'elles aient avec eux un dialogue direct. Leur travail, présenté par les clubs eux-mêmes, donne toujours le même résultat : tout va très bien. Nous aurions besoin de votre aide lorsque nous devons prendre une décision d'investissement. J'ai ainsi dû résister à un président de club qui n'était pas même encore en Pro D2, et qui me demandait de lui construire un stade. Vous avez un rôle important à jouer.
M. Dominique Bailly . - M. Todeschini et moi sommes les auteurs d'un rapport sur le financement public des grandes infrastructures sportives. Un point pose problème : une collectivité qui construit un équipement veut percevoir une redevance du club occupant. Mais ce dernier devrait pour augmenter ses bénéfices l'utiliser à des fins autres que sportives et organiser des concerts ou des fêtes. Or si le stade est construit en PPP, il ne le peut pas. Il est donc préférable que les actionnaires de la société de gestion et du club soient les mêmes. Le stade Océane du Havre est en ce domaine un modèle. C'est pourquoi la conclusion de notre rapport était : non aux PPP.
M. Michel Savin , président . - Pouvez-vous donner des conseils aux collectivités avant un investissement, et le faites-vous ?
M. Richard Olivier . - Il faudrait encore qu'on nous le demande.
M. Philippe Ausseur . - On ne s'adresse à nous que lorsqu'il est trop tard. Vous avez raison, il arrive que certains clubs n'aient même pas la jouissance des buvettes pendant les matchs. Doit-on s'immiscer dans les décisions des collectivités ? Je ne le crois pas : certaines préféreront les PPP, d'autres la maîtrise d'oeuvre publique, d'autres l'investissement privé... Et nous sommes conseils des clubs. Nous sommes intervenus à Villeurbanne, car il s'agissait d'un projet du club.
M. Jean-Christophe Rougé . - Il nous est interdit de nous immiscer dans les décisions de gestion des clubs, qui ont des conseils, comme les collectivités territoriales. Nous pouvons en revanche participer à une réflexion collective. Ce qui manque, ce sont les échanges. Certes nous en avons avec les clubs, et, informellement, avec les élus. Or nous en avons besoin pour définir un modèle économique, avec les conseils des clubs, experts-comptables et commissaires aux comptes - même s'il ne faudrait peut-être pas compter ces derniers comme des conseils...
M. Richard Olivier . - Cela se discute.
M. Jean-Christophe Rougé . - Nous devons parfois leur rappeler que nous ne sommes plus à la kermesse, mais face à des entreprises.
M. Michel Savin , président . - Ce sera le mot de la fin. Je vous remercie.
MM. Rémi Duchêne, inspecteur général de l'administration et Bertrand Jarrige, inspecteur général de la jeunesse et des sports, co-auteurs du rapport de la mission d'évaluation de la politique de soutien au sport professionnel et des solidarités avec le sport amateur
M. Michel Savin , président . - Nous poursuivons nos auditions avec MM. Rémi Duchêne, inspecteur général de l'administration, et Bertrand Jarrige, inspecteur général de la jeunesse et des sports, co-auteurs en juillet 2013 du rapport de la mission d'évaluation de la politique de soutien au sport professionnel et des solidarités avec le sport amateur, qui a mis l'accent sur les déficiences du contrôle de gestion des clubs et sur l'absence de véritable régulation. Mettre en place, comme elle l'a proposé, une autorité indépendante préserverait les collectivités territoriales sollicitées par les ligues et les clubs, mais soumises à des normes sur lesquelles elles n'ont pas de prise.
M. Rémi Duchêne, inspecteur général de l'administration . - Les aides des collectivités territoriales aux clubs sportifs peuvent prendre la forme de subventions ou d'achats de prestations. Le code du sport encadre le montant annuel maximal par sport et limite ces aides aux trois missions de service public que sont la formation, la cohésion sociale et la sécurité, ces dernières entendues au sens large, puisque intégrant par exemple dans la sécurité la prévention de la violence.
L'on se heurte d'abord à des difficultés techniques, ainsi sur le calcul des subventions cumulées, ou parce que la saison sportive ne coïncide pas avec l'annualité budgétaire ; surtout, les clubs ne produisent pas de document attestant de la finalité d'intérêt général de la subvention, et les préfectures ne les contrôlent pas. Les subventions servent ainsi trop souvent à alimenter des dépenses de fonctionnement, y compris des dépenses salariales.
La loi ne dit pas si le plafond des achats de prestations s'entend hors taxe ou TVA comprise. Comme cela peut prendre des formes aussi différentes que l'achat de places distribuées gratuitement ou à prix réduit aux enfants des collèges et l'achat d'espace publicitaire pour la promotion de la collectivité elle-même, nous sommes favorables à l'établissement d'un plafond dans le plafond pour réorienter les dépenses vers des actions véritablement destinées au public. Nous préconisons également d'établir une réunion annuelle de contrôle de la correcte application des seuils, de cibler les subventions servant à des dépenses salariales, de demander des études d'impact par mission et de compter la TVA dans le calcul des plafonds d'achat.
Premier enjeu, réorienter les dépenses des collectivités du fonctionnement vers l'équipement. Lors de nos déplacements à Montpellier comme au Mans, nous avons constaté qu'elles contribuaient à l'inflation salariale. Est-il légitime d'aider des disciplines où règne le sport business ?
M. Bertrand Jarrige, inspecteur général de la jeunesse et des sports . - Les équipements représentent en effet un enjeu central dans la relation entre clubs et collectivités. Dans ce domaine, la répartition des compétences est ambiguë : théoriquement, le code du sport interdit aux ligues d'avoir des exigences ayant trait à la commercialisation du spectacle sportif. En réalité, tous les acteurs se renvoient la balle... Les collectivités se plaignent que les fédérations et les ligues imposent des normes sans en supporter le coût ; ces dernières parlent de simples recommandations ; les clubs se plaignent de n'être associés que tardivement aux décisions des collectivités.
Les conditions de mise à disposition d'équipements municipaux ou communautaires sont instables : elles devraient en effet tenir compte de la valeur locative et du chiffre d'affaires que dégage le spectacle professionnel, ce qui n'est pas le cas partout, loin s'en faut. Nous avons même vu des cas de gratuité. Une épée de Damoclès juridique pèse alors sur les délibérations correspondantes, et les annulations se sont multipliées, comme à Villeurbanne pour l'Astroballe ou à Paris pour Roland-Garros.
Résultat, l'engagement financier des collectivités reste très élevé. Étant généralement le maître d'ouvrage de ces équipements, elles supportent les aléas sportifs du club, ainsi qu'on l'a vu au Mans ou à Grenoble. Certains grands projets pour l'Euro 2016 ont recours aux PPP, dont les loyers très importants sur le long terme ne pourront peut-être pas être répercutés sur les clubs, comme à Marseille ou demain à Lille. Certains projets se présentent comme purement privés, alors qu'aucun n'aurait été possible sans un apport des collectivités, comme le stade de Décines à Lyon, où la chronique judiciaire se poursuit, le projet d'Aréna 92 du Racing Metro de Nanterre, où le conseil général s'est engagé à acquérir un immeuble de bureaux, ou même la rénovation des bétons du Parc des Princes, que la Ville de Paris finance à hauteur d'une vingtaine de millions d'euros.
Une idée s'impose face à cette situation, que ce soit à la Commission grands stades Euro 2016 ou à la commission Arénas 2015 : une plus grande implication des clubs. Cela tarde à se concrétiser. Un petit nombre de clubs de football et de rugby sont propriétaires de leur stade, pour des raisons historiques, et d'autres, comme l'Olympique Lyonnais, le Racing-Métro 92 ou le PSG, ont des projets. La formule du bail emphytéotique, ouverte par le législateur, n'a été choisie que pour quatre projets qui n'ont finalement pas vu le jour. Un frein important est l'impossibilité pour les collectivités d'aider les clubs pour leurs investissements.
Nos préconisations sont les suivantes : prendre une nouvelle circulaire des ministères de l'intérieur et des sports sur le sujet - la précédente date de 2002 ; sécuriser le modèle économique : la ligue ouverte avec ses montées et descentes, à laquelle tous sont très attachés, pose un problème ; peut-être faudrait-il au moins amortir ces mouvements. Enfin, transposer pour les équipements le régime d'aide spécifique pour l'Euro 2016, auquel la Commission européenne a donné un accord en décembre dernier.
M. Stéphane Mazars , rapporteur . - Nous l'avons entendu hier encore, l'heure est aux économies, notamment pour les collectivités. Dans ce contexte, doivent-elles être aussi présentes aux côtés des sports les plus développés ? Les aides doivent se concentrer sur les équipements pour promouvoir un nouveau modèle où les clubs s'approprieront leur outil, ou tout au moins auront les mains libres dans leurs stades. Peut-on selon vous faire un distinguo en ce domaine entre sports ?
Le rapport de forces entre collectivités et clubs est plutôt en faveur de ces derniers, qui bénéficient de l'appui de l'opinion publique et de la presse. Les collectivités, qui doivent suivre la raison, et non la passion, ont parfois du mal à leur résister. Vous préconisez la création d'une autorité administrative indépendante pour réguler ce domaine qui devient de plus en plus assimilable au business et où les risques de conflits d'intérêt sont nombreux. Enfin, vous avez, à propos des DNCG, évoqué de possibles conflits d'intérêt.
M. Rémi Duchêne . - Les finances publiques sont en effet une denrée rare à utiliser le mieux possible. La prédominance des dépenses de fonctionnement dans les aides est un problème. La seule exception concerne les centres de formation, qui constituent certes un investissement immatériel, mais dont la qualité est reconnue internationalement. C'est le contraire au Mans, ou encore à Montpellier, où les collectivités ont fait le choix de faire du sport un vecteur de dynamisme et d'affichage, en y consacrant des dizaines de millions d'euros ; les équipements ne s'en ressentent guère : le stade de la Mosson est vétuste : le stade de rugby, quoique datant de 2007, ne peut accueillir faute de place les rencontres européennes du club, qui ont lieu à la Mosson, dont elles endommagent les pelouses...
La disproportion est souvent grande entre les investissements, toujours faits en fonction des meilleurs résultats des équipes, et la réalité : qui connaît un peu l'histoire sportive sait que Le Mans n'avait pas besoin d'un stade de 25 000 places, malgré les voix s'exprimant en faveur de la construction d'un pôle sportif fédérant les populations... La vitrine coûte cher !
Une politique vertueuse serait d'augmenter le contrôle, avec une certification par des commissaires aux comptes des subventions et des achats de prestations et un contrôle régulier par l'État, car cela relève du contrôle de légalité, de l'objet des subventions : lorsque nous entendons que tel joueur a été dans les quartiers pour faire une démonstration, nous disons que ce n'est pas ce que la loi appelle la cohésion sociale. Il conviendrait de faire porter les subventions sur les investissements, pas seulement sur la sécurité, mais aussi pour que les spectateurs n'aient plus l'impression de venir dans un univers carcéral de grillages et de barrières, où les supporteurs invités doivent marcher entre deux rangées de CRS. Les stades pourraient alors accueillir femmes, enfants et vieillards... Le succès du modèle allemand réside aussi dans cette modification de la sociologie du spectateur.
M. Bertrand Jarrige . - Les tableaux annexés à notre rapport montrent une situation très diverse d'une discipline à une autre. Certaines seraient incapables de vivre sans les subventions publiques ; le football et le rugby ne sont pas dans ce cas, mais les aides représentent 30 % des recettes des clubs de basketball, 50 % pour le handball et 80 % pour le volleyball. Quelles que soient les perversions du système actuel, l'on ne peut y mettre fin brutalement.
Peut-on pour autant créer une réglementation à géométrie variable ? Les collectivités ont pu faire accepter un régime en 2000-2001 à la Commission européenne pour leur permettre de résister à l'inflation des demandes des clubs. Il serait difficile de revenir treize ans plus tard devant une Commission bien plus attentive qu'alors à ces sujets pour faire valider un nouveau régime d'aides. Mieux vaut s'assurer que ce régime n'est pas trop détourné et renforcer les contrôles.
Certes les clubs de football et la plupart des clubs de rugby pourraient être autonomes financièrement. Cela relève de la responsabilité des collectivités territoriales, qui d'ailleurs agissent dans ce sens. Il convient de distinguer la régulation et le contrôle de gestion. La première dépend des fédérations et des ligues, dont le pouvoir a été encore renforcé par la loi sur le sport de 2012. Le contrôle de gestion est la vérification que les règles fixées par celles-ci sont respectées. En France, la régulation est faible car les fédérations ne sont pas allées au bout de leurs pouvoirs. Le salary cap ou plafond salarial n'a été mis en place que dans le rugby, et encore au niveau de la masse salariale du premier club ; le dispositif du joueur formé localement ne s'applique pas partout et dans des conditions particulières ; la licence club ne sert qu'à obtenir un label et des subsides supplémentaires. Les fédérations sont sous l'influence des clubs. Les réunions du conseil d'administration de la ligue du football professionnel sont toutes précédées par une réunion de l'union des clubs professionnels qui arrête toutes les décisions à prendre. Elles ne sont dès lors pas les mieux placées pour édicter des règles dans un contexte juridique de plus en plus complexe.
Le contrôle de gestion, s'il fonctionne plutôt bien, reste un régime de droit coutumier : le football et le rugby ont mis en place des structures qui ont été consacrées par la loi, mais aucun texte ne prévoit le détail de l'organisation des commissions chargées du contrôle de gestion. C'est pourquoi nous proposons de prendre un texte réglementaire à ce propos. Autre point, l'impensable est arrivé : une fédération a en effet décidé de passer outre une décision des instances de gestion, validée par deux fois par les instances d'appel. Bien qu'elle ait refusé de rétrograder le club du Mans au nom de l'intérêt supérieur du football, ce club a pourtant fini en liquidation judiciaire au terme d'une saison qu'il a eu du mal à terminer. La loi devrait réaffirmer le caractère indépendant et intangible de ces décisions lorsqu'elles sont prises dans les règles, et qui ne devraient être remises en cause ni devant la fédération, ni devant le Comité national olympique et sportif français (CNOSF), mais bien uniquement devant les tribunaux. Cela éviterait d'assister de nouveau à une lente agonie, comme celle du Mans.
Faut-il une autorité indépendante pour exercer ce pouvoir de régulation ? L'Autorité de la concurrence, à qui nous l'avons demandé, considère que cela n'est pas de son ressort, car elle ne descend pas dans le détail de chaque secteur. Cette autorité doit-elle se consacrer à tous les sports ou seulement aux plus développés ? Certains proposent qu'elle ne soit compétente que sur le football. Cette autorité devrait être compétente sur les trois niveaux : édiction des règles, contrôle de leur application et sanction en cas d'infraction. Un arbitrage sera nécessaire entre la nouvelle autorité et le pouvoir sportif ; la précédente ministre n'avait pas accepté cette proposition. Par mesure d'économie, nous envisagions plutôt une réaffectation à une autorité existante : l'Autorité de régulation des jeux en ligne (Arjel), par exemple, qui reprendrait certaines compétences du CSA, tant l'enjeu des droits TV est essentiel. Nous avions laissé de côté l'Agence française de lutte contre le dopage, qui dépend de l'Agence mondiale et du code mondial.
Dernier point : l'articulation entre notre contrôle de gestion, celui mis en place à l'UEFA et celui qui devrait être mis en place dans l'ensemble des fédérations étrangères.
M. Stéphane Mazars , rapporteur . - Comment les fédérations ont-elles perçu votre rapport ?
M. Rémi Duchêne . - M. Vincent et moi étions à la commission Glavany ; nous avions pu observer le fonctionnement des clubs et de la ligue de football, semblable à ce que décrivait Bertrand Jarrige : ces acteurs ont sorti de leur chapeau des propositions négociées ailleurs. J'ajouterai en mon nom personnel que cette défiance très forte est non seulement déplaisante, mais surtout qu'elle démontre chez des personnes investies de missions de service public qu'elles ont largement perdu de vue cette contrainte... Sur le plan juridique, la décision du 25 juillet 2012 de maintenir Le Mans en Ligue 2 n'existe pas, puisqu'il n'y a pas de procès-verbal ; elle a pris la forme, après une réunion tenue par téléphone, d'un communiqué affiché sur le site du club que Metz, qui attaquait cette décision, n'a pu produire devant le juge. Juridiquement, c'est impossible : j'ai consulté les statuts et le règlement intérieur de la FFF, que le ministère de l'intérieur conserve, en tant que tutelle des associations reconnues d'utilité publique. La base juridique se trouve dans les règlements généraux, à l'article 199, qui prévoit un droit de réforme en toute matière, sauf disciplinaire : le comité exécutif peut réformer les décisions dans l'intérêt supérieur du football français.
L'ensemble des textes doit garantir l'indépendance de la DNCG. Pour certains secteurs économiques, une autorité indépendante serait utile, pour qu'ils échappent à la mainmise des clubs professionnels.
M. Maurice Vincent . - L'aléa sportif rend difficile de trouver des investisseurs privés plutôt que des États, comme le Qatar. Je ne suis pas favorable aux ligues fermées. Les investisseurs extérieurs finiront par substituer la puissance financière à l'aléa sportif. La commission présidée par M. Glavany a bien montré que la volonté de valoriser les recettes de télévision implique des horaires de programmation des matchs qui ne conviennent pas aux familles qui pourraient fréquenter les stades. Comment résoudre cette contradiction, qui obère l'exploitation des stades ?
M. Bertrand Jarrige . - Sur l'aléa sportif, votre inquiétude est fondée. Peu de personnes soutiendraient le passage à un système de ligues fermées. Pourtant, celui-ci s'autorégule plus facilement que la compétition ouverte, qui conduit à une explosion des salaires. L'augmentation annoncée des droits du football passera dans la masse salariale des clubs plutôt que dans des projets d'avenir. Division par division, que deviennent les clubs qui montent et ceux qui descendent ? Il semble que la pire chose qui puisse arriver à un club soit d'être relégué, et la deuxième pire chose, d'être promu ! En dépit de l'exemple éclatant de Montpellier, le taux de survie des clubs promus est faible au-delà de deux ou trois saisons. De même, un club relégué voit ses ressources diminuer considérablement. Le système risque d'instituer, sous couvert de compétition ouverte, une compétition à deux vitesses, avec des clubs intouchables qui chaque année peuvent viser un titre européen, et une deuxième division, en quelque sorte, au sein de la première. S'il n'y a pas d'autorégulation, nous devons poser les principes d'une régulation et prévoir des mécanismes d'amortissement des descentes et d'encouragement des montées. Ces mouvements sont d'ailleurs sans doute trop fréquents, et leur nombre devrait être réduit, par exemple par des matchs de barrage.
M. Michel Savin , président . - En effet.
M. Bertrand Jarrige . - Je participe à une commission qui mène une expérimentation en basketball consistant à inviter en Pro A deux clubs de Pro B qui le justifient par un projet sportif. Nous verrons les résultats. Nul ne se résoudrait au passage aux ligues fermées.
M. Michel Savin , président . - S'il est difficile de modifier les critères, rien n'interdit de revoir le plafond des subventions au niveau national.
M. Rémi Duchêne . - Le principe du plafond est législatif, mais son montant est réglementaire. Il serait possible de le modifier, éventuellement de le diminuer : le niveau cumulé de dépense publique pour le secteur est élevé, alors même que les recettes professionnelles sont croissantes.
M. Bertrand Jarrige . - Parce qu'elles ont une contrepartie, les prestations ne sont pas considérées comme un régime d'aide. Les collectivités territoriales devraient d'ailleurs y avoir davantage recours, plutôt qu'aux subventions. Si l'on change le plafond des subventions, il faut le notifier à la Commission européenne, qui s'opposerait sans doute à son augmentation.
M. Stéphane Mazars , rapporteur . - D'autres pays ont-ils ce modèle de régulation du sport professionnel ?
M. Bertrand Jarrige . - Je ne le crois pas. Le système des DNCG est une invention française. L'organisation du sport en France est, en général, très spécifique, comme la place qu'y tient l'État.
M. Rémi Duchêne . - Nous avons un niveau d'équipement aussi compétitif que possible, mais les Français vont moins au stade que leurs voisins. C'est l'une des raisons pour lesquelles les collectivités territoriales sont appelées à l'aide pour rééquilibrer les budgets !
M. Michel Savin , président . - Je vous remercie.
Mercredi 16 avril 2014
Table ronde
consacrée au sport féminin
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M. Michel Savin, président . - Je remercie chacun des participants à cette table ronde. Si le sport féminin professionnel est depuis longtemps développé dans de nombreuses disciplines individuelles comme le tennis, le judo, la natation ou l'escrime, on assiste à une montée en puissance des équipes féminines dans le football, le basketball, le handball. Le développement de ces disciplines collectives rencontre-t-il des freins dès lors que des femmes les pratiquent ? Qu'en est-il, en particulier, des infrastructures, de l'encadrement ? Comment les collectivités territoriales aident-elles le sport professionnel féminin ? Est-ce aujourd'hui devenu une priorité ? Que dire, enfin, de l'intérêt des sponsors et du public pour les compétitions féminines ? Et de la couverture médiatique ? Le sport féminin peut-il voler de ses propres ailes ou bien est-il voué à se développer parallèlement au sport masculin, dans les mêmes clubs et en partageant les installations ?
Pour débattre de ces sujets, je suis très heureux d'accueillir Mme Véronique Pecqueux-Rolland, ex-internationale de handball féminin, membre du Bureau directeur de la fédération française de handball ; Mme Nathalie Dechy, ancienne joueuse de tennis professionnelle, membre du Comité de pilotage de Roland-Garros ; Mme Marie-Françoise Potereau, présidente de l'association Fémix Sports, directrice technique nationale (DTN) adjointe de la fédération française de hockey sur glace ; MM. Patrick Iliou et Olivier Blanc, directeurs généraux adjoints de l'Olympique Lyonnais (OL), et M. Laurent Arnaud, directeur d'OL Fondation.
Mme Véronique Pecqueux-Rolland, ex-internationale de handball féminin, membre du Bureau directeur de la fédération française de handball . - Effectivement, j'ai eu une carrière professionnelle dans le handball entre 1990 et 2009, avec 302 sélections en équipe de France - nous avons été vice-championnes du monde en 1999 et championnes du monde en 2003 - et j'ai joué principalement dans deux clubs professionnels, Dijon et Besançon.
