ANNEXE 1 : EXAMEN DU RAPPORT PAR LA DÉLÉGATION
Le 15 avril 2014, la délégation procède à l'examen du rapport de M. Jean-Pierre Vial
M. Jean-Pierre Vial, rapporteur. - Mon rapport porte sur la mise en oeuvre du volet relatif à l'accessibilité de la loi du 11 février 2005 sur les personnes handicapées. Après en avoir discuté avec des collègues de la commission des Lois, dont vous-même, Madame la présidente, ainsi qu'Alain Richard, il est apparu important d'engager une réflexion qui ne soit pas partisane afin de répondre aux préoccupations des collectivités à ce sujet. Telle est l'origine du rapport que je vous présente aujourd'hui. J'ajoute que sa préparation est intervenue alors que notre collègue Claire-Lise Campion travaillait sur le même sujet, dans le cadre d'une mission gouvernementale ayant donné lieu, tout d'abord, à la publication d'un rapport en mars 2013, puis à une vaste consultation de l'ensemble des intéressés, pour déboucher très prochainement sur la discussion au Sénat d'une proposition de loi d'habilitation à légiférer par voie d'ordonnance. La commission des Affaires sociales va débattre demain de cette proposition de loi.
Ce n'est pas la première fois que le Sénat se penche sur la question des normes, puisqu'un certain nombre de rapports lui ont déjà été consacrés par notre Assemblée, en particulier par notre délégation. L'accessibilité est l'un des aspects de cette problématique cruciale pour les collectivités territoriales. Qu'en est-il ? La loi du 11 février 2005 fait suite à une loi de 1975 qui n'a jamais été véritablement appliquée, d'où sans doute le caractère très ambitieux du dispositif normatif qu'elle a mis en place, qui combine des énoncés d'objectifs extrêmement contraignants et un système lourd de sanctions administratives et pénales.
Où en est-on aujourd'hui de l'application de cette loi ? Il était prévu que la mise en accessibilité des établissements recevant du public, des locaux d'habitation, des transports publics et de la voirie serait, pour l'essentiel, achevée au début de 2015 en ce qui concerne l'existant. Il n'en sera rien. C'est pourquoi, compte tenu du contexte économique et financier dans lequel nous nous trouvons, le Gouvernement a lancé un chantier de réexamen du dispositif institué en 2005, spécialement les échéances fixées pour sa mise en oeuvre et le dispositif réglementaire institué pour son application. Sur cette question des échéances, je voudrais souligner que nous sommes, bien entendu, très en retard mais que, pour autant, la différence de situation entre la France et d'autres pays européens, qui ont engagé plus tôt que nous le processus de mise en accessibilité de l'espace public, n'est pas si extraordinaire qu'on l'entend souvent dire. Nous sommes partis plus tard, en outre nous avons entendu progresser à marche forcée : une étude du CEREMA consacrée à cinq pays européens montre que notre pays privilégie la rigidité normative et l'édiction d'obligations de moyens par rapport à des pays tels que le Royaume-Uni, qui préfèrent fixer des objectifs et n'en sont pas moins très en avance sur nous. Comme le constatait un rapport de trois inspections générales publié à la fin de 2012, aucun pays n'a pu franchir dans l'accessibilité des étapes aussi radicales que celles que nous avons inscrites dans la loi de 2005, dans une période aussi courte.
La loi de 2005 repose sur le principe de l'accessibilité universelle. C'est en fonction de ce principe qu'un certain nombre d'associations défendent avec une certaine radicalité la mise en oeuvre intégrale de cette loi.
Je voudrais souligner à ce propos que la formulation extrêmement exigeante retenue à cet égard par la loi de 2005 va au-delà de ce que prévoient un certain nombre de textes internationaux et européens. Je pense en particulier à l'article 2 de la convention relative aux droits des handicapés élaboré par l'ONU en 2006, et à l'article 5 de la directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail relative à la prévention des discriminations dans le travail.
