INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Après avoir longtemps retardé la modernisation de ses enceintes sportives, la France connaît aujourd'hui une recrudescence de projets qui trouve son origine dans l'organisation à venir de compétitions internationales majeures comme l'Euro 2016 de football et le championnat du monde de handball 2017, mais aussi dans les difficultés rencontrées par certains clubs comme le JSF Nanterre pour disputer, dans une salle suffisamment spacieuse, ses compétitions en Euroligue de basketball ou le Racing Metro 92, qui joue ses rencontres dans l'antique stade olympique de Colombes.

À cela s'ajoutent les problèmes rencontrés par les fédérations sportives qui prévoient d'étendre la surface de leurs installations, à l'image de la fédération française de tennis (FFT) avec le tournoi de Roland-Garros, ou de se doter d'un nouvel équipement comme la fédération française de rugby avec son projet de « grand stade » de 82 000 places à Ris-Orangis.

Tous ces projets posent la question de leur financement et, plus généralement, invitent à s'interroger sur l'avenir du modèle économique du sport professionnel. En effet, si traditionnellement la propriété publique - en particulier communale - des stades et des salles couvertes est, en France, largement répandue, l'émergence d'une véritable industrie du sport professionnel disposant de moyens financiers souvent considérables interroge la légitimité de l'implication financière des collectivités territoriales à un moment où s'exerce sur elles une contrainte budgétaire sans pareil .

Nombreux sont les rapports à avoir mis en évidence le sous-équipement du territoire national en enceintes sportives adaptées aux nouveaux standards européens mais plus rares sont ceux qui se sont posés la question de l'évolution même du modèle économique du sport professionnel et des conséquences pour les collectivités territoriales. Parmi ces derniers, une mention particulière doit être faite au travail mené par nos collègues Jean-Marc Todeschini et Dominique Bailly au nom de la commission des finances et de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication 1 ( * ) .

En ciblant leur attention sur le financement public des grandes infrastructures sportives, nos collègues ont mis en évidence les difficultés des collectivités territoriales à accompagner correctement le développement du sport professionnel sans faire peser un risque substantiel sur les finances publiques locales. À cet égard, votre mission ne peut que souscrire aux principales conclusions de ce rapport selon lesquelles « il n'existe pas de "modèle idéal" mais une "bonne approche " que résume bien le mot de responsabilité » 2 ( * ) . Selon ce principe, nos collègues mettaient en garde les collectivités territoriales sur les risques occasionnés par les équipements surdimensionnés, invitaient les clubs à sortir du modèle « paternaliste » à l'égard des collectivités et préconisaient à l'État de limiter ses financements à ce qui relève de son champ de compétence.

En s'appuyant sur ces conclusions, votre mission a souhaité prolonger et élargir la réflexion avec pour objectif de mettre à plat l'ensemble des relations entretenues par les collectivités territoriales avec le sport professionnel en intégrant la question des subventions, des achats de prestations et des redevances 3 ( * ) . Concernant l'évolution du modèle économique du sport professionnel, elle a également pris acte du fait que les fédérations - et en particulier la fédération française de football (FFF) - ont clairement fait le choix de championnats composés de « grands clubs » à l'image du PSG et de l'AS Monaco avec pour objectif d'augmenter significativement les droits TV 4 ( * ) . Ce choix doit maintenant être assumé par l'ensemble des acteurs, et notamment les clubs professionnels qui doivent s'émanciper des financements des collectivités territoriales comme c'est la règle dans la plupart des pays européens où il n'y a pas de subventions des collectivités territoriales et où les nouveaux stades sont la propriété des clubs.

Cette évolution ne se justifie pas seulement par la nécessité de préserver les finances des collectivités territoriales. Les auditions menées par votre mission comme les déplacements conduits sur le terrain en France, en Allemagne et en Grande-Bretagne ont mis en évidence l'émergence d'un nouveau modèle économique du sport professionnel fondé sur des investissements importants dans les enceintes sportives rentabilisés grâce à un ensemble de compétences comme la valorisation de la marque du club, la commercialisation du nom du stade (nommage), le développement de services de restauration et de produits dérivés, la « gestion fine » 5 ( * ) des billetteries et des loges sur le mode des compagnies aériennes, la négociation des droits TV, etc.

L'émergence d'une nouvelle façon de promouvoir le sport professionnel, proche du monde du spectacle et du voyage, n'a que peu de rapports avec les missions de service public, ce qui amène à réexaminer la pertinence de l'intervention des collectivités territoriales dans ce domaine.

C'est ainsi que les propositions faites par votre mission visent à desserrer progressivement les liens de dépendance réciproque entre les clubs professionnels et les collectivités territoriales mais aussi à établir les conditions d'une régulation d'un secteur qui connaît aujourd'hui un déséquilibre au bénéfice des clubs et des ligues professionnelles et, trop souvent, au détriment des collectivités territoriales .

En fixant la fin des financements publics locaux pour le sport professionnel arrivé à maturité en 2020, votre mission a voulu mettre chacun en face de ses responsabilités afin de définir un objectif clair. D'ici là, elle propose de définir un processus progressif de suppression des subventions - en commençant par le football et le rugby de 1 re division dès 2016 - mais aussi en permettant que les collectivités territoriales aident les clubs professionnels à devenir propriétaires de leurs stades, soit en leur cédant à des conditions préférentielles des infrastructures municipales, soit en les accompagnant dans le cadre d'un projet de construction d'une nouvelle enceinte.

La professionnalisation du sport étant encore très inégale selon les disciplines, il est apparu essentiel à votre mission de prévoir un dispositif graduel , l'essentiel étant d'inciter les clubs à privilégier les investissements sur les dépenses de fonctionnement - ce qu'illustre le choix de concentrer les aides des collectivités sur l'acquisition des enceintes sportives par les clubs - et en les invitant à accroître fortement leurs engagements dans le domaine des actions sociales et éducatives.

Cette clarification apparaît indispensable pour préserver les finances locales. Elle représente également une condition du recentrage des collectivités territoriales sur le développement du sport amateur, qui constitue une de leurs missions essentielles.


* 1 Grands stades et arénas : pour un financement public les yeux ouverts , rapport d'information n° 86 (2013-2014).

* 2 Grands stades et arénas : pour un financement public les yeux ouverts , rapport d'information n° 86 (2013-2014).

* 3 La mission a concentré ses travaux sur les grandes disciplines collectives et sur le tennis mais n'a pu, faute de temps, examiner la question des grandes disciplines individuelles telles le judo, l'athlétisme, le cyclisme, la natation...

* 4 La ligue de football professionnel (LFP) a lancé le 6 mars 2014 par anticipation un appel d'offres pour les droits de diffusion des championnats de Ligue 1 et de Ligue 2 sur la période 2016-2020 qui a abouti à une hausse de 23 % des droits TV à 748,5 millions d'euros qui place le championnat de France à la hauteur de la Liga espagnole. Par ailleurs, la ligue nationale de rugby (LNR) a attribué le 14 janvier 2014 à Canal+ les droits pour les saisons allant de 2014 à 2018 pour 355 millions d'euros soit 71 millions d'euros/an.

* 5 La gestion fine ou yield management consiste à adapter les prix des billets à chaque segment de clientèle et à la demande pour maximiser la recette.

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