Le sport professionnel féminin subit les décalages qui existent partout dans la société entre les sexes, des différenciations qui sont un héritage de l'histoire. Et il est évident que, pour un club féminin, il est toujours plus difficile d'obtenir des soutiens, en particulier des subventions, que pour un club masculin de même niveau.
Mme Nathalie Dechy, ancienne joueuse de tennis professionnelle, membre du Comité de pilotage de Roland Garros. - J'ai été joueuse de tennis professionnelle entre 1994 et 2009, où j'ai participé à l'ensemble des tournois du « Grand Chelem », en particulier au sein de l'équipe de France. Après avoir arrêté ma carrière, j'ai repris une formation universitaire et travaillé sur le sponsoring dans le sport féminin et son importance dans la professionnalisation du sport féminin, avant de devenir conseillère sportive pour le tournoi de Roland-Garros - je participe notamment à la programmation des matchs féminins, un enjeu très important puisque l'intérêt du public est directement lié à la possibilité de regarder des matchs de haut niveau.
Le tennis est le sport le plus « favorable » aux femmes, parce qu'il est particulièrement riche et surtout parce que les tournois du « Grand Chelem » mettent systématiquement en compétition autant de femmes que d'hommes, sur les mêmes courts et les mêmes périodes : c'est unique et c'est un exemple pour les autres sports. L'économie du tennis féminin français, ensuite, dispose de deux atouts importants : la fédération française de tennis, grâce à Roland-Garros, bénéficie de moyens importants, qui irriguent l'ensemble du territoire en soutien du tennis féminin ; GDF-Suez, ensuite, est un sponsor très engagé, qui soutient le développement du tennis féminin notamment par des tournois en région.
Le sport féminin est un sport jeune, des progrès importants ont été faits ces dernières années - je pense notamment aux « 24 heures de sport au féminin » -, une dynamique est lancée et il faut continuer d'avancer.
Mme Marie-Françoise Potereau, présidente de l'association Fémix Sports, directrice technique nationale (DTN) adjointe de la fédération française de hockey sur glace . - J'ai été cycliste de haut niveau pendant 14 ans puis exercé les fonctions de DTN adjoint du cyclisme puis DTN ajointe du hockey sur glace, avant d'être missionnée par le ministère des sports, sur la féminisation des sports - un axe d'action décidé au lendemain des Assises du sport au féminin, tenues en 2000 sous l'impulsion de Marie-George Buffet.
Avec le ministère, nous travaillons à accroître la pratique du sport par les femmes, mais aussi l'accès des femmes aux métiers et à l'encadrement des pratiques sportives - éducateur sportif, entraîneur, cadre technique, direction de clubs... Nous travaillons au sein du comité interministériel aux droits des femmes, qui a élaboré une feuille de route suivie d'année en année ; je crois qu'il y a une prise de conscience, 69 fédérations sportives disposent d'un plan de féminisation - il y en avait 12 il y a quatre ans -, nous proposons et diffusons des méthodes, organisons des colloques sur le sport au féminin et nous avons également co-organisé les « 24 heures de sport au féminin » le 1 er février dernier.
Nous ne devons pas relâcher nos efforts, parce que si des progrès ont été faits, le chemin est encore long pour voir les femmes prendre toute leur place dans le sport français - je suis du reste plus favorable à des binômes homme-femme, à la mixité plutôt qu'à une application stricte de la parité. Il y a aujourd'hui sept femmes DTN contre une il y a quatre ans ; dans l'encadrement de l'équipe de France des derniers Jeux olympiques, il y avait 5 techniciennes sur 22, mais aucune femme parmi les 18 médecins sportifs : c'est dire qu'il y a encore du chemin à faire !
M. Olivier Blanc, directeur général adjoint de l'Olympique Lyonnais (OL) . - Je suis directeur général adjoint de l'Olympique Lyonnais (OL), où je suis entré en 1989 - j'ai donc connu toute l'ascension du club, qui avait une longue histoire mais était alors en deuxième division. J'ai été à l'initiative, en 2004, de la création d'une section féminine de l'OL. La section féminine du Football club de Lyon (FCL) était en difficulté, les collectivités locales et les dirigeants du FCL nous proposaient de la soutenir ; cependant, nous avons préféré intégrer cette section à l'OL, pour la développer sur des bases professionnelles - parce que le football féminin est un vrai football, qui peut se développer comme le football masculin. Aussi avons-nous intégré pleinement cette section dans notre politique générale du club, y compris dans notre école de formation, l'Académie du football. La section féminine dispose de la marque OL - pour tous les supports - et nous lui avons dédié des infrastructures professionnelles.
Cette expérience, qui a maintenant dix ans, est un succès, les résultats sont là. Cependant, on constate un véritable problème pour l'accès des femmes aux postes d'encadrement, y compris dans les clubs féminins : il n'y a pas assez de candidates, il faut faire un effort dans la formation des jeunes femmes et trouver des voies originales pour que des sportives, une fois leur carrière terminée, parviennent à des postes de responsabilité.
M. Michel Savin, président . - Que pensez-vous du rôle des collectivités locales dans le développement du sport au féminin ? Pour le tennis, par exemple, les partenaires principaux de tournois en région sont-ils des collectivités territoriales ? On voit aussi que, si le sport féminin obtient de très bons résultats pour les équipes nationales, jusqu'aux titres suprêmes, les choses sont bien plus compliquées pour les clubs : comment expliquer ce décalage et que faire pour y remédier ?
Mme Véronique Pecqueux-Rolland . - Les collectivités locales sont les premiers interlocuteurs des clubs pour les subventions et elles doivent faire des choix, parce que les demandes sont évidemment nombreuses. C'est dans ces arbitrages que les clubs féminins passent trop souvent après les clubs masculins, en particulier pour des subventions. Or, ces difficultés arrivent au moment où des sports féminins se professionnalisent et où il faut, justement, les soutenir dans cette transformation.
Mme Nathalie Dechy . - Pour se diffuser, le sport féminin a besoin de résultats - c'est le cas pour les sports individuels comme le tennis, et pour les sports collectifs, comme le foot, on le voit avec l'OL, ou comme le handball. Le développement passe par le triptyque médias/intérêt économique/sponsors, qui se mobilisent avec les résultats des sportives. Les collectivités jouent un rôle essentiel pour les clubs et elles peuvent faire progresser l'ensemble du sport féminin en faisant un lien entre leur engagement au quotidien dans les clubs et le sport professionnel ; je pense, en particulier, à l'organisation d'événements, comme des tournois, qui sont mobilisateurs - aussi bien pour le public que pour les médias, donc les sponsors.
M. Michel Savin, président . - D'autres tournois de tennis que ceux du « Grand Chelem » ont-il cette règle de mettre en compétition un nombre égal d'hommes et de femmes ?
Mme Nathalie Dechy . - Non, les autres circuits organisent séparément des tournois féminins et masculins. Les collectivités comptent dans certains tournois, par exemple celui de Strasbourg. Pour celui de Toulouse par exemple, il y a aussi les sponsors privés, comme La Dépêche du Midi.
Mme Véronique Pecqueux-Rolland . - Le soutien des collectivités locales est nécessaire, mais il ne peut pas suffire au développement du sport féminin, il faut des résultats, qui font aussi la médiation, et réciproquement. C'est ce qui s'est passé avec l'équipe de France de handball : personne ne nous connaissait, puis il y a eu la demi-finale contre la Norvège en 1999 - et nous nous sommes propulsées dans un autre monde.
Mme Marie-Françoise Potereau . - La médiatisation est un facteur déterminant aussi pour l'engagement des collectivités locales, en particulier pour qu'elles soutiennent le sport féminin. Les Jeux olympiques sont un levier également, en promouvant au féminin tous les sports en compétition, y compris la boxe, qui y a fait son entrée aux JO de Londres.
La question, cependant, reste de parvenir à ce que les collectivités locales soutiennent plus en amont le sport au féminin. Il y a des sujets très simples mais déterminants, comme l'accès aux salles de sports à des horaires qui facilitent la pratique - des clubs se plaignent qu'on ne les laisse accéder aux équipements que tard le soir, à des heures où les parents hésitent à envoyer leurs filles faire du sport.
Les femmes cyclistes ne sont pas professionnelles, il leur faut passer par des métiers qui leur permettent de continuer à s'entraîner - j'étais, pour ma part, monitrice de ski... -, ce qui est une difficulté supplémentaire à surmonter. Seul un petit nombre de sports sont professionnels pour les femmes : le tennis, le handball et le football sont en fait des exceptions. Un progrès consisterait, je le vois pour le hockey sur glace, à trouver un statut qui permette aux femmes de s'entraîner suffisamment, car le niveau exige désormais un entraînement quasi quotidien.
M. Olivier Blanc . - L'OL ayant décidé d'intégrer en son sein une section féminine plutôt que de créer un club féminin à proprement parler, il ne reçoit pas de subvention qui vise spécifiquement le sport féminin. Cependant, conformément à la volonté du président Jean-Michel Aulas, la section féminine dispose d'un budget important, les joueuses bénéficient du statut fédéral et nous les accompagnons pour leur après-carrière. Quant à la participation des collectivités locales, elle nous importe évidemment, mais il y a longtemps que le football est financé par d'autres circuits.
M. Jean-Jacques Lozach . - Aux côtés des éléments les plus visibles du soutien des collectivités locales, comme l'organisation de tournois, d'événements, les subventions aux clubs, il y a des aides individuelles aux sportifs : en avez-vous bénéficié dans votre carrière ? Que pensez-vous de ce système : faut-il le maintenir, en faire davantage profiter les femmes ?
Mme Véronique Pecqueux-Rolland . - J'en ai bénéficié et je crois important de maintenir ce type d'aides, qui comptent sur la voie de la professionnalisation.
Mme Marie-Françoise Potereau . - Moi aussi, et même modestes, ces aides m'ont été un support quand, non professionnelle, je travaillais comme monitrice de ski, tout en m'entraînant tous les jours à vélo.
Cependant, je crois qu'il faudrait une ligne directrice pour ces aides, à tout le moins harmoniser leur usage, car la diversité, de l'aide individuelle à l'aide collective, aux infrastructures, à la formation, à la reconversion, entraîne des incohérences.
Mme Nathalie Dechy . - J'étais autonome financièrement dès l'âge de 16 ans et je dois vous avouer que je ne me souviens pas si j'ai bénéficié, ou non, d'une aide individuelle de la part d'une collectivité locale - c'est aussi que ce type d'aide compte très peu dans le budget d'une joueuse de tennis professionnelle, où le moindre déplacement dans un tournoi du « Grand Chelem » coûte plusieurs dizaines de milliers d'euros.
Cependant, ces aides sont utiles à de très jeunes joueuses, qui ont plus de mal à se lancer que les joueurs, du fait que l'économie tennistique féminine n'est pas aussi florissante que la masculine. La fédération française de tennis réfléchit aux moyens de compenser cette différence, sur le plan du financement aussi bien que pour la formation ou la reconversion : il faudrait, effectivement, aider davantage les filles, qui disposent de bien moins de moyens que les garçons au cours et après leur carrière.
M. Olivier Blanc . - Le football féminin a surtout besoin de formation, il n'y a rien avant l'âge de 15 ans, les centres sont encore trop peu nombreux et trop éloignés des lieux de résidence des jeunes femmes. L'excellence nationale étant regroupée dans le centre de Clairefontaine, une joueuse de l'OL doit s'y former la semaine et jouer le week-end avec Lyon, alors qu'elle pourrait se former au centre de Vaulx-en-Velin, bien plus proche de chez ses parents : il y a peut-être des assouplissements à trouver, et, certainement, à renforcer la formation en général.
Nous avons confié une mission dans ce sens à Sonia Bompastor, qui a fait un état des lieux et proposé des améliorations sur la formation. Les collectivités locales pourraient jouer un rôle plus important sur ces questions, comme elles le font pour la formation des jeunes au football masculin.
M. Dominique Bailly . - Les collectivités locales sont très sensibles au levier de médiatisation des grandes manifestations sportives et elles sont en première ligne pour les organiser - je pense par exemple à la Fed-Cup de tennis organisée à Lievin en 2010, ou encore aux phases finales de basketball féminin à Orchies, sans oublier que pour ces dernières, les collectivités ont déboursé quelque 600 000 euros. C'est bien le signe que les collectivités ont compris combien le sport féminin est un vecteur de communication, mais aussi de développement local.
Mme Nathalie Dechy . - Sans le soutien public que j'ai reçu, je n'aurais jamais eu la carrière que j'ai connue, parce que mes parents, tous les deux enseignants, n'avaient certainement pas les moyens de financer mes premiers déplacements.
Mme Marie-Françoise Potereau . - Dans certaines disciplines, comme le hockey sur glace, la réussite de clubs entraîne une forme de concentration de l'aide et il faut songer alors à une régulation, pour un certain équilibre entre les clubs.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe . - Comment aider au mieux le sport féminin ? Les événements médiatisés sont bien sûr un levier intéressant pour les collectivités, mais cela suppose une spécialisation pour un sport qui n'a rien d'évident, même si on nous le demande de manière récurrente, parce qu'à l'échelon local, de très nombreux sports sont pratiqués, les demandes nous viennent de partout - nos moyens sont faibles par rapport aux besoins, c'est vrai à Arras, très active dans le sport, comme pour bien d'autres villes. Les fédérations, à ce titre, ne mesurent peut-être pas toute l'importance qu'il y a à coopérer avec les collectivités locales, le plus en amont possible.
L'idée d'harmoniser l'usage des subsides apportés par les collectivités, ensuite, me paraît parfaitement illusoire, elle revient à nier l'autonomie de décision qui prévaut dans la décentralisation - et dans la clause générale de compétence, mais nous y reviendrons peut-être dans un autre débat.
M. Michel Savin, président . - D'autres clubs que l'OL se distinguent-ils par leur soutien au football féminin ?
M. Olivier Blanc . - Le premier club à développer le football féminin professionnel a été Montpellier, il y a une quinzaine d'années ; l'OL s'y est mis ensuite, avec plus de moyens ; puis le PSG a suivi, l'OM, Guingamp, et maintenant Toulouse et Saint-Etienne. La fédération française de football et la ligue veulent aller plus loin. Cependant, nous sommes encore loin de la situation allemande, où le pays compte un million de licenciées et où tous les clubs de Ligue 1 ont une section féminine qui dispose de tous les éléments de la marque de leur club.
M. Stéphane Mazars, rapporteur . - Dans certaines villes, comme à Rodez pour le football, c'est l'équipe féminine qui est la locomotive, obtenant les meilleurs résultats - même si l'équipe masculine a toujours le terrain d'honneur et les honneurs de la presse.
Je m'interroge sur le budget que l'OL consacre à son équipe féminine : d'où viennent ses ressources et comment les matchs sont-ils retransmis ?
M. Olivier Blanc . - La section féminine dispose d'un budget de 5 millions d'euros, un tiers provenant de sponsors et deux tiers du budget général de l'OL. Eurosport et France Télévisions retransmettent une quinzaine de matchs par an et, sachant que la production coûte cher et que les clubs sont libres de leur politique commerciale pour la retransmission des droits, nous sommes peu exigeants financièrement, préférant mettre l'accent sur la visibilité, l'exposition de notre équipe féminine.
M. Stéphane Mazars, rapporteur . - Accède-t-elle au stade de Gerland ?
M. Olivier Blanc . -Elle bénéficie de l'ensemble des attributs de la marque OL et il lui arrive de jouer à Gerland, ce qui démultiplie le public : dans une demi-finale de la Champions League contre Arsenal, 25 000 spectateurs sont venus et ont pu goûter à cette ambiance si conviviale du football féminin, loin de ce qu'on peut connaître avec le football masculin.
Mme Danielle Michel . - Quelle était votre motivation initiale, à l'OL, pour développer le football féminin ? Quels bénéfices en attendiez-vous ?
M. Olivier Blanc . - On nous l'a demandé au tout départ, pour aider la section féminine du FCL, puis nous y sommes allés pour gagner. Le handball et le volleyball féminins, par exemple, étaient déjà bien reconnus et nous avons estimé, c'était le choix du président Aulas, que le football féminin professionnel avait de l'avenir, que nous parviendrions à le développer. La section, aujourd'hui, coûte environ 3 millions d'euros à l'OL, mais nous sommes convaincus qu'elle parviendra à l'équilibre et qu'elle a un fort avenir à l'échelle européenne.
Mme Nathalie Dechy . - Le football féminin véhicule une autre image et peut secourir le football masculin, dont l'image s'est ternie ces dernières années. Je me souviens d'une couverture que le journal L'Équipe a consacrée au football féminin, avec ce titre : « Elles rendent le sourire » !
M. Olivier Blanc . - Les valeurs véhiculées par le football féminin sont différentes de celles du football masculin, le public est très différent également, beaucoup plus familial, convivial, festif.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe . - Le club de football féminin d'Arras dispose d'un budget de 250 000 euros, vingt fois moins que pour l'OL : comment espérer une égalité des chances avec de tels écarts ?
M. Olivier Blanc . - La fédération française de football (FFF) y réfléchit parce qu'effectivement, si les grandes équipes jouent le rôle de locomotives pour l'ensemble du football féminin, on ne peut organiser des matchs se soldant par des scores à 10-0 sans lui faire perdre de la crédibilité. Cependant, les choses changent, les écarts moyens diminuent.
Quant aux retombées d'images, c'est évident à l'intérieur même d'un club comme l'OL : on a vu des joueurs changer de comportement par la simple présence et par les résultats de la section féminine.
M. Stéphane Mazars, rapporteur . - Quand l'équipe féminine de l'OL vient jouer à Rodez, le match se déroule dans notre meilleur stade, le public vient nombreux et l'ambiance est toute différente de celle d'un match entre équipes masculines, c'est certain.
Pour faire avancer le sport féminin, la féminisation des structures, ne pensez-vous pas qu'on devrait être davantage prescriptif : obliger, par exemple, tous les clubs de haut niveau à disposer d'une section féminine ou encore accorder systématiquement plus de moyens publics au sport féminin ? Car on sait bien que la médiatisation ne suffira pas à compenser l'écart...
Mme Nathalie Dechy . - Je crois que nous ferons déjà un grand pas en encourageant l'accès des femmes aux postes dirigeants, la conciliation avec la vie de famille ou encore une répartition plus juste des moyens matériels et financiers. Le sport féminin est un sport jeune, la concurrence y est moins forte, il y a des avantages pour les sponsors à s'y investir, les retombées peuvent être plus rapides : il faut valoriser ces atouts. Le terme de parité me gêne, surtout pour le sport de compétition ; je préfère la sensibilisation et la notion de justice.
Mme Véronique Pecqueux-Rolland . - Je suis sur la même ligne, il n'y a pas à imposer la parité, mais à donner ses chances à tout le monde, surtout que ce n'est pas la guerre entre les clubs féminins et masculins. Il faut faire davantage découvrir le sport féminin, ses prouesses et ses valeurs : le public suivra. La coupe du monde de rugby féminin se déroulera en France au mois d'août, j'ai eu la chance de rencontrer notre équipe de France, elles sont formidables : il faut le faire savoir, le public se régalera !
M. Michel Savin, président . - Est-il plus difficile, pour des équipes féminines, d'attirer des sponsors ?
Mme Véronique Pecqueux-Rolland . - Oui, parce que les sponsors sont sollicités de partout et que les équipes féminines étant moins suivies par le public, il y a moins de retombées de notoriété. Mais les équipes féminines ont d'autres atouts, d'autres valeurs à promouvoir.
M. Michel Savin, président . - Elles peuvent également capter des sponsors plus petits, qui ne compteraient pas dans le sport masculin.
Mme Véronique Pecqueux-Rolland. - C'est certain et l'ambiance est également différente dans le public, plus conviviale, ce qui change la perspective du sponsoring .
M. Olivier Blanc . - Sur la parité, je dirai qu'à l'OL, nous nous sommes situés d'emblée sur le plan professionnel : nous travaillons avec des sportives de haut niveau, des compétitrices plutôt que « des femmes qui jouent au foot », notre perspective n'est pas de faire du travail social. Ensuite, je crois qu'il manque effectivement des moyens humains et financiers pour faire accéder les femmes aux postes d'encadrement - et que sur ce plan, les collectivités locales peuvent jouer un rôle plus important.
Enfin, le football féminin fait valoir des atouts que n'a pas le football masculin, aussi bien d'ordre économique, en offrant un « ticket d'entrée » bien moins coûteux, mais aussi sur les valeurs de travail, de solidarité, d'engagement. Je pense à une entreprise de bâtiment et travaux publics (BTP), sponsor de l'OL : chaque déplacement de l'équipe féminine mobilise l'entreprise au grand complet, ce sont des moments de communication interne très denses.
M. Patrick Iliou, directeur général adjoint de l'Olympique Lyonnais (OL) . - L'équipe féminine est intégrée à l'ensemble de nos structures, nous la traitons à égalité et mettons des moyens à disposition qui sont comparables à ceux mobilisés pour l'équipe masculine- un centre d'entraînement, un terrain dédié, un espace de vie. Dans nos relations avec les sponsors, nous mettons en avant les mêmes arguments que pour les garçons : l'image positive, les performances, l'intérêt du public. Et le sponsoring du football féminin crée des liens très forts : dans l'entreprise du BTP que cite Olivier Blanc, les salariés sont en grande partie des hommes, mais tout le monde est fier que l'entreprise soutienne l'équipe féminine de l'OL, chaque visite est effectivement très mobilisatrice. Je crois que nous devons valoriser le sport féminin, le traiter à égalité avec le sport masculin : c'est le choix qu'a fait le président Aulas et nous croyons que ce modèle économique sera gagnant.
M. Laurent Arnaud, directeur d'OL Fondation . - Les partenaires, effectivement, viennent chercher les valeurs du sport féminin, qui ne sont pas toujours les mêmes ou qui n'ont pas la même image que celles du sport masculin. Je crois que pour développer davantage le soutien aux équipes féminines, il serait utile de le traiter fiscalement comme un don plutôt que comme du sponsoring .
