III. LES GAZ ET PÉTROLES DE SCHISTE
A. LES GAZ ET PÉTROLES DE SCHISTE AU QUÉBEC
Le Québec a connu, à peu près au même moment qu'en France, un large débat public sur l'exploitation des gaz et pétroles de schiste. La province dispose en effet d'un gisement conséquent de gaz de schiste : le gisement d'Utica.
CARTE DES FORMATIONS DE GAZ DE SCHISTE EN AMÉRIQUE DU NORD
Source : Office national de l'énergie du Canada
Sa spécificité est qu'il se situe sous des zones fortement urbanisées, le long du fleuve Saint-Laurent. La problématique de l'exploitation de cette ressource est donc comparable à celle que l'on connaît en France, où les gisements semblent se trouver dans des zones fortement peuplées, en Île-de-France notamment. C'est très différent de la situation d'autres provinces canadiennes, en particulier la Colombie britannique, autour de Vancouver, où la densité de population est extrêmement faible et où l'exploitation soulève donc moins de problèmes d'acceptabilité sociétale.
Afin de comprendre les enjeux du débat sur les gaz de schiste au Québec, votre délégation a rencontré l'ensemble des parties prenantes : gouvernement provincial, agence publique en charge de l'étude d'impact environnemental, consortium d'entreprises pétrolières et gazières, organisations environnementalistes. Ces rencontres ont permis de retracer la chronologie des décisions et de cerner les positions en présence.
B. UN DÉBAT PUBLIC MOUVEMENTÉ SUR LES GAZ DE SCHISTE QUI A CONDUIT À UN MORATOIRE DE FAIT
Au Québec, le droit minier est similaire au droit français en ce que les ressources souterraines comme le pétrole et le gaz appartiennent à la province, et non aux propriétaires privés du terrain. Le ministère des ressources naturelles distribue les permis et encadre l'exploitation du sous-sol.
À partir de 2009, des permis d'exploitation des gaz de schiste ont été accordés à de grandes entreprises gazières. Les habitants des rives et de la plaine du Saint-Laurent ont vu s'installer, du jour au lendemain, parfois à deux pas de chez eux, des têtes de puits de forage, sans aucune information ou consultation préalable. Des associations environnementales et de riverains se sont progressivement constituées. Face à l'ampleur de la mobilisation, le gouvernement a alors confié au Bureau d'audience publique sur l'environnement la mission d'évaluer l'impact environnemental des gaz de schiste. Le bureau a mené une longue campagne de débats publics dans toutes les villes concernées.
Le bureau a indiqué manquer d'éléments scientifiques au début de son étude. Des expertises nouvelles ont été commandées. Les ONG ont également produit leurs contre-expertises. Un certain nombre de dangers ont pu être identifiés, au premier rang desquels la contamination de l'eau potable. Sur 28 premiers puits forés au Québec, 17 puits comportaient des fuites. Ces éléments n'ont évidemment pas contribué à l'acceptabilité sociale de ces projets.
Le débat a pris fin du fait de deux évolutions : d'une part, le gouvernement a adopté un moratoire sur la fracturation hydraulique , d'autre part, les prix du gaz ont fortement chuté. Les années 2009-2010 correspondent en effet au boom gazier aux États-Unis. La chute des prix a fait baisser l'intérêt des compagnies gazières. Il faudrait que le prix du gaz dépasse 6 dollars pour que le gaz québécois devienne compétitif.
Les entreprises gazières rencontrées sur place mettent en avant l'évolution des techniques et la nécessité d'une exploration scientifique. Ils soutiennent en particulier l'idée d'un projet pilote, surveillé de sa conception à son exploitation par les autorités et par des experts indépendants, afin d'apaiser le débat public. Les industriels ont également indiqué que sur l'ensemble du gisement d'Utica, toutes les zones ne seront pas intéressantes pour une exploitation du gaz de schiste à terme.