2. Une altération certaine du rituel républicain

Le droit électoral impose diverses mesures destinées à protéger l'expression du suffrage. L'ensemble se concrétise dans des procédures qui instituent un rituel du vote : collation des bulletins et de l'enveloppe à l'entrée dans le bureau, passage par l'isoloir, introduction de l'enveloppe dans l'urne et prononcé par le président du bureau de vote de la formule consacrée : « a voté ».

Ce formalisme confère à l'exercice du devoir électoral une solennité qui traduit la gravité de l'acte : désigner ceux auxquels le peuple confie la souveraineté pour gouverner. Ce cérémonial disparaît lors du vote par machine qui, comme le relevait le professeur Jean Gicquel, banalise l'opération électorale, voire, selon M. Gilles Toulemonde, désacralise le vote.

Il est vrai que la manipulation d'un appareil électronique simplifie la démarche républicaine de l'électeur et inscrit les rendez-vous démocratiques au rang des diverses facilités, aujourd'hui, offertes par la technique, comme c'est le cas pour l'achat de titres de transport.

Si la démocratie élective impose que les citoyens se prononcent en pleine conscience, sa vigueur dépend aussi de leur civisme et de leur adhésion.

Le code électoral les associe aux opérations de dépouillement du vote à l'urne :

- d'une part, les scrutateurs chargés du dépouillement à la clôture du scrutin peuvent être désignés parmi les électeurs présents dans le bureau qui se divisent par table de quatre au moins ;

- d'autre part, l'ouverture des enveloppes et la comptabilisation des suffrages s'effectuent en présence et sous le regard des électeurs.

En outre, ces opérations obéissent à des instructions très précises de nature à conforter la confiance des électeurs dans leur transparence : « À chaque table, l'un des scrutateurs extrait le bulletin de chaque enveloppe et le passe déplié à un autre scrutateur ; celui-ci le lit à haute voix ; les noms portés sur les bulletins sont relevés par deux scrutateurs au moins sur des listes préparées à cet effet » (article L. 65 du code électoral).

La décision de dépouiller à huis clos 24 ( * ) ou d'installer des entraves physiques (barrières amovibles, tables, etc.) pour gêner la surveillance lors du dépouillement 25 ( * ) sont ainsi illégales si elle n'est pas justifiée par des nécessités d'ordre public, entraînant, le cas échéant, l'annulation des opérations électorales.

Quel contraste avec le dépouillement du vote par machine qui, certes se caractérise par sa rapidité, mais aussi par son instantanéité. Rappelons-le : « Le président, à la fin des opérations de vote, rend visibles les compteurs totalisant les suffrages obtenus par chaque liste ou chaque candidat ainsi que les votes blancs, de manière à en permettre la lecture par les membres du bureau, les délégués des candidats et les électeurs présents » (article L. 65 du code électoral).

Il est certainement difficile de mesurer les conséquences du choix du mode de vote sur le comportement des électeurs mais vos rapporteurs inclinent à penser qu'il influe nécessairement sur la perception, par les électeurs, de l'accomplissement de l'acte majeur de la citoyenneté.


* 24 Conseil d'État, arrêt du 7 décembre 1966, Élections municipales de Prunelli-di-Casaconni

* 25 Conseil d'État, arrêt du 6 février 2009, Élections municipales d'Etupes , n° 317504

Page mise à jour le

Partager cette page