Mme Nathalie Dechy . - Effectivement, cette différence se justifierait par le fait que le sponsoring vise à renforcer la notoriété, grâce à la visibilité, alors que le soutien aux équipes féminines vise plutôt d'autres valeurs.
Mme Véronique Pecqueux-Rolland. - À Dijon, nous avons mis en place du mécénat, qui intéressait davantage certaines entreprises que le sponsoring .
Mme Françoise Boog . - J'admire particulièrement les sportives de haut niveau, parce qu'elles doivent faire leurs preuves davantage que les hommes, avec moins de soutien alors qu'il leur faut s'entraîner tout autant : n'y a-t-il pas des mesures publiques compensatoires ?
Mme Marie-Françoise Potereau . - Il y a des conventions d'insertion professionnelle, passées entre l'État, l'employeur et le sportif de haut niveau, au travers desquelles l'État complète le salaire pour un temps partiel qui peut aller entre 20 % et 50 % du temps plein. Des fédérations sportives ont également des partenariats pour l'accueil de sportifs de haut niveau, par exemple avec les Douanes, l'armée, la police nationale - mais le nombre de places diminue constamment. Il y a, enfin, de grandes entreprises qui participent à ce type d'action, par exemple EDF. Il faut compter aussi avec le parcours de vie des femmes, qui veulent souvent devenir mères, à un âge où leur carrière sportive n'est pas toujours terminée, et qui ne reprennent pas ensuite.
Mme Nathalie Dechy . - C'est pourquoi les filles arrêtent leur carrière plus tôt que les hommes.
Mme Véronique Pecqueux-Rolland. - Je peux en porter témoignage, pour avoir entendu des responsables de clubs de handball faire une sorte de pression pour garder leurs joueuses - et parce que quand j'ai décidé d'avoir mon premier enfant, j'ai mis ma carrière entre parenthèses pendant un certain temps, avant de la reprendre, ce qui a été une expérience fabuleuse.
Mme Marie-Françoise Potereau . - Il y a eu des progrès sur ce point : les femmes conservent désormais leur statut de sportive de haut niveau pendant leur congé maternité, alors qu'elles devaient tout suspendre il y a encore quelques années pour avoir un enfant.
Mme Françoise Boog . - Vous regrettez qu'il n'y ait pas plus de femmes dans l'encadrement du sport, mais envisagez-vous, à l'OL, que des équipes masculines puissent être encadrées par des femmes ?
M. Olivier Blanc . - Nous en sommes encore très loin ! Nous allons remplacer l'entraîneur de l'équipe féminine et avons commencé à prospecter : nous recevons bien plus d'offres d'hommes que de femmes, c'est dire que la formation des femmes fait défaut, et que les collectivités locales pourraient jouer ici un plus grand rôle.
Mme Françoise Boog . - Et au-delà du football, dans tous les sports.
M. Olivier Blanc . - C'est vrai. Les choses avancent doucement : notre responsable de la sécurité du stade de Gerland est une femme.
Mme Marie-Françoise Potereau . - Nous y travaillons avec le ministère. Cependant, lorsqu'on a parlé d'une parité pour 2017 dans le Comité national olympique, les fédérations ont protesté et demandé fermement que l'échéance soit repoussée à 2024 : il n'y a aujourd'hui que 13,5 % de femmes parmi les présidents de fédérations.
C'est pourquoi nous conduisons des sensibilisations et des formations, en particulier un module « Réussir au féminin et oser s'engager » : une difficulté vient de ce que les femmes osent moins, se projettent moins que les hommes dans les postes à responsabilité ou de direction. Nous pouvons, j'en suis convaincue, faire changer les choses - et cela vaut pour la société tout entière. Nous informons également sur les plans de féminisation, qui sont portés à la connaissance des collectivités locales.
M. Olivier Blanc . - Il y a beaucoup à faire, également, du côté des anciennes joueuses, qui ont le vécu et l'amour de leur club.
Mme Marie-Françoise Potereau . - Il faut également prendre en compte la condition physique - par exemple pour être arbitre dans des sports collectifs comme le football ou le hockey sur glace, il faut tenir un rythme éprouvant. Cela implique d'ouvrir aux femmes davantage de sessions à la préparation physique pour les métiers du sport, nous nous y employons.
Mme Nathalie Dechy . - En sport, quand on ne progresse pas, on recule : il faut continuer à aller de l'avant pour le sport au féminin.
M. Michel Savin, président . - Merci pour votre participation.
M. Mathieu Moreuil, directeur de l'action européenne de la première division de football au Royaume-Uni (Premier League)
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M. Michel Savin, président . - Nous avons plaisir à retrouver Mathieu Moreuil, que nous avions rencontré à Londres lors de notre visite du club Arsenal.
L'action socio-éducative des clubs professionnels, qui fait partie de vos missions, est peu développée en France. En savoir davantage sur l'action des clubs anglais en ce domaine nous intéresserait. Nous aimerions connaître la répartition des droits TV entre les clubs, savoir quelle part va à ce type d'action et quel rôle y joue la Fondation de la Premier League . Nous souhaiterions des précisions sur les questions touchant à la propriété des stades et à l'action des collectivités territoriales. Les activités européennes qui sont les vôtres, enfin, vous donnent une vision sur les systèmes retenus par d'autres pays d'Europe ; pourriez-vous nous la faire partager ?
M. Mathieu Moreuil, directeur de l'action européenne de la Premier League. - Je vous remercie de votre invitation qui m'honore. Mes fonctions à la Premier League , comme responsable des actions européennes, consistent à nouer des contacts avec les institutions européennes, qui jouent un rôle croissant sur le modèle sportif du football et du sport professionnel en général, et à faire le lien entre l'organisation sportive à laquelle j'appartiens et ces institutions. Mon activité couvre à la fois les règles de gouvernance du sport - qui concernent les agents sportifs, les transfert de joueurs, les problèmes de racisme et de violences dans les stades, les questions d'équité financière, etc. - et les règles de dimension plus juridique liées aux droits des médias, aux paris sportifs, à la redistribution en faveur du sport de la part des opérateurs et à la protection des contenus - que la ligue anglaise vend à plus de 200 pays - pour préserver des revenus qui bénéficient au sport amateur et professionnel. Je travaille beaucoup à Bruxelles, en interaction avec d'autres ligues européennes, notamment française et allemande, dans le cadre de la fédération des ligues européennes, avec les fédération européenne et internationale de football, l'Union des associations européennes de football (UEFA) et la fédération internationale de football association (FIFA), ainsi qu'avec les représentants d'autres sports, comme le rugby, le handball ou le basketball, afin de mener une action de lobbying commune sur les questions de droit - protection des contenus, réinvestissement dans le sport amateur, protection contre le dopage et le trucage de match, intégrité du sport.
Les clubs anglais mènent une action sociale et éducative significative : 15 % des droits médias de la Premier League - 1,9 milliard par an - bénéficient à d'autres que les vingt clubs de première division qu'elle représente, c'est-à-dire à d'autres clubs, ainsi qu'à d'autres sports. Il est rare qu'une société - car c'est la forme dans laquelle s'est constituée la ligue - reverse une telle part de son chiffre d'affaires.
M. Stéphane Mazars, rapporteur . - Vous connaissez bien le système anglais et d'autres systèmes européens et nous avons eu avec vous des échanges de grande qualité lors de notre déplacement en Angleterre. Notre mission essaie de faire la lumière sur les relations entre les collectivités territoriales et le sport professionnel, et de dégager quelques pistes d'amélioration, visant à préserver un modèle vertueux alors qu'émerge, en France, un nouveau modèle économique du foot, et que les collectivités ont de moins en moins de moyens à consacrer au sport professionnel.
Il semble qu'en Angleterre, l'action redistributive des fondations créées par les clubs soit importante, en faveur du football mais aussi d'actions socio-éducatives. Lors de notre déplacement en Angleterre, vous nous aviez ainsi expliqué comment le club Arsenal s'impliquait dans la réhabilitation du quartier où il est installé, en participant à la rénovation d'une école.
M. Mathieu Moreuil. - Pour la saison 2012-2013, les 15 % que j'ai évoqués ont représenté 192,2 millions de livres sterling. Tout ne va pas au sport amateur et aux actions socio-éducatives ; une part, 50 millions, revient à la ligne de football anglaise , qui réunit les 92 clubs professionnels que compte l'Angleterre, à quoi s'ajoutent 4,5 millions, fléchés vers les centres de formation des jeunes. Une action de solidarité, à hauteur de 2 millions, est également menée en faveur des clubs non professionnels réunis dans ce que l'on appelle la Conference . Les paiements de compensation, enfin, aident les clubs relégués en deuxième division à encaisser le choc. Une part des crédits va également aux syndicats de joueurs professionnels, via un fond qui peut être sollicité en cas de blessure d'un joueur l'obligeant à mettre prématurément un terme à sa carrière. Enfin, 3,5 millions sont consacrés à l'arbitrage professionnel et nous avons également une association des managers.
Restent donc 35 à 40 millions véritablement dédiés aux projets socio-éducatifs, dont la répartition n'est pas définie, à la façon française, par la loi mais par des contrats dont décident nos actionnaires, les clubs. Une part de ces crédits, 12 millions, est dédiée aux infrastructures, à la construction de stades, via la Fondation du football, financée à parts égales par la ligue, la fédération et le Gouvernement. Une autre part, 3 millions, va au financement de projets socio-éducatifs dans le monde, par exemple pour le développement du coaching dans les pays africains et sud-américains, opération que nous menons en collaboration avec le British Council . Une troisième part va aux projets socio-éducatifs réalisés, au niveau local, par chacun des vingt clubs de la Premier League. C'est le projet dit Creating Chances , auquel sont affectés quelque 20 millions, et dont le monitoring est assuré par le Premier League Charitable Fund (PLFC), qui évalue les projets des clubs et contrôle leur mise en oeuvre. Six agents de la Premier League y sont affectés. Parmi ces programmes, le Kicks , qui vise à l'intégration par le sport des jeunes des quartiers sensibles, action menée en coopération avec la police. Il s'agit à la fois d'éviter de laisser les jeunes à l'abandon dans la rue et de lever la barrière des préjugés qui peut s'élever entre ces jeunes et la police. Autre programme, le Reading Stars , grâce auquel des joueurs des grands clubs se rendent dans les écoles pour donner aux jeunes le goût de la lecture en parlant des grands livres qui les ont marqués. Quant au Premier League 4 sports, il vise à développer la pratique d'autres sports que le football dans les écoles - judo, volleyball, tennis de table, hockey sur gazon...
Tous les clubs mènent ce type de projets, et la PLCF les évalue : si les critères ne sont pas respectés, le club doit payer lui-même. Nous nous efforçons de créer des synergies, pour obtenir un effet multiplicateur. Avec la fédération et le gouvernement, dans la Football Foundation, avec la police, qui, dans le programme Kicks , met à disposition des agents, avec le British Council sur les projets à l'international, mais aussi avec des sponsors, comme Barclays, sur les projets socio-éducatifs.
Chaque club met aussi en place, localement, des projets individuels, puisque tous doivent obligatoirement avoir une fondation pour recevoir les fonds de la Premier League . Mais ces fondations reçoivent aussi un soutien de la part de financeurs privés. C'est ainsi qu'Arsenal a créé un programme avec les écoles de quartier, le programme Double Club , pour inciter les élèves à apprendre les langues étrangères. J'y ai vu Bacary Sagna donner des cours de français. Des collaborations se sont nouées avec l'Institut français, le Goethe, le Cervantes...
M. Stéphane Mazars, rapporteur . - Les collectivités locales abondent-elles les budgets de ces fondations ?
M. Mathieu Moreuil. - À ma connaissance, il existe très peu de subventions des collectivités locales. La commune d'Islington, où se trouve Arsenal, par exemple, ne finance pas. On est plutôt dans la logique anglo-saxonne du community project . Manchester City est l'un des rares clubs à avoir bénéficié d'un stade construit sur fonds publics, parce que c'était le stade des Commonwealth Games , en échange de quoi, un accord a été passé avec le Council of Manchester pour que le club participe à la réhabilitation d'un quartier à l'est. C'est le seul exemple, à ma connaissance, d'interaction poussée entre un club et une collectivité. On est plutôt dans la logique inverse : ce sont les collectivités qui en appellent à la responsabilité sociale des clubs.
M. Stéphane Mazars, rapporteur . - Voilà qui est pour nous inhabituel. En France, les clubs se tournent beaucoup vers les collectivités territoriales, pour l'amélioration et l'entretien des stades, voire pour abonder leur budget de fonctionnement. Faut-il y voir une différence dans l'architecture réglementaire ou dans les mentalités ?
M. Mathieu Moreuil. - Le sport reste un phénomène éminemment national. Le football est ainsi structuré selon la tradition propre à chaque pays. La ligue anglaise de foot professionnel existe depuis 1886. La séparation entre les clubs et la fédération est donc intervenue à la fin du XIX e siècle. Les clubs sont donc depuis longtemps structurés comme des entreprises classiques, certes investis d'une responsabilité sociale mais qui, étant des sociétés, ne reçoivent pas d'aides publiques. On est loin du modèle latin.
Il y a, en Angleterre, très peu de régulation par la loi. C'est le royaume de la Common Law. Les clubs sont structurés en sociétés, et le football est un business . Il existe bien des interactions avec la puissance publique, mais elles prennent rarement la forme de financements. Je ne vois guère que le cas de Manchester, que j'ai cité, ou celui du stade olympique.
M. Stéphane Mazars, rapporteur . - Sur le stade olympique, la ligue a-t-elle été consultée, en amont, quant à l'avenir de l'infrastructure ? Il semble que son attribution à West Ham ait exigé des travaux, pour qu'il puisse être dédié à la pratique du foot.
M. Mathieu Moreuil. - Il y a eu des contacts entre les instances du football anglais et le comité d'organisation des Jeux olympiques, et nous poussions pour que soit prévue l'utilisation ultérieure du stade, mais nous avons été accueillis avec une certaine condescendance. Cela participe de ce modèle économique du football, où l'on considère que c'est aux clubs à construire leur stade. Si une réutilisation par le foot avait été pensée en amont, la mairie de Londres n'aurait pas eu à engager de travaux. Après de nombreux procès et de nombreuses contestations, le stade a, finalement, été attribué à West Ham. Les choses se seraient passées autrement si la concertation avait vraiment eu lieu en amont.
M. Stéphane Mazars, rapporteur . - Le modèle d'organisation du foot que vous décrivez se retrouve-t-il dans d'autres disciplines sportives en Angleterre ?
M. Mathieu Moreuil. - Absolument, le sport y est professionnalisé. Des subventions publiques sont attribuées à des fédérations sportives qui n'ont pas une exposition médiatique aussi importante que le foot. Elles passent par deux organismes, Sport England pour la pratique amateur, et UK Sports pour les élites. Dans l'un et l'autre cas, les critères d'évaluation sont très sévères et si ces organismes jugent qu'une fédération ne les remplit pas, comme cela est arrivé pour le basketball, les subventions sont coupées. C'est la logique conservatrice du gouvernement britannique, qui va aider les plus performants, en ciblant les subventions plutôt que de saupoudrer. C'est sans doute ce qui explique que les Britanniques soient bien placés dans quelques sports, mais que la pratique de beaucoup d'autres ne soit pas du tout répandue, parce qu'ils ne sont pas du tout aidés. Quant aux grands sports professionnels, comme le rugby, ils reçoivent très peu d'aides publiques et les stades appartiennent aux clubs et aux fédérations. Comme Wembley appartient à la fédération de football, Twickenham appartient à la fédération de rugby. On est bien sur un modèle de séparation entre puissance publique et entités professionnelles, responsabilisées.
M. Stéphane Mazars, rapporteur . - Comment se fait la répartition des crédits entre les vingt clubs de première division ?
M. Mathieu Moreuil. - Elle est très égalitaire, « quasi communiste » pour reprendre le mot de notre chief executive. Il s'agit de réduire les écarts pour valoriser la compétition, qui perdrait de son intérêt si elle était dominée par un ou deux grands clubs. C'est un peu la même logique que le système américain, avec la draft ou le salary cap . Les crédits se répartissent en deux pots. Les droits récoltés au Royaume-Uni, d'abord, qui sont répartis selon un système proche de celui de la France : 50 % à égalité, 25 % selon la position en fin de championnat, 25 % en fonction de l'affichage médiatique - sachant que seuls 280 matchs sur 360 sont diffusés, pour encourager les gens à aller dans les stades. Vient ensuite une deuxième enveloppe, à l'international, répartie égalitairement. Sur les droits de la Premier League en Chine, par exemple, les vingt clubs touchent autant, bien que les grands clubs y soient pour davantage. Si bien que la différence de dotation entre clubs est minime : la fourchette va de 1 à 1,4 quand elle va de 1 à 17 en Espagne, de 1 à 7 en Allemagne et de 1 à 4 ou 5 en France.
M. Stéphane Mazars, rapporteur . - C'est la ligue qui édicte ces règles ?
M. Mathieu Moreuil. - Ce sont les clubs, la ligue n'est que gestionnaire. Nous essayons certes de les convaincre de mettre en place des règles de contrôle financier, de reverser le plus possible aux projets socio-éducatifs. Reste que les clubs considèrent, et ils nous le rappellent souvent, que c'est leur argent. Ce qui n'interdit pas la transparence : les règles qu'ils ont définies sont réunies dans un manuel et publiées sur Internet.
M. Michel Savin, président. - Existe-t-il, dans d'autres pays européens, des actions menées via des fondations ?
M. Mathieu Moreuil. - Les clubs mènent de telles actions, notamment via les grandes ligues, comme la Bundesliga allemande, qui pousse les clubs et leurs supporters à s'investir dans leur communauté. Des actions existent aussi en Espagne, mais ce sont les clubs qui agissent à titre individuel, car la ligue, qui ne gère pas les droits, a des pouvoirs très limités. Le Real Madrid et le Barça mènent des actions caritatives. Aucune organisation sportive, cependant, n'est autant impliquée que la Premier League , qui dédie 15 % des droits et une quinzaine des membres de son staff , sur quatre-vingt-dix, à ces programmes.
M. Stéphane Mazars, rapporteur . - Quelle est la situation financière du foot anglais ? Quelles procédures, quelles règles de gestion ont été mises en place pour la contenir ? Quid des règles de fair-play financier ? Une réflexion sur le plafond salarial, le salary cap , est-elle engagée ? Sachant que votre modèle économique repose sur l'exposition médiatique, la tentation existe-t-elle, comme elle apparaît ailleurs, de resserrer la ligue et d'aller vers un modèle de ligue fermée, pour éviter l'aléa sportif ?
M. Mathieu Moreuil. - On parle beaucoup du modèle américain de ligue fermée. Nous ne sommes pas sur cette ligne. L'Angleterre compte 92 clubs professionnels sur un territoire grand comme deux régions françaises. C'est dire combien le maillage est dense. Il serait impossible de faire accepter une ligue fermée à ces clubs, dont chacun rêve d'accéder à la première division et se bat pour éviter la relégation. Et cela fait partie du show .
En matière financière, il a toujours existé des règles, contrairement à ce que l'on pense. Ce sont les règles qui s'appliquent à toute entreprise. Les comptes des clubs anglais sont disponibles en ligne, ce qui est loin d'être le cas partout en Europe. Sur les principes de fair-play financier, l'accord de la ligue anglaise sans faille, mais le diable est dans les détails : c'est sur leur mise en oeuvre que demeurent des divergences. L'UEFA, dans ses règles de fair-play financier, considère que les clubs ne doivent pas dépenser plus que ce qu'ils gagnent ; en Angleterre, on considère qu'ils ne peuvent pas dépenser plus que ce qu'ils possèdent. Nous ne sommes pas loin de l'approche qui est celle de la direction nationale du contrôle de gestion (DNCG) en France. Il s'agit d'éviter de donner un avantage aux clubs qui gagnent le plus, au risque de figer les situations. Or, toute l'histoire du football anglais de la Premier League est fondée sur l'émergence de nouveaux acteurs, pour que le challenge reste permanent. Nous avons donc formalisé notre propre version du fair-play financier, à laquelle deux règles sont venues s'ajouter cette saison : une règle de limitation des déficits cumulés, qui ne doivent pas dépasser 105 millions sur une période donnée, la ligue pouvant prendre des sanctions si des garanties en actifs ne peuvent être apportées et une forme de salary cap , version light , les clubs dépassant un certain montant de masse salariale devant le justifier et adopter des règles de provisionnement.
Le fait est que si la situation financière du foot anglais est bonne, demeurent des préoccupations quant à l'endettement des clubs et à l'inflation de la masse salariale. La dette des clubs, importante puisqu'ils ont dû acheter leur stade, doit aussi se mesurer, cependant, en tenant compte des actifs que représentent ces équipements. Ce n'est pas rien que de posséder des terrains au coeur de Londres, par exemple. Ce que nous essayons de faire, c'est de mettre en place des outils destinés à contenir l'endettement et l'inflation de la masse salariale. Il s'agit d'éviter que l'augmentation des revenus bénéficie, pour l'essentiel, aux agents et aux salaires des joueurs. Nous essayons, au contraire, de faire en sorte que ces sommes soient réinvesties dans les infrastructures, la formation des jeunes, les projets socio-éducatifs, pour créer un cercle vertueux.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe . - Le tarif des places dans les clubs de la Premier League mais aussi dans les autres m'a frappé. Je suis un supporter de Lens, et puis vous dire que les tarifs sont plus bas, ce qui nous attire du monde. Comment expliquer des tarifs si élevés, à niveau de vie comparable ?
M. Mathieu Moreuil. - Il est vrai que le prix des places peut être élevé. Ce sont les clubs, entités commerciales, qui fixent les tarifs. Or, le taux de remplissage pour les matchs de Premier League est de l'ordre de 95 %.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe . - Il faut donc être riche pour faire partie du public ?
M. Mathieu Moreuil. - Les stades sont très remplis. Je suis sans cesse sollicité par des gens qui cherchent désespérément des places ! Si l'on fixait les prix plus bas, on aurait des difficultés.