Par ailleurs, le principe d'accessibilité universelle, tel que libellé dans la loi de 2005, tel qu'interprété par les textes d'application, est sanctionné par une gamme de sanctions administratives et pénales très sévères, que le projet de loi d'habilitation en cours de discussion propose de renforcer notablement. Je crois de mon côté qu'en ce qui concerne les sanctions, comme pour d'autres éléments de la loi, il faut se rapprocher le plus possible du droit commun.
Nous connaissons tous les procédures administratives qui encadrent la mise en oeuvre de la loi de 2005 : schémas directeurs d'accessibilité des services de transport public et plans de mise en accessibilité de la voirie et des espaces publics, en particulier, ainsi que les commissions communales pour l'accessibilité aux personnes handicapées et les commissions consultatives départementales de sécurité et d'accessibilité. Ces dernières constituent le centre de gravité de la mise en oeuvre de la loi. Elles sont suffisamment près du terrain pour examiner de façon pertinente les demandes de dérogation présentées par les maîtres d'oeuvre et gestionnaires, tout en présentant des garanties de technicité qui ne seraient pas nécessairement acquises au niveau communal.
J'ai mentionné l'important retard de la mise en oeuvre des dispositions de la loi de 2005. Il faut envisager cette situation au regard de la situation économique de notre pays, en particulier celles des collectivités territoriales, à un moment où l'État a décidé de les mettre à contribution à hauteur de 10 milliards d'euros. Il est intéressant de comparer ce chiffre au coût estimé de la mise en accessibilité des établissements recevant du public : 20 milliards d'euros pour le secteur public, dont 18 % pour l'État, 65 % pour les communes et les intercommunalités, 14 % pour les conseils généraux et 3 % pour les régions. Pour les transports collectifs, ce sont 15 milliards d'euros qui seraient nécessaires pour la mise en accessibilité des arrêts départementaux.
Au vu de ces masses financières, il n'est pas étonnant que, selon des estimations publiées en mars 2013, seuls 63 % des établissements recevant du public intercommunaux de première catégorie et 56 % des établissements communaux aient fait l'objet d'un diagnostic à cette date. De son côté, l'ARF note, au vu des réponses de 32 départements à une enquête réalisée en novembre 2013, que 87 % des répondants avaient réalisé les diagnostics d'accessibilité de leurs bâtiments et que 47 % seulement avaient adopté un programme de travaux.
Pour ce qui est du secteur privé, il est extrêmement difficile d'obtenir des chiffres, soit des commissions départementales, soit des chambres de commerce et d'industrie (CCI), qui disposent d'un logiciel facilitant l'instruction des dossiers des établissements privés. Ce logiciel tend à faciliter la mise en oeuvre de la dérogation relative à la disproportion économique de l'investissement nécessaire à la mise en accessibilité prévue par la loi. J'insiste sur le fait que les services de l'État dans le département ne disposent pas des moyens de concevoir ces outils nécessaires.
La CCI de mon département a calculé qu'il faudrait à la commission départementale six ans pour terminer l'instruction du stock de dossiers existants susceptibles d'être soumis à celle-ci au titre de ses compétences en matière d'accessibilité.
J'ai travaillé avec la volonté de présenter des propositions à la fois fidèles à l'objectif d'accessibilité et de nature à faciliter sa mise en oeuvre efficace. C'est en effet dans l'équilibre que réside la vérité, c'est-à-dire l'efficacité. Je me suis situé au regard des propositions très riches élaborées par Mme Campion en concertation avec l'ensemble des intéressés.
Dans cette perspective, je propose, en ce qui concerne les procédures, d'approuver la création des agendas d'accessibilité programmée, tout en remarquant que le délai du 31 décembre 2014 fixé pour le dépôt des dossiers d'agenda ou pour l'engagement d'entrer dans un agenda est court, sans doute insuffisant dans de nombreux cas, au vu des goulots d'étranglement administratifs que je viens d'évoquer. Avant le dépôt d'un agenda, l'élaboration d'un diagnostic est nécessaire, or il est vraisemblable que les maîtres d'ouvrage et gestionnaires d'ERP se préoccuperont de cette nécessité à partir 1 er janvier 2015, date symbolique de lancement des Ad'AP, et se heurteront alors à l'insuffisance de la ressource nécessaire en professionnels compétents. Je souhaite donc que l'on intègre les diagnostics dans le calendrier prévu pour le lancement des agendas. Il s'agit de permettre aux préfets de prolonger les délais en fonction de la situation dans le département.
