AUDITION DE M. BERNARD CAZENEUVE, MINISTRE DÉLÉGUÉ AUPRÈS DU MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES, CHARGÉ DU BUDGET

(mercredi 19 juin 2013)

M. François Pillet, président . - Monsieur le Ministre, le déroulement d'une Commission d'enquête oblige à prêter serment. Je vais donc recevoir le vôtre. Dans la mesure où vos conseillers pourraient intervenir, je vais leur demander de prêter serment également. Je vous demanderai de nous donner votre nom et votre qualité après l'énoncé du serment.

Monsieur le Ministre Bernard Cazeneuve, prêtez-vous serment de dire toute la vérité, rien que la vérité ? Levez la main droite et dites « Je le jure ».

M. Bernard Cazeneuve, Ministre délégué auprès du ministre de l'Economie et des Finances, chargé du Budget . - Je le jure

M. François Pillet , président - Je vous en remercie. M. Bastien Llorca, Prêtez-vous serment de dire toute la vérité, rien que la vérité ? Veuillez lever la main droite et dire « Je le jure ».

M. Bastien LLlorca, Direction générale des Finances publiques, Sous-Directeur du contrôle fiscal . - Je le jure.

M. François Pillet , président. - Je vous en remercie.

M. Marc Emptaz . - Je le jure.

Je vais vous redire le serment, pour garantir le respect des formes. Monsieur, prêtez-vous serment de dire toute la vérité, rien que la vérité ? Levez la main droite et dites « Je le jure ».

Marc Emptaz, Direction générale des Finances publiques, Chef de la mission pilotage au service du contrôle fiscal . - Je le jure.

M. François Pillet, président . - Merci beaucoup. M. Frédéric Bredillot. Prêtez-vous serment de dire toute la vérité, rien que la vérité ? Levez la main droite et dites « Je le jure ».

M. Frédéric Bredillot, Conseiller spécial et chargé de la fiscalité au cabinet de Monsieur Bernard Cazeneuve . -Je le jure.

M. François Pillet, président . -Je vous en remercie.

Monsieur le Ministre, je vous propose de procéder, comme nous le faisons depuis le début de cette commission, à un exposé de 10 minutes de ce que vous souhaitez évoquer sur le thème de notre enquête. Je donnerai ensuite la parole à Eric Bocquet, notre Rapporteur, qui vous posera les questions qu'il souhaite. Par la suite, mes collègues animeront le débat qui s'achèvera par les questions du Rapporteur et éventuellement les précisions que vous jugeriez utile de rajouter.

M. Bernard Cazeneuve, Ministre délégué auprès du ministre de l'Economie et des Finances, chargé du Budget. -Monsieur le Président, Monsieur le Rapporteur, Mesdames et Messieurs les Sénateurs, je voudrais tout d'abord vous remercier pour votre hospitalité et votre invitation.

Je suis ici à quelques heures de l'ouverture du débat devant le Parlement sur la loi relative à la fraude fiscale et la grande délinquance financière. Je connais la qualité du travail de votre Commission, dont j'ai parfois lu les comptes rendus d'audition sur les sujets les plus sensibles. Le Rapporteur de votre Commission est depuis longtemps impliqué sur ces sujets. Il a formulé un grand nombre de propositions sur des questions liées à la lutte contre la fraude fiscale. Je me réjouis de pouvoir engager l'échange avec vous sur ces propositions et sur celles contenues dans le projet de loi.

Je vais aller à l'essentiel pour prendre le temps du débat et répondre ainsi à vos questions légitimes. Vous m'excuserez à l'avance de ne pas pouvoir répondre aux questions relevant non pas de ma compétence, mais de celle de l'administration de Bercy. Le cas échéant, je vous proposerai de répondre par écrit dans les heures qui viennent aux questions qui requièrent une expertise technique complémentaire

Quelques chiffres permettent de comprendre « l'équation » du sujet. Entre 2011 et 2012, nous avons émis pour 2 milliards supplémentaires de titres de recouvrement et de pénalités à destination de contribuables auteurs de fraude fiscale. Ces titres et pénalités sont passés de 16 à 18 milliards d'euros entre 2011 et 2012. Sur ce montant global, environ 6 milliards d'euros résultent d'actes de fraude fiscale très significatifs. C'est dire l'importance de l'enjeu, de l'équation qui se présente à nous, et l'intérêt que nous avons à nous doter de moyens d'investigation, de contrôle et de recouvrement adaptés. Dans un contexte particulièrement difficile pour les finances publiques, l'effort de redressement des comptes doit obliger ceux qui ont oublié depuis longtemps d'exercer leur devoir de citoyen et de contribuable à régulariser leur situation.

Nous avons déjà pris de nombreuses dispositions pour renforcer les dispositifs de lutte contre la fraude fiscale dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2012 et de la loi de finances initiale pour 2013.

D'abord, pour les particuliers qui ont déposé des avoirs à l'étranger et qui ne peuvent rétablir devant l'administration fiscale la traçabilité des fonds, un prélèvement à hauteur de 60 % des montants déposés pourrait intervenir.