Il ne faut pas garder les yeux fixés, comme cela est souvent le cas, sur les seuls tarifs d'Arsenal. L'étude conduite tous les ans par la BBC, le Price of Football Survey , montre, il est vrai, que les prix sont élevés, mais quand l'abonnement le moins cher d'Arsenal atteint 985 livres, celui de Manchester City reste à 275 livres - autour de 300 euros. Il faut donc relativiser. Nous aimerions certes que soient proposées davantage d'offres promotionnelles, mais la ligue n'a guère de moyens d'agir sur les tarifs. Cela dit, le ticket le moins cher dans les vingt clubs de Premier League va de 15 à 40 livres. C'est un tarif comparable à celui d'autres spectacles.
Mme Françoise Boog . - Quelle est la place du football féminin ?
M. Mathieu Moreuil. - Elle va croissant. Le football féminin est très dynamique. La ligue semi-professionnelle, gérée par la fédération, est en plein essor. J'ai même été sollicité par nos collègues de l'Olympique Lyonnais, qui dominent tellement le football féminin que cela devient pour eux un problème, et qu'ils voudraient bien se susciter des challengers. Nous développons également une ligue des moins de 21 ans qui fonctionne très bien.
Mme Françoise Boog . - Ces équipes féminines sont-elles liées aux clubs professionnels de la ligue ?
M. Mathieu Moreuil. - Absolument. La plupart des grands clubs de la Premier League ou de la Football League sont concernés. Un championnat a été mis en place, que gère la fédération.
Mme Françoise Boog . - Mais cela reste semi-professionnel ?
M. Mathieu Moreuil. - C'est que toutes les joueuses ne sont pas sous contrat professionnel, bien que la majorité, je crois, le soit.
M. Stéphane Mazars, rapporteur . - Quelles sont pour vous les faiblesses dans l'organisation du football professionnel français ? On entend beaucoup dire que le fait que les clubs ne soient pas propriétaires de leurs infrastructures serait un frein à leur développement, et qu'ils n'attirent pas autant de spectateurs qu'en Angleterre ou en Allemagne parce qu'ils n'ont pas la maîtrise du fonctionnement de leurs stades. Le modèle anglais, ou allemand, est-il, à votre sens, transposable en France ?
M. Mathieu Moreuil. - La ligue française fait bien son boulot. Si faiblesse il y a, cela tient à trois facteurs. Les infrastructures, d'abord. Il est difficile pour un club de rivaliser commercialement avec les grands clubs européens s'il n'est pas propriétaire de son outil de travail et ne peuvent développer leur offre commerciale. Le fait est qu'en Angleterre, les clubs en difficulté sont ceux qui ne sont pas propriétaires de leur stade - c'est le cas de Portsmouth, par exemple. Or, en France, très peu le sont. Cela dit, il faudra bien rénover les stades pour l'Euro 2016. Sans doute le contribuable devra mettre la main à la poche, mais il ne faut pas se leurrer : on met souvent en avant le modèle allemand, mais tous leurs stades ont été rénovés, sur fonds publics, pour la coupe du Monde 2006...
L'autre frein tient au fait que l'on a du mal à accepter, en France, l'idée que le foot est un business , ce qui ne facilite pas le développement, quand en Angleterre, on l'assume clairement, même si l'on n'oublie pas la responsabilité sociale et l'exigence d'appuyer le développement du sport amateur. Enfin, il n'y règne pas la même culture du foot qu'en Angleterre ou en Allemagne. Outre qu'il est de bon ton, dans une posture pseudo-intellectuelle, de le regarder de haut, le foot est en concurrence avec d'autres sports, comme le rugby, très présent dans certaines régions. Il en va tout autrement en Angleterre, où la première question que l'on pose à quelqu'un que l'on ne connaît pas vise à savoir quel est son club. Car tout le monde est supporter d'un club. De foot, il va sans dire. Même si les choses peuvent changer, même si un bel Euro, une équipe triomphante, peuvent gagner bien des coeurs, cela reste une difficulté structurante pour le football français.
M. Stéphane Mazars, rapporteur . - Je vous remercie pour ces échanges.
Mercredi 23 avril 2014
M. Denis Masseglia,
président du comité national olympique et sportif français
(CNOSF)
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M. Michel Savin, président . - Je vous remercie d'avoir répondu à l'invitation de notre mission commune d'information, qui a déjà auditionné de nombreux responsables, représentants des associations d'élus locaux, des fédérations ou des ligues professionnelles. Nous voyons émerger une nouvelle industrie, une véritable filière économique autour du sport professionnel. Son modèle économique repose sur l'investissement dans des équipements modernes, autour de grands projets de stade ou d'arénas, et sur une diversification des ressources : billetterie, partenariats, droits TV, notamment pour le football et le rugby. Une partie du sport professionnel semble ainsi avoir vocation à s'organiser sans aide publique. En est-il de même des clubs et des sports qui ne trouvent pas d'investisseur providentiel ? Nos collectivités territoriales sont sollicitées - plus que de raison, nous semble-t-il - pour financer la construction ou la mise en conformité d'équipements sportifs. Comment voyez-vous cette évolution ? La disproportion entre les sports vous inquiète-t-elle ? Craignez-vous que la baisse des ressources des collectivités territoriales ne mette en péril certaines activités sportives ?
M. Denis Masseglia, président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF) . - Un chiffre relativise l'importance économique relative du sport professionnel : le sport pour le plus grand nombre pèse huit fois plus que le sport qui brille. Les enjeux économiques dépassent largement le seul sport professionnel, même si ce dernier concentre l'attention. Et c'est heureux : tout le monde n'a pas la capacité de devenir un Zinedine Zidane ou un Usain Bolt.
La question du financement du sport ne se limite pas aux salaires des joueurs professionnels. Hors traitement des professeurs d'éducation physique et sportive des collèges et lycées, le budget du ministère des sports s'établit entre 830 et 840 millions d'euros. Les départements injectent environ 750 millions d'euros dans le sport, les régions à peu près autant. La cession des droits TV pour le seul football rapporte 660 millions.
Les solutions politiques avancées par certains m'interpellent : ne peut-on mettre un terme aux dérives observées dans le football sans couper les vivres à tous les autres sports qui dépendent des collectivités territoriales ?
Je reproche au sport professionnel, et au football en particulier, de ne communiquer que sur les salaires des joueurs ou les fautes d'arbitrage, et pas sur ce qui fait sa valeur et sa force : il crée du lien social. Marseille - ma ville natale - ne serait pas la même sans l'Olympique de Marseille. Les supporteurs de l'OM pensent au foot toute la semaine, et le climat de la ville varie en fonction des résultats du club. Les Qatari ont peut-être déséquilibré le championnat, mais quelle ambiance au Parc des Princes : l'impact sur la population, la fierté d'être Parisien sont incontestables. Le football a un coût, il a aussi un impact sociétal que nous ne devons pas négliger.
Pour l'État, les recettes de TVA dégagées par l'activité économique des équipements sportifs dépassent sans doute les montants investis par le Centre national pour le développement du sport (CNDS). Les 168 millions d'investissements pour l'Euro 2016 seront couverts par les charges perçues sur les emplois créés et par les recettes de TVA. Je garantis qu'au total, l'État sera bénéficiaire.
Les collectivités territoriales, en revanche, doivent justifier de l'effet positif pour la population d'un investissement dans des équipements culturels ou sportifs. Or, si les salaires des joueurs de football ou de rugby font débat, on se soucie peu du cachet des artistes qui se produisent dans les salles subventionnées. Avec un public bien moins nombreux que celui des stades, l'Opéra de Paris reçoit une subvention égale aux deux tiers de celle du CNDS. Les fonds publics doivent être gérés avec rigueur, certes, mais bénéficier à tout le monde : il n'y a pas l'activité noble d'un côté et l'activité populaire de l'autre. C'est l'hypermédiatisation de certains sports qui nourrit les critiques.
Notre modèle est complexe et coûteux. La France consacre 170 millions d'euros au haut niveau ; les Britanniques remportent deux fois plus de médailles avec 100 millions. Nous sommes les seuls à refuser de confier des responsabilités au mouvement sportif. Aux Pays-Bas, tout est organisé par le Comité olympique national ; en France, on considère que l'État est capable de tout faire - si c'était le cas, cela se saurait...
Les dirigeants de clubs de football ou de rugby ne sont pas issus du monde sportif mais de celui des affaires : pour un Robert Louis-Dreyfus ou un Bernard Tapie, l'OM est avant tout un vecteur de communication, éventuellement de business - même si l'on y perd plutôt de l'argent. Cela explique sans doute certaines dérives. Comment responsabiliser les clubs ? Alors qu'ils sont propriétaires de leurs installations chez nos voisins, les collectivités en France refusent malheureusement de leur laisser la main sur leurs équipements. Vincent Labrune, le président de l'OM, serait pourtant prêt à acheter le stade Vélodrome.
L'Italie n'a pas vraiment de ministère des sports : tous les pouvoirs sont aux mains du Comité olympique national italien (CONI), qui gère le stade olympique de Rome, la piscine olympique ainsi que des courts de tennis. Modernisé, excédentaire, le Stadio Olimpico accueille deux clubs résidents ; le Stade de France, aucun. La fédération française de rugby souhaite son propre stade parce qu'il est moins rentable pour elle de jouer devant 80 000 spectateurs au Stade de France que devant 60 000 au stade Vélodrome. On a choisi en 1996 de recourir au partenariat public-privé, car on jugeait le mouvement sportif incapable de gérer une telle infrastructure. Faute de club résident, il a fallu verser une compensation de 10 millions d'euros par an. Pourquoi refuser la subsidiarité ? Face à l'explosion de la dette, le modèle actuel ne tient plus.
M. Stéphane Mazars , rapporteur . - Merci M. le président pour votre franc-parler. Le CONI est donc propriétaire du stade olympique de Rome, qu'il loue aux clubs ?
M. Denis Masseglia . - Le système italien donne la prééminence au mouvement sportif depuis l'entre-deux-guerres.
M. Stéphane Mazars , rapporteur . - Au fil des auditions et des déplacements, il nous est apparu que les clubs professionnels souhaitaient devenir propriétaires ou gestionnaires de leur infrastructure. Les collectivités peuvent-elles passer d'une aide au fonctionnement à une aide à l'investissement, afin de favoriser l'appropriation par les clubs de leur outil de travail ? Ceux-ci auraient ainsi un actif tangible et pourraient diversifier leurs ressources en générant une activité économique. Le projet de grand stade consacré au rugby repose sur un modèle économique séduisant, puisque le nombre de matchs internationaux est assuré.
M. Michel Savin, président . - Il n'y a pas d'aléa.
M. Stéphane Mazars , rapporteur . - La fédération française de football ne pourrait-elle s'en inspirer ? Il nous manque une grande aréna : les fédérations de sports de salle ne pourraient-elles se retrouver autour d'un projet de belle infrastructure mutualisée en région parisienne ?
M. Denis Masseglia . - À titre purement personnel, je considère que l'organisation des Jeux olympiques nous apportera beaucoup si elle est portée par un projet sociétal. Comment faire pour que Paris soit retenue en 2028 ou en 2032 ? Il faut que chaque candidature laisse un héritage. Nous avons besoin d'une aréna multifonctionnelle de 30 000 places, susceptible d'accueillir une finale d'un championnat de handball ou de basketball, une finale de Coupe Davis ou un championnat du monde de natation - elle montrerait d'ailleurs bien mieux qu'une exposition universelle le savoir-faire des architectes et ingénieurs français. Pour y parvenir, il faut changer la gouvernance du CNDS. Cessons de faire plaisir à tous les élus locaux ! Ne pourrait-on consacrer une partie des 60 millions d'euros alloués annuellement aux équipements à construire une infrastructure de qualité ? Seuls 3 % des projets d'équipement bénéficient de subventions du CNDS, et trois clubs sur quatre ne déposent même pas de dossier de financement au titre de l'animation territoriale. Pourtant, le ministère des sports ne veut surtout rien changer. J'essaye de bousculer les choses, et je constate que l'on obtient malheureusement moins de résultats par des propositions constructives que par des rapports de force.
M. Stéphane Mazars , rapporteur . - Vers quelle gouvernance faudrait-il tendre en matière de sport professionnel ?
M. Denis Masseglia . - Le mouvement sportif n'a pas la prétention de diriger le débat ; il faut d'abord convaincre l'État de manifester une volonté politique de changement. Les organismes de concertation existent, mais si nous sommes écoutés, nous ne sommes pas entendus. Nous servons de faire-valoir ; en réalité, l'État décide seul. Les directeurs de cabinet des ministres, qui souvent connaissent assez peu le sport, négligent notre expérience pendant leur mission puis s'en vont, alors que nous, nous sommes toujours en place et disponibles.
Le ministère des sports, avec ses 5 255 agents, est un ministère « des acquis... du ministère des sports ». Par exemple, les 150 millions d'euros alloués par l'État à la rénovation des stades de football devaient peser intégralement sur le CNDS. Je me suis insurgé, et le président de la République a trouvé in extremis 120 millions ailleurs, le fonds de réserve du CNDS étant mis à contribution pour 30 millions. Mais à la réunion suivante, les représentants de l'État entendaient décider seuls de l'attribution des fonds.
La gouvernance du CNDS est un point essentiel. Sur un budget de 274 millions d'euros, 140 millions sont consacrés à l'animation territoriale, c'est-à-dire aux ligues régionales, aux comités départementaux et aux clubs. Les trois quarts des clubs ne déposent pas de dossier - mais cela occupe quand même 260 fonctionnaires. Pour être recruté dans un club, il faut être titulaire du diplôme d'État, le brevet fédéral ne suffit plus. Heureusement qu'existe le certificat de qualification professionnelle. Six cents fonctionnaires du ministère se penchent sur les questions de formation, mais ce sont 20 000 emplois que l'on pourrait créer dans les clubs si les diplômes étaient adaptés. Au ministère d'admettre qu'il n'a pas toujours raison, qu'il doit écouter le mouvement sportif.
Sans la clause de compétence générale, il faudra bien clarifier qui fait quoi. Cela peut constituer une chance pour nous. En 1984, les collectivités territoriales n'étaient pas toutes engagées en faveur de la politique sportive ; c'est l'action de certaines qui a entraîné les autres. Arriver à une situation plus homogène a pris du temps. Il sera nécessaire de tenir compte des spécificités des régions. Nous pouvons apporter notre expertise en la matière, pour peu que nous soyons entendus.
M. Stéphane Mazars , rapporteur . - Selon quels critères distingue-t-on sport professionnel et sport amateur ? Comment organiser ces deux mondes qui se complètent mais obéissent à des règles et des économies différentes ?
M. Denis Masseglia. - Il n'y a pas de vérité absolue. Certaines fédérations ont créé des ligues professionnelles, qui se sont emparées du pouvoir avec avidité - c'est le cas dans le football, notamment. Toutes n'ont pas la même capacité d'action, faute de moyens.
Certains sports, comme le golf et le tennis, n'ont pas de ligue, mais ont des professionnels organisés autrement autour d'événements internationaux notamment. Renaud Lavillenie a gagné plus d'un million d'euros et sera taxé à 75 % cette année, alors qu'il n'est pas professionnel au sens du contrat de travail. Teddy Riner, avec des contrats publicitaires, vit de son sport.
Les collectivités territoriales ont une action double : elles construisent des équipements et participent au rayonnement de l'association du club en achetant des places.
M. Stéphane Mazars, rapporteur . - Un club porte un projet social, que les collectivités relaient ; mais l'opacité de ce schéma ayant été pointée du doigt, on a vu émerger des fondations ou des fonds de dotation, qui garantissent la transparence grâce à un fléchage sur les oeuvres sociales ou à visée éducative.
M. Denis Masseglia . - Les fonds de dotation fleurissent même dans les collectivités territoriales, mais ce n'est plus la même chose. Le CNDS a voté lui-même la possibilité de recueillir des fonds par le mécénat. Il n'a pas sollicité le ministère, parce qu'il compte utiliser l'image du mouvement sportif pour recueillir des fonds, sans modifier la gouvernance ; je ne suis pas d'accord !
En revanche, si une collectivité prend l'engagement de construire un stade de 300 millions, amorti sur trente ans à 10 millions par an, elle devrait pouvoir responsabiliser le club occupant par une convention qui lui en confie la gestion. Cela inclurait aussi le gardiennage ou l'entretien de la pelouse, car les clubs ne peuvent avoir le beurre et l'argent du beurre, mais je crois à des partenariats gagnant-gagnant. C'est la voie ouverte par des présidents de clubs, notamment de rugby. Si le club de Strasbourg avait été responsabilisé de cette manière, se retrouverait-il dans la situation qui est la sienne aujourd'hui ?
M. Stéphane Mazars, rapporteur . - Les fédérations, elles, ne subissent pas l'aléa sportif.
M. Denis Masseglia . - Celle de rugby est la seule dans ce cas, grâce au tournoi des six nations et aux tournées. Elle est assurée de remplir un stade vingt fois par an, contrairement à celle de football. On pourrait imaginer que la demi-finale de la Coupe de France ait lieu au Stade de France, au lieu du stade d'un des deux clubs en lice tiré au sort. En outre, le rugby vend ses billets via les comités, tandis que le football vend directement au grand public.
M. Michel Savin, président . - Il ne faut pas couper les vivres aux autres, dites-vous. Certains sports comme le volleyball sont financés à 70 % par les collectivités, alors que le foot et le rugby ne le sont que pour quelques pourcents. Pensez-vous que les clubs de ces sports - basketball, handball, volleyball - pourraient trouver des partenaires privés si la manne des collectivités devait diminuer ?
M. Denis Masseglia . - De but en blanc certainement pas, sans quoi ils l'auraient déjà fait.
M. Michel Savin, président . - Les collectivités subissent une forte pression des clubs.
M. Denis Masseglia . - À l'exception de Montpellier et de Paris, les villes qui ont un club de nationale 1 dans ces sports - qu'il s'agisse de Chambéry, Saint-Raphaël, Dunkerque ou Tremblay pour le handball, de Bourges ou Cannes pour le basketball et le volleyball féminins, de Tours, Poitiers ou Sète pour le volleyball masculin - ont cherché à se forger une identité sportive à meilleur marché qu'avec un club de football ou de rugby. Je ne parle pas de Luzenac, qui monte en Ligue 2 de football alors que Strasbourg est en quatrième division.
Sans aide des collectivités, le championnat de volleyball aurait des recettes de billetterie identiques : son public est fait de passionnés qui viennent à chaque fois. Mais des partenaires privés ne s'y intéresseraient pas plus, bien au contraire. Les clubs devraient alors baisser la masse salariale de leurs joueurs, pourtant pas énorme. Le risque est qu'en s'attaquant à un phénomène choquant, surtout dans le football, nous mettions en difficulté tous les autres.
Naturellement, responsabiliser les clubs en leur confiant la gestion des stades n'ira pas de soi : les nombreux stadiers ou jardiniers du stade vélodrome ne pourront pas passer du jour au lendemain à un contrat de droit privé. Cela dit, je pense que cette tendance est inévitable.
M. Stéphane Mazars, rapporteur . - Certains sports sont matures et les collectivités ne représentent pour eux qu'un support territorial. Les autres ont besoin de davantage d'aide. Si la clause de compétence générale était supprimée, quel niveau de collectivité devrait recevoir la compétence sur le sport ?
M. Denis Masseglia . - Dans le schéma actuel ou dans celui de 2021 ?
M. Stéphane Mazars, rapporteur . - Le football et le rugby, voire le basketball, ont pris ce virage.
M. Denis Masseglia . - Sans garantie, cependant : voyez la Meinau ou la MMAréna du Mans. Le système des montées et descente pose des difficultés. Il serait intelligent d'amortir l'aléa sportif. Actuellement, dans le football, trois clubs montent et descendent chaque année. Si Lens avait eu un stade bâti sur les deniers publics, quelle n'aurait pas été la catastrophe ! Et encore, ce club a plus de recettes lorsqu'il est premier en Ligue 2 que dernier en Ligue 1 - cela ne dure que le temps de la montée. Une telle évolution, à laquelle réfléchit la ligue professionnelle de football, ouvrirait la voie à un business model plus élaboré, moins dangereux pour les clubs et les investisseurs privés, dont certains ont beaucoup perdu. Je n'en connais aucun qui ait rentabilisé sa mise de départ.
M. Stéphane Mazars, rapporteur . - Y aurait-il de la place pour des clubs omnisport dans les métropoles ? Le PSG réfléchit à s'ouvrir au basketball après avoir repris une équipe de handball.
M. Denis Masseglia . - Canal+ y avait déjà pensé, lorsqu'il était propriétaire du PSG, en allant même jusqu'au judo. Pourquoi pas ? Reste que cela est lié au bon vouloir des investisseurs : si les Qataris s'en vont, qui garantit que le PSG demeurera ce qu'il est ?
Le Stade Français restera bien sûr le grand club omnisport qu'il est ; c'est son identité.
M. Michel Savin, président . - Le CNDS est critiqué ; peut-on imaginer un rapprochement avec le CNOSF ?
M. Denis Masseglia . - Le PMU engrange 8 % des sommes pariées, pour améliorer la race chevaline, ce qui semble logique. Ne peut-on pas imaginer que tout ce qui est lié à du spectacle sportif - la taxe Buffet (45 millions) et paris sportifs (25 millions) - soit attribué au mouvement sportif pour l'amener vers plus de responsabilisation ? Ce serait une étape importante. Rio va coûter 6 ou 7 millions, à lisser sur toute l'olympiade, les missions d'intérêt général reviennent chaque année à 4 ou 5 millions, les structures territoriales de 10 à 12 millions. Les grands événements sportifs - championnat d'Europe de football, coupe du monde de rugby - vont rapporter, mais des championnats de canoë-kayak, de tir à l'arc ou d'aviron, pour parler de mon sport, seront à peine équilibrés. Nous sommes mûrs pour une telle évolution.
M. Michel Savin, président . - Vous parlez d'étapes ?
M. Denis Masseglia . - Si vous proposiez que le CNDS soit confié du jour au lendemain au CNOSF, personne ne vous suivrait. La seule solution pour changer le modèle est d'aller vers une position intermédiaire, qui admette de séparer les recettes provenant du spectacle sportif de celles de la Française des jeux : d'abord les paris sportifs, puis si cela fonctionne, la taxe Buffet, puis éventuellement le reste. Ce qui me désole, c'est que nous parlions encore des mêmes questions qu'il y a 24 ans, du vivant de Nelson Paillou.