Pour répondre aux préoccupations de l'ADF, et compte tenu des budgets et de la technicité à mettre en oeuvre, je propose de permettre au préfet, sur avis de la commission départementale, d'allonger de moitié le délai de mise en accessibilité des transports collectifs.
Par ailleurs, dans la perspective de la simplification du droit, je propose que le maître d'oeuvre soit chargé d'attester la conformité des travaux aux règles d'accessibilité, conformément au droit commun du permis de construire.
Je propose aussi que la commission départementale donne un avis simple sur les demandes de dérogation, et que le silence gardé par l'administration sur une demande de dérogation ait valeur de décision implicite d'acceptation, conformément au droit commun des actes administratifs, sauf à ce que le préfet institue un délai supplémentaire de trois mois pour les besoins de l'instruction du dossier.
J'estime, par ailleurs, inopportun de mettre en place une sorte d'instance nationale de recours contre les décisions des commissions départementales. Là encore, il s'agit de simplifier les choses. En outre, dans la mesure où les décisions relèvent in fine des préfets, c'est à ceux-ci qu'il appartiendra d'homogénéiser les pratiques en tant que de besoin, sous le contrôle du juge administratif.
Voilà pour les procédures. En ce qui concerne le contenu, j'estime qu'il faut ouvrir la dérogation pour disproportion manifeste aux collectivités territoriales.
Je crois, par ailleurs, qu'il faut étendre aux ERP de 1 e à 4 e catégories la possibilité de satisfaire aux obligations d'accessibilité sur le fondement de la notion d'accès à la prestation.
Je rappelle le nombre de faillites particulièrement préoccupant des hôteliers et restaurateurs. Il ne faut pas leur porter un coup fatal avec des mesures qu'ils ne seraient pas en mesure de supporter.
Je propose à cet égard de mettre en oeuvre une expérimentation aux fins de permettre aux professionnels de se regrouper pour organiser sur un territoire donné l'accessibilité sur une base mutualisée. Je me suis rapproché de l'AFNOR pour voir si elle est en mesure d'apporter une contribution à ce schéma, ce qui m'a été confirmé. Les professionnels aussi m'ont confirmé l'intérêt de cette expérimentation, qui aurait la vertu d'offrir des solutions à certaines situations difficiles, les services concernés étant largement ouverts à l'ensemble des handicaps sur le territoire considéré.
Mme Jacqueline Gourault, présidente. - Merci beaucoup, Monsieur Vial, de votre exposé : on voit bien votre préoccupation de respecter les économies de la loi de 2005 tout en recherchant en même temps des solutions concrètes. Notre collègue Claire-Lise Campion a accompli sur ce sujet un travail considérable, elle a réussi un dialogue constructif avec les associations, ce qui n'était pas gagné au départ.
M. Antoine Lefèvre. - Les thèmes que vous venez d'aborder avec une grande clarté constituent une problématique récurrente pour les élus locaux depuis de nombreuses années. La constatation a été faite qu'il était, par exemple, impossible de rendre accessibles certaines mairies. Il convient donc de travailler sur des solutions concrètes, comme celles que vous avez évoquées : accueil en rez-de-chaussée ou déménagement des locaux de la mairie.
Les secteurs de l'hôtellerie et de la restauration, qui sont d'une grande fragilité économique, particulièrement en milieu rural, doivent faire l'objet d'une attention toute particulière pour que l'application des normes d'accessibilité ne conduise pas à la fermeture de certains établissements. Il faut pour cela rester pragmatique, ce qui n'a pas toujours été le cas jusqu'à présent. Ainsi, à Laon, commune dont je suis maire, qui est une cité à la fois commerçante et médiévale, le bon sens n'a pas toujours prévalu : une commerçante a proposé d'installer une rampe amovible permettant d'accéder de la rue à son magasin. L'amovibilité n'a pas été acceptée, la commerçante a donc fermé son établissement, situé en centre-ville, pour s'installer dans une zone périphérique sur laquelle pesaient moins de contraintes. La préservation du tissu économique doit être prise en compte dans l'application des normes d'accessibilité.