Nous avons, de plus, pris des dispositions pour lutter contre les transferts de bénéfices de la part d'entreprises vers des pays fiscalement avantageux. Jusqu'à présent, quand les raisons du transfert suscitaient un doute, l'administration fiscale devait établir la preuve de ses interrogations. Aujourd'hui, c'est au contribuable d'indiquer les raisons de ce transfert lorsque l'administration s'interroge. En particulier, pour éviter une double optimisation fiscale avec les transferts de bénéfices et des déductions de charges en France, il a été décidé de modifier la fiscalité applicable aux intérêts d'emprunts contractés par des entreprises.

Nous sommes allés encore beaucoup plus loin dans le cadre de la loi bancaire, en obligeant les banques et leurs filiales à déclarer de façon très détaillée l'ensemble de leurs activités à l'étranger. Nous devons nous doter d'une meilleure expertise et d'une meilleure visibilité sur ces activités. Les banques qui constatent des mouvements de fonds suspects doivent communiquer à Tracfin toute information relative à ces mouvements.

Par ailleurs le dispositif existant sera renforcé avec la loi présentée à partir de demain au Parlement. Il s'agit d'abord de renforcer les moyens de l'administration fiscale et de la justice en réarticulant leurs rôles, afin de permettre plus grande efficience de la lutte contre la fraude. Quand des contribuables indélicats ont recouru à des sociétés écrans ou à des comptes à l'étranger, la police judiciaire d'enquête fiscale pourra mobiliser des dispositifs de garde à vue, d'infiltration et d'écoutes, dans le respect des règles. Jusqu'à présent, elle ne pouvait pas recourir à ces dispositifs. Nous avons en outre décidé d'inscrire dans la loi des dispositions qui permettront à l'administration fiscale, quand une liste lui a été communiquée de façon licite, de l'exploiter totalement même si son origine, elle, n'est pas licite. Jusqu'à présent, la Cour de Cassation refusait que les éléments communiqués à l'administration de façon licite puissent être exploités dès lors que cette origine n'était pas licite.

Le recouvrement des sommes dues sera plus facile dès lors que les contribuables fraudeurs ont été identifiés et que les pénalités commencent à leur être appliquées. Si une personne morale s'est livrée à des actions de blanchiment de fraude fiscale, elle pourra voir la totalité de ses biens saisis. Quand il s'agira de saisir les biens d'un auteur de fraude fiscale, ce dernier pourra se voir saisir jusqu'à son assurance-vie.

Ces quelques exemples montrent que le renforcement de l'arsenal juridique est considérable. Le dispositif sera plus répressif qu'actuellement, puisque les amendes pourront s'élever jusqu'à 2 millions d'euros, et les peines d'emprisonnement à 7 ans.

Une plus grande coordination est nécessaire sur les plans européen et international, faute de quoi le dispositif français sera inefficace. Nous avons donc décidé de mettre en place des conventions automatiques d'échanges d'informations. L'objectif est qu'elles garantissent à chaque Etat d'obtenir des autres Etats des informations très précises sur les avoirs détenus à l'étranger par des contribuables de son ressort territorial. Cette proposition a été actée durant le G8. Nous voulons la mettre en oeuvre au sein de l'Union européenne (UE), à la faveur de la renégociation des directives Epargne et de la directive Anti-blanchiment n°IV. Il s'agit de s'assurer que des conventions automatiques d'échanges d'informations harmonisées sont établies entre l'ensemble des Etats membres, et que l'UE puisse signer avec des pays tiers des conventions de type FATCA. Il s'agit par ailleurs d'obtenir une liste des Etats et territoires non coopératifs (liste ETNC). La manifestation d'une volonté au niveau de l'UE sera toujours plus forte qu'une initiative nationale. D'autres sujets doivent faire l'objet de travaux, comme l'élaboration des registres des trusts. Nous ne sommes pas allés aussi loin que nous l'aurions souhaité sur ce sujet considérable.

Je voudrais enfin m'exprimer sur la régularisation des fraudeurs. Je lis en la matière des choses très contrastées, comme si nous voulions entretenir la confusion ou la polémique sur ces sujets. Le gouvernement sait très clairement ce qu'il veut faire. Nous n'allons pas tomber dans le travers qui consisterait à indiquer aux fraudeurs qu'au motif qu'un durcissement de l'arsenal répressif et pénal est opéré, nous allons attendre de les confondre pour récupérer les sommes dues. Une approche exclusivement pénale serait absurde, alors que le durcissement peut inciter les fraudeurs à régulariser leur situation de leur propre initiative. Il nous importe ici qu'ils paient leurs impôts et que ce qu'ils doivent au pays puisse être acquitté dans un contexte de redressement des comptes. Ce processus requiert des conditions de droit commun et de transparence, ainsi que la possibilité pour le Parlement de connaître les conditions de régularisation.