La crise peut avoir du bon. Songez à ce que m'a dit le président du comité olympique grec, qui n'a plus de moyens pour préparer ses athlètes mais qui voit que le nombre de fonctionnaires n'a pas diminué. En France, les actions subventionnées baissent, mais le coût des services augmente de 0,2 à 0,5 %, compte tenu de l'ancienneté. Cela durera tant que nous n'interviendrons pas sur la question de l'adéquation des services, et leurs 260 fonctionnaires, aux actions. Cela fait des emplois, me dit-on ? Et combien seraient créés si nous libérions les énergies ? Une loi qui ne traite pas de la gouvernance du sport ne peut pas être une loi de modernisation.
M. Stéphane Mazars, rapporteur . - Quand nous les avons interrogées sur les normes, les fédérations nous ont renvoyés aux ligues, qui nous ont renvoyés aux fédérations, puis au niveau international : quel serait selon vous le bon mode de gouvernance ?
M. Denis Masseglia . - Le constat de cette situation ubuesque n'est reluisant ni pour les collectivités ni pour les clubs. À Fos-sur-Mer, un stade de 25 000 places a été construit quand Istres est monté en 1 ère division.
M. Stéphane Mazars, rapporteur . - Un éléphant blanc !
M. Denis Masseglia . - Il a servi une année, pendant laquelle un match a été annulé à cause d'une invasion de moustiques. Voilà le résultat de la dictature de l'événement sur l'élu local, qui subit, plus qu'il ne la conduit, une politique d'investissement imposée par les médias. Si le club avait été plus responsable, il ne serait pas monté un an seulement pour un résultat prévisible, surtout lorsque le grand frère Olympique de Marseille est à côté, comme c'est le cas aussi pour Martigues. Ces exemples spectaculaires sont mis en avant au détriment des équipements de handball ou de volleyball. La ligue de football professionnel est attentive, et c'est bien normal, à ce que peut rapporter un stade : Canal + ou beIN SPORTS doivent pouvoir filmer dans les vestiaires. Mais ce n'est pas forcément un bon calcul électoral pour les élus, même si majorité et opposition sont souvent d'accord dans ces domaines.
M. Michel Savin, président . - Cette question est à l'origine de notre mission d'information. Parce qu'il n'y a pas de club résident, le stade des Alpes, en Isère, dont je suis l'élu, coûte 2,9 millions par an à la collectivité. Les investisseurs japonais étant partis, celle-ci assume seule.
M. Denis Masseglia . - C'est la nature de l'investisseur qui est en jeu : Japonais ou Qataris ne donnent aucune garantie de pérennité. Sans aller jusqu'à l'exemple d'Arsenal, qui construit son propre stade, le modèle allemand du Bayern de Munich, non endetté, aux recettes plus élevées que les dépenses et qui gère son stade, devrait être suivi.
M. Michel Savin, président . - Je vous remercie de votre passion pour le sport.
ANNEXE 4 - ÉTUDE DE LÉGISLATION COMPARÉE
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NOTE
sur
les collectivités territoriales et les investissements sportifs
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Allemagne - Espagne - États-Unis d'Amérique - Italie - Royaume-Uni (Angleterre)
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AVERTISSEMENT Les notes de Législation comparée se fondent sur une étude de la version en langue originale des documents de référence cités dans l'annexe. Elles présentent de façon synthétique l'état du droit dans les pays européens dont la population est de taille comparable à celle de l'Hexagone ainsi que dans ceux où existe un dispositif législatif spécifique. Elles n'ont donc pas de portée statistique. Ce document constitue un instrument de travail élaboré à la demande des sénateurs par la division de Législation comparée de la direction de l'Initiative parlementaire et des délégations. Il a un caractère informatif et ne contient aucune prise de position susceptible d'engager le Sénat. |
NOTE DE SYNTHÈSE
Cette note est consacrée au rôle des collectivités territoriales en matière d'installations sportives, tant en ce qui concerne le financement que pour ce qui est de la mise en oeuvre des normes applicables à ces installations. On y entend sous l'appellation :
- d'« installation sportive », « un lieu caractérisé par une adresse, où sont implantés un ou plusieurs équipements sportifs, avec ou sans enceinte limitative. Dans le cas d'un équipement unique, les noms usuels de l'installation et de l'équipement peuvent être identiques et/ou correspondre à une nomenclature d'équipement sportif (ex. : salle multisports) » ;
- et d' « équipement sportif », « une surface permettant, à elle seule, la pratique d'une ou plusieurs activités physiques et/ou sportives [qui] comporte un minimum de matériels spécifiques permettant le respect des principes et des règles liés à la pratique de ces dernières (ex. : un tracé lisible sur le sol et des cages pour un terrain de handball,...) » 1 ( * )
Cette note étudie la situation qui prévaut en la matière en Allemagne, en Espagne, aux États-Unis, au Royaume-Uni (Angleterre) et en Italie.
Pour chacun de ces États, elle analyse successivement :
- le financement des installations sportives ;
- et les normes applicables à ces installations.
Évoquant tout d'abord les grands traits de la situation en France, elle présente ensuite les conclusions que permet de tirer l'analyse des exemples étudiés et les monographies relatives aux pays précités.
A. ÉTAT DU DROIT EN FRANCE
1. Les collectivités territoriales et le financement des infrastructures
L'article L. 100-2 du code du sport dispose que « l'État, les collectivités territoriales et leurs groupements, les associations, les fédérations sportives, les entreprises et leurs institutions sociales contribuent à la promotion et au développement des activités physiques et sportives. L'État et les associations et fédérations sportives assurent le développement du sport de haut niveau, avec le concours des collectivités territoriales, de leurs groupements et des entreprises intéressées » .
L'intervention des collectivités territoriales peut prendre la forme de subventions publiques pour les associations ou sociétés sportives exerçant des missions d'intérêt général (article L. 113-2 du même code) tout comme la mise à disposition d'installations sportives dont elles détiennent la propriété. Ces collectivités financeraient ainsi près de 70 % des dépenses publiques liées au sport.
Selon la Cour des comptes 2 ( * ) , les collectivités territoriales sont propriétaires d'environ 80 % des installations sportives et prennent en charge près de 70 % des dépenses publiques qui y sont liées, le montant des subventions directes accordées par ces collectivités aux clubs professionnels en 2006 étant évalué à 160 millions d'euros.
Appartiennent à une collectivité dix-neuf des vingt stades de Ligue 1 (football), douze des quatorze stades du Top 14 (rugby) et la totalité des dix-huit salles utilisées en Pro A (basket-ball) 3 ( * ) .
Enfin, l'intervention de l'État en matière de financement des infrastructures sportives représente environ 4,3 milliards d'euros par an, dont 3,5 milliards sont destinés au sport scolaire et universitaire, selon la Cour des comptes.
2. L'édiction des normes
Aux termes de l'article 17 de la loi n°84-610 du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives, chaque fédération ayant reçu délégation du ministre chargé des sports détermine « dans le respect des règlements internationaux, les règles techniques propres à sa discipline ».
L'article R. 131-32 du code du sport définit, quant à lui, ces règles techniques comme les règles de jeu applicables à la discipline concernée, les règles d'établissement d'un classement des sportifs, celles relatives aux compétitions ainsi que celles permettant de concourir à ces dernières.
Quant aux fédérations, en vertu des articles R. 131-33 et R. 131-34 du même code, elles :
- élaborent les règles applicables aux équipements requis pour le bon déroulement des compétitions sportives qu'elles organisent ou autorisent ;
- contrôlent et valident la conformité de ces équipements ou installations à leur règlement ;
- mais ne peuvent toutefois pas émettre de règles répondant à un impératif commercial.
Ces règles doivent :
- être nécessaires à l'exécution de la délégation reçue ou à l'application des règles édictées par la fédération internationale ;
- être proportionnées aux exigences de l'autorité sportive ;
- prévoir des délais raisonnables de mise en conformité en cas de travaux.
L'article R. 142-7 du même code institue une commission spécialisée chargée d'étudier tout projet de modification d'un règlement fédéral relatif aux équipements sportifs. Composée de 18 membres représentant l'État, les collectivités territoriales et le monde du sport, elle émet un avis sur tout projet et peut, préalablement à la publication de ses conclusions, saisir la commission consultative d'examen des normes (article R. 142-10).
Enfin, « outre les règlements fédéraux, qui ont valeur juridique contraignante, des normes peuvent être édictées, d'application volontaire, sauf si elles sont intégrées dans un texte juridique. L'AFNOR, en lien avec les acteurs du monde sportif, est chargée d'opérer cette normalisation. L'intervention normative se fait dans trois grands domaines : les équipements sportifs, les matériels de sports et les services dans le domaine du sport. » 4 ( * )
B. OBSERVATIONS TIRÉES DES LÉGISLATIONS ÉTUDIÉES
La comparaison des exemples étudiés montre :
- une absence de normes législatives spécifiques ;
- une forte implication des collectivités territoriales en matière d'installations sportives ;
- et l'existence de normes techniques placées sous le signe de la complexité.
Une absence de dispositions législatives spécifiques
La recherche n'a pas mis en évidence de régime législatif spécifique concernant l'intervention des collectivités publiques, en général, et celle des collectivités territoriales, en particulier, en matière d'investissements dans des installations sportives, que celles-ci soient utilisées par des clubs amateurs ou par les clubs professionnels.
De même, le législateur n'intervient-il ni dans la fixation des règles sportives ni dans la détermination des normes applicables aux installations, les unes procédant largement d'un droit « transnational » déterminé au niveau supra-étatique par les fédérations, et les autres d'organismes techniques de normalisation aux travaux desquels les pouvoirs publics peuvent, au mieux, renvoyer.
Une forte implication du secteur privé et des collectivités territoriales
Différents modèles de financement des installations sportives coexistent, qui se caractérisent aussi bien par la fréquence et l'importance du recours aux opérateurs privés que par la forte implication des collectivités territoriales. On n'insistera pas sur la part - déterminante - des financements privés pour les clubs sportifs professionnels. En revanche, on constate l'importante implication des acteurs locaux dans tous les États considérés. On n'en prendra pour exemple que :
- l'Espagne, où certaines opérations (garanties publiques, échanges de terrains à prix avantageux, octroi de privilèges fiscaux) ont même suscité le déclenchement d'une enquête approfondie de la Commission européenne en décembre 2013, certains membres du Parlement espagnol souhaitant, au surplus, qu'une étude soit réalisée sur les subventions et les aides publiques directes et indirectes aux clubs de football professionnels ;
- la Grande Bretagne, où l'intervention locale (1,2 milliard d'euros par an consacrés aux infrastructures sportives) se double cependant d'importantes aides collectées au niveau national (notamment par des prélèvements sur les jeux) et réparties par des organismes ad hoc ;
- l'Italie, où la gestion des infrastructures dans le cadre de partenariats public-privé - y compris à l'initiative d'opérateurs privés - pourrait permettre de résoudre certaines des difficultés que connaît un parc public d'installations sportives obsolescentes ;
- et les États-Unis, où l'on observe une progression des financements publics, souvent dans le cadre de partenariats public-privé, nonobstant les critiques qu'ils suscitent.
La contribution des collectivités territoriales au financement n'exclut, du reste, pas d'autres formes d'aides publiques telles que celles, indirectes, de l'État, observée en Espagne, où les clubs de football professionnels ont accumulé une dette importante vis-à-vis du fisc, laquelle est en voie d'apurement depuis la signature d'un protocole en 2012.
Des normes techniques sous l'égide de la complexité
Soit qu'elles résultent de décisions internationales, soit qu'elles varient entre les différents niveaux de compétition (internationaux, nationaux, locaux...), soit encore qu'elles soient motivées par des raisons diverses (sécurité des installations, prévention des risques...) ou par les caractéristiques des divers sports en question, les normes applicables en matière sportive sont placées sous l'égide de la complexité. On en prendra pour exemple les règles applicables en matière de jeu et les règles techniques, d'une part, et celles concernant les caractéristiques des installations sportives et la normalisation, d'autre part.
Règles du jeu et règles techniques
La complexité est particulièrement sensible en ce qui concerne les normes relatives aux règles du jeu et aux règles techniques qui :
- résultent des règlements supranationaux dont le respect conditionne l'accueil de compétitions internationales, lesquels règlements sont repris par les fédérations nationales (ils peuvent, du reste, faire l'objet, comme aux États-Unis, d'amendements en fonction du niveau où se déroule la compétition) ;
- peuvent nécessiter des mesures transitoires d'adaptation dans le temps des installations, à l'instar de celles adoptées par la fédération anglaise de basketball dans le cadre d'un plan en plusieurs étapes visant à modifier le marquage au sol des terrains de jeu ;
- sont fixées, en Italie, de façon générale par un règlement ad hoc en ce qui concerne les installations sportives, établi par le comité national olympique italien, personne morale de droit public placée sous la tutelle de l'État, auxquelles s'ajoutent les règles techniques déterminées par les fédérations pour chaque discipline, exprimées en prenant pour base les normes de référence fixées par les organismes de normalisation.
Caractéristiques des installations et normalisation
Les normes techniques applicables sont, de l'aveu même de l'autorité espagnole chargée des sports au plan national, particulièrement complexes. Des efforts sont cependant mis en oeuvre afin de promouvoir le respect de standards techniques relevant des organismes de normalisation qui :
- existent en Allemagne et en Grande-Bretagne, où les normes n'ont de force contraignante qu'en vertu d'un texte ou de l'usage ;
- se diffusent en Espagne, où les pouvoirs publics ont relancé le processus de normalisation pour combler des vides normatifs dans des secteurs importants (installations, terrains, surfaces, équipements pour les spectateurs...) afin d'édicter des normes dotées d'une force contraignante en vertu d'un texte.
La publication de « guides pratiques » par les pouvoirs publics pour la réalisation des installations sportives est emblématique de l'intrication des normes applicables - surtout si les installations sont destinées à plusieurs sports et divers niveaux de compétition. L'existence de tels guides, qui tendent à remédier à cette complexité a été relevée :
- en Espagne, à l'initiative de la Fédération espagnole des communes et des provinces et du Conseil supérieur des sports ;
- aux États-Unis (Illinois), où les informations nécessaires à la réalisation des terrains de sport sont détaillées ;
- et en Grande-Bretagne, où l'agence gouvernementale dédiée au sport publie des guides pratiques relatifs aux installations sportives régulièrement mis à jour.
MONOGRAPHIES PAR PAYS
ALLEMAGNE
L'article 30 de la Loi fondamentale allemande ( Grundgesetz - GG ) répartit les compétences entre la Fédération et les Länder : toute disposition qui n'est pas expressément inscrite dans cette loi relève des Länder . Tel est le cas de la politique de subventionnement du sport.
Il existe toutefois des compétences non écrites qui, par leur nature même, relèvent de l'État fédéral. Entrent dans cette catégorie la représentation nationale lors des compétitions internationales, les relations internationales (aide au développement sportif par exemple) ou les subventions aux fédérations nationales.
Le reste relève de la compétence des Länder . L'article 36 de la Constitution du Land de Saxe-Anhalt (Landesverfassung) dispose, par exemple, que l'art, la culture et le sport sont protégés et financés par le Land et les communes, et que ceux-ci assurent la promotion, dans la mesure de leurs moyens budgétaires, de l'activité culturelle offerte à tous les citoyens, notamment par l'entretien des musées accessibles au public, des bibliothèques, des sites commémoratifs, des théâtres, ainsi que des infrastructures sportives et autres établissements.
Les lois en matière de sport, de financement ou de construction des infrastructures sportives sont ainsi adoptées par chaque Land , à l'instar de la loi sur le financement du sport (Gesetz über die Sportförderung) du Brandebourg du 10 décembre 1992, modifiée par la loi du 29 novembre 2012, ou encore de la loi sur le financement du sport (Gesetz über die Förderung des Sports) de Saxe-Anhalt du 18 décembre 2012.
Il existe donc autant de modèles que de Länder .
1. Financement des installations sportives
Le recours aux opérateurs privés pour le financement total ou partiel des grands stades est fréquent en Allemagne. Divers modèles de partenariats publics-privés coexistent, de la simple coopération à l'exploitation, en passant par la concession.
La propriété et la gestion des stades relèvent de différents intervenants. En règle générale, le club de sport (Verein) crée une société propriétaire du stade (Besitzgesellschaft) , dont l'exploitation sera assurée par une troisième structure (Betriebgesellschaft) . Les investisseurs privés comme publics peuvent détenir des parts dans la société propriétaire et/ou exploitante. La participation privée peut prendre la forme du naming , méthode qui consiste à vendre le nom du stade à une entreprise sur une longue période. Tel est le cas de l' Allianz Arena de Munich ou de l' Imtech-Arena de Hambourg.
Une participation peut être prise par tous les types de personnes publiques, de la commune au Land . Au sein d'une société d'exploitation du stade, elle peut varier de 0 % (société gestionnaire de l' Allianz Arena ) à 100 % (la société propriétaire et gestionnaire du stade RheinEnergie est une filiale à 100 % de la ville de Cologne).
L'aide publique n'est pas nécessairement directe. Elle peut prendre la forme d'une construction d'infrastructures (par exemple une route pour desservir le nouveau stade) ou de la cession d'un terrain. La collectivité territoriale peut également se porter caution en cas de recours à un emprunt.
Les grands clubs de football sont souvent propriétaires de leur stade. Le stade du Bayern München , inauguré en 2005, appartient à la société par actions Bayern München AG . Cette dernière est composée de 4 associés : le FC Bayern München, Allianz, Audi et Adidas. La construction de ce stade, dont le coût s'est élevé à 340 millions d'euros, a été financée à hauteur de 300 millions par un emprunt contracté auprès de fonds privés (EuroHypo AG, Dresdner Bank AG et ALCAS GmbH) ainsi que, pour les 40 millions restant, par un emprunt auprès d'une banque publique de financement (LfA Förderbank Bayern) .
Autre exemple, le Borussia Dortmund est propriétaire de son stade par l'intermédiaire d'une société à responsabilité limitée (BVB Stadion) . Ce club, également côté en bourse, fait appel au marché pour lever des fonds, par le biais d'augmentations de capital, lorsque des dépenses sont nécessaires, notamment en matière d'infrastructures.
Sur les 18 équipes évoluant en « 1 re ligue allemande », équivalent de la première division, en 2013-2014, 8 sont pleinement propriétaires de leur stade, 6 jouent dans une infrastructure appartenant à une personne publique tandis que les 4 dernières partagent la propriété de leur stade avec, dans la plupart des cas, la ville où ce stade est implanté.
Les autres clubs de football professionnel plus petits, ceux qui ne jouent pas en « 1 re ligue », ainsi que les équipes pratiquant d'autres sports utilisent des stades appartenant à la commune dans laquelle ils sont installés, qui les met à disposition moyennant une redevance (Nutzungsgebühren) 5 ( * ) .
Selon les informations communiquées par l'association des villes allemandes (DStGB) , les subventions publiques, notamment municipales, sont destinées aux associations non professionnelles ou au sport grand public. Les installations sportives affectées à une utilisation essentiellement commerciale ne sont pas subventionnées. À titre d'exemple, l'article 10 de la loi du Land de Saxe-Anhalt sur le financement du sport précitée dispose que ce Land peut aider au financement de la réhabilitation, modernisation, transformation, extension ou nouvelle construction d'une infrastructure sportive.
La loi du Land de Brandebourg, précitée, précise (article 7) que le Land , les cantons, les villes et les communes financent le sport, et que les subventions peuvent être accordées pour la création et le maintien en bon état des infrastructures sportives communales ou des clubs de sport, le sport grand public, le sport de haut-niveau, le sport scolaire et universitaire.
Ces lois des Länder sont souvent accompagnées de directives (Richtlinien) ou d'un règlement administratif (Verwaltungsvorschrift) indiquant le montant maximal de la participation financière du Land pour la construction des installations sportives communales ou des clubs de sport, ou encore précisant les conditions, la procédure d'octroi ainsi que les modalités de gestion des moyens alloués au financement de la construction des infrastructures sportives.
2. Normes applicables aux installations sportives
Ces normes concernent, d'une part, les prescriptions qui résultent des règles du jeu et, d'autre part, celles relevant du domaine technique.
S'agissant des premières, les règlements internationaux produits par les fédérations sportives et repris par les fédérations nationales, précisent, outre les règles du jeu, les caractéristiques techniques des installations et équipements.
Ainsi, la fédération allemande de football (Deutscher Fußball-Bund) indique dans son Manuel relatif aux règles du football 2013/2014 , les normes applicables en matière de taille du terrain, de tracé des lignes ou encore de dimension du ballon.
La fédération allemande de hockey sur glace, quant à elle, renvoie sur son site internet aux règles de la fédération internationale de hockey, lesquelles précisent la dimension de la patinoire et le placement du marquage, la dimension des vitres protectrices et leur épaisseur, ou encore la taille des gants du gardien.
S'agissant des secondes, toute une série de normes concernant les infrastructures sont des normes DIN, édictées par l'organisme de standardisation allemand, le Deutsches Institut für Normung (DIN), institut de normalisation équivalent de l'Association française de normalisation (AFNOR).
Ces normes concernent par exemple le revêtement de sol des installations sportives, l'éclairage et les équipements sportifs.
Les normes DIN sont édictées sur le fondement d'un contrat (Vertrag) entre cet organisme et l'État fédéral. Elles n'acquièrent de force contraignante que si un texte y fait référence, de sorte que :
- soit le texte ne les nomme pas expressément, mais se réfère par exemple aux règles techniques en usage ( allgemein anerkannte Regeln der Technik) , ce qui suffit à leur conférer une portée juridique ;
- soit le texte fait explicitement référence à ces normes. Tel est le cas de la loi sur le sport du Land de Brandebourg, précitée, dont le chapitre 2 sur le financement de la construction des infrastructures sportives (Förderung des Sportstättenbaus) , article 5 (3), précise que les dispositions relatives aux compétitions des fédérations sportives ainsi que les exigences des normes DIN devront être prises en compte par les plans et pour la construction des installations sportives subventionnées par le Land .