M. André Reichardt. - Je salue le bon sens des propositions de notre collègue Jean-Pierre Vial, notamment la consolidation raisonnable des délais de mise en oeuvre, comme l'avis simple requis de la commission consultative départementale de sécurité et d'accessibilité (CCDSA), dont les positions sont parfois maximalistes. On ne doit pas ajouter des difficultés réglementaires aux difficultés financières de notre économie.
Vous recommandez de ne pas faire remonter au niveau national l'examen des dérogations accordées en matière d'accessibilité. J'en comprends les raisons, mais que faire pour éviter que les positions prises par les commissions départementales présidées par les préfets soient divergentes ? Ne conviendrait-il pas de trouver des modalités d'harmonisation des critères ?
M. Jean-Pierre Vial, rapporteur . - Ce sont les préfets qui disposeront du pouvoir de décision, dont le mode d'exercice peut être guidé par des circulaires ministérielles. Ceci garantit une unité de décision, qui sera confortée par la jurisprudence administrative s'il en est besoin.
Mme Jacqueline Gourault, présidente. - Je vous rappelle que la proposition de loi rédigée sur ce point par notre collègue Éric Doligé avait supprimé le recours à une commission nationale, dans un souci d'allégement des procédures.
M. André Reichardt. - Je crains cependant que les appréciations émises par l'autorité préfectorale ne soient différentes d'un département à l'autre.
M. Jean-Pierre Vial, rapporteur . - À l'heure actuelle, les pratiques sont en effet différentes d'un département à l'autre, mais nous pouvons faire confiance aux associations représentatives des personnes handicapées pour faire pression en faveur de leur uniformisation.
M. François Grosdidier. - Les assouplissements proposés par notre collègue Vial ne sont en aucun cas des reculs, mais des solutions efficaces pour entreprendre des actions concrètes. En effet, les exigences maximalistes de la loi de 2005 conduisaient à un blocage complet, en vertu de l'adage « à l'impossible, nul n'est tenu ». Ces propositions nous rapprochent des objectifs de la loi en atténuant le caractère excessif de certaines mesures - qui ne sont pas même souhaitées par les personnes en situation de handicap. La bonne volonté et l'intelligence des situations concrètes doivent prévaloir, y compris parmi les fonctionnaires d'État chargés de l'application de la loi.
La priorité me semble maintenant être la pédagogie auprès des élus, dont nombre considèrent que les objectifs de la loi de 2005 sont irréalistes, le mieux étant l'ennemi du bien.
Mme Jacqueline Gourault, présidente. - Je vous remercie. Je donne la parole à notre collègue Georges Labazée.
M. Georges Labazée. - Je tiens à saluer la qualité de l'exposé de notre collègue Jean-Pierre Vial. Je souhaiterais que le rapport mentionne le problème de l'organisation des transports, notamment scolaires. Tous les responsables d'entreprises de transport scolaire doivent avoir mis aux normes leurs véhicules d'ici à 2015. Dans mon département, le transport scolaire représente un enjeu de 30 millions d'euros. Lors du renouvellement des marchés publics de transport, sur une soixantaine de circuits de transport scolaire, 27 transporteurs ont accepté de mettre aux normes leurs véhicules et de conclure un contrat pour huit ans, tandis que 39 ont refusé, ce qui a nécessité la passation de marchés pour deux ans. Pour ces derniers cas, nous avons eu recours, par la suite, à des marchés d'une durée de six ans, afin d'assurer la continuité du service de transport scolaire. Cette situation conduit à un nombre important de contrats, certains transporteurs jouant le jeu et d'autres pas. En matière d'organisation collective des transports - qui relève de la compétence des départements -, l'année 2015 représente une échéance cruciale dans l'ensemble du département, voire dans tous les départements.
