V. UN BESOIN DE SIMPLIFICATION

L'une des raisons des difficultés de dialogue pouvant exister entre les collectivités territoriales et le secteur ferroviaire réside dans la complexité de l'organisation de l'entreprise SNCF et dans la faiblesse des compétences de sa représentation régionale.

A. LA COMPLEXITÉ D'UNE ORGANISATION

Le Groupe SNCF s'est organisé en 5 branches indépendantes , pour des raisons d'organisation internes ou réglementaires :


• SNCF infra
: cette branche est chargée pour le compte de RFF de l'entretien des voies, de la gestion de la circulation des trains par son entité autonome et indépendante au sein du groupe : la direction de la circulation ferroviaire. Cette direction a été instaurée par la loi n°2009-1503, dite loi ORTF. La branche SNCF Infra emploie 55 000 personnes. Ce nombre est à mettre en parallèle avec les 15 000 personnes travaillant pour RFF. Le chiffre d'affaires de cette branche était, en 2012, de 5,5 milliards d'euros.


• SNCF Proximités :
branche chargée du transport public urbain, périurbain et régional. C'est cette branche qui est en relation au quotidien avec les régions , dans la gestion des TER, mais également avec les élus communaux et intercommunaux, notamment via sa filiale de transport public Keolis. Son chiffre d'affaires, en 2012, était de 12,8 milliards d'euros.


• SNCF Voyages
: elle regroupe l'ensemble des activités de transport de voyageurs sur longue distance ou par des lignes à grande vitesse. En 2012, elle a transporté 130 millions de personnes. Outre le TGV, sont également inclus dans cette branche les transports internationaux de voyageurs comme l'Eurostar ou le Thalys, mais également la billetterie, y compris le site internet de réservation de billets, ainsi que IDBUS, qui fait du transport routier de voyageurs sur longue distance. Son chiffre d'affaires pour 2012 s'élevait à 7,5 milliards d'euros.


• SNCF Géodis
: cette branche est chargée du transport de marchandises et de logistique. À l'heure actuelle, c'est la principale branche impactée par l'ouverture à la concurrence . En ordre de grandeur, SNCF Géodis détient 85 % du marché du fret ferroviaire en France, dont 15% sont exploités par des filiales de la SNCF (VFLI) et 70 % par Géodis. C'est également la branche la plus internationalisée, car elle opère dans 120 pays. Quatrième opérateur européen de transport et logistique de marchandises en Europe, son chiffre d'affaires s'élève en 2012 à 9,5 milliards d'euros.


• Gares & Connexions
: il s'agit de la dernière branche créée au sein du groupe SNCF. Elle est issue notamment des réflexions du rapport de notre collègue Fabienne Keller sur la gare contemporaine 27 ( * ) , notamment dans le cadre de l'ouverture à la concurrence du transport de voyageurs. Il était apparu nécessaire de séparer la gare du transporteur et, a minima , ne plus faire dépendre leur administration des directions en charge des TER, intercités ou TGV. C'est pourquoi, dans sa proposition n° 12, le rapport proposait de « demander à la SNCF qu'elle dissocie clairement les gares de son activité concurrentielle de transporteur. Les gares doivent être rattachées directement à la présidence de la SNCF ». L'article L. 2123-1 du Code des transports prévoit d'ailleurs qu' « à compter du 1 er janvier 2011, la gestion des gares, lorsqu'elle est effectuée par la Société nationale des chemins de fer français, fait l'objet d'une comptabilité séparée de celle de l'exploitation des services de transport. Aucune aide publique versée à l'une de ces activités ne peut être affectée à l'autre ». Gares & Connexions est chargée de l'aménagement et de la rénovation des gares de voyageurs. Son chiffre d'affaires est de 0,97 milliard d'euros en 2012.

