N° 263
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2013-2014
Enregistré à la Présidence du Sénat le 7 janvier 2014 |
RAPPORT D'INFORMATION
FAIT
au nom de la commission des finances (1) sur la recevabilité financière des amendements et des propositions de loi au Sénat ,
Par M. Philippe MARINI,
Sénateur,
Président.
(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Marini , président ; M. François Marc , rapporteur général ; Mme Michèle André , première vice-présidente ; Mme Marie-France Beaufils, MM. Jean-Pierre Caffet, Yvon Collin, Jean-Claude Frécon, Mmes Fabienne Keller, Frédérique Espagnac, MM. Albéric de Montgolfier, Aymeri de Montesquiou, Roland du Luart , vice-présidents ; MM. Philippe Dallier, Jean Germain, Claude Haut, François Trucy , secrétaires ; MM. Philippe Adnot, Jean Arthuis, Claude Belot, Michel Berson, Éric Bocquet, Yannick Botrel, Joël Bourdin, Christian Bourquin, Jacques Chiron, Serge Dassault, Vincent Delahaye, Francis Delattre, Mme Marie-Hélène Des Esgaulx, MM. Éric Doligé, Philippe Dominati, Jean-Paul Emorine, André Ferrand, François Fortassin, Thierry Foucaud, Yann Gaillard, Charles Guené, Edmond Hervé, Pierre Jarlier, Roger Karoutchi, Yves Krattinger, Dominique de Legge, Gérard Miquel, Georges Patient, François Patriat, Jean-Vincent Placé, François Rebsamen, Jean-Marc Todeschini, Richard Yung . |
Mesdames, Messieurs,
Plus de six ans après la mise en application par le Sénat du contrôle systématique et a priori de la recevabilité financière des propositions de loi et amendements formulés par les sénateurs et cinq ans après le premier rapport d'information de Jean Arthuis sur ce sujet 1 ( * ) , il est désormais utile de faire à nouveau le point sur la jurisprudence sénatoriale en la matière.
En effet, la limitation du droit d'amendement qui résulte de l'application de l'article 40 de la Constitution et de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) suscite parfois des incompréhensions. Cela est peut-être encore plus vrai pour les sénateurs qui, élus avant 2007, ont connu la période où toutes leurs initiatives pouvaient être débattues en séance plénière, avant qu'une éventuelle invocation de l'exception d'irrecevabilité au titre de l'article 40 par le Gouvernement ou par un sénateur ne puisse aboutir à leur censure.
De fait, la règle posée par l'article 40 constitue une limite objective à l'initiative des lois qui appartient aux parlementaires, en vertu de l'article 39 de la Constitution, ainsi qu'au droit d'amendement de ces derniers, consacré à l'article 44 de la Constitution. Elle a même été conçue à cette fin, comme le montrent les travaux préparatoires à l'élaboration de la Constitution, dont ce rapport publie des extraits. Le Conseil constitutionnel a, dès 1978, affirmé le caractère « absolu » de cette limite, dont il a par ailleurs donné des éléments d'interprétation au travers de plusieurs décisions. C'est également le juge constitutionnel qui, dans sa décision sur la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, a imposé au Sénat de mettre en place une procédure de contrôle a priori des amendements et des propositions de loi, faute de quoi il se serait accordé le droit de « passer au crible » toute disposition d'origine sénatoriale.
Le président de la commission des finances, quand il fait office de « juge » de la recevabilité des initiatives parlementaires au regard de l'article 40 et de la LOLF, conformément aux dispositions de l'article 45 du Règlement du Sénat, se doit donc de respecter des contraintes strictes qui résultent directement de la volonté du constituant.
Dans ce contexte, ce rapport a comme ambition première de donner aux sénateurs des éléments d'explication sur le cadre dans lequel se situe l'action des différentes instances sénatoriales amenées à juger de la recevabilité des propositions de loi ou des amendements formulés par les parlementaires, ainsi que sur la jurisprudence dégagée, au fil du temps, par la commission des finances à qui incombe, au premier chef, cette responsabilité au sein de notre assemblée. Il s'attache, en particulier, à présenter de manière détaillée les réponses apportées à certaines questions ayant émergé au cours de ces dernières années. En effet, si la règle est intangible - l'article 40 n'ayant pas été modifié depuis le 4 octobre 1958 -, l'univers dans lequel s'inscrivent les finances publiques évolue, ce qui justifie parfois des changements de jurisprudence.
Cependant, ce rapport ne se veut pas un simple « catalogue » de décisions. Au contraire, il tente d'expliquer les raisonnements juridiques qui les ont sous-tendues et de faire apparaître la cohérence des analyses, dans lesquelles l'aléa n'a pas sa place.
Pour autant, même s'il dispose d'un socle
jurisprudentiel solide, le « juge » de la
recevabilité financière est un juge modeste, qui tient à
appeler l'attention de ses collègues sénateurs sur les conditions
particulières d'urgence dans lesquelles s'exerce son examen. Il peut
ainsi arriver, sur certains textes, que des décisions doivent être
prises sur plusieurs centaines d'amendements
- portant souvent sur des
sujets complexes - en moins d'une journée, alors même que la
commission des finances poursuit ses travaux ordinaires.
Bien que d'un genre encore relativement nouveau au Sénat, cet ouvrage s'inscrit également dans la continuité des rapports du même type rédigés, depuis Jean Charbonnel en 1971, par six présidents de la commission des finances de l'Assemblée nationale 2 ( * ) . Il fait ainsi apparaître la grande - et heureuse - convergence d'analyse entre les deux chambres, que ne sauraient masquer de légères différences d'interprétation sur des sujets non encore tranchés par le Conseil constitutionnel.
Néanmoins, les quelques divergences détectées ne sont pas tues, moins en raison de leur importance objective que parce que le « couperet » de l'irrecevabilité est souvent encore plus cruellement ressenti par les auteurs d'amendements quand une initiative similaire a été admise au sein de l'autre assemblée.
En définitive, il est à souhaiter que ce recueil, à la fois théorique et pratique, soit utile aux sénateurs et qu'il leur permette de mieux appréhender une jurisprudence qu'ont contribué à construire, depuis les débuts de la V e République, à l'Assemblée nationale comme au Sénat, des élus de tous bords politiques, dans le souci constant de faire vivre l'initiative parlementaire autant que le permet la Constitution.
ARBRE DE DÉCISION DU CONTRÔLE DE LA RECEVABILITÉ FINANCIÈRE DES AMENDEMENTS ET PROPOSITIONS DE LOI
* 1 Rapport d'information n° 401 (2007-2008) sur le bilan de l'application de l'article 40 de la Constitution depuis le 1 er juillet 2007 fait par Jean Arthuis au nom de la commission des finances du Sénat .
* 2 Outre Jean Charbonnel, Robert-André Vivien (1980), Christian Goux (1982 et 1983), Jacques Barrot (1994), Pierre Méhaignerie (2006) et Jérôme Cahuzac (2012) ont rédigé de tels rapports.