Enfin, des standards architecturaux et relatifs aux infrastructures peuvent être édictés pour les stades et l'espace environnant en vertu du règlement sur les lieux de rassemblement (Muster-Versammlungsstättenverordnung) , des directives de la fédération de football sur l'amélioration de la sécurité à l'occasion des rencontres sportives et du Manuel du stade (Stadionhandbuch). Ce dernier prévoit que les stades accueillant des matches de ligue 1 et 2 doivent comporter au moins 15 000 places pour les spectateurs, dont 3 000 places assises.
ESPAGNE
Selon le Conseil supérieur des sports espagnol, institution administrative chargée de mettre en oeuvre la politique de l'État en matière sportive, le recensement des équipements sportifs de 2005 faisait apparaître que 79 059 d'entre eux existaient dans le pays, soit une augmentation de plus de 77 % par rapport au recensement précédent effectué en 1975 (18 088 équipements). Sur ce total, 65,5 % des équipements appartenaient, voici neuf ans, à des personnes publiques et 34,5 % à des personnes privées.
En vertu des articles 43 et 148.1.19 de la Constitution espagnole, si l'ensemble des pouvoirs publics favorisent l'éducation physique et le sport, les communautés autonomes peuvent, quant à elles, assumer de façon spécifique des compétences en matière de promotion du sport.
Les communautés autonomes ont, du reste, adopté des lois propres telles que, pour ne prendre que cet exemple, la loi de la Communauté de Madrid n° 15 du 28 décembre 1994 sur le sport. Leurs dispositions s'ajoutent donc à celles de la loi sur le sport n° 10 du 15 octobre 1990 votée par les Cortes au niveau national.
Dans le pays, les compétences en matière sportive sont réparties entre :
- le Conseil supérieur des sports ;
- les directions générales des sports des communautés autonomes ;
- et les collectivités locales.
Aux termes de l'article 7 de la loi n° 10 du 15 octobre 1990 précitée, le Conseil supérieur des sports collabore, en matière d'équipements sportifs, aussi bien avec les communautés autonomes qu'avec les collectivités locales (ayuntamientos et diputaciones) pour :
- agir en coopération avec les communautés autonomes en ce qui concerne l'activité sportive générale et coopérer au développement des compétences qu'elles détiennent aux termes de leurs statuts respectifs ;
- élaborer et exécuter, en collaboration avec les communautés autonomes et, le cas échéant, avec les collectivités locales, les plans de construction et d'amélioration des installations sportives pour le développement du sport de compétition et actualiser, dans le cadre de ses compétences, la règlementation technique sur ce type d'installations ;
- et mettre constamment à jour la liste des installations sportives en collaboration avec les communautés autonomes - dont certaines ont établi des plans directeurs pour la planification des installations sportives cofinancées par les communes.
Comme l'indique le Conseil supérieur des sports, quelle que soit l'étendue de ses propres compétences, les communes sont les entités qui contribuent le plus au développement du sport en construisant les équipements sportifs.
Associations privées à but non lucratif, les fédérations sportives espagnoles nationales exercent, en vertu du décret royal n° 1835 du 20 décembre 1991 qui leur est consacré, les missions de service public qui leur sont déléguées par les pouvoirs publics. Elles sont notamment chargées de « la fixation et de l'organisation des activités et compétitions officielles de niveau national ». À cette fin, elles se réfèrent à la législation et aux règles fédérales en vigueur.
Outre ces fédérations nationales existent des fédérations sportives au niveau des autonomies.
1. Financement des installations sportives
À côté des difficultés spécifiques rencontrées pour le financement du football professionnel, on évoquera ici les principaux éléments mis à jour en ce qui concerne le financement des installations par les collectivités territoriales.
• Le financement du football professionnel
La situation du secteur du football espagnol se caractérise par un fort endettement des clubs professionnels. L'endettement total était estimé à 3,6 milliards d'euros en 2013, dont 750 millions étaient dus au Trésor public 6 ( * ) . Le montant de la dette vis-à-vis du fisc, quoi qu'en diminution en 2013 par rapport à 2012, demeure toujours important. Afin de juguler ce phénomène, le ministère de l'éducation, de la culture et du sport, le Conseil supérieur du sport et la Ligue nationale de football professionnel ont signé, le 25 avril 2012, un protocole tendant à réduire les dettes des clubs sportifs et des sociétés anonymes sportives.
En outre, la Commission européenne a annoncé, le 18 décembre 2013, qu'elle ouvrait une enquête approfondie au sujet du financement public de certains clubs de football professionnel en Espagne. Les investigations de la Commission portent sur des mesures concernant divers avantages qui auraient été consentis à des clubs de football, tels que :
- des garanties publiques pour le financement de l'acquisition d'actions ou pour couvrir des retards de paiement du capital, des intérêts et des coûts découlant de défauts de paiement d'un prêt garanti ;
- l'échange de terrains très avantageux ;
- et le possible octroi de privilèges au titre de l'impôt des sociétés.
Du reste, le groupe parlementaire Unión Progreso y Democracia (UPyD) du Congreso de los Diputados a déposé, le 24 janvier dernier, une proposition sur le bureau de la commission de l'éducation et du sport de cette assemblée tendant à demander au Gouvernement la réalisation d'un audit complet du football professionnel espagnol, grâce à une étude sur les subventions et aides publiques directes et indirectes aux clubs de football.
L'exposé des motifs de cette proposition souligne l'importance du financement de ces équipes par les autonomies et les collectivités locales (notamment par le biais de la publicité pour celles-ci). Il évoque aussi le fait qu'une commune ait pu requalifier un terrain afin d'y permettre la construction d'un stade pour des équipes locales avant de le revendre à une équipe professionnelle à un prix inférieur à celui du marché. Il évoque aussi différents montages financiers aboutissant à faire profiter des clubs de subventions indirectes de montants substantiels.
• L'intervention des collectivités territoriales
Les investissements sportifs annuels moyens par habitant s'élevaient, en 2002, à 9,12 euros dans les communautés autonomes et à 41,03 euros dans les communes chefs-lieux de province, de sorte que la Fédération espagnole des communes et provinces soulignait à cette époque que les communes investissaient quatre fois plus que les communautés 7 ( * ) .
La recherche a permis de mettre à jour plusieurs canaux de financements sans préjudice de ceux qui pourraient exister par ailleurs.
Pour le financement du sport non professionnel (activités de formation, d'une part, et investissement, d'autre part) une fraction de l'impôt sur les jeux liés aux paris sportifs est versée à hauteur de 49,95 % aux provinces par l'intermédiaire des communautés autonomes ; à la Ligue nationale de football professionnel pour 45,5 % et, enfin, pour 4,55 % à la Fédération espagnole à destination du football non professionnel.
Pour le financement des installations sportives des collectivités locales destinées à des compétitions internationales, le Conseil supérieur des sports peut verser des aides, dans la limite de 33 % du coût total du projet, sur la base d'un appel à candidatures au terme duquel les propositions des collectivités territoriales sont évaluées en fonction de l'intérêt sportif national de la compétition (50 % au plus), du caractère olympique de la discipline sportive (10 % au plus) et, enfin, du fait de savoir si le projet de gestion de l'équipement après la compétition aura un effet sur le développement du sport (40 % au plus).
Enfin, les communautés autonomes peuvent bénéficier d'aides de l'État pour la réalisation d'infrastructures sportives dans des centres scolaires publics au niveau de l'enseignement maternel, primaire et secondaire (le dernier appel à projets figurant sur le site du Conseil des sports s'est terminé en 2009).
2. Normes applicables aux installations sportives
D'un point de vue général, le Conseil supérieur des sports indique sur son site Internet, dans une rubrique consacrée à la « normalisation technique en matière de sports », que le cadre normatif technique et règlementaire est « de plus en plus compliqué », de sorte qu'il est « extrêmement ( sumamente ) difficile pour les gestionnaires et responsables des installations sportives de connaître et d'appliquer les normes techniques existantes car, dans la plupart des cas, il n'est pas simple de localiser les normes techniques à appliquer, notamment parce qu'elles ne relèvent pas d'un des comités existants ou qu'il n'existe pas de norme conforme à leurs besoins. »
• Les efforts en matière de normalisation
Compte tenu des carences relevées en matière de normalisation des règles techniques applicables aux équipements sportifs, le Conseil supérieur des sports, répondant à une demande des associations et organisations d'entrepreneurs du secteur sportif, a créé le « Projet pour l'amélioration et l'harmonisation des installations sportives espagnoles » (Proyecto Mejora y Armonisación de las instalaciones deportivas españolas, MAID) , qui a eu pour effet, selon le Conseil supérieur des sports, de réactiver et de réorganiser l'activité de différents comités de normalisation autour du comité n° 147 « Sports, équipements et installations sportives » de l'Association espagnole de normalisation et de certification (AENOR). Ce comité est composé de représentants :
- des administrations (Conseil supérieur des sports, ministère chargé des sports et communautés autonomes) ;
- d'associations et d'entreprises (fédération des communes et provinces espagnoles, fédérations et associations de gestionnaires du sport, Institut de biomécanique, associations de fabricants d'équipements pour les piscines et de fabricants d'articles sportifs, notamment) ;
- et, enfin, d'autres entités (universités dont des groupes de travail concernent le sport, centres de technologie liés au sport).
Son activité est d'autant plus importante que l'on utilise de plus en plus « des équipements sportifs pour lesquels n'existe aucune règlementation spécifique » aux dires du Conseil supérieur des sports.
Les normes espagnoles « UNE » sont élaborées par l'AENOR au moyen de ses comités.
Les normes européennes « EN » sont élaborées par le Comité européen de normalisation et ses comités techniques. Elles sont ensuite adoptées et ratifiées comme normes espagnoles, devenant alors les normes « UNE-EN ». Elles ont vocation à se substituer aux normes nationales.
Le Conseil supérieur des sports participe tant aux comités espagnols qu'aux comités européens de normalisation.
De nature facultative, les normes UNE et les normes UNE-EN ne deviennent obligatoires qu'en vertu d'une loi, d'un décret ou d'un règlement qui prévoit qu'elles doivent être utilisées, par exemple dans les marchés publics.
• Le champ d'application des normes existantes
Les normes en vigueur concernent :
- les superficies sportives ;
- les équipements pour les spectateurs ;
- l'éclairage sportif ;
- les installations sportives ;
- et les installations de protection.
L'objectif poursuivi, toujours selon le Conseil supérieur des sports, serait de parvenir, à terme, à une normalisation concernant :
- les installations sportives, les terrains de jeu et les autres installations récréatives ;
- les équipements sportifs ;
- la gestion et l'entretien des équipements sportifs ;
- les surfaces sportives ;
- les équipements pour les spectateurs ;
- et les équipements sportifs destinés aux personnes qui ont des besoins particuliers.
Elle ne s'appliquerait par conséquent ni aux espaces qui s'ajoutent aux installations sportives (centre médical, infirmerie, physiothérapie, massage...), ni aux aires de jeux pour les enfants.
• Les normes applicables aux installations sportives et aux installations destinées à la détente
Les communautés autonomes ont la faculté d'adopter des dispositions spécifiques en ce qui concerne la sécurité dans les installations sportives. C'est ainsi que, pour prendre cet exemple, un décret foral n° 272 du 15 juillet 1996 sur les mesures de sûreté pour l'utilisation des équipements sportifs a été publié dans la Communauté forale de Navarre.
En outre, sur la base des normes UNE et EN, le Conseil supérieur des sports a fixé, en fonction des règlements en vigueur établis par chaque fédération sportive, des normes sur les installations sportives et les installations destinées à la détente (Normas reglamentarias sobre instalaciones deportivas y para el esparcimiento, NIDE) .
Disponibles sur le site du ministère espagnol de l'éducation, de la culture et du sport, ces normes ont pour objet d'harmoniser les dimensions, le tracé, l'orientation, l'éclairage, le type de surface au sol et le matériel sportif non personnel qui ont une incidence sur la pratique du sport. Elles constituent les informations de base pour la réalisation de projets d'équipements sportifs et doivent être respectées dans tous les projets qui reçoivent des aides du Conseil supérieur des sports. L'homologation de l'équipement relève cependant, en dernier ressort, de la compétence des fédérations sportives pour chacun des sports concernés.
Plusieurs initiatives tendent enfin à favoriser la connaissance des règles applicables à la construction des équipements sportifs. C'est ainsi que la Fédération espagnole des communes et des provinces a publié, avec l'aide du Conseil supérieur des sports, un volumineux guide intitulé Bonnes pratiques dans les installations sportives . De même, la communauté forale de Navarre, pour ne prendre que son exemple, a-t-elle publié un Manuel de base des équipements sportifs qui décrit, pour les différents types de sports, les normes applicables en matière de taille du stade ou des installations, le tracé au sol, l'éclairage, la surface de jeux, notamment.
ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE
L'intervention publique, lorsqu'elle existe, en matière d'installations sportives relève des États fédérés. La législation fédérale américaine comporte cependant des dispositions spécifiques relatives à la corruption (Bribery in Sporting Contests Act, 1979) , à la retransmission des évènements sportifs (Sports Broadcasting Act, 1961) , à l'institution du Comité Olympique américain (Amateur Sports Act, 1978) , à la non-discrimination (Title IX of the Education Amendments, 1972) , à la répression des pratiques anti-compétitives (Sherman Antitrust Act, 1890, Curt Flood Act, 1998) ou encore au handicap (American with Disabilities Act, 1990) .
Dans le Minnesota, retenu à titre d'exemple, une commission parlementaire sur les infrastructures sportives (Legislative Commission on Minnesota Sports Facilities) supervise les budgets de fonctionnement et d'investissement de l'autorité des Infrastructures sportives (Minnesota Sports Facilities Authority) . Dans ce même État, un organisme, composé de membres du Parlement et de personnalités qualifiées, dédié au sport amateur (Minnesota Amateur Sports Commission) , a été créé en 1987 par le Parlement. Cette instance, dont le statut figure au chapitre 240A des Minnesota Statutes , n'est pas une autorité de régulation. Sa mission consiste à promouvoir les bénéfices économiques et sociaux du sport, par la gestion d'un centre pour le sport amateur et l'organisation d'évènements. Il encourage les partenariats publics-privés et ceux entre les autorités locales et l'État du Minnesota, notamment dans la construction d'infrastructure sportives. Il est en charge du développement de 11 installations sportives dans l'État.
Dans l'Illinois, une délégation parlementaire 8 ( * ) , l'autorité des Infrastructures sportives (Illinois Sport Facilities Authority) , a été créée en 1987 par le Congrès de l'État. En vertu de son statut (chapitre 70 de l' Illinois Code of Statutes ), elle est chargée de la construction et de la rénovation des stades pour les équipes de sport professionnel.
1. Financement des installations sportives
Historiquement, le financement des infrastructures sportives aux États-Unis, en particulier celles destinées au sport professionnel, était principalement privé. Un changement s'est amorcé dans les années cinquante lorsque la ville de Milwaukee a construit un stade avec des fonds publics afin d'inciter une équipe de baseball à s'y installer 9 ( * ) .
Aujourd'hui, divers modèles de financements coexistent, qu'ils soient privés, publics, ou mixtes.
Une étude a montré qu'entre 1990 et 2011, 29 des 32 équipes de la ligue de football américain (NFL) ont vu leur stade être reconstruit ou réhabilité 10 ( * ) . Parmi eux :
- 1 a été financé à 100 % par le privé, le MetlifeStadium . Ce stade est le premier dont la propriété et l'exploitation reviennent à 2 équipes de NFL, les New York Jets et les New York Football Giants , pour un coût de 1,6 milliard de dollars ;
- 9 ont reçu un financement public total ;
- et les 19 autres ont bénéficié d'un financement mixte, dans des proportions très variables : 10 % de fonds publics pour le Gillette Stadium de Nouvelle-Angleterre, 97 % pour la réparation et la réhabilitation du Superdome de la Nouvelle-Orléans.
La part moyenne des financements publics, tous stades confondus, s'élève à 61 %.
La même enquête a été menée pour 4 autres sports collectifs. Il en résulte que, pour le baseball, où l'on compte 30 équipes évoluant en ligue américaine (MLB) , 26 infrastructures ont été construites ou rénovées entre 1991 et 2012. Parmi celles-ci, aucun stade n'a été financé à 100 % par des fonds privés, 5 ont été pris en charge en totalité par des fonds publics, le financement public avoisinant, en moyenne, 59 %.
Pour le football (soccer) , 17 des 18 équipes jouant en ligue américaine (MLS) ont bénéficié d'un stade construit ou rénové entre 1999 et 2012. Trois stades ont été financés entièrement par des fonds privés et 5 exclusivement par des fonds publics, la moyenne s'élevant à 53 % de financements publics.
S'agissant du basketball, 27 équipes de NBA sur 30 ont vu leur stade construit ou rénové entre 1990 et 2010, dont 6 ont été pris en charge en totalité par des fonds privés et 11 par des fonds publics, la moyenne de la participation publique étant de 51 %.
Enfin, 26 des 30 équipes qui composent la ligue de hockey sur glace (NHL) ont utilisé une nouvelle enceinte entre 1991 et 2010, dont 8 financées à 100 % par le privé et 4 par le public, la participation publique se montant à 36 % en moyenne.
La construction du nouveau stade des Vikings du Minnesota, pour reprendre son exemple, a été autorisée par l'État en 2012. Celui-ci a également créé l'autorité des Infrastructures sportives (voir supra ) et prévu le financement du stade (Laws of Minnesota 2012, chapitre 299 - The Minnesota Vikings Stadium Act). L'autorité des Infrastructures sportives représente l'État, en lien avec les Vikings du Minnesota, pour la construction et l'exploitation du nouveau stade. Elle succède à la Metropolitan Sports Facilities Commission , entité de même nature chargée de l'exploitation de l'ancien stade, le Metrodome , démoli en février 2014. Les travaux du nouveau stade devraient se dérouler jusqu'en 2016 et son coût, estimé à 975 millions de dollars, est partagé entre le privé, qui devrait prendre en charge 49 % du total, soit 477 millions de dollars, et le public. L'État du Minnesota versera 348 millions et la ville de Minneapolis 150 millions. Plusieurs recours ou pétitions ont été déposés depuis le lancement du projet 11 ( * ) . La dernière contestation a retardé la mise sur le marché des obligations (bonds sales) qui devaient être émises en janvier 2014 afin de financer la participation publique.
Plus généralement, la contribution publique au financement des installations sportives professionnelles fait débat aux États-Unis où les équipes ne sont pas fondamentalement liées à une ville et peuvent par conséquent déménager d'un lieu de résidence à un autre. Ce faisant, elles exercent une pression sur la ville hôte qui souhaite conserver une équipe résidente eu égard aux diverses retombées qu'elle suscite, et se déclare donc souvent disposée à accorder une participation publique malgré l'opposition de certains contribuables.
Tel est le cas du nouveau stade de baseball de Marlins Park à Miami. Celui-ci a été principalement financé par des fonds publics (comté de Miami-Dade et ville de Miami), tandis que le propriétaire de l'équipe participait à hauteur d'un tiers. L'accord entre les parties (Baseball Stadium Agreement) prévoyait également une clause lui interdisant de changer de ville pendant 35 ans, le propriétaire ayant envisagé, en cas de non-accord concernant le financement du stade, de s'installer ailleurs. Cet accord a néanmoins fait l'objet d'une forte contestation. Plusieurs recours ont été déposés, dont l'un demandant la tenue d'un référendum, puis rejetés par le juge. Le caractère inégal de l'accord a également été souligné : les propriétaires de l'équipe, qui finançaient à hauteur de 33 % la construction du stade, devaient toucher 100 % des revenus tirés de celui-ci. 12 ( * )
Le chapitre 70 des Illinois Compiled Statutes , qui reprend la loi relative à l'autorité des Infrastructures sportives (Illinois Sport Facilities Authority Act) , justifie l'intervention publique par l'impossibilité pour le secteur privé de maintenir, réparer ou remplacer les infrastructures, du fait de leur coût très élevé, sans aide du secteur public. Ce document souligne également les retombées en termes économique et touristique dont peut bénéficier l'État.
2. Normes applicables en matière d'installations sportives
Les règlements élaborés par les fédérations sportives internationales et repris par les fédérations nationales, précisent, outre les règles du jeu, les caractéristiques techniques des installations. Ils peuvent toutefois faire l'objet d'amendements en fonction du niveau de compétition.
Tel est le cas en ce qui concerne la fédération américaine de natation, qui consacre un article de son règlement 2014 aux normes auxquelles doivent répondre les infrastructures (facilities standards) et opère la distinction entre celles applicables à tout type de compétition, celles applicables aux compétitions de niveau international et aux championnats des États-Unis et, enfin, celles par rapport auxquelles les « comités territoriaux » (analogues, toutes choses étant égales par ailleurs, aux comités départementaux) de natation peuvent en partie déroger (waive strict compliance with) lors des compétitions locales. Les normes visées dans cet article concernent autant celles liées au sport en lui-même (profondeur de l'eau, dimensions de la piscine...) que des aspects techniques comme la température de l'eau et de l'air ou l'éclairage.
À l'inverse, en ce qui concerne le basketball, les règles de la fédération internationale (FIBA) et celles de la ligue américaine NBA divergent sensiblement. Tel est le cas du marquage de la ligne dite « des trois points » qui n'est pas situé à la même distance selon les règles de la FIBA et celles de la NBA (6,75 m pour la première contre 7,24 m pour la seconde). Les dimensions du terrain varient également de quelques centimètres.
L'État de l'Illinois a rédigé un guide à destination des collectivités territoriales sur la construction ou rénovation des installations sportives en extérieur, qui récapitule les informations nécessaires, identifie les normes et formule des recommandations. Outre les aires pour enfants, les terrains de sport sont également inclus dans ce guide. Sont ainsi répertoriés :
- les dimensions pour chaque sport ;
- l'orientation ;
- l'éclairage ;
- ou encore la maintenance.