Tableau récapitulatif de l'organisation du groupe SNCF

SNCF
Infra

SNCF
Proximités

SNCF
Voyages

SNCF
Géodis

Gares
& Connexions

Maintenance et travaux

Dont Sferis et Eurailscout

Projets et ingénierie

Systra

Circulation ferroviaire

Direction
de la circulation ferroviaire

TER

Transilien

Intercités

Kéolis (transport urbains et interurbains
de voyageurs)

Transport ferroviaire grande vitesse

- TGV

- IDTGV

- OUIGO

- Eurostar

- Thalys

- TGV Lyria

-DB/SNCF en coopération

- NTV

- Elipsos

-TGV Italie

Westbahn

Transport de voyageurs longue distance

IDBUS

Billetterie

Géodis

STVA

Transports ferroviaires de Marchandises

- Fret SNCF

-Captrain

-VFLI

-VIIA

- Entreprises
de transport combiné

Gestionnaires d'actifs

- Emewa

-Aldem

Gestion et développement des gares françaises

Activité pluridisciplinaire en aménagement et construction

- AREP

- Parvis

- A2C

Or, comme l'ont souligné de nombreux intervenants, cette organisation est source de complexité pour les acteurs locaux, car elle entraîne notamment l'absence de tout interlocuteur unique représentant la SNCF 28 ( * ) .

En outre, elle conduit, selon les représentants du personnel auditionnés, à l'absence, pour le personnel de base, d'une vision d'ensemble , et peut, selon eux, être contreproductive. En effet, certains personnels sont affectés à une branche et ne peuvent alors intervenir pour une autre branche. Concrètement, un conducteur de locomotive fret de la branche SNCF Géodis ne pourra pas remplacer son collègue conducteur de TER malade ou en retard, alors même qu'il possède l'habilitation pour conduire la machine. Or, cela entraîne une perte de compétence, dans la mesure où un conducteur n'ayant pas conduit un type de locomotive pendant 6 mois perd son habilitation.

Jean Germain : « de manière générale, l'on constate une multiplicité des structures. Une simplification est nécessaire du côté de la SNCF. »

Cette organisation par branches manque de transversalité et pour mieux saisir cette complexité il nous faut citer et ajouter RFF.

Une forte tendance existe pour mettre en place un gestionnaire d'infrastructure unifié lié avec l'État par un contrat de performance fixant des objectifs qualitatifs, quantitatifs et financiers pour la gestion du réseau.

Jean-Louis Bianco plaide pour cette nouvelle construction : » Il s'agit d'assurer l'efficacité du système ferroviaire en réunissant au sein de la même entité tous les services qui concourent à l'activité de gestion du réseau. Bien que RFF ait contribué à favoriser l'innovation dans le domaine de la gestion du réseau, le maintien du statu quo déboucherait sur une impasse. Malgré le professionnalisme, la qualité et l'investissement des personnels des deux entreprises, la séparation artificielle entre RFF et deux services de la SNCF (SNCF Infra, d'une part, et la Direction des circulations ferroviaires, d'autre part) a entraîné de l'opacité, de la bureaucratie, de la paperasse et surtout, à travers ces dysfonctionnements, un inacceptable gaspillage du travail humain. La qualité de l'accompagnement social du rapprochement des trois entités constitutives du GIU sera un facteur de mobilisation des personnels pour réussir la transition. La multiplication des autorités organisatrices et des entreprises ferroviaires impose que le gestionnaire du réseau ait la pleine responsabilité de ses fonctions et les assume en toute impartialité. Le GIU conservera la propriété du réseau ferré national, ainsi que la dette liée à ce réseau» 29 ( * ) .

Si, comme l'affirme l'auteur du rapport, la création du GIU doit permettre de faire plus de travaux, plus rapidement, à un coût plus réduit, avec un impact maitrisé et anticipé sur les circulations, qu'il s'agit d'un premier pas qui permettra d'amorcer le retour à l'équilibre économique du système ferroviaire, les collectivités territoriales ne peuvent qu'être favorables à une telle réforme.


* 27 Rapport au Premier ministre « La gare contemporaine », Fabienne Keller, mars 2009.

* 28 En outre, M. Delebarre souligne qu'aucun de ces différents ensembles n'a la même logique de fonctionnement : « soit ils s'inscrivent dans une logique concurrentielle, c'est-à-dire une logique de marché à travers la recherche de gains à plus ou moins court terme, soit ils tendent à être dans une logique de moyen ou long terme avec pour objectif l'aménagement du territoire. Ainsi, les régions doivent faire face à une série d'interlocuteurs dont la logique et la cohérence entre eux ne sont pas toujours assurées. »

* 29 Jean-Louis Bianco. Op. cité pages 4 et 5. Une économie de 500 millions d'euros est attendue (cf. Le Monde du 23 avril 2013). Les organisations syndicales semblent sceptiques.

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