Par droit commun, j'entends que les contribuables souhaitant se régulariser doivent pouvoir le faire auprès des services de l'administration fiscale sans qu'une structure particulière ne soit créée pour les accueillir. Les structures adéquates existent déjà, et elles fonctionnent. Je pense notamment à la Direction nationale de vérification des situations fiscales. Le droit commun signifie aussi que les textes votés par le Parlement, et qui définissent le niveau des peines, doivent pouvoir être appliqués à ces contribuables qui viennent se conformer au droit. Je tiens à rappeler que ceux des contribuables qui ne se régularisent pas mais sont confondus au terme des enquêtes se voient appliquer un niveau de pénalités de 80 %. Il est normal que ceux qui se présentent à l'administration fiscale d'eux-mêmes se voient appliquer des pénalités, elles aussi définies par le législateur, moins importantes. Ces pénalités ne peuvent pas être laissées dans le flou, ce qui donnerait le sentiment que des transactions opaques sont opérées. Les règles doivent exister, reprendre ce que le Parlement a voté, et s'appliquer à tous les contribuables dans les mêmes conditions. Le principe d'égalité devant l'impôt doit être respecté. C'est pourquoi j'ai indiqué que le droit commun signifie non seulement le passage devant les structures compétentes, mais aussi l'application des barèmes votés par Parlement, précisés dans leur application par une circulaire que je prendrai, et dont le Parlement aura à connaître annuellement. Je rendrai compte en effet chaque année des conditions dans lesquelles ces procédures ont été appliquées : combien de dossiers, de personnes, de fonds récoltés, quelles conditions de traitement des dossiers. Tout sera fait en toute transparence. Aucune remise sur le montant des impôts ne sera opérée. Enfin l'anonymat ne sera pas de mise. Ceux qui viendront devant l'administration viendront eux-mêmes, sans le truchement d'un conseil.

Je me tiens maintenant à votre entière disposition pour répondre à vos questions.

M. François Pillet, président . -Merci Monsieur le Ministre. Je passe la parole à notre rapporteur.

M. Eric Bocquet . -.Merci Monsieur le Président.

Monsieur le Ministre, je reviens sur le retour des « repentis ». Un quotidien national évoquait ce week-end le chiffre de 5 000 évadés qui auraient pris contact avec vos services pour régulariser leur situation. Confirmez-vous ? En cas de réponse positive, et j'imagine qu'elle l'est, comment les choses se passent-elles

Ma deuxième question a trait à la liste des Etats non coopératifs. Elle n'a à ma connaissance pas encore été publiée par la France. Pourquoi ? Est-ce un signe de faiblesse, de difficulté supplémentaire dans l'appréhension de ce sujet difficile ?

Vous avez fait référence au sommet du G8 qui s'est tenu hier en Irlande du Nord. J'ai sous les yeux la déclaration finale. J'ai le sentiment, et vous me direz si vous le partagez, que nous sommes encore trop dans la déclaration d'intentions. Il ne me semble pas qu'aient été actées des décisions engageant la mise en oeuvre de procédures précises à partir d'aujourd'hui. S'agit-il d'une déclaration de compromis, les intérêts entre ces huit Etats pouvant être divergents, voire antagoniques ? Quels ont été les Etats les plus réticents à la rédaction de ce texte - je pense notamment à l'échec de l'enregistrement des trusts ? Y a-t-il front uni au sein de l'UE et du G8 ?

Enfin nous venons d'entendre Monsieur Michel Aujean, ancien Directeur des analyses et des politiques fiscales à la Direction générale de la fiscalité de l'UE. Il nous a cité le cas d'une entreprise qui « gagnait » 5,6 milliards d'euros grâce au régime des intérêts notionnels, tel qu'il existe en Belgique et en Italie. Avez-vous une estimation du coût de ce régime particulier pour nos finances publiques ?

M. Bernard Cazeneuve, Ministre délégué auprès du ministre de l'Economie et des Finances, chargé du Budget . -Merci Monsieur le Rapporteur pour ces questions.

Concernant l'impact des dispositifs d'intérêts notionnels belge et italien, cette question a été évoquée à plusieurs reprises dans vos travaux. Elle implique pour nous des éléments de retraitement assez complexes qui ne garantissent pas que ce calcul puisse être effectué et la réponse apportée de façon précise. Mes services sont en train de se pencher sur ce sujet. Je vous propose de vous adresser dans les meilleurs délais une réponse écrite. Vous pourrez ensuite faire des demandes complémentaires.

M. Eric Bocquet. - Vous mesurez bien l'importance de l'enjeu compte tenu des montants cités.

M. Bernard Cazeneuve, Ministre délégué auprès du ministre de l'Economie et des Finances, chargé du Budget. - L'enjeu est important, la mesure est complexe et ne peut donc être aléatoire. C'est pourquoi je propose de prendre le temps d'apporter une réponse précise à cette question qui nous préoccupe autant que vous.

Concernant les 5 000 noms, si nous avions une idée précise du nombre de personnes susceptibles de se présenter à nous et du montant que nous pouvons récupérer de leur part, cela signifierait que nous savons qui fraude et combien chaque fraudeur détient. Ce n'est pas le cas. Il s'agirait, sinon, d'une défaillance de nos services. Or je sais l'exigence qu'ils se fixent dans leur mission. Nous ne pouvons donc répondre à votre question qu'année après année, en fonction des données récupérées grâce aux dispositifs que nous avons mobilisés.

Nous sommes dans une nouvelle étape législative. Nous procédons à un renforcement des sanctions contre les personnes morales ou physiques qui fraudent, seules ou en bande organisée. Par ailleurs ce projet de loi renforce également les moyens alloués à l'administration et la Justice. Dans ce sens, nous créons un parquet spécialisé. Cette organisation va réarticuler le rôle entre les juridictions régionales et le parquet spécialis. Il s'agit de garantir la couverture la plus large du territoire et le traitement du plus grand nombre de cas. Cette nouvelle organisation est un élément déterminant porté par le dispositif législatif. Nous saurons au terme de cette mobilisation le nombre de cas concernés. Nous en rendrons compte annuellement, ainsi que des sommes prélevées, des conditions de traitement et des pénalités et amendes appliquées à chaque cas.