Plusieurs organismes interviennent en matière de normalisation aux États-Unis. La plupart des normes en matière de sport sont fixées par la société américaine pour l'évaluation et les matériaux (American Society for Testing and Materials - ASTM) . Sa commission F08 est chargée des équipements sportifs, surfaces de jeu et infrastructures. Elle émet des normes sur la construction et la maintenance, la pelouse, l'absorption des chocs, ainsi que sur les équipements (casques, protection des yeux...). Pour être reconnus au niveau fédéral, ceux-ci doivent être soumis à l'institut américain des standards nationaux (American National Standards Institute - ANSI), coordinateur du système américain de normalisation. Une autre commission, NOCSAE (National Operating Committee on Standards for Athletic Equipment) s'est spécialisée dans le développement de normes pour les équipements de protection dans de nombreux sports.
Une agence fédérale, la commission de Sûreté des produits de consommation (Consumer Product Safety Commission - CPSC) , est chargée de protéger le public des risques déraisonnables de blessures ou de décès liés à l'utilisation des produits de consommation.
Elle peut rédiger des guides tendant à améliorer la sécurité, comme celui visant à rendre les piscines plus sûres (Guidelines for Entrapment Hazards : making Pools and Spas Safer) . Le code de la santé et de la sûreté de Californie (Health and Safety code) , qui intègre la loi sur la sûreté des piscines (Pool Safety Act) fait, quant à lui, directement référence à ce document en disposant que toute mesure de sûreté additionnelle à celles déjà prévues par la loi précitée doit répondre aux standards publiés par le guide de la CPSC. Ce code intègre également les normes ANSI et ASTM requises en matière de sécurité des piscines publiques (bouches d'aspiration, alarmes...).
Enfin, pour compléter ces dispositions, le code de la construction de Californie consacre un chapitre aux piscines publiques, qui renvoie aux normes ANSI et ASTM relatives à la sécurité des piscines. En la matière, la loi Virginia Graeme Baker sur la sûreté des piscines et spa (Virginia Graeme Baker Pool and Spa Safety Act) , qui visait à prévenir les décès d'enfants dans les piscines, renvoie également à ces normes.
ITALIE
Au cours de l'examen de différentes propositions de loi sur la question des stades qui a eu lieu de 2008 à 2010 au Parlement italien, les échanges ont mis en lumière l'obsolescence des équipements sportifs existants. Selon l'exposé des motifs d'une proposition de loi déposée en novembre 2008, sur les 126 stades de la péninsule utilisés à cette époque pour des compétitions de football professionnel, 69 avaient une contenance de moins de 10 000 places, tandis que l'âge moyen de ce parc était de 67 ans 13 ( * ) . De même une étude de 2004 mettait-elle en lumière qu'environ 10 % des espaces de toutes sortes dédiés aux activités sportives, dont plus de la moitié appartenait à des collectivités publiques, étaient inutilisés 14 ( * ) .
La chambre des députés et le Sénat ont, de 2009 à 2012, examiné puis « fusionné » plusieurs propositions de loi visant à remédier à cette situation. L'une d'entre elles, déposée en 2008, tendait dès cette époque à favoriser la construction et la restructuration des équipements sportifs, notamment pour soutenir la candidature de l'Italie à des manifestations sportives de niveau européen ou international 15 ( * ) .
Le texte de synthèse résultant de ces travaux a été transmis au Sénat en juillet 2012. Bien qu'il n'ait jamais été adopté de façon définitive par les deux chambres, les débats qui se sont déroulés lors de son examen au Parlement ont mis à jour les préoccupations des auteurs de ces propositions de loi. En mai 2010, un parlementaire observait, par exemple, devant la commission de la Science, de la Culture et de l'Instruction de la Chambre des députés, que la capacité de la majorité des 126 stades italiens était insuffisante et qu'il était nécessaire d'y apporter des améliorations en termes de sécurité 16 ( * ) . Un autre notait, à la même époque, que les communes propriétaires de stades dépensaient des « sommes énormes » pour la sécurité alors même que ces équipements ne leur rapportaient rien, un autre estimant qu'il était par conséquent nécessaire de suivre l'exemple de l'Angleterre, de l'Allemagne, de l'Espagne et des États-Unis pour construire des équipements « adaptés et multifonctionnels, qui prévoient des zones de divertissement ( svago ) plus ou moins ouvertes à l'occasion des matchs » 17 ( * ) . Un troisième parlementaire considérait, en juillet de la même année, que les stades devaient « devenir un lieu central inséré le plus possible dans la vie de la cité, doté de gymnases, de piscines et de structures commerciales comme des boutiques et des restaurants, afin de pouvoir être fréquentés pendant toute la semaine » 18 ( * ) .
Une proposition de loi élaborée en 2009, fusionnant les diverses propositions de loi déposées depuis 2008, se fixait précisément pour objectif de favoriser la réalisation de nouveaux équipements sportifs et la réhabilitation de ceux existants, notamment dans la perspective du championnat européen de football de 2016 et prévoyait, à cette fin, la mise en oeuvre d'un plan triennal spécial. Parallèlement à la discussion de ce texte qui concernait les infrastructures destinées à un usage professionnel, la commission du Sénat saisie au fond adopta un ordre du jour dans lequel elle recommandait la préparation d'un autre projet de loi destiné à remédier de façon spécifique à la situation des stades les plus petits 19 ( * ) .
S'il était besoin de montrer l'intérêt constant du législateur italien pour ce sujet, on pourrait enfin rappeler que, de surcroît, plusieurs députés ont déposé, le 24 septembre 2013, une proposition de loi tendant à favoriser la réhabilitation et la construction de stades en proposant de recourir aux équivalents italiens des « partenariats public-privé », pour pallier le manque de ressources publiques pour faire face à ce type de dépenses 20 ( * ) .
1. Financement des installations sportives
Le Gouvernement s'étant lui-même emparé du sujet, le Parlement a adopté, dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2014, deux dispositions qui se situent dans le droit fil des initiatives évoquées supra 21 ( * ) et s'insèrent dans le cadre des partenariats public-privé. Désormais, une personne privée (le promoteur) peut présenter à une commune un projet d'installation sportive sous forme d'une étude de faisabilité accompagnée d'un plan économico-financier et de l'accord d'une ou de plusieurs sociétés sportives disposées à utiliser l'équipement à titre principal. L'assemblée délibérante de la commune doit statuer, dans les 90 jours, sur le caractère d'intérêt général de cette initiative, ce qui a pour effet de permettre au promoteur de présenter un projet finalisé. Dans le cas où le projet doit être réalisé sur le domaine public, une mise en concurrence est organisée à laquelle le promoteur peut prendre part. À l'issue de celle-ci, un attributaire est désigné, auquel le projet est confié sauf dans le cas où le promoteur décide de réaliser l'opération à sa place en faisant jouer un droit de préemption. « Dans la mesure du possible », dit la loi, ces opérations doivent être réalisées en procédant à la réhabilitation de l'existant.
En outre, le fonds de garantie des prêts contractés pour la construction, l'agrandissement et l'amélioration des équipements sportifs, géré par l'Institut pour le crédit sportif, est doté de 10 millions d'euros en 2014, 15 millions en 2015 et 20 millions en 2016. Mis en oeuvre sur la base de critères définis après accord de l'État et après avis du Comité national olympique italien, ce dispositif semble destiné à aider à la réalisation d'opérations de toutes tailles. Ces dispositions viennent s'ajouter à celles du décret-loi n° 83 du 22 juin 2013 22 ( * ) , qui a ouvert un crédit de 18 millions d'euros pour la réalisation d'infrastructures sportives sur l'ensemble du territoire.
2. Normes applicables aux installations sportives
a) Généralités
Depuis la modification de la Constitution italienne, les régions du pays à statut ordinaire jouissent de compétences législatives partagées avec l'État dans un nombre défini de matières au nombre desquelles figure le régime des activités sportives (ordinamento sportivo) .
Les normes applicables en Italie pour la réalisation des installations sportives sont de quatre ordres puisqu'elles ressortissent :
- à la sûreté et aux questions d'hygiène et de santé et notamment aux décrets ministériels du 18 mars 1996 concernant les règles de sécurité pour la construction et l'utilisation des installations sportives modifié et du 6 juin 2005 (deux arrêtés ministériels portant respectivement sur les obligations des organisateurs de matchs de football en matière de sécurité publique et de captation télévisée des équipements susceptibles d'accueillir plus de 10 000 spectateurs) ;
- à la règlementation technique (notamment à l'équivalent des normes AFNOR...) ;
- aux règles fixées par le Comité national olympique italien ( Comitato nazionale Olimpico italiano , CONI) pour la création d'installations ;
- et, enfin, aux règlements édictés par les fédérations sportives nationales italiennes.
b) Compétences des autorités sportives
Les compétences des autorités sportives en matière de réalisation d'équipements sportifs s'exercent donc, en premier lieu, par l'élaboration d'une réglementation spécifique qui s'applique à ces équipements et, en second lieu, par la délivrance d'avis avant leur construction.
ï L'élaboration d'une règlementation
On évoquera ici, d'une part les règles fixées par le CONI pour la création d'installations sportives et d'autre part, à titre d'exemple, le règlement technique pour les compétitions d'escrime publié par la fédération italienne d'escrime.
Les règles du CONI pour la création d'installations sportives
Aux termes du décret législatif n° 242 du 23 juillet 1999 23 ( * ) , le Comité national olympique italien est une personne morale de droit public placée sous la tutelle (vigilanza) du ministère des activités et des biens culturels. Il est l'autorité de « règlementation, de régulation et de gestion des activités sportives » et fixe, à ce titre, les principes fondamentaux de la réglementation applicable aux activités sportives, selon les articles 1 et 2 de son statut 24 ( * ) .
En vertu des articles 3 et 20 du décret ministériel du 18 mars 1996 concernant les règles de sécurité pour la construction et l'utilisation des équipements sportifs modifié, l'ensemble des implantations sportives sont soumises aux règles fixées par les règlements du Comitato nazionale Olimpico italiano (CONI) et par ceux des fédérations sportives nationales.
Approuvées par une délibération du conseil d'administration du CONI n° 149 du 6 mai 2008, les règles du CONI pour la création d'installations sportives (Norme CONI per l'impiantistica sportiva) , dont le texte est de 24 pages, se composent de trois parties concernant respectivement :
- les prescriptions générales ;
- les prescriptions complémentaires spécifiques ;
- et des lignes directrices pour les installations sportives complémentaires.
Ces prescriptions générales sont destinées à fixer des niveaux minimaux qualitatifs et quantitatifs pour la réalisation de nouvelles installations sportives et la réhabilitation des installations existantes. Elles s'appliquent à toutes les installations sportives, qu'il s'agisse de celles :
- destinées aux activités officielles (agonistiche) des fédérations sportives (étant observé que pour être homologuées par les fédérations sportives, ces installations doivent respecter les normes fixées par les règlements techniques de ces fédérations) ;
- destinées aux autres activités réglementées par les fédérations mais dépourvues de caractère officiel (préparation, formation, entretien).
En matière de structure des installations, les prescriptions générales du CONI précisent que celles-ci doivent comprendre des espaces pour : l'activité sportive elle-même, les services de support, les services techniques, le public ainsi que des espaces additionnels, notamment pour la formation et les activités sociales et d'éventuelles activités commerciales dont elles encouragent l'existence « pour des motifs de gestion ».
Ces prescriptions précisent aussi notamment :
- les caractéristiques des zones dans lesquelles les installations doivent être construites et notamment les tailles des aires de stationnement ;
- les normes applicables aux revêtements des sols ;
- les hauteurs libres de tout obstacle par type d'équipement (terrains de sport, piscines...) ;
- et les normes d'éclairage, de ventilation et d'humidité relative.
Elles détaillent les caractéristiques minimales des vestiaires (athlètes, arbitres, personnels), des locaux médicaux (premiers secours, contrôles anti-dopage, visites médicales), des toilettes, des douches et des espaces pour le public (précisant à ce titre les normes applicables en matière de visibilité dans des gradins).
Des prescriptions complémentaires précisent, quant à elles, les principes applicables :
- aux espaces clos, notamment les piscines et les vestiaires et autres installation y afférents ;
- aux installations extérieures, notamment ce qui concerne les terrains, les vestiaires des athlètes, les magasins et les équipements d'entraînement.
Enfin, les « lignes directrices » sont consacrées aux installations complémentaires destinées au fitness , au stationnement, aux parcours sportifs, pistes cyclables et aux parcs aquatiques.
Les règlements techniques et procédures d'homologation élaborés par les fédérations sportives nationales
En vertu de l'article 15 du décret législatif n° 242 du 23 juillet 1999 précité, les fédérations sportives nationales sont des associations de droit privé dont la personnalité juridique est reconnue par un décret du Président de la République italienne, après reconnaissance du caractère sportif de leur objet par le conseil national du CONI. Elles élaborent, aux termes de l'article 12 des règles du CONI précitées, des règlements techniques pour chaque discipline et chaque niveau de compétition (local, national, international) qui définissent « de façon complète et univoque les procédures d'homologation et les normes, en particulier les caractéristiques fonctionnelles, géométriques (y compris par des dessins ou graphiques lisibles) et techniques des équipements et des installations utilisés ainsi que les normes de sécurité et de compatibilité environnementale ». Le même texte ajoute que « Dans la mesure du possible, pour toutes les caractéristiques fondamentales des espaces et des installations (typologie, description, géométrie, mécanique, photométrie, acoustique, etc.) doivent être indiquées les normes de référence italiennes ou internationales (UNI, UNI EN, UNI ISO, ISO), outre les méthodes de vérification, les paramètres d'évaluation, les valeurs minimales ou les limites de variation acceptables . » Même s'ils sont identiques aux normes internationales, ces règlements et ces procédures d'homologation doivent être rédigés en langue italienne.
À titre d'exemple, on retiendra que le règlement technique pour les compétitions d'escrime de juin 2007 modifié, établi par la fédération italienne d'Escrime, de 5 pages, se compose de 5 chapitres, consacrés :
- au champ d'application ;
- à la terminologie ;
- au terrain ;
- au matériel des tireurs ;
- et au combat.
Ce règlement s'applique aux « épreuves officielles » de la fédération, à savoir :
- les épreuves des championnats du monde de toutes catégories ;
- les épreuves olympiques ;
- les épreuves de la coupe du monde ;
- et les championnats de zone.
Le chapitre 3, intitulé « Le terrain », précise que celui-ci « doit présenter une surface plane et horizontale, ne pouvant avantager ni désavantager l'un ou l'autre des adversaires, surtout en ce qui concerne l'éclairage ».
Il définit la largeur (de 1,5 à 2 mètres) et la longueur (14 mètres) de la piste. Une figure illustre les marquages au sol qui délimitent les différentes parties de cette surface où l'on tire aux trois armes.
• La délivrance d'avis
Bien que diverses lois aient été adoptées depuis la publication du décret-loi royal n° 302 du 2 février 1939 25 ( * ) , aucune n'est revenue sur le principe selon lequel le Comité national olympique italien ou l'un de ses services territoriaux émet un avis sur la construction, l'achat, l'agrandissement et la modification des équipements sportifs.
Les avis rendus par le CONI ressortissent à quatre catégories :
- avis de nature technico-sportive sur les projets d'acquisition, de nouvelle réalisation ou de transformation d'équipements sportifs ;
- avis sur les normes de sécurité pour la construction et l'utilisation des équipements sportifs ;
- les avis techniques relatifs à l'achat d'équipements sportifs ;
- et, enfin, des avis pour l'attribution et le versement de prêts de l'Institut pour le crédit sportif.
Précisons d'une part que, selon l'article 3 du décret ministériel du 18 mars 1996 modifié 26 ( * ) , quiconque entend construire un équipement sportif pouvant accueillir plus de 100 personnes doit notamment joindre à la demande qu'il adresse à la commune l'avis sur le projet émis par le CONI tel que prévu par le décret-loi royal n° 302 du 2 février 1939 et, d'autre part, que dans la documentation qu'il fournit aux collectivités qui souhaitent construire des équipements sportifs, l'Institut pour le crédit sportif, organisme public de financement de ce secteur, indique que l'avis favorable des organes compétents du CONI sur les questions techniques étant nécessaire pour l'obtention d'un prêt, il est recommandé de consulter ce comité avant le dépôt d'une demande de prêt 27 ( * ) .
ROYAUME-UNI (ANGLETERRE)
La loi sur les pouvoirs locaux de 2011 (Localism Act 2011) a conféré aux collectivités territoriales une compétence générale (General Power of Competence) , qui se traduit notamment par la possibilité d'apporter un soutien ou de fournir des services accrus dans de nombreux domaines. Si rien ne s'oppose donc à ce qu'une autorité locale participe à un financement en matière de sport, aucun texte spécifique ne régit les relations entre les clubs professionnels et les collectivités 28 ( * ) .
La recherche n'a pas permis de mettre en évidence l'existence d'une loi générale exclusivement consacrée au sport dans la législation britannique, où l'on compte diverses lois spécifiques relatives à la sûreté (Safety of Sports Grounds Act 1975, Fire Safety and Safety at Places of Sport Act 1987, Sports Grounds Safety Authority Act 2011) , à la prévention du hooliganisme et de la violence physique et verbale lors des matches (Football Spectators Act 1989, Football (Offences) Act 1991, Football (Offences and Disorder) Act 1999, Football (Disorder) Act 2000) ou au contrôle de la consommation d'alcool (Sporting Events (Control of Alcohol etc) Act 1985) .
La loi sur la sûreté des terrains de sport de 1975 (Safety of Sports Grounds Act, 1975) dispose que les autorités locales sont chargées de délivrer des certificats concernant la sûreté des terrains de sport relevant de leur compétence territoriale. Son article 2 précise que ces certificats peuvent contenir toute clause ou condition jugée nécessaire par l'autorité locale. Ces terrains, dont la liste est fixée par le ministre chargé de la culture, des médias et du sport, sont ceux pouvant accueillir plus de 10 000 spectateurs - 5 000 dans le cas des matchs de football de première ligue (équivalent de la première division) en Angleterre et au Pays de Galles.
Une autorité administrative indépendante, le Sports grounds safety authority ( auparavant Football Licensing Authority) , créée par la loi relative aux spectateurs du football de 1989, et renforcée par la loi sur l'Autorité de sûreté des espaces sportifs de 2011, est chargée de veiller à la sûreté et à la sécurité des spectateurs assistant à des évènements sportifs.
En matière de sûreté des installations sportives, les normes sont très strictes en Grande-Bretagne, du fait notamment de plusieurs catastrophes survenues à Bradford, au Heysel et à Hillsborough. Le rapport d'enquête relatif à cette dernière avait pointé que l'existence de tribunes où les spectateurs se tenaient debout et la présence de grillage entre celles-ci et le terrain constituaient des circonstances aggravantes et avait préconisé que les stades deviennent des enceintes comportant uniquement des places assises. Tel est désormais le cas pour les stades de football des clubs évoluant dans les équivalents de la première et de la deuxième division.
1. Financement des installations sportives
UKSports , entité placée sous la responsabilité du ministère de la culture, des médias et du sport (DCMS), créée en 1997 par charte royale (Royal Charter 1997) , est chargée de financer le sport de haut niveau et, pour ce faire, investit chaque année 100 millions de livres (soit 120,67 millions d'euros environ) 29 ( * ) . Les fonds publics nécessaires à sa mission sont financés par la loterie nationale et le Gouvernement. Toutefois, son rôle se limite au financement du sport de haut niveau et elle n'intervient pas directement dans le sport local ou scolaire.
À l'inverse, SportEngland , nouveau nom du conseil des sports anglais (English Sports Council) , également créé par charte royale en 1997, a pour mission de favoriser, soutenir et encourager le développement du sport. Cette agence publique « non-ministérielle » (executive non-departmental public body) , financée par le DCMS, est responsable en matière de gestion et d'affectation des investissements publics. Elle rend compte au Parlement par l'intermédiaire du ministère qui la finance. Son budget est constitué de recettes de la loterie nationale (228,8 millions de livres, soit 275,196 millions d'euros, en 2012-2013) et de fonds gouvernementaux (99,8 millions, soit 119,493 millions d'euros, sur la même période). Elle intervient en ce qui concerne :
- les investissements stratégiques ;
- l'amélioration des installations et équipements sportifs ;
- le soutien aux collectivités territoriales ;
- le conseil et l'expertise ;
- et la protection des terrains de sport.
Les fédérations sportives reçoivent près de la moitié des fonds alloués, notamment pour le financement des actions de soutien et de promotion du sport. SportEngland consacre également une part non négligeable de son budget aux installations sportives et au soutien aux collectivités territoriales.
Ainsi, sur la période 2012-2013, SportEngland a participé à hauteur de 82 millions de livres, soit 98,974 millions d'euros, à la construction, réparation et modernisation des installations sportives, l'objectif affiché étant de porter cet investissement total à 250 millions (301,75 millions d'euros) à l'horizon 2017.
S'agissant de l'aide aux collectivités territoriales, un fonds (Community Sport Activation Fund) à destination des collectivités territoriales et des groupes locaux (clubs de sport, écoles...) a été créé. Alimenté à hauteur de 40 millions de livres (48,296 millions d'euros), il vise à les aider à faire face à leurs activités de base (grassroots sports activities) .
Selon son rapport annuel publié le 31 mars 2013, ce sont les collectivités territoriales qui participent le plus au financement des infrastructures sportives : elles dépenseraient à ce titre environ 1 milliard de livres chaque année (soit 1,2074 milliard d'euros).
Des financements peuvent également être accordés dans certaines disciplines par des fonds dédiés. Tel est le cas de la fondation pour le football (Football Foundation) , qui propose plusieurs aides, dont le fonds « première ligue et fédération de football » ( Premier league & The FA facilities fund ), à destination des clubs de football, écoles, associations sportives locales et conseils municipaux, afin de leur permettre de développer ou rénover des infrastructures de football. D'un montant de 102 millions de livres pour 3 ans (123,165 millions d'euros), ce fonds est alimenté par la première ligue, la fédération de football et le Gouvernement via SportEngland .
S'agissant de la construction et de la propriété des stades, plusieurs modèles coexistent.
Le nouveau stade de l'équipe d'Arsenal a, par exemple, été construit en 2004 à partir de fonds exclusivement privés. Sur les 357 millions de livres du projet (431 millions d'euros), 260 millions (314 millions d'euros) ont été financés par un prêt auprès d'une structure spécialisée composée de plusieurs banques (stadium facilities banking group) tandis que 97 millions (117 millions d'euros) étaient apportés par le club lui-même via des sponsors privés (Nike, Granada) et la vente du surplus de biens fonciers du site retenu. Le groupe Arsenal, qui possède plusieurs sociétés, est propriétaire du stade par l'intermédiaire de l'une d'elles, Arsenal (Emirates stadium) limited.