Mme Jacqueline Gourault, présidente. - Monsieur Vial, souhaitez-vous donner votre éclairage sur ce sujet ?
M. Jean-Pierre Vial, rapporteur. - Je ne peux que partager votre constat, qui est corroboré par les acteurs de terrain.
Mme Marie-Thérèse Bruguière. - Je vous remercie, Madame la Présidente. Tout comme mes collègues, je tiens à féliciter Jean-Pierre Vial pour le travail accompli.
Dans notre communauté d'agglomération, un expert a été recruté afin d'évaluer les besoins des communes en termes d'accessibilité. Cet expert a réalisé un bilan exhaustif de toutes les adaptations rendues nécessaires par la règlementation. Il a ainsi recommandé des travaux - s'élevant à 315 000 euros pour ma seule commune -, que nous avons réalisés. Par exemple, il a fallu supprimer le tambour de l'église.
Or, l'hiver, lorsque la porte centrale de l'église est ouverte, il fait si froid que nous avons dû installer un chauffage ! Sur un tout autre sujet, les trottoirs qui sont étroits et où sont parfois installés des panneaux de signalisation, sont peu accessibles aux fauteuils roulants et aux poussettes. Nous nous attelons à les élargir, mais nous n'aurons pas terminé les travaux au 1 er janvier 2015. Nous ne serons pas les seuls dans ce cas, mais notre situation financière nous permettra de nous conformer rapidement à nos obligations. Je signale également la situation d'une personne handicapée mentale qui n'a pas pu bénéficier du transport assuré par le groupement pour l'insertion des handicapés physiques (GIHP), car le conducteur du véhicule avait peur pour sa sécurité. Nous ne parvenons pas à faire prendre en charge, par un organisme spécialisé, le transport de cette personne. Aussi doit-elle fréquemment recourir aux services d'un chauffeur de taxi et d'un accompagnant.
M. Jean-Pierre Vial, rapporteur. - Je vais revenir sur un certain nombre de points évoqués. Tout d'abord, j'ai été étonné de constater l'importance des travaux déjà réalisés par les acteurs privés et les collectivités territoriales.
L'exemple de l'église évoqué par Mme Bruguière est certes anecdotique, mais en même temps révélateur de l'interprétation trop stricte des textes qui est faite par certains. Par exemple, on ne devrait pas invoquer le principe d'accessibilité universelle pour empêcher d'utiliser une porte latérale de l'église comme moyen d'accès pour les personnes à mobilité réduite, au seul motif qu'il ne s'agit pas de l'entrée principale. Or, dans certains endroits, des travaux ont été exigés pour faire en sorte que le perron central soit accessible à tous. La remontée d'informations est indispensable pour montrer à certains de nos interlocuteurs que, dans certains territoires, l'accessibilité des bâtiments ne se traduit pas par l'idée que tous puissent entrer par la même porte, mais par le fait de permettre à chacun d'entrer dans le bâtiment. La pratique nécessite une harmonisation pour sortir d'un radicalisme qui s'est instauré dans certains secteurs.
Mme Jacqueline Gourault, présidente. - En ce qui concerne la mise en place d'une expérimentation de la mutualisation des obligations, je souhaiterais attirer votre attention sur un point, suite à une expérience personnelle vécue dans le domaine de l'hôtellerie. Après une opération, j'ai eu des difficultés à me déplacer et j'ai donc cherché, à proximité du Sénat, un hôtel accessible. Tout d'abord, j'ai été frappée par le faible nombre d'hôtels accessibles dans le quartier. Ensuite, tous les établissements que j'ai contactés m'ont renvoyée vers un hôtel, qui certes est accessible pour les personnes à mobilité réduite, mais l'est beaucoup moins en ce qui concerne les tarifs... Ainsi, dans le cadre de l'expérimentation, il faudra s'assurer que l'aspect économique ne soit pas négligé et que l'hôtel accessible ne soit pas plus cher que les autres.
M. Jean-Pierre Vial, rapporteur. - Avec votre accord, je vais présenter mes propositions, mais de manière rapide car elles ont été évoquées dans le débat que nous venons d'avoir.