Concernant la liste ETNC, il serait efficace qu'elle soit publiée par l'UE elle-même. Une telle liste aurait en effet beaucoup plus de force qu'une liste nationale. Nous y travaillons. Si nous n'y parvenons pas, nous prendrons nos responsabilités pour publier cette liste en France dans les meilleurs délais, dans les semaines qui viennent. Le principe est simple : il ne suffit pas d'être dans une convention d'échange d'informations avec la France pour ne pas figurer dans la liste ETNC. Si être signataire d'une convention est un préalable, il faut également la respecter.

Au niveau du G8, vous avez raison, Monsieur le Rapporteur : des choses ont été faites, mais il reste beaucoup à faire. Si la signature de conventions automatiques d'échanges d'informations, grâce notamment aux initiatives américaines, a permis de changer la donne, il est évident que sur les trusts, les registres, les déclarations pays par pays, les avancées ne peuvent être que progressives. Le Président français a affirmé que les avancées étaient réelles, mais que la France aurait espéré aller plus loin.

L'idée est donc de poursuivre ce combat en profitant de la dynamique au sein de l'UE pour aller au bout de la transparence et du démantèlement des trusts.

M. François Pillet, président . - J'ai deux questions à titre personnel.

D'abord sur la transparence des poursuites, un parquet spécialisé va être créé. Pour autant, en matière de fraude fiscale, les poursuites sont impossibles tant que l'administration n'a pas saisi la Commission des infractions fiscales (CIF). Cela peut amener à penser que l'administration peut choisir ses cibles ou ses victimes - ma formule est forte. Ne pensez-vous pas qu'il est temps de supprimer cette procédure ?

Ma deuxième question est plus générale : Certaines auditions, dont celle particulièrement claire de Monsieur Peyrelevade, ont attiré notre attention sur le fait que l'harmonisation fiscale est peu évoquée. Si celle-ci était plus étendue, de nombreux problèmes seraient réglés. Le gouvernement envisage-t-il d'inciter les Etats membres de l'UE à parvenir à une harmonisation fiscale acceptable dans un délai bref ?

M. Bernard Cazeneuve, Ministre délégué auprès du ministre de l'Economie et des Finances, chargé du Budget. - Merci Monsieur le Président pour ces deux questions.

Je veux revenir, si vous le permettez, sur la question des trusts, pour apporter des compléments d'informations. D'abord, la notion de trust n'existe pas en droit français. Elle existe essentiellement en droit anglo-saxon. Son usage n'est pas nécessairement opaque ou destiné à accompagner des actions de fraude fiscale, mais peut viser des fins caritatives. Le G8, malgré les difficultés posées par le positionnement de certains pays sur la publication des registres, a prévu des plans internationaux pour identifier les propriétaires des trusts. C'est un premier pas, qui mérite d'être souligné. Je rappelle par ailleurs que le sujet de la transparence des structures opaques n'est à l'ordre du jour de la communauté internationale que depuis le G20 de Washington en avril dernier. Nous avons donc avancé très vite sur des sujets n'ayant émergé que récemment, et la France a décidé d'être offensive.

Pour en venir à vos deux questions, nous pensons qu'il ne faut laisser aucun interstice au fraudeur. L'articulation entre l'administration fiscale et la Justice doit être optimisée, afin que leur action conjuguée fasse peser une pression dissuasive sur le fraudeur. Je tiens à cette articulation, car le temps d'action de l'administration fiscale est court : entre le moment où elle constate la fraude et celui où elle demande au contribuable de payer les sommes dues, il s'écoule moins de temps que lorsque la Justice est mise en mouvement. Nous devons avoir cette rapidité d'intervention, qui garantit que le fraudeur ne pourra pas prendre le temps de nous faire oublier ce qu'il doit, et que les éventuelles amendes et pénalités seront appliquées rapidement. Le montant le plus élevé des amendes et pénalités appliqué ces dernières années était de 65 millions d'euros, ce qui n'est pas rien. La moyenne des peines sous forme d'amendes et de pénalités est par ailleurs très significative. Nous avons donc intérêt à ce temps court et à cette rapidité des peines. En même temps, dès lors que l'administration fiscale constate qu'une action judiciaire est nécessaire, nous devons avoir la garantie de la fluidité et de la transparence de cette transition. C'est pourquoi je suis extrêmement favorable à ce qu'il soit rendu compte devant le Parlement, dans des conditions à préciser, de la manière dont la CIF examine les dossiers qui lui sont transmis et dont elle décide ou non de les transmettre à la Justice. L'administration fiscale transmet un peu plus d'un millier de dossiers par an à la CIF, qui décide de ne pas donner suite à environ 10 % d'entre eux. L'administration fiscale est donc très sévère au regard de ce qu'apprécient les magistrats de la Cour des comptes ou du Conseil d'Etat membres de la CIF. Je comprends qu'il serait légitime de rendre compte des raisons pour lesquelles une partie des dossiers a échappé à la transmission au juge judiciaire.