À l'inverse, la construction du stade de Manchester, qui a débuté en 1999, a été possible grâce à des financements publics : sur les 112 millions de livres du coût du projet, soit 135,26 millions d'euros, 77 millions (près de 93 millions d'euros) auraient été financés par SportEngland et le solde par la commune de Manchester (Manchester City Council) . La commande d'un nouveau stade visait à permettre à Manchester d'accueillir les jeux du Commonwealth en 2002. Initialement conçu comme une piste d'athlétisme, il a fait l'objet de travaux supplémentaires en 2003 afin d'être transformé en stade de football. Les coûts associés (42 millions de livres, soit 50,715 millions d'euros) ont été pris en charge par la commune à hauteur de 22 millions (26,57 millions d'euros), et le solde par le club de football résident, Manchester City FC . Si la pratique du naming a permis de baptiser ce stade Etihad Stadium, la ville de Manchester en demeure toutefois l'unique propriétaire.
Quant au nouveau stade de Wembley, reconstruit en 2004, il est la propriété de la fédération anglaise de football via sa filiale « Wembley national stadium limited ».
2. Normes applicables aux installations sportives
Les normes techniques auxquelles doivent répondre les installations et équipements sont des normes BS EN (British Standard - European Norm) . L'agence de normalisation anglaise, BSI, a été instituée par charte royale en 1929, amendée en 1998. Les normes qu'elle édicte n'ont pas de force juridique en elles-mêmes, sauf à être visées par une loi.
Les règlements internationaux produits par les fédérations sportives et repris par les fédérations nationales déterminent, outre les règles du jeu, les caractéristiques techniques des installations. Ainsi, la fédération anglaise de football (The Football Association) , précise les caractéristiques techniques auxquelles doit répondre un terrain en termes de dimension, marquage, taille des poteaux des cages de but, hauteur du drapeau de corner... Ces caractéristiques sont imposées par le règlement de la fédération internationale de football (FIFA) pour pouvoir prétendre à l'accueil de matchs officiels.
La fédération britannique de football a travaillé avec le groupe BSI pour l'édiction de standards, par exemple sur les cages de but (BSEN 748 et BSEN 8462).
Quant à la fédération de cricket britannique, elle a rédigé un document sur les aires de cricket en intérieur, qui récapitule non seulement les normes relatives au jeu (dimension du terrain, marquage) mais aussi tous les standards BS EN auxquels doivent répondre ces aires en termes de performance (rebond, absorption des chocs, déformation verticale, résistance à l'usure...).
La modification des règles de jeu par une fédération internationale se répercute immédiatement sur les fédérations nationales et les propriétaires ou gérants des terrains de sport. Tel est le cas du changement par la fédération internationale de basket-ball (FIBA) du marquage au sol, effectif au 1 er octobre 2010 pour les matchs internationaux et, pour les autres matchs officiels relevant de la FIBA, au 1 er octobre 2012. La fédération anglaise, observant que les terrains appartenaient ou étaient, pour la plupart, gérés par les collectivités territoriales ou des écoles, a reconnu que ces modifications de tracé pouvaient créer des difficultés chez celles-ci et proposé un plan en plusieurs étapes, tout en soulignant que le respect de ces règles était obligatoire pour prétendre à l'organisation de compétitions officielles relevant de la FIBA ou de matchs de haut-niveau.
Ce plan permettait d'échelonner le marquage réel en recourant à l'utilisation d'adhésif comme solution temporaire pour ajuster le tracé. Quatre étapes étaient ainsi prévues, en fonction du niveau des manifestations censées se dérouler sur le terrain :
- tout lieu souhaitant accueillir des compétitions officielles, des équipes préparant les Jeux Olympiques de Londres ou fournir un terrain d'entrainement avant et pendant ces jeux devait respecter les dates limites fixées par la FIBA ;
- tout lieu voulant accueillir des compétitions de basket « adultes » relevant de la ligue nationale de basket anglaise devait avoir opéré le nouveau marquage, ou mettre en oeuvre la solution temporaire, au 1 er octobre 2012 ;
- les terrains organisant des compétitions relevant de la ligue nationale, tous âges confondus, des tournois inter-régionaux et des compétitions nationales scolaires devaient être prêts pour le 1 er septembre 2013 ;
- enfin, les terrains utilisés uniquement par les clubs locaux ou pour les compétitions scolaires ont jusqu'au 1 er septembre 2015 pour effectuer le nouveau tracé.
La fédération avait également suggéré, s'agissant des terrains à utilisation uniquement locale ou scolaire, de n'opérer qu'un seul marquage sur les 5 modifiés par le règlement de la FIBA, celui de la ligne dite « des 3 points ».
SportEngland , l'agence gouvernementale dédiée au sport évoquée supra , produit des documents régulièrement mis à jour (Design Guidance Notes), qui récapitulent l'ensemble des informations nécessaires à la construction d'une installation sportive ainsi que les normes auxquelles celle-ci doit répondre, par exemple :
- les dimensions des terrains de sport ou piscines en fonction des manifestations censées s'y produire ;
- l'éclairage ;
- le revêtement des sols ;
- et les obligations requises en matière de sûreté.
La recherche n'a pas permis de déterminer l'exacte portée normative de ces règles. Ainsi, en 2009, le Guide technique (facilities strategy technical guidelines) de la fédération anglaise de volleyball, qui reste un document de référence figurant sur son site internet, a indiqué que les dimensions des halls de sport recommandées par SportEngland (18 mètres de large sur 33 mètres de long) étaient inappropriées et représentaient une barrière dans le développement du volleyball. Elle proposait donc d'augmenter la largeur de 2 mètres, afin que deux aires de volleyball puissent être installées dans le même hall.
Dans ce même document, la fédération anglaise recommande, d'une part, que les équipements de volley répondent aux exigences de la norme BSEN1271 :2004(E) (équipements de volley-ball, exigences fonctionnelles et de sécurité, méthodes d'essai) et note, d'autre part, que tous les équipements de volley doivent se conformer au standard BSEN1271 :2004(E).
LISTE DES DOCUMENTS UTILISÉS
ALLEMAGNE
• Textes constitutionnels
Grundgesetz
loi fondamentale
Verfassung des Landes Sachsen-Anhalt
constitution du Land de Saxe-Anhalt
• Textes législatifs
Gesetz über die Sportförderung im Land Brandenburg, vom 10. Dezember 1992
loi sur le financement du sport du Land de Brandebourg, 10 décembre 1992
Gesetz über die Förderung des Sports im Land Sachsen-Anhalt, vom 18. Dezember 2012
loi sur le financement du sport du Land de Saxe-Anhalt, 18 décembre 2012
• Autres documents
Sportbericht, Deutscher Bundestag, Drucksache 17/2880
rapport sur le sport du Bundestag allemand, document imprimé n°17/2880
Deutscher Bundestag, Wissenschaftliche Dienste, Ausarbeitung, Governance des Profi-Fuâballs in Deutschland und die Finanzierung von Sportstätten, März 2014
note du service de recherche du Bundestag sur la gouvernance du football professionnel en Allemagne et sur le financement des infrastructures sportives, mars 2014
Luca Rebeggiani and Sebastian Witte, Financing sports arenas - options for large and middle-size projects, University of Hannover, September 2007
financer les arénas sportives, options pour les projets de grande et moyenne envergure
Fuâball - Regeln 2013/2014, Deutscher Fussball-Bund
manuel relatif aux règles du football, fédération allemande de football
Normungspolitisches Konzept der Bundesregierung
la politique de normalisation du gouvernement fédéral
Sites Internet :
FC Bayern München http://www.fcbayern.de/?
Fédération allemande de hockey sur glace http://www.deb-online.de/
ESPAGNE
• Textes législatifs et réglementaires
Ley 10/1990, del 15 de octubre, del Deporte
loi sur le sport n° 10 du 15 octobre 1990
Real decreto 1835/1991 de 20 de diciembre, sobre federaciones deportivas españolas y registro de asociaciones deportivas
décret royal n° 1835 du 20 décembre 1991 sur les fédérations sportives espagnoles et le registre des associations sportives
Decreto foral 272 / 1996, de 15 de julio po el que se regulan las medidas de seguridad a adoptat para la utilización de equipamientos deportivos en la Comunidad foral de Navarra
décret foral n° 272 du 15 juillet 1996 sur les mesures de sûreté pour l'utilisation des équipements sportifs de la Communauté forale de Navarre
Real Decreto 419 / 1991, de 27 de marzo po el que se establece la distribución de la recaudación y premios en las apuestas deportivas del Estado y otros juegos gestionarios por el Organismo Nacional de Loterías y Apuestas del Estado
décret royal n° 419 du 27 mars 1991 fixant la répartition des recettes de paris sportifs et autres jeux gérés par l'organisme national des loteries et paris de l'Etat
Resolución del 13 de febrero de 2012, de la Dirección General de Deportes por la que se convocan ayudas a las Corporaciones locales para la ejecución de infraestructuras deportivas y dotación de equipamientos deportivos, con motivo de la celebración de competiciones deportivas de carater internacional
instruction de la direction général des sports du 13 février 2012 relative aux aides aux collectivités locales pour la réalisation des infrastructures et des équipement sportifs liés à l'organisation de compétitions sportives internationales
• Documents
Federación Española de Municipios y Provincias, Consejo Superior de Deportes, La gestión deportiva local : Problemática actual y tendencias de futuro, 2008
[...] la gestion sportive locale : problématique actuelle et tendances du futur [...]
Federación española de municipios y provincias, Buenas prácticas en Instalaciones deportivas
bonnes pratiques dans les installations sportives [...]
Manual Básico de Instalaciones Deportivas de la Comunidad Foral de Navarra
manuel de base des équipements sportifs de la communauté forale de Navarra
Site Internet :
du Consejo Superior de Deportes , en particulier la note intitulée « Normalización tecnica en materia de deportes »
conseil supérieur du sport [...] « normalisation technique en matière de sport »
Commission européenne, communiqué de presse, Bruxelles, 18 décembre 2013, Aides d'État : la Commission ouvre une enquête approfondie au sujet du financement public de certains clubs de football professionnel en Espagne.
ÉTATS-UNIS D'AMÉRIQUE
• Textes législatifs
Minnesota Statutes
recueil des lois du Minnesota
Illinois Statutes
recueil des lois de l'Illinois
• Autres documents
Illinois Department of Natural Ressources, outdoor recreation facilities guide, February 2006
[...] guide pour les infrastructures de loisirs extérieures
Marc Edelman « Sports and the city: how to curb professional sports teams' demands for free public stadiums », in Rutgers Journal of Law & Public Policy, fall 2008
[...] les sports et la ville : comment freiner les demandes des équipes de sport professionnel relatives à la gratuité des stades publics
Robert Baade and Victor Matheson, « Financing Professional Sports Facilities », Working Paper Series, Paper n° 11-02, January 2011
[...] financer les infrastructures des sports professionnels [...]
Bloomberg, Vikings stadium bond issue delayed after legal challenge, 13/01/2014
[...] l'émission des obligations pour le stade des Vikings reportée après la contestation judiciaire
Bloomberg, Vikings stadium bond lawsuit thrown out by Minnesota high court, 21/01/2014
[...] l'action en justice contre les obligations du stade des Vikings rejetée par la haute cour du Minnesota
Minnesota public radio, second lawsuit from opponent threatens to stop work on Vikings stadium, 12/01/2014
[...] la seconde action en justice des opposants menace d'arrêter les travaux du stade des Vikings
USA Swimming Rule Book 2014
règles de la fédération américaine de natation 2014
Consumer Product Safety Commission, Guidelines for Entrapment Hazards : making Pools and Spas Safer
[...] guide pour réduire les risques et rendre les piscines et spas plus sûrs
Sites internet :
ANSI http://www.ansi.org/
ASTM http://www.astm.org/
FRANCE
• Textes législatifs
Code du sport
Loi n°84-610 du 16 juillet 1984 relative à l'organisation et à la promotion des activités physiques et sportives
• Généralités
Gérald Simon, Cécile Chaussard, Philippe Icard, David Jacotot, Christophe de La Mardière, Vincent Thomas, Droit du sport, P resses universitaires de France, 1 ère ed., 2012
Rapport de MM. Jean-Marc Todeschini et Dominique Bailly, Sénateurs, Grands stades et arénas : pour un financement public les yeux ouverts , fait au nom de la commission de la Culture, de l'Éducation et de la Communication et de la commission des Finances sur le financement public des grandes infrastructures sportives, Sénat, 17 octobre 2013
Ministère des sports, de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative, Recensement des équipements sportifs, espaces et sites de pratiques , version du 20 janvier 2014
Cour des comptes :
- Les collectivités territoriales et les clubs sportifs professionnels , décembre 2009
- Sport pour tous et sport de haut niveau : pour une réorientation de l'action de l'État, janvier 2013
Note communiquée par maître Rudolf Fonkoué, avocat au Barreau de Paris
ITALIE
• Textes législatifs
Decreto legislativo 23 luglio 1999, n. 242, riordino del Comitato olimpico nazionale italiano - CONI a norma dell'articolo 11 della legge 15 marzo 1997, n. 59
décret législatif n° 242 du 26 juillet 1999 portant réorganisation du comité national olympique italien - CONI en application de l'article 11 de la loi n° 59 du 15 mars 1997
Decreto legge 22 giugno 2012, n° 83, misure urgenti per la crescita del paese
décret-loi n° 83 du 22 juin 2012, mesures urgentes pour la croissance du pays
Legge 27 dicembre 2013 n° 147, Disposizioni per la formazione del bilancio annuale e pluriannule dello Stato (Legge di stabilità 2014)
loi n° 147 du 27 décembre 2013, dispositions pour l'élaboration du budget annuel et pluriannuel de l'Etat (loi de stabilité 2014)
Regio decreto legge 2 febbraio 1939, n° 302 modificazione alla legge 21 giugno 1928, n° 1580 che disciplina la costruzione dei campi sportivi
décret législatif royal n° 302 du 2 février 1939 modifiant la loi n° 1580 du 21 juin 1928 relative à la construction des terrains de sport
• Autres documents
Decreto ministeriale 18 marzo 1996 concernente « Norme di sicurezza per la costruzione e l'esercizio degli impianti sportivi »
arrêté ministériel du 18 mars 1996 concernant les règles de sécurité pour la construction et l'utilisation des installations sportives, modifié
Decreto ministeriale 6 giugno 2005 (2)
arrêté ministériel du 6 juin 2005 (2)
Regolamento per l'emission dei pareri di competenza del CONI sugli interventi relativi all'impiantistica sportiva, approvato del Consiglio nazionale del CONI con deliberazione n. 1219 del 27 marzo 2002
règlement pour la délivrance des avis relevant du CONI sur les questions relevant des installations sportives approuvé par le conseil national du CONI par une délibération n° 1219 du 27 mars 2002
Norme CONI per l'impiantistica sportiva approvate con deliberazione della Giunta Nazionale del CONI n. 149 6 maggio 2008
règles du CONI sur les installations sportives approuvées par le conseil national du CONI par une délibération n° 149 du 6 mai 2008
Nuovo Statuto del Comitato Olimpico Nazionale italiano, adottato dal consiglio nationale del CONI il 26 febbraio 2008, approvato con decreto ministeriale 7 aprile 2008.
nouveau statut du comité national olympique italien, adopté par le conseil national du CONI le 26 février 2008, approuvé par arrêté ministériel du 7 avril 2008
Senato della Repubblica, XVI legislatura, Disegno di legge N. 1193
Sénat de la République, XVI e législature, projet de loi n° 1193
Senato della Repubblica, XVI legislatura, disegno di legge N. 1193-1361-1437-B (Stampato Camera 2800).
Sénat de la République, XVI e législature, projet de loi n° 1193-1361-1437-B (impression de la Chambre des députés 2800)
Senato della Repubblica, Ordine del giorno n. G/1193-1361-1437/1/7 al DDL n° 1193, 1361, 1437 (nuovo testo).
Sénat de la République, ordre du jour n° [...]
Camera dei deputati, XVII legislatura, proposta di legge N. 1617
Chambre des députés, XVII e législature, proposition de loi n° 1617
Site Internet du Credito Sportivo : http://www.creditosportivo.it
ROYAUME-UNI
• Textes législatifs
Localism Act 2011
loi sur les pouvoirs locaux
Safety of Sports Grounds Act, 1975
loi sur la sûreté des terrains de sport
Sports Grounds Safety Authority Act 2011
loi sur l'Autorité de sûreté des espaces sportifs
• Autres documents
Volleyball England, facilities strategy technical guidelines
[...] guide technique sur les infrastructures
England Basketball, England Basketball Policy For New FIBA Rules, 2011
[...] la politique de la fédération anglaise de basketball concernant les nouvelles règles de la fédération internationale
Sites Internet de :
UKSport http://www.uksport.gov.uk/
SportEngland http://www.sportengland.org/
The Football Foundation http://www.footballfoundation.org.uk/
British Standards http://www.bsigroup.com/
* 1 Définitions tirées de la brochure du ministère des sports, de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative, Recensement des équipements sportifs, espaces et sites de pratiques , version du 20 janvier 2014.
* 2 Les collectivités territoriales et les clubs sportifs professionnels , rapport public thématique de la Cour des comptes, décembre 2009, p. 5, et Sport pour tous et sport de haut niveau : pour une réorientation de l'action de l'État , rapport public thématique de la Cour des comptes, janvier 2013, p. 5.
* 3 Rapport d'information de M M. Jean-Marc Todeschini et Dominique Bailly, sénateurs, Grands stades et arénas : pour un financement public les yeux ouverts , déposé le 17 octobre 2013, p. 16.
* 4 Normes et normalisation, site internet du ministère des sports, de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative ( http://sports.gouv.fr/pratiques-sportives/Les-equipements-sportifs/La-reglementation-en-matiere-d-equipements-sportifs/article/Normes-afnor ).
* 5 Source : Association des villes allemandes (DStGB) .
* 6 Cortes Generales, Diario de Sesiones del congreso de los Diputados, Comisiones, Año 2013, X Legislatura, Núm. 277 , p. 3.
* 7 Federación Española de Municipios y Provincias, Consejo Superior de Deportes, La gestión deportiva local : Problemática actual y tendencias de futuro , 2008, p. 9
* 8 Elle comprend 12 membres du Congrès, nommés à raison de 3 par le président du Sénat, 3 par le président du groupe minoritaire du Sénat, 3 par le président de la Chambre des députés et 3 par le président du groupe minoritaire de la Chambre des députés.
* 9 Marc Edelman « Sports and the city : how to curb professional sports teams' demands for free public stadiums » , in Rutgers Journal of Law & Public Policy , automne 2008, pages 39-40.
* 10 Robert Baade et Victor Matheson, « Financing Professional Sports Facilities » , Working Paper Series, Paper n° 11-02 , janvier 2011, pages 26 à 30.
* 11 Bloomberg ( http://www.bloomberg.com/news/2014-01-13/vikings-stadium-bond-issue-delayed-after-legal-challenge.html ; http://www.bloomberg.com/news/2014-01-21/vikings-stadium-bond-lawsuit-thrown-out-by-minnesota-high-court.html) ;
Radio publique du Minnesota ( http://blogs.mprnews.org/stadium-watch/2014/01/12/second-lawsuit-from-opponent-threatens-to-stop-work-on-vikings-stadium/ ).
* 12 Marc Edelman, « Sports and the city: how to curb professional sports teams' demands for free public stadiums », art. cit., p. 36.
* 13 Senato della Repubblica , XVI legislatura, disegno di legge N. 1193 , p. 2.
* 14 Camera dei deputati, XVII legislatura , exposé des motifs de la proposition de loi N. 1617 déposée le 24 septembre 2013, p. 2.
* 15 Senato della Repubblica, XVI legislatura, disegno di legge N. 1193-1361-1437-B (Stampato Camera 2800).
* 16 Compte rendu des Commissions, VII Commissione permanente , mercredi 12 mai 2010, p . 125.
* 17 Idem , jeudi 20 mai 2010, p. 108 et 109.
* 18 Idem , mercredi 7 juillet 2010, p. 79.
* 19 Ordine del giorno n. G/1193-1361-1437/1/7 al DDL n° 1193, 1361, 1437 (nuovo testo) .
* 20 Camera dei deputati, XVII e législature , proposition de loi N. 1617, déposée le 24 septembre 2013.
* 21 Legge 27 dicembre 2013 n° 147, Disposizioni per la formazione del bilancio annuale e pluriannule dello Stato (Legge di stabilità 2014) , alinéas 303-306 .
* 22 Decreto legge 22 giugno 2012, n° 83, misure urgenti per la crescita del paese , article 64. Les decreti legge , forme particulière d'intervention du pouvoir exécutif dans le domaine législatif pour des motifs d'urgence, doivent être «convertis», par une loi ad hoc , dans les 60 jours suivant leur promulgation.
* 23 Decreto legislativo 23 luglio 1999, n° 242, Riordino del Comitato olimpico nazionale italiano - CONI, a norma dell'articolo 11 della legge 15 marzo 1997 , n° 59 , article 1. Les decreti legislativi, sont un équivalent des "ordonnances".
* 24 Nuovo Statuto del Comitato Olimpico Nazionale italiano, adottato dal consiglio nationale del CONI il 26 febbraio 2008 , approvato con decreto ministeriale 7 aprile 2008.
* 25 Regio decreto legge 2 febbraio 1939, n° 302 modificazione alla legge 21 giugno 1928, n° 1580 che disciplina la costruzione dei campi sportivi , article 1 er .
* 26 Decreto ministeriale 18 marzo 1996 concernente « Norme di sicurezza per la costruzione e l'esercizio degli impianti sportivi ( modifié par le decreto ministeriale 6 giugno 2005).
* 27 http://www.creditosportivo.it .
* 28 Source : House of Commons.
* 29 La conversion a été effectuée le 07/03/2014 au cours suivant : 1 € = 0,82831£.