Le premier point concerne le calendrier. Comme je vous l'ai indiqué, il s'agit de proposer des possibilités d'allongement du calendrier décidées par le préfet sous le contrôle de la commission départementale. Le but est d'avoir un calendrier raisonnable. J'ose espérer que ces assouplissements seront suffisants, même si, en étudiant les chiffres, on se rend compte que la situation sera difficile dans certains départements.
En ce qui concerne les délais de mise en oeuvre, il est proposé de partir des délais existants et de donner la possibilité au préfet d'autoriser une prolongation du délai de 50% par rapport au délai initial. Cette proposition répond aux craintes exprimées par les associations d'élus.
La troisième proposition vise à supprimer l'avis conforme des CCDSA sur les demandes de dérogation. On reviendrait à un avis simple.
La quatrième proposition donne valeur d'acceptation au silence gardé trois mois sur une demande de dérogation. Il s'agit d'appliquer le droit commun des actes administratifs. Toutefois, la possibilité serait donné au préfet de s'octroyer un délai supplémentaire compte tenu des possibles retards de traitement des dossiers que l'on peut rencontrer dans les départements.
La proposition suivante précise la situation du pétitionnaire en cas de rejet de son projet d'agenda d'accessibilité programmée. Si un dossier est refusé et si le pétitionnaire ne souhaite ou ne peut pas en proposer un autre, et donc doit fermer son établissement, il faut qu'il ait le temps de le faire sans être confronté à la menace de se retrouver du jour au lendemain devant le juge. Il est donc proposé de mettre en place des délais de suspension des sanctions pendant le délai de recours gracieux et contentieux. Le pétitionnaire sera protégé pendant cette période. Cette procédure existe déjà dans d'autres domaines.
Nous proposons ensuite de préserver l'autonomie du niveau décisionnel local. Il s'agit, comme je l'ai indiqué tout à l'heure, de renoncer à attribuer à une institution ad hoc la mission de construire au niveau national une doctrine de mise en oeuvre des dérogations.
La proposition suivante vise à simplifier les modalités de délivrance de l'attestation de conformité aux règles d'accessibilité. Là encore, il s'agit d'appliquer le droit commun de la construction : l'architecte qui doit attester la conformité de sa construction devrait désormais aussi le faire pour les travaux liés à l'accessibilité.
La huitième proposition institue le principe d'accès à la prestation. Il s'agirait d'étendre à l'ensemble des établissements recevant du public (ERP) la conception de l'accessibilité que la loi a d'ores et déjà adoptée pour les ERP de 5 e catégorie.
La proposition suivante vise à permettre d'expérimenter la mutualisation des obligations et le recours au droit souple.
Je propose également une extension du champ d'application de la dérogation pour disproportion manifeste. En effet, ce critère est conçu pour les acteurs privés. Il faut que les acteurs publics puissent aussi en bénéficier.
En outre, il est proposé d'appliquer aux ERP neufs les assouplissements prévus en matière de largeur minimale des allées pour les ERP existants. Cette mesure concerne les cafés ouverts en terrasse, par exemple. Les professionnels nous le disent : la mise en oeuvre des largeurs imposées entraînerait la fermeture d'un grand nombre d'établissements.
Par ailleurs, les dossiers pour les ERP de 5 e catégorie doivent être simplifiés.
Il est également proposé de supprimer les sanctions administratives accompagnant la mise en oeuvre de l'agenda d'adaptabilité programmée, dans la mesure où les sanctions pénales, applicables en fin de parcours, sont déjà très lourdes.
Enfin, la dernière proposition vise à instituer une clause de revoyure afin de se donner la possibilité de refaire le point dans trois ans.
Mme Jacqueline Gourault, présidente. - Monsieur Vial, je vous remercie pour cet excellent travail, qui s'intègre bien dans les discussions du moment et s'articule parfaitement avec le prochain débat en séance.
Je consulte maintenant la délégation sur l'adoption du rapport.
Le rapport et ses propositions sont adoptés.