M. François Pillet, président . -Certes, mais une saisine de la CIF est très rare au regard du nombre de contrôles. Le procureur qui assiste aux audiences du Tribunal de commerce peut être témoin de faits qui posent problème au niveau fiscal. Il serait intéressant que lui aussi puisse déclencher les poursuites

M. Bernard Cazeneuve, Ministre délégué auprès du ministre de l'Economie et des Finances, chargé du Budget. - Monsieur le Président, je voudrais faire deux remarques.

D'abord pour ce qui concerne les chiffres précis, 1 126 dossiers ont été fournis à la CIF, qui en a transmis 987 au juge. Un grand nombre des dossiers contrôlés et non transmis à la Justice a fait l'objet de la part de l'administration fiscale d'une sanction à caractère pénal, sous forme d'amendes et de pénalités parfois extrêmement lourdes. Je trouve donc absurde la discussion sur une immunité pénale du fraudeur, car le fraudeur qui se déclare de sa propre initiative et qui se voit appliquer une peine et une amende fait déjà l'objet d'une sanction pénale de fait.

La question est donc de savoir si le fraudeur échappe à la procédure judiciaire ou non. La gradation entre la faute commise et la sanction appliquée est une préoccupation permanente. La Justice s'exposerait à une embolisation si la proportion était évitée et si la pénalisation était systématique.

Les 1 000 dossiers transmis à la CIF ne sont donc pas les seuls à faire l'objet d'une sanction pénale. Les dossiers qui ne lui sont pas transmis sont aussi parfois très lourdement sanctionnés. Parmi le millier de dossiers faisant l'objet de poursuites pénales, ceux qui aboutissent à des peines de privation de libertés sont peu nombreux. Il n'y a donc pas nécessairement de corrélation entre la sévérité de la peine et la nature de la procédure dans laquelle elle est décidée.

Il importe à notre sens que l'administration fiscale soit réactive, qu'elle pénalise financièrement au bon niveau - donc sévèrement - et que tout ce qui relève de la compétence de la Justice ne lui échappe pas. Les juges doivent avoir les moyens de travailler de façon indépendante, d'où la création du parquet spécialisé. Les conditions de fonctionnement de la CIF doivent être transparentes.

Concernant la composition de la CIF, les critères à partir desquels elle agit et le rendu de son activité, le Parlement peut en être informé si les parlementaires le souhaitent. En tant que Ministre du Budget, je ferai toujours en sorte que ce soit possible.

J'ajoute que selon l'article L-101 du Livre des procédures fiscales, une autorité judiciaire qui soupçonne une fraude doit immédiatement saisir l'administration fiscale pour que celle-ci puisse diligenter les procédures adaptées. Les liens entre l'administration et le pouvoir judiciaire sont donc réels. Par ailleurs depuis un arrêt de la Cour de cassation, le juge judiciaire peut se saisir et instruire toute infraction relevant du blanchiment de fraude fiscale sans que l'administration fiscale n'ait eu à agir préalablement.

La question de l'harmonisation fiscale est essentielle. Nous sommes mobilisés dans le cadre des réflexions conduites par le commissaire Semeta, notamment autour de l'impôt des sociétés.

M. François Pillet, président . -Merci beaucoup. Je donne la parole à mes collègues.

Mme Nathalie Goulet . -.Monsieur le Ministre, merci pour vos propos. Vous savez combien le Sénat et la première Commission avaient déjà travaillé sur ces sujets. Voir arriver un texte que nous allons voter bientôt est une très bonne nouvelle.

Ma première question porte sur l'Etat actionnaire. L'Agence pour les participations de l'Etat regroupe environ 134 milliards d'euros dans des sociétés multiples et variées. Nous avons auditionné son responsable, et il semblerait que l'Etat soit parfois un peu schizophrène : actionnaire d'un côté, il a parallèlement un autre rôle en matière fiscale. Nous avions donc proposé lors de la précédente Commission d'enquête que cette agence puisse établir un rapport au Parlement, notamment au regard de l'utilisation de schémas d'optimisation fiscale par les sociétés dont l'Etat est actionnaire. Il me semble important que le Parlement soit bien informé sur l'Etat actionnaire, en dehors du jaune budgétaire.

La deuxième question est directement liée à l'audition que nous venons d'avoir. Elle rejoint une proposition faite notamment dans le projet de loi sur la modernisation de l'économie, à savoir la création d'un pôle universitaire de recherche sur la fiscalité internationale. Dans l'ensemble des auditions que nous avons eues, les difficultés de cerner et d'appréhender la fraude ont été évoquées, notamment pour les prix de transfert. Nous avons abordé ce point lorsque nous avons évoqué l'efficacité des conventions fiscales. Le problème de la formation des personnels qui vont devoir appréhender la fraude fiscale est donc extrêmement important, surtout face à l'internationalisation de cette fraude. Pourrez-vous soutenir ce projet de centre scientifique sur la fiscalité internationale ?

