2. Le Brésil au-delà de l'espace lusophone
Si le Brésil présente de modestes performances en comparaison des deux autres puissances émergentes, il dispose d'une base solide dans la sphère lusophone. Près de la moitié de la population brésilienne a une origine africaine. Il faut entendre le président Lula devant l'Assemblée générale des Nations Unies, en septembre 2006 dire que « Nous nous sentons reliés au continent africain par des attaches historiques et culturelles. En tant que deuxième plus importante population noire du monde, nous nous sommes engagés à partager les défis et la destinée de l'Afrique », pour mesurer à quel point cette dimension ethnoculturelle est présente.
Le Brésil intensifie alors ses rapports avec les pays africains. Dix-sept nouvelles ambassades sont implantées sur le continent et accompagnent le quintuplement du commerce entre 2002 et 2012.
Le Président Lula a effectué dix voyages sur ce continent, visitant vingt-trois pays et certains d'entre eux plusieurs fois avec la concrétisation d'une coopération technique qui devient un instrument de projection externe. A l'occasion de ces voyages, le président n'a cessé de resserrer les liens naturels avec ces pays lusophones réunis, en 1996, sous le Président Cardoso, en une Communauté des pays de langue portugaise (CPLP). Cette politique a été poursuivie par Dilma Rousseff qui, pour la seule année 2012, a effectué deux voyages en Afrique pour le sommet Afrique-Amérique du Sud (ASA), pour le 5 e sommet des BRICS à Durban et pour le 5 e anniversaire de l'Union Africaine.
Un des objectifs du Brésil en Afrique est d'acquérir une assise qui lui permettrait de devenir un acteur clé d'un système international multipolaire ; réformer les Nations unies avec, comme l'Inde et l'Afrique du Sud, l'ambition d'obtenir un siège permanent au Conseil de Sécurité ; modifier le contenu et le fonctionnement des institutions financières internationales et de l'OMC. Aujourd'hui, la Présidente Dilma Roussef poursuit la même politique africaine que son prédécesseur.
La communauté lusophone, forte de plus de 250 millions d'habitants, est incontestablement l'un des leviers de la politique africaine du Brésil. Parti d'un espace linguistique et de son extension aux pays du proche voisinage, notamment l'Afrique du Sud, la volonté d'influence régionale s'étend bientôt à l'Afrique de l'Ouest et à l'Afrique centrale.
Les points d'application de cette stratégie sont d'abord sur les matières premières avec la présence de grands groupes multinationaux, très impliqués dans les explorations de pays africains ; c'est le cas de Vale, seconde entreprise mondiale pour l'extraction de minerais de fer et de cuivre, mais également de Petrobras, dans les hydrocarbures, qui réalise 24 % de sa production en Afrique avec des investissements très importants prévus en Angola (900 millions de dollars entre 2009-2012) et au Nigéria (environ 2 milliards de dollars sur la même période). Les activités brésiliennes en Afrique sont de plus en plus diversifiées. Elles se déploient dans la construction avec Odebrecht, mais aussi dans les produits agroalimentaires et les aéronefs avec Embraer, qui a percé sur le marché des avions de moins de 100 places.
Devenu une puissance non plus émergente mais émergée, le Brésil veut offrir de nouveaux débouchés à ses exportations. Le commerce bilatéral Brésil-Afrique, passé de 4 à 26 milliards de dollars entre 1999 et 2012, témoigne de son dynamisme.
La progression des IDE brésiliens en Afrique illustre cette présence économique croissante, même si le Brésil reste un acteur secondaire par rapport à l'Inde et à la Chine.