M. Philippe Dominati . - M. le Ministre, je voudrais connaître votre sentiment sur le rôle des banques françaises. C'est un secteur qui préoccupe tous les gouvernements depuis 2008 et la crise financière. Nous avons déjà procédé à un certain nombre d'auditions. Ces banques entretiennent très souvent des liens étroits avec l'Etat, ce qui est naturel. Quel est le rôle des banques nationales et votre appréciation du secteur bancaire national dans l'éventuelle évasion de capitaux ? Je pose la même question pour les banques étrangères sur le territoire national. Nous avons eu connaissance, s'agissant de ces dernières, d'un certain nombre d'exemples à l'occasion de la dernière Commission d'enquête, mais il semblerait que des éléments nouveaux soient apparus.

Le titre de la commission a trait aux acteurs financiers. A côté des banques, des secteurs financiers adoptent-ils des comportements peu citoyens au regard des impôts qu'ils doivent à l'Etat ? En ciblez-vous certains en particulier ?

Enfin, vous avez donné votre sentiment sur l'efficacité de votre administration. Estimez-vous que la France dispose d'un dispositif et d'une administration assez performants pour lutter contre l'évasion fiscale ? Cette préoccupation a fait partie des sujets de notre dernière Commission. Je pense qu'une dynamique a été établie depuis 2008. Considérez-vous que vous vous inscrivez dans la continuité de cette dynamique ou avez-vous constaté des lacunes qui vous amèneraient à envisager une rupture et d'autres propositions ?

J'ai noté qu'à l'occasion du sommet du G8 le Président de la République s'est vu reprocher l'existence de nos propres paradis fiscaux. Est-ce à tort ou à raison ? Envisagez-vous une action particulière ? Certains chefs d'Etat nous ont demandé de revoir la situation d'Andorre ou de Monaco.

M. Jacques Chiron . - Vos services vont-ils mener une action forte à partir des connaissances dont ils disposeront sur le milieu bancaire dans les mois qui viennent ? Les relations entre l'administration fiscale et les banques françaises vont-elles permettre de déterminer comment elles ont pu accompagner l'optimisation, puis l'évasion, puis la fraude fiscale ? Nos propres manques ont-ils pu accompagner ces dérives ? Quels moyens les banques ont-elles utilisés le cas échéant ? Nous avons récemment été surpris de constater qu'une banque ne peut pas demander à sa propre filiale comment sont gérés les comptes de citoyens français qui ont transféré des fonds dans le pays accueillant cette filiale. C'est notamment le cas en Suisse. En va-t-il de même dans les Etats de l'UE dont la fiscalité est avantageuse ?

M. Bernard Cazeneuve, Ministre délégué auprès du ministre de l'Economie et des Finances, chargé du Budget. - Je répondrai tout d'abord aux questions de Madame Goulet relatives à la situation des entreprises publiques au regard des entreprises privées. Pour nous, la loi fiscale est la même pour toutes les entreprises, publiques ou privées. Les entreprises publiques ont même un devoir supplémentaire de se conformer au droit. L'Etat étant garant, avec les juges, de l'application du droit, il serait paradoxal que des entreprises ayant l'Etat comme actionnaire soient moins vertueuses, alors que l'Etat a les capacités d'exercer un droit de regard très précis sur leur fonctionnement. Par ailleurs les entreprises publiques bénéficient comme les autres d'un certain nombre de règles, notamment le secret fiscal.

Nous sommes dans une situation nouvelle, avec une évolution des esprits, et des exigences exprimées par des Etats, dont la France, au sein d'organisations internationales et européennes. Je pense notamment au reporting pays par pays, qui a été inscrit dans la loi bancaire sous la condition que l'UE en accepte le principe. Nous sommes très favorables à un avancement progressif sur ce sujet, et en même temps très attachés à faire en sorte que la France ne soit pas seule à agir ainsi. Si tel devait être le cas, nous exposerions nos entreprises à des conséquences préjudiciables, au prétexte que nous souhaitons être à l'avant-garde. Nous devons faire « bouger les lignes », sous réserve que nos initiatives ne portent pas atteinte aux intérêts de notre économie et de nos entreprises.

Concernant nos intentions au regard de nos propres paradis fiscaux, je tiens à souligner la différence entre ceux situés près de la France et ceux qui font partie intégrante d'un Etat. Andorre et Monaco sont des Etats souverains, contrairement à certains paradis fiscaux qui dépendent de la Couronne britannique. Nous pensons pourtant que tous les paradis fiscaux doivent être l'objet de notre action. C'est pourquoi une liste ETNC à l'échelle de l'UE témoignerait de sa volonté d'éradiquer partout les paradis fiscaux qui dépendent d'elle, entraînant ainsi une évolution au niveau international. La volonté de la France est de durcir la liste. La convention d'échanges d'informations ne suffit pas, mais elle doit être effective.

Par ailleurs, les relations fiscales entre la France et Monaco garantissent depuis 1963 l'absence d'optimisation. En outre, Monaco a été récemment évalué de façon plutôt satisfaisante par le Forum mondial. Il faut être précis dans la terminologie : certains paradis fiscaux méritent d'être appelés comme tels, mais qualifier ainsi Andorre et Monaco relève de la simplification. Compte tenu des évolutions que j'ai mentionnées et des conventions signées avec Andorre, ces deux Etats ne peuvent plus être qualifiées de paradis fiscaux.

M. Eric Bocquet . - Quelle est la situation de ces deux territoires au regard du GAFI et sa liste des Etats non coopératifs ?

M. Bernard Cazeneuve, Ministre délégué auprès du ministre de l'Economie et des Finances, chargé du Budget. - Je ne dispose pas de cette information. En revanche, le GAFI utilise des critères de blanchiment et non des critères fiscaux à proprement parler.

Vous me posez ensuite la question des banques, de la finance et de l'efficacité de l'administration.

En ce qui concerne les banques et la finance, les choses ont beaucoup évolué au cours des derniers mois. Vous avez voté une loi qui change considérablement la relation de l'Etat, des organismes de contrôle et de l'administration fiscale avec les banques sur les sujets qui nous intéressent aujourd'hui. Avant le vote de la loi bancaire, les banques n'avaient pas l'obligation de déclarer à Tracfin les mouvements suspects ayant transité par elles. Nous sommes très vigilants à ce qu'aucun de ces mouvements n'échappe à l'obligation de signalisation. L'efficacité de Tracfin monte en puissance. La loi bancaire oblige par ailleurs l'ensemble des filiales des banques à déclarer leurs activités à l'étranger. Enfin, nous complétons les dispositions de la loi bancaire par celles contenues dans la loi dont vous aurez à débattre dans les prochaines semaines. La future loi condamnera les conseils ou les banques qui franchissent la ligne entre l'optimisation fiscale et la fraude fiscale. Les banques elles-mêmes doivent donc être vigilantes dans les conseils qu'elles donnent à leurs clients.

S'agissant de l'efficacité de l'administration fiscale, une caractéristique de cette dernière, au-delà des critiques qui lui sont faites, tient au fait qu'elle a un haut sens de l'intérêt général et un sens du droit qu'elle applique de façon très rigoureuse. L'administration fiscale est plus critiquée pour des excès de rigueur et de contrôle que pour des excès de laxisme.

M. Eric Bocquet . - Monsieur le Ministre, nous avons auditionné à votre place la semaine dernière Monsieur Condamin-Gerbier. Vous avez entendu parler des propos qu'il a pu tenir devant la Commission. Ces déclarations vous ont-elles amené à prendre des dispositions au niveau de votre Ministère ? Je fais référence aux déclarations relatives à une liste de personnalités politiques de premier plan qui détiendraient des comptes en Suisse. Allez-vous prendre des initiatives ? Par ailleurs la presse bruisse d'échos selon lesquels l'entourage du Président de la République était informé dès le mois de décembre de la situation de votre prédécesseur. Ce dernier a-t-il pu avoir un contact avec quiconque au Ministère de l'Economie et des Finances sur ce sujet ? Approuvez-vous les conditions dans lesquelles l'échange d'informations avec la Suisse a été conduit ? Il s'est en effet avéré que des questions restaient en suspens. Pouvez-vous nous indiquer si Tracfin a été consulté pour vérifier l'existence de signalements portant sur des comptes de votre prédécesseur ? Cette précaution a-t-elle été prise pour les Ministres actuellement en exercice ?

Je voudrais revenir sur l'enquête OffshoreLeaks du mois d'avril. Constatez-vous un afflux de déclarations d'avoirs à l'étranger ? Quelles dispositions avez-vous prises pour répondre fiscalement à cette éventuelle situation ? Pourriez-vous nous préciser la nature et les enjeux de ces déclarations tardives ?

Quel est le montant des redressements fiscaux appliqués aux contribuables dits à fort enjeu et aux personnes sensibles ? Quelle est l'évolution des transactions conclues avec ces deux catégories de contribuables ?

Enfin un projet de réforme de la Direction générale des Finances publiques est-il en cours pour garantir son absolue indépendance.

M. Bernard Cazeneuve, Ministre délégué auprès du ministre de l'Economie et des Finances, chargé du Budget. - Je vais commencer par la première question, relative aux déclarations de Monsieur Condamin-Gerbier devant votre commission - des propos qu'il a aussi pu exprimer dans d'autres cadres. J'ai invité ce matin Monsieur Condamin-Gerbier à se rendre au 139 rue de Bercy pour qu'il communique cette liste. S'il en a une, qu'il la communique. Nous sommes dans un Etat de droit et non de délation. Le droit doit passer quand l'infraction est commise. Nous ne sommes pas dans un Etat de rumeurs, dans lequel la réputation d'un tiers pourrait être jetée en pâture sans preuves.

M. Eric Bocquet . - Des contacts ont-ils été établis ?

M. Bernard Cazeneuve, Ministre délégué auprès du ministre de l'Economie et des Finances, chargé du Budget . - J'ai demandé publiquement à Monsieur Condamin-Gerbier de bien vouloir déposer cette liste à Bercy. Je dois toutefois agir dans le respect scrupuleux du droit car il a été auditionné par un juge. J'ai cru comprendre qu'il doit l'être de nouveau. Nous devons tout faire pour que les initiatives éventuellement prises par Bercy respectent les prérogatives de la Justice, dont nous n'avons pas à entraver les enquêtes. Par ailleurs, nous devons pouvoir enquêter sur ces sujets dès lors que nous avons les éléments. Je n'ai pas à connaître ces éléments ; en revanche, l'administration de Bercy doit pouvoir en disposer. Elle procédera à l'ensemble des investigations relevant de ses compétences. On ne peut pas reprocher à notre administration de ne pas détenir des informations qui ne lui ont pas été transmises malgré ses demandes.

M. Eric Bocquet . - Est-ce à dire qu'aujourd'hui Bercy ne dispose d'aucune information corroborant ces déclarations ?

M. Bernard Cazeneuve, Ministre délégué auprès du ministre de l'Economie et des Finances, chargé du Budget. - J'ai invité moi-même ce matin Monsieur Condamin-Gerbier à venir transmettre cette liste à l'administration de Bercy, de manière à ce que l'administration compétente puisse procéder aux investigations qui relèvent de ses prérogatives conformément au droit. L'Etat de droit n'est encore une fois pas un Etat de rumeur ou de délation. Je m'engage solennellement devant votre Commission à ce que l'administration compétente procède à toutes les investigations qui doivent être conduites si des éléments et des preuves lui sont communiqués.

M. Eric Bocquet . - Monsieur Condamin-Gerbier a-t-il répondu ?

M. Bernard Cazeneuve, Ministre délégué auprès du ministre de l'Economie et des Finances, chargé du Budget. - A ma connaissance, il ne s'est pas présenté devant nos services. S'il l'avait fait, je n'aurais pas à en connaître. Lorsque les services disposent de ce type d'élément, ils travaillent en toute indépendance et sans recevoir de ma part d'instruction. Je tiens à cet élément aussi, et je dois m'y conformer rigoureusement.

M. Eric Bocquet . - Monsieur Condamin-Gerbier dispose-t-il de mesures de protection particulières ? Il a fait état d'un climat particulier autour de sa personne, voire de menaces.

M. Bernard Cazeneuve, Ministre délégué auprès du ministre de l'Economie et des Finances, chargé du Budget. - L'expérience avec Monsieur Falciani montre que lorsque la protection d'une personne est nécessaire pour assurer le bon déroulement d'une enquête sensible, nous prenons toutes les dispositions requises. Monsieur Condamin-Gerbier peut donc transmettre ses éléments à l'administration fiscale. S'il se sent menacé en raison des éléments à sa disposition, sa demande de protection sera prise en compte.

Vous m'interrogez ensuite sur les demandes d'échanges d'informations auxquelles il a été procédé dans le cadre de l'affaire dite Cahuzac. Un bilan annuel des échanges d'informations dans le cadre de notre réseau conventionnel est transmis au Parlement, à l'occasion de la présentation du projet de loi de finances initial, sous la forme d'une annexe jaune au projet de loi de finances. Cette annexe comprend des données chiffrées et actualisées qui répondent précisément à votre demande. Concernant la demande adressée à la Suisse, comme toute information couverte par le secret professionnel ou fiscal, je m'engage à ce que tous les éléments qui vous sont communicables en votre qualité de Rapporteur de la Commission d'enquête puissent vous être transmis. Vous avez un pouvoir de contrôle sur pièces et sur place. J'ai déjà parfois pris les devants pour que ce contrôle puisse s'exercer dans des conditions de transparence absolue. Je vous confirme ici que si vous souhaitez exercer ce pouvoir de contrôle sur pièces et sur place, je m'engage à ce que la tâche vous soit grandement facilitée.

L'information judiciaire sur ce sujet est en cours. Elle nous permettra de déterminer dans quelle mesure la réponse de l'administration fiscale suisse a pu donner de la situation de Jérôme Cahuzac une image erronée ou non. Par ailleurs, les auditions parlementaires en cours ont déjà permis à M Pierre Moscovici de rappeler que les questions que l'administration fiscale a adressées aux autorités suisses étaient les plus larges possibles, aussi bien dans leur objet que dans la période et dans l'espace.

M. Eric Bocquet . - Tracfin a-t-il vérifié les informations évoquées ?

M. Bernard Cazeneuve, Ministre délégué auprès du ministre de l'Economie et des Finances, chargé du Budget. - Je peux vous répondre de façon générale. Je vous confirme que Tracfin et la Direction générale des Finances publiques échangent efficacement les informations dont ils disposent.

M. Eric Bocquet. - Qu'en est-il du cas particulier de Monsieur Cahuzac ?

M. Bernard Cazeneuve, Ministre délégué auprès du ministre de l'Economie et des Finances, chargé du Budget. - Je ne peux pas vous répondre sans enfreindre le secret fiscal. Je comprends qu'il soit dans la nature de cet exercice de me pousser à cette faute, mais je ne la commettrai pas. Un Ministre doit s'appliquer les règles que vous élaborez vous-mêmes pour garantir la protection du contribuable dans le contradictoire. Je peux donc évoquer devant vous toutes les questions, sauf celles que, par le vote de la loi, vous m'avez interdit d'évoquer devant la représentation nationale. Mais je prends l'engagement que vous pouvez obtenir la réponse à cette question si vous exercez votre pouvoir de contrôle sur pièces et sur place.

M. Eric Bocquet . - Pour être très clair, ma question ne portait pas sur la situation particulière d'un contribuable, mais sur le fonctionnement de l'organisme Tracfin.

M. Bernard Cazeneuve, Ministre délégué auprès du ministre de l'Economie et des Finances, chargé du Budget . - Je vous confirme que l'échange régulier qui a lieu avec la Direction générale des Finances publiques permet d'optimiser, renforcer et conforter l